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Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 3/8)

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QUARTIER SAINT-EUSTACHE.

Ce quartier étoit borné à l'orient par les rues de la Tonnellerie, Comtesse-d'Artois et Montorgueil exclusivement, jusqu'au coin de la rue Neuve-Saint-Eustache; au septentrion, par les rues Neuve-Saint-Eustache et des Fossés-Montmartre, et par la place des Victoires aussi exclusivement; à l'occident, par la rue des Bons-Enfants inclusivement; et au midi, par la rue Saint-Honoré exclusivement.

On y comptoit, en 1789, trente-six rues, un cul-de-sac, une église paroissiale, deux chapelles, une communauté de filles, une halle au blé, etc.

Avant Philippe-Auguste, le quartier que nous allons décrire formoit un de ces bourgs dont Paris étoit alors environné, et que ce prince renferma dans la nouvelle enceinte qu'il fit élever. Ce bourg, bâti sur un territoire dépendant de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, déjà entourée elle-même d'un gros bourg qui portoit son nom, étoit connu sous la dénomination de nouveau bourg Saint-Germain-l'Auxerrois[209].

La muraille que ce prince éleva autour de sa capitale ne renferma cependant qu'une partie de l'espace qui forme aujourd'hui le quartier Saint-Eustache. Cette muraille passoit entre les rues d'Orléans et de Grenelle, traversoit le terrain occupé depuis par l'hôtel de Soissons (aujourd'hui par la Halle au blé), et de là se prolongeoit le long des rues Plâtrière, du Jour, la pointe Saint-Eustache, la rue Montorgueil, etc. Il y avoit dans cet espace deux portes: celle qui étoit placée vis-à-vis Saint-Eustache, entre les rues Plâtrière et du Jour, et une fausse porte percée dans la rue Montorgueil pour la commodité des comtes d'Artois, qui possédoient un hôtel dans les environs.

Les murailles élevées sous Charles V et Charles VI achevèrent de renfermer dans la ville ce qui restoit encore de ce quartier hors de la vieille enceinte. Ces nouveaux murs passèrent sur l'emplacement où est situé l'hôtel de Toulouse, traversèrent ensuite le terrain de la place des Victoires, et se prolongèrent sur la ligne de la rue des Fossés-Montmartre, des rues Montmartre, de Bourbon, etc. Cet état de chose fut maintenu jusqu'au règne de Louis XIII.

L'ÉGLISE SAINT-EUSTACHE.

Cette grande paroisse n'étoit d'abord qu'une simple chapelle, sous l'invocation de sainte Agnès. Les conjectures les plus probables portent à croire qu'elle fut bâtie et érigée vers le commencement du treizième siècle, mais ce sont de simples conjectures: car il ne nous reste aucun renseignement certain ni sur l'époque précise de sa fondation, ni sur le nom de son fondateur. Une tradition vulgaire veut que Jean Alais ait fait construire cette chapelle de Sainte-Agnès en satisfaction d'avoir été le premier auteur d'un impôt d'un denier sur chaque panier de poisson qui arrivoit aux Halles[210]. Il porta même plus loin, dit-on, le témoignage de son repentir et de ses regrets; car, selon quelques écrivains[211], il voulut que son corps fût jeté, après sa mort, dans un cloaque où se perdoient les eaux et les immondices de ce marché. Cet égout, qui existoit encore au milieu du dernier siècle, au bas de la rue Montmartre et de la rue Traînée, étoit effectivement couvert d'une pierre élevée qu'on nommoit le Pont Alais.

Quoi qu'il en soit de la vérité de cette tradition, qui n'est appuyée sur aucun titre, il est certain que, dès l'an 1213, il y avoit en cet endroit une chapelle de Sainte-Agnès, qui dépendoit du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois. On lit en effet, dans un cartulaire de cette église[212], un jugement rendu au mois de février 1213, sur une contestation survenue entre le doyen et les chanoines, au sujet des offrandes qui se faisoient aux quatre principales fêtes de l'année dans la chapelle de Sainte-Agnès, nouvellement bâtie, super oblationibus novæ capellæ sanctæ Agnetis; et ce jugement est le premier acte où il soit fait mention de l'origine de cette église. L'abbé Lebeuf semble n'avoir pas eu connoissance de cette pièce, car, en citant une sentence arbitrale rendue en 1216, par laquelle il est décidé que le doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois a les mêmes droits dans la chapelle de Sainte-Agnès que dans l'église Saint-Germain, il ajoute ensuite que c'est le premier acte qui regarde l'origine de la paroisse de Saint-Eustache[213].

Il y a lieu de penser que, peu de temps après la dernière de ces deux époques, cette chapelle fut érigée en paroisse, pour la commodité du grand nombre d'habitants qui demeuraient aux environs; car, dès l'an 1223, on la trouve qualifiée du titre d'Ecclesia sancti Eustachii. On voit en outre dans l'histoire de Paris que des contestations élevées entre Guillaume de Varzi, doyen de Saint-Germain, et le prêtre ou curé de cette église, furent terminées au mois de juillet de la même année 1223[214]; et l'on présume qu'ayant déjà été rebâtie et agrandie, elle avoit été dédiée sous le nom de saint Eustache, parce qu'elle possédoit sans doute quelques reliques de ce saint, qui souffrit le martyre à Rome, mais dont le corps étoit déposé, depuis environ un siècle, dans l'abbaye de Saint-Denis. Forcés de choisir entre des conjectures, celle-ci nous paroît beaucoup plus vraisemblable que ce qui a été avancé sans aucune preuve par l'auteur anonyme d'une vie de saint Eustase, abbé de Luxeu. Cet auteur prétend que «l'Église de Saint-Eustache doit son titre à une chapelle consacrée sous l'invocation de saint Eustase, qui existoit depuis plusieurs siècles près de celle de Sainte-Agnès, et que le peuple, altérant la prononciation d'Eustase, en avoit fait Eustache, lequel se trouve écrit dans les anciennes chroniques saint Wistasse, saint Vitase, et saint Huitace[215].» Cette opinion a été rejetée par tous les historiens de Paris.

Aussitôt que cette chapelle eut été érigée en paroisse, plusieurs pieux citoyens s'empressèrent d'y fonder des chapellenies[216], qui, avec les oblations ordinaires des fidèles, assurèrent la subsistance de son clergé. On trouve dans les titres de ces fondations qu'un riche particulier nommé Guillaume Poin-Lasne, fonda, au mois de mars de l'année 1223, dans l'église de Saint-Eustache, deux chapellenies avec une dotation de 300 liv. de rente[217]. Une autre fut fondée en 1342, avec une rente de 12 liv., en exécution d'une clause du testament de dame Marie la Pointe pâtissière. Cette fondation étoit établie sous la condition de trois messes par semaine; et les exécuteurs testamentaires demandèrent qu'elle fût exécutée à l'autel de Saint-Jacques et de Sainte-Anne[218]. Enfin on lit parmi les noms des fondateurs de ces chapellenies ceux de Louis d'Orléans, frère du roi Charles VI, de MM. Nicolaï, seigneurs de Gausainville, et de quelques autres personnages distingués.

Plusieurs confréries furent aussi établies dans cette église: une des plus anciennes étoit celle de Saint-Louis, instituée par les porteurs de blé, avec la permission de Charles VI. Le premier président du parlement fut également autorisé, en 1496, à former une confrérie en l'honneur de Saint-Roch, dans une chapelle de la même église; et en 1622, on y trouve, sous le nom de Notre-Dame-de-Bon-Secours, une autre confrérie créée pour le soulagement des pauvres honteux[219].

L'église de Saint-Eustache fut, à différentes époques, réparée et augmentée; mais en 1532 la résolution ayant été prise de la rebâtir entièrement, on commença à y travailler le 19 août de la même année[220]. Les dépenses considérables que nécessitoit la construction d'un édifice aussi important, élevé sur un plan extrêmement vaste, ne permirent pas de le terminer aussi promptement qu'on l'eût désiré. Il ne put être achevé qu'en 1642; et ce fut particulièrement aux libéralités du chancelier Séguier et de M. de Bullion, surintendant des finances, que l'on dut son entier achèvement. Cependant, dès le mois d'avril 1637, la consécration en avoit été faite par M. de Gondi, archevêque de Paris.

L'architecture de cette église excita, dans le temps, une admiration générale, et l'on regardoit comme un chef-d'œuvre de goût ce dessin extraordinaire, qui, s'éloignant du gothique pour se rapprocher des formes antiques, offre cependant un mélange bizarre de l'un et de l'autre[221]. On trouvoit qu'elle réunissoit tout ce qu'on peut désirer dans un monument de ce genre; grandeur du vaisseau, belle disposition, richesse de matières, ornements délicats, etc.; le portail surtout enlevoit tous les suffrages: «Il est environné, dit un des anciens historiens de Paris, d'un grand circuit formé de balustres, et c'est un des plus beaux de Paris pour sa largeur et l'excellence de ses ouvrages taillés fort mignonnement et délicatement sur la pierre[222]

Cependant le goût ne tarda pas à devenir meilleur. Sous le règne de Louis XIV, on reconnut que ce portail avoit été bâti sur un plan défectueux; alors M. de Colbert fit don d'une somme de 20,000 livres[223] pour en faire construire un autre, somme qui se trouva tellement insuffisante, qu'il fut impossible à la fabrique de remplir les intentions du donataire. Sur les représentations qui lui furent faites, ce ministre permit qu'on en différât l'exécution jusqu'à ce que les intérêts de cette somme réunis au capital eussent formé un fonds assez considérable pour l'entier achèvement de cette construction.

En 1752, le curé et les marguilliers, voyant que les 20,000 livres et les intérêts s'élevoient à un capital de 111,146 livres, jugèrent qu'il étoit temps d'en remplir la destination; et la construction du nouveau portail fut décidée. La première pierre en fut posée avec grand appareil par le duc de Chartres le 12 mai 1754. À peine ce portail eut-il été élevé jusqu'au premier ordre, qu'il se trouva que la somme amassée étoit déjà épuisée, ce qui força d'interrompre les travaux. Ils furent repris en 1772; mais le manque de fonds obligea une seconde fois de les suspendre, et jusqu'à ce jour cette façade est restée imparfaite. Elle avoit été érigée sur les dessins de Mansard de Joui, et continuée après lui par Moreau, architecte du roi et de la ville de Paris.

Cette composition, qu'on peut regarder comme une imitation malheureuse du portail de Servandoni, à Saint-Sulpice, n'a d'autre mérite que d'avoir été exécutée sur une assez grande échelle. La largeur beaucoup trop considérable de ses entre-colonnements, surtout au second ordre, entraînera sa destruction; et déjà le poids énorme de la plate-bande qui supporte le fronton y a causé de fâcheuses dégradations, et semble écraser les maigres colonnes qui la soutiennent. Le genre de cette architecture massive, et qui n'est ni antique ni moderne, n'a d'ailleurs aucune espèce de rapport avec le reste de l'édifice[224]; on en peut dire autant du bâtiment de la sacristie, pratiqué au rond-point de l'église, sur le carrefour dit la Pointe-Saint-Eustache, bâtiment parasite, qui renouvelle le funeste exemple, tant de fois donné, d'adosser des maisons particulières aux temples, dont le caractère principal est d'être isolé de toute habitation profane.

L'intérieur de cette église, la plus spacieuse de Paris après celle de Notre-Dame, n'est remarquable que par la hauteur extraordinaire de ses voûtes: car, nous le répétons, il n'est rien de plus choquant que ce mélange d'architecture gothique et moderne dont elle est composée. Au milieu de la voûte de la croisée et au centre de celle qui termine le fond du chœur sont deux clefs pendantes, dont la saillie est très-grande, et où viennent aboutir les arêtes de ces voûtes. Du reste, les piliers sont tellement multipliés dans la longueur de la nef, qu'il faut absolument être au milieu pour bien juger de l'étendue de tout le vaisseau.

À la construction du nouveau portail étoit lié le plan d'une place symétrique qui l'auroit entouré, et le roi avoit déjà même accordé 100,000 écus pour les premiers frais de cette opération; mais plusieurs circonstances obligèrent de changer la destination de cette somme[225]; et ce projet, qui eût été à la fois utile et agréable aux habitants de ce quartier, resta sans exécution.

Le maître-autel de cette église étoit décoré d'un corps d'architecture soutenu par quatre colonnes de marbre d'ordre corinthien. Six statues de la même matière ornoient cet autel; elles étoient de la main du célèbre Sarrasin, et représentoient saint Louis[226], la Vierge, saint Eustache, sainte Agnès et deux anges en adoration.

L'œuvre, dessinée par Cartaud, et la chaire à prêcher, exécutée sur les dessins de Lebrun par Le Pautre, avoient de la réputation comme ouvrages de sculpture et de menuiserie. On remarquoit en outre dans cette église un très-grand nombre de peintures et de monuments, dont nous allons donner, suivant notre coutume, une notice exacte et détaillée.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE SAINT-EUSTACHE.

TABLEAUX.

Derrière le maître-autel, une Cène attribuée à Porbus.

Dans la chapelle de la Vierge, deux tableaux de Lafosse, placés des deux côtés de l'autel, et représentant l'un et l'autre la Salutation angélique.

Dans la septième chapelle à droite, saint Jean dans le désert, par Le Moine.

Dans la chapelle suivante, la prédication du même saint, par Vincent.

Lors de la construction du nouveau portail, on détruisit deux chapelles. Dans la troisième étoient trois tableaux à fresque de Pierre Mignard.

1o. Au plafond, les cieux ouverts et le Père éternel au milieu d'une gloire d'anges;

2o. Sur la partie droite du mur, la Circoncision;

3o. Sur la partie gauche, saint Jean baptisant Jésus-Christ dans le Jourdain.

On voyoit dans l'autre trois sujets exécutés dans la même manière par Lafosse; au plafond, le Père éternel accompagné des quatre évangélistes donnoit la bénédiction aux mariages d'Adam et d'Ève et de Marie avec Joseph, qui étoient peints sur les murs latéraux de cette chapelle.

STATUES ET TOMBEAUX.

Au-dessus de la chaire du prédicateur étoit représenté saint Eustache implorant le secours du ciel pour ses deux enfants emportés par un lion et une louve. Ce morceau de sculpture avoit été exécuté sur les dessins de Le Brun.

Sur la grille de fer qui séparoit la nef du chœur s'élevoit un crucifix de bronze, l'un des plus grands morceaux de ce genre qu'il y eût en France. Il étoit d'un sculpteur nommé Étienne Laporte. Ce Christ, qui pesoit, avec la croix, 1054 livres, fut transporté ensuite dans la chapelle des fonts.

Sous un grand arc, à côté de la chapelle de la Vierge, étoit le tombeau de J.-B. Colbert, ministre sous Louis XIV, mort en 1683[227].

Colbert, représenté à genoux sur un sarcophage de marbre noir, avoit les yeux fixés sur un livre qu'un ange tenoit ouvert devant lui; la Religion et l'Abondance, grandes comme nature, étoient assises des deux côtés du monument. La figure du ministre et celle de l'Abondance étoient de Coyzevox; celles de l'ange et de la Religion, de Tuby[228].

Des médaillons de bronze représentoient Joseph occupé à faire distribuer du blé au peuple d'Égypte, et Daniel donnant les ordres du roi Darius aux satrapes et aux gouverneurs de Perse; sur les jambages de l'arcade, sous laquelle étoit posé le tombeau, on lisait plusieurs passages de l'Écriture.

J.-B. Colbert, marquis de Seignelay, fils aîné du ministre, mort en 1690, fut inhumé dans le même tombeau.

Vis-à-vis de ce monument, et sur un des piliers de la nef, un bas-relief de marbre blanc représentait l'Immortalité soutenant le buste de Martin Cureau de La Chambre, médecin ordinaire de Louis XIV, et membre de l'Académie françoise, mort en 1669, à l'âge de soixante-quinze ans. Ce morceau, que l'on a vu aussi au Musée des monuments françois, avoit été exécuté par Tuby, d'après les dessins du Cavalier Bernin.

Plusieurs autres personnages illustres, soit par leur naissance, soit par leurs talents, avoient encore leur sépulture dans cette église. Les plus remarquables étoient:

René Benoît, docteur de Sorbonne, d'abord curé de Saint-Eustache, puis nommé à l'évêché de Troie[229], mort en 1608. Il fut un de ceux qui, en 1593, furent appelés pour instruire Henri IV dans la religion catholique.

François d'Aubusson de La Feuillade, pair et maréchal de France, mort en 1691. Nous avons déjà parlé de ce personnage en donnant la description de la place des Victoires.

Anne-Hilarion de Constantin, comte de Tourville, vice-amiral, maréchal de France, et l'un des plus grands hommes de mer qu'elle ait possédés, mort en 1701.

Gabriel-Claude, marquis d'O, lieutenant-général des armées navales du roi, mort en 1728.

Gabriel-Simon, marquis d'O, brigadier des armées du roi, mort en 1734, âgé de trente-sept ans. En lui finit la maison d'O, l'une des plus anciennes de la Normandie.

François de Chevert, lieutenant-général des armées du roi, mort en 1769. On voyoit au Musée des monuments françois son buste et son tombeau, avec une épitaphe composée par d'Alembert pour ce grand capitaine[230].

Bernard de Girard, seigneur du Haillan, né à Bordeaux en 1535. Il fut historiographe de France, secrétaire des finances, et le premier qui exerça la charge de généalogiste du Saint-Esprit[231]: mort en 1610.

Marie Jars de Gournay, fille adoptive de Montaigne, et à laquelle on est redevable de la compilation des œuvres de cet homme célèbre: morte en 1645[232].

Vincent Voiture, écrivain qui passa pour le plus bel esprit de la France, quelque temps avant qu'elle eût produit des hommes de génie, mort en 1648.

Claude Favre, sieur de Vaugelas, habile grammairien, mort en 1650.

François de La Mothe Le Vayer, savant illustre, et précepteur de Philippe de France, duc d'Orléans, mort en 1672.

Amable de Bourzeis, abbé de Saint-Martin-des-Cores, mort en 1672.

Antoine Furetière, célèbre par un bon dictionnaire françois, et par ses démêlés avec l'Académie françoise, mort en 1688.

Isaac de Benserade, poète ingénieux et habile courtisan, mort en 1691.

Claude Genest, auteur de plusieurs tragédies, entre autres de Pénélope, qui est restée au théâtre. Il étoit abbé de Saint-Vilmer, aumônier de la duchesse d'Orléans, et secrétaire des commandements de M. le duc du Maine, mort en 1719.

Nota. Les sept derniers personnages que nous venons de nommer étoient tous membres de l'Académie françoise.

Charles Lafosse, l'un des meilleurs peintres de son temps, mort en 1716.

Guillaume Homberg, chimiste, physicien, naturaliste, renommé par ses vastes connoissances et par les nombreux écrits dont il a enrichi les Mémoires de l'Académie des sciences, mort en 1715.

À côté du chœur, à droite, étoit la chapelle de sainte Marguerite, dans laquelle on voyoit deux petits monuments en marbre et en bronze doré. Ils avoient été élevés à la mémoire d'Hilaire de Rouillé du Coudray et du marquis de Vins.

À peu de distance et du même côté, on trouvoit une autre chapelle dite de saint Jean-Baptiste, dans laquelle avoient été inhumés deux ministres d'état, père et fils: Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau d'Armenonville, garde des sceaux de France en 1722, mort en 1728; Charles-Jean-Baptiste Fleuriau, comte de Morville, secrétaire d'état sur la démission de son père en 1722, et reçu la même année à l'Académie françoise, mort en 1732. Leur tombeau, exécuté par Bouchardon, consistoit en une urne accompagnée de quelques ornements fort simples.

La paroisse de Saint-Eustache étoit un démembrement de celle de Saint-Germain-l'Auxerrois; et la nomination de la cure appartenoit au chapitre de Notre-Dame, comme ayant succédé, après la réunion, aux droits du chapitre de Saint-Germain. La circonscription de cette paroisse étoit d'une très-grande étendue; elle comprenoit:

La rue de la Lingerie des deux côtés, le côté gauche de la rue aux Fers; de là elle prenoit le côté gauche de la rue Saint-Denis jusqu'à l'espace compris entre la rue Mauconseil et celle du Petit-Lion. Ensuite, traversant la rue Françoise, elle s'étendoit jusqu'au cul-de-sac de la Bouteille, d'où elle reprenoit la rue Montorgueil, la rue des Petits-Carreaux, et suivoit tout le côté gauche de la rue Poissonnière.

Cette paroisse avoit encore le côté gauche de la rue d'Enfer, des rues Coquenart et de Saint-Lazare. En revenant elle avoit les rues nouvellement bâties dans la Chaussée-d'Antin; puis la rue Neuve-Saint-Augustin, une partie de la rue de Richelieu jusqu'à la rue Saint-Honoré; et depuis le coin de la rue Saint-Honoré, tout le côté gauche, jusqu'à celle de la Lingerie, point de départ.

Parmi les reliques qu'on gardoit dans cette église, on en remarquoit une de saint Eustache, son patron, renfermée dans une châsse d'argent. Cette relique lui avoit été envoyée, sous le pontificat de Grégoire XV, par le cardinal d'Est et par le chapitre de Saint-Eustache de Rome[233].

COMMUNAUTÉ DE SAINTE-AGNÈS.

Cette communauté, située dans la rue Plâtrière, avoit été instituée dans l'intention charitable de procurer aux jeunes filles pauvres du quartier un moyen honnête d'existence, en les élevant gratuitement dans les différents genres d'industrie propres à leur sexe, tels que la couture, la broderie, la tapisserie, etc.[234] Léonard de Lamet, curé de Saint-Eustache, avoit conçu l'idée de cet établissement, à la formation duquel plusieurs personnes pieuses s'empressèrent de concourir. Ces premières libéralités suffirent aux besoins les plus pressants de cette maison, qui ne fut d'abord composée que de trois sœurs; mais en 1681, trois ans après sa fondation, on y comptoit déjà quinze sœurs-maîtresses, qui donnoient des leçons à plus de deux cents jeunes filles. Le roi, convaincu des avantages que la classe indigente pouvoit retirer d'un pareil établissement, le confirma par lettres-patentes du mois de mars 1682, enregistrées le 28 août 1683. Par ces lettres il est dit que cette communauté jouira de toutes les franchises et priviléges des maisons de fondation royale, à condition néanmoins qu'elle ne pourra être changée en maison de profession religieuse, et qu'elle continuera, comme elle a commencé, à remplir l'objet de son institution. La même année M. de Colbert lui fit don de 500 livres de rentes.

Rien n'étoit comparable au zèle et à la charité des saintes filles qui dirigeoient cette utile fondation. Dans l'extrême pauvreté où elles vivoient, elles se privoient souvent du nécessaire pour fournir aux besoins des enfants qui leur étoient confiés. On les vit, dans l'hiver rigoureux de 1709, et dans la disette qui le suivit, pousser cette ardente charité jusqu'à sacrifier leur contrat de 500 livres, seul bien qu'elles possédassent, pour acheter la farine nécessaire à la subsistance de leurs pauvres petites élèves. Tels sont les prodiges du christianisme; et une vertu si touchante mérite d'autant plus d'être louée, que, trouvant en elle-même la seule récompense qu'elle désire, elle évite la louange, et fait ses délices de l'obscurité.

Le curé de Saint-Eustache étoit chargé de la surveillance de la communauté de Sainte-Agnès, dont la maison avoit, dans la rue du Jour, une porte par laquelle les sœurs se rendoient à l'office divin de la paroisse. On y prenoit aussi en pension de jeunes demoiselles qui recevoient une éducation honorable et chrétienne dans une partie de l'édifice séparée de l'école des pauvres filles[235].

CHAPELLE DE SAINTE-MARIE-ÉGYPTIENNE, OU DE LA JUSSIENNE.

On ignore également et le nom du fondateur et dans quel temps fut bâtie cette chapelle, qui faisoit le coin de la rue Montmartre et de celle de la Jussienne. Tous les auteurs qui en ont parlé n'ont présenté que des conjectures qui ne sont appuyées sur aucun acte authentique. Dubreul, dom Félibien, et Piganiol qui les copie, lui assignent une origine fort ancienne, et, sur la foi de quelques titres mal interprétés, se sont imaginé qu'elle avoit été donnée aux Augustins lors de leur premier établissement à Paris, c'est-à-dire vers l'an 1250[236].

L'abbé Lebeuf conjecture que «cette chapelle a pu servir de clôture à une femme de Blois, qui s'y sera renfermée pour faire pénitence de s'être mêlée du métier des Égyptiens ou Bohémiens, ou bien à une autre de ces Égyptiennes qui se disoient condamnées à faire des pélerinages par pénitence et par mortification, et qui se seroit renfermée dans cette chapelle pour y finir ses jours, à l'imitation de sainte Marie-Égyptienne[237].

Jaillot pense que toutes ces opinions sont destituées de fondement. Il prétend d'abord que les Augustins n'ont jamais possédé cette chapelle; et les preuves qu'il en donne sont que ces religieux achetèrent une maison et un jardin hors la porte de Montmartre; que non-seulement il n'est point fait mention dans le contrat d'acquisition qu'il y eût alors de chapelle en ce lieu, mais qu'il est au contraire prouvé qu'il n'y en avoit point, par l'acte même d'amortissement du mois de décembre 1259, lequel porte qu'ils y devoient faire construire une maison et une chapelle, ibidem domum et oratorium construere[238]. Celle qu'ils y firent élever portoit le nom de Saint-Augustin, et c'est ainsi qu'elle est désignée dans la bulle du pape Alexandre IV, du 6 juin 1260. Lorsque les Augustins abandonnèrent cette demeure en 1285, il n'est fait mention de la chapelle ni dans la cession qu'ils firent de leur manoir, en 1290, à Guillaume le Normand, ni dans la vente que l'évêque de Paris en fit en 1293 à Robert, fils du comte de Flandre. «On stipula, dit-il, dans cet acte, que le cimetière ne seroit point employé à des usages profanes: le silence qu'on garde sur la chapelle ne donneroit-il pas lieu de penser que, si elle eût existé, on auroit également stipulé ou qu'elle seroit conservée, ou que si l'on venoit à l'abattre, le terrain n'en seroit pas moins respecté que celui du cimetière? Il y a plus: auroit-on permis aux Augustins de la vendre à un particulier? Il en faut donc conclure qu'elle ne subsistoit plus alors, et que celle de Sainte-Marie-Égyptienne fut bâtie depuis sur l'emplacement de l'ancienne ou sur celui du cimetière qui lui étoit contigu[239]

Le même critique oppose aux conjectures de l'abbé Lebeuf que les Égyptiens ou Bohémiens dont il parle ne furent connus à Paris, suivant les anciens auteurs, que dans l'année 1427[240], et que cette chapelle existoit bien auparavant, puisqu'il en est fait mention dans le censier de l'évêché de 1372, où elle est appelée chapelle de Quoque Héron, et dans celui de 1399, où elle est indiquée sous le nom de la chapelle de l'Égyptienne; et que le surnom de Blois se trouve pour la première fois dans une opposition faite par l'évêque, le 19 juin 1438, aux criées d'une maison rue Coq-Héron, près l'Égyptienne-de-Blois.

Après avoir détruit l'assertion des auteurs qui l'ont précédé, Jaillot avoue qu'il n'a rien trouvé d'authentique, ni sur la fondation de cet édifice, ni sur l'étymologie de son nom; nous imiterons sa réserve, n'ayant pas plus que lui le moyen d'éclaircir ce point si obscur de l'histoire des monuments de Paris[241].

Les marchands drapiers avoient choisi cette chapelle pour y placer leur confrérie, et y faisoient dire une messe tous les dimanches et fêtes, usage qui s'est pratiqué jusqu'à la révolution.

COLLÉGE DES BONS-ENFANTS[242], ET CHAPELLE SAINT-CLAIR.

Ce collége, depuis long-temps détruit, étoit situé près de l'église Saint-Honoré, dans la rue à laquelle il a donné son nom; et la chapelle de Saint-Clair en dépendoit. Quelques historiens en ont attribué la fondation à Renold Chereins ou Cherei, fondateur de l'église collégiale de Saint-Honoré; d'autres assurent avec plus d'autorité[243] que la construction de cette basilique n'étoit pas encore achevée, lorsque Étienne Belot et Ada sa femme projetèrent, en 1208, de faire construire auprès d'elle une maison pour treize pauvres écoliers, qui seroient instruits par un chanoine de Saint-Honoré, dont ils auroient fondé la prébende. Ce qui a pu tromper ceux qui ont soutenu l'autre opinion, c'est que Renold Cherei voulut bien contribuer à cette bonne œuvre par la cession de l'emplacement sur lequel fut bâtie cette maison, laquelle fut appelée l'Hôpital des pauvres écoliers.

C'étoit l'évêque de Paris qui nommoit les boursiers de ce collége; et, quoiqu'il ne fût pas situé dans le quartier de l'Université, il n'en étoit pas moins soumis à ses lois comme toutes les autres institutions du même genre. Les choses restèrent en cet état jusqu'en 1432, que, sur la demande du chapitre de Saint-Honoré qui se disoit fort pauvre, cet établissement, alors composé seulement d'un chanoine-maître, d'un chapelain et de quatre pauvres écoliers, fut réuni avec sa chapelle à cette collégiale, par Jacques du Chastelier, évêque de Paris[244]; mais ce changement ne fut pas de longue durée. L'Université se hâta de représenter qu'il existait une prébende spécialement fondée pour le service de ce collége, et cette représentation détermina l'évêque à casser l'union qu'il avoit prononcée, et à rétablir le collége sur le même pied qu'auparavant. Ceci dura jusqu'en 1602, époque à laquelle les Chanoines de Saint-Honoré, par des raisons que les historiens n'indiquent pas, obtinrent une nouvelle réunion de ce collége à leur chapitre, réunion qui fut confirmée par une bulle de Clément VIII du mois d'octobre de la même année, vérifiée au parlement le 30 juillet 1605.

Il paroît vraisemblable que le chapitre avoit promis de se charger directement d'y faire continuer l'enseignement, car dans l'année 1611 on y voit encore deux professeurs. Mais cette nouvelle administration ne fut point continuée; les études y cessèrent bientôt entièrement, et le collége resta incorporé et annexé au chapitre, ainsi que la chapelle qui en dépendoit. Dédiée d'abord sous l'invocation de la Sainte-Vierge, elle prit ensuite le nom de Saint-Clair, à l'occasion d'une confrérie en l'honneur de ce saint qui y avoit été établie en 1486, et qui l'en a fait regarder depuis comme le principal titulaire[245].

HALLE AU BLÉ.

La Halle au blé, placée autrefois dans le quartier où étoient les principales Halles de Paris, consistoit en une place irrégulière, mais d'une très-vaste étendue, et entourée de maisons. On peut s'en faire une idée assez juste en se figurant un grand espace vide au milieu des maisons qui donnent sur les rues de la Lingerie, de la Cordonnerie, des Grands-Piliers, de la Tonnellerie et de la Friperie.

Il y avoit une autre Halle ou Marché au blé, qui, de temps immémorial, se tenoit dans la Cité, vis-à-vis l'église de la Magdeleine. Ce marché appartenoit aux rois de France; et l'on trouve qu'en 1216 Philippe-Auguste, qui venoit de faire construire les Halles dans Champeaux, en fit présent à son échanson, dont il vouloit récompenser les services. Un siècle après il appartenoit à un chanoine de Notre-Dame de Paris, et en 1436 le chapitre de cette église en étoit le propriétaire. Ce n'est que vers le milieu du dix-septième siècle que l'on jugea à propos de réunir ensemble les deux marchés au blé dans le quartier commun à tous les marchés de Paris.

La ville ayant fait l'acquisition, en 1755, du terrain qu'avoit occupé l'hôtel de Soissons, démoli quelques années auparavant, la résolution fut prise de bâtir sur cet emplacement une nouvelle halle au blé, et d'abandonner l'ancienne, dont l'incommodité se faisoit sentir de jour en jour davantage. Cet édifice, commencé en 1763, fut achevé dans l'espace de trois ans, par les soins de M. de Viarmes, prévôt des marchands[246], d'après les dessins de M. Le Camus de Mézières, architecte.

Ce monument, formé d'un vaste portique circulaire qui règne autour d'une cour de vingt pieds de diamètre, est le seul de ce genre qui existe à Paris, et qui puisse nous donner une idée des théâtres et amphithéâtres des anciens, composés, il est vrai, les uns d'un simple demi-cercle, les autres dans une forme elliptique, mais dont la masse devoit offrir à l'œil un effet à peu près semblable à celui que présente ce monument.

La cour immense que renferme cet édifice fut laissée à découvert lors de sa construction; mais on s'aperçut bientôt que les portiques voûtés qui l'environnent n'étoient pas suffisants pour abriter tous les grains auquel il sert d'entrepôt, et le projet de couvrir cette cour fut arrêté. MM. Legrand et Molinos, architectes, chargés, en 1782, de ce grand travail, l'exécutèrent avec une rare perfection, d'après le système ingénieux et économique de Philibert Delorme, c'est-à-dire en charpente, composée de planches de sapin appareillées deux à deux[247]. Cette coupole, presque égale en diamètre à celle du Panthéon de Rome, percée de vingt-cinq rayons garnis de vitraux, produisoit le plus grand effet, et paroissoit d'une grandeur et d'une légèreté surprenantes. L'œil parcouroit avec étonnement cette voûte immense de cent quatre-vingt-dix-huit pieds de développement dans sa montée, trois cent soixante-dix-sept pieds de circonférence, et cent pieds de hauteur du pavé à son sommet; on ne concevoit pas comment elle pouvoit se soutenir ainsi découpée, et sur moins d'un pied d'épaisseur apparente[248].

Ce monument, si imposant par sa masse, mérite encore d'être remarqué pour sa construction soignée, la légèreté de ses voûtes en briques, la forme recherchée et l'appareil de ses deux escaliers; enfin il est peu d'édifices à Paris qui présentent, sous tous les rapports d'ensemble et de détails, un aspect plus satisfaisant[249].

La colonne astronomique que l'on voit accolée à sa surface extérieure est celle que Catherine de Médicis fit élever, en 1572, dans la cour de l'hôtel de Soissons, et le seul débris qui reste de cette demeure royale. Cette colonne, d'ordonnance dorique, a quatre-vingt-quinze pieds d'élévation. Bullant, qui en fut l'architecte, creusa dans son intérieur un escalier[250] qui existe encore, et qui conduisoit autrefois à une espèce d'observatoire établi sur le tailloir, dans lequel on prétend que Catherine de Médicis se retiroit souvent avec ses astronomes.

À l'époque de la construction de la Halle au blé, cette colonne, qui avoit été conservée par les soins généreux d'un simple particulier[251], fut engagée dans le mur du nouveau monument, ce qui lui a fait perdre une partie de son effet. On pratiqua en même temps dans le soubassement une fontaine publique; et sur le fût on traça un méridien, très-ingénieux, composé par le père Pingré, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, et de l'Académie des Sciences.

HOSPICE DE LA RUE DE GRENELLE.

Cet hôpital ou hospice, qui existoit encore en 1760, avoit été fondé en 1497[252] dans cette rue, pour huit pauvres filles ou veuves de quarante à cinquante ans. Il étoit situé près de la rue des Deux-Écus, et devoit son établissement à Catherine Du Homme, veuve de Guillaume Barthélemi, qui légua à cet effet un jardin dont elle étoit propriétaire dans la rue de Grenelle, chargeant les enfants de sa sœur de l'exécution de ses volontés à cet égard.

HÔTELS.

ANCIENS HÔTELS DÉTRUITS.

Hôtel d'Aligre.

Cet hôtel, situé rue d'Orléans, s'étendoit anciennement jusqu'aux rues Saint-Honoré et de Grenelle[253]. Il appartenoit, sous le règne de Henri II, à M. de Roquencourt, contrôleur-général des finances[254], qui en fit don à Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois. De cette famille il passa à Pierre Brûlart, marquis de Sillery; puis à Achille de Harlay, maître des requêtes. Son fils ayant été nommé premier président en 1669, le vendit à M. de Verthamont. Du reste, cet édifice n'avoit rien de remarquable ni dans son architecture ni dans son intérieur.

Hôtel de Chamillart.

Cet hôtel étoit situé rue Coq-Héron. Il a porté le nom d'hôtel de Gesvres, puis celui de Chamillart, contrôleur-général des finances, qui en avoit fait l'acquisition. Il prit ensuite celui de Coigny, du maréchal de ce nom qui l'habita long-temps, ainsi que sa famille. Il n'avoit rien de remarquable.

Hôtel de Flandre.

Sauval, le seul des historiens de Paris qui ait parlé de cet hôtel avec quelque détail, est tellement obscur et embrouillé dans ce qu'il en dit, son récit offre même tant de contradictions évidentes, qu'il n'est pas facile d'y démêler la vérité. Cependant, en le comparant avec les foibles renseignements que l'on rencontre ailleurs, on trouve que Gui de Dampierre, comte de Flandre, acheta, vers l'an 1292, d'un bourgeois nommé Coquillier, une grande maison située dans la rue appelée de son nom rue Coquillière, et que ce seigneur ne la trouvant point assez vaste, il acquit encore de Simon Matiphas de Buci, évêque de Paris, trois arpents et demi de terres voisines, sur lesquels il fit construire son hôtel et les jardins qui en dépendoient. Cet hôtel étoit situé près des murailles qui formoient l'enceinte de la ville sous le règne de Charles V, et avoit sa principale entrée sur la rue Coquillière.

Il paroît qu'il occupoit tout l'espace renfermé entre les rues des Vieux-Augustins, Pagevin, Plâtrière et Coquillière[255]. Robert, fils aîné du comte de Flandre, fit, en 1293, une nouvelle acquisition de l'évêque de Paris. Les censiers de l'archevêché nous apprennent qu'il en acheta[256] le pourpris ou manoir, qui avoit servi aux Augustins lors de leur premier établissement dans cette ville, et toutes les terres qui l'environnoient[257].

Cet hôtel appartint à ses descendants jusqu'au mariage de Marguerite de Flandre avec Philippe de France, fils du roi Jean, et premier duc de Bourgogne de la seconde race. Il passa ensuite à Antoine de Bourgogne, duc de Brabant, leur second fils. Après sa mort et celle de ses fils, qui ne laissèrent point d'enfants, cet hôtel fut réuni aux domaines des ducs de Bourgogne, comtes de Flandre.

En 1493, il appartenoit encore à Marie de Bourgogne, fille unique du dernier duc de ce nom, laquelle épousa Maximilien, archiduc d'Autriche; leurs enfants en héritèrent, et l'hôtel subsista jusqu'en 1543. Au mois de septembre de cette année, François Ier ordonna, par lettres-patentes, qu'il seroit démoli, et l'emplacement divisé en plusieurs places, que l'on vendroit à des particuliers. On ne conserva de cet édifice que deux gros pavillons carrés, bâtis, l'un dans l'alignement de la rue Coquillière, et l'autre le long de la rue Coq-Héron, lesquels ne furent démolis qu'en 1618.

L'enceinte de cet hôtel étoit si étendue que sur le terrain qu'il occupoit on bâtit depuis les hôtels d'Armenonville (actuellement des Postes), de Chamillart, de Bullion, et un grand nombre d'autres maisons moins considérables.

Hôtel de Laval.

Cette maison, dont François Mansard fut l'architecte, avoit été bâtie au bout de la rue Coquillière, près de l'emplacement des anciennes fortifications de la ville. Elle appartenoit, en 1684, à M. Berrier, qui, faisant faire des fouilles dans son jardin, y trouva, à deux toises de profondeur, les fondements d'un ancien édifice, et dans les ruines d'une vieille tour, une tête de femme[258] en bronze antique. Elle étoit un peu plus grande que nature, surmontée d'une tour qui lui servoit de coiffure; et les yeux en avoient été arrachés, apparemment parce qu'ils étoient d'argent. La découverte de cette figure exerça beaucoup la sagacité des antiquaires, et fit naître une foule de conjectures. La tour crénelée et à six faces dont elle étoit couronnée parut à quelques-uns une preuve convaincante que c'étoit une tête de la déesse Cybèle, autrefois en grande vénération dans les Gaules. Le père Molinet pensa que ce pouvoit être celle d'une statue d'Isis spécialement honorée à Paris. Enfin les auteurs du Journal de Trévoux crurent y voir une représentation de la ville elle-même, déifiée sous le nom de la déesse Lutèce.

Hôtel de Royaumont.

Cet hôtel, bâti en 1613 par Philippe Hurault, évêque de Chartres et abbé de Royaumont, étoit situé rue du Jour, et fut pendant quelque temps le rendez-vous général des duellistes de Paris. Il étoit alors occupé par François de Montmorency, comte de Boutteville; et les braves de la cour et de la ville s'y assembloient le matin dans une salle basse, où l'on trouvoit toujours du pain et du vin sur une table dressée exprès, et des fleurets pour s'escrimer.

Hôtel de Soissons.

Cet hôtel, bâti sur l'emplacement qu'occupe actuellement la Halle au blé, s'étendoit d'un côté jusqu'aux rues Coquillière, du Four, de Grenelle, et de l'autre comprenoit dans son enceinte une partie des rues d'Orléans et des Vieilles-Étuves; mais il n'eut pas toujours ni le même nom ni la même étendue: car depuis le treizième siècle, époque à laquelle remontent les notions que l'on possède sur ce monument, jusqu'à sa destruction, nous trouvons qu'il changea vingt fois de maître et cinq fois de nom. Il fut nommé d'abord l'hôtel de Nesle, puis l'hôtel de Bohème, ensuite le couvent des Filles Pénitentes, l'hôtel de la Reine, enfin l'hôtel de Soissons.

Il fut d'abord connu sous le nom d'hôtel de Nesle, parce qu'il appartenoit, au treizième siècle, aux seigneurs de cette illustre maison. On voit, par les titres du trésor des chartes, que Jean II de Nesle, châtelain de Bruges, et Eustache de Saint-Pol sa femme, le donnèrent, en 1232, au roi saint Louis et à la reine Blanche sa mère[259], à laquelle il appartint presque aussitôt en entier par le don que le roi lui fit de tous les droits qu'il pouvoit y avoir. Dès que la reine Blanche en fut devenue l'unique propriétaire, elle en fit sa demeure habituelle; et ce fut dans cette maison qu'elle mourut.

Il est très-probable qu'après la mort de la reine Blanche cet hôtel fut réuni aux domaines de la couronne, puisqu'en 1296 Philippe-le-Bel, petit-fils de saint Louis, le donna à Charles, comte de Valois, son frère, et qu'en 1327 Philippe de Valois, depuis roi de France, en fit présent à son tour à Jean de Luxembourg, roi de Bohème. Jusqu'à cette époque l'hôtel de Nesle n'avoit pas changé de nom; mais alors on lui donna celui du nouveau propriétaire, et depuis ce temps on le trouve désigné dans plusieurs chartes du quatorzième siècle sous les noms de Behagne, Bahaigne, Béhaine, Bohaigne, etc., dont on se servoit alors pour exprimer celui de Bohème. Après la mort du roi de Bohème, Bonne de Luxembourg sa fille, ayant épousé Jean de France, fils aîné de Philippe de Valois, et depuis son successeur, cet hôtel revint de nouveau, par ce mariage, au domaine de la couronne.

On trouve ensuite que Jean et Charles son fils en firent don à Amédée VI, comte de Savoie, en vertu d'un traité conclu entre eux le 5 janvier 1354. Cet hôtel passa ensuite à la maison d'Anjou; mais nous n'avons trouvé aucun titre qui ait pu nous instruire si ce fut par don ou par acquisition que cette famille en devint propriétaire. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'en 1388 il appartenoit à Marie de Bretagne, veuve de Louis de France, fils du roi Jean, duc d'Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile, et à Louis IIe du nom leur fils; car, dans cette année 1388, ils le vendirent 12,000 livres au roi Charles VI, qui le donna à son frère Louis de France, duc de Touraine et de Valois, depuis duc d'Orléans. On continua cependant toujours à l'appeler l'hôtel de Bohème; et il fut connu sous ce nom jusqu'en 1492 ou 1493, époque à laquelle le duc d'Orléans (depuis Louis XII) accorda une partie de cet hôtel aux Filles Pénitentes pour y établir leur communauté[260]: il prit alors le nom de Maison des Filles Pénitentes.

Comme ce fut à cette occasion que commencèrent les changements qui par degrés firent disparoître toutes les anciennes constructions de ce monument, nous croyons à propos de donner ici une idée de ce qu'il étoit à cette époque.

L'hôtel, ou plutôt le palais de Bohème, presque toujours habité par des souverains ou par des princes du sang de France, ne le cédoit alors ni au Louvre ni aux autres maisons royales, soit par l'étendue, soit par la richesse des décorations intérieures. Le principal corps de logis contenoit deux grands appartements de parade avec tous leurs accessoires. Ils étoient éclairés par des croisées longues, étroites et fermées de fil d'archal; les lambris et plafonds étoient en bois d'Irlande couvert de sculptures, ce qui étoit alors un très-grand luxe: car ceux qui décoroient au Louvre les appartements du roi et de la reine n'étoient ni d'un autre travail ni d'une autre matière. Le jardin placé devant ces appartements avoit à peu près quarante-cinq toises de longueur, et s'étendoit depuis la rue d'Orléans jusqu'à la place qui est devant Saint-Eustache; au milieu de ce jardin étoit un bassin avec un jet d'eau, et auprès une grande esplanade où le roi et les princes venoient s'exercer à la joute et aux autres jeux guerriers en usage dans ces temps-là. Tel étoit le magnifique manoir qui excitoit l'admiration de nos aïeux, et dont les historiens nous ont transmis la description la plus détaillée, avec les regrets les plus vifs de ce qu'après la cession faite d'une partie de cette maison aux Filles Pénitentes, de si beaux lieux eussent été convertis en chapelles, dortoirs, cloîtres, etc.

Ces filles achetèrent, en 1498, le reste de la maison, et alors cet hôtel ne fut plus désigné que sous le nom de Maison des Filles Pénitentes. D'après ce que nous venons de dire, on voit qu'il occupoit dès lors une vaste étendue de terrain; cependant on se tromperoit si l'on croyoit qu'il comprît à cette époque tout celui qui fut renfermé depuis dans l'hôtel de Soissons. Qu'on se figure les murs de l'enceinte de Philippe-Auguste qui traversoient cet endroit à une certaine distance de la rue de Grenelle; qu'on se représente la rue d'Orléans prolongée jusqu'à la rue Coquillière, on aura une idée assez juste de l'étendue de l'hôtel de Bohème remplissant l'espace intermédiaire, ce qui pouvoit former à peu près la moitié du terrain qu'a occupé depuis l'hôtel de Soissons. Déjà même on avoit percé et démoli le mur de clôture de la ville pour agrandir cet édifice, lorsque les Filles Pénitentes s'y établirent. Elles y restèrent jusqu'en 1572, époque à laquelle Catherine de Médicis, ayant abandonné la construction des Tuileries, les fit transférer rue Saint-Denis, et choisit cet endroit pour y faire bâtir un nouveau palais qui fut appelé hôtel de la Reine.

Cette princesse acheta pour cet effet plusieurs maisons du côté de la rue du Four, et fit abattre le monastère et l'église des Filles Pénitentes avec tout ce qui en dépendoit; par ses ordres on coupa les rues d'Orléans et des Étuves, qu'elle fit renfermer dans le plan du nouvel édifice; de sorte qu'il ne resta pas le moindre vestige ni de l'hôtel de Nesle, ni de celui de Bohème, ni du couvent des Filles Pénitentes. Les bâtiments qu'elle fit élever formoient cinq appartements immenses, et d'une magnificence vraiment royale. En effet Sauval dit l'avoir vu occupé en même temps par plusieurs princes du sang; et il ajoute que cet hôtel étoit si vaste et si commode, qu'il n'y avoit à Paris que le Palais Cardinal qui pût lui être comparé[261].

On entroit dans cette belle demeure par un superbe portail imité de celui de Farnèse à Caprarole; au-delà de la grande cour étoit un parterre, au milieu duquel s'élevoit une Vénus de marbre blanc, ouvrage de Jean Goujon; elle étoit portée sur quatre consoles, et placée au-dessus d'un bassin en marbre de la même couleur.

Du côté des rues Coquillière et de Grenelle, on avoit tracé un autre grand parterre, accompagné de plusieurs allées d'arbres qui servoient de promenade publique. À l'un des angles de ce jardin s'élevoit une chapelle qui passoit pour la plus grande et la plus ornée qu'il y eût alors à Paris.

À sa mort, arrivée en 1589, Catherine de Médicis avoit légué son hôtel à Christine de Lorraine sa petite-fille; mais ses créanciers empêchèrent l'effet de cette donation[262], et il fut vendu, en 1601, à Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV. Trois ans après, cette princesse mourut, et cet édifice changea encore de maître. L'acquisition en fut faite par Charles de Soissons, fils de Louis de Bourbon, premier prince de Condé, d'où il passa dans la maison de Savoie, par le mariage d'une de ses filles avec Thomas François de Savoie, prince de Carignan. Cette princesse lui porta en dot cet hôtel, qui ne cessa point d'être appelé hôtel de Soissons.

Après la mort du prince de Carignan, la propriété en fut transmise à ses créanciers, qui le firent démolir en entier dans les années 1748 et 1749, à la réserve de la colonne dont nous avons déjà parlé. Enfin, en 1755, la ville de Paris, en vertu de lettres-patentes, fit l'acquisition de ce terrain, pour y faire construire la Halle au blé[263].

Hôtel du duc de Berri.

Cet hôtel, situé dans la rue du Four, occupoit presque tout l'espace compris entre l'hôtel de Bohème et les rues des Vieilles-Étuves et des Deux-Écus. Il passa au connétable d'Albret vers le commencement du quinzième siècle, fut ensuite confisqué sur son fils, et vendu à divers particuliers. Nous croyons que c'est le même hôtel qui appartenoit, un siècle auparavant, à Jacques de Bourbon, connétable de France sous le règne du roi Jean.

Hôtel de Calais.

Il étoit situé rue Plâtrière et à l'entrée de cette rue, du côté de la rue Coquillière. Cet hôtel, que l'on appeloit aussi le Châtel de Calais, appartenoit dans le quatorzième siècle au comte de Joigny, et ensuite au sieur Bernard de Chaillon; enfin, au mois de mai 1387, il fut donné par le roi à Guillaume de La Trémoille[264]. Cet hôtel tenoit à des écuries et à un manége que Charles V avoit fait bâtir dans une rue adjacente, et que l'on nommoit le Séjour du Roi[265], et l'hôtel de Laval avoit été en partie élevé sur son emplacement.

HÔTELS EXISTANTS EN 1789.

Hôtel de Bullion (rue Plâtrière).

Cet hôtel fut bâti vers l'an 1630 par Claude de Bullion, surintendant des finances. Un tel édifice, qui n'a rien que de médiocre dans son architecture, nous paroîtroit peu digne aujourd'hui de servir de logement à un surintendant des finances[266]. On remarquoit seulement dans l'intérieur deux galeries qui avoient été peintes et décorées par trois artistes célèbres, Vouet, Blanchard et Sarazin. Ces décorations ont été détruites.

Hôtel des Fermes, ci-devant de Séguier (rue de Grenelle).

Cet hôtel, dont la porte principale est dans la rue de Grenelle, a été habité par des princes et par plusieurs personnages illustres. Il est connu dès le seizième siècle, et consistoit alors en deux maisons qui appartenoient à Isabelle Le Gaillard, femme de René Baillet, seigneur de Sceaux, et second président du parlement. Cette dame les vendit, en 1573, à Françoise d'Orléans, veuve de Louis de Bourbon, premier prince de Condé. On voit ensuite cette demeure passer entre les mains de Henri de Bourbon, dernier duc de Montpensier, et sa veuve le revendre, après sa mort, à Roger de Saint-Larri, duc de Bellegarde, qui en étoit propriétaire en 1612. Celui-ci le fit rebâtir et agrandir, au moyen de quelques acquisitions qu'il fit dans la rue du Bouloi; et ces nouvelles constructions furent faites sous la direction de Ducerceau. Elles furent composées, suivant l'usage de ce temps-là, d'assises de briques liées ensemble par des chaînes de pierres en bossage; mauvais genre d'architecture dont nous avons déjà remarqué la bizarrerie.

Pierre Séguier, chancelier de France, ayant acheté cet hôtel en 1633, l'augmenta depuis de deux vastes galeries construites l'une sur l'autre, et qui régnoient entre les deux jardins, depuis le grand corps-de-logis jusqu'à la rue du Bouloi. La galerie supérieure formoit une bibliothéque; et toutes les deux avoient été ornées de peintures par Simon Vouet.

Le même peintre avoit enrichi la chapelle de tableaux, dont les sujets étoient pris de la vie de la sainte Vierge et de celle de Jésus-Christ. Sur l'autel étoient deux statues de Sarrazin, qui représentoient saint Pierre et sainte Magdeleine, patrons du chancelier Séguier et de son épouse.

Ce fut dans cet hôtel que ce magistrat se fit un plaisir d'accueillir les artistes et les savants, qui trouvèrent en lui un protecteur puissant et éclairé. Ce zèle et cet amour qu'il témoigna toute sa vie pour les sciences et les arts déterminèrent l'Académie françoise à le choisir pour son chef après la mort du cardinal de Richelieu. Le chancelier ayant accepté un patronage qui alors étoit très-honorable, cette compagnie tint ses séances dans sa maison jusqu'en 1673, que le roi lui accorda une salle au Vieux-Louvre.

Ce fut dans ce même hôtel que le chancelier Séguier eut plus d'une fois l'honneur de recevoir Louis XIV, et qu'en 1656 la reine de Suède honora l'Académie françoise de sa présence.

Vers la fin du dix-septième siècle, les fermiers-généraux en firent l'acquisition pour y tenir leurs assemblées et placer leurs bureaux; et ils en sont demeurés propriétaires jusqu'au moment de la révolution.

Hôtel des Postes (rue Plâtrière).

Cet hôtel n'étoit, vers la fin du quinzième siècle, qu'une grande maison, appelée l'Image Saint-Jacques, laquelle appartenoit à Jacques Rebours, procureur de la ville. Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d'Épernon, l'ayant achetée et fait rebâtir, elle fut vendue par Bernard de Nogaret son fils à Barthélemi d'Hervart, contrôleur-général des finances, qui la fit reconstruire presque en entier, et n'épargna rien pour en faire une habitation magnifique. On y remarquoit particulièrement plusieurs ouvrages de Mignard, et le tableau de la chapelle, représentant la Prédication de saint Jean-Baptiste, par Bon Boulongne.

Cet hôtel passa ensuite à M. Fleuriau d'Armenonville, secrétaire d'état, et au comte de Morville son fils, ministre secrétaire d'état aux affaires étrangères; il portoit encore le nom d'hôtel d'Armenonville, lorsqu'en 1757 le roi le fit acheter pour y placer les bureaux des postes. On y fit alors les constructions et distributions nécessaires à sa nouvelle destination[267].

La maison de l'intendant-général des postes est renfermée dans l'enceinte de cet hôtel. Sa porte d'entrée, qui donne sur la rue Coq-Héron, est accompagnée de deux pavillons.

Hôtel de Toulouse.

Cet hôtel fut bâti vers l'an 1620, sur les dessins de François Mansard, pour Raymond-Phelypeaux de la Vrillière, secrétaire d'état; en 1701 il fut vendu à M. Rouillé, maître des requêtes; enfin le comte de Toulouse, qui l'acheta en 1713, lui donna le nom qu'il n'a point cessé de porter jusqu'aux derniers temps de la monarchie. Cet hôtel est situé en face de la petite rue de la Vrillière. Le portail, que l'on a long-temps admiré, passoit pour un des ouvrages les plus remarquables de Mansard.

Cet édifice, bâti sur un terrain irrégulier, s'étend le long de la rue Neuve-des-Bons-Enfants jusqu'à la rue Baillif. Il n'offre rien dans sa construction de vraiment beau; et dans un temps où l'on n'étoit pas difficile en architecture, on y trouvoit déjà de grands défauts.

Les vastes et nombreux appartements qu'il renferme étoient décorés avec un luxe d'ornements prodigieux. La galerie et les cabinets contenoient une collection de tableaux de grands maîtres, qui jouissoit de beaucoup de réputation. Formée par le comte de Toulouse, elle avoit été augmentée par son fils M. le duc de Penthièvre, qui, à l'époque de la révolution, habitoit cet hôtel avec madame la princesse de Lamballe sa fille.

Le grand escalier intérieur, placé dans l'aile gauche, conduisoit à une salle dite des Amiraux, et ainsi appelée parce qu'on y voyoit les portraits de tous les amiraux de France, depuis Florent de Varennes, qui vivoit en 1270, jusqu'à M. le duc de Penthièvre inclusivement[268].

Hôtel de Gesvres.

Cet hôtel, situé dans la rue Croix-des-Petits-Champs, a eu autrefois quelque célébrité, moins à cause du nom qu'il portoit, que parce qu'il étoit le seul endroit où l'on tolérât autrefois les jeux de hasard, ces jeux que, depuis, la sagesse de nos rois avoit entièrement supprimés, et que l'on a vus l'objet des spéculations fiscales, et pour ainsi dire des encouragements de tous les gouvernements révolutionnaires qui se sont succédé. En 1750, une compagnie d'assurances en avoit fait aussi le lieu de ses assemblées; et c'est pourquoi on y voyoit sculptées sur la porte les armes du roi, avec une ancre de vaisseau.

FONTAINES.

Fontaine de la nouvelle Halle.

Elle a été pratiquée dans le piédestal de la colonne astronomique élevée par Catherine de Médicis, et qui se trouve maintenant adossée à la Halle au blé.

RUES ET PLACES DU QUARTIER SAINT-EUSTACHE.

Rue des Vieux-Augustins. Elle aboutit d'un côté à la rue Montmartre, de l'autre à la rue Coquillière, et doit cette dénomination aux Grands-Augustins qui s'y établirent en arrivant à Paris. Il paroît que depuis cette époque elle a toujours été appelée ainsi, mais seulement jusqu'à la rue Pagevin, qui donnoit autrefois son nom à la continuation de celle-ci jusqu'à la rue Coquillière. En effet, le territoire de ces religieux ne s'étendoit pas au-delà de la rue Soli. Ce domaine, qui passa ensuite dans les mains de plusieurs propriétaires, s'appeloit, au seizième siècle, le clos Gaultier Saulseron[269].

Rue Babille. En construisant la Halle au blé sur l'emplacement de l'hôtel de Soissons, on pratiqua six rues pour en faciliter l'accès et les débouchés; celle-ci forme la continuation de la rue d'Orléans, et doit son nom à M. Babille, avocat au parlement, chevalier de l'ordre du roi, alors échevin.

Rue Baillifre, vulgairement appelée Baillif. Elle va de la rue des Bons-Enfants à celle de la Croix-des-Petits-Champs. Tous les plans du dix-septième siècle la confondent avec la rue des Bons-Enfants, qu'ils font aboutir en retour d'équerre dans la rue Croix-des-Petits-Champs. Elle en étoit cependant distinguée, dès le siècle précédent. Sauval dit qu'elle s'appelle Baliffre, et qu'elle doit ce nom à Claude Baliffre, surintendant de la musique de Henri IV, à qui ce prince donna les places qui bordent cette rue. Jaillot pense que cette assertion n'est pas juste, et que Sauval a confondu les noms. Cet emplacement avoit été donné, selon lui, par la ville à bail emphytéotique à Claude Baillifre, sur la succession duquel elle fut saisie, et adjugée par décret, le 19 décembre 1626, à Henri Bailli. La maison est énoncée dans ce décret «comme étant située rue Bailliffre, au bout de la rue des Petits-Champs, dans la pointe du rempart, tenant d'une part au sieur Bailli, intendant de la musique du roi, et de l'autre à Mathieu Baillifre.» Mathieu et Claude Baliffre sont aussi désignés dans les censiers de l'archevêché comme propriétaires de maisons situées rue Baliffre.

Rue du Bouloi ou Bouloir. Elle aboutit d'un côté à la rue Coquillière, de l'autre à celle de la Croix-des-Petits-Champs. Sauval, qui l'appelle rue du Bouloir, dit qu'en 1359 elle se nommoit la rue aux Bulliers, dite la cour Basile, et que, de Bulliers ou Boulliers, le peuple a fait Bouloi ou Bouloir. En effet, dans tous les titres de l'archevêché du quatorzième siècle, elle est désignée sous le nom de rue aux Bouliers et de la cour Basile. Cette cour étoit située vis-à-vis le cimetière de Saint-Eustache, qui fut vendu, comme nous l'avons dit, au chancelier Séguier[270]. La maison du Bouloi, qui a donné son nom à cette rue, étoit située vis-à-vis la douane, et on l'appeloit ainsi dès le commencement du seizième siècle[271]. Les Carmélites ont eu autrefois un couvent dans cette rue, où elles s'établirent en 1656.

Rue du Bout du Monde. Elle traverse de la rue Montmartre à celle de Montorgueil. On la nommoit, en 1489, ruelle des Aigoux; en 1564, rue où soûloient être les égouts de la ville. C'étoit en effet le passage d'un égout découvert. Un misérable rébus, qui formoit l'enseigne d'une maison[272], lui fit donner le nom qu'elle porte aujourd'hui; on y avoit représenté un os, un bouc, un duc (oiseau) et un globe, figure du monde, avec l'inscription os bouc duc monde (au bout du monde).

Rue de Calonne[273]. Cette rue, ouverte depuis 1780, lorsque M. de Calonne étoit contrôleur-général des finances, sert de communication entre les rues des Prouvaires et de la Tonnellerie, où se termine ce quartier à l'orient.

Rue Croix-des-Petits-Champs. Cette rue, qui donne d'un bout dans la rue Saint-Honoré, et de l'autre aboutit à la place des Victoires, tire la dernière partie de son nom du terrain sur lequel elle a été construite, lequel consistoit en jardins et en petits champs. Elle ne fut originairement connue que sous ce nom de rue des Petits-Champs, et alors elle se terminoit à la rue qui s'appelle aujourd'hui de la Vrillière; on la prolongea jusqu'à la place des Victoires peu de temps après la construction de cette place. La dénomination de rue de la Croix-des-Petits-Champs qu'elle reçut dans la suite, et qu'elle conserve encore aujourd'hui, lui vient d'une croix qui s'y trouvoit placée à l'entrée, du côté de la rue Saint-Honoré, et qu'on recula depuis jusqu'à l'angle formé par la rue du Bouloi. Elle a aussi porté le nom d'Aubusson dans la partie voisine de la place des Victoires; mais ce nom n'a pas subsisté long-temps.

Rue Coq-Héron. Elle fait la continuation de la rue de la Jussienne, et aboutit à la rue Coquillière. On l'a ainsi appelée dès son origine, qui est très-ancienne; du reste on ignore l'étymologie ou la cause de cette dénomination. Ce n'étoit qu'un cul-de-sac en 1298. On trouve dans le grand cartulaire de l'évêché le titre d'une reconnoissance de huit deniers sur une maison située au bout d'une ruelle sine capite quæ vocatur Quoqueheron[274].—Cette rue s'est ensuite prolongée jusqu'à la rue Montmartre. Plusieurs titres du seizième siècle la nomment rue de l'Égyptienne, dite Coquehéron; mais cette dénomination ne peut s'appliquer qu'à la partie de cette rue qui est connue aujourd'hui sous le nom de la Jussienne.

Rue Coquillière. Elle aboutit d'un côté à la petite place qui est devant l'église de Saint-Eustache, et de l'autre à la rue Croix-des-Petits-Champs. Quelques auteurs ont dit, d'après Sauval, que cette rue fut d'abord nommée Coquetière, parce que les coquetiers, qui font trafic d'œufs, arrivoient à la Halle par cette rue; et que, du temps de Marot, on l'appeloit Coquillart, du nom d'un particulier. Il est plus vraisemblable qu'elle doit son nom à Pierre Coquillier, qui, en 1292, vendit à Gui de Dampierre une grande maison qu'il avoit fait bâtir dans cette rue. Il paroît constant que cette famille étoit ancienne dans ce quartier: car on lit dans un manuscrit de la Bibliothéque du roi[275] qu'en 1262 et 1265 Odeline Coquillière (Coclearia) fonda une chapelle de Saint-Eustache; dans un acte de 1255 il est également fait mention d'Adam et Robert Coquillière. Enfin la considération dont jouissoient ces bourgeois étoit telle qu'ils firent donner leur nom à celle des portes de l'enceinte de Philippe-Auguste qui fut élevée à l'extrémité de cette rue; on la trouve effectivement désignée, dans les titres de ce siècle et du suivant, sous le nom de la porte au Coquiller[276].

Rue des Deux-Écus. Cette rue, qui traverse de la rue des Prouvaires dans celle de Grenelle, n'a pas toujours eu une aussi grande étendue. Quoiqu'elle fût autrefois bornée par la rue d'Orléans, elle portoit trois noms, depuis cette rue jusqu'à celle des Prouvaires. À partir de cette dernière jusqu'à la rue du Four, et même jusqu'à celle des Vieilles-Étuves, on la trouve nommée Traversaine, Traversane et Traversine; ensuite entre ces deux rues, rue des Écus, des Deux-Écus; enfin rue de la Hache et des Deux-Haches[277], depuis la rue des Vieilles-Étuves jusqu'à celle de Nesle, dite depuis d'Orléans; et ses diverses parties étoient encore distinguées sous ces trois noms au commencement du siècle. Corrozet indique aussi la rue des Deux-Écus et celle des Deux-Haches; il ajoute ensuite la rue de la Vieille, celle de la Brehaigne et Pressoir du Bret. Guillot parle aussi d'une rue Raoul-Menuicet. Les changements survenus à l'hôtel de Nesle, dit depuis hôtel de Soissons, ont fait disparoître ces rues, dont nous allons indiquer la situation.

La rue d'Orléans s'appeloit alors rue de Nesle; elle traversoit le terrain de l'hôtel de Soissons, et aboutissoit à la petite place qui fait face à l'église Saint-Eustache; il en subsiste encore une partie dans la rue Oblin, qui, avant la démolition de cet hôtel, se nommoit cul-de-sac de l'hôtel de Soissons.

La rue des Vieilles-Étuves se prolongeoit aussi et aboutissoit dans la rue de Nesle, presque vis-à-vis la porte de l'hôtel du même nom; c'est cette partie de rue, depuis celle des Deux-Écus jusqu'à l'angle qu'elle formoit avec la rue de Nesle, qu'on appeloit la Vieille Brehaigne, nom que Corrozet a mal à propos séparé en deux.

À l'égard du Pressoir du Bret[278], il étoit vis-à-vis, dans la rue des Deux-Écus, entre celles du Four et des Vieilles-Étuves.

C'est dans ce même endroit, c'est-à-dire entre les rues des Vieilles-Étuves et d'Orléans, que la rue des Deux-Écus s'appeloit des Deux-Haches, de l'enseigne d'une maison située au coin de la rue des Étuves, dite aujourd'hui rue de Varennes.

Quant à la rue Raoul Menuicet, ou plutôt Raoul Mucet, Jaillot la place dans la partie de la rue des Veilles-Étuves comprise dans l'hôtel de Soissons; il fonde cette assertion sur le dit des rues de Guillot, dont voici les termes[279].

En la rue Raoul Menuicet
Trouvai un homme qui mucet,
Une femme en terre et ensiet,
La rue des Étuves en prêt siet.

Il s'appuie en outre du témoignage de l'abbé Lebeuf[280], qui croit reconnoître cette rue dans le cul-de-sac de Soissons, lequel faisoit la continuation des rues de Nesle et des Étuves qui y aboutissoient, d'où il résulte que la rue Raoul Mucet devoit être près de celle des Étuves.

Enfin il ajoute qu'il y avoit un cimetière en cet endroit, lequel étoit certainement situé entre la rue du Four et la continuation de celle des Vieilles-Étuves. En effet, les censiers de l'évêché indiquent en cet endroit plusieurs maisons qui appartenoient à la fabrique de Saint-Eustache; celui de 1372 énonce une maison aux bourgeois de Saint-Huitasse, qui est à présent cimetière; et, pour ne laisser aucun doute sur sa position, la désigne comme contiguë aux maisons qui furent au vicomte de Melun. Or, tous les titres[281] nous apprennent qu'il y en avoit qui furent acquises par Mathieu de Nanterre, président au parlement, et qu'elles étoient situées entre les rues que nous nommons du Four, des Deux-Écus et de la Nouvelle-Halle au blé.

Enfin la rue des Deux-Écus fut depuis prolongée jusqu'à la rue de Grenelle; ce fut, selon le plus grand nombre des historiens de Paris, Catherine de Médicis qui la fit ouvrir sur son terrain pour la commodité du public, et en quelque sorte pour le dédommager des parties des rues d'Orléans et des Vieilles-Étuves qu'elle avoit supprimées et enclavées dans son hôtel. Cependant Jaillot pense qu'elle ne fut ouverte qu'après la mort de cette reine, dans l'an 1606.

Rue des Bons-Enfants. Elle commence à la rue Saint-Honoré, et aboutit à la rue Baillif et à la rue Neuve-des-Bons-Enfants. Cette rue doit son nom au collége qui jadis y étoit situé, et dont nous avons déjà plusieurs fois parlé. Avant l'établissement de ce collége et la fondation de l'église Saint-Honoré, cette rue n'étoit connue que sous la dénomination de chemin qui va à Clichi; elle prit ensuite le nom de ruelle par où l'on va au collége des Bons-Enfants[282], et de rue aux Écoliers de Saint-Honoré.

Rue Neuve-des-Bons-Enfants. Elle fait la continuation de la rue des Bons-Enfants, et aboutit à la rue Neuve-des-Petits-Champs. Cette rue fut percée sur un terrain de sept cent onze toises que le cardinal de Richelieu avoit acquis en 1634, et qu'il rétrocéda à un particulier nommé Barbier. Quelques titres paroissent fixer l'époque de l'ouverture de cette rue à l'année 1640; il est certain du moins que, l'année suivante, elle étoit couverte de maisons du côté du Palais-Royal.

Rue des Veilles-Étuves. Elle va de la rue Saint-Honoré à celle des Deux-Écus, et doit ce nom à des étuves ou bains, particulièrement destinés aux dames[283], qui s'y trouvoient situés. En 1300 on la nommoit simplement des Étuves, et en 1350, des Vieilles-Étuves[284].

Rue du Four. Elle conduit de la rue Saint-Honoré au carrefour qui est vis-à-vis l'église Saint-Eustache, et doit son nom au four bannal de l'évêque qui y étoit. On l'appeloit, en 1255, le Four de la Couture[285], parce qu'il étoit situé dans la Couture de l'évêque, vicus Furni in Culturâ et justitiâ episcopi.

Rue de Grenelle. Cette rue aboutit d'un côté dans celle de Saint-Honoré, et de l'autre dans la rue Coquillière; elle doit vraisemblablement son nom à Henri de Guernelles, qui y demeuroit au commencement du treizième siècle[286]. C'est par altération dans la manière de le prononcer qu'il a été changé depuis en ceux de Guarnelles, Guarnales, Garnelle, et enfin de Grenelle, que cette rue porte aujourd'hui[286].

Rue du Jour. Elle donne d'un côté dans la rue Coquillière, et de l'autre dans la rue Montmartre. Cette rue a porté d'abord, en 1256 et 1258[287], le nom de Raoul Roissolle ou Rissolle, ensuite celui de Jehan le Mire, qui, dans le quatorzième siècle, possédoit des maisons dans cette rue. Vers l'an 1434 elle prit le nom de rue du Séjour, d'un manége et de plusieurs autres bâtiments que Charles V y fit construire. Cet hôtel, appelé le Séjour du roi lorsque la rue se nommoit encore Jehan le Mire, consistoit en trois cours, six corps de logis, une chapelle, une grange et un jardin. Ce dernier nom fut ensuite abrégé, et l'on s'accoutuma à dire seulement la rue du Jour. On la trouve indiquée ainsi dès 1526.

Rue de la Jussienne. Elle aboutit d'un côté dans la rue Coq-Héron, et de l'autre dans la rue Montmartre. Son vrai nom est rue de Sainte-Marie-l'Égyptienne, qu'elle devoit à la chapelle dédiée sous l'invocation de cette sainte, qui y étoit située. On la trouve sous cette dénomination et sous celles de l'Égyptienne, de l'Égyptienne-de-Blois, Gipecienne[288], et enfin, par une altération plus grande, de la Jussienne. Elle faisoit autrefois partie de la rue Coq-Héron.

Rue Mercier. Cette rue va d'un bout à la rue de Grenelle, de l'autre à la Halle au blé. Elle doit son nom à M. Mercier, l'un des échevins de la ville lors de la construction de cette halle, et fut percée à la même époque.

Rue Montmartre. La partie de cette rue qui se trouve dans ce quartier commence à la pointe Saint-Eustache, et finit au coin des rues Neuve-Saint-Eustache et des Fossés-Montmartre. On l'appeloit, au quatorzième siècle, rue de la Porte-Montmartre, parce que la porte désignée sous ce nom y étoit située.

Il y a, dans cette partie de la rue Montmartre, un cul-de-sac nommé cul-de-sac de Saint-Claude. Les censiers de l'évêché du siècle passé l'indiquent sous le nom de cul-de-sac de la rue du Bout-du-Monde. Boisseau, sur son plan, le nomme rue du Rempart, et sur un plan manuscrit il est nommé rue du Puits; de Chuyes et Valleyre l'appellent rue Saint-Claude, quoiqu'il y ait plus de deux siècles que ce soit un cul-de-sac. Ce dernier nom lui vient d'une enseigne.

Rue Oblin. Elle va de la place qui est devant Saint-Eustache à la Halle au Blé, et doit son nom à l'un des entrepreneurs de ce dernier édifice.

Rue d'Orléans. Elle va de la rue Saint-Honoré à celle des Deux-Écus. Son premier nom étoit rue de Nesle, et alors elle se prolongeoit jusqu'à la rue Coquillière. Lorsque le roi de Bohème, Jean de Luxembourg, y demeura, elle prit le nom de Bohème; et en 1388 on l'appela rue d'Orléans, après que Louis de France, duc d'Orléans, fut devenu propriétaire de l'hôtel de Bohème. On la trouve aussi quelquefois sous la dénomination de rue d'Orléans, dite des Filles-Pénitentes et des Filles-Repenties[289].

Rue Pagevin. Elle fait la continuation de la rue Verderet, depuis la rue Coq-Héron jusqu'à celle des Vieux-Augustins, et doit son nom à un particulier qui y demeuroit. Cette rue existoit dès 1293, et n'étoit connue alors que sous la dénomination de ruelle; depuis elle fut appelée rue Breneuse, vieux mot qui désignoit une rue étroite et malpropre; peut-être n'étoit-ce qu'une altération du nom de Jacques Berneult, sous lequel elle est indiquée dans le rôle de taxe de l'année 1313. On la trouve encore nommée rue Berneuse sur le plan de Dheullan et dans Corrozet; cependant elle étoit connue sous celui de Pagevin dès 1575[290].

Rue du Pélican. C'est une petite rue qui traverse de la rue de Grenelle dans celle de la rue Croix-des-Petits-Champs. Le nom obscène qu'elle portoit anciennement a été heureusement changé depuis plus de deux cents ans en celui de Pélican. Cette rue est ainsi nommée dans un titre de 1565[291].

Rue Plâtrière. Elle fait la continuation de la rue de Grenelle depuis la rue Coquillière jusqu'à la rue Montmartre. Sauval dit que, dans une charte de 1283, il a trouvé «Domus Guillelmi Plasterii in vico Henri de Guernelles; or, ajoute-t-il, comme la rue de Grenelle est contiguë à la rue Plâtrière, de là on peut inférer que la rue Plâtrière s'appeloit anciennement rue Guernelle, et qu'avec le temps elle a pris son nom de ce Guillaume Plâtrier.»

Cette conjecture, adoptée par plusieurs auteurs, est rejetée par Jaillot, qui pense que le nom de cette rue ne vient point de celui d'un particulier, mais d'une plâtrière qui se trouvoit dans cet endroit. On ne la trouve point en effet sous la dénomination de Guillaume Plâtrier, comme cela devroit être si ce particulier lui eût donné son nom; mais tous les actes de ce temps et la taxe de 1313 l'indiquent sous celui de la Plâtrière, vicus Plastrariæ et Plastreriæ[292]. Cet ancien nom et la preuve de sa véritable étymologie sont également consignés dans le contrat de vente que fit, en 1293, Simon Matifas de Buci, évêque de Paris, en faveur du comte de Flandre, du terrain qu'avoient occupé les Augustins, et des terres labourables qui en étoient voisines[293]. Ce terrain étoit séparé de celui de l'hôtel de Flandre par une ruelle représentée aujourd'hui par la rue Pagevin; l'évêque cède cette ruelle autant qu'il est en lui, et s'exprime ainsi: Ruellam pourprisio antedicto, quæ ruella in directum protenditur, usque ad murum mansionis, vel manerii potentissimi viri comitis antedicti, et tendit usque ad vicum qui dicitur vicus Maversæ in quo vico est Plastreria quædam.

C'est donc cette plâtrière qui a fait donner à la rue dont il s'agit le nom qu'elle porte, et qu'elle a toujours conservé depuis. Pendant la révolution on l'appeloit rue J.-J. Rousseau, parce que cet écrivain y avoit demeuré.

Rue des Prouvaires. Elle fait la continuation de la rue du Roule, et aboutit à la rue Traînée, en face du portail méridional de Saint-Eustache. Le véritable nom de cette rue est celui des Prévoires ou Provoires[294], mot qui, dans l'ancien langage, vouloit dire prêtres; et ce nom lui avoit été donné parce que, dès le treizième siècle, les prêtres de Saint-Eustache y demeuroient. La preuve que le mot provoire ou prévoire signifioit autrefois prêtre se trouve dans une chronique françoise du quatorzième siècle, où on lit que li prevoires chantèrent leurs litanies par la ville, et gittèrent eau bénite par les hosteux[295].

Rue du Reposoir, ou du Petit-Reposoir. On ignore l'étymologie du nom de cette rue, qui, faisant la continuation de la rue Pagevin, vient aboutir à la place des Victoires; elle se prolongeoit autrefois jusqu'à la rue du Mail, et la rue Vide-Gousset en faisoit partie avant la construction de la place. On ne la connoissoit dans le principe que sous le nom de rue Breneuse, qui lui étoit commun avec la rue Pagevin et la rue Verderet, dont nous allons parler tout à l'heure.

Rue de Sartine. Cette rue, qui commence au carrefour des rues Coquillière, Plâtrière et de Grenelle, et va aboutir à la Halle au blé, fut ainsi nommée parce que M. de Sartine étoit lieutenant-général de police lorsqu'elle fut ouverte.

Rue Soly. Cette rue qui traverse de la rue de la Jussienne dans celle des Vieux-Augustins, a pris son nom d'un particulier appelé Bertrand Soly, lequel étoit propriétaire de plusieurs maisons dans la rue des Vieux-Augustins[296].

Rue Tiquetonne. Elle va de la rue Montmartre dans celle de Montorgueil. On la nommoit en 1372 rue de Denys le Coffrier, du nom d'un de ses habitants. Celui de Tiquetonne lui vient, par altération, de Rogier de Quiquetonne, boulanger, lequel y demeuroit en 1339, et obtint, après Denys le Coffrier, l'honneur de lui donner le nom qu'elle a conservé jusqu'à ce jour[297].

Rue Traînée. Elle règne le long de l'église de Saint-Eustache, depuis la rue du Four jusqu'à la rue Montmartre. Sauval dit qu'en 1313 on lit la ruelle au curé de Saint-Huystace. Cette rue s'appeloit aussi anciennement rue de la Barillerie; elle est ainsi énoncée dans les titres de l'archevêché, et dans les criées d'une maison qui y étoit située en 1476. Les censiers de 1489 et de 1530 lui donnent le même nom, et l'indiquent comme située devant le petit huis Saint-Eustache. C'est dans un titre nouvel du 2 mars 1574, qu'on la trouve pour la première fois nommée rue Traînée. Du reste, on ignore l'étymologie de ce dernier nom.

Rues de Vannes, de Varennes et de Viarmes. Ce sont des communications pratiquées pour faciliter l'entrée de la Halle au Blé.

La rue de Viarmes est l'espace circulaire qui règne autour de la Halle; elle doit son nom à M. de Viarmes, prévôt des marchands. Celle de Vannes doit le sien à M. Jolivet de Vannes, avocat et procureur du roi et de la ville; et celle de Varennes à M. de Varennes, échevin.

Rue Verderet ou Verdelet. Elle aboutit d'un côté à la rue Plâtrière, et de l'autre au coin des rues de la Jussienne et Coq-Héron. Ce nom est altéré. Nos aïeux, plus naïfs, voulant désigner une rue très-malpropre, l'avoient appelée rue Merderet. Tel étoit son véritable nom en 1295[298]. Au siècle suivant, on la trouve sous celui de l'Orderue, autrement la rue sale, et de rue Breneuse[299]; ce dernier nom lui étoit commun, comme nous l'avons dit, avec les ruelles qui en faisoient la continuation. Cette rue fut élargie en 1758 de cinq pieds qu'on prit sur le terrain de l'hôtel des postes.

Rue de la Vrillière. Elle traverse de la rue Croix-des-Petits-Champs dans la rue Neuve-des-Petits-Champs, dont autrefois elle faisoit partie. Son nom lui vient de M. Phelypeaux de la Vrillière, secrétaire d'état, qui y fit bâtir, en 1620, un magnifique hôtel, lequel passa depuis au comte de Toulouse[300].

Rue (petite) de la Vrillière. Elle va de la grande rue de la Vrillière à la place des Victoires, qui, dans l'origine, n'avoit point d'issue de ce côté; il y avoit même un corps-de-logis bâti dans la rue de la Vrillière, sur la partie du terrain qu'avoit occupée la rue des Fossés-Montmartre, laquelle se prolongeoit anciennement jusqu'à cet endroit. M. Phelypeaux de Châteauneuf obtint qu'il seroit abattu, et procura par là à son hôtel un point de vue à peu près semblable à celui dont il jouissoit avant que la place eût été bâtie. Cette nouvelle issue fut d'abord appelée rue Percée, ensuite petite rue de la Vrillière.

ANTIQUITÉS ROMAINES
DÉCOUVERTES DANS LE QUARTIER SAINT-EUSTACHE.

Tête d'Isis Cybèle. Nous avons déjà fait mention de ce monument[301] qui a fort exercé la sagacité de nos antiquaires, et que chacun d'eux a expliqué suivant les conjectures plus ou moins heureuses qui se sont présentées à son esprit. Aux savants que nous avons déjà cités il faut joindre le comte de Caylus qui a fait sur cette tête une dissertation dans laquelle il cherche à éclaircir difficilement ce qui ne présente pas la moindre difficulté. Avant que le christianisme eût été introduit dans les Gaules, elles étoient déjà devenues provinces romaines, et l'on y adoroit les dieux des Romains: il ne faut donc pas plus s'étonner d'avoir trouvé à Paris une tête de Cybèle ou d'Isis, que d'y avoir découvert un autel consacré à Jupiter, à Mercure, à Vénus, etc. Tous ces dieux du paganisme y avoient des temples et sans doute des statues; et s'il faut s'étonner de quelque chose, c'est de n'en avoir pas trouvé de plus nombreux débris.[302]

MONUMENTS NOUVEAUX
ET RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS DEPUIS 1789.

Église Saint-Eustache. Le portail de cette église est maintenant dégagé des échoppes qui l'obstruoient, et fermé d'une grille de fer.—La ville de Paris lui a donné quatre tableaux exécutés par des peintres modernes, et représentant la conversion de saint Augustin; le baptême de Jésus-Christ; sa prédication; un martyr.

Halle au blé. La voûte en bois de ce monument ayant été brûlée vers l'année 1802, on conçut, comme nous l'avons déjà dit, l'heureuse idée de la reconstruire en cercles de fer, dont les diverses parties sont liées entre elles par des écrous; ces cercles, posés les uns au-dessus des autres, vont diminuant de diamètre jusqu'au sommet de la voûte, formant dix-huit assises à partir de son extrémité inférieure. Ils sont recouverts en lames de cuivre que l'on a étamées afin de les préserver de l'oxidation. Ainsi cette voûte unit maintenant la plus grande solidité à sa légèreté première, et se trouve à l'abri de presque tous les accidents possibles.

Banque de France. Elle a été placée dans l'hôtel de Toulouse, auquel on a fait, à cette occasion, des réparations immenses, et où l'on a pratiqué toutes les dispositions nécessaires à un aussi vaste établissement. La porte d'entrée a reçu aussi une décoration nouvelle: dans son tympan ont été sculptées deux figures en bas-relief, dont l'une tient un aviron et l'autre porte une corne d'abondance, symboles de l'agriculture et du commerce. L'attique est surmonté de deux autres figures de ronde bosse et également symboliques; sur la clef sont deux mains serrées, et dans une niche au fond de la cour on a placé une statue de Mercure.

Marché des Prouvaires. Il a été établi entre les rues des Prouvaires, du Four, des Deux-Écus, et se prolonge jusqu'à la rue Traînée. Tout cet espace a été divisé en compartiments par des poteaux qui soutiennent des charpentes couvertes. Certains jours de la semaine on y étale de la viande, et dans d'autres jours il est destiné à la vente du fromage.

PASSAGES.

Passage des Prouvaires. Ce passage a été percé en face du nouveau marché, et conduit à l'ancienne Halle à la viande.

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