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Terre de Chanaan : $b roman

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XIV
DE L’OR, DU SANG, DE LA POUSSIÈRE

Nous creusâmes, Pablo et moi, la tombe de Letchy ; c’était la cinquième sur la route de Chanaan.

Comme nous jetions les dernières pelletées, Pablo me montra un groupe d’hommes qui sortaient de la forêt, le fusil au poing et s’avançaient vers nous. Je reconnus don Juan Manera et Miguel Sampietri à leur tête. Pablo s’enfuit vers le ravin.

Miguel resta quelques pas en arrière. Don Juan s’approcha de moi et vit la croix préparée encore sans inscription.

— Carvès ? — interrogea-t-il.

— Non.

— Qui donc ?

— Letchy. Je ne lui sais pas d’autre nom.

Le visage de l’Espagnol s’assombrit.

— Et justice n’est point faite, — dit-il lentement. Cette femme avait trahi.

Il se signa devant la terre fraîche.

— Nous la cherchions, nous l’avons trouvée. La paix sur elle… et sur vous ! Vous êtes seul ?

— Oui.

— Et cet homme qui a fui ?

— Un serviteur.

— Et Carvès ?

— Parti plus loin vers les montagnes.

— Ah ! ah !

Et j’entendis pour la dernière fois le petit rire cassant du vieux.

— Bonne chance ! Avez-vous de l’eau ? Peu. Nous vous laisserons deux outres.

J’acceptai.

Don Juan ne me tendit pas la main. Il s’inclina.

— Vaya usted con Dios, caballero.

Les syllabes sonores retentirent comme l’écho du même adieu, sur le pont de la Mariquita, le soir de Trinidad, où nous partîmes…

— Vaya usted tambien, — répondis-je.

Quand le groupe eut disparu à la lisière de la forêt, Pablo réapparut.

Nous plantâmes la croix de bois et Pablo colla sa bouche contre terre pour parler encore une fois à la « Señora ».

Il se releva, laissa tomber ses bras en signe de découragement.

— Pobre señora ! — m’expliqua-t-il. — Comme le sang de l’Espagnol l’aurait réjouie dans le monde des Esprits ! Vaya ! Vaya ! La Señora aurait aimé boire dans ses mains le sang bien chaud de son ennemi. Parce que la Señora n’était pas une femme et qu’elle avait l’âme d’un guerrier.

Il baissa la tête, songeur, et je pensais qu’il évoquait la Señora chevauchant dans le royaume des ombres, à la suite des anciens chasseurs de sa tribu, des guerriers d’autrefois.

Puis, sans transition, tournant la page des morts, il m’expliqua qu’il fallait rejoindre un village indien assez proche. Je compris qu’une femme lui voulait du bien et qu’elle nous procurerait des chevaux. Nous trouverions aussi des vivres. Et nous nous mettrions en route pour rejoindre Carvès.

Nous obtînmes trois chevaux et deux mules, sur lesquels nous chargeâmes quelques sacs de farine de manioc, des bananes et de la viande desséchée, coupée en lanières, ainsi que des outres d’eau. Nous n’avions que très peu de conserves, et les munitions de ma carabine étaient si réduites qu’il ne fallait guère songer à la chasse.

J’avais fait un plan de route d’après les cartes et les notes laissées par Carvès, mais l’Indien ne l’approuva pas. « Si nous essayons d’arriver directement au plateau de Cundinamarca que Carvès a choisi comme centre de sa nouvelle prospection, dit-il à peu près, nous épuiserons nos vivres ; nous risquons de nous égarer, et, si nous sommes attaqués, nous ne serons pas en force pour nous défendre. La région est dangereuse. Le mieux est de ne pas prendre tout de suite la piste de Carvès. Au lieu de gagner le plateau, nous obliquerons à droite sur les flancs de la montagne et nous arriverons au fort San Martin : c’est un blockhaus avec une petite garnison vénézuélienne. Autour du fortin se groupent quelques plantations. Nous trouverons à nous ravitailler, une escorte, et peut-être aussi des renseignements sur la route suivie par Carvès. » Ce projet ne nous retardait que d’un jour ou deux. Je l’adoptai.

Il y avait huit jours que Carvès était parti. Il serait déjà installé sur le plateau quand nous arriverions.

Nous montâmes le long des versants rocheux, parsemés d’herbe rase et de plantes épineuses, qui dominent la plaine et la forêt. L’air devenait plus vif. Nos poitrines se dilataient. A nos pieds, sur notre droite, s’étalait une plaine ramagée d’ocre et de vert et que déchirait l’or du grand fleuve. A l’Est, les masses immobiles et sombres de la forêt s’appuyaient sur le ciel.

Le quatrième jour de marche, nous aperçûmes à nos pieds la mer houleuse et verte des « llanos » et devant nous, un monticule ceint d’une palissade : le fortin.

El señor teniente Sancho Armilla, commandant du fortin, était un petit homme bronzé au visage jovial, à la moustache courte, aux sourcils épais. Il m’accueillit fraternellement, avec une satisfaction non déguisée. Ce rude soldat vivait dans la solitude, en compagnie de quarante métis chargés de surveiller la ligne mal délimitée qui sépare l’Etat de Puerto-Leon du Venezuela.

Des incursions d’irréguliers étaient fréquentes. On sonnait le boute-selle, et en chasse ! Les pillards en avaient aux petits ranchos, aux haciendas isolées. On en fusillait quelques-uns chaque fois. La vie dans ce petit poste n’était pas riche en distractions. Sancho Armilla me traita en hôte de choix, décidé à me garder le plus longtemps possible. Je couchais sur un lit de camp et le lieutenant avait une bonne provision de whisky et de cigares.

— J’ai organisé, — me dit l’officier, — un petit service de renseignements. Ce sont les Indiens de la montagne qui m’apportent les nouvelles. Je n’en ai pas encore eu de l’expédition de votre ami. Mais cela ne tardera pas. Attendez avant de vous remettre en route.

J’étais trop impatient de rejoindre Carvès et de connaître les premiers résultats de sa prospection pour accepter les offres cordiales du teniente. Je lui exposai les hypothèses de mon ami sur les mines abandonnées et les anciens temples, et bien qu’il parût sceptique quant à la réalité des trésors, il reconnaissait toutefois que la tradition indienne s’accordait avec l’hypothèse de Carvès.

Je le pressai de nous fournir une escorte.

— Eh bien ! je vous accompagnerai moi-même — dit-il. — Je connais le plateau de Cundinamarca. Je confierai le fortin à mon adjudant ; le pays est calme, ces jours-ci.

Notre petite colonne ne tarda pas à trouver de nouvelles traces du passage de Carvès. A quelques heures de marche du fortin, à l’ouest, mon ami avait campé. De là, des traces toutes récentes indiquaient que Carvès avait continué tout droit vers la crête, le versant devenant de moins en moins abrupt.

Les vestiges du dernier campement, nous les découvrîmes sur un haut plateau muré par des falaises à pic qui barraient complètement le passage. Une sorte de couloir s’ouvrait cependant dans cette muraille, mais il était obstrué par d’énormes éboulis.

Les traces fraîches contournaient la ceinture de falaises pendant un long parcours, puis comme si l’espoir avait été perdu de trouver une autre issue, les traces revenaient jusqu’au lieu du campement. Le sol était piétiné : une troupe avait fait là un assez long séjour.

Le haut plateau était désert.

En dehors des vestiges du camp, pas la moindre trace de vie. Pas un bruit ne troublait le silence des altitudes.

La nuit tombait.

— Ces traces ne continuent pas, dit le teniente. Elles aboutissent ici, sur ce plateau et ne redescendent pas. Les hommes qui ont campé se seraient donc enfoncés dans la terre ou envolés dans le ciel ! Il faut suivre ce couloir !

Ce n’est qu’au prix de mille difficultés que nous pûmes franchir la barrière rocheuse qui en interceptait l’entrée.

Il fallut employer des crampons, des cordes. Derrière cet éboulis, résultat sans doute d’une ancienne avalanche, une faille étroite permettant à peine le passage d’un homme chargé s’ouvrait dans une falaise schisteuse. C’était un second couloir, mais moins large que le premier et qui s’enfonçait dans l’intérieur de la falaise, selon un plan assez incliné. Une bande de ciel bleu cru joignait les deux parois. Le lieutenant Armilla en tête, suivi de Pablo, de moi et d’une dizaine d’hommes, pénétra dans la faille. Brusquement le couloir tournait et s’enfonçait sous une voûte. Il fallut allumer des torches. La paroi luisait d’une teinte pourpre, sous les flammes oscillantes, et des étincelles s’allumaient dans l’ombre, comme si le rocher eût été incrusté de paillettes d’or. Le passage était des plus étroits, parfois de pente très rapide. Nous étions déjà descendus en profondeur d’une centaine de mètres, quand Armilla s’arrêta : toute la colonne fit halte dans le boyau.

Une odeur de salpêtre nous saisit à la gorge…

Ici s’était terminée l’expédition de Jérôme Carvès, prospecteur.

....... .......... ...

Il survivait.

Il rouvrit les yeux, dans la chambrette du blockhaus, étendu sur le lit de camp. Et il sourit. Il pouvait encore sourire.

Voici l’aventure qu’il nous conta, le jour où il fuma son premier cigare — fameux, les cigares du teniente Armilla ! — particulièrement fameux pour quelqu’un qui revenait de loin…

Carvès avait quitté le Placer de la Désolation avec une vingtaine d’hommes. Le cinquième jour de marche, comme ils allaient commencer l’ascension, un petit groupe de sept ou huit mineurs demanda à se séparer et à regagner Puerto-Leon. Carvès consentit et régla leur part. Il demeura donc avec une douzaine d’hommes, dont José le Basque, qui déclara à Carvès :

«  — Patron ! Je ne crois pas beaucoup à votre Eldorado ; à mon avis, il n’y a pas beaucoup de bon dans tout cela. Mais votre geste me plaît et je vous suis.

« La montée, — dit Carvès, — s’accomplit à merveille, sans grande fatigue. L’air de la montagne vivifiait les hommes épuisés par un long séjour dans la forêt. Parvenus sur le haut plateau, je reconnus le couloir signalé dans le rapport Grünenhaus. Le professeur de Bonn n’avait pu franchir ces formidables éboulis et avait réservé cette tâche pour plus tard. Le destin ne lui permit pas de l’accomplir. L’obstacle était d’importance. Nous perdîmes beaucoup de temps à vouloir le contourner ; mais un à-pic de plusieurs centaines de mètres rend le détour impossible. C’est à cette perte de temps que je dois la vie, puisqu’elle vous a permis d’arriver assez tôt.

« On franchit à grand’peine la première barrière ; on suivit la faille, le labyrinthe. Les hommes étaient saisis d’une crainte vague, grognaient qu’on faisait là un drôle de « business ». Toutefois l’aspect des parois schisteuses pailletées leur donnait à espérer qu’on était dans un terrain aurifère. Ils ne savaient pas où je les conduisais, mais j’avais convaincu José Yrribaren, et les autres marchèrent de confiance. Nous fûmes obligés de déblayer le couloir tortueux, encombré par les débris de parois qui s’effritaient perpétuellement.

« Au bout de trois jours d’un travail de taupe, à la lueur des torches, nous découvrions une ouverture étroite et basse par où filtrait un filet de jour.

« Je passai le premier. Je pénétrai ainsi en rampant dans une crypte faiblement éclairée par une fente dans la paroi rocheuse. Les hommes rampaient à ma suite.

« Quand nous nous relevâmes, agitant nos torches, ce fut un éblouissement :

« De l’or ! L’or palpitait de toutes parts. Des formes étranges, monstrueuses, se dessinaient.

« Les parois de la crypte semblaient revêtues d’or. D’énormes architraves d’or s’arc-boutaient sur des chapiteaux d’or. Des dieux aux mufles de bêtes, s’accroupissaient dans les niches, et les reflets de ma torche saignaient sur leurs cuisses d’or. Des oiseaux à tête humaine ; des serpents enlacés, des buffles mitrés et ornés de bandelettes ; de hautes urnes, des bassins, des boucliers, des armes ; un sable d’or recouvrait le sol, et toutes ces formes confuses, palpitantes de reflets, émergeaient peu à peu de l’ombre. L’or frémissait dans l’ombre comme des coulées d’astres dans l’eau noire. Etait-ce un rêve ? La même hallucination nous hantait tous et nous n’osions bouger de crainte que toute cette richesse ne s’évanouît.

« Et puis, comme si une ombre s’était déroulée de la voûte, les reflets s’éteignirent et la fantasmagorie cessa. Les parois m’apparurent de roche nue et sanglante. Les monstres et les dieux, les armes, tout ce décor d’un temple barbare et mystérieux s’évanouit. Il ne restait plus que des cavités de pierre, des blocs de rochers épars auxquels les ombres projetées par nos torches donnaient encore des formes fantastiques. Il n’y avait là que des pierres.

« En route, — dis-je à José, — l’endroit n’est pas sûr. Ne restons pas là. J’ai peur d’un éboulement à cause de la nature des roches. Nous reviendrons avec des matériaux et de l’outillage…

« Mais les hommes ne voulaient pas être le jouet d’un mensonge.

«  — Il y a de l’or, — hurlèrent-ils, — de l’or ! de l’or ! — et ils plongeaient leurs mains dans ce sable qui tout à l’heure rutilait à leurs pieds. Certains brandissaient des cailloux incrustés de paillettes et braillaient :

«  — De l’or ! des pépites ! »

« Ce fut un délire. Ils bondissaient dans l’ombre, secouant les torches dégouttant de résine enflammée.

« Hallucinés, ils s’enivraient de cette fortune illusoire. Il eût été grave de les détromper. J’avais ramassé un de ces cailloux et j’avais pu constater qu’il n’y avait pas la moindre trace d’or et qu’il s’agissait seulement de micaschistes sans valeur. Mais ces hommes étaient ivres, et pourquoi les aurais-je tirés de leur ivresse ?

« Rien dans mon attitude ne pouvait trahir ma pensée.

« Une frénésie s’était emparée des mineurs. Le pouvoir hallucinant de cette crypte était tel qu’ils se ruaient sur les parois de mica et qu’ils s’ensanglantaient les mains. L’un d’eux saisit une pioche et se mit à frapper à tour de bras un gros bloc de rocher. L’halluciné n’eut pas d’ailleurs grand effort à faire. Au premier coup, le bloc s’écroulait, renversant l’homme.

«  — Nom de Dieu ! — hurla José. — Cette brute a bouché l’ouverture.

La roche dans sa chute avait fermé hermétiquement l’espèce de chatière par laquelle nous nous étions faufilés. Nous étions pris à la trappe, murés.

«  — Nous sommes enterrés, hurlèrent des voix affolées.

« Dans leur ruée, ils se brûlaient avec les torches, les jetaient à terre, les piétinaient. L’obscurité de la crypte devint plus épaisse, funèbre. L’or ne miroitait plus maintenant. Nul ne se souciait du blessé qui râlait.

« La catastrophe frappait ces hommes en pleine folie, en pleine illusion. Ils ne savaient plus à quoi ils tenaient davantage, à la vie ou à cet or qu’ils croyaient posséder enfin. Les plus insensés enfouissaient des cailloux dans leurs sacs, dans leurs besace, pensant d’abord à mettre leur butin à l’abri. D’autres se précipitaient, désespérés, la sueur au front, mais cette masse, si aisément décrochée, ne bougeait plus, et cent hommes n’en seraient pas venus à bout.

« Le Basque me dit :

«  — Il n’y a plus d’issue possible.

«  — Ici, — indiquai-je en désignant la fente par laquelle venait le jour.

«  — Un à-pic, 800 mètres peut-être au-dessus du sol.

« Nous nous regardâmes sans parler.

«  — Et il n’y a pas un atome d’or ici, — murmura José, — pas une once. Sont-ils fous ? Du schiste, du mica. N’allez-vous pas le leur dire ?

«  — Non, dis-je. — A quoi bon ? S’ils doivent mourir ici, mieux vaut que ce soit avec leur illusion.

« Le Basque, la tête baissée, rejoignit le groupe de mineurs qui s’épuisaient, s’acharnant autour du bloc de rocher.

«  — Rien à faire, — dirent-ils. — Nous sommes enterrés.

« Les fous qui s’attardaient encore à ramasser des cailloux dorés se rapprochèrent.

«  — Enterrés… Murés vivants, — dirent-ils. — Murés !

«  — On va mourir de faim et de soif, fit une voix.

«  — Qui nous a conduits ici ? — demanda une autre.

«  — Lui !

« Et ils me montraient du doigt. J’étais accoudé près de cette étroite fente par où venait un peu d’air respirable. Je roulais une cigarette.

«  — Assassin ! — cria quelqu’un.

«  — Menteur ! Misérable ! Depuis le temps qu’il nous traîne à sa suite…

«  — De quoi vous plaignez-vous, — criai-je ! — Vous le tenez, votre Eldorado !

«  — A mort ! hurlèrent plusieurs voix.

« Le Basque se dressa devant moi, tourné vers ces brutes.

«  — Imbéciles ! Cet homme n’est-il pas avec vous ?

«  — C’est vrai, — grogna quelqu’un.

«  — Rien n’est perdu, — dit le Basque. — Nous allons pratiquer des sondages dans la paroi. Nous trouverons une issue. Au travail !

« Les sondages furent vains… Titubants comme un bétail aveugle, les hommes se couchèrent. Quelques-uns fumaient. Une odeur d’alcool traîna dans l’ombre. Nous étions douze hommes, douze rats pris au piège, à la trappe. Rien à faire qu’à se briser la tête contre les murs. Demain, ces hommes ivres de désespoir s’entr’égorgeraient.

« Les dernières torches s’éteignaient. Bientôt nous serions à court de lumière. L’agonie commençait.

« Un homme pris de folie, hurla. Un malheureux rôdait le long de la paroi et la flairait, comme un chien, dans un terrier.

« Je mis mon visage à l’étroite fente du rocher. Des étoiles palpitaient dans le chaos.

« Il n’y avait plus qu’une torche.

« Des mineurs avaient bu. Ils dormaient, en dépit de tout, assommés.

«  — Voleur ! — hurla une voix.

« Dans la pénombre une lutte, des coups étouffés, des lueurs d’acier. Le Basque sépara deux acharnés. L’un accusait l’autre d’avoir volé son or pendant son sommeil…

«  — Imbéciles ! Idiots ! — cria le Basque d’une voix tonnante, — il n’y a pas d’or ici, pas une once d’or ! Des cailloux seulement, des cailloux et de la terre pour vous ensevelir, vous m’entendez !

« Les rares dormeurs se réveillèrent.

«  — Pas d’or ! pas d’or !

«  — Ce n’est pas vrai ! C’est de l’or ! Il ment…, on nous trompe. Et c’est notre or, à nous ! On veut nous le prendre !… A mort !… Crevons-les ! Crevons le Basque !

« Des voix furieuses se heurtaient sous la voûte ; des poings se tendaient : des yeux brillaient dans la pénombre.

«  — Fou ! — murmurai-je au Basque. — Ils vont nous massacrer.

« Un grand Anglais surnommé le Mineur, émergea dans la lumière fumeuse. Sa silhouette allongeait une ombre de moulin à vent, sous la faible clarté de la torche.

«  — Dynamite ! — dit-il très calme. — J’ai ce qu’il faut.

« Le mot redressa tous les hommes.

«  — Et pourquoi pas ? fit enfin une voix.

«  — S’il n’y a pas d’autre moyen ! — dit une autre.

«  — La dynamite, la dynamite, — crièrent plusieurs forcenés… — Et qu’on emporte notre or, vivement… A mort ceux qui veulent nous faire crever là-dedans, comme des rats !

« La proposition de l’ivrogne trouva l’unanimité. Il avait raison, cet homme-là. L’opération pouvait réussir ! En somme elle a réussi pour moi !

« … Mais diable ! les vingt secondes du Bickford !… »

Et Carvès contemple curieusement la braise de son cigare à demi consumé.

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