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Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 2/8)

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STATUES ET AUTRES ORNEMENTS
DU JARDIN DES TUILERIES EN 1789.

SUR LA TERRASSE QUI BORDE LE CHÂTEAU.

Deux Nymphes chasseresses, par Coustou l'aîné.

Un chasseur assis, par le même.

Un faune jouant de la flûte, par Coyzevox.

Une hamadryade qui semble l'écouter, par le même.

Une Flore, par le même.

Un vase, par Robert.

Un autre, par Le Gros.

AUTOUR DU BASSIN DU MILIEU.

Pluton enlevant Proserpine, par Regnaudin.

La mort de Lucrèce, commencée par Théodon, et finie par Pierre Le Pautre.

Énée portant son père Anchise, par le même.

L'enlèvement d'Orithye, commencé par Marsy, et terminé par Flamen.

AU BOUT DE LA GRANDE ALLÉE, EN FACE DU GRAND BASSIN.

Annibal comptant les anneaux des chevaliers romains tués à la bataille de Cannes, par Sébastien Slootz.

L'Hiver et le Printemps, par Le Gros.

La Vestale, par le même.

Jules César, par Nicolas Coustou.

L'Automne et l'Été; la statue d'Agrippine, copiée d'après l'antique.

AU-DELÀ DU BASSIN.

Le Tibre et le Nil, figures colossales copiées d'après l'antique.

La Seine et la Marne, par Nicolas Coustou.

La Loire et le Loiret, par Vanclève.

À L'ENTRÉE DU PONT TOURNANT.

Deux chevaux ailés, dont l'un est monté par une Renommée, et l'autre par un Mercure. Ces deux figures, de la main de Coyzevox, étoient autrefois à Marly[515].

PORTE DE LA CONFÉRENCE.

Elle étoit située à l'extrémité de la terrasse des Tuileries, du côté de la rivière, et terminoit la dernière enceinte, commencée sous Charles IX et achevée sous Louis XIII[516].

Le nom de cette porte, qui n'a été démolie qu'en 1730, et la date de sa construction, ont fait naître des opinions contradictoires et de longs débats parmi les historiens de Paris. D. Félibien a prétendu d'abord qu'il n'y avoit de différence que dans le nom entre la porte Neuve et celle de la Conférence; puis il dit dans un autre endroit qu'on bâtissoit cette porte en 1659, dans le temps des conférences entre les ministres de France et ceux d'Espagne, lesquelles furent suivies de la paix des Pyrénées. D'autres pensent qu'elle fut élevée sous François Ier, et reconstruite lors de ces dernières conférences. Sauval, après en avoir parlé quelque part comme d'un monument existant déjà du temps de Charles IX, semble ailleurs la confondre avec la porte Neuve. Le sixième plan de Delamare la présente également comme déjà bâtie sous le même règne. Enfin Piganiol, qui a cru être mieux instruit, dit «qu'il ne paroît pas, par les historiens contemporains, que, pour lors, ni long-temps après, il y eût ici une porte.» Et il ajoute «qu'il n'étoit pas difficile à nos historiens d'éviter plusieurs fautes qu'ils ont faites à ce sujet; qu'ils n'avoient qu'à jeter les yeux sur l'estampe que Perelle en a faite, et qu'ils auroient vu que cette porte fut élevée en 1633, et qu'il est assez vraisemblable que le nom de porte de la Conférence lui a été donné à l'occasion des conférences de Surène entre les députés du roi et ceux de la ligue, qui commencèrent le 29 avril 1593.»

Toutes ces assertions semblent peu exactes. 1o Il est impossible d'accorder que la porte Neuve, qui étoit presque dans l'alignement de la rue Saint-Nicaise, et celle de la Conférence, située au bout des Tuileries, aient été la même porte. 2o Il n'est guère probable que cette dernière subsistât sous François Ier, ni même sous les deux, règnes suivants, puisque le jardin des Tuileries n'existoit pas encore. 3o Il n'y a guère d'apparence qu'elle doive son nom aux conférences de Surène, puisque l'historien qui rapporte cette opinion prétend qu'elle ne fut bâtie que quarante ans après ces conférences; et du reste il est certain qu'elle ne peut l'avoir reçu de celles qui précédèrent en 1659 la paix des Pyrénées; car elle se trouve déjà figurée sur des plans qui ont été tracés en 1608 et 1620[517], et désignée sous ce nom dans différents mémoires qui ont également paru avant cette époque; 4o Le raisonnement que l'on fait pour prouver qu'elle n'existoit pas sous Henri III, parce qu'il sortit de Paris par la porte Neuve[518], ne peut paroître valable, puisqu'il est dit que le roi, après être sorti par cette porte, se rendit au Jardin des Tuileries, aux Feuillants, etc. Cette circonstance ne prouve clairement qu'une chose, c'est que la porte Neuve n'étoit pas la même que celle de la Conférence, située en-deçà du palais et du jardin; et dire que les historiens qui ont rapporté ce fait n'ont pas parlé de cette dernière porte, ce n'est pas démontrer qu'elle ne fût pas déjà bâtie à cette époque.

Le commissaire Delamare a été la cause de cette dernière erreur, parce qu'il est le premier qui ait confondu ces deux portes ensemble, en disant «que la porte Neuve, proche le Louvre, fut reculée, en 1566, jusqu'au lieu où elle est à présent.» Il est certain cependant qu'elles ont existé ensemble, comme on peut s'en convaincre par le plan de Boisseau, de 1643, celui de Gomboust, de 1652, et le sixième plan que Delamare lui-même a donné. De tout ceci on peut conclure que cette porte fut construite peu de temps après qu'on eut entouré de murs l'emplacement du jardin des Tuileries[519]. En effet, il n'est pas vraisemblable que l'extrémité de ce jardin fût bordée, comme elle l'étoit, d'un fossé qui alloit jusqu'à la rivière, sans supposer en même temps une porte et un pont-levis pour empêcher ou faciliter la communication du chemin qui régnoit le long de ce jardin, du côté de l'eau, et qui conduisoit à la porte Neuve, située au milieu de la galerie.

L'ÉGLISE SAINT-ROCH.

En sortant des Tuileries par la porte du nord, et rentrant dans la rue Saint-Honoré, le premier monument que l'on rencontre est l'église paroissiale de Saint-Roch. L'origine de cette église est très-connue et ne présente aucune obscurité.

L'emplacement sur lequel elle est bâtie étoit anciennement occupé par une grande maison accompagnée de jardins; on l'appeloit l'hôtel Gaillon, et ce nom étoit devenu celui du quartier où elle étoit située. À côté de cet hôtel s'élevoit une chapelle, sous l'invocation de Sainte-Suzanne, dont on ignore l'origine et le fondateur[520]. Auprès de ce petit monument, à l'endroit où l'on a construit depuis le portail et les marches de l'église, une autre chapelle avoit été bâtie, dès l'an 1521, sous le titre des Cinq-Plaies, par Jean Dinocheau, marchand de bétail, et Jeanne de Laval sa femme. Les habitants de ce quartier, qui étoit compris dans la circonscription de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, s'étant considérablement multipliés, formèrent le dessein de faire construire une église succursale de cette paroisse, qu'ils trouvoient trop éloignée; et la chapelle des Cinq-Plaies leur parut propre à remplir cet objet.

Étienne Dinocheau, fourrier ordinaire du roi, et neveu du fondateur, bien loin de s'opposer à ce dessein, en rendit l'exécution plus facile, tant par la générosité qu'il eut de renoncer aux droits qu'il pouvoit avoir sur cette chapelle, que par la cession qu'il fit, le 13 décembre 1377, d'un grand jardin et d'une place qui en dépendoit. Le 15 octobre suivant, les habitants achetèrent encore la chapelle de Gaillon, dite de Sainte-Suzanne, avec ses dépendances; et ce fut sur ces divers terrains que fut construite la succursale, dans des dimensions beaucoup plus petites et avec bien moins de magnificence que le monument qui existe à présent.

Les historiens de Paris ne sont pas d'accord sur l'année où l'on acheva de bâtir cette première église. Mais comme ils ne diffèrent entre eux que de deux ou trois ans, nous n'entrerons pas dans la discussion des raisons de cette différence, laquelle ne présenteroit aucun résultat intéressant. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que la permission de l'official pour l'érection de cette succursale est du 15 août 1578; et l'on peut supposer que la construction de l'édifice dura deux ou trois ans. On la consacra sous l'invocation de Saint-Roch, parce que ce nom étoit celui d'un hôpital[521] que Jacques Moyen ou Moyon, Espagnol de naissance, avoit commencé à établir sur cet emplacement, et qu'il se vit obligé de céder aux paroissiens.

L'église Saint-Roch resta pendant assez long-temps dépendante de Saint-Germain-l'Auxerrois; et, suivant l'usage observé dans la hiérarchie ecclésiastique, le curé de cette paroisse en nommoit le desservant. Cet état de choses dura jusqu'en 1633, où elle fut érigée en église paroissiale par François de Gondi, alors archevêque de Paris. À cette époque, le nombre de ses paroissiens étoit déjà considérablement augmenté; et comme il ne cessoit encore de s'accroître de jour en jour, il arriva, quelques années après, que cette église se trouva trop petite pour que le service divin pût s'y faire commodément. Alors les marguilliers furent autorisés à acheter la totalité du terrain qui dépendoit de l'hôtel Gaillon; et, en 1653, on jeta les fondements de l'église que nous voyons aujourd'hui.

Elle fut commencée sur les dessins de J. Le Mercier, alors premier architecte du roi. Ce fut Louis XIV qui en posa la première pierre, dans laquelle on plaça deux médailles, dont l'une portoit le portrait de ce prince, l'autre celui d'Anne d'Autriche, et toutes les deux au revers l'image de saint Roch. Une inscription gravée sur cette pierre indiquoit le nom des fondateurs et la date de la fondation.

La situation du terrain ne permit pas de suivre l'antique usage, et de tourner au levant le chevet de cette église: il est exposé au nord. Le bâtiment en resta long-temps imparfait, sans être voûté, et n'ayant qu'un simple plafond de bois. Discontinué et repris plusieurs fois pendant le cours du dix-septième siècle, il fut enfin achevé dans le dix-huitième par les libéralités du roi et les dons généreux de plusieurs riches paroissiens.

Le grand portail qui donne sur la rue Saint-Honoré fut construit le dernier par Jules-Robert de Cotte, intendant général des bâtiments du roi; et directeur général de la monnoie et des médailles, d'après les dessins de Robert de Cotte son père, premier architecte de Louis XIV et de Louis XV. La première pierre en fut posée le 1er mars 1736. Ce portail, assez purement exécuté, a eu beaucoup de réputation, et semble avoir servi de modèle à la plupart de ceux qui ont été élevés depuis, quoiqu'il ne soit lui-même qu'une imitation du style peu sévère de Mansard: c'est une décoration en bas-relief composée de deux ordres dorique et corinthien, où il règne une certaine harmonie, mais dans laquelle on chercheroit vainement cet effet imposant des péristyles, dont les colonnes isolées non-seulement présentent un utile abri, mais n'ont pas besoin, comme ces surfaces monotones, de cette multiplicité de ressauts et de profils, au moyen desquels on essaie d'offrir à l'œil quelques foibles projections d'ombres, et de rompre leur fatigante uniformité.

On a suppléé, par des groupes et des ornements très-soigneusement finis, à ce manque d'effet; et les connoisseurs ont pu distinguer dans ces travaux le passage du style usité au siècle de Louis XIV à celui dont la maigreur et l'affectation ont ensuite caractérisé les productions du règne de Louis XV. Les figures sculptées par Claude Francin, de l'Académie royale de sculpture, représentoient, en deux groupes, quatre pères de l'Église avec les attributs qui leur conviennent; les armes du roi, qui remplissoient le fronton, et la croix qui le surmontoit, étoient de la main du même sculpteur[522]. Les ornements ont été exécutés par Louis de Montceau, de l'académie des Maîtres. Le style de ces divers morceaux étoit tel, que si l'on n'y trouvoit pas toute la dépravation qui, dans les arts d'imitation, fut le caractère du siècle dernier, on y reconnoissoit du moins les premières traces du mauvais goût qui l'a si rapidement amenée.

Ce portail a quatorze toises de largeur sur treize toises trois pouces d'élévation, depuis le pilier du perron jusqu'à la pointe du fronton. Une heureuse disposition du terrain a obligé d'y placer un grand nombre de marches, ce qui produit un bon effet et annonce dignement un édifice consacré à la religion[523].

La distribution intérieure de l'église Saint-Roch offre des singularités qu'on ne rencontre dans aucun autre monument du même genre à Paris. Elle est composée d'une nef et trois chapelles, qui se suivent dans l'alignement du portail, et se prolongent ainsi en ligne droite jusqu'à l'extrémité de l'édifice. Les bas-côtés de la nef, également prolongés derrière la première chapelle, consacrée à la Vierge, tournent ensuite autour de la seconde qui est celle de la Communion[524]. La troisième, qu'on nomme chapelle du Calvaire[525], est une espèce de rotonde coupée que l'on a ajouté depuis à l'église, et qui se rattache à ces constructions. Il résulte de cette disposition et de la forme du maître-autel, construit à la romaine et placé au rond-point du chœur, que, du portail de l'église, l'œil traversant la nef et l'arcade au bas de laquelle cet autel est posé, plonge dans la profondeur immense de cette enfilade de chapelles, qui, toutes les trois, sont éclairées par une lumière différente et dégradée à dessein, ce qui produit un effet presque théâtral, et peu convenable peut-être à un édifice sacré.

La nef de cette église, composée d'arcades d'une assez belle proportion, est décorée d'un ordre de pilastres doriques, couronné d'un entablement denticulaire, lequel se trouve aussi répété dans le pourtour de la croisée. Les deux chapelles qui la suivent offrent un ordre de pilastres corinthiens disposés de la même manière; et le long des bas-côtés, on a établi un assez grand nombre de petites chapelles, dont les autels sont placés de manière qu'on peut les apercevoir de la nef, à travers les percées des arcades[526].

Cette église étoit très-riche et peut-être trop riche en peintures et en sculptures: les archivoltes des arcades sont encore chargées de trophées et de figures; la même profusion d'ornements se fait remarquer dans les croisées; et malheureusement toutes ces décorations, faites dans une époque de décadence, sont du plus mauvais goût.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-ROCH EN 1789.

TABLEAUX.

Dans la seconde chapelle à gauche en entrant, sainte Élisabeth, par le Lorrain.

Dans la troisième, une Nativité, par le Moine.

Dans la sixième, le martyre de saint André, par Jouvenet.

Dans la dernière, un saint François d'Assise, par Michel Corneille.

Dans une chapelle à côté du chœur, saint Louis mourant, donnant ses derniers conseils à son fils Philippe-le-Hardi, par Antoine Coypel.

Dans la chapelle de la croisée à gauche, saint Denis prêchant la foi en France, par Vien.

Dans celle de la droite, un tableau de Doyen, sujet de la guérison des ardents.

La coupole de la chapelle de la Vierge offre une Assomption de la Vierge, peinte à fresque, par Pierre, ouvrage au-dessous du médiocre, et loué avec l'emphase la plus ridicule par tous les compilateurs qui ont donné des descriptions de Paris. Le même peintre a représenté sur la coupole de la chapelle suivante le triomphe de la religion.

Les quatre Évangélistes que l'on voyoit dans l'attique de la première coupole avoient été exécutés par Louis Silvestre, Verdot et Desormay.

SCULPTURES.

Aux deux côtés de la principale porte du chœur étoient deux chapelles décorées en marbre, par Coustou le jeune, architecte. Chacune étoit ornée d'une statue: la première, par Falconnet, représentait J.-C. au jardin des Olives; la seconde, saint Roch, par Nicolas Coustou.

Les deux chapelles des croisées étoient également incrustées d'ornements en marbre, sur les dessins de Coustou jeune.

La chapelle de la Communion offrait une Annonciation en marbre blanc, par Falconnet; Jésus-Christ tenant sa croix, et saint Roch, par François Anguier. Au-dessus, on avoit pratiqué une gloire céleste de cinquante pieds sur trente, dont les rayons, mêlés de nuages et de chérubins, partoient d'un transparent lumineux, ce qui produisoit une espèce d'illusion qui, dans un lieu saint, rappeloit un peu trop les gloires de l'Opéra.

Aux deux côtés de l'autel, dans la chapelle de la Vierge, étoient deux statues en bronze doré, de huit pieds de proportion, représentant les prophètes David et Isaïe.

La chapelle du Calvaire étoit ornée de plusieurs groupes de figures qui composoient des scènes intéressantes. On y voyoit un Jésus crucifié et la Madeleine éplorée au pied de la croix, par Anguier. Ce groupe étoit placé au sommet de la montagne. Deux soldats préposés à la garde du tombeau, occupoient l'un des côtés. Du bas de la montagne on montoit à ce calvaire par deux portes taillées dans le roc. L'autel étoit en marbre bleu turquin, et les ornements qui le décoroient avoient été exécutés sur les dessins de Falconnet, sculpteur, et de Boulée, architecte[527].

TOMBEAUX ET SÉPULTURES.

Dans cette église avoient été inhumés:

Dans un caveau pratiqué à l'entrée de la chapelle de la Vierge, Marie-Anne de Bourbon-Conti, fille naturelle de Louis XIV et de la duchesse de la Vallière, morte en 1739.

Dans la sixième chapelle à gauche, André Le Nôtre, intendant et architecte des jardins de Louis XIV, mort en 1700[528].

Dans la dernière chapelle du même côté, le comte Fortuné Ragony, mort en 1723[529]; et Claude François Bidal, marquis d'Asfeld, maréchal de France, mort en 1743[530].

Dans la nef, Nicolas Mesnager, habile négociateur sous le règne de Louis XIV, mort en 1714[531].

Les deux frères François et Michel Anguier, sculpteurs célèbres, morts, le dernier en 1686, le premier en 1699.

Pierre Corneille, le créateur de la tragédie moderne, et l'un des plus beaux génies de son siècle, mort en 1684.

Antoinette du Ligier de la Garde, marquise Deshoulières, célèbre par ses poésies, morte en 1694. Antoinette Thérèse Deshoulières sa fille, connue aussi par quelques poésies, morte en 1718.

Pierre Louis Moreau de Maupertuy, mathématicien habile, mort en 1759[532].

François Séraphin Régnier Desmarets, poète françois, mort en 1713.

Alexandre Lainez, connu par quelques poésies agréables, mort en 1710.

La circonscription de la paroisse de Saint-Roch commençoit à la partie de la rue Saint-Honoré où étoit autrefois la boucherie des Quinze-Vingts, c'est-à-dire au coin de la rue des Boucheries; elle embrassoit ensuite les rues de l'Échelle et de Saint-Louis en totalité, les deux côtés de la rue Saint-Honoré jusqu'à la porte du même nom, puis une partie de la rue du Luxembourg et des Capucines, la rue de Louis-le-Grand et la rue Neuve-Saint-Augustin en entier; reprenant ensuite la rue de Richelieu à la rue de Ménars, elle comprenoit les maisons à droite de cette rue jusqu'à celle Saint-Honoré, dont elle avoit également le côté droit jusqu'à la rue des Boucheries, point de départ[533].

COMMUNAUTÉ DE SAINTE-ANNE.

À côté de ce monument étoit placée une institution aussi importante qu'utile, connue sous le nom de communauté de Sainte-Anne, fondée par Nicolas Fromont ou Frémont, grand audiencier de France, en faveur des pauvres filles de la paroisse de Saint-Roch, à l'effet de leur procurer, avec une instruction chrétienne, une industrie suffisante pour leur faire gagner honnêtement leur vie. Pour l'exécution de ce dessein, cet homme charitable acheta un emplacement appartenant à la fabrique de Saint-Roch, y fit construire une maison convenable pour l'objet qu'ils étoit proposé, et ajouta à ce premier bienfait une rente de quatre cents livres sur l'Hôtel-de-Ville. Plusieurs personnes pieuses concoururent, par leurs libéralités, au succès de cet établissement, qui fut confirmé par le roi et l'archevêque, au mois de mars 1686. Cette communauté, établie rue Neuve-Saint-Roch, étoit composée de quinze sœurs, qui, animées d'un zèle que la religion peut seule inspirer, enseignoient gratuitement aux filles pauvres de la paroisse la couture, la tapisserie, la dentelle, et tous les ouvrages qui conviennent à leur sexe. Cet établissement a été administré jusqu'au commencement de la révolution[534], conformément aux intentions de son pieux fondateur, dont le nom doit être cher aux amis de la religion et de l'humanité.

JACOBINS DE LA RUE St-HONORÉ.

Ce couvent, devenu si fameux depuis la révolution, étoit situé entre l'église Saint-Roch et la place Vendôme.

Il y avoit autrefois à Paris plusieurs couvents de l'ordre des frères prêcheurs, connus en France sous le nom de Jacobins, dénomination qu'ils prirent d'une chapelle sous l'invocation de saint Jacques, qui leur fut cédée, en 1217, lors de leur premier établissement en France. Le couvent dont il s'agit ici, situé rue Saint-Honoré, étoit d'une fondation beaucoup plus moderne, et habité par les jacobins dits réformés. Voici ce qui donna lieu à cette réforme.

Il paroît que l'ordre des frères prêcheurs, institué au commencement du treizième siècle par saint Dominique, sans s'écarter entièrement des règles prescrites par son fondateur, commençoit cependant à se relâcher de sa première ferveur, lorsque le P. Sébastien Michaelis forma le dessein de rétablir la règle dans toute sa pureté, et d'en bannir le relâchement et tous les abus qui s'y étoient insensiblement introduits. Il commença par faire adopter sa réforme dans quelques couvents du Languedoc et de la Provence. Le chapitre général de l'ordre des frères prêcheurs, qui se tint à Paris en 1611, et auquel le P. Michaelis fut député, parut à ce saint moine une occasion favorable pour y proposer le même réglement, et l'introduire à la fois dans la capitale et dans les autres provinces du royaume. Cependant, quoique le général favorisât les vues du réformateur, les jacobins du grand couvent de Paris s'opposèrent si fortement à tout projet d'innovation, que le chapitre ne crut pas devoir adopter le changement proposé. Trompé dans ses espérances, le P. Michaelis n'en poursuivit pas moins son dessein; et sentant redoubler son zèle par les obstacles mêmes qui lui étoient opposés, il ne craignit point de s'adresser au roi lui-même et à la reine régente, Marie de Médicis, pour obtenir la permission de bâtir un couvent de frères prêcheurs de sa réforme; ce qui lui fut accordé par lettres-patentes du mois de septembre 1611, enregistrées le 23 mars 1613. Henri de Gondi, évêque de Paris, ne se contenta pas d'approuver ce nouvel établissement par sa lettre du 8 avril 1612, il mérita d'en être regardé comme le principal fondateur par le don qu'il fit à ces religieux d'une somme de cinquante mille livres. Ce fut avec ce secours, et au moyen des libéralités du sieur Tillet de La Bussière, et de quelques autres personnes pieuses, qu'ils achetèrent un enclos de dix arpents, où ils firent construire leur église et leur couvent tels qu'ils existoient encore en 1789.

Ces bâtiments étoient d'une architecture extrêmement médiocre, mais ils contenoient quelques objets d'arts, et plusieurs monuments dont nous allons donner une courte description.

TABLEAUX.

Au-dessus du maître-autel, un excellent tableau de Porbus, où ce peintre avoit représenté l'Annonciation, titre sous lequel cette église étoit dédiée.

Dans la seconde chapelle, à droite du portail, un saint François du même peintre. Dans la cinquième, un tableau de Colombel. Dans une autre, deux Apôtres, par Rigaud. Une descente de croix d'après Le Brun, par Houasse.

Deux tableaux attribués à Mignard, un Ecce homo et une Mère de douleur.

Dans la salle du conseil.

Plusieurs portraits peints par Rigaud, savoir: ceux de Louis XIV, du dauphin, de la duchesse d'Orléans, douairière; de la comtesse de Toulouse, du cardinal de Fleury, etc.

SCULPTURES.

Dans une chapelle à gauche, richement décorée, étoit le mausolée de François Blanchefort de Créqui, maréchal de France. Ce monument avoit été exécuté sur les dessins de Le Brun, par Coyzevox et Joly. Le buste du maréchal, représenté à mi-corps, cuirassé et joignant les mains, étoit l'ouvrage du premier de ces deux sculpteurs. Un grand bas-relief en bronze, de la main du second, offroit une image de la bataille de Kochersberg, en Alsace, gagnée par cet illustre capitaine[535].

Vis-à-vis la chaire étoit placé le tombeau de Pierre Mignard. Ce mausolée, ouvrage du sculpteur Le Moine, fut déposé depuis au musée de la rue des Augustins. La comtesse de Feuquière, fille de ce peintre célèbre, y est représentée à genoux, et priant Dieu pour son père. Deux génies l'accompagnent. Au-dessus est le buste de Mignard, par Desjardins. C'est un monument mal conçu et encore plus mal exécuté, quoique extrêmement vanté dans toutes les descriptions de cette église.

André Félibien, historiographe des bâtiments du roi, auteur de plusieurs ouvrages estimés, et son fils, Nicolas-André Félibien, prieur de Saint-Étienne de Virazel, avoient aussi leur sépulture dans cette église.

Cette maison possédoit un cabinet d'histoire naturelle très-curieux, formé par les soins du P. Labat, connu par ses relations d'Afrique et d'Amérique. La bibliothèque, composée d'environ trente-deux mille volumes, contenoit des éditions rares et quelques manuscrits précieux[536].

C'est dans la salle de cette bibliothèque que se rassembla depuis cette horde de frères prêcheurs institués par le génie du mal, et dont les prédications ont eu des effets qui épouvantent encore le monde, et feront à jamais l'horreur de la postérité[537].

PLACE VENDÔME.

Cette place, qui fut d'abord connue sous le nom de Place des Conquêtes et de Louis-le-Grand, a pris ensuite celui de Vendôme, parce qu'elle fut faite sur l'emplacement qu'occupoit l'hôtel de ce nom.

Lorsque Charles IX eut formé le dessein d'étendre l'enceinte de Paris, et d'y renfermer les Tuileries, chacun s'empressa de bâtir dans le faubourg Saint-Honoré, qui commençoit, à cette époque, à l'endroit où étoient les Quinze-Vingts. Sur l'emplacement qu'occupe actuellement la place Vendôme, les ducs de Retz avoient fait élever un hôtel assez vaste, accompagné de jardins[538]. En 1603, la duchesse de Mercœur acheta cette habitation, et fit en même temps l'acquisition de plusieurs grands terrains qui l'environnoient, dans l'intention de faire abattre l'hôtel, d'en faire construire un plus considérable, et de fonder auprès une église et un couvent pour les Capucines nouvellement instituées. Ces deux projets furent exécutés à la fois, et elle posa elle-même la première pierre du couvent le 29 juin 1604. L'hôtel de Mercœur passa ensuite dans la maison de Vendôme, dont il prit le nom, par le mariage de Françoise de Lorraine, fille unique du duc de Mercœur, avec César, duc de Vendôme, fils légitimé de Henri IV.

Louvois, qui avoit succédé à Colbert dans la charge de surintendant général des bâtiments, voulant signaler son ministère par quelques monuments remarquables, inspira à Louis XIV le dessein de faire ouvrir une grande place, pour faciliter les communications entre la rue Saint-Honoré et la rue Neuve-des-Petits-Champs. Pour l'exécution de ce projet, il proposa au roi d'acheter[539] le vaste emplacement qu'occupoit l'hôtel de Vendôme; et comme le couvent des Capucines nuisoit à l'exécution de ce projet, on leur fit bâtir dans la rue Neuve-des-Petits-Champs l'église et le couvent qu'elles occupoient encore au commencement de la révolution. Elles y furent transférées en 1689, et l'on abattit les anciens bâtiments qu'elles avoient occupés.

Suivant le plan alors adopté pour cette place, elle devoit former un grand carré de soixante-dix-huit toises de large sur quatre-vingt-six de long, et n'avoir que trois faces, l'entrée du côté de la rue Saint-Honoré restant ouverte dans toute sa largeur. Les bâtiments qui l'auroient environnée étoient destinés à recevoir la bibliothèque du roi, les différentes académies, et à former les hôtels des monnoies et des ambassadeurs extraordinaires. La mort de Louvois suspendit l'exécution de ce grand projet, qui fut ensuite entièrement abandonné.

Quelques années après (le 7 avril 1699), le roi fit présent à la ville des emplacements acquis en 1685, et de tous les matériaux déjà rassemblés, avec la faculté de les vendre; mais sous la condition qu'elle feroit construire au même endroit une nouvelle place d'après un autre plan, et en outre qu'elle se chargeroit de faire bâtir à ses frais, au faubourg Saint-Antoine, un hôtel pour la seconde compagnie des mousquetaires. La ville accepta ce traité, et rétrocéda tous ses droits, le 10 mai suivant, au sieur Masneuf, moyennant la somme de 620,000 livres, à la charge par lui de faire démolir les constructions commencées, et d'exécuter pour l'érection de la place le nouveau plan adopté, lui fixant pour terme de cette opération le 1er du mois d'octobre 1701; ce qui fut exécuté.

Cette place, bâtie sur les dessins de Jules-Hardouin Mansard, a de diamètre soixante-quinze toises sur soixante-dix. Sa coupe présente des pans dans les angles, et par conséquent huit façades. Un grand ordre corinthien élevé sur un soubassement qui a de hauteur les cinq huitièmes de l'ordre, forme la décoration de ces façades; au-dessus de l'entablement corinthien sont des lucarnes en pierre, de forme alternativement variée.

Les pans coupés des angles sont composés d'un avant-corps de trois arcades, et de deux arrière-corps qui en ont chacun une. Ces avant-corps ainsi que les pans, comparés avec le diamètre de la place, sont trop petits; de telles lignes forment d'ailleurs un effet désagréable, et devroient toujours être exclues de l'architecture des grands édifices, dont une simplicité noble est le caractère essentiel.

Au milieu des grandes façades s'élèvent deux grands corps d'architecture symétrique. Ils présentent chacun cinq ouvertures, une de chaque côté en arrière-corps et trois en avant-corps, et sont couronnés de frontons, dont la grandeur est égale à celle des pans coupés. Ces deux constructions font un assez bel effet; cependant on y remarque des fautes impardonnables: par exemple, celle de les avoir ornées de colonnes engagées, tandis qu'il y avoit assez d'espace pour isoler ces colonnes, et que, dans le cas contraire, elles devoient être remplacées par des pilastres; une faute plus grande encore est d'y avoir introduit des colonnes jumelles, qui, pénétrées mutuellement l'une par l'autre avec leurs chapiteaux, présentent un effet absurde et presque monstrueux que les bons architectes ont toujours évité. La hauteur de l'ordre comprend deux étages[540].

Enfin cette place étoit mal percée, et quoique vaste, et dans son ensemble d'une assez belle ordonnance, elle n'offroit encore, il y a quelques années, que deux issues, dont la disposition étoit même si mauvaise, qu'on ne pouvoit la découvrir que de côté, en passant dans la rue Saint-Honoré ou dans celle des Petits-Champs. Cependant personne n'ignore que le principal mérite d'une place publique est dans sa situation, et qu'elle doit être disposée de manière qu'on puisse l'apercevoir de très-loin, et la traverser dans tous les sens[541].

Les hôtels qui l'environnent furent presque tous bâtis par des fermiers-généraux, et sous la conduite des meilleurs architectes[542]. Cependant il restoit encore, en 1619, des places vides qui furent toutes achetées par Law avec les billets de banque qu'il avoit introduits.

Au milieu de cette enceinte, entièrement composée de somptueux édifices, étoit autrefois placée la statue équestre de Louis XIV. Cette statue, d'un beau caractère, étoit de la main de Girardon. Elle avoit vingt-un pieds de hauteur, et fut fondue d'un seul jet[543], le 1er décembre 1692, par Jean-Balthazar Keller. Le 13 août 1699, ce monument colossal fut posé sur un piédestal de marbre blanc, de trente pieds de haut, sur vingt-quatre de long et treize de large, orné de cartels, de bas-reliefs et de trophées de bronze doré. Sur ses quatre faces étoient des inscriptions latines[544] relatives aux grandes actions du monarque, et exprimant particulièrement la reconnoissance de la ville de Paris pour les bienfaits dont il l'avoit comblée[545].

LES FEUILLANS
DE LA RUE SAINT-HONORÉ.

Le monastère des Feuillans étoit situé rue Saint-Honoré, vis-à-vis la place Vendôme. C'étoit une congrégation particulière de religieux réformés de l'ordre de Cîteaux, qui avoit pris son nom de l'abbaye de Notre-Dame des Feuillans dans le diocèse de Rieux, à quelques lieues de Toulouse. Jean de la Barrière, qui en étoit abbé commendataire en 1563, voulant consacrer le reste de ses jours à la pénitence, conçut le dessein d'y faire revivre dans toute sa rigueur l'ancienne observance de saint Benoît. En conséquence il prit l'habit religieux, fit profession dans cet ordre le 12 mai 1573, et s'occupa dès ce moment de mettre à exécution le projet de réforme qu'il avoit médité. Malgré les austérités extraordinaires qu'il pratiquoit, il eut bientôt un nombre de disciples assez considérable pour pouvoir en former une communauté, dont il fut reconnu abbé régulier en 1577, et béni comme tel dans l'église de la Dorade, à Toulouse, le 14 septembre de la même année. Cet établissement fut définitivement constitué, et la nouvelle réforme adoptée, quoiqu'elle passât en plusieurs points la sévérité de la règle primitive de Cîteaux. Les religieux devoient partager tout leur temps entre l'oraison, la psalmodie et le travail des mains; ils marchoient nu-pieds, la tête nue; dormoient tout vêtus sur des planches, et leur nourriture n'étoit que du pain le plus grossier, quelques herbes cuites ou crues et de l'eau pure. L'huile, le beurre, le poisson leur étoient interdits en tout temps, ainsi que la chair et le vin; du reste ils gardoient une solitude exacte, et un silence perpétuel.

Les merveilles qu'on publioit partout de l'abbé de Feuillans et de sa nouvelle communauté excitèrent la curiosité de Henri III. Ce prince voulut voir Jean de La Barrière, et lui écrivit lui-même le 20 mai 1583, pour lui ordonner de se rendre à Paris. Le saint abbé obéit, et y arriva au mois d'août suivant. Il prêcha devant le roi, et dans plusieurs églises, avec un succès qui répondit à la haute estime que tout le monde avoit conçue de son mérite. Henri III, charmé de son éloquence et touché de sa vie édifiante, voulut le retenir auprès de sa personne, et ne lui permit de retourner à Feuillans qu'à condition qu'il reviendroit dans la capitale, où il se proposoit de lui faire bâtir un monastère. Toutefois les ordres donnés à cet effet ne furent exécutés qu'en 1587. Alors Jean de La Barrière se mit une seconde fois en chemin pour Paris, accompagné de soixante-deux religieux de sa réforme. Ces pieux voyageurs partirent de Toulouse en procession, marchant deux à deux, la croix en tête, et pratiquant, pendant vingt cinq jours qu'ils mirent à faire cette longue route, tous les exercices spirituels qu'ils étoient tenus de faire dans le cloître. Ils arrivèrent le 9 juillet de la même année.

Henri III, qui étoit alors à Vincennes avec toute sa cour, envoya quelques seigneurs au-devant d'eux jusqu'à Charenton, et sortit lui-même de son château pour les recevoir. Ces religieux demeurèrent dans un prieuré de l'ordre de Grandmont, situé dans le bois de Vincennes, jusqu'au 7 du mois de septembre suivant, qu'ils en sortirent pour prendre possession de l'église et du couvent que le roi leur avoit fait bâtir au faubourg Saint-Honoré[546].

Cette nouvelle congrégation fut approuvée par le pape Sixte V, et érigée en titre par sa bulle du 3 novembre 1587, sous le nom de Congrégation de Notre-Dame de Feuillans. Elle fut distraite de la juridiction de l'abbé de Cîteaux, par Clément VIII, le 4 septembre 1592. Peu de temps après, ce souverain pontife jugea à propos de modérer la rigueur excessive et presque incroyable de cette réforme par sa bulle du 8 novembre 1595, et la rendit ainsi supportable en la rapprochant davantage de la règle de saint Benoît[547].

Les monastères qui embrassèrent cette nouvelle institution s'étant considérablement multipliés, tant en Italie qu'en France, Urbain VIII crut convenable, en 1630, de diviser les Français et les Italiens en deux congrégations différentes, gouvernées chacune par un général de leur nation. Celui de France étoit abbé né de Notre-Dame de Feuillans, et s'élisoit tous les trois ans dans le chapitre général, lequel pouvoit le continuer encore pendant trois autres années seulement. Ce général avoit le droit de visiter les maisons de son ordre, et d'y faire plus ou moins de séjour; mais, pendant les trois années de son généralat, il étoit obligé à dix-huit mois de résidence à Feuillans. Cet usage s'observoit très-exactement.

Henri IV ne fut pas moins favorable à cette congrégation que l'avoit été son prédécesseur: non-seulement il la confirma dans la propriété de tout ce qui lui avoit été donné par Henri III, mais encore il déclara qu'il vouloit partager avec ce prince le titre de son fondateur, et lui accorda tous les priviléges et prérogatives dont jouissoient les maisons de fondation royale.

La maison que Henri III avoit fait bâtir pour les Feuillans étoit petite et peu commode; les libéralités de Henri IV, et les dons que ces religieux obtinrent de la piété des fidèles[548], leur fournirent bientôt les moyens de faire construire un nouvel édifice plus spacieux et plus beau. Les bâtiments, auxquels le roi mit la première pierre en 1601, furent achevés en 1608, et le 5 août de la même année l'église fut dédiée par le cardinal de Sourdis, sous l'invocation de saint Bernard.

Cependant le portail de ce dernier monument n'existoit point encore; et ce ne fut qu'en 1629, sous le règne de Louis XIII, qu'on pensa à l'exécuter. François Mansard en fut l'architecte, et ce fut, dit-on, le coup d'essai de cet homme célèbre. Ce portail, qui a joui d'une grande réputation, mérite que nous en donnions une description un peu détaillée.

Il étoit composé de deux ordres de colonnes, l'un ionique, l'autre corinthien. Les colonnes de l'avant-corps étoient isolées, et celles des extrémités engagées. L'entablement de ces ordres retournoit sur chaque accouplement, et ces retours, faits pour donner à cette décoration un caractère de légèreté, produisoient une foule de petites parties qui nuisoient à l'effet général.

L'ordre ionique étoit d'une belle exécution, riche de détails parfaitement finis, mais qui par cela même sembloient trop recherchés, lorsqu'on les comparoit avec ceux de l'ordre supérieur. Celui-ci étoit d'une proportion relative beaucoup trop courte, ayant deux modules et un tiers de moins dans sa hauteur, ce qui lui donnoit une apparence chétive et contraire à la progression[549] que l'on doit observer entre les ordres élevés les uns sur les autres. Cet ordre supérieur étoit surmonté d'un fronton circulaire sur lequel on avoit placé deux figures d'une proportion trop forte, ce qui ajoutoit encore au défaut d'harmonie qu'on remarquoit dans l'ensemble de cette décoration.

Deux pyramides s'élevoient de chaque côté de ce frontispice; et cet ornement bizarre, l'amortissement circulaire qu'on remarquoit au-dessus du fronton, les consoles renversées ou arcs-boutants, les cartels du dessus des portes, étoient encore des restes de la barbarie gothique. Les figures, exécutées par un sculpteur nommé Guillin, étoient de la plus grande médiocrité[550].

On estimoit davantage la porte d'entrée du monastère, située en face de la place Vendôme. Elle avoit été construite par le même architecte, mais à une époque où son talent étoit mûri par l'étude et une longue pratique. Cette décoration, qui n'étoit composée que d'une porte carrée surmontée d'un fronton et accompagnée de quatre colonnes corinthiennes, offroit dans ses proportions la justesse et la noble simplicité qui fait le caractère de la bonne architecture. Au-dessus de cette porte à plate-bande, on voyoit un bas-relief d'une assez belle exécution, renfermé dans une table carrée. Il représentoit Henri III recevant l'abbé Jean de La Barrière et ses compagnons[551]. Cette porte ne fut construite qu'en 1676.

Dans l'intérieur de la cour, et en face du frontispice dont nous venons de parler, étoit une porte en voussure et ornée de refends d'un dessin assez élégant. L'intérieur de l'église n'avoit rien de remarquable.

Le passage qui communiquoit aux Tuileries avoit été ouvert pendant la minorité de Louis XV, pour donner au jeune roi la facilité de venir à l'office à ce couvent.

CURIOSITÉS DU MONASTÈRE DES FEUILLANS.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, une Assomption, par Bunel.

Dans le rond, deux anges, par La Fosse.

Sur l'autel de la sixième chapelle à droite, une Visitation, par Michel Corneille.

Dans la sixième chapelle à gauche, plusieurs peintures de Simon Vouet, entre autres le plafond représentant un saint Michel, lequel passoit pour un des chefs-d'œuvre de ce peintre.

Dans le vestibule d'entrée, un seigneur descendant de cheval, et recevant l'habit de Feuillans, par Loir.

Dans le réfectoire, quatre sujets tirés de l'histoire d'Esther, par Restout père.

Dans le chapitre, la Résurrection du Lazare, par Vien.

Dans la salle du roi, près l'église, les portraits des rois et reines de France depuis Henri III jusqu'à Louis XV inclusivement, ainsi que ceux des dauphins, fils et petits-fils de ce dernier roi.

Les chapelles, au nombre de quatorze, la nef et les diverses autres parties de l'église étoient décorées d'un grand nombre d'autres tableaux sans noms d'auteurs.

SCULPTURES.

Dans la troisième chapelle à gauche, une Vierge en bois doré, par Sarrazin.

TOMBEAUX ET SÉPULTURES.

Dans la première chapelle à droite on voyoit la statue en marbre de Raimond Phélippeaux, seigneur d'Herbaut, secrétaire d'état sous Louis XIII, mort en 1629. Il étoit représenté à genoux devant un prie-Dieu.

La seconde étoit destinée à la sépulture de la famille Pelletier.

La troisième avoit appartenu à MM. de Vendôme.

La quatrième offroit le mausolée de Guillaume de Montholon, conseiller d'état et ambassadeur, mort en 1722; son buste et deux Vertus, dont il étoit accompagné, composoient ce mausolée.

Dans la cinquième avoient été inhumés Louis de Marillac, maréchal de France, condamné à mort et exécuté le 10 mai 1631; et Catherine de Médicis son épouse, morte de douleur pendant qu'on instruisoit le procès de son mari[552].

Entre ces deux chapelles étoit le cénotaphe de Henri de Lorraine, comte d'Harcourt, et d'Alphonse de Lorraine son fils, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Ce monument, sculpté par Nicolas Renard, offroit trois figures symboliques: le Temps couché au pied d'un obélisque; une figure ailée, emblème de l'immortalité; et un génie en pleurs portant les médaillons de ces deux princes. Au-dessus de l'obélisque, un globe doré que surmontoit un aigle aux ailes éployées; un bas-relief en bronze doré et plusieurs autres accessoires ajoutoient encore à la richesse de ce monument.

Dans la première chapelle à gauche, un tombeau de marbre blanc en forme d'urne contenoit les restes mortels de Jeanne Armande de Schomberg, femme de Charles de Rohan, duc de Montbason, etc., morte en 1700.

La seconde appartenoit à la famille de Beringhem. Dans cette chapelle avoit été inhumé le maréchal d'Uxelles, ambassadeur extraordinaire au congrès d'Utrecht, ministre du conseil de régence, etc., mort en 1730.

La troisième, richement décorée, appartenoit à la famille des Rostaing, et étoit fermée d'une grille. Elle contenoit plusieurs tombeaux de ses membres les plus distingués: sous la croisée, étoient représentés à genoux Tristan de Rostaing, mort en 1591, et Charles de Rostaing son fils, mort en 1660. Une urne portée sur une colonne de marbre renfermoit le cœur d'Anne Hurault, fille du chancelier de Chiverni, femme de Charles de Rostaing, dont nous venons de parler, morte en 1635. On y voit encore les bustes de quatre autres personnages de cette maison[553].

Dans la quatrième, une figure à genoux devant un prie-Dieu offroit un portrait de Claude-Marie de l'Aubespine, femme de Médéric Barbezières, seigneur de Chemerault, morte en 1613.

Dans le chœur et dans le chapitre avoient été inhumés plusieurs généraux de l'ordre, et les PP. Jérôme et Turquois, prédicateurs estimés du dix-septième.

La bibliothèque de ce couvent pouvoit contenir environ 24,000 volumes.

LES CAPUCINS.

Au commencement du seizième siècle, plusieurs ordres religieux, institués dans les âges précédents, s'étoient plus ou moins écartés des règles prescrites par leurs saints fondateurs; et l'ordre de saint François n'avoit pas été exempt de ce relâchement. En 1525, Mathieu de Baschi, religieux de cette observance, fut le premier qui, non content de pratiquer sa règle dans toute son austérité, crut devoir entreprendre d'y ramener ses confrères par ses exhortations et ses exemples. Ses soins et son zèle ne furent pas sans succès; et il parvint bientôt à rassembler auprès de lui quelques imitateurs de sa pauvreté et de sa pénitence. Pour se distinguer de leurs anciens confrères, ces nouveaux religieux prirent un habit particulier[554]: c'étoit une longue robe de bure surmontée d'un capuce, ou capuchon pointu, qui fit donner le nom de capucins à ceux qui embrassèrent cette nouvelle réforme. Ils portoient aussi une longue barbe, marchoient nu-pieds et ne vivoient que d'aumônes. Cependant cet institut ne prit une forme régulière qu'en 1529, époque à laquelle le chapitre fut assemblé pour la première fois. On y fit des constitutions[555] qui furent approuvées, ainsi que l'ordre, par une bulle de Paul III, du 25 août 1536. Alors ces religieux furent adoptés et reconnus par l'Église entière, sous le nom de frères mineurs capucins, et leur nombre s'accrut assez rapidement. Mais ils n'obtinrent point, dans ces premiers temps, la permission de s'étendre au-delà de l'Italie; et le cardinal Charles de Lorraine, qui avoit connu des capucins au concile de Trente, et qui en avoit fait venir quatre qu'il logea dans son parc de Meudon, fut obligé de solliciter une bulle pour autoriser leur établissement en France. Tels furent, dans ce royaume, les foibles commencements de cet ordre fameux.

Quelques historiens pensent qu'après la mort du cardinal, décédé le 26 décembre 1574, ces religieux s'en retournèrent en Italie[556]. Quoi qu'il en soit, il paroît certain que les vues de ce prélat pour l'établissement des capucins en France furent remplies avant sa mort: car nous voyons que, dès 1572, le père Pierre Deschamps, cordelier françois, ayant embrassé cette réforme, le désir de mener une vie plus régulière lui procura bientôt quelques compagnons qui se logèrent avec lui à Picpus[557]. Il eut alors recours au pape Grégoire XIII, qui, par sa bulle du 10 mai 1574, lui permit d'établir en France l'ordre des frères mineurs capucins, permission qui déjà lui avoit été accordée par Charles IX[558].

Pour consolider cet établissement, le général de l'ordre envoya en France un commissaire général, avec douze religieux. Catherine de Médicis se déclara sur-le-champ protectrice de cette nouvelle communauté, et lui fit obtenir un emplacement pour bâtir une église et un couvent, don qui fut confirmé par lettres-patentes du mois de juillet 1576, enregistrées le 6 septembre suivant. Ainsi les capucins s'établirent cette année même au lieu qu'ils ont occupé jusqu'au moment de la révolution. Henri IV et ses successeurs, animés du même esprit, ne cessèrent point d'accorder une protection toute particulière à ces nouveaux enfants de saint François, qui, en 1789, comptoient en France plus de trois cents couvents de leur ordre.

Les bâtiments réguliers des capucins de la rue Saint-Honoré étoient moins simples que ceux des autres couvents du même ordre[559], et d'ailleurs si vastes qu'ils pouvoient contenir une communauté de 150 religieux. On leur avoit accordé cette grande étendue de terrain, parce que, lors de leur établissement, il n'y avoit aucune raison de le ménager dans un lieu qui étoit encore peu habité et hors de la ville. Ces bâtiments furent renouvelés en 1722. En 1731 ces pères firent rebâtir le portail et le mur du cloître, qui suivoient l'alignement de la rue Saint-Honoré; le chœur de leur église fut également reconstruit en 1735. C'est surtout dans ces dernières constructions qu'ils se sont un peu écartés de la simplicité uniforme constamment adoptée dans tous les couvents de leur ordre.

Jaillot a trouvé, dans un mémoire manuscrit, que cette église, qui, dans le principe, n'étoit qu'une simple chapelle, avoit été dédiée le 28 novembre 1575. Elle fut sans doute rebâtie peu de temps après; car on a un autre acte de dédicace, daté de 1583, lequel est, de même que le premier, sous le titre de l'Assomption de la Vierge. Ce bâtiment n'étant pas assez vaste, et l'ordre prenant de jour en jour plus de consistance, on jeta les fondements de l'église qui a subsisté jusqu'à l'époque de la révolution. Commencée en 1603, elle fut finie en 1610, et dédiée le 1er novembre de la même année; l'architecture en étoit médiocre.

Cette maison, la plus considérable en France d'un ordre qu'un siècle absurde et frivole accabloit d'un injuste et sot mépris, a produit un grand nombre de sujets distingués par leur naissance ou par leurs talents[560], et dont les noms ont passé même avec gloire à la postérité. Mais ce qui rendoit ces religieux vraiment recommandables, c'étoit la régularité avec laquelle ils remplissoient tous les devoirs d'un état austère, leur zèle infatigable dans les fonctions les plus pénibles du saint ministère, surtout une charité qu'aucun obstacle, aucun danger ne pouvoient effrayer ni ralentir. Le temps est déjà venu où l'on commence à regretter la destruction, où l'on sent vivement quelle étoit l'utilité de ces saintes réunions dont les membres, au milieu de la corruption des grandes villes, offraient des exemples frappants, ou, pour mieux dire, des leçons vivantes de toutes les vertus chrétiennes, les prêchoient publiquement dans les temples en même temps qu'ils les pratiquoient aux yeux de tous; et, s'ils ne parvenoient pas à détruire entièrement les mauvaises mœurs, contribuoient du moins à en arrêter le débordement, qui maintenant n'a plus de frein, et n'en pourra désormais trouver que dans la rigueur inflexible des cours d'assises et dans une rédaction plus sévère du code criminel.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES CAPUCINS.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, une Assomption, par La Hire.

Dans le rond, un portement de croix, par le même.

Au-dessus de l'autel, les vingt-quatre vieillards prosternés devant le trône de l'Agneau, par Dumont.

Derrière l'autel, du côté du cloître, un beau Christ mourant, par Le Sueur.

Dans la sacristie, Moïse serrant la manne dans l'arche, par Collin de Vermont.

Dans la dernière chapelle, près la porte, le martyre du P. Fidel, capucin et missionnaire à la Chine, par Robert.

STATUES ET TOMBEAUX.

Dans un des corridors du rez-de-chaussée, une statue de saint Augustin.

Dans la nef, les tombeaux des PP. Ange de Joyeuse et Joseph Le Clerc du Tremblay, dont nous avons déjà parlé.

La bibliothèque de cette maison contenoit environ vingt-quatre mille volumes. On y voyoit un modèle[561] en nacre de perles de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, et deux beaux globes céleste et terrestre, faits par Coronelli en 1693[562].

LES RELIGIEUSES
DE L'ASSOMPTION.

Derrière les bâtiments des Capucins étoit le couvent de l'Assomption, dont il ne reste plus aujourd'hui que l'église. C'étoit la demeure d'une communauté de religieuses de l'ordre de saint Augustin, qui y avoient été établies en 1632 par le cardinal François de La Rochefoucauld. Ces religieuses, connues avant cette époque sous le nom d'Haudriettes, avoient alors leur maison à l'entrée de la rue de la Mortellerie, près de la Grève. Nous parlerons en son lieu de l'origine de cette communauté ou hospice; il ne sera question ici que de l'événement qui causa la translation de la plupart d'entre elles à la rue Saint-Honoré, translation qui excita dans le temps de vives réclamations, sur la justice desquelles les historiens sont partagés. L'exposition des faits, constatés par des actes et des titres authentiques, mettra le lecteur en état fixer son opinion.

La maison, fondée par Étienne Haudri, pour y recevoir de pauvres filles ou veuves, n'étoit pas dans son origine regardée comme un couvent régulier; mais il paroît certain que dans la suite les bonnes femmes de la chapelle des Haudriettes (c'est ainsi qu'elles sont qualifiées dans les actes du temps) formèrent une communauté régulière, assujettie, par le fait, aux lois et observances auxquelles étoient soumises les maisons religieuses. Cet état de choses duroit depuis plus de deux cents ans, lorsque les Haudriettes, considérant que leurs anciennes constitutions n'étoient point conformes à l'état religieux qu'elles avoient embrassé, sollicitèrent le cardinal de La Rochefoucauld d'y faire les changements que les circonstances exigeoient. Ce prélat qui, en sa qualité de grand aumônier, avoit juridiction sur cet hospice, acquiesça à leur demande, et jugea convenable de leur faire embrasser la règle de saint Augustin. Les religieuses s'y soumirent avec joie, et s'y engagèrent par des vœux solennels, le 27 novembre 1620. Ces changements furent aussitôt autorisés par le roi Louis XIII, et ensuite confirmés par une bulle de Grégoire XV, du 5 décembre 1622.

Deux ans après cette réforme, c'est-à-dire le 20 juillet de cette même année, les Haudriettes présentèrent requête au cardinal, à l'effet d'être transférées dans une autre maison, se plaignant que celle qu'elles occupoient étoit située dans un endroit malsain, trop voisin de la rivière, exposé souvent aux inondations, et par cela même peu propre aux exercices paisibles de la vie religieuse. Le réformateur ayant visité en personne l'ancien couvent, et vérifié la justice de ces plaintes, autorisa la translation dans un lieu plus salubre. On n'en trouva point qui fut plus convenable à l'exécution de ce dessein que la maison même que ce cardinal occupoit au faubourg Saint-Honoré. Six religieuses, qui seules, selon Jaillot, composoient alors toute la communauté des Haudriettes, furent, d'après leur propre demande, transférées dans l'hôtel du cardinal, où elles firent aussitôt construire et distribuer les logements d'une manière convenable à une communauté. Cette demeure nouvelle prit alors le nom du couvent de l'Assomption. Le titre de l'hôpital d'Étienne Haudri fut éteint et supprimé; on en réunit les revenus au nouveau monastère du faubourg Saint-Honoré; et l'emplacement qu'il occupoit fut destiné à des usages profanes, la chapelle exceptée.

Telle est l'exposition des faits sur lesquels les historiens sont à peu près d'accord; mais ils sont loin de l'être sur les motifs et l'utilité du changement des Haudriettes en religieuses de l'Assomption.

D'abord Sauval, et ceux qui l'ont aveuglément copié, ont hasardé, sans le moindre examen, une opinion injurieuse à la mémoire du cardinal de La Rochefoucauld, en lui supposant, dans cette réforme, des vues d'intérêt personnel pour la vente de son hôtel. Jaillot repousse avec chaleur un soupçon aussi avilissant, et justifie ce prélat par un fait matériel qui tranche toute discussion. C'est que, dès le 16 août 1605, il avoit vendu son hôtel aux jésuites, et que ce fut d'eux que les religieuses de l'Assomption l'achetèrent par contrat du 16 février 1623.

Sauval, qui montre contre le cardinal de La Rochefoucauld et les religieuses de l'Assomption une animosité qui fait suspecter sa bonne foi, prétend que «de quarante religieuses formant la communauté des Haudriettes, six seulement consentirent à être transférées au faubourg Saint-Honoré, et que les religieuses restées à la maison de la rue de la Mortellerie formèrent des oppositions tant à la bulle qu'aux lettres-patentes du roi; qu'elles obtinrent même, au grand conseil, un arrêt du 13 décembre 1624, qui ordonna qu'elles seroient rétablies dans leur hôpital, et qu'elles rentreroient en possession de tous leurs biens et revenus.» Nous avons vu que Jaillot avance que les six religieuses transférées formoient alors toute la communauté; il répond à l'objection de l'arrêt du 13 décembre 1624, que «ce furent quelques pauvres filles, lesquelles cachoient dans le faubourg Saint-Marcel leur misère et leur paresse, qui, sous le nom d'Haudriettes, se pourvurent au grand conseil, et obtinrent l'arrêt en question.»

Comme ni l'un ni l'autre historien n'appuie son assertion d'aucune autorité, il nous semble qu'on approcheroit beaucoup de la vérité en disant que la translation et la réforme ne se firent pas d'un consentement unanime, et qu'un petit nombre de religieuses, auxquelles se joignirent peut-être quelques filles ou veuves qui recevoient des secours dans cet hôpital, obtinrent l'arrêt dont il est parlé. Quoi qu'il en soit, cet arrêt fut cassé par celui du conseil d'état, du 19 du même mois de décembre.

Ces contradictions ne furent pas les seules que les religieuses de l'Assomption eurent à éprouver dans leur nouvel établissement. Les héritiers de Jean Haudri les attaquèrent par les voies juridiques, comme ayant détourné les biens de la fondation du véritable objet auquel ils avoient été destinés par le fondateur. Les administrateurs des hôpitaux revendiquèrent aussi, de leur côté, les revenus de l'ancienne maison des Haudriettes, comme faisant partie du bien des pauvres. Nonobstant toutes ces réclamations et oppositions, le conseil d'état persista dans ses arrêts précédemment rendus, confirma les changements faits par le cardinal de La Rochefoucauld, et ordonna l'enregistrement, au grand conseil, de la bulle, des lettres-patentes et des statuts faits pour la réforme des Haudriettes.

Jusqu'en 1670, les religieuses de l'Assomption n'eurent dans leur maison qu'une très-petite chapelle. Leur communauté étant devenue plus nombreuse, elles firent bâtir l'église et le dôme qui existent aujourd'hui, sur les dessins d'Errard, peintre du roi et premier directeur de l'académie de France à Rome. Les travaux, commencés en 1670, furent achevés six ans après; et le 14 août 1676, l'église fut bénite par M. Poncet, archevêque de Bourges.

Ce monument a la forme d'une tour élevée, surmontée d'une calotte sphérique de soixante-deux pieds de diamètre. Elle est ornée de caissons et de peintures à fresque, par Charles de La Fosse, représentant l'Assomption de la Vierge.

On peut justement reprocher à ce petit édifice d'être beaucoup trop élevé pour son diamètre, ce qui donne à son intérieur l'apparence d'un puits profond plutôt que la grâce d'une coupole bien proportionnée. Cette élévation intérieure, qui sans doute n'eût pas été trop forte si la coupole eût été soutenue sur des arcades et pendentifs au milieu d'une nef, d'un chœur et des bras d'une croix grecque ou latine, devient excessive lorsqu'elle se trouve bornée de toutes parts par un mur circulaire; et le spectateur, ne pouvant avoir une reculée suffisante, ne parvient à considérer la voûte qu'avec une très-grande gêne. Cette tour, qui monte également de fond par dehors, sans presque aucun empatement, n'a point l'effet pyramidal ni l'élégance qu'elle eût acquise par des retraites bien ménagées.

Le seul portail, placé dans la cour de ce monastère et décoré de colonnes corinthiennes couronnées d'un fronton, dans une forme approchant de celle du portique du Panthéon, est assez agréable, si on le considère à part; mais il est beaucoup trop petit pour l'ensemble général, et se trouve écrasé par le dôme[563].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE L'ASSOMPTION.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, une Nativité, par Houasse.

Vis-à-vis la porte d'entrée, un Christ, par Noël Coypel.

Au-dessus de la porte, la Conception de la Vierge, par Antoine Coypel.

Dans une des chapelles derrière le chœur, un saint Pierre délivré de prison, par La Fosse.

Entre les vitraux qui éclairent le dôme.

La Présentation de la Vierge au temple, par Bon Boulogne.

Le Mariage de la Vierge, par le même.

L'Annonciation, par Stella.

La Visitation et la Purification, par Antoine Coypel.

Une fuite en Égypte, par François Lemoine.

Sur le plafond du chœur des religieuses, la Trinité, par La Fosse.

LES FILLES DE LA CONCEPTION.

Les filles de la Conception étoient des religieuses qui suivoient la règle du tiers-ordre de Saint-François, et occupoient un couvent situé dans la rue Saint-Honoré, vis-à-vis celui de l'Assomption. Les historiens de Paris ne nous apprennent presque rien touchant ce monastère, qui fut fondé, en 1635, par les soins de madame Anne Petau, veuve de René Regnault de Traversé, conseiller au parlement de Paris. Cette dame, ayant conçu le pieux dessein de procurer à la capitale une communauté de l'observance du tiers-ordre de Saint-François, parvint à engager treize religieuses d'un couvent de Toulouse à se rendre à Paris dans une maison qu'elle leur avoit destinée. Elles y arrivèrent au mois de septembre 1635, et leur fondatrice pourvut à leurs besoins essentiels en donnant, à cet effet, une somme de 45,000 liv. devant produire 3,000 livres de rente. Ces actes n'avoient été faits que d'après le consentement et l'autorisation de l'archevêque de Paris; et, dès le mois de février de cette même année, ces religieuses avoient obtenu, avec les lettres-patentes qui permettoient leur établissement, une bulle d'Urbain VIII qui le confirmoit. Elles éprouvèrent cependant quelques obstacles de la part des religieuses de Sainte-Élisabeth, qui étoient du même ordre, quoique quelques-uns de leurs statuts fussent différents[564]. Mais les difficultés furent presque aussitôt terminées, au moyen d'une transaction consentie, le 25 juillet, par les supérieures de deux communautés; en conséquence, les lettres-patentes portant l'établissement à Paris des filles de la Conception furent enregistrées au parlement le 4 août de la même année 1635[565].

Il paroît qu'à cette époque les couvents et autres établissements religieux étoient dans une certaine dépendance de la paroisse sur laquelle ils étoient établis; car on lit dans Sauval qu'en 1635 il fut fait une convention entre les religieuses de la Conception et le curé de Saint-Roch, portant qu'elles célébreront les fêtes de la paroisse, et présenteront à l'offrande, le jour de la fête des Cinq-Plaies, un cierge d'une livre et un écu d'or.

Ce couvent ne fut jamais dans un état bien florissant, les dépenses que ces religieuses avoient été obligées de faire successivement étant beaucoup trop fortes pour leur modique revenu, que diminuoit encore l'augmentation progressive des choses nécessaires à la vie. Toutefois elles se soutinrent pendant plus d'un siècle, par une économie sévère et les libéralités de quelques personnes charitables. Mais, en 1713, leur pauvreté étoit telle, qu'elles eussent été forcées d'abandonner leur couvent, si M. d'Argenson, pénétré de la triste situation de ces saintes filles, n'en eût fait à Louis XIV un tableau dont ce prince fut touché. Par un arrêt du 29 mars 1713, il leur fut accordé une loterie d'un million quatre-vingt mille livres de capital, dont le bénéfice calculé à 15 pour 100 produisit une somme suffisante pour rétablir les affaires de cette communauté.

Ce couvent n'avoit rien dans ses bâtiments qui fût digne d'être remarqué. Son église, médiocrement décorée, ne possédoit que deux tableaux, par Boulogne l'aîné et Louis Boulogne. L'un représentoit la Conception de la Vierge, l'autre sainte Geneviève recevant la médaille des mains de saint Germain[566].

LA PLACE LOUIS XV
ET LE GARDE-MEUBLE.

À peu de distance du couvent des filles de la Conception se termine la rue Saint-Honoré et commence celle du faubourg du même nom. Ces deux rues sont séparées l'une de l'autre, à droite par l'ancien boulevart qui commence à cet endroit, à gauche par la rue Royale, laquelle sert d'entrée à la place Louis XV. En arrivant sur cette place, on se retrouve vis-à-vis du jardin des Tuileries, du côté du pont Tournant. Ce jardin est alors situé à l'orient du spectateur; il a devant lui le beau pont Louis XVI; à l'occident, son œil se repose sur les masses imposantes de verdure que forment le Cours-la-Reine et les Champs-Élysées, d'où ses regards peuvent s'étendre par la grande allée jusqu'à la barrière de l'Étoile; enfin, s'il se retourne au nord, cette partie lui offre la riche décoration des deux colonnades du Garde-Meuble et de l'édifice correspondant, et dans le fond du tableau, par-delà la rue Royale, la nouvelle église de la Magdeleine, non encore achevée.

La place dont nous parlons étoit, dans l'origine, une esplanade entourée d'un fossé, esplanade qui séparoit le jardin des Tuileries du Cours-la-Reine, et dont une partie servoit de magasin aux marbres du roi. La vaste étendue de ce terrain le fit juger propre à recevoir la statue équestre que, dès l'an 1748, la ville avoit décidé de faire élever à Louis XV. Le roi en ayant agréé le projet, des lettres-patentes furent expédiées à ce sujet le 21 juin 1757. Cependant, dès le 22 avril 1754, la première pierre en avoit été posée avec une grande solennité.

Cette place, qui a cent vingt-cinq toises de long sur quatre-vingt-sept de large entre les constructions intérieures, forme une enceinte octogone, entourée de fossés de onze à douze toises de largeur sur quatorze pieds de profondeur. Ces fossés communiquent entre eux par des ponts de pierre avec des archivoltes, et sont bordés par des balustrades, le long desquelles règne un trottoir élevé de quelques degrés au-dessus du sol, et qui se prolonge dans tout le contour de la place.

Composée d'abord de quatre grandes pièces de gazon maintenant en friche, la place Louis XV est divisée en quatre parties par le chemin qui conduit du boulevart au pont Louis XVI, et des Tuileries aux Champs-Élysées. Les quatre trottoirs qui remplissent l'espace intermédiaire sont terminés par de petits pavillons qui ont pour amortissement des socles décorés de guirlandes, et destinés à porter des figures qui n'ont point été exécutées.

Telle est cette place, qui, découverte entièrement de trois côtés, présente, dans la seule partie du nord, une ligne de bâtiments qui la termine. Ce caractère, si différent de celui de toutes les autres places de Paris, ne lui a point été donné sans raison: ceux qui en conçurent le plan voulurent que, dans la position unique où elle est située, la place Louis XV, environnée, dans tous ses aspects, d'objets ou imposants ou agréables, de monuments existants ou projetés, fût plutôt un centre de tous ces points de vue si variés qu'un ensemble de constructions conçues sur un plan symétrique. Les divers travaux qui, depuis son origine, ont été exécutés dans les espaces environnants, ceux qui se préparent ou s'exécutent encore aujourd'hui, ont justifié et justifient de plus en plus cette conception nouvelle, qui fut extrêmement critiquée dans le principe, et que critiquent encore tous ceux qui veulent que les règles l'emportent toujours sur les convenances, principe dont l'extrême rigueur peut avoir de grands inconvénients et jeter même dans les fautes les plus graves.

La statue en bronze de Louis XV étoit placée au milieu de l'intersection des quatre chemins qui traversent cette place, en face de la grande allée des Tuileries et de la grande route de Neuilly. Le monarque y étoit représenté à cheval, en costume romain, et couronné de lauriers. Cette figure, qui n'étoit pas sans élégance, mais qui manquoit de style, et surtout de ce caractère héroïque qu'on exige dans les monuments de ce genre, avoit été modelée par Edme Bouchardon, sculpteur du roi, et fondue d'un seul jet, en 1760. Cet artiste, étant mort deux ans après, n'eut pas la satisfaction de voir à sa place un ouvrage qu'il regardoit comme son chef-d'œuvre[567] et comme le gage de son immortalité. La statue ne fut élevée qu'en 1763. Aux quatre angles du piédestal étoient placées quatre figures colossales exécutées par Pigalle[568], et représentant des Vertus caractérisées par leurs attributs: des guirlandes de laurier, des cornes d'abondance, etc., ornoient la corniche du piédestal dont la hauteur étoit de vingt-deux pieds. Des tables de marbre chargées d'inscriptions[569], des bas-reliefs en bronze[570] en couvroient les quatre surfaces, et sur le socle étoient posés deux grands trophées, offrant un mélange de boucliers, de casques, d'épées et de piques antiques, également jetés en bronze.

Une magnifique balustrade de marbre blanc entouroit ce monument[571].

Les deux bâtiments qui terminent cette place du côté du boulevart présentent deux façades de quarante-huit toises de longueur chacune, sur soixante-quinze pieds de hauteur, placées à seize toises de distance de la balustrade des fossés, et séparées l'une de l'autre par la rue Royale dont nous venons de parler. Des avant-corps couronnés de frontons en forment les extrémités, et, dans l'espace qui sépare ces constructions, une suite d'arcades décorées de bossages et formant galeries, sert de soubassement à un péristyle de colonnes isolées d'ordre corinthien; au-dessus règne une balustrade dans toute la longueur de chaque édifice.

Ces deux monuments ont été exécutés sur les dessins de M. Gabriel; et, comme nous l'avons dit, leur objet principal fut de terminer de ce côté la place par une architecture pittoresque et somptueuse. On voit évidemment, dans la disposition des colonnades qui en occupent la partie supérieure, que l'architecte a eu l'intention de rivaliser avec celles que Perrault a élevées sur la façade du Louvre; mais, de l'aveu de tous les connoisseurs, la palme est encore restée au dernier. En voulant éviter ce qu'on a quelquefois appelé un défaut dans l'ouvrage de Perrault, c'est-à-dire l'accouplement des colonnes, l'artiste moderne, par l'infériorité de son travail, a donné une preuve nouvelle qu'il existe dans l'architecture un beau relatif indépendant de tous les principes, d'où il peut résulter des effets supérieurs à la marche régulière qu'ils ont consacrée, et dont la régularité n'est quelquefois que l'absence des défauts. M. Gabriel auroit peut-être réussi à faire condamner Perrault, s'il eût donné à ses ordonnances plus de gravité, moins de maigreur aux colonnes, moins de largeur aux entre-colonnements, plus de caractère aux profils et aux objets de décoration, et s'il eût fait choix d'un plus heureux soubassement. Au reste cette architecture a de l'éclat, de la magnificence, et présente un point de vue riche et élégant[572].

COURS-LA-REINE,
ET CHAMPS-ÉLYSÉES.

Nous allons achever de décrire successivement les différents aspects ou monuments que l'œil embrasse du milieu de la place immense qu'ils environnent; et, pour suivre une sorte d'ordre qui nous ramène dans l'itinéraire du quartier, nous parlerons d'abord des Champs-Élysées et du Cours-la-Reine, qui se présentent en face du jardin des Tuileries.

Le vaste emplacement où se trouvent aujourd'hui ces belles promenades étoit anciennement couvert de petites maisons irrégulières et isolées, accompagnées de jardins, de prés et de terres labourables. En l'année 1616, la reine mère, Marie de Médicis, ayant acheté une partie de ce terrain, y fit planter trois allées formées par quatre rangs d'arbres, et fermées aux deux extrémités par des grilles de fer. Cette promenade étoit réservée uniquement pour cette princesse et pour sa cour, lorsqu'elle vouloit prendre l'air en carrosse; et ce fut cette destination particulière qui lui fit donner le nom de Cours-la-Reine. Ce cours régnoit comme aujourd'hui le long de la rivière, dont il étoit séparé par la chaussée de la grande route de Versailles. De l'autre côté, des fossés le séparoient d'une plaine dans laquelle on passoit sur un petit pont de pierre. En 1670, cette plaine, qui s'étendoit jusqu'au Roule, fut plantée d'arbres formant plusieurs allées, au milieu desquelles on ménagea des tapis de gazon; et cette nouvelle promenade prit dès lors le nom de Champs-Élysées. L'allée du milieu, plus spacieuse que les autres, aboutissoit, dès ce temps-là, d'un côté à l'esplanade où est actuellement la place Louis XV, et de l'autre à l'endroit qu'on appelle aujourd'hui l'Étoile, par-delà la barrière. Les arbres du Cours-la-Reine, qui avoient été plantés en 1616, furent arrachés en 1723, par l'ordre du duc d'Antin, alors surintendant général des bâtiments, qui en fit replanter d'autres dans l'arrangement où ils sont encore aujourd'hui. En 1764, M. de Marigny, autre surintendant des bâtiments, fit aussi replanter les Champs-Élysées. Les allées, tracées et distribuées alors suivant un nouveau plan et dans une nouvelle symétrie, en ont fait une des promenades les plus agréables de Paris, et l'entrée la plus magnifique de cette belle capitale[573].

PONT LOUIS XVI.

Dès 1722, la ville de Paris avoit été autorisée par lettres-patentes à faire un emprunt pour l'établissement d'un pont vis-à-vis la place Louis XV. La grande quantité d'hôtels et de maisons qui s'élevoient de tous côtés dans le faubourg Saint-Germain, faisoit sentir davantage de jour en jour la nécessité de cette communication nouvelle entre les deux rives, qu'il n'étoit alors possible de traverser qu'en allant chercher le pont Royal, ou en se servant du moyen lent et incommode d'un bac établi vis-à-vis les Invalides. Ce ne fut cependant qu'en 1786 que, par un édit du roi qui permit un emprunt de trente millions destiné aux embellissements de Paris, il fut affecté 1,200,000 livres pour les frais des premières constructions de ce monument: commencé en 1787, il ne fut achevé qu'en 1790.

Ce pont, le plus estimé de tous ceux qui ornoient alors Paris, est composé de cinq arches qui diminuent graduellement de largeur. L'arche du milieu a quatre-vingt-seize pieds d'ouverture; les deux qui lui sont collatérales, quatre-vingt-sept pieds, et celles qui touchent les culées soixante-dix-huit. Ces arches offrent dans leur courbure surbaissée une portion de cercle dont le centre seroit fort au-dessous du niveau de l'eau, de manière que la ligne totale du pont ne s'écarte de la ligne droite que par une courbe presque insensible et de la plus grande élégance[574].

L'architecte de ce beau monument, M. Perronnet, en imaginant cette forme hardie, fit une innovation heureuse, et exécuta ce qui jusqu'alors avoit semblé impraticable. Des arcs ainsi surbaissés ne sembloient pas devoir offrir une résistance suffisante, et eussent été effectivement trop foibles, si l'habile ingénieur n'eût trouvé la solution du problème dans la force prodigieuse qu'il donna aux culées, laquelle est incomparablement plus grande que celle qu'on juge nécessaire aux culées des ponts en plein cintre. Il avoit déjà fait l'expérience de cette belle et audacieuse construction dans le magnifique pont de Neuilly[575].

Les piles, qui s'élèvent en ligne droite, n'ont que neuf pieds d'épaisseur, et présentent à l'avant-bec et à l'arrière-bec des colonnes engagées qui soutiennent une corniche de cinq pieds et demi de hauteur. Les parapets, formés en balustrades, ajoutent encore à la grâce et à la richesse de ce monument.

ÉGLISE DE LA MAGDELEINE.

Il faut revenir maintenant à cette église paroissiale, dont le nouveau bâtiment forme le dernier point de perspective de la place Louis XV.

Elle étoit primitivement, comme plusieurs autres, un démembrement de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, laquelle comprenoit alors dans sa circonscription tout le territoire situé depuis le chemin de Saint-Denis, hors de la ville, jusqu'aux environs du bourg de Saint-Cloud. La plupart des historiens de Paris, sur la foi du commissaire Delamare, qu'ils ont successivement copié, ont avancé que l'église de la Magdeleine, devenue paroisse en 1639, n'étoit avant cette époque qu'une chapelle fondée par Charles VIII en 1487; mais l'abbé Lebeuf démontre, par des titres authentiques, que l'origine de cette église est d'une antiquité beaucoup plus reculée; et Jaillot, qui a vérifié et développé les preuves sur lesquelles ce savant appuie son opinion, nous semble avoir éclairci cette question avec toute l'exactitude et la sagacité qui le caractérisent.—«On sera convaincu, dit-il, par plusieurs raisons, qu'il existoit une église à la Ville-l'Évêque bien antérieurement à l'année 1487: 1o si l'on fait attention que de temps immémorial la Ville-l'Évêque étoit un bourg, que les évêques de Paris y avoient un séjour ou maison de plaisance, des granges, un port, des dîmes, etc., on ne peut guère douter qu'il n'y eût une église ou chapelle pour le secours des habitants, quoique leur nombre ne fût pas considérable; 2o la nouvelle clôture de la ville sous Philippe-Auguste mettoit dans la nécessité d'avoir une paroisse dans le faubourg; 3o ces conjectures dégénèrent en preuves à la vue des titres, qui font mention d'un prêtre ou curé de la Ville-l'Évêque. Indépendamment du pouillé[576] du treizième siècle et des suivants, et d'un titre de 1238[577], dans lequel est nommé le prêtre de Villa Episcopi, on trouve que le mercredi avant la Pentecôte 1284, le chapitre de Saint-Germain avoit nommé Étienne de Saint-Germain vicaire perpétuel de l'église de la Ville-l'Évêque[578]: on peut y ajouter la table des cures du diocèse, dans laquelle celle de la Ville-l'Évêque est indiquée; et le contrat du 13 mai 1386, par lequel M. Le Coq, avocat-général, donne à cette église 30 livres, à la charge par le curé de célébrer tous les jeudis une messe du Saint-Sacrement; enfin une sentence de l'official de Paris, du 16 mars 1407, en faveur du chapitre de Saint-Germain, dans laquelle est énoncé son droit, comme curé primitif, sur les églises de Sainte-Opportune, de Saint-Honoré et de la Ville-l'Évêque, dont il jouit de temps immémorial, à tali et tanto tempore cujus initii hominum memoria non existit[579]

Il y a lieu de croire, d'après cela, que la chapelle bâtie par les ordres de Charles VIII en remplaça une autre qui existoit auparavant. Ce prince y ayant établi en même temps la confrérie de Sainte-Marie-Magdeleine[580], l'église aura été, par cette raison, dédiée sous l'invocation de cette sainte; et il ne faut point chercher d'autre origine à ce nom. L'église de la Ville-l'Évêque ne fut effectivement érigée en paroisse avec un curé titulaire qu'en 1639. Le chapitre de Saint-Germain voulut d'abord y mettre opposition et faire valoir ses droits[581] sur cette cure; mais il paroît que ses prétentions furent aussitôt rejetées, et c'est à tort que l'abbé Lebeuf prétend que les chanoines y ont eu juridiction jusqu'à leur réunion au chapitre de la cathédrale.

Quelques années après que la chapelle de la Magdeleine eut été érigée en paroisse, elle se trouva trop petite pour le nombre toujours croissant de ses paroissiens. On songea donc à bâtir une église plus spacieuse, et la première pierre en fut posée, le 8 juillet 1659, par Anne-Marie-Louise d'Orléans, connue sous le nom de Mademoiselle. Ce fut cette nouvelle église qui reçut publiquement le nom de Sainte-Magdeleine: car, dans tous les actes antérieurs à cette époque, on ne la trouve désignée que sous le nom d'église de la Ville-l'Évêque[582].

Peu de temps après, il s'éleva quelques différends entre les curés de Saint-Roch et de la nouvelle paroisse, au sujet des limites respectives de leurs juridictions; mais ces débats de peu d'importance furent terminés par un arrêt du parlement du 26 février 1671, qui ordonna que les clôtures de la ville, telles qu'elles existoient alors, serviroient de bornes aux deux paroisses[583].

Le quartier de la Ville-l'Évêque s'étant considérablement accru dans l'espace d'un siècle qui s'étoit écoulé depuis la construction de l'église de la Madeleine[584], on pensa à en bâtir encore une nouvelle proportionnée au nombre de ses paroissiens. On voulut même qu'elle fût construite avec une certaine magnificence, comme devant concourir à l'ornement de la place Louis XV, en face de laquelle on en avoit choisi l'emplacement, à l'angle du boulevart. M. Constant d'Ivry, architecte de M. le duc d'Orléans, fut choisi pour mettre à exécution ce grand projet. Ses plans et dessins furent acceptés, et l'on posa la première pierre le 13 avril 1764. Cet architecte avoit jeté les fondements de cet édifice; il l'avoit élevé à quinze pieds au-dessus du sol, lorsqu'il mourut en 1777. M. Couture, qui avoit été associé à ses travaux, l'ayant remplacé seul dans la direction de cette entreprise, crut devoir modifier le plan et changer l'élévation de l'édifice: en conséquence une partie de ce qui avoit été bâti fut démoli, et l'entrée fut décorée d'un péristyle corinthien, dont la proportion est belle et l'ordonnance sage[585]. Les colonnes, au nombre de douze, étoient déjà élevées jusqu'aux chapiteaux, lorsque la révolution arriva et fit cesser entièrement ces travaux, qui auparavant avoient été plusieurs fois suspendus. Ils furent repris par ordre de l'usurpateur, et continués sur un plan nouveau qui paroît devoir être achevé sous le règne de nos rois légitimes; et ainsi seront complétés les aspects magnifiques qu'offre cette partie de la capitale que nous venons de décrire[586].

LES BÉNÉDICTINES
DE LA VILLE-L'ÉVÊQUE.

Les religieuses de ce couvent, situé près de l'église de la Magdeleine, vivoient, comme leur nom l'indique, sous la règle de Saint-Benoît. Elles avoient été établies dans ce monastère, en 1613, par Catherine d'Orléans-Longueville et Marguerite d'Orléans-d'Estouteville sa sœur. Ces deux princesses ayant conçu le dessein de fonder une communauté de filles, et obtenu l'agrément du roi pour son exécution, destinèrent à cet établissement deux maisons avec jardins, formant un enclos à peu près de treize arpents, qu'elles avoient acquises à la Ville-l'Évêque. Ayant fait disposer l'intérieur de ces édifices d'une manière convenable aux exercices de la vie religieuse, elles s'adressèrent à l'abbesse de Montmartre, et lui demandèrent, pour peupler ce nouveau couvent, des sujets de son monastère. Celle-ci envoya dix religieuses, qui en prirent possession le 2 avril 1613.

Deux ans après, ces saintes filles, encouragées par les exemples et les exhortations de leur supérieure Marguerite de Veiny-d'Arbouze[587], formèrent le dessein d'embrasser une règle plus austère que celle qui étoit pratiquée dans l'abbaye de Montmartre. Ayant obtenu le consentement de l'abbesse dont elles dépendoient encore à cette époque, elles commencèrent, le jour de Pâques 1615, à observer les jeûnes, les abstinences et les austérités de la règle de saint Benoît. Cet exemple fut, peu de temps après, imité par les religieuses de l'abbaye de Montmartre, et cette observance a continué d'être suivie dans ces deux monastères jusqu'au moment de leur destruction.

Ce monastère des Bénédictines de la Ville-l'Évêque avoit d'abord été érigé en prieuré dépendant de l'abbaye de Montmartre, ce qui le fit appeler le petit Montmartre, quoique son véritable nom fût celui de Notre-Dame de Grâce. Quelques contestations s'étant élevées depuis entre ces deux maisons, il parut convenable et même nécessaire de les désunir. En conséquence, le 20 mai 1647, l'abbesse de Montmartre céda tous les droits et prétentions qu'elle avoit, en cette qualité, sur le prieuré de Notre-dame de Grâce; et une somme de 36,000 livres lui fut accordée, en dédommagement des frais qui avoient été faits pour l'établissement, les bâtiments et la manutention de ce prieuré. Par ce concordat, la nouvelle communauté devint tout-à-fait indépendante de l'autre, et fut soumise, quant à sa discipline intérieure, à l'archevêque de Paris. Alors les religieuses de la Ville-l'Évêque se pourvurent au parlement le 7 septembre de la même année 1647, et y firent enregistrer les lettres-patentes accordées en 1612 à leurs fondatrices[588].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES BÉNÉDICTINES.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, une Annonciation attribuée à Lesueur. Dans le sanctuaire, l'Adoration des mages, et Jésus-Christ dans le désert, par Boullongne aîné.—L'Adoration des bergers, par Pierre. La Cananéenne, par un peintre inconnu. Deux tableaux de Champagne et deux de Detroy, sujets tirés de la vie de N. S.

L'église de ce couvent a été détruite, et sur son emplacement on a pratiqué un passage qui conduit à la rue de l'Arcade.

ÉGLISE PAROISSIALE
DE SAINT-PHILIPPE DU ROULE.

Cette église paroissiale est située dans la rue du Faubourg-du-Roule, à peu de distance de la barrière. Son territoire, qui comprend tout ce faubourg, dépendoit autrefois de la paroisse de Villers-la-Garenne et de celle de Clichy. Jusqu'en 1699, il n'y eut, dans cet endroit, qu'une petite chapelle, servant à l'usage d'un hôpital établi pour les lépreux. L'époque de la fondation et le nom du fondateur de cette léproserie sont également inconnus. Mais comme cet établissement avoit pour objet de procurer une retraite et des secours aux ouvriers monnoyeurs de Paris, on peut conjecturer avec quelque raison qu'il fut fondé par les chefs et directeurs des monnoies; et la permission pour la construction de la chapelle étant du mois d'avril 1217, il y a lieu de croire que la fondation de l'hôpital n'est pas de beaucoup antérieure à cette époque: car la religion s'empressoit toujours de joindre ses consolations spirituelles aux secours que la charité préparoit pour les malades et les infortunés. Nous voyons dans les anciens titres[589] que l'évêque, par un accord fait entre lui et les ouvriers monnoyeurs, avoit la nomination de quatre places dans cet hôpital; droit qu'il se réserva apparemment comme une indemnité des terrains qu'il avoit accordés, ou des acquisitions qu'il avoit amorties sur le Roule, dont le territoire étoit un fief de l'évêché.

Cet hôpital subsista jusque vers la fin du seizième siècle; mais insensiblement la maladie pour laquelle il avoit été fondé diminuant en France, il arriva qu'on n'y reçut plus personne et que les bâtiments tombèrent en ruine. Enfin, vers l'an 1699, sur la demande des habitants, dont le nombre s'étoit beaucoup augmenté, le territoire du Roule, réuni à celui de la Ville-l'Évêque, fut érigé en faubourg, et la chapelle en paroisse, sous l'invocation de saint Jacques et de saint Philippe[590].

Cette chapelle étoit petite et d'une construction gothique[591]. Le nombre toujours croissant des paroissiens fit bientôt sentir la nécessité de faire construire une église plus vaste; et, sur la demande des marguilliers, Louis XV ordonna que les travaux en fussent commencés en 1769. Elle ne fut achevée qu'en 1784, et bénite le 30 avril de la même année.

Cette église, bâtie sur les dessins de M. Chalgrin, de l'ancienne académie, est une des plus jolies, parmi toutes celles que l'on a construites à Paris dans le goût moderne, et celle, sans contredit, qui se rapproche le plus du bon style de l'architecture antique.

Le plan en est simple et dans la forme des anciennes basiliques chrétiennes. Sans être habile connoisseur en architecture, il est facile de juger combien cette disposition a d'avantages sur ces piliers massifs que chargent des pilastres ployés en tout sens, dont se composoit auparavant la décoration de nos églises, lorsque l'on a voulu sortir du style gothique, et avant que le système des anciens eût prévalu sur celui de nos modernes architectes.

Le porche de cette église s'annonce par quatre colonnes de l'ordre dorique, surmontées d'un fronton[592]. Deux rangs de colonnes ioniques, d'un diamètre moins fort que celles du portique, se prolongent intérieurement dans toute la longueur de l'édifice, et séparent la nef des bas-côtés par un péristyle de dix-huit pieds de largeur. La nef est large de trente-six pieds; ce qui donne pour largeur totale soixante-seize pieds. La profondeur de cette basilique est de plus du double, depuis les colonnes extérieures jusqu'à celles qui décorent la niche du fond du sanctuaire, au milieu duquel s'élève, sur quelques marches, l'autel principal, isolé à la romaine. Toute cette ordonnance a beaucoup d'élégance et de majesté.

La voûte présente une singularité dont il n'y a eu qu'un seul autre exemple à Paris. Elle est construite en bois, d'après un procédé particulier, découvert dans le seizième siècle par Philibert Delorme[593]. Cette construction, beaucoup moins dispendieuse que les voûtes en pierre et presque aussi solide, se compose de plats-bords de sapin, dont l'assemblage est très-ingénieux parce qu'il est très-simple. Celle-ci est d'une parfaite exécution; décorée de caissons et peinte en couleur de pierre, elle en offre l'apparence au point de tromper l'œil le plus exercé[594].

À l'extrémité des péristyles intérieurs qui forment les bas-côtés, sont deux chapelles, dont l'une est dédiée à la Vierge et l'autre à saint Philippe, patron de l'église. On voit par la solidité de leurs masses qu'elles étoient destinées, dans l'origine, à supporter deux tours qui devoient servir de clocher. Les raisons d'économie qui avoient déterminé la fabrique à faire construire la voûte en bois, la portèrent à substituer à ces tours un petit campanille situé au chevet de l'église.

On se plaint avec raison qu'un édifice aussi élégant ne soit pas isolé au milieu des habitations qui l'environnent. Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer à cette occasion que Paris est peut-être la ville de l'Europe où les monuments publics sont le plus fréquemment obstrués par des édifices particuliers, qui leur ôtent toute leur majesté, et nuisent même à leur conservation. Avant la révolution, on ne pouvoit excepter de ce défaut général que l'église de Notre-Dame, le dôme des Invalides, la Sorbonne, les Jésuites de la rue Saint-Antoine, et quelques couvents de femmes, tels que le Val-de-Grâce, les Carmélites, etc., etc. Depuis les nouveaux embellissements que l'on a faits à cette capitale et que l'on continue d'y faire, quelques églises ont été dégagées, et nous espérons qu'un monument aussi remarquable que Saint-Philippe du Roule obtiendra quelque jour le même honneur, et se présentera au milieu de deux rues latérales que l'architecte de cette église avoit sans doute fait entrer dans son plan.

CHAPELLE BEAUJON,
DÉDIÉE À SAINT-NICOLAS.

M. Beaujon, conseiller d'état, et receveur général des finances, fit bâtir, il y a environ trente ans, ce joli monument, avec le projet d'en faire à la fois une succursale de Saint-Philippe du Roule et le lieu de sa sépulture. Cet homme opulent, et qui faisoit un noble usage de ses richesses, avoit fait choix, pour ériger tous ses bâtiments, d'un architecte plein de talents, nommé Girardin, lequel parut se surpasser lui-même dans cette occasion.

La disposition heureuse de cette chapelle, la parfaite exécution de tous ses détails, la richesse et le bon goût de sa décoration, où rien n'est épargné, tout concourt à placer ce petit monument au nombre des productions les plus agréables de notre architecture[595]. La nef est soutenue par deux rangs de colonnes isolées, formant galeries latérales; des murs ornés de niches au-dessus d'un stylobate leur servent de fond.

La voûte de cette nef, décorée de caissons, reçoit le jour par haut, au moyen d'une lanterne carrée. À son extrémité est une rotonde également ornée d'un péristyle corinthien et qui est éclairée de la même manière. L'autel circulaire est placé au centre. Cette distribution de lumières, qui n'étoit point alors aussi usitée qu'elle l'est devenue depuis, produit un effet séduisant, et fait singulièrement valoir les formes de cette architecture, à laquelle on ne peut reprocher que d'être employée sur une trop petite échelle, et de présenter trop d'objets dans un petit espace. Si le propriétaire et l'artiste eussent vécu quelques années de plus, on assure que leur projet étoit d'exécuter, une seconde fois, ce plan dans les dimensions plus vastes d'une église paroissiale; en effet, on ne peut s'empêcher de penser, en considérant cette composition, et en songeant au talent supérieur, au goût excellent de l'artiste qui l'a conçue, qu'elle étoit destinée à recevoir une seconde exécution; et qu'en l'élevant, à la fois, sur un si noble dessin, et dans d'aussi petites proportions, il ne l'ait pas uniquement regardée comme le modèle d'un plus grand édifice. Si ce projet eût pu être réalisé, on auroit eu alors un monument également admirable par la noblesse, la richesse et l'élégance.

Quoi qu'il en soit, l'église de Saint-Philippe du Roule et cette chapelle de Saint-Nicolas, bâties à peu près à la même époque et dans le même quartier, peuvent être regardées, après l'église Sainte-Geneviève, comme les premiers triomphes remportés publiquement par le bon goût, dans la lutte déjà établie en France entre l'architecture moderne et l'architecture antique. Depuis long-temps l'art avoit franchi, dans sa théorie, les limites où une ancienne routine s'efforçoit de le contenir; on rappeloit sans cesse, dans les compositions académiques, les temples grecs et romains, et l'on rejetoit avec une sorte d'horreur ce système de piliers, d'arcades et de niches carrées qui sembloit auparavant pouvoir seul constituer l'ordonnance des édifices sacrés. Girardin eut le bonheur d'exécuter, des premiers, et dans le même projet, deux pensées puisées dans l'antique: une basilique et un temple rond périptère; il le fit aux applaudissements unanimes de tous les jeunes artistes, dont les portefeuilles étoient remplis d'études puisées à la même source, études qu'ils opposoient sans cesse au style maniéré des architectes du siècle de Louis XIV. La révolution en architecture fut dès lors complète et sans retour.

On ne peut trop regretter qu'elle ne se soit pas opérée un siècle plus tôt; les édifices vastes et nombreux qui s'élevèrent dans ce long intervalle n'auroient pas eu ce caractère mesquin et bizarre qu'on leur a si justement reproché. Les conceptions de cette époque fameuse sont grandes, mais les détails en sont petits et de mauvais goût; et, dans la plus belle des capitales, l'œil est affligé de ne rencontrer partout que des décorations factices qui contrastent désagréablement avec la majesté et la vaste dimension des monuments. Il en résulte que Paris, si remarquable sous tant de rapports, n'offre souvent qu'un intérêt médiocre sous celui de l'architecture.

HOSPICE BEAUJON.

Cet hospice, situé dans le faubourg du Roule, fut créé, en 1784, par le même M. Beaujon, fondateur de la jolie chapelle dont nous venons de parler. Il eut pour but, en formant cet établissement, de pourvoir à l'éducation des pauvres enfants de ce quartier. En effet, cet hospice, doté par lui de 25,000 liv. de rentes, étoit destiné à recevoir douze garçons et douze filles, orphelins et nés dans le faubourg. Ils y étoient nourris, vêtus, instruits, depuis l'âge de six ans jusqu'à douze, époque à laquelle on leur donnoit 400 livres pour payer l'apprentissage du métier qu'ils avoient choisi.

Cette maison, dont l'architecture offroit une distribution heureuse et surtout très-propre à un édifice de ce genre, étoit gouvernée par des sœurs de la Charité; des frères des Écoles chrétiennes dirigeoient l'éducation des garçons, et des ecclésiastiques étoient chargés du spirituel[596].

SAINT-PIERRE DE CHAILLOT.

En traversant la rue Neuve de Berri, située à peu de distance de la chapelle Saint-Nicolas, on se trouve en face des Tuileries, au milieu de la grande allée des Champs-Élysées, et de là on découvre à droite le village de Chaillot.

Ce village fut pendant long-temps hors de la ville, qui, par ses accroissements successifs, s'en rapprochoit de jour en jour davantage. Enfin il arriva en 1659 que leurs extrémités se confondirent; et alors il fut déclaré faubourg de Paris, sous le nom de faubourg de la Conférence. Depuis cette époque, ce village fait partie de la capitale, et à ce titre son histoire doit trouver place dans cet ouvrage.

Il n'y avoit anciennement sur la côte qui commence à Chaillot, et qui règne jusqu'au-delà du bois de Boulogne, qu'un seul village, qui, au septième siècle, s'appeloit en latin Nimio, dont on fit en françois Nijon. Nous en trouvons la preuve dans le testament de saint Bertram, évêque du Mans, qui mourut en 623, testament par lequel il lègue à l'église de Paris ce village de Nimio dont il étoit devenu propriétaire, tant par acquisition que par donation de Clotaire II. Il est vraisemblable que, dans la suite des temps, les habitants du village de Nijon se répandirent sur les deux côtés de la colline. Les uns, se dirigeant vers l'occident, y formèrent peu à peu un nouveau village, qui prit le nom d'Auteuil, lequel étoit celui du canton; les autres s'établirent un peu plus près de Paris sur la partie orientale de la côte, dans un endroit où l'on venoit d'abattre une forêt nommée de Rouvret, dont le bois de Boulogne actuel faisoit partie: ce second village prit le nom de Chal[597], et par la suite celui de Chaillot.

Ces deux villages, formés des débris de celui de Nijon, qui perdit ainsi son territoire et même son nom[598], s'étant peuplés considérablement, furent, quelques siècles après, érigés en paroisse. Il y a lieu de croire que cette érection eut lieu vers la fin du onzième siècle, car il n'est nulle part fait mention de l'église de Chaillot avant cette époque. Le premier titre qui en parle est une bulle du pape Urbain II, de l'an 1097, dans laquelle cette église est désignée sous le nom de Ecclesia de Calloio, et le lieu sous celui de Caloilum. Dans les titres où il n'est pas latinisé, il se trouve écrit Challoel. Dans les quatorzième et quinzième siècles, on écrivit Chailluyau, Chailleau, Chaleau et Chailliau.

Chaillot étoit un des villages qui faisoient partie du domaine du roi; et avant l'affranchissement des serfs, c'est-à-dire au douzième siècle, il y régnoit une coutume nommée Béfert, qui mérite d'être connue. Elle consistoit en ce que, contre l'usage ordinaire, la femme et les enfants suivoient le sort du mari quant à la servitude. Ainsi, en vertu de cette coutume, une femme de Chaillot, serve du roi par sa naissance, épousant un homme serf de Sainte-Geneviève à Auteuil, devenoit serve de l'abbaye de Sainte-Geneviève, aussi bien que tous les enfants qu'elle mettoit au monde; et réciproquement, si c'étoit une femme d'Auteuil qui épousât un homme serf de Chaillot, la femme et les enfants devenoient esclaves du roi[599].

L'église de ce village étoit, dès l'an 1097, dans la dépendance du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, comme on le voit dans la bulle d'Urbain II, dont nous avons parlé; et cette dépendance fut confirmée par les papes ses successeurs. Les lettres de Thibaud, évêque de Paris vers l'an 1150, assurent à ces religieux decimam de Chailloio et altare. Le pouillé parisien du treizième siècle, à l'article de l'église de Chaillot, la désigne sous le nom de Chailoel, à la nomination du prieur de Saint-Martin, ce qui est suivi dans les pouillés postérieurs; elle est aussi marquée dans l'archiprêtré de Paris, appelé depuis l'archiprêtré de la Magdeleine.

L'église paroissiale est sous le titre de Saint-Pierre: c'est un bâtiment moderne, à l'exception du sanctuaire terminé en demi-cercle sur la pente de la montagne, lequel peut avoir été construit il y a cent cinquante ans. Il est supporté de ce côté par une tour solidement bâtie. Cette église a deux ailes de chaque côté, dont la construction a cela de particulier, qu'elles ne se rejoignent pas derrière le grand autel.

TABLEAUX ET SÉPULTURES.

Sur le grand autel, saint Pierre délivré de prison.

Dans le chœur la sépulture d'Amaury-Henri Goyon de Matignon, comte de Beaufort, décédé le 8 août 1701.

Le village de Chaillot est remarquable par sa situation pittoresque sur une colline qui domine la rivière, et par les jolies habitations dont il est couvert. Il s'étend jusqu'à la barrière dite des Bons Hommes, et offre dans cet espace plusieurs fondations et monuments publics qui sont les derniers dont il nous reste à parler pour terminer la description de cet immense quartier.

ABBAYE DE SAINTE-PERRINE.

Cette abbaye, située dans la partie la plus élevée de Chaillot, étoit occupée par des chanoinesses de l'ordre de Saint-Augustin. Établies d'abord à Nanterre en 1638, par Claudine Beurrier, sœur de Paul Beurrier, chanoine régulier et curé de Nanterre, elles furent transférées, dès 1659, à Chaillot, quoique les lettres-patentes pour l'autorisation de leur établissement ne soient que du mois de juillet 1671, et qu'elles n'aient été enregistrées au parlement que le 3 août 1673.

Ces religieuses n'avoient été gouvernées, dans les commencements, que par une prieure triennale; mais depuis l'an 1682 elles eurent une abbesse, sous la juridiction de l'ordinaire, entretenant cependant confraternité avec les chanoines réguliers de la congrégation gallicane.

Leur monastère, long-temps connu sous le nom de Notre-Dame de la Paix, prit le nom de Sainte-Perrine de Chaillot, lorsqu'en 1746 on y réunit l'abbaye de Sainte-Perrine de la Villette. Cette communauté étoit ordinairement composée de quarante-cinq religieuses. Elles portoient l'aumuce noire mouchetée de blanc, ce qui fut remarqué comme une nouveauté très-extraordinaire, parce que les aumuces avoient été autrefois données aux hommes pour couvrir leurs têtes, et que les religieuses ont toujours eu des voiles pour cet usage.

L'église de ce monastère ne pouvoit pas être considérée comme un monument; on voyoit sur le maître-autel une Adoration des rois, par Monnier.

POMPE À FEU.

En descendant des hauteurs de Chaillot, on se retrouve sur le bord de la rivière, à l'extrémité du Cours-la-Reine. Suivant ensuite le quai jusqu'à la barrière dite des Bons-Hommes, on rencontre encore deux établissements publics: une des pompes à feu qui fournissent de l'eau aux fontaines et aux maisons de Paris, et la manufacture de tapis de la Savonnerie.

Un petit bâtiment carré d'une forme très-élégante, et ombragé de peupliers et d'acacias, contient tout l'appareil de la pompe à feu, dont nous allons donner une courte description.

Cet établissement a été formé par MM. Perrier frères, habiles mécaniciens, qui en ont été long-temps les propriétaires[600]. Un canal de sept pieds de large, construit sous le chemin de Versailles, introduisoit d'abord l'eau de la Seine dans un bassin bâti en pierres de taille, et dans ce bassin étoit plongé le tuyau d'aspiration des pompes. Depuis on a comblé le bassin, et abandonné le canal qu'on a remplacé par des tuyaux à embouchures recourbées qui se prolongent jusqu'au milieu de la rivière. La pompe à feu, laquelle est de la plus grande proportion connue, placée dans l'édifice dont nous venons de parler, communique avec ces tuyaux, et fait monter en vingt-quatre heures environ quatre cent mille pieds cubes d'eau[601] dans des réservoirs construits sur la montagne de Chaillot, laquelle est élevée d'environ cent dix pieds au-dessus du niveau de la rivière. Ces réservoirs dominent ainsi les quartiers du nord de la ville, et l'eau qu'ils fournissent peut y être distribuée dans tous les édifices qu'ils contiennent, sans exception.

On reçoit ces eaux, qui sont très-salubres, au moyen d'un abonnement assez modique. Elles coulent à des heures réglées par un nombre infini de canaux dans l'intérieur des maisons, et s'élèvent, dans la plupart des quartiers, à douze et quinze pieds au-dessus du pavé. Des robinets de décharge placés dans les rues où sont les canaux de distribution, y font jaillir à volonté la quantité d'eau nécessaire pour les nettoyer dans toutes les saisons; des réservoirs ont été établis dans les principaux quartiers, à l'effet de fournir avec rapidité une abondance d'eau suffisante pour éteindre les plus violents incendies; enfin il a été construit des fontaines de distribution pour les porteurs d'eau; et au total, cet établissement, administré avec zèle et intelligence, peut être considéré comme un des plus utiles de Paris[602].

MANUFACTURE ROYALE
DE LA SAVONNERIE.

Cette manufacture est placée dans un grand et vieux bâtiment, à peu de distance de la barrière. On y fabrique, à la façon de Perse, des tapis qui sont très-renommés, et dont on fait, depuis long-temps, un usage habituel chez les princes et dans les maisons royales. Ce n'étoit, jusqu'en 1604, qu'une simple fabrique, laquelle fut érigée, à cette époque, en manufacture royale par Marie de Médicis, en faveur de Pierre Dupont, inventeur des procédés employés dans la confection de ces tapis. Il fut mis à la tête de cet établissement avec le titre de directeur. Simon Lourdet lui succéda en 1626; l'un et l'autre réussirent si bien dans les ouvrages exécutés sous leur direction, que cette industrie leur mérita la faveur alors très-grande d'obtenir des lettres de noblesse.

Les ateliers de cette manufacture avoient d'abord été établis au Louvre: ce fut par un ordre de Louis XIII qu'ils furent transférés à Chaillot, dans une maison dite de la Savonnerie[603], parce qu'auparavant on y faisoit du savon. Cette translation se fit en 1615.

C'est le seul établissement de cette espèce qu'il y ait en France; et, sous plusieurs rapports, il mérite d'être vu. La chaîne des ouvrages qu'on y fabrique est posée perpendiculairement, comme aux tapisseries de haute-lice, mais avec cette différence qu'à ces dernières l'ouvrier travaille du côté de l'envers, tandis qu'à la Savonnerie il a devant lui le côté de l'endroit, comme dans les ouvrages de basse-lice.

Les bâtiments de cette manufacture furent réparés en 1713 par ordre du duc d'Antin, alors directeur des bâtiments et manufactures du roi. Une inscription gravée sur un marbre noir placé au-dessus de la porte d'entrée rappeloit l'époque de cette réparation.

La chapelle de la Savonnerie étoit fort simple, et sous l'invocation de saint Nicolas: elle offroit aussi sur son portail l'inscription suivante, qui nous a semblé singulière:

«La très-auguste Marie de Médicis, mère de Louis XIII, pour avoir, par sa charitable munificence, des couronnes au ciel comme en la terre, par ses mérites a établi ce lieu de charité, pour y être reçus, alimentés, entretenus et instruits les enfants tirés des hôpitaux des pauvres enfermés; le tout à la gloire de Dieu, l'an de grâce 1615.»

Les tapis que la manufacture de la Savonnerie étale tous les deux ans, à l'exposition publique que font les manufactures royales des produits de leur industrie, sont maintenant, pour l'éclat des couleurs, pour la perfection du dessin, pour la beauté du tissu, d'une perfection que rien n'égale en ce genre, et qui ne semble pas pouvoir être désormais surpassée.

MONASTÈRE
DE LA VISITATION DE CHAILLOT.

Ce couvent, situé à mi-côte de Chaillot, et à l'extrémité de ce village, étoit le dernier établissement public que l'on rencontrât dans le quartier que nous décrivons.

Il avoit été fondé par Henriette-Marie de France, fille de Henri IV et veuve de Charles Ier, roi d'Angleterre. Cette princesse ayant obtenu, par lettres-patentes enregistrées au parlement le 19 janvier 1652, l'autorisation nécessaire pour établir, dans la paroisse de Chaillot, un couvent de religieuses de la Visitation, y fit, à cet effet, l'acquisition d'une grande maison, bâtie par la reine Catherine de Médicis, et qui avoit appartenu, après sa mort, au maréchal de Bassompière[604]. Les mémoires du temps disent qu'après y avoir installé ces saintes filles, Henriette demeura quelque temps avec elles, se soumettant à toutes les pratiques de la vie religieuse, et édifiant la communauté entière par la sainteté de sa vie.

Quelques années après leur établissement à Chaillot, les religieuses de la Visitation, déjà reconnues dames du lieu, obtinrent l'amortissement du château de ce village, de la maison du jardinier, jardin et bois clos de murs, avec la haute justice, sans être tenues de payer finances[605]. Ces droits leur furent accordés par lettres du mois de septembre 1656.

Leur maison fut depuis considérablement augmentée; et dans l'année 1704 Nicolas Fremond, garde du trésor royal, et Geneviève Damond sa femme, firent rebâtir entièrement l'église[606]. Le cœur de cette dame y étoit déposé.

TABLEAUX ET SÉPULTURES.

Dans la chapelle dite de Saint-François de Sales, un tableau de Restout, représentant madame de Chantal et ses religieuses en prières devant l'image de ce saint.

Dans le chœur de l'église étoient déposés le cœur de Henriette de France, reine d'Angleterre, fondatrice de cette maison; ceux de son fils, Jacques Stuart II, roi d'Angleterre, et de Louise-Marie Stuart, fille de ce prince, morte au château de Saint-Germain-en-Laye le 7 mai 1718.

MONASTÈRE
DES MINIMES DE CHAILLOT.

Ce monastère, situé à mi-côte de la montagne de Passy, à peu de distance du couvent de la Visitation, étoit hors des murs de Paris. Cependant nous croyons devoir en faire mention dans cet ouvrage, non-seulement parce qu'il dépendoit de la paroisse de Chaillot, renfermée dans la ville, mais encore parce qu'il fut la première maison qu'ait possédée en France l'ordre des Minimes, et que par conséquent son histoire se rattache à celle des religieux de cette observance, qui avoient leur habitation près de la Place-Royale.

L'ordre dont nous parlons fut institué dans la Calabre par François Marotille, vers l'an 1346, sous le nom d'Ermites de Saint-François d'Assise. Ce saint fondateur, connu depuis lui-même sous le nom de François de Paule, du lieu de sa naissance, avoit voulu, par celui de Minimes qu'il donna à ces religieux, leur rappeler sans cesse l'humilité dont ils devoient faire profession[607].

Louis XI, instruit par la renommée des vertus apostoliques et de la vie édifiante de François de Paule, le fit venir en France en 1482, espérant, dans les terreurs superstitieuses qui l'agitoient à ses derniers moments, obtenir par les prières d'un si saint personnage la guérison de la maladie dont il étoit affligé. Il le reçut avec un respect qui ressembloit à une espèce de culte[608], et lui donna dans le château du Plessis-lès-Tours, où il faisoit sa résidence, un logement pour lui et pour les religieux qui l'avoient accompagné. Charles VIII honora également les Minimes de son estime et de sa protection, et leur fit bâtir à Tours un couvent, où le saint fondateur mourut le 2 avril 1507. Il fut canonisé par Léon X le Ier mai 1519.

Anne de Bretagne, épouse des rois Charles VIII et Louis XII, voulant fonder un couvent de cet ordre, fit don aux disciples de Saint-François de Paule de la maison royale située à Chaillot, qu'elle tenoit de ses ancêtres les ducs de Bretagne, laquelle étoit appelée manoir de Nijon, ou hôtel de Bretagne[609]. Cette fondation fut faite en 1493. Peu de temps après (en 1496) elle y ajouta un hôtel contigu, contenant un enclos de sept arpents, et une chapelle sous le titre de Notre-Dame de toutes grâces. Enfin, voulant mettre le comble aux faveurs qu'elle leur avoit accordées, cette princesse donna les premiers fonds nécessaires pour la construction de l'église qui existoit encore avant la révolution. Cet édifice, commencé à cette époque, ne fut terminé que vers l'an 1578, sous le règne de Henri III, et dédié sous le même titre que l'ancienne chapelle.

C'étoit un bâtiment assez grand, orné de boiseries et de pilastres ioniques. Le monastère, très-vaste et bien situé, pouvoit contenir cent religieux.

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