Traité de l'administration des bibliothèques publiques
CHAPITRE II.
BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES.
SECTION PREMIÈRE.
BIBLIOTHÈQUES DIVERSES.
233. La bibliothèque du Sénat, au palais du Luxembourg, est l'une des plus riches de Paris, en revues et en journaux judiciaires, administratifs, littéraires et surtout politiques; elle renferme, depuis leur origine, les collections reliées des principaux journaux français et des plus considérables de l'étranger. Réservée au service de la Chambre des pairs sous la monarchie, du Sénat sous l'Empire, elle a été ouverte au public de 1870 à 1876[332]. Un décret du 17 juin 1876 l'a distraite du ministère de l'instruction publique, auquel elle avait été rattachée en 1870, pour la replacer dans les attributions du Sénat. La loi de finances du 29 juillet 1881 a prescrit aux ministères et administrations publiques, tant de Paris que des départements, d'y envoyer, ainsi qu'à la Bibliothèque nationale et à celle de la Chambre des députés, un exemplaire de tous les documents imprimés par leurs soins ou auxquels ils ont souscrit[333]. — Le catalogue a été publié en 1882, (1 vol. in-4o); il comprend 12,698 articles pour les imprimés et 426 pour les manuscrits.
234. La bibliothèque de la Chambre des députés fut fondée par une loi du 14 ventôse an IV (4 mars 1796)[334]. On lui assigna un premier fonds de 12,000 volumes que le comité d'instruction publique avait réunis à l'hôtel d'Elbeuf, place du Carrousel. Le Conseil des Cinq-Cents siégeait alors aux Tuileries; lorsqu'il fut transféré au Palais-Bourbon, sa bibliothèque l'y suivit et elle fut conservée au Corps législatif qui en partagea la jouissance avec le Tribunal et le Conseil d'État, quoique tous deux fussent pourvus déjà d'une bibliothèque particulière. Le ministre de l'intérieur nommait seul les bibliothécaires, se réservant de régler les questions relatives aux achats et à la surveillance. Le Corps législatif, réorganisé par le sénatus-consulte de 1804, obtint alors la propriété de sa bibliothèque, dont la Chambre des députés hérita à la Restauration. Cette bibliothèque fut comprise au nombre des établissements auxquels l'ordonnance du 24 octobre 1814 attribuait l'un des cinq exemplaires dont elle exigeait le dépôt; mais cet avantage lui fut retiré par l'ordonnance du 9 janvier 1828. Elle comptait 25,000 volumes à la fin du premier Empire; 50,000 en 1830; elle atteint aujourd'hui 150,000.
En dehors des ouvrages généraux qui y sont réunis avec une grande variété, la bibliothèque de la Chambre possède une très riche collection d'écrits de tout genre, rapports, discours, affiches imprimées ou manuscrites sur la Révolution française[335]; elle a reçu de la plupart des gouvernements étrangers la série de leurs débats et documents parlementaires, et nulle autre de nos bibliothèques n'offre des ressources comparables pour l'étude de la politique européenne durant le XIXe siècle. La bibliothèque de la Chambre des députés, comme celle du Sénat, est administrée par les soins de la questure[336]. Le bibliothécaire et les sous-bibliothécaires sont nommés par le bureau, composé du président, des vice-présidents, secrétaires et questeurs. Le bibliothécaire, chargé de la direction du service, soumet aux questeurs les propositions d'achat de livres. La bibliothèque est exclusivement réservée aux membres de la Chambre, qui peuvent en emprunter les volumes, sauf ceux faisant partie de collections. Pourtant des autorisations spéciales pour y travailler sont presque toujours accordées à quiconque a besoin d'y consulter des documents qu'il ne trouverait pas dans les bibliothèques publiques.
Le seul catalogue général publié remonte à 1833; mais, chaque année, la questure fait publier la liste des acquisitions nouvelles. Le catalogue alphabétique manuscrit a été récemment refait; il comprend 29 volumes in-folio: on travaille actuellement à la confection du catalogue méthodique; l'ancien remplissait 12 volumes in-folio.
235. La bibliothèque actuelle du Conseil d'État est de formation toute récente. Sous le Consulat et le premier Empire, le Conseil avait eu à sa disposition la bibliothèque créée pour le Directoire exécutif, dont une partie fut transférée au palais de Fontainebleau, en 1807[337]. Lorsqu'il passa des Tuileries au Louvre, en 1824, sa bibliothèque prit le titre de «bibliothèque du roi» et cessa de lui être exclusivement attribuée. Dès 1832, le Conseil quittait sa nouvelle résidence pour s'installer à l'hôtel Molé; on lui constitua alors une bibliothèque avec les ouvrages de jurisprudence possédés en double par celle du Louvre, avec ceux des bibliothèques des châteaux de Saint-Cloud, de Fontainebleau et de Compiègne, également conservés au Louvre, et avec la partie juridique de la belle collection de Cuvier, dont l'École normale avait recueilli les livres de sciences et de littérature. Les bibliothèques du Louvre et du Conseil d'État ont l'une et l'autre été détruites par les incendies de 1871. La seconde a été reconstituée depuis, à l'aide de crédits ouverts pendant plusieurs années sur le budget de l'État par l'Assemblée nationale[338]. Elle ne compte guère plus de 25,000 volumes, mais choisis avec une rare compétence, et peut être regardée à ce titre comme l'une de nos meilleures collections pour l'étude de la législation, de l'administration, du droit public et de l'économie politique. Elle est placée sous la direction d'une commission de trois conseillers d'État, élus au scrutin, qui règle toutes les questions d'achat, de prêt et d'usage des livres et sous la surveillance d'un bibliothécaire et d'un sous-bibliothécaire[339]. Aux termes de la loi de finances du 2 août 1868 (art. 30), la bibliothèque du Conseil d'État devait recevoir un exemplaire de toutes les publications officielles émanées des administrations publiques; il est regrettable que ce droit ne lui ait pas été maintenu par la loi du 29 juillet 1881, qui en a restreint le bénéfice à la Bibliothèque nationale et aux bibliothèques du Sénat et de la Chambre des députés.
236. Une autre bibliothèque législative a été fondée, en 1876, au ministère de la justice. Un arrêté du garde des sceaux, en date du 27 mars 1876, institua un «comité de législation étrangère», avec la double mission: 1o d'organiser la création d'une bibliothèque où seraient réunies les collections des lois étrangères, des travaux parlementaires et des principaux ouvrages publiés dans les divers pays sur chaque branche de la science du droit; 2o de veiller à la publication des lois ou des codes importants dont le ministre de la justice autoriserait la traduction. Cette bibliothèque s'élevait à 14,000 volumes, à la fin de 1882[340]; plusieurs gouvernements étrangers ont consenti à organiser un service régulier d'échange de documents législatifs avec le ministère, ce qui en assure le développement pour l'avenir. La bibliothèque du comité de législation étrangère, qu'il ne faut pas confondre avec la bibliothèque du ministère[341], est particulièrement riche en collections des lois des États de l'Allemagne, des colonies anglaises, des États-Unis, du Mexique et de l'Amérique du Sud. Elle est ouverte au public, sauf les samedis, de 1 heure à 5 heures.
Le service est dirigé par le secrétaire-adjoint du comité.
237. Bibliothèque de l'Institut. — Aux termes du décret du 3 brumaire an IV (25 octobre 1793), chaque classe de l'Institut devait avoir dans son local «des productions de la nature et des arts ainsi qu'une bibliothèque relative aux sciences et aux arts», dont elle s'occupait spécialement[342]. La loi du 15 germinal suivant (4 avril 1796), portant règlement pour l'Institut, ne parle plus que d'une bibliothèque collective qu'elle place sous la direction d'un bibliothécaire et de deux sous-bibliothécaires, lesquels seront élus par les membres des cinq académies, au scrutin et à la pluralité absolue des voix[343]. La bibliothèque est en effet commune aux cinq académies et, à ce titre, administrée comme les propriétés qui leur sont communes et les fonds y affectés, c'est-à-dire par une commission de dix membres, pris à raison de deux par académie, élus chacun pour un an et indéfiniment rééligibles[344]. Sous le second Empire, les fonctionnaires de la bibliothèque de l'Institut étaient nommés par le ministre de l'instruction publique et des cultes, chargé de régler l'emploi des fonds que le budget allouait à leur traitement; depuis 1872, ou est revenu aux errements antérieurs et le personnel, composé aujourd'hui comme en l'an IV, est nommé à l'élection[345].
238. Le premier fonds attribué par le Directoire à l'Institut ne fut autre que l'ancienne bibliothèque de la Ville de Paris créée par Moriau, attribution contraire au vœu du testateur et contestée aujourd'hui au point de vue de la légalité[346], sous le prétexte que le gouvernement n'avait pas qualité pour disposer d'une propriété communale. Quoi qu'il en soit, l'Institut enrichit aussitôt sa bibliothèque en puisant dans les dépôts littéraires et, depuis, elle n'a cessé de s'accroître, soit des dons que lui adressent les auteurs, soit des ouvrages soumis aux nombreux concours ouverts par les académies. Son fonds le plus précieux est, sans contredit, la collection des Godefroy qui, de 1632 à 1681, furent historiographes de France; elle comprend 549 portefeuilles ou volumes in-folio de copies et de documents originaux, de pièces diplomatiques, de correspondances autographes des XVIe et XVIIe siècles. Par malheur, Libri a mis à profit la facilité que lui donnait sa situation de travailler sans surveillance dans la bibliothèque de l'Institut; il a soustrait des portefeuilles des Godefroy un nombre considérable de lettres dont la perte est irréparable.
Quoique réservée aux membres des cinq académies, la bibliothèque est ouverte à toute personne présentée par deux membres de l'Institut[347].
SECTION II.
BIBLIOTHÈQUES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
§ 1. — Bibliothèques universitaires de Paris.
239. Bibliothèque de l'Université. — Au premier rang des bibliothèques universitaires, c'est-à-dire des collections des académies et facultés, figure la bibliothèque de l'ancienne Université de Paris, à laquelle un décret du 16 mars 1861 a conféré le titre de Bibliothèque de l'Université de France.
Elle fut constituée en 1763 par un legs d'environ 8,000 volumes, que fit à l'illustre corporation l'un de ses recteurs, Gabriel Petit de Montempuis, avec adjonction d'une rente de 311 livres pour l'entretien de la collection et le traitement d'un bibliothécaire. Bientôt l'Université établit son chef-lieu dans les bâtiments du collège Louis-le-Grand dont les Jésuites étaient dépossédés, et le bureau d'administration du collège nouveau se rendit adjudicataire, pour une somme de 18,109 livres d'un grand nombre d'ouvrages provenant de la bibliothèque de l'ancien collège. On plaça les deux collections qui ne tardèrent pas à être confondues, au moins en fait, sous la garde d'un bibliothécaire et d'un sous-bibliothécaire choisis, le premier parmi les professeurs émérites de l'Université, le second parmi les professeurs et agrégés de la Faculté des arts. Le règlement fut arrêté et homologué par un arrêt du Parlement du 25 mai 1770. La bibliothèque fut dès lors ouverte au public trois jours par semaine. En l'an VIII, le collège Louis-le-Grand étant devenu le Prytanée français, la bibliothèque, qui s'était accrue d'acquisitions considérables[348], prit le nom de Bibliothèque du Prytanée, jusqu'en 1808, date de la réorganisation de l'Université. Elle devint alors la Bibliothèque des quatre lycées de Paris, puis en 1812, la Bibliothèque de l'Université de France. Elle cesse alors d'être publique, et si elle ouvre encore ses portes trois fois par semaine, c'est exclusivement pour le personnel universitaire.
240. Le transfèrement de la bibliothèque de l'Université à la Sorbonne date de 1825. Elle était administrée par Laromiguière; depuis, elle compta parmi ses administrateurs d'autres professeurs illustres, tels que Jouffroy, Burnouf et Planche. Ses conservateurs-administrateurs doivent toujours être pris parmi les membres de l'Université. Elle redevint publique, mais échangea son nom contre celui de Bibliothèque de la Sorbonne, lors de la réorganisation de cet établissement, en 1846[349]. Le changement était fâcheux et le nouveau titre trompeur: il donnait à confondre la bibliothèque de l'Université avec celle de l'ancienne Faculté de théologie qui, jusqu'en 1792, eut son siège à la Sorbonne et possédait une bibliothèque célèbre par sa collection d'ouvrages sur l'Écriture sainte et ses précieux manuscrits. Celle-ci fut dispersée vers la fin de 1795; les imprimés, répartis entre les différentes bibliothèques publiques, les manuscrits, au nombre d'environ 2,000, remis à la Bibliothèque nationale où ils ont formé le «fonds Sorbonne»[350]. La bibliothèque de la Sorbonne se trouvait la seule importante de Paris, qui ne contînt aucun ouvrage provenant de l'ancienne Sorbonne. Dès lors son nom ne répondait ni à son origine, ni à sa composition. L'arrêté ministériel du 18 mars 1855 lui substitua celui de Bibliothèque de l'Académie de Paris, sans la soumettre d'ailleurs aux règlements qu'il édictait pour les bibliothèques académiques.
Mais la plupart des volumes étaient timbrés d'une estampille au nom de Bibliothèque de l'Université de France, et les estampes, gravures ou vignettes, sans exception, étaient timbrées des initiales B. U.; c'était une occasion de confusions et de pertes pour les ouvrages prêtés au dehors. Le décret du 16 mars 1861 restitua à la bibliothèque de l'Académie de Paris son ancien titre de Bibliothèque de l'Université de France, dénomination suffisamment justifiée parce que la bibliothèque avait été créée par l'Université, entretenue avec ses fonds et par ses soins, sous la direction de ses membres.
241. Depuis cette époque, elle a été enrichie par de nombreuses donations, notamment celles des bibliothèques de M. Victor Leclerc et de M. Victor Cousin, et elle dépasse 150,000 volumes[351]. M. Cousin ne se borna pas à léguer ses collections à l'Université: il y ajouta le don d'une rente perpétuelle de 10,000 francs en 3%, destinée à subvenir à tous les frais d'entretien et de garde de sa bibliothèque, des collections et du mobilier qui s'y rattachaient. Cette bibliothèque, considérée comme une annexe à celle de l'Université, forme un établissement spécial ressortissant au ministère de l'instruction publique: elle a reçu le nom de Bibliothèque Victor Cousin[352]. Le titre de rente a été immatriculé à ce nom, avec la mention Fondation Cousin, et les arrérages en sont perçus par la Caisse des dépôts et consignations pour être employés, sous la surveillance du ministre, conformément aux intentions testamentaires du philosophe.
242. La plupart des conférences de l'École pratique des hautes études sont faites dans les salles réservées pour la section d'histoire et de philologie à la bibliothèque de l'Université. On a réuni dans ces salles tous les livres qui peuvent être considérés comme des instruments de travail pour les études philologiques et historiques. Les élèves de la section y sont admis tous les jours[353].
243. La bibliothèque de l'Université, dirigée par un administrateur assisté de deux conservateurs-adjoints et de six bibliothécaires ou employés, ne dessert que les facultés des lettres, des sciences et de théologie catholique[354]. Les facultés de droit, de médecine et de théologie protestante, et l'École supérieure de pharmacie ont leurs collections respectives régies par les mêmes dispositions que les bibliothèques universitaires des départements, dispositions dont on trouvera plus loin l'analyse. La première, qui comprend environ 30,000 volumes, a été réorganisée depuis plusieurs années et aménagée dans deux salles attenant à l'École de droit, éclairées par en haut, bien disposées, mais absolument insuffisantes, vu le nombre croissant des étudiants qui s'y pressent.
244. La bibliothèque de la Faculté de médecine atteignait, au dernier récolement, le chiffre de 90,000 volumes. Sa réputation est grande. Elle fut fondée à la fin du XIVe siècle, et nécessairement peu considérable à une époque où l'enseignement de l'école se basait presque exclusivement sur des traductions d'Hippocrate et de Galien, sur les préceptes de l'école de Salerne, les traités d'Avicenne, d'Averroès et d'Isaac. De bonne heure, on y pratiqua le prêt; mais en exigeant de l'emprunteur un gage équivalant au prix du volume prêté. La Faculté emprunta aussi plusieurs fois sur ses livres pour envoyer des députés aux conciles et aux États généraux[355]. Sa bibliothèque avait beaucoup déchu dans le cours du XVIe et du XVIIe siècle. Elle fut reconstituée, en 1733, par un legs du savant Picoté de Belestre qui émit le vœu qu'elle fût mise à la disposition du public. A ce legs s'ajoutèrent des dons de Philippe Hecquet, du chirurgien Jacques, d'Elie Col de Villars, de Reneaume, etc. Ouverte les jeudis, de deux heures et demie jusqu'au soir, pendant l'année scolaire, à partir de 1746, elle possédait environ 15,000 volumes en 1789; elle s'accrut, durant la période révolutionnaire, des collections de la Société royale de médecine et de l'École de chirurgie, et fut transférée, en 1800, dans le local qu'elle occupe encore.
245. La bibliothèque de l'Université est publique tous les jours non fériés; les élèves boursiers des trois facultés y sont également admis de sept à dix heures du soir. De même, les bibliothèques des facultés de droit et de médecine ont des séances de jour et de soir, durant toute l'année scolaire[356].
§ 2. — Bibliothèques universitaires des départements.
246. Le décret des 8-14 août 1793 avait supprimé toutes les académies et sociétés littéraires patentées ou dotées par la nation; il avait provisoirement placé sous la surveillance des autorités constituées les jardins botaniques, cabinets, muséums et bibliothèques qui y étaient attachés. En conséquence, l'académie actuelle d'une ville ne représente pas l'ancienne académie supprimée: elle ne peut revendiquer ni les bâtiments, ni les livres de cette académie, même si l'administration départementale lui en avait concédé la jouissance; il faudrait, pour qu'elle y eût droit, qu'un décret spécial en eût disposé à son profit, ce qui ne s'est présenté pour aucune.
247. Le premier essai de centralisation des collections des facultés ne remonte qu'à la seconde moitié du siècle. La loi du 14 juin 1854 ayant réuni en un seul corps, sous l'autorité du recteur, les établissements d'enseignement supérieur de chaque académie, en vue de généraliser les ressources des bibliothèques particulières des facultés et d'introduire dans tout le service plus d'ordre et plus d'économie en même temps que d'associer les travaux des maîtres et de faciliter les études des élèves, le ministre de l'instruction publique, par un arrêté du 18 mars 1855, groupa dans les chefs-lieux d'académie où résidaient plusieurs facultés les bibliothèques isolées de ces établissements en une seule qui prit le titre de «bibliothèque de l'Académie». Cette bibliothèque fut placée sous la haute surveillance du recteur, chargé de statuer par des arrêtés, sur les jours et heures d'ouverture, la tenue des catalogues, le prêt et la rentrée des livres, en un mot, sur tous les détails du régime intérieur. Les dépenses furent prélevées sur les ressources spéciales de l'enseignement supérieur, le ministre arrêtant chaque année le budget particulier des bibliothèques. Le recteur fut chargé de régler, en conseil de perfectionnement, dans les limites des crédits ouverts à cet effet, les acquisitions à faire, de telle sorte que les diverses sections de la bibliothèque de l'académie reçussent des accroissements proportionnés à leur importance et à leurs besoins. Une circulaire du 20 mars 1855 invita les recteurs à organiser ces sections dans un même local qui pût se prêter à quelques agrandissements ultérieurs et auquel fût annexée une salle de lecture exclusivement réservée aux étudiants, ouverte non seulement le jour, mais, autant que possible, le soir. Ils furent également invités à y faire faire, au milieu des livres, des conférences pour renouer les rapports autrefois si multipliés et si utiles des professeurs et des élèves, et pour revenir après les cours sur les traces parfois trop fugitives de l'enseignement oral.
248. L'insuffisance des locaux ne permit de réunir les bibliothèques des facultés que dans un petit nombre de ressorts, et l'on peut dire que leur véritable organisation date d'hier. Elle est un des résultats les plus appréciables des sacrifices faits par les pouvoirs publics en faveur de l'enseignement à tous les degrés. La première mesure efficace fut édictée dans la loi de finances du 29 décembre 1873: l'article 9 imposa aux étudiants un supplément de droits de 10 francs, destiné à créer un fonds commun pour les bibliothèques des facultés. A cette occasion, la commission du budget avait exprimé la volonté formelle que les élèves fussent mis à même de trouver dans ces collections les facilités de travail les plus complètes; de là pour le ministre l'obligation d'assurer le fonctionnement plus régulier du service nouvellement doté.
249. Ce fut l'objet de l'instruction générale du 4 mai 1878, sur les devoirs du bibliothécaire, les opérations du classement, les mesures d'ordre et de conservation[357]. Bientôt l'arrêté du 31 janvier 1879 institua près le ministère une commission centrale des bibliothèques académiques et des collections des facultés, avec mission d'exprimer des avis: sur les projets de règlements particuliers préparés par les facultés; les demandes d'emploi; les propositions d'achat; les demandes de crédits annuels ou extraordinaires; les demandes de prêt de faculté à faculté ou à l'étranger.
Elle reçoit communication des procès-verbaux de récolement et veille à la stricte exécution des règlements. Ses membres, qui sont présentement au nombre de huit, peuvent être chargés par le ministre de missions spéciales ayant pour objet, soit l'organisation des bibliothèques, soit le contrôle de leur situation.
La commission centrale a élaboré le règlement du 23 août 1879, applicable à toutes les bibliothèques de faculté, qu'elles soient ou non centralisées: l'analyse de ce règlement général et des arrêtés ou circulaires qui l'ont légèrement modifié ou complété fera suffisamment connaître les détails de leur administration.
250. Direction et surveillance. — Les bibliothèques universitaires sont placées sous l'autorité immédiate du recteur. Il a droit de présentation pour les emplois, il applique les peines disciplinaires et en réfère au ministre quand la gravité des fautes l'exige. Pour la surveillance du service, il est assisté d'une commission composée de professeurs désignés par les assemblées de faculté, à raison d'un membre pour chacune d'elles. Les membres, élus pour trois ans, sont indéfiniment rééligibles.
Le recteur prépare, après avis du comité de perfectionnement, le budget annuel de la bibliothèque (personnel et matériel), la liste des abonnements périodiques et des livres à acquérir; liste dressée par sections correspondantes aux ordres de faculté, avec indication du titre des revues et des ouvrages, des lieu et date de publication, du nom de l'éditeur, du format, du nombre et du prix des volumes et du total général de la dépense. Toute proposition incomplète est considérée comme nulle et non avenue. Le budget et la liste des acquisitions sont arrêtés par le ministre. Les propositions, qui doivent être bien complètes sous peine d'être considérées comme nulles et non avenues, sont présentées par chacun des professeurs et par le bibliothécaire. Avant examen par le comité de perfectionnement, ces listes sont révisées par la commission de surveillance, qui vérifie notamment l'exactitude des indications bibliographiques. Le recteur, après adoption, les transmet an ministre avec son avis motivé et doit, dans ses rapports, les justifier en détail.
C'est au ministre qu'est réservé le droit d'arrêter le budget et la liste des acquisitions. Après ouverture des crédits, la commission donne son avis sur l'ordre à suivre dans les achats.
251. En dehors de ces attributions, la commission de surveillance peut être chargée par le recteur des enquêtes qu'il juge utiles; elle visite tous les six mois les différents services de la bibliothèque et loi en fait un rapport; deux de ses membres prennent part au récolement annuel dont il sera parlé plus loin.
252. Personnel. — Un bibliothécaire unique, qui relève directement du recteur, est chargé de la police intérieure de la bibliothèque. Selon l'importance des collections et des travaux de catalogue à exécuter, il a sous ses ordres un ou plusieurs sous-bibliothécaires, un ou plusieurs surnuméraires et des garçons de service. Fonctionnaires et employés sont nommés par le ministre, sur la présentation du recteur, après avis de la commission centrale. Ils ne peuvent s'absenter sans l'autorisation du recteur.
Les bibliothécaires sont divisés en trois classes[358]. Leur promotion se fait au choix, après un minimum de cinq ans d'exercice dans la classe inférieure. La liste des propositions d'avancement est arrêtée, le 1er janvier de chaque année, par la commission centrale. Les surnuméraires n'ont droit à aucun traitement ni indemnité.
253. On ne peut être bibliothécaire si l'on n'a été sous-bibliothécaire[359], et pour obtenir ce dernier titre, il faut être pourvu du certificat d'aptitude délivré après un examen professionnel auquel sont seuls admis les sous-bibliothécaires et surnuméraires ayant au moins un an de services accomplis dans une bibliothèque de faculté.
Les candidats doivent se faire inscrire au secrétariat de l'académie dans laquelle ils résident; le registre d'inscription est clos trois mois avant la date fixée pour l'ouverture de la session.
Ils déposent à cet effet: 1o Leur acte de naissance; il faut avoir eu vingt et un ans révolus au 31 décembre de l'année précédant l'inscription et moins de trente-cinq ans;
- 2o Leur diplôme de bachelier, ès lettres ou ès sciences;
- 3o Un certificat d'un stage d'un an comme surnuméraire dans une bibliothèque de faculté. Sont dispensés du stage: les licenciés ès lettres ou ès sciences, les docteurs en droit ou en médecine, les archivistes-paléographes[360], les élèves diplômés de l'École des hautes études et les fonctionnaires des bibliothèques dépendant de l'État ou des communes, pouvant justifier de trois ans de service actif;
- 4o Un curriculum vitæ écrit en entier et signé par eux, dans lequel ils font connaître les situations qu'ils ont occupées, la nature de leurs travaux et de leurs services, les divers diplômes et brevets de capacité qu'ils ont obtenus;
- 5o Une note indicative des langues anciennes et vivantes qu'ils déclarent connaître;
- 6o Le certificat d'un médecin délégué par le recteur, constatant leur état de santé et leur aptitude physique.
La liste des candidats est immédiatement adressée au ministre avec les pièces qu'ils ont déposées[361]. Ils sont informés de leur admissibilité quinze jours au moins avant l'ouverture de la session.
254. L'épreuve écrite comprend: 1o Une composition sur une question de bibliographie appliquée au service d'une bibliothèque;
- 2o Le classement de quinze ouvrages traitant de matières diverses et appartenant aux différentes époques de l'imprimerie. Ce travail implique les opérations déterminées par l'instruction générale du 4 mai 1878, savoir: le numérotage, l'inscription au registre d'entrée-inventaire, au catalogue méthodique et au catalogue alphabétique. Le candidat doit justifier dans ces opérations d'une écriture serrée et parfaitement lisible.
L'épreuve orale comprend: 1o Des questions sur la bibliographie et le service d'une bibliothèque universitaire;
- 2o Des interrogations sur les langues vivantes que le candidat a déclaré connaître. Il faut, en tous cas, justifier d'une connaissance suffisante de l'allemand par l'explication à livre ouvert d'un texte de difficulté moyenne.
255. Les épreuves sont subies devant la commission centrale des bibliothèques universitaires.
Le jugement, pour être valable, doit être rendu par cinq de ses membres, présents à toutes les opérations. Il est soumis à la ratification du ministre qui délivre un certificat d'aptitude à ceux qui en sont jugés dignes. Le résultat de l'examen et le rapport du président sont consignés au registre des procès-verbaux de la commission centrale.
Les sessions ont lieu à Paris, d'ordinaire à la bibliothèque de l'Arsenal. Elles sont annoncées par un arrêté du ministre qui indique les dates d'ouverture et de clôture du registre d'inscription, le lieu, le jour et l'heure des épreuves.
256. Classement des livres. — Le classement d'un ouvrage, quelle que soit son importance, comporte sept opérations, à accomplir dans l'ordre suivant: 1o timbrage; 2o numérotage; 3o inscription au registre d'entrée-inventaire; 4o inscription au catalogue alphabétique; 5o inscription au catalogue méthodique; 6o intercalation des cartes dans leurs catalogues respectifs; 7o placement sur les rayons. La responsabilité de ces opérations incombe au bibliothécaire.
257. Le timbre doit être de dimension moyenne, avec la légende la plus abrégée possible, gravée en caractères maigres, moins sujets à l'empâtement. On l'appose sur le titre et la dernière page du volume, et si celui-ci dépasse 100 pages, sur la page 99, en ayant soin de le placer aussi avant que le comporte le corps de la page, sans toutefois couvrir le texte, de sorte qu'il ne suffise pas de rogner une marge pour le faire disparaître. Pour les atlas et recueils d'estampes, on timbre chaque carte et chaque pièce.
258. Le numérotage consiste à donner à chaque article le numéro de son ordre d'arrivée, en le répétant, s'il y a lieu, sur chaque tome. Le numéro est inscrit à l'encre: 1o au coin supérieur de la page du titre, à droite; 2o sur l'étiquette collée au dos du livre, près du talon; il est à observer que les étiquettes rondes sont préférables aux étiquettes carrées, comme se décollant moins facilement. Si le papier du titre n'est pas collé, ce qui est le cas le plus ordinaire, on couvre préalablement de sandaraque le coin destiné à l'inscription. Lorsque les ouvrages de la bibliothèque n'ont pas encore reçu de numéro, on part du numéro 1. Mais, d'ordinaire, il existe un ancien numérotage: on le respecte en se bornant à partir du numéro le plus élevé atteint par le précédent classement. Si la bibliothèque était divisée en plusieurs sections numérotées séparément depuis 1, on cesse de tenir compte des sections et l'on fait partir le numérotage du premier numéro qui suit le chiffre le plus élevé de la plus nombreuse d'entre elles, et on le continue sans interruption, dans l'ordre d'entrée des volumes, en tenant compte seulement du sectionnement par format.
259. Le sectionnement par format a pour objet de placer sur les rayons des suites de volumes de même hauteur. Leur conservation est meilleure, car la reliure d'un grand volume souffre toujours du voisinage d'un livre plus petit; de plus, on gagne de la place et l'on peut accroître le nombre des tablettes. On admet trois sortes de format: 1o le grand format (volumes dépassant 0m,35 cent.); 2o le moyen format (volumes de 0m,25 à 0m,35 cent.); 3o le petit format (volumes n'atteignant pas 0m,25 cent.). Ils correspondent aux désignations généralement reçues d'in-folio, in-quarto, in-octavo, auxquelles la diversité des dimensions des papiers actuellement employés enlève souvent leur signification ancienne; certains in-octavo d'aujourd'hui sont en effet plus grands que des in-folios du XVIe siècle. On réserve à chaque format une série de numéros assez vaste pour contenir les acquisitions ultérieures. Ainsi, dans une bibliothèque de 20,000 volumes non encore numérotés, on réservera les numéros 1 à 9,999 pour le grand format; 10,000 à 29,999 pour le moyen format; 30,000 et suivants pour le petit format. De là la nécessité de sectionner en trois parties le registre d'entrée ou catalogue numérique, chaque partie étant exclusivement affectée à l'inscription des volumes de même format. Lorsqu'un volume de moyen ou de petit format est accompagné d'un grand atlas, on inscrit celui-ci à la suite de l'ouvrage qu'il complète et, si l'on ne peut le ranger à sa suite sur les rayons, on l'y remplace par une planchette indicatrice mentionnant le lieu où l'on a dû le déposer.
Les planchettes indicatrices sont également employées pour représenter sur les rayons: 1o les livres prêtés; 2o les livres disparus; 3o les livres précieux placés hors rang dans des réserves particulières; 4o les livres envoyés à la reliure. Elles doivent avoir une épaisseur suffisante pour que leur dos reçoive l'étiquette.
260. L'inscription au registre d'entrée-inventaire doit contenir, outre le titre qui peut être abrégé, l'indication des conditions distinctives du livre, notamment de sa reliure (matière, couleur, blason), des dédicaces autographes et notes manuscrites, s'il y a lieu[362]. Les doubles sont portés sur l'inventaire comme les premiers exemplaires.
261. Le catalogue alphabétique ne doit jamais être établi sur un registre à folios fixes, parce qu'on ne peut être certain de ménager aux accroissements à venir un espace suffisant. On le dresse donc sur cartes ou feuilles volantes que l'on réunit, celles-ci dans des reliures mobiles, celles-là dans des boîtes pourvues, autant que possible, d'une broche de bois ou de fer, ou d'un mécanisme quelconque, qui permette de les consulter sans les déplacer. Les fiches, imaginées par M. Bonnange, qui sont montées sur des charnières en toile, sont assurément les plus commodes, mais ont le tort d'être assez coûteuses pour ne pouvoir convenir à de grandes bibliothèques. On range les boîtes de cartes dans un corps de rayon haut de 1m,50; chaque tablette doit être doublée d'une planchette sortant à volonté pour supporter la boîte, lorsqu'on l'attire au dehors du meuble pour mieux consulter les fiches.
L'inscription de tête se place bien en vedette, en écriture ronde ou tout au moins un peu relevée, de façon à se dégager nettement à l'œil. Si l'auteur porte plusieurs prénoms, il n'en faut omettre aucun, mais les lettres initiales suffisent: s'il s'agit de noms répandus comme Dupuis, Dubois, Dupont, Duval, il est bon d'y ajouter les titres distinctifs et désignations d'origine ou d'emplois. On classe les homonymes par ordre alphabétique de prénoms, après ceux dont les prénoms sont inconnus et qui se placent par rang de dates. Pour les traductions, pour les ouvrages faits en collaboration, on dresse la carte au nom de l'auteur traduit ou du premier auteur nommé, en ayant soin d'établir ensuite des cartes de renvoi sommaires aux noms du traducteur et de chaque collaborateur. Pour les ouvrages anonymes, on remplace le nom de l'auteur par celui de la matière, après s'être assuré que le premier n'est pas indiqué dans les répertoires de Barbier ou de Quérard.
262. Le catalogue méthodique a pour objet de grouper par matières les ouvrages de la bibliothèque et de signaler aux travailleurs toutes les ressources qu'elle leur offre sur un sujet quelconque. On l'établit sur fiches, comme le catalogue alphabétique et pour les mêmes motifs; la classification adoptée dans les bibliothèques universitaires est celle de Brunet (Voir no 72, note 153).
En tête de la fiche, on indique la classe en petits caractères; à la suite, en caractères plus gros, la division, avec la date de l'impression; au-dessous le titre détaillé; on termine par le numéro d'ordre. Exemple:
Sc. MÉD., Anatomie, 1864.
Éléments d'anatomie générale, par P.-A. Béclard, 4e édit. augmentée d'un précis d'histologie, de nombreuses additions et de 80 figures, par M. Jules Béclard. — Paris, Asselin, 1864, in-8o (No 842).
263. En ce qui concerne les manuscrits, les deux premiers tomes de l'Inventaire général et méthodique des manuscrits français de la Bibliothèque nationale publié par M. L. Delisle peuvent être pris pour modèle d'un catalogue sommaire. Pour un catalogue descriptif complet, les bibliothécaires reçoivent des instructions détaillées de la commission permanente du catalogue des manuscrits des bibliothèques de France, au ministère de l'instruction publique (Voir no 437, note 616).
264. Il serait sans doute à souhaiter que toutes les bibliothèques universitaires pussent avoir leur catalogue imprimé: l'insuffisance de leur budget ne leur permettant pas cette dépense assez élevée, on peut recourir au procédé moins coûteux de l'autographie. Si le bibliothécaire a une écriture lisible, il écrit sur du papier autographique; les seuls frais à faire, en ce cas, sont ceux du report, du papier et du tirage.
265. La dernière mesure à prendre, celle qui donne au livre son état définitif, est la reliure.
Afin de laisser à l'encre le temps de sécher complètement, on n'envoie les volumes à la reliure qu'une année après leur impression. Sauf pour quelques livres très précieux, il ne saurait être question de reliures de luxe dans une bibliothèque publique; on se contente de demi-reliures et de cartonnages à dos de veau, de chagrin, de basane ou de toile. La simplicité n'exclut pas la solidité. Il est d'usage de n'admettre la rognure que pour les ouvrages usuels; les autres ne sont rognés et jaspés qu'en tête, ce qui suffit à les préserver de la poussière. Le veau blanc (simple, verni ou antique) a l'avantage de se foncer seul et uniformément, mais il a l'inconvénient d'être susceptible et de s'écorcher trop facilement; le demi-maroquin résiste mieux. — Il ne faut pas oublier de remplacer sur les rayons les ouvrages donnés à la reliure par des planchettes indicatrices.
266. La bibliothèque étant ainsi classée, les ouvrages numérotés, catalogués et mis en place, les soins d'entretien se bornent: au nettoyage quotidien de la salle et au rangement des livres rendus après communication; au nettoyage mensuel des livres et manuscrits enfermés dans les armoires ou les vitrines; au nettoyage annuel, pendant les vacances, et à l'essuyage pratiqué au moyen de chiffons de laine ou de linge d'un tiers des livres de la bibliothèque; à l'ouverture quotidienne des fenêtres de la salle de travail, pendant un quart d'heure au moins après la fin de la séance.
267. Récolement. — Aux termes du règlement général de comptabilité, dont les dispositions sont obligatoires pour tous les services publics, le récolement doit être annuel; il doit en outre être renouvelé à chaque mutation du fonctionnaire responsable. Toutefois l'expérience enseigne que le récolement de collections considérables demande trop de temps pour être fait aussi souvent avec le soin désirable. C'est donc avec raison que l'instruction générale du 4 mai 1878, en vue même d'assurer aux opérations un caractère plus rigoureux, propose de répartir le récolement total sur deux années et davantage dans les bibliothèques composées de plus de 100,000 volumes. Nous estimons même que ce chiffre pourrait avantageusement être réduit de moitié.
268. Le récolement doit être fait au mois de juillet par deux membres de la commission de surveillance, assistés du bibliothécaire et d'un délégué spécial du recteur; le ministre apprécie s'il convient, en outre, de réclamer le concours d'un représentant du domaine. L'un des visiteurs fait l'appel des numéros inscrits au catalogue numérique, dont les folios contiennent un état de récolement applicable à une période de plusieurs années[363], tandis que l'autre reconnaît ces mêmes numéros sur les rayons en prenant soin de constater l'identité de l'ouvrage et son état. En cas d'absence non motivée du livre appelé, on procède séance tenante aux trois formalités qui suivent:
- 1o On porte sur l'état du récolement, en regard du titre de l'ouvrage, la lettre A (absent).
- 2o On intercale sur les rayons, à la place du livre manquant, une planchette indicatrice, reproduisant au dos le numéro attribué précédemment audit ouvrage et portant sur un de ses plats une carte contenant le titre du livre avec la date de la constatation d'absence.
- 3o Les inscriptions de cette carte (numéro, titre et date) sont transcrites sur un registre spécial ayant pour titre: État des ouvrages disparus. En cas de réintégration ultérieure, la constatation est faite à la dernière colonne de l'état, avec la date de la réintégration. Ces substitutions doivent être signalées à la commission des visiteurs, au récolement de l'année suivante.
A la suite de son travail annuel, la commission vise l'état des ouvrages disparus, le livre de prêt et le registre d'entrée. Chacun des membres signe aussi le procès-verbal du récolement où sont intégralement consignés les détails de ses opérations. Le recteur transmet au ministre copie de ce procès-verbal, à l'ouverture de l'année scolaire.
269. Service de lecture à l'intérieur. — Les bibliothèques universitaires sont ouvertes le jour et le soir, excepté les dimanches et jours fériés. La durée des séances est fixée par le recteur qui règle en outre celle des vacances.
Sont admis de droit dans les salles de lecture: 1o les membres du corps enseignant; 2o les étudiants de toutes les facultés, à quelque école qu'ils appartiennent, sur la présentation de leur carte d'étudiant. Sont également admises les personnes munies d'une autorisation délivrée par le recteur.
270. Le bibliothécaire remet à chaque lecteur un bulletin sur lequel celui-ci inscrit et signe sa demande. Il doit le représenter à sa sortie avec les volumes qui y sont mentionnés. Les bulletins sont timbrés du mot Rendu, puis mis ensemble sous enveloppe datée pour chaque jour de l'année, et on ne les doit détruire qu'après deux ans écoulés.
En règle générale, il n'est pas communiqué à un même lecteur plus de cinq volumes à la fois et il n'en est donné aucun dans la dernière demi-heure de la séance. Les ouvrages publiés en livraisons, à l'exception des périodiques qui ne renferment pas de planches, ne sont communiqués aux lecteurs qu'après le brochage ou la reliure de ces livraisons. Les catalogues imprimés ou autographiés sont seuls mis au service du public.
Par mesure d'ordre il est interdit de se promener, de causer à haute voix, de prendre sur les rayons d'autres livres que ceux placés à la libre disposition des travailleurs; par mesure de conservation, il est interdit de prendre des calques, d'écrire en plaçant son papier sur le volume communiqué, de s'accouder sur un livre entr'ouvert.
Le règlement relatif au service de lecture, où sont consignées ces prescriptions, est affiché dans les salles publiques.
271. Conformément à la règle générale plusieurs fois rappelée, il est interdit de copier, publier, ou faire imprimer aucun des manuscrits, sans une autorisation expresse du gouvernement; les demandes d'autorisation sont adressées au bibliothécaire qui les transmet au recteur, avec avis motivé.
272. Toute personne sortant avec un livre ou un portefeuille est tenue de le présenter au bibliothécaire. Le fait d'emporter, sans autorisation, un livre de la bibliothèque entraînerait des poursuites pour détournement; de même on considère comme détournement la mutilation d'un livre. Les dégradations sont réparées aux frais de celui qui les a causées.
A la fin de chaque séance, le bibliothécaire fait le relevé du nombre des lecteurs et des volumes donnés en lecture. Dans la première semaine de chaque mois, il adresse au recteur un état indiquant le mouvement des lecteurs, des communications et du prêt, et la marche des travaux du catalogue; il y joint, s'il y a lieu, ses observations personnelles sur la situation de la bibliothèque.
273. Prêt au dehors. — Les livres peuvent être prêtés aux professeurs et agrégés des facultés, aux chargés de cours et maîtres de conférences; ils peuvent être également prêtés aux étudiants, mais par autorisation du recteur, donnée sur la proposition écrite du membre de la commission de surveillance représentant la faculté dont ils suivent les cours.
Sont exceptés du prêt:
- 1o Les ouvrages demandés fréquemment;
- 2o Les périodiques en fascicules et les ouvrages en livraisons détachées;
- 3o Les ouvrages de grand prix;
- 4o Les dictionnaires et les collections;
- 5o Les estampes, cartes et plans.
Les recteurs doivent interpréter ces restrictions de la façon la plus libérale, en prenant l'avis de la commission de surveillance. On n'étend toutefois les facilités du prêt que pour des ouvrages qui ont été auparavant l'objet d'un récolement officiel de la part du bibliothécaire, qui sont catalogués et enregistrés dans la forme prescrite[364].
274. Les manuscrits ne sont prêtés que sur une autorisation du ministre de l'instruction publique; encore ne peuvent-ils l'être que s'ils ne sont pas particulièrement précieux par leur rareté, leur antiquité, les autographes ou les miniatures qu'ils contiennent ou par toute autre circonstance dont le bibliothécaire est juge en premier ressort[365].
275. Il n'est prêté aucun ouvrage en l'absence du bibliothécaire. Immédiatement après le prêt, les ouvrages sont remplacés sur leur rayon par une planchette indicatrice portant au dos leur numéro d'ordre et sur un de ses plats une carte où sont inscrits le nom de l'emprunteur et le titre sommaire de l'ouvrage.
Les professeurs et agrégés des facultés, les chargés de cours et maîtres de conférences ne doivent pas avoir à la fois plus de dix volumes inscrits à leur nom. Ce chiffre peut néanmoins être dépassé pour les membres du personnel enseignant, sur l'avis du membre de la commission de surveillance qui représente la faculté à laquelle ils appartiennent; cet avis est soumis à l'approbation du recteur. Les autres emprunteurs ne peuvent en avoir que cinq.
La durée du prêt n'excède pas un mois. Il peut être renouvelé, deux fois au plus, mais à chaque fois l'ouvrage doit être rapporté à la bibliothèque et n'est remis que le lendemain au même emprunteur. Cette disposition a l'inconvénient d'imposer à l'emprunteur un double déplacement sans utilité bien appréciable; il suffirait, selon nous, d'exiger la représentation des volumes. — Le délai d'un mois peut être étendu à un semestre pour les membres du personnel enseignant; lorsque le livre prêté est demandé par un second professeur, le bibliothécaire inscrit la demande sur un registre spécial et la fait connaître au détenteur de l'ouvrage qui doit immédiatement le remettre, si l'emprunt remonte à plus d'un mois ou, dans le cas contraire, doit le rapporter à l'expiration du mois[366].
Le bibliothécaire est tenu d'avertir immédiatement par lettre les retardataires qui n'auraient pas rapporté les livres dans le délai fixé. Cinq jours après, il envoie au recteur la liste de ceux qui n'auraient pas déféré à son invitation; le recteur leur adresse une lettre de rappel et, après deux jours, fait réclamer à domicile les ouvrages non rapportés[367]. En cas d'abus, le recteur peut suspendre le prêt pour trois ou six mois: il en informe immédiatement le ministre; s'il y a lieu d'appliquer une peine plus grave, le ministre décide, après avis de la commission centrale. Les emprunteurs qui ont égaré les livres, ou les rendent en mauvais état, doivent les remplacer à leurs frais; lorsque le remplacement est impossible, ils sont tenus de réparer le tort causé à la bibliothèque, suivant estimation faite par expert.
276. Le bibliothécaire est chargé de la tenue d'un registre de prêt[368].
A chaque inspection, le délégué du ministre examine et vise ce registre; il provoque, si besoin est, les mesures nécessaires pour l'entière exécution du règlement.
277. Les dispositions qui précèdent ont un caractère général et sont applicables à toutes les bibliothèques universitaires. Celles du ressort de l'académie de Paris sont régies par des règlements spéciaux revêtus de l'approbation ministérielle[369]; nous n'y avons pas relevé de différence essentielle.
Par l'article 13 du décret du 10 janvier 1880, la bibliothèque des écoles préparatoires de l'enseignement supérieur à Alger a été assimilée aux bibliothèques universitaires de France.
278. Échanges des thèses en France et avec l'étranger. — Une des collections les plus intéressantes de nos bibliothèques universitaires est assurément celle des thèses de doctorat soutenues devant les diverses facultés. Ce service, d'une si haute utilité pour des centres d'études supérieures, repose sur un système d'échanges étendu depuis peu de temps à un certain nombre d'universités étrangères.
Un arrêté du 7 décembre 1841 et une circulaire du 12 avril 1844 avaient prescrit l'échange des thèses de doctorat entre toutes les facultés de même ordre; la circulaire du 19 février 1853 y ajouta l'envoi à l'administration centrale de douze exemplaires de chaque thèse destinés au comité d'inspection générale et aux collections du ministère; ce chiffre a été successivement accru par la circulaire du 14 août 1879 et par l'arrêté du 21 juillet 1882[370]. Aux termes des circulaires du 10 septembre 1877 et du 26 mars 1879, la bibliothèque de Gand et celle de l'université d'Alsace-Lorraine dont le siège est à Strasbourg furent admises à jouir du privilège de nos bibliothèques universitaires; elles devaient recevoir un exemplaire des thèses de doctorat de tout ordre, à la condition d'envoyer en échange les thèses soutenues en Belgique et en Allemagne.
279. C'était un premier pas dans la voie des échanges internationaux. Il restait à faire bénéficier nos facultés d'un avantage dont l'administration centrale profitait seule.
L'idée, d'ailleurs, n'était nouvelle qu'en France, car le système d'échanges avait été inauguré dès 1817 par l'université de Marbourg et une Union d'échanges(Tausch-Verein) fonctionnait régulièrement entre près de cinquante universités allemandes, anglaises, hollandaises, suédoises et suisses. En vertu d'une décision du 23 décembre 1881, prise à la suite d'un rapport de la commission centrale des bibliothèques académiques, des négociations furent entamées avec les recteurs des universités étrangères, dans le but: 1o d'obtenir de chaque université étrangère contractante dix-huit collections de toutes ses publications académiques destinées aux bibliothèques universitaires de nos seize académies, à la Bibliothèque nationale et au ministère de l'instruction publique; 2o d'offrir en retour à la bibliothèque de chacune de ces universités une collection complète de toutes les thèses qui seraient soutenues devant les facultés françaises. On proposait, comme moyen d'exécution, l'envoi de part et d'autre, une fois l'an, au commencement de l'année scolaire, de toutes les publications académiques se rapportant à l'année scolaire précédente, les frais de transport restant à la charge de l'expéditeur.
280. En juillet 1882, ces offres transmises dans les premiers mois de l'année avaient recueilli l'adhésion de trente universités étrangères dont vingt allemandes: c'étaient les universités de Bâle, Berlin, Bonn, Breslau, Copenhague, Dorpat, Erlangen, Fribourg, Gand, Genève, Giessen, Gœttingen, Greifswald, Halle, Heidelberg, Iéna, Kœnigsberg, Leipzig, Leyde, Liège, Lund, Marbourg, Munich, Munster, Rostock, Strasbourg, Tübingen, Upsal, Wurzbourg et Zurich, auxquelles il convient d'ajouter aujourd'hui celles de Kiel, d'Oxford et d'Utrecht. Déjà l'arrêté du 30 avril avait ordonné de prélever dans chaque faculté, à dater du 1er mai, sur le nombre des thèses exigées des candidats trente exemplaires destinés au service des échanges avec les universités étrangères[371].
281. Le nombre total des exemplaires des thèses dont le dépôt est obligatoire pour les candidats dans les diverses facultés et les écoles supérieures de pharmacie a été déterminé par les arrêtés des 21 juillet et 31 décembre 1882 et par la décision ministérielle du 8 septembre de la même année. Ils sont déposés aux mains du secrétaire de l'académie qui fait remettre à la bibliothèque universitaire ceux destinés aux échanges tant en France qu'à l'étranger[372]. Le bibliothécaire les prend en charge sous sa responsabilité; il en délivre un reçu, inscrit sur un carnet spécial la réception et la date d'entrée, et aucun prétexte ne l'autorise à en distraire un seul exemplaire. A Paris, l'administrateur de la bibliothèque de l'Université centralise les thèses des facultés des lettres, des sciences et de théologie; les thèses des facultés de droit et de médecine et de l'École supérieure de pharmacie sont conservées par les bibliothécaires respectifs de ces établissements[373]. Dans les académies où la bibliothèque universitaire est scindée en plusieurs sections, le recteur en désigne une pour centraliser les publications de l'académie; c'est de préférence celle des lettres, qui se trouve toujours au chef-lieu du rectorat[374].
282. Le service d'échanges se fait une fois l'an, dans la première quinzaine de novembre; il comprend les thèses et publications académiques de la précédente année scolaire. Pour l'étranger, le bibliothécaire fait autant de paquets qu'il y a d'universités destinataires et les réunit en un seul qu'il adresse, en port dû, par la voie des messageries, à MM. Hachette et Cie, libraires à Paris, désignés à cet effet par l'administration centrale. Là, ils sont répartis en trente caisses et directement expédiés aux universités échangeantes. Les paquets, tous enveloppés et ficelés, même s'ils ne se composent que d'un article, doivent renfermer un état sommaire de leur contenu, signé du bibliothécaire et porter une adresse très lisible, ainsi disposée:
Envoi de la Bibliothèque universitaire de Lyon
à la Bibliothèque universitaire de
LEIPZIG.
Le bibliothécaire avise immédiatement de l'envoi le président de la commission centrale des bibliothèques universitaires.
De même, les publications académiques provenant de l'étranger parviennent à chaque bibliothèque universitaire en un seul envoi, contenant autant de paquets séparés qu'il y a d'universités échangeantes. Chaque paquet renferme un état sommaire du contenu, que le bibliothécaire transcrit, aussitôt après vérification, sur un état général à envoyer au président de la commission centrale dans la première quinzaine de mai de chaque année. Il y joint, en cas de besoin, ses observations, indique la date d'arrivée de l'envoi collectif des universités étrangères et, s'il y a lieu, des autres articles de même provenance reçus directement par la poste[375].
283. Dans son rapport du 15 janvier 1883, M. Michel Bréal estime que les collections envoyées cette année de l'étranger s'élèveront au moins à 1,500 dissertations formant pour nos dix-huit bibliothèques un total de 27,000 articles; d'autre part, les statistiques fournies par les bureaux de l'enseignement supérieur permettent d'évaluer à 900 le chiffre des thèses que nous devrons envoyer à chaque université étrangère, ce qui donne également pour trente universités un total de 27,000 articles[376]. «Ces échanges, ajoute-t-il, auront l'avantage de faire connaître par une des bases les plus sûres l'état de la science et de l'enseignement à l'étranger, et permettront à nos facultés de province de reprendre, en renouant des relations suivies avec les universités de l'Europe, une tradition interrompue depuis trois siècles[377].»
284. Un autre avantage pratique a été d'appeler sérieusement l'attention de l'administration centrale sur les échanges déjà en usage entre les facultés françaises et d'en assurer la régularité. En France, les envois doivent toujours être adressés de bibliothèque universitaire à bibliothèque universitaire. S'il y a lieu de procéder à une répartition entre les différentes sections d'une bibliothèque, elle est faite conformément aux prescriptions sus-énoncées de la circulaire du 31 mai 1882, par le bibliothécaire chargé de centraliser le service dans le ressort de l'académie. Cette règle ne souffre d'exception que pour l'académie de Paris. Les thèses de droit, de médecine, de théologie et de pharmacie forment des paquets spéciaux à l'adresse de ces trois facultés et de l'École supérieure de pharmacie; une deuxième collection des mêmes thèses est préparée pour la bibliothèque de l'Université, soit par les secrétaires des facultés qui la remettent aux bibliothécaires pour être jointe à leur envoi collectif, soit par les bibliothécaires eux-mêmes qui, dans ce cas, reçoivent du secrétariat, au fur et à mesure des dépôts par les candidats, un exemplaire en sus du chiffre porté aux tableaux de répartition annexés aux arrêtés des 21 juillet 1882 et 25 octobre 1883. Les thèses de sciences et de lettres à destination de Paris sont seulement adressées à la bibliothèque de l'Université.
285. En vue de faciliter le contrôle de l'administration centrale, les bibliothécaires ont soin de remettre aux recteurs, pour être envoyé au ministère de l'instruction publique, un relevé des différents envois faits par eux; de même, au mois de mai, ils transmettent au ministère un état des thèses reçues des autres académies. L'examen comparatif de ces deux pièces permet de juger immédiatement du bon fonctionnement du service et de découvrir les points où il serait resté en souffrance. Le ministre a récemment décidé de déléguer chaque année à ce contrôle un membre de la commission centrale des bibliothèques universitaires, avec le titre d'«inspecteur du service des échanges universitaires», chargé en outre de correspondre avec les universités étrangères et de proposer les modifications désirables[378].
286. Budget des dépenses. — Les budgets des académies sont arrêtés par le ministre de l'instruction publique auquel les recteurs adressent leurs propositions consignées sur un cadre ad hoc envoyé par le ministère. Ils sont préparés de telle sorte que chaque faculté sait au commencement de l'année de quelle somme elle pourra disposer. Les listes d'acquisition des livres et d'abonnement aux recueils périodiques sont envoyées au ministère en même temps que le projet de budget; celui-ci en triple, celles-là en double exemplaire[379].
Le crédit affecté aux acquisitions est ouvert dès le début de l'exercice, sous la réserve qu'il n'en sera fait emploi qu'après approbation par le ministre de la liste des ouvrages demandés. Toutefois, en cette matière, il y a lieu de tenir compte des occasions d'achat qui demandent une décision immédiate et ne laissent pas le temps de consulter l'autorité centrale: aussi le ministre, pour ne pas entraver l'initiative des professeurs et des bibliothécaires, a-t-il autorisé ces derniers à disposer, avec l'assentiment de la commission de surveillance et sans lui en référer au préalable, de la moitié du crédit total attribué à chaque faculté; les dépenses ainsi faites donnent lieu aux justifications ordinaires[380]. Les listes des acquisitions à solder sur l'autre moitié du crédit sont soumises à la commission centrale des bibliothèques.
287. Pour la répartition du budget, chaque faculté discute, sous la présidence de son doyen, le montant de la dépense probable qu'elle juge nécessaire. Tous les membres, professeurs, agrégés, maîtres de conférences, chargés de cours et suppléants assistent à la réunion et présentent leur liste d'acquisitions en faisant valoir les raisons qui la justifient. La commission de la bibliothèque adresse ensuite au recteur des propositions motivées pour ramener les demandes des sections au chiffre total alloué. Le recteur statue sur ces propositions en conseil de perfectionnement; on peut toujours, en cas de motifs graves, revenir sur le partage provisoire fait entre les différentes facultés.
288. Le recteur fait connaître au ministre, dans la dernière semaine de chaque trimestre, les acquisitions faites sur la moitié dont la disposition est réservée à son initiative: il joint à cet état récapitulatif un rapport du bibliothécaire accompagné de ses observations. Il est recommandé de faire une réserve sur la moitié du crédit disponible pour profiter des occasions de librairie ou satisfaire aux exigences imprévues, en particulier aux enseignements nouveaux qui seraient confiés, dans le courant de l'année, à des titulaires ou à des maîtres de conférences. Au surplus, l'initiative laissée au bibliothécaire, sous la direction du recteur, doit être étendue autant que possible dans l'intérêt du service dont, mieux que personne, il peut apprécier les besoins[381].
289. Droit de bibliothèque. — Nous avons vu (suprà, no 248) que la création par la loi de finances du 31 décembre 1873, d'un droit supplémentaire de dix francs «destiné à créer un fonds commun pour les bibliothèques des facultés» avait imposé à l'État le devoir de les réorganiser. La perception de ce droit a donné naissance à de nombreuses dispositions.
A l'origine, les secrétaires agents comptables des facultés furent chargés d'opérer la perception de la nouvelle taxe: dans les facultés de droit et de médecine et à l'École supérieure de pharmacie, elle était payable, chaque année, avec l'inscription de novembre; dans les facultés de théologie, des sciences et des lettres, avec la première inscription du grade que poursuivaient les élèves. Tout étudiant prenant des inscriptions dans le cours de l'année scolaire devait justifier du payement du droit de bibliothèque et y être astreint à quelque époque que ce fût, s'il ne l'avait pas encore acquitté. En cas de concession à un étudiant d'inscriptions cumulatives dans le cours d'une année, le secrétaire agent comptable avait mission de percevoir autant de fois le droit de dix francs que le nombre d'inscriptions accordées simultanément représentait d'années d'études[382].
290. L'article 3 de la loi de finances du 3 août 1875 modifia la perception du droit qu'elle rendit seulement exigible par quarts, en même temps que le prix de chaque inscription scolaire[383]. Depuis, la loi sur l'enseignement supérieur a proclamé la gratuité des inscriptions prises dans les facultés de l'État; on a pensé qu'il était au moins inutile d'imposer aux étudiants plusieurs déplacements pour acquitter le seul droit de bibliothèque à raison d'un quart par trimestre, c'est-à-dire par fractions insignifiantes. Après un retour au versement unique coïncidant avec la première inscription de l'année[384], il a paru plus pratique de reporter la perception au moment de la consignation des frais d'examen qui termine chaque année d'études. C'est ce qu'a décidé la loi du 1er mai 1883[385]. Il a été fait une exception pour les facultés de médecine et les écoles de pharmacie dont les élèves sont astreints au versement trimestriel d'autres droits; le droit de bibliothèque y est exigible par quarts en même temps que ceux afférents aux travaux pratiques obligatoires. Toutefois le versement de ces deux rétributions peut, au gré des familles, être effectué soit en un seul versement lors de la première inscription de l'année d'études, soit par fractions d'un quart, de moitié ou de trois quarts à chaque inscription[386].
291. Les étudiants en droit n'ont pas à payer la taxe pour les inscriptions qu'ils sont tenus de prendre à la faculté des lettres. De même en sont exemptés les candidats à la licence, qui ont pris leurs inscriptions dans les facultés libres ou dans les écoles préparatoires entretenues par les villes; les lois de finances du 29 décembre 1873 et du 3 août 1875 n'ont, en effet, imposé ce droit que dans les facultés dont la bibliothèque est entretenue aux frais de l'État[387].
292. Par décret du 27 novembre 1880, les aspirants au doctorat en médecine ou au titre de pharmacien de première classe appartenant au corps de santé de la marine, en qualité de médecins ou pharmaciens de seconde classe, qui ont souscrit un engagement, accepté par le ministre de la marine et des colonies, de se vouer pendant cinq ans au moins au service de santé maritime, peuvent, entre autres avantages, obtenir la dispense du droit de bibliothèque et des frais relatifs aux travaux pratiques. Si des circonstances indépendantes de leur volonté les obligent à offrir leur démission avant l'expiration de cette période, leur engagement porte qu'ils doivent alors restituer au Trésor public la totalité des taxes dont ils ont été exemptés; le remboursement doit être effectué avant que la démission soit acceptée. En ce qui concerne les officiers du corps de santé mis en réforme dans l'un des cas prévus par l'article 12 de la loi du 19 mai 1834, avant l'expiration de leur engagement de cinq ans, les départements de l'instruction publique et de la marine ont à signaler, chacun pour sa part, à l'agent judiciaire du Trésor, le montant de la dette dont il doit poursuivre le remboursement[388].
Les médecins et pharmaciens de première classe de la marine, qui, au moment de la promulgation du décret du 27 novembre 1880, n'étaient pas encore pourvus des diplômes de docteur en médecine ou de pharmacien universitaire de première classe, ont été admis à jouir, sur la proposition des autorités maritimes, des mêmes avantages que leurs collègues de seconde classe, sans être obligés de souscrire un engagement de cinq ans.
Toutes les demandes relatives aux immunités universitaires sont présentées au ministère de l'instruction publique par le département de la marine et des colonies, avec pièces justificatives à l'appui.
293. Le droit de bibliothèque est considéré comme droit acquis au Trésor par le seul fait du payement et n'est pas sujet à restitution comme certains droits de consignation. Il n'est pas seulement exigible dans les établissements de l'État. Les municipalités des villes qui possèdent des écoles préparatoires de médecine et de pharmacie sont fondées à le percevoir dans ces écoles au même titre que l'État dans les facultés. Mais ceux-là seuls y sont astreints qui aspirent au doctorat en médecine ou au titre de pharmacien de première classe, seuls grades stipulés aux décrets des 20 juin et 12 juillet 1878. Il convient d'ajouter que le droit de bibliothèque ayant été établi en vue de créer un fonds pour l'entretien de ce service, l'obligation imposée à l'État percevant d'y pourvoir dans les facultés incombe, au même titre, aux municipalités percevant dans les écoles préparatoires[389].
294. Le recouvrement des droits universitaires n'est plus opéré par des secrétaires agents comptables. Les fonctions de secrétaire et d'agent comptable des facultés et établissements d'enseignement supérieur ont été séparées, à Paris, par un décret du 25 juillet 1882, dans les départements par un décret du 25 novembre suivant[390]. A chaque faculté ou établissement est attaché un secrétaire dépendant du ministre de l'instruction publique, chargé de la partie administrative, notamment en ce qui concerne la perception des droits.
A Paris, le service financier est confié à un agent comptable, dit «receveur des droits universitaires». Nommé par le ministre des finances, de qui il relève, ses attributions consistent dans la tenue des écritures, le recouvrement et le remboursement des consignations versées par les étudiants, et la constatation des droits acquis au Trésor. Il est placé sous la surveillance et la responsabilité du receveur central du département de la Seine, et assujetti à un cautionnement en numéraire, déposé au Trésor, dont le montant est fixé conformément au décret du 31 octobre 1849, soit à 90,000 francs. Un arrêté du ministre des finances, du 26 août 1882, a réglé les détails du service du receveur des droits universitaires, la quotité de ses remises, le mode de perception des droits et de leur versement au Trésor[391].
Dans les départements, le service financier est confié aux percepteurs des contributions directes. Les dispositions qui précèdent sont applicables aux droits perçus dans les écoles préparatoires et de plein exercice, ainsi que dans les facultés; en conséquence, les secrétaires de ces établissements qui ne se trouvent pas au chef-lieu académique n'ont plus droit, depuis le 1er avril 1883, à l'indemnité de 5% sur le montant des droits acquis au Trésor, qui leur avait été attribuée par un arrêté du 27 décembre 1875[392].
295. Les secrétaires des facultés et autres établissements d'enseignement supérieur, tant à Paris que dans les départements, délivrent aux étudiants des bulletins de versement indiquant les nom et prénoms du débiteur, la somme à percevoir et l'acte universitaire auquel elle se rapporte. Ces bulletins sont détachés d'un registre à souche et portent un numéro d'ordre dont la série doit être suivie sans interruption pour chaque année scolaire[393]. Ils ne doivent délivrer aucun bulletin de versement pour le seul droit de bibliothèque; ils se bornent à faire signer par les étudiants sur le registre d'inscription l'engagement de payer les droits à l'époque réglementaire, c'est-à-dire lors de la consignation des frais d'examen. Les secrétaires des facultés de médecine et des écoles supérieures de pharmacie demandent aux étudiants comment ils désirent payer; ils délivrent un bulletin conforme à la déclaration qui leur est faite et dont ils font signer la teneur aux déclarants sur le registre d'inscription[394]. Se référant à la circulaire précitée du 29 octobre 1879, ils doivent se rappeler que les aspirants au titre d'officier de santé ne sont pas tenus au droit de bibliothèque. Il leur est recommandé de maintenir, dans les bulletins de versement et dans leurs états trimestriels de droits acquis, une concordance absolue entre les droits de bibliothèque et de travaux pratiques obligatoires et le nombre des inscriptions[395]. Ils doivent, en outre, rappeler sur ces états d'une manière explicite les motifs de gratuité, en énonçant le règlement ou la loi qui en donne le bénéfice, et la décision ministérielle, lorsque l'application du règlement à chaque personne doit être consacrée par une décision, comme il arrive, par exemple, pour les concessions de gratuité aux membres du corps de santé de la marine[396].
296. C'est seulement sur la présentation des bulletins de versement délivrés par les secrétaires que le receveur spécial de Paris et les percepteurs des villes du siège de la faculté ou de l'établissement d'enseignement supérieur reçoivent à leur caisse les produits universitaires. Les familles des étudiants qui désirent acquitter elles-mêmes ces droits ont la faculté d'en effectuer le versement aux caisses des trésoriers généraux et des receveurs des finances, mais toujours en produisant le bulletin mentionné plus haut[397].
297. Bibliothèques circulantes. — Par une circulaire en date du 12 mai 1880, dont l'application n'a pu recevoir encore les développements qu'elle comporte, le ministre de l'instruction publique a décidé l'établissement au chef-lieu de chaque académie d'une bibliothèque circulante contenant les ouvrages les plus nécessaires aux professeurs des collèges communaux qui se préparent à la licence. Elle est placée sous la direction immédiate et fonctionne par les soins du recteur qui, par un règlement aussi simple que possible, pourvoit à la sûreté de l'envoi et du retour des livres[398].
SECTION III.
BIBLIOTHÈQUES DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE.
§ 1. — Bibliothèques des lycées.
298. On distingue dans les lycées trois sortes de bibliothèques: 1o une bibliothèque générale, littéraire et scientifique; 2o des bibliothèques de quartier; 3o une bibliothèque classique[399].
299. Bibliothèque générale. — La bibliothèque générale du lycée est particulièrement destinée aux professeurs et aux maîtres répétiteurs. Ceux-là doivent y trouver les ressources nécessaires pour les travaux de leur classe, pour les mémoires et les thèses qu'ils préparent dans l'ordre de leur enseignement; ceux-ci, les éditions et les textes que réclament leurs études et le travail qui doit les conduire, avec le concours du professeur chargé des conférences, aux épreuves de la licence, de l'agrégation, des langues vivantes ou de l'enseignement secondaire spécial.
Un arrêté du 17 avril 1838 avait prescrit de disposer le local de la bibliothèque générale de manière que les fonctionnaires, professeurs et répétiteurs pussent trouver place dans une salle de lecture convenablement meublée et chauffée. Il annonçait ultérieurement des règles de garde et de police[400]. Mais les bibliothèques demeuraient abandonnées à l'initiative personnelle des chefs d'établissement qui continuèrent de les négliger. Leur insuffisance, signalée par les rapports des inspecteurs généraux, préoccupa le ministre de l'instruction publique qui, par le règlement du 12 mai 1860 et la circulaire du 25 août 1861, édicta d'une manière générale et uniforme d'utiles mesures d'ordre et de conservation à l'exécution desquelles une circulaire du 24 mars 1877 chargeait encore les recteurs de rappeler les proviseurs des lycées.
300. La bibliothèque littéraire et scientifique[401] est placée sous la surveillance directe et la responsabilité personnelle du censeur, indépendamment de la responsabilité générale de tout le matériel qui incombe à l'économe. Le catalogue est rédigé par le censeur, conformément à une nomenclature déterminée[402].
301. Le catalogue est refait à nouveau tous les dix ans[403]. Il est tenu à jour à l'aide de suppléments annuels pour lesquels on réserve un espace suffisant à la suite de chaque subdivision. Ces suppléments étant la continuation des catalogues, en reproduisent la forme et les subdivisions; mais chacun d'eux ne contient que les acquisitions d'une année.
Le catalogue arrêté par le censeur est certifié par le proviseur et l'économe[404], vérifié par un délégué du recteur et visé par ce dernier fonctionnaire. Il est transmis au ministère de l'instruction publique avec des bordereaux récapitulatifs faisant connaître par sections et subdivisions et en chiffre total le nombre des ouvrages et volumes et permettant de suivre d'année en année les mouvements de la bibliothèque. Les copies des suppléments annuels sont envoyées au ministère dans la première quinzaine du mois d'avril de chaque année. Un double du catalogue et des suppléments reste déposé dans les bureaux de l'économat; il en est remis une expédition au censeur.
A côté du catalogue et d'un livre des prêts, le censeur tient un livre-journal de la bibliothèque sur lequel il consigne jour par jour tous les faits qui la concernent: d'un côté les acquisitions et de l'autre les sorties. On en conserve ainsi la trace en attendant le moment où les inscriptions seront faites au catalogue. Les numéros attribués sur le livre-journal aux ouvrages nouveaux doivent exactement correspondre à ceux qu'ils porteront sur le catalogue; ce qui s'obtient en donnant pour premier numéro au livre-journal celui qui suit le dernier du catalogue arrêté au 31 décembre précédent.
302. Tous les ans, au mois de juin ou de juillet, un délégué du recteur procède au récolement du catalogue en présence du proviseur et de l'économe. Le procès-verbal de cette opération est adressé au ministre avant le 1er octobre; il est signé par les trois fonctionnaires qui y ont assisté et visé par le recteur. De plus, au mois de décembre, le proviseur visite la bibliothèque en présence du censeur et consigne sur les expéditions du catalogue le résultat de sa visite. Enfin, à chaque mutation de censeur ou d'économe, il est fait, dans les mêmes formes, un récolement extraordinaire pour déterminer la prise en charge du successeur. Des indemnités pour perte ou détérioration des ouvrages, s'il y a lieu, sont à la charge de qui de droit.
303. Une allocation de 100,000 francs a été inscrite au budget de 1878 pour le développement des bibliothèques des lycées[405]. Les acquisitions sont généralement faites à Paris. Les proviseurs font parvenir au ministère, en double expédition, par la voie des recteurs, leurs demandes de crédit, à l'appui desquelles ils joignent l'indication des ouvrages à acquérir. Pour la composition de cette liste, ils prennent l'avis des professeurs chargés des conférences préparatoires à la licence, des professeurs d'histoire, de sciences, de langues vivantes et de l'un des professeurs de grammaire. Ils dressent deux sortes de listes: l'une générale, de tous les ouvrages demandés, en tête desquels figurent ceux recommandés pour la licence et l'agrégation; les autres, partielles, comprenant les ouvrages qui se trouvent chez le même éditeur ou le même libraire. Ces dernières, outre la signature du proviseur, portent en tête, du côté gauche, le nom du lycée et, à droite, celui de l'éditeur ou du libraire. Une liste spéciale est réservée aux ouvrages édités à l'étranger[406]. — L'une des expéditions reste dans les bureaux du ministère, l'autre est renvoyée aux proviseurs, avec l'indication des crédits alloués.
304. Bibliothèques de quartier. — On nomme ainsi les bibliothèques placées dans chaque salle d'études du lycée. Les élèves y trouvent, sous la surveillance des maîtres, des instruments de travail pour leurs devoirs quotidiens et, aux heures de lecture, des livres choisis surtout parmi les grandes œuvres classiques. Ces bibliothèques sont cataloguées conformément aux dispositions énumérées pour les bibliothèques générales, sauf en ce qui concerne le mode de classification et le livre-journal des entrées et sorties dont la tenue n'y est pas prescrite. Aux époques déterminées, des copies des catalogues et des suppléments annuels sont envoyées au ministère; on n'y joint pas de bordereaux récapitulatifs[407].
Dans un grand nombre de lycées, en dehors des dons ministériels, les bibliothèques de quartier sont alimentées par une cotisation, soit d'entrée, soit annuelle, destinée à leur entretien et à leur accroissement.
305. Bibliothèque classique[408]. — La bibliothèque classique comprend les livres de classe que le lycée fournit aux internes; elle est placée sous la garde et la surveillance spéciale du censeur. Pour en constater l'état et le mouvement, il est tenu un livre général des entrées et des sorties où chacun des ouvrages en usage pour l'enseignement a un compte ouvert, indépendamment de feuilles individuelles, dressées au nom de chaque élève, sur lesquelles on mentionne les livres qui lui ont été prêtés, ceux qu'il a rendus et leur condition aux deux époques du prêt et de la restitution.
Le livre général est divisé par ordre de matières[409].
Dans les limites de chacune des divisions, on répartit les ouvrages en suivant, autant que possible, l'ordre des classes et la marche des études.
306. Le livre général indique, pour chaque ouvrage, le nombre, l'état et la valeur approximative des exemplaires. Trois colonnes sont affectées à la mention de l'état, sous les rubriques bons, médiocres, mauvais; un chiffre placé dans l'une de ces colonnes exprime le nombre d'exemplaires de cette catégorie que possède la bibliothèque classique.
La valeur approximative est calculée à raison du prix intégral pour les exemplaires en bon état, de la moitié du prix pour les exemplaires qualifiés médiocres et du quart pour les mauvais.
Les entrées comprennent:
- 1o Les livres neufs achetés par l'économe, d'après l'ordre du proviseur;
- 2o Les livres restitués après emprunt;
- 3o Les livres réparés.
Les sorties comprennent:
- 1o Les livres remis aux élèves;
- 2o Les livres réformés et vendus;
- 3o Les livres mutilés pour servir à en réparer d'autres.
Pour les entrées comme pour les sorties, on fait mention de l'état et de la valeur approximative des livres. Les volumes détériorés qu'on garde en réserve continuent de figurer dans le catalogue de la bibliothèque classique jusqu'à ce qu'il en soit définitivement disposé. Il est recommandé aux recteurs de faire renouveler les éditions anciennes des ouvrages scientifiques et littéraires et de les remplacer par les éditions récentes et meilleures, autant que le permettent les ressources limitées des lycées[410].
307. Les élèves n'ont pas le droit d'emporter pendant les vacances des livres classiques appartenant au lycée; le proviseur et le censeur peuvent cependant les y autoriser à titre exceptionnel, et, dans ce cas, les livres prêtés donnent lieu, pour chaque élève, à un article de sortie et, au moment de la restitution, à un article d'entrée. Il est regrettable que les élèves ne puissent pas toujours emporter chez eux les livres classiques qui leur permettraient de revenir à leurs études, après avoir quitté le lycée. Sous l'influence de ce sentiment, la commission du budget de la Chambre des députés a exprimé, en 1882, l'avis que le crédit inscrit au budget de l'enseignement secondaire pour les bibliothèques des lycées fût désormais affecté à l'achat des livres classiques nécessaires aux boursiers qui d'ailleurs en auraient la propriété: les autres internes seraient tenus, comme de tout temps l'ont été les externes, de se procurer ces ouvrages à leurs frais[411].
308. Au 31 décembre de chaque année, on totalise les entrées et les sorties, ainsi que les indications de l'état et de la valeur des ouvrages; on déduit le total des sorties de celui des entrées et on dresse un inventaire. Le censeur le certifie, l'économe le signe, le proviseur et le recteur le visent, et il est transmis au ministère avant le 15 février de l'année suivante.
309. Choix des livres. — Un arrêté ministériel du 11 janvier 1862 avait institué une commission consultative permanente pour l'examen des livres destinés à être donnés en prix dans les lycées et collèges et placés dans les bibliothèques de quartier[412]. Une autre commission fut créée par arrêté du 2 juillet 1875 pour l'examen des livres classiques. L'une et l'autre dressèrent des catalogues en répartissant les ouvrages admis entre les classes auxquelles ils convenaient[413]. Elles ont été fondues en une seule, placée sous la présidence du ministre de l'instruction publique et divisée en trois sections[414]:
- 1o Section des lettres, pour les livres concernant l'étude des langues anciennes, de la langue française, des langues étrangères, les grammaires, dictionnaires, etc.;
- 2o Section des sciences, pour les livres relatifs aux sciences mathématiques, physiques et naturelles;
- 3o Section des sciences morales, pour les livres d'instruction religieuse et de morale, de droit, d'histoire et de géographie, et de pédagogie.
Le président distribue les membres de la commission dans les trois sections et nomme des présidents de section. Le vice-président peut convoquer la commission deux fois par mois, soit par sections, soit en assemblée générale. Il adresse tous les trois mois au ministre un rapport sur l'ensemble de ses travaux.
La commission peut, dans certains cas et pour des ouvrages qui requièrent une compétence spéciale, demander au ministre le choix d'un rapporteur pris en dehors de son sein.
Le service administratif (réception, transmission des ouvrages, etc.) est centralisé au troisième bureau de la direction de l'enseignement secondaire.
310. La commission a élaboré et publié, en 1881, un Catalogue des livres classiques recommandés pour l'usage des lycées et collèges. Les assemblées de professeurs sont chargées de préparer la liste des demandes que le recteur transmet au ministre[415]; mais elles sont libres de choisir dans ou hors le catalogue dressé par la commission non seulement les livres classiques, mais aussi les ouvrages destinés aux prix et aux bibliothèques de quartier. Elles sont même aujourd'hui dispensées de motiver leurs choix, à la condition que ces choix aient été délibérés en assemblée. Le ministre n'a retenu que le droit, établi par les articles 4 et 5 de la loi du 28 février 1880, d'interdire, après avis de la commission consultative pour les établissements publics, et du conseil supérieur pour les établissements privés, les livres contraires à la morale, à la constitution et aux lois[416].
§ 2. — Bibliothèques des collèges communaux.
311. En vertu d'une circulaire du 9 janvier 1882, les catalogues de ces bibliothèques ont été transmis par les recteurs au ministère de l'instruction publique. Ils n'ont servi qu'à mettre au jour la pénurie des collections. Depuis cette époque, le ministère a fait à tous les collèges communaux don d'un premier fonds de livres. Les bibliothèques des collèges sont placées sous la responsabilité des principaux[417], auxquels il est recommandé: 1o de faire apposer sur tous les volumes une estampille au nom de l'établissement; 2o de dresser un catalogue en se conformant au classement adopté dans les bibliothèques des lycées; 3o de confier à l'un des fonctionnaires du collège la tenue du registre des prêts. Les inspecteurs d'académie doivent, une fois au moins par an, s'assurer de l'état des bibliothèques et du catalogue. C'est aux municipalités qu'incombe le soin de voter les crédits nécessaires pour la reliure des ouvrages ou pour l'acquisition d'armoires vitrées[418].
SECTION IV.
BIBLIOTHÈQUES DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
§ 1. — Musée pédagogique.
312. On sait avec quel zèle l'administration centrale s'est préoccupée depuis vingt ans de développer l'instruction primaire qui, au demeurant, constitue la vraie instruction nationale, l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, quoique accessibles à tous, ne pouvant jamais être que le partage d'une classe relativement très restreinte. Pour y atteindre, le moyen le plus efficace consistait en la création de bibliothèques nombreuses qui missent à la disposition des habitants des moindres villages des ouvrages élémentaires, des lectures variées appropriées à leurs besoins intellectuels et moraux. L'Empire le comprit et institua les bibliothèques scolaires, à l'usage des élèves des écoles et des parents de ces élèves. Depuis, des bibliothèques pédagogiques ont été fondées pour les instituteurs qui y trouvent la collection des meilleurs livres et méthodes d'enseignement primaire et y peuvent continuer les études professionnelles commencées dans les écoles normales. Nous étudierons en leur lieu les unes et les autres, mais nous devons parler d'abord de la création plus récente du Musée pédagogique à cause de son caractère d'institution centrale, offerte en modèle aux précédentes qu'il résume et qu'il complète.
313. Dès 1871, le ministre de l'instruction publique avait ordonné la formation d'un Musée scolaire où seraient réunis «les livres, tableaux et appareils à l'usage des écoles, des salles d'asile et des cours d'adultes, tant en France que dans les pays étrangers»[419]. Un règlement fut élaboré et une commission nommée pour examiner les objets à y admettre[420]. Les recteurs furent invités à faire relever dans les bibliothèques publiques la liste des documents manuscrits ou imprimés, antérieurs ou postérieurs à 1789, relatifs aux écoles primaires et devant composer le catalogue de la «future bibliothèque générale de l'instruction primaire»[421]. Une séance d'inauguration eut lieu le 2 mars 1873, mais peu après des difficultés d'installation faisaient abandonner l'entreprise.
Le 16 mai 1878, le ministre déposa un projet de loi portant création d'un Musée national de l'enseignement primaire. La commission générale de l'enseignement primaire à laquelle il fut renvoyé estima qu'il n'était pas besoin d'une loi pour cet objet et invita le ministre à y procéder par voie de décret. Effectivement, un décret du 13 mai 1879 institua au ministère «un Musée pédagogique et une Bibliothèque centrale de l'enseignement primaire, comprenant des collections diverses de matériel scolaire, des documents historiques et statistiques et des livres de classe provenant de France et de l'étranger». La direction en a été confiée à un inspecteur général de l'enseignement primaire hors cadre[422], sous le contrôle d'un conseil d'administration nommé par le ministre.
314. Le conseil se réunit en séance ordinaire, au commencement de chaque trimestre: dans sa séance du 11 juillet 1881, il a adopté un règlement intérieur dont l'analyse fera connaître le but et l'utilité pratique de l'institution. Le Musée pédagogique constitue un centre d'informations sur l'enseignement primaire, tant en France qu'à l'étranger; il comprend en outre une exposition permanente de tous les objets servant à l'éducation.
Il est divisé en quatre sections:
- 1o Matériel scolaire;
- 2o Appareils d'enseignement;
- 3o Bibliothèque centrale (livres pour les maîtres, livres pour les élèves, bibliothèques scolaires, bibliothèques populaires);
- 4o Documents relatifs à l'histoire de l'éducation.
315. Les collections sont formées:
- 1o Par les dons des auteurs, éditeurs ou fabricants, sauf l'agrément du conseil d'administration;
- 2o Par les envois du ministère de l'instruction publique et des autres départements ministériels et par les envois des administrations scolaires de l'étranger;
- 3o Par les acquisitions dont le conseil d'administration a reconnu l'utilité.
Le Musée reçoit, à titre de dépôt temporaire et après avis du conseil, les livres et les objets d'enseignement sur lesquels les auteurs ou éditeurs veulent appeler l'attention, mais il n'est tenu de les conserver que trois mois au plus, à partir du jour de la réception. Ceux qui n'ont pas été admis par le conseil doivent être enlevés par les auteurs ou éditeurs dans le délai d'une quinzaine, à compter du jour où l'avis leur en a été donné; ce délai expiré, ils leur sont renvoyés à leurs frais. L'administration du Musée n'est pas responsable des dépréciations pouvant résulter de l'exposition des objets. L'admission ou le refus par le conseil des ouvrages ou appareils scolaires déposés n'implique ni approbation ni blâme: la personne qui en a demandé l'admission a toujours droit, mais a seule droit à connaître les raisons du refus qui se trouvent consignées dans le procès-verbal des séances du conseil. D'autre part, l'administration a pris soin de faire savoir aux instituteurs que l'admission définitive au Musée ne constitue pas même indirectement une recommandation officielle[423].
Le conseil désigne les publications périodiques auxquelles le Musée peut s'abonner, ainsi que les livres et objets d'enseignement d'origine française ou étrangère qui sont jugés dignes d'être acquis sur les crédits alloués par le ministère; il désigne aussi, le cas échéant, les livres ou objets qu'il y a lieu de retrancher des collections.
316. La bibliothèque est ouverte tous les jours, de dix heures à cinq heures, sauf le lundi, aux personnes munies de cartes de travail délivrées par l'administration du Musée ou la direction de l'enseignement primaire.
Les ouvrages peuvent être prêtés sur autorisation du directeur pour le délai maximum d'un mois[424].
317. Bibliothèque circulante. — En vue d'aider à la préparation des candidats au professorat dans les écoles normales d'instituteurs et d'institutrices, à l'inspection de l'enseignement primaire et à celle des écoles maternelles (salles d'asile), il a été institué, en janvier 1882, une bibliothèque circulante au Musée pédagogique, destinée à prêter des livres.
Elle est divisée en trois sections:
- 1o Section des lettres (grammaire, critique et histoire littéraire, histoire générale et géographie);
- 2o Section des sciences (arithmétique, géométrie et algèbre élémentaires; physique et chimie; histoire naturelle, agriculture et hygiène);
- 3o Section de pédagogie (psychologie, morale, instruction civique, éducation générale, méthodes d'enseignement, législation scolaire).
Le catalogue est envoyé à toute personne qui le demande, par lettre affranchie, au directeur du Musée.
318. Les demandes de livres sont adressées au ministre de l'instruction publique. Elles portent en tête la mention: Bibliothèque circulante du Musée pédagogique. — Demande de livres, et font connaître:
- 1o Le titre exact des ouvrages demandés;
- 2o Le temps pendant lequel on désire les conserver, temps qui, en aucun cas, ne doit excéder deux mois;
- 3o L'adresse de l'emprunteur, avec indication de la ligne de chemin de fer et de la station desservant sa résidence.
La première demande de livres doit être soumise au visa de l'inspecteur d'académie ou de l'inspecteur primaire qui atteste que le demandeur se prépare réellement à un examen pour l'un des emplois sus-indiqués. Les livres sont envoyés comme colis postaux par les soins du directeur du Musée pédagogique et doivent lui être retournés dans les mêmes conditions par l'emprunteur, à l'expiration du délai mentionné an bulletin d'expédition. Le port au retour est seul à la charge de l'emprunteur.
Pour chaque envoi, le nombre des volumes ne peut former un poids supérieur à trois kilogrammes. Il faut avoir renvoyé les livres empruntés au Musée pédagogique pour pouvoir obtenir un nouveau prêt. Il n'est pas donné suite aux demandes des personnes qui, à deux reprises, n'ont pas effectué le renvoi des ouvrages au temps fixé.
En cas de perte ou de détérioration grave des livres prêtés, l'emprunteur est tenu d'en payer le prix d'après l'évaluation du catalogue ou de les remplacer au Musée pédagogique.
Les vacances annuelles du Musée durent un mois; la date en est déterminée par une décision ministérielle qui désigne en même temps certains jours pour faire les envois de la bibliothèque circulante et les échanges de livres[425].
§ 2. — Bibliothèques des écoles normales primaires.
319. Les collections placées dans ces écoles se divisent en trois catégories bien distinctes: 1o Les livres de fonds, dictionnaires, revues, ouvrages généraux et traités spéciaux d'une valeur reconnue. Destinés avant tout aux professeurs, ils doivent cependant être mis aussi à la disposition des élèves-maîtres, surtout de ceux de troisième année. Cette série forme la bibliothèque proprement dite de l'école normale;
- 2o Les manuels et livres de classe des élèves-maîtres, livres d'études journalières dont chaque élève doit avoir un exemplaire à son usage. Les professeurs ayant le droit de choisir pour leur enseignement ceux qu'ils préfèrent, le plus souvent l'école possède concurremment plusieurs de ces ouvrages similaires;
- 3o Les livres à l'usage de l'école primaire élémentaire, méthodes d'écriture, de lecture, petits livres de grammaire, d'arithmétique, etc. Cette collection, dite Bibliothèque de l'école annexe, constitue un dépôt où les élèves-maîtres, sous la direction de leurs professeurs, notamment du maître de l'école annexe, peuvent examiner, comparer par eux-mêmes les mérites et les défauts de leurs futurs instruments de travail. Elle exerce leur jugement et stimule leur initiative avec d'autant plus d'utilité que maintenant les instituteurs ont la liberté de dresser la liste des livres dont ils se servent dans leur enseignement.
320. Le ministère contribue par des dons à la formation des deux premières catégories. Au contraire, la troisième n'est constituée que par les envois spontanés des éditeurs et les achats opérés avec le budget de l'école; par cette abstention, le ministre entend affirmer son intention de ne favoriser, même indirectement, aucun livre au détriment d'un autre.
La commission centrale établit la liste des ouvrages les plus utiles aux bibliothèques des écoles normales et propose les dons à leur faire: elle est mise au courant de leurs besoins par l'examen des catalogues que les directeurs sont tenus d'envoyer au ministère[426].
§ 3. — Bibliothèques pédagogiques.
321. Les bibliothèques pédagogiques sont, pour les instituteurs, comme de secondes bibliothèques d'écoles normales qui leur permettent de se perfectionner, pendant l'exercice de leur profession. Le premier essai digne d'être signalé remonte à 1865. Chaque canton du département de la Savoie fut alors pourvu de bibliothèques spéciales où les instituteurs purent trouver les meilleurs traités de pédagogie et les livres les plus propres à les instruire. Il ne semble pas que cette tentative ait été couronnée de succès, car la Savoie qui compte 29 cantons ne possédait plus en 1880 que 11 bibliothèques pédagogiques; du moins resta-t-elle isolée. En 1875, plusieurs groupes d'instituteurs de divers départements sollicitèrent l'autorisation d'en établir de nouvelles. Le ministre de l'instruction publique acquiesça à leur demande, en recommandant de ne jamais laisser ces bibliothèques dégénérer en lieux de réunion, mais de les restreindre à l'état de bibliothèques de prêt, mises à la disposition des maîtres pour y emprunter les volumes dont ils pourraient avoir besoin[427].
322. C'est surtout depuis 1879 que les bibliothèques pédagogiques se sont développées et multipliées, sous le contrôle et avec l'assistance de l'administration supérieure[428]. Une commission de quinze membres sous la présidence nominale du ministre et la présidence effective du vice-recteur de l'Académie de Paris, fut instituée à l'effet d'élaborer un plan d'organisation de bibliothèques pédagogiques, en y rattachant les services annexes, notamment les conférences de pédagogie qui, seules, peuvent en assurer le fonctionnement sérieux[429]. Un comité spécial, détaché de la commission, fut chargé de rechercher et d'indiquer, après examen, les ouvrages étrangers qui représentent le mieux, pour chaque peuple, les principes de la pédagogie nationale.
Chacun des ouvrages ainsi examinés devait faire l'objet d'un rapport écrit, et la commission en désignerait un ou deux au plus par pays. Le ministre se proposait de les faire traduire et publier, autant que possible, sous les auspices de la commission elle-même, et d'en doter les bibliothèques pédagogiques et les écoles normales pour stimuler le zèle des instituteurs par l'étude comparative des méthodes étrangères, desquelles ils pourraient retirer l'idée de quelques innovations heureuses.
323. Le catalogue préparé par la commission a été publié en 1880: il a pour but de guider et d'éclairer le choix des fondateurs ou conservateurs des bibliothèques pédagogiques, mais non de le limiter. Il comprend trois divisions:
- 1o Les livres de doctrine, où la science pédagogique est considérée dans ses principes essentiels, en prenant pour base l'homme et sa nature, et où l'éducation est exposée dans son ensemble et ses généralités;
- 2o Les livres de direction pratique, où l'éducation est surtout considérée dans ses détails, embrassant à la fois l'éducation proprement dite et l'instruction, et où les maîtres peuvent puiser des conseils d'une application immédiate, soit pour leur enseignement, soit pour la conduite de la classe ou la direction de la jeunesse;
- 3o Les livres de renseignements et de documents historiques ou législatifs, destinés à faire connaître l'état de l'éducation, sa législation et son histoire, tant dans la France en général, dans les départements et les différentes villes, que dans les pays étrangers[430].
L'administration a admis un certain nombre d'ouvrages à cause de leur importance et de la grande notoriété de leurs auteurs; mais elle n'entend en aucune façon prendre la responsabilité de toutes leurs doctrines ou idées. Elle a pensé que, si l'on doit mettre seulement aux mains des élèves des ouvrages irréprochables, il n'en est pas de même à l'égard des maîtres éclairés, capables de discerner le vrai et le faux. Elle se réserve de choisir parmi les ouvrages inscrits dans son catalogue, ceux dont elle a l'intention de gratifier les bibliothèques pédagogiques.
324. C'est également au chef-lieu de canton qu'est placée la bibliothèque pédagogique; l'instituteur public de cette commune en est le bibliothécaire. Les livres sont déposés dans un meuble spécial, ou, à son défaut, sur un rayon particulier de la bibliothèque scolaire. Une commission administrative présidée par l'inspecteur primaire est chargée de faire les acquisitions utiles dont la liste est dressée à chacune des réunions des instituteurs et institutrices sociétaires. Les ressources ordinaires, en dehors des dons du ministre, du département, de la commune et des libéralités privées, consistent dans une cotisation modique, de quatre ou cinq francs l'an par exemple, que payent les membres participants, et ceux-ci seuls sont admis au prêt des ouvrages[431].
SECTION V.
BIBLIOTHÈQUES POPULAIRES DES ÉCOLES PUBLIQUES[432] OU BIBLIOTHÈQUES
SCOLAIRES.
325. Le développement rapide que n'ont cessé de prendre depuis leur création les bibliothèques scolaires, les services considérables qu'elles ont rendus à l'enseignement nous font un devoir d'en exposer avec détail l'organisation et le fonctionnement.
Un rapport de M. Rouland, ministre de l'instruction publique, à l'Empereur, en date du 10 juillet 1861, signala l'utilité de «bibliothèques communales à l'usage des écoles... pour répandre dans les communes rurales les notions essentielles de la géographie, de l'histoire, de l'agriculture pratique et de l'hygiène». Le ministre, dans ce but, venait de fonder une «bibliothèque des campagnes», dont plusieurs volumes avaient déjà paru. Il demandait en même temps et obtint, pour achat et distribution de livres aux communes, un crédit de 50,000 francs.
326. Aux environs de 1860, des sociétés privées et des comités se fondèrent en vue de multiplier les bibliothèques populaires. Il appartenait au gouvernement de se mettre à la tête du mouvement, sans entraver aucune initiative, et l'idée d'utiliser pour cela ses écoles primaires et ses instituteurs, c'est-à-dire des locaux et un personnel tout préparés, était éminemment pratique. Mais l'État ne pouvait prendre à sa charge les dépenses nécessaires pour la «vaste organisation de bibliothèques communales» que méditait déjà M. Rouland, ministre de l'instruction publique, il lui fallait s'assurer un concours multiple de volontés et de sacrifices. La condition première de l'installation et de la conservation des volumes était l'acquisition d'un corps de bibliothèque. M. Rouland décida qu'à l'avenir, tout projet de construction ou achat de maison d'école, pour lequel un secours serait demandé au ministère, devrait être accompagné d'un devis spécial de dépenses afférentes au mobilier scolaire, dans lequel figurerait en première ligne une bibliothèque-armoire[433].
Cela fait et le ministère étant en mesure de stimuler par des dons le bon vouloir des municipalités, M. Rouland institua dans chaque école primaire publique une bibliothèque scolaire. Ce fut l'objet de l'arrêté du 1er juin 1862 dont presque toutes les dispositions sont demeurées applicables.
327. La bibliothèque scolaire est placée sous la surveillance de l'instituteur et dans une salle de l'école, dont elle est la propriété.
Elle se compose: 1o Du dépôt des livres de classe à l'usage de l'école;
- 2o Des ouvrages concédés par le ministre de l'instruction publique;
- 3o De ceux donnés par les préfets, au moyen des crédits votés par les conseils généraux;
- 4o De ceux donnés par les particuliers;
- 5o De ceux acquis avec les ressources propres de la bibliothèque.
La liste des livres de classe est préparée chaque année, pour toutes les écoles du ressort, par le conseil académique[434] et arrêté par le ministre; elle ne comprend que des ouvrages approuvés par le conseil supérieur de l'instruction publique.
Quant à la composition des autres catégories qui forment, à proprement parler, la bibliothèque scolaire, c'est-à-dire la bibliothèque de prêt aux familles, elle est placée sous le contrôle de l'autorité académique et la haute direction de l'administration centrale.
328. Commission consultative. — Par arrêté du 15 juin 1863, une commission consultative des bibliothèques scolaires, composée de membres de l'Institut, de professeurs, d'hommes de lettres, de membres de l'administration et d'ecclésiastiques des cultes reconnus, fut chargée d'examiner, sur la demande des éditeurs, ou d'office, les livres susceptibles d'être placés dans ces établissements, en écartant les livres de classe, pour ne s'occuper que des livres de lecture. Chaque ouvrage soumis à son examen était l'objet d'un rapport écrit, lu en séance, à la suite duquel la commission admettait ou rejetait. L'exclusion n'impliquait aucune critique; nombre d'ouvrages ont été éliminés comme trop savants et supérieurs à la portée des lecteurs des bibliothèques scolaires[435]. Comme la commission n'opérait que sur des catalogues de Paris, elle omettait nécessairement beaucoup de publications utiles pour l'histoire ou la géographie locales. On suppléa à cette lacune en invitant les inspecteurs d'académie et les inspecteurs primaires à signaler au ministre les ouvrages spécialement intéressants pour leurs circonscriptions; il est évident que l'économie rurale des Landes diffère totalement de l'économie rurale de la Beauce ou de l'Auvergne et qu'on doit tenir compte de ces différences dans la composition des bibliothèques des divers départements[436]. Les instituteurs furent chargés de dresser la liste des livres qu'ils jugeaient bon de distribuer en prix ou de mettre dans la bibliothèque de l'école[437]. Ces listes étaient révisées et complétées par les inspecteurs primaires et par l'inspecteur d'académie qui en formait une liste départementale; puis par le recteur qui en arrêtait une autre pour l'ensemble du ressort académique. Tous les ans, au 1er avril, le recteur signalait les modifications que l'expérience de l'année faisait désirer et les additions que des publications nouvelles rendaient nécessaires[438]. On sollicita également le concours des sociétés savantes en priant leurs présidents d'indiquer les livres qui, au point de vue de la littérature, de l'histoire, des sciences, de l'hygiène, de l'agriculture, de l'industrie, leur sembleraient le mieux appropriés aux intérêts de leur département[439].
329. En 1874, une commission consultative des bibliothèques populaires fut créée sur le modèle de la précédente[440]. On ne tarda pas à voir que ces deux commissions, en partie composées des mêmes membres, chargées d'examiner les mêmes livres, avaient un objet analogue et, en 1879, elles furent fondues en une seule, composée de 43 membres, sous la présidence du ministre[441]. Celle-ci, l'année suivante[442], a été subdivisée en trois sections, savoir: 1o Le comité de perfectionnement des publications populaires, auquel sont adjoints le président du Cercle de la librairie et cinq éditeurs nommés par le ministre, pour une année. Il étudie, soit à la demande de l'administration, soit sur la proposition de ses membres, les moyens les plus propres à encourager et à répandre les bons livres; il indique notamment au ministre les ouvrages à récompenser, les sujets à mettre au concours; il rédige les programmes du concours et juge les manuscrits présentés;
- 2o Le comité des bibliothèques populaires libres et communales, chargé de tenir au courant le catalogue des ouvrages à l'usage des bibliothèques populaires. Il peut proposer au ministre des souscriptions aux ouvrages les plus méritants;
- 3o Le comité des bibliothèques scolaires et des livres de prix. Il signale au ministre: 1o les ouvrages qu'il est le plus désirable de placer dans ces bibliothèques, soit comme premier fonds, soit comme dons du ministère; 2o ceux auxquels, à raison de leur mérite particulier, il y aurait lieu de souscrire pour les distribuer en prix dans les établissements d'instruction primaire[443].
Sont, de droit, membres de la commission: le chef du cabinet du ministre, les directeurs de l'enseignement supérieur, secondaire et primaire, le vice-recteur de l'académie de Paris, le directeur du musée pédagogique, le chef et le sous-chef du cinquième bureau de l'enseignement primaire.
330. Tout auteur ou éditeur désireux d'obtenir l'admissibilité d'un ouvrage dans les bibliothèques scolaires doit en déposer deux exemplaires au ministère de l'instruction publique, avec une demande signée de lui. Il accompagne son envoi d'une note portant: le titre exact, le format, le nombre de volumes, l'indication du prix fort et celle des remises qu'il est disposé à faire à l'administration pour 12, pour 100 et pour 200 exemplaires. Le ministre ne fait examiner que les ouvrages imprimés[444].
331. Le catalogue publié par la commission est constamment tenu au courant par des insertions de listes supplémentaires au Bulletin du ministère de l'instruction publique[445].
Il est interdit aux inspecteurs primaires de recommander ou d'autoriser l'introduction dans les écoles d'autres livres que de ceux revêtus de l'approbation ministérielle[446]. Cette autorisation est réservée à l'inspecteur d'académie, en ce qui concerne les ouvrages provenant de dons autres que ceux du ministère, ou d'acquisitions, et qui ne figurent pas au catalogue officiel[447].
332. Dons du ministère. — En dépit des mesures prises pour stimuler le concours des municipalités, les dons ministériels, qui ne devraient former qu'un appoint à leurs subventions, n'ont jamais cessé d'être le principal moyen d'accroissement des bibliothèques scolaires. Le ministre dispose à cet effet d'un crédit de 200,000 francs. Les libéralités sont restreintes aux communes qui se seraient elles-mêmes imposé quelques sacrifices en faveur de leurs écoles. Aucune concession ne peut être accordée à une bibliothèque scolaire si la commune ne justifie: 1o de la possession d'une armoire-bibliothèque; 2o de l'acquisition de livres de classe en quantité suffisante pour les besoins des élèves gratuits[448]. Le ministre se réserve d'allouer des secours aux communes les plus pauvres, sur la proposition du préfet, pour l'achat de l'armoire indispensable[449].
333. Pour obtenir une concession de livres, le maire doit adresser au ministre, par l'intermédiaire du préfet qui la transmet avec son avis, une demande portant réponse aux questions suivantes: 1o La bibliothèque a-t-elle une armoire fermée?
- 2o Le conseil municipal a-t-il voté un crédit suffisant pour l'achat des livres nécessaires aux élèves gratuits?
- 3o Nombre des habitants de la commune?
- 4o La commune est-elle agricole, industrielle ou commerçante?
- 5o De quel arrondissement fait-elle partie?
- 6o Nom de la gare de petite vitesse la plus rapprochée[450]?
334. Les bibliothèques scolaires gratifiées d'une première concession n'en peuvent obtenir une nouvelle qu'après un délai de deux ans. Le maire demandeur doit alors produire: 1o une déclaration de l'inspecteur primaire, visée et contrôlée par l'inspecteur d'académie, constatant la bonne tenue de la bibliothèque, son utilité effective, et indiquant le chiffre des prêts durant l'année écoulée;
- 2o Un extrait des délibérations du conseil municipal, faisant connaître la somme portée au budget pour achat de livres autres que ceux destinés aux enfants indigents[451].
Il ne suffit donc pas que le maire puisse justifier d'un accroissement de la bibliothèque scolaire; des dons particuliers, quelle que fût leur importance, ne suppléeraient pas au vote par la municipalité d'une allocation communale.
Les mêmes ouvrages ne peuvent être donnés plusieurs fois.
Pour les nouvelles comme pour les premières demandes, le préfet, en les transmettant au ministre, fait connaître son avis: bien placé pour connaître la situation des communes, il est en mesure d'apprécier si les crédits qu'elles votent sont proportionnés à leurs ressources et leurs sollicitations à leurs besoins. Il lui appartient d'ailleurs de stimuler le zèle des conseils municipaux, de les exhorter à voter l'acquisition d'armoires-bibliothèques dans les communes qui n'en sont pas encore pourvues et de tâcher d'intéresser les conseils généraux au développement et à la propagation des bibliothèques scolaires[452].
335. A l'origine, le ministère donnait généralement aux communes de moins de 500 habitants 60 volumes; à celles de 500 à 1,000 habitants, 80 volumes, et 100 volumes à celles d'une population supérieure. Le nombre des bibliothèques à desservir s'étant rapidement accru, et les ressources restant les mêmes, on dut restreindre les dons; quelle que fût la population de la commune, ils furent limités à un maximum de 50 volumes[453].
Les ouvrages sont adressés aux communes sans aucuns frais d'emballage ni de transport. Les compagnies de chemins de fer ont consenti à transporter à demi-tarif les caisses de livres expédiées par le ministère pour les bibliothèques scolaires[454]. Afin d'acquitter les frais de transport et de camionnage de ces envois, le ministre des finances a besoin d'avoir, à l'appui des mémoires présentés, les accusés de réception des caisses signés des maires des communes concessionnaires. Ceux-ci doivent donc, immédiatement après livraison, envoyer leurs récépissés au ministère de l'instruction publique; ils doivent également y envoyer le relevé des livres qu'ils ont reçus[455].
Il arrive que, par mégarde ou négligence, des volumes concédés à une bibliothèque scolaire sont remis à une bibliothèque populaire et réciproquement; aussitôt après constatation de l'erreur, il y a lieu de les en retirer et de les restituer à la bibliothèque destinataire[456].
336. On conçoit que, durant les premières années, l'institution nouvelle n'ait pu progresser que par les concessions réitérées de l'administration. Mais cette situation n'eût dû être que provisoire et, depuis longtemps, en présence des résultats atteints, l'initiative municipale, dans la plupart des localités, devrait suffire à l'entretien des bibliothèques scolaires. Il n'en est malheureusement pas ainsi. «Le total des commandes faites chaque année par toutes les communes de France à l'adjudicataire de la fourniture des livres n'atteint pas le quart de la somme dépensée par l'État[457].» C'est un des inconvénients de la centralisation administrative d'habituer les pouvoirs locaux, comme les individus, à se désintéresser de leurs vrais devoirs et à compter trop exclusivement sur l'État, comme sur un dispensateur naturel, institué pour suppléer à l'insuffisance de leur bon vouloir. Loin de diminuer avec le temps, le nombre des demandes s'est multiplié de telle sorte que le ministre de l'instruction publique a été amené à prescrire aux préfets de ne plus lui transmettre de demandes isolées, mais de lui faire savoir, le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année, le chiffre approximatif de volumes nécessaire pour donner satisfaction à toutes celles qui lui sont parvenues dans le semestre, avec indication des volumes du catalogue officiel le plus souvent demandés. Les préfets proposent en première ligne les communes qui n'ont encore obtenu aucune concession, puis celles qui en ont reçu une, etc.
Tous les volumes envoyés pour un même département sont adressés à l'inspecteur d'académie, qui est chargé de la répartition. Dans le mois de la réception, les instituteurs lui envoient un récépissé détaillé des ouvrages avec mention de leurs numéros à l'inventaire. Le préfet transmet le plus tôt possible au ministre, en un seul envoi, tous ces récépissés qui forment la justification de l'emploi des livres acquis des deniers de l'État[458].
337. Achat des livres. — En dehors des libéralités du ministère, les ressources des bibliothèques des écoles se composent: 1o Des fonds spéciaux votés par les conseils municipaux;
- 2o Des sommes portées au budget pour fournitures de livres à des enfants indigents et que les conseils municipaux consentent à appliquer aux bibliothèques;
- 3o Du produit des souscriptions, dons ou legs particuliers;
- 4o Du produit des remboursements des familles pour perte ou dégradation des livres prêtés;
- 5o D'une cotisation volontaire des familles des élèves, dont le taux est fixé chaque année par le conseil départemental, après avis du conseil municipal.
338. Toutes les ressources destinées à l'achat de livres pour la bibliothèque scolaire sont versées, avec cette affectation spéciale, dans la caisse du receveur municipal.
Les communes en disposent librement et s'adressent aux libraires de la localité, s'il en existe ou à d'autres libraires de province ou de Paris, à leur choix, sous la réserve de n'introduire dans la bibliothèque scolaire, sans l'autorisation de l'inspecteur d'académie, aucun ouvrage qui ne figure au catalogue officiel. Quant à ceux portés sur ce catalogue, l'administration en a facilité l'acquisition par les communes, en faisant de leur fourniture l'objet d'une adjudication publique à laquelle ont été appelés tous les libraires, éditeurs et commissionnaires en librairie. La maison Paul Dupont a été déclarée adjudicataire et l'est encore[459].
Les avantages qu'elle offre aux communes sont: 1o De ne faire, si elles le désirent, qu'une seule commande, au lieu de s'adresser à plusieurs éditeurs;
- 2o De recevoir les ouvrages solidement reliés d'après un modèle uniforme[460];
- 3o De les recevoir franco de port et garantis en bon état jusqu'à la station de chemin de fer la plus rapprochée, et ce, dans le délai d'un mois;
- 4o De n'avoir à payer pour tous frais, livre et reliure compris, que les prix portés sur le catalogue pour les ouvrages brochés, fournis à Paris[461].
Les conditions qui précèdent ne s'appliquent qu'aux ouvrages admis sur les listes officielles publiées par l'administration.
339. Ce mode d'achat est offert mais n'est jamais imposé aux communes. Celles qui en veulent profiter ne s'adressent pas directement à l'adjudicataire. Le ministère de l'instruction publique est leur intermédiaire obligé. Elles lui adressent donc leur demande, conforme au modèle annexé au catalogue et indiquant: 1o le montant de la somme destinée à l'achat; 2o la liste des ouvrages choisis dans le catalogue avec l'indication exacte de la série à laquelle appartient l'ouvrage, du numéro d'ordre, du titre, du nom de l'auteur et du prix fort; 3o la gare de chemin de fer la plus voisine et la ligne sur laquelle elle est située[462].
Le ministère vise les demandes et les transmet, avec un numéro d'ordre, à l'adjudicataire, sur un état général, qu'elle lui envoie tous les jours; état et demandes sont retournés au ministère après l'exécution des ordres[463]. L'adjudicataire expédie franco les ouvrages aux communes, dans le délai d'un mois à dater du jour où il a reçu la commande; il donne avis de l'expédition à la commune destinataire. Sous aucun prétexte, il ne peut substituer un volume à ceux demandés, même lorsque ceux-ci sont épuisés en librairie. Dans ce cas, il renvoie la commande à l'administration qui remplace l'ouvrage épuisé par un autre et informe officiellement le maire de la substitution.
340. Il est stipulé au cahier des charges que le ministre ne garantit en aucune façon à l'adjudicataire ses créances sur les communes et ne peut encourir aucune responsabilité à cet égard.
Pour le payement des achats, le maire délivre, sur la caisse du receveur municipal, un mandat au profit du trésorier général qui perçoit les fonds en recette à titre de cotisations municipales. Lorsque les ressources de la bibliothèque scolaire ont été centralisées par le receveur des finances, le préfet mandate de même le prix des ouvrages fournis sur la caisse du trésorier général et la somme est imputée en dépense sur le fonds des cotisations municipales. Dans les deux cas, le trésorier général la fait parvenir à la maison Paul Dupont au moyen d'un mandat à son ordre sur le Trésor, exempt de timbre, comme se rapportant à un service public. Ce mode de payement évite tous frais aux municipalités[464].
341. Les communes, s'il y a lieu, adressent directement leurs réclamations ou plaintes au ministère de l'instruction publique. Aux termes de l'article 7 du cahier des charges, l'adjudicataire doit communiquer, à première réquisition, ses livres au délégué du ministre, et, à cet effet, il tient un livre-journal où sont inscrits tous les renseignements énoncés dans les demandes qui lui sont transmises. Les reliures sont faites en toile bisonne grise et portent le titre au dos des volumes: le délégué du ministre a le droit d'en contrôler la bonne exécution par tout mode de vérification et même en les déchirant, s'il est besoin, sans que cette destruction puisse donner lieu à aucune indemnité au profit de l'adjudicataire[465].
342. Direction et surveillance. — La bibliothèque scolaire est placée sous la surveillance immédiate et exclusive des autorités universitaires et sous la direction de l'instituteur. Un maire ayant cru pouvoir assimiler celle de sa commune à une bibliothèque populaire, et ayant pris un arrêté pour en nommer l'instituteur bibliothécaire, le ministre de l'instruction publique lui a rappelé qu'en vertu de l'arrêté du 1er juin 1862, la direction de la bibliothèque scolaire est attribuée de plein droit à l'instituteur: que cette bibliothèque, comme l'école dont elle fait partie intégrante, est régie en dehors de l'intervention du maire ou du préfet, et généralement de toute immixtion étrangère au personnel académique.
343. L'instituteur tient trois registres: 1o Un catalogue-journal où il inscrit, avec la date de réception, et un numéro d'ordre, les volumes qui entrent dans la bibliothèque;
- 2o Un registre des recettes et dépenses;
- 3o Un registre d'entrée et de sortie des livres prêtés au dehors de l'école[466];
La tenue de catalogues méthodiques ou alphabétiques n'est pas obligatoire[467].
L'instituteur conserve et classe dans un ordre méthodique les mémoires, quittances, lettres, et les pièces de correspondance relatives à la bibliothèque scolaire.
Il lui est recommandé d'estampiller les volumes. A cet effet, les communes peuvent se procurer à la maison Paul Dupont un timbre exécuté conformément aux prescriptions de la circulaire du 31 janvier 1863, qui constate leur propriété sur les ouvrages prêtés aux familles, en même temps que le numéro du catalogue, indiqué en exergue, facilite le classement des livres sur les rayons.
Tous les ans, au 31 décembre, l'instituteur dresse, en présence du maire, la situation de la bibliothèque ainsi que celle de la caisse. Le procès-verbal de cette double opération est adressé à l'inspecteur d'académie par l'intermédiaire de l'inspecteur primaire. A chaque changement d'instituteur, le procès-verbal de récolement et de la situation de la caisse est signé par l'instituteur sortant et par son successeur. Le premier n'est déchargé de toute responsabilité qu'après avoir obtenu de l'inspecteur primaire un certificat constatant l'exécution de ces formalités et la prise en charge du successeur.
344. Lors de ses visites dans l'école, l'inspecteur primaire vérifie les registres tenus par l'instituteur; il parafe chaque page du catalogue-journal, afin de rendre tout changement ou interpolation impossible (dans certains départements, les inspecteurs ont même un double de ce catalogue pour toutes les bibliothèques de leur circonscription). Il s'assure qu'aucun livre donné ou légué n'a été admis dans la bibliothèque, sans l'approbation de l'inspecteur d'académie, et que les acquisitions ont été faites conformément aux prescriptions sus énoncées. Il contrôle également le registre des recettes et dépenses, et constate, s'il y a lieu, les irrégularités.
345. A la fin de l'année, l'inspecteur d'académie adresse au ministre, par l'intermédiaire du recteur, un rapport général sur la situation des bibliothèques scolaires de son département. Il y énumère, pour toutes les communes pourvues d'un corps de bibliothèque, le nombre des volumes de la bibliothèque, la provenance des ouvrages, le montant des ressources annuelles; il indique la manière dont la bibliothèque est tenue, le total des prêts effectués pendant l'année et pour cela il divise les ouvrages en quatre catégories: livres de littérature, — d'histoire, — d'agriculture, — de sciences[468].
Il indique encore le livre le plus souvent demandé dans chaque commune, renseignement qui guide l'administration dans les achats de livres, et signale celui des instituteurs du département qui s'est le plus distingué par son zèle et ses services rendus à l'œuvre des bibliothèques scolaires. Pour faciliter les recherches sur ces tableaux, il classe toutes les communes du département dans une seule série alphabétique[469].
346. La bibliothèque scolaire est exclusivement une bibliothèque de prêt; elle ne comporte donc pas de salle de lecture. Elle n'est pas réservée aux élèves et anciens élèves, mais est accessible à tous les habitants de la commune, qui s'engagent à rendre les livres en bon état ou à en restituer la valeur[470]. La durée des prêts n'est pas limitée; il appartient à l'instituteur de veiller à ce qu'elle ne puisse porter obstacle au mouvement régulier des livres.
347. Sous l'empire de ces dispositions, les bibliothèques scolaires ont pris une extension considérable. Si, dans un trop grand nombre de localités, l'administration a eu à lutter soit contre la résistance des autorités municipales, soit contre des défiances peu justifiées, parfois aussi les départements l'ont puissamment secondée. C'est ainsi qu'en 1865, le conseil général des Vosges prit sous son patronage la fondation d'une caisse générale des écoles et des bibliothèques scolaires; des sociétés analogues s'établirent bientôt dans la Lozère, dans la Sarthe, etc.[471]. Il fallait en outre attirer des lecteurs. Dans un rapport adressé au ministre, en 1865, M. l'inspecteur général Rapet constatait que le nombre des prêts ne répondait ni au nombre, ni à l'importance des bibliothèques. Pour le département des Alpes-Maritimes, par exemple, il en comptait une moyenne de 23 dans l'arrondissement de Grasse, de 8 dans celui de Nice et pas un seul dans celui de Puget-Théniers: «C'est qu'il ne suffit pas, concluait-il, de créer une bibliothèque, il faut encore que la population sache lire, qu'elle puisse comprendre ce qu'elle lit et qu'elle ait le goût de l'instruction[472].» Le développement de l'instruction primaire et spécialement la création des cours d'adultes ont eu pour effet de faire aimer les livres. Aussi l'appel direct adressé par le ministre aux populations, sous forme de souscriptions ouvertes dans les cours d'adultes, fût-il bientôt entendu[473]. En même temps, le ministre provoquait la librairie à mettre en vente de ces petits traités économiques qui sont si utiles aux classes laborieuses et dont les bibliothèques scolaires rendaient le débouché certain. Les libéralités individuelles ajoutèrent un appoint à celles de l'autorité centrale. L'une d'elles, vu son importance, mérite d'être rappelée: en 1868, la maison Hachette et Cie mit à la disposition du ministre, pour les bibliothèques scolaires, un don de cent mille volumes.
348. Une bibliothèque scolaire d'un genre spécial a été récemment créée à Paris, sous le titre de Bibliothèque musicale des écoles de Paris, et formée au siège des conférences pédagogiques de l'enseignement du chant. L'arrêté préfectoral du 22 octobre 1881, portant organisation de cet enseignement dans les classes supérieures des écoles primaires, y a préposé un conservateur auquel est allouée une indemnité fixe et annuelle de 800 francs, non soumise à la retenue pour pension de retraite. Ce fonctionnaire est nommé par le préfet de la Seine et choisi parmi les anciens professeurs de l'enseignement du chant dans les écoles communales de la ville de Paris, qui comptent au moins dix ans de services. Ses attributions et le règlement de la bibliothèque musicale ont été déterminés par un ordre de service émané de l'inspecteur d'académie, directeur de l'enseignement primaire.
SECTION VI.
BIBLIOTHÈQUES ADMINISTRATIVES.
349. On entend par bibliothèques administratives les collections de documents et d'ouvrages administratifs formées dans les préfectures et les sous-préfectures pour le service des bureaux. Ces institutions sont récentes. L'Assemblée constituante avait décrété l'envoi à toutes les administrations de département d'un exemplaire officiel de chaque loi[474]. Elles reçurent de même le Bulletin des lois auquel s'ajoutèrent plus tard le Recueil des actes administratifs de la préfecture, celui des Circulaires du ministère de l'intérieur et le Moniteur[475]. Plusieurs préfectures possédaient encore quelques ouvrages de jurisprudence, débris des bibliothèques des intendances, dans les pays d'États ou d'élection. Mais, en admettant que les collections fussent complètes, ce qui était rare, elles étaient absolument insuffisantes. Les préfets et sous-préfets devaient se procurer, à leurs frais, les ouvrages d'administration nécessaires à leur travail et à celui de leurs bureaux pour l'instruction des affaires; en cas de mutation, ils emportaient ces livres, leur propriété personnelle, ou les cédaient à leurs successeurs. Par une circulaire en date du 26 août 1837, M. de Montalivet, ministre de l'intérieur, appela l'attention des préfets sur la nécessité de créer dans les préfectures et sous-préfectures des bibliothèques administratives dont le département et l'État supporteraient concurremment les frais; il les invitait à provoquer les souscriptions des conseils généraux à cet effet et se proposait de confier le choix des livres à une commission gratuite instituée près son ministère, pour assurer le bon emploi des fonds. L'année suivante, il demanda l'inscription au budget d'un crédit de 25,000 fr. pour achat d'ouvrages administratifs; la discussion fut assez vive: tout en reconnaissant l'utilité des bibliothèques administratives, M. Dufaure voulait qu'on en laissât l'initiative aux conseils généraux et la Chambre finalement refusa le crédit[476].
350. Ce fut donc presque exclusivement aux frais des départements que se constituèrent les bibliothèques des préfectures, les acquisitions étant faites sur des allocations spéciales votées par les conseils généraux et, avec l'agrément ministériel, portées dans la seconde section du budget[477]; aussi sont-elles reconnues comme propriétés départementales. Le ministre dut se borner à envoyer aux préfets des instructions pour en assurer l'ordre et l'entretien. Il recommanda notamment d'appliquer aux collections de livres les mesures de contrôle et de conservation établies pour les autres parties du mobilier départemental, au premier rang desquelles figure un récolement annuel[478]; de faire dresser et tenir à jour un catalogue dont les feuillets seraient cotés et parafés par le secrétaire général ou le sous-préfet et signés par eux à chaque récolement; de faire timbrer les livres sur la couverture et la page du titre au moyen d'une estampille ainsi conçue: Préfecture de...; Sous-préfecture de...; Il prescrivit aux sous-préfets de déposer à la préfecture un double de leurs catalogues et aux préfets d'envoyer au ministère un exemplaire des catalogues de toutes les bibliothèques administratives du département. Et comme, sans son autorisation, le préfet ne pouvait alors procéder à l'emploi des sommes votées par le conseil général, il se réserva de n'approuver la dépense qu'après communication de la liste des acquisitions projetées[479].
351. Une bibliothèque administrative centrale fut fondée, vers le même temps, au ministère de l'intérieur. Un arrêté du 25 juin 1841 l'organisa. Elle devait comprendre les procès-verbaux et autres documents imprimés des Chambres, les publications officielles et semi-officielles des ministères et administrations publiques, des ouvrages de droit administratif et aussi les publications et actes émanés des préfectures, sous-préfectures et administrations locales, les rapports au conseil général, ses délibérations, les annuaires départementaux, etc.[480], c'est-à-dire tous les éléments de l'histoire politique et administrative de la France, plan large et excellent auquel l'exécution n'a répondu que bien imparfaitement[481]. Cette collection était placée dans les attributions du secrétariat général et spécialement destinée au service des chefs et employés de l'administration centrale et des fonctionnaires, les personnes étrangères pouvant y être admises, sur une autorisation du ministre. Le catalogue fut imprimé dès 1844. La même année, le ministre, M. Duchâtel, obtenait de la Chambre des pairs et de la Chambre des députés la concession d'un exemplaire de leurs procès-verbaux et de leurs impressions à la bibliothèque administrative de chaque préfecture, et adressait aux préfets sur la tenue de ces bibliothèques, leur classement et la rédaction des catalogues, des instructions encore aujourd'hui appliquées.
352. La bibliothèque administrative devait être confiée à l'archiviste ou à un employé des bureaux versé dans la connaissance des ouvrages de droit et d'administration: l'expérience a fait attribuer partout à l'archiviste la direction de ce service qui peut être considéré comme une annexe de celui des archives[482].
353. Le catalogue méthodique ne dispense pas le bibliothécaire de tenir un registre-inventaire où sont consignées les entrées d'ouvrages avec leurs dates. Tous les trois ans, le préfet envoie au ministère le supplément des catalogues des bibliothèques administratives de son département; il y joint la liste des livres conservés en double exemplaire ou en nombre[483]. Ces documents, centralisés à la bibliothèque du ministère, forment l'inventaire général de cette propriété des départements et permettent de combler des lacunes, le ministère pouvant signaler des acquisitions à faire et provoquer des échanges entre préfectures.
354. Grâce aux crédits annuels votés par les conseils généraux, et aussi au zèle des archivistes-bibliothécaires, les bibliothèques administratives se sont développées et un certain nombre ont acquis une réelle importance. Elles envoient régulièrement leurs catalogues au ministère depuis 1858[484]. Par suite de leur spécialité, ces collections sont appelées à rendre plus tard d'utiles services à l'érudition. Les documents administratifs qu'elles possèdent ne se trouvent guère dans les bibliothèques publiques et moins encore dans celles des particuliers: c'est là cependant que les historiens de l'avenir devront apprendre le fonctionnement et le mécanisme des institutions françaises depuis 1789.
355. En louant la pensée qui inspira la création de la bibliothèque centrale du ministère, nous avons eu occasion de constater que les résultats répondaient mal au but poursuivi. Le personnel n'y a pas toujours été à la hauteur de la tâche[485]. Il existe à Paris une autre bibliothèque administrative, conçue sur le même plan, mieux organisée, plus complète et appelée à rendre les mêmes services, non seulement aux fonctionnaires, mais au public: celle de la préfecture de la Seine. Avant 1871, elle était confondue dans les locaux de l'Hôtel de Ville avec la bibliothèque de la Ville de Paris. L'une et l'autre ont été détruites. En 1872, elles ont été reconstituées séparément, la bibliothèque historique à l'hôtel Carnavalet, la bibliothèque administrative à la préfecture. Cette séparation a profité à toutes les deux. Le Conseil municipal inscrit annuellement au budget communal un crédit de 15,000 francs pour les diverses dépenses d'entretien de la bibliothèque administrative; depuis 1878, on a créé une section étrangère, sur l'initiative de M. Ferdinand Duval, préfet de la Seine[486].
356. La section française comprend actuellement plus de 12,000 volumes: textes des lois, recueils de jurisprudence, revues, journaux de droit, publications officielles du département de la Seine et de la Ville de Paris, ouvrages d'un intérêt général ou spécial concernant l'État, l'administration départementale ou communale, documents publiés par les Chambres et les administrations publiques, rapports et procès-verbaux des conseils généraux, des conseils d'hygiène et de salubrité, actes administratifs des préfectures, etc. Une large part y est faite à l'administration locale.
La section française est ouverte tous les jours pendant les heures de travail des bureaux. Les livres ne sont consultés que sur place: mesure excellente et indispensable, selon nous, à la bonne tenue de la bibliothèque d'une administration; la trop grande facilité des prêts est la cause la plus ordinaire du désordre qu'on y constate si souvent.
357. Deux catalogues ont été établis, l'un alphabétique, sur fiches, l'autre méthodique dont on s'est appliqué à faire correspondre les divisions aux attributions des services de la préfecture[487].
358. Les collections de la section étrangère, qui dépasse 15,000 volumes, ont été constituées presque sans frais, principalement par voie d'échanges[488]. Les publications de la Ville de Paris et du département de la Seine sont envoyées aux municipalités et aux administrations étrangères qui, en retour, expédient leurs documents respectifs. L'étude de l'organisation des principaux services publics à l'étranger permet de s'en inspirer pour l'amélioration de nos services communaux similaires.
Chacune des administrations ou des villes étrangères en relations d'échanges avec la Ville de Paris a un dossier spécial comprenant: 1o la liste des publications reçues; 2o la liste des publications envoyées; 3o la correspondance échangée.
359. On a dressé trois catalogues qui se complètent l'un l'autre:
- 1o Un catalogue par pays où l'on inscrit le livre sous son numéro d'ordre, avec son titre dans sa langue, la traduction du titre et l'indication abrégée des matières dont il traite;
- 2o Un catalogue par noms d'auteurs, reproduisant le numéro de l'ouvrage et le nom du pays dans lequel il est classé;
- 3o Un catalogue par matières, sur fiches, où l'on inscrit le titre en français avec la mention du pays. Les matières sont elles-mêmes rangées par ordre alphabétique, sous les soixante rubriques suivantes qui embrassent toutes les parties de l'administration d'une grande ville: Abattoirs, Agriculture, Aliénés, Annuaires, Architecture, Armée, Assistance publique, Aveugles, Beaux-Arts, Bibliothèques, Brevets d'invention, Caisses d'épargne, Cartes, Chemins de fer, Cimetières, Commerce, Conseils municipaux, Cultes, Eaux, Éclairage, Économie politique, Égouts, Émigration et Immigration, Employés municipaux, Expositions, Finances, Forêts, Géographie, Gymnastique, Histoire, Hygiène, Impôts, Incendies, Industrie, Instruction publique, Journaux, Législation et Tribunaux, Livres de classe, Marchés, Médecine et Art vétérinaire, Météorologie, Mines, Mont-de-Piété, Municipalités, Navigation, Octroi, Omnibus, Poids et Mesures, Police, Population, Postes et Télégraphes, Prisons, Sourds-muets, Statistique, Théâtres, Tramways, Travaux publics, Voirie, Voitures de place.
360. La bibliothèque administrative de la préfecture de la Seine, formée d'abord au Luxembourg, a suivi les bureaux au pavillon de Flore; malheureusement le défaut de place a forcé de ralentir les échanges internationaux et l'on a dû provisoirement déposer dans une maison communale, rue Monsieur-le-Prince, 69, un certain nombre d'ouvrages anglais provenant de l'ancienne bibliothèque américaine de la Ville de Paris. Les deux sections de la bibliothèque viennent d'être transférées dans une vaste galerie, sous les combles de l'Hôtel de Ville. L'accès en est réservé au personnel de la préfecture et les étrangers à l'administration n'y sont admis que sur une autorisation spéciale. Par l'organe de son rapporteur, M. Dardenne, la commission des bibliothèques de Paris a émis l'idée qu'après avoir surmonté les difficultés inhérentes à la période d'installation, on pourrait ouvrir régulièrement les deux sections au public. Les travailleurs sérieux y trouveraient en effet des éléments d'information qu'aucune autre bibliothèque ne possède[489]. Nous espérons qu'il sera donné suite au vœu de la commission.
SECTION VII.
BIBLIOTHÈQUES MILITAIRES.
361. Les bibliothèques militaires peuvent se répartir en deux grandes catégories: les unes, scientifiques et littéraires, pour les officiers de tous grades; les autres, populaires, à l'usage des sous-officiers et soldats. Dans le premier groupe, nous trouvons:
- 1o La bibliothèque du Dépôt de la guerre[490];
- 2o Les bibliothèques des écoles militaires;
- 3o Les bibliothèques du service de santé;
- 4o Les bibliothèques régimentaires;
- 5o Les bibliothèques de garnison et réunions d'officiers.
Dans le second: les bibliothèques de caserne et cercles-bibliothèques; et, comme complément, les bibliothèques des corps de garde, des hôpitaux et des prisons militaires.
§ 1er. — Bibliothèque du Dépôt de la guerre.
362. Cette bibliothèque, qui date du XVIIe siècle, fut originairement formée avec les livres des secrétaires d'État de la guerre et ceux du Cabinet militaire du roi; accrue, pendant la Révolution, d'importants prélèvements dans les dépôts littéraires, et, depuis, tenue au courant de toutes les publications intéressant l'art militaire, elle compte aujourd'hui plus de 80,000 volumes. Placée dans les attributions du sous-directeur du Dépôt de la guerre, desservie par un bibliothécaire assisté d'un comptable et de deux employés, elle est avant tout la bibliothèque du service d'état-major, qui pourvoit d'ailleurs à son entretien. Elle est cependant ouverte tous les jours, de 11 heures à 1 heure et demie, aux personnes munies d'une autorisation signée par le ministre.
363. En exécution d'une décision ministérielle du 24 décembre 1881, l'administration publie en ce moment un catalogue méthodique qui sera terminé en 1889 et formera 7 volumes dont un de tables et de supplément contenant les ouvrages reçus depuis 1882[491].
364. Les acquisitions et la consultation des livres se font dans des conditions toutes spéciales. La bibliothèque du Dépôt de la guerre possède plusieurs fournisseurs attitrés qui lui envoient en communication les ouvrages nouveaux avec un bordereau indicatif du prix net. Ces livres, transmis aux bureaux du service d'état-major qu'ils intéressent, y sont examinés et reviennent à la bibliothèque munis d'une note statuant sur l'opportunité de l'achat. S'il y a lieu, une commande est faite au fournisseur qui, sous peine de forclusion, la devra représenter pour en obtenir le payement à la direction de la comptabilité, après l'avoir fait viser par le sous-directeur du Dépôt. Les colonels, chefs des bureaux de l'état-major, ont aussi un droit d'initiative pour demander l'acquisition d'ouvrages qui ne leur auraient pas été soumis. D'autre part, les attachés militaires français achètent à l'étranger les publications qu'ils jugent utiles et les adressent au ministère: la diversité de ces voies occasionne souvent des doubles emplois qu'il serait d'autant plus désirable d'éviter que le budget de la bibliothèque ne dépasse pas 18,000 francs, absorbés, pour la majeure partie, par les abonnements aux périodiques français et étrangers et l'acquisition des guides, dont elle possède une collection très complète, indispensable à l'état-major, en raison des renseignements topographiques qu'ils contiennent... ou pourraient contenir.
365. Les livres définitivement conservés pour la bibliothèque n'y séjournent que 48 heures, le temps strictement nécessaire pour que le bibliothécaire leur assigne un rang, les fasse timbrer, en dresse une double fiche alphabétique et méthodique, et les inscrive au registre d'entrée. Ce registre, établi méthodiquement, se compose de 115 volumes, dont chacun est consacré à une seule matière. Les ouvrages ainsi catalogués sont envoyés dans les bureaux et le bibliothécaire s'en fait délivrer un reçu. Ils y demeurent, tant que besoin est, souvent des années entières, et le public n'en peut alors obtenir communication. Les reçus de chaque jour sont réunis dans une chemise et renouvelés à la fin de chaque mois, si l'ouvrage n'est pas réintégré à la bibliothèque; lorsqu'il en doit rester longtemps absent, on ajoute simplement au reçu la mention: En permanence. Les livres communiqués aux bureaux sont inscrits sur des registres de sortie que tient le comptable de la bibliothèque, en nombre égal aux grandes divisions du catalogue, avec l'indication, non de l'emprunteur, car le prêt est impersonnel, mais du bureau dépositaire. Les recueils ne sortent de la bibliothèque qu'avec l'autorisation du sous-directeur du Dépôt. Le prêt au dehors est absolument interdit.
§ 2. — Bibliothèques des écoles militaires.
366. Dans les grandes écoles militaires, savoir: le Prytanée, les écoles Polytechnique et de Saint-Cyr, les écoles d'application, l'École supérieure de guerre, l'École de médecine et de pharmacie militaires, les bibliothèques sont confiées à la garde d'un bibliothécaire sous le contrôle du conseil d'administration de l'école. Le règlement du 15 décembre 1875 a, pour la première fois, édicté à leur sujet des dispositions uniformes[492]. Il impose aux bibliothécaires la tenue: 1o D'un livre-journal pour les entrées;
- 2o D'un catalogue méthodique, ouvert suivant les divisions et subdivisions de la nomenclature spéciale à chaque école, avec pages ou lignes en blanc proportionnées aux acquisitions probables. Les classes sont désignées par des lettres A, B, C, etc., AA, BB, CC, etc.; les sections de chaque classe par des chiffres romains, I, II, III, etc., et les ouvrages dans chaque section par des chiffres arabes, 1, 2, 3, etc. Les livres sont étiquetés et timbrés d'une estampille portant la légende ou le type de l'établissement;
- 3o D'un catalogue alphabétique par noms d'auteurs, avec références au catalogue méthodique. Ce catalogue n'est pas tenu pour les livres classiques, théories, etc., distribués aux élèves en vue d'un usage journalier.
Le bibliothécaire dresse chaque mois des états des réparations, des reliures à commander, et des pertes constatées; il indique si l'on en doit imputer la valeur aux détenteurs temporaires; à des époques déterminées par le conseil, il lui soumet, par l'intermédiaire du major, ses propositions d'achats à faire. Les écoles soldent ces dépenses sur leur budget particulier.
Les écoles d'administration, de gymnastique, de tir, de sous-officiers et d'essai d'enfants de troupe n'ont pas de bibliothécaire; les écritures de la bibliothèque y sont tenues par le comptable.
367. Les bibliothèques des dix-huit écoles d'artillerie placées près des corps d'armée[493] sont administrées suivant un règlement commun, du 2 décembre 1841 et directement rattachées au ministère de la guerre. Elles sont alimentées soit par les ouvrages que leur envoie d'office le ministère, soit par ceux achetés pour elles par les soins de l'administration sur l'avis favorable du Dépôt central de l'artillerie, auquel les inspecteurs généraux transmettent chaque année les demandes qu'ils ont recueillies dans les écoles[494].
368. Le prêt à domicile est pratiqué dans les bibliothèques des écoles d'artillerie, en faveur du corps enseignant, de tous les officiers de l'arme et des autres officiers de la garnison, mais pour ces derniers, après autorisation du général commandant l'artillerie. Les élèves sont autorisés à travailler dans la salle de lecture, non à emprunter les livres.
§ 3. — Bibliothèques du service de santé.
369. La plus importante est celle du comité de santé qui siège en permanence au ministère de la guerre[495]. Les autres bibliothèques du service de santé sont celles établies dans les hôpitaux militaires pour l'usage du corps médical. Placées dans la salle des conférences, elles sont sous la direction et la responsabilité du médecin-chef[496]. L'administration centrale leur fournit des abonnements aux principaux périodiques qui les intéressent et certains ouvrages de médecins militaires auxquels le ministère a accordé sa souscription.
370. Dans sa tournée annuelle, l'inspecteur général du service de santé se fait remettre par le médecin-chef un état de la bibliothèque de l'hôpital; il en vérifie l'exactitude et l'annexe à son rapport. Il s'assure que la collection des mémoires de médecine, chirurgie et pharmacie militaires est complète, et que la bibliothèque possède le Manuel des pensions, avec les instructions spéciales qui s'y rapportent, ainsi que le formulaire, les règlements et les diverses décisions ou instructions sur le service de santé[497].
§ 4. — Bibliothèques régimentaires.
371. On entend sous ce nom les bibliothèques formées par les officiers d'un même régiment et entretenues à leurs frais. Elles suivent dans ses déplacements le corps dont elles sont la propriété. Un exemplaire de l'Histoire de la milice française, portant sur l'un des plats des armoiries avec l'inscription: Régiment de Périgord, est conservé à la bibliothèque municipale de Douai. Comme il est vraisemblable que le fer à dorer du relieur n'a pas été fait pour servir à un seul ouvrage, ce régiment a dû posséder d'autres volumes, ce qui reporte à une date déjà ancienne la création de bibliothèques de ce genre. La plupart de celles encore existantes sont fort pauvres; la nécessité de les transporter de ville en ville, à la suite du régiment, a toujours été un grave obstacle à leur développement et même à leur conservation. Aussi le ministère de la guerre, tout en se réservant de les subventionner dans des cas exceptionnels, a-t-il préféré les laisser à l'entière initiative des officiers et encourager la création de bibliothèques sédentaires, attachées aux localités, placées sous sa dépendance et son administration directes[498].
§ 5. — Bibliothèques de garnison.
372. Le ministre a commencé par annexer, en 1861, à certaines bibliothèques municipales, notamment à celles de Lille, Metz, Lyon, Besançon, Bayonne, Strasbourg et Pau, une bibliothèque militaire composée d'ouvrages intéressant particulièrement l'armée, soit à l'aide de dons du ministère de l'instruction publique, soit par des répartitions du dépôt légal, soit par des souscriptions ou abonnements du département de la guerre aux publications sur l'art ou l'histoire militaires. Peu après, l'initiative privée fondait au camp de Châlons une bibliothèque, surtout technique, à laquelle le ministre préposa, en 1865, un commandant avec le titre de bibliothécaire du camp. Ces essais ont été renouvelés sur de plus larges bases et perfectionnés par l'institution des bibliothèques de garnison, destinées à devenir des centres de réunion et d'étude pour les officiers(1872).
373. Ces bibliothèques, inscrites au budget de la guerre de 1885 pour un crédit de 145,000 francs(150,000 fr. en 1884) relèvent immédiatement du ministère[499]. La création en est décidée par le ministre, sur le rapport d'une commission centrale des bibliothèques instituée par lui-même près son département et composée: du colonel sous-directeur du Dépôt de la guerre, président; d'un chef d'escadron d'état-major; d'un capitaine d'état-major, secrétaire; auxquels sont adjoints quatre officiers appartenant à l'infanterie, à la cavalerie, à l'artillerie, au génie, et un fonctionnaire de l'intendance. La demande à effet d'obtenir une bibliothèque de garnison émane des officiers intéressés; le général commandant le corps d'armée la transmet au ministre, avec un projet de statuts à l'appui.
374. La fondation décidée, le général constitue une «commission de la bibliothèque» où sont appelés un officier supérieur d'état-major comme président, et quatre officiers pris autant que possible dans les différentes armes, l'un d'eux en qualité de secrétaire; il fait ensuite rechercher un local par la commission de casernement, ou s'entend avec les autorités civiles pour en obtenir un, que la commission de la bibliothèque devra faire approprier à cette destination. Les locaux sont toujours choisis en dehors des casernes, où l'on installe, au contraire, les bibliothèques des sous-officiers et soldats; ils comprennent, comme annexes, un logement pour le gardien et une salle ou tout au moins des tablettes où les régiments de la garnison ont la faculté, mais non l'obligation de déposer leurs bibliothèques particulières, ainsi que les journaux et publications auxquels les officiers sont abonnés par cotisation.
Une première mise de fonds est allouée par le ministre pour l'achat du mobilier, confié à la commission locale. L'ameublement consiste en tablettes de sapin verni, en tables recouvertes de serge verte, en trois ou quatre fauteuils de cuir, en chaises de canne, lampes à huile ou becs de gaz, pupitres et encriers. La dépense est payée sur mandats visés par le sous-intendant militaire. Le général commandant la division désigne alors pour gardien un sous-officier offrant les garanties d'intelligence et d'instruction nécessaires; celui-ci a sous ses ordres, si besoin est, un soldat secrétaire et un soldat planton pour les écritures, la tenue des salles et la communication des livres.
375. Les bibliothèques de garnison, présentement au nombre de 107, sont divisées en deux classes, suivant l'importance des villes au point de vue militaire; 37 appartiennent à la première, 70 à la seconde classe. Celles de la seconde classe peuvent toujours être élevées à la première et, inversement, celles de la première ramenées à la deuxième, par décision ministérielle, selon que le nombre des officiers de la garnison a augmenté ou diminué[500]. Le gardien, le secrétaire et le planton reçoivent, à titre de gratifications, des suppléments de solde[501].
376. Le ministère prend à sa charge l'alimentation des bibliothèques de garnison. La commission de Paris qui se réunit tous les mois statue sur le choix des ouvrages, fait les commandes aux libraires sur des feuilles détachées d'un registre à souche, débat avec eux et règle les prix, et les feuilles de commande arrêtées sont représentées par les fournisseurs à l'appui des factures. Elle s'occupe aussi des reliures dont les modèles et les tarifs sont déterminés par une convention spéciale avec les relieurs. Ce service a nécessité la création au ministère d'un «magasin central» dont la composition et le classement sont calqués sur le plan des bibliothèques de garnison. Chaque envoi effectué par le magasin central est accompagné d'un bordereau détaché d'un registre à souche et les expéditions sont faites par les transports de la guerre.
La commission de Paris pourvoit surtout les garnisons d'ouvrages de fond de quelque importance, que les officiers ne pourraient facilement trouver ailleurs. Elle attribue, sans distinction de classe, aux bibliothèques nouvellement formées un premier fonds de livres, d'une valeur de 2,000 francs, et, ultérieurement, leur envoie d'office les ouvrages que, par suite d'achat ou de souscription, le magasin central possède en nombre suffisant. Tous les ans, les commissions locales lui adressent par la voie hiérarchique une liste de ceux qu'elles désirent, par ordre de préférence; il y est donné satisfaction dans la mesure et la proportion des crédits dont le ministère dispose. Mais celui-ci ne fournit aucuns périodiques, ni journaux, ni revues. Les officiers de la garnison payent, en vue des abonnements et de l'acquisition des brochures ou livres d'un prix minime qu'ils voudraient, une cotisation mensuelle dont la quotité, obligatoire pour tous, varie avec les grades et même avec les lieux, car elle est fixée par les commissions locales; elle est le plus ordinairement égale à une journée de solde par an, versée par douzièmes.
377. Le catalogue des bibliothèques de garnison reproduit dans ses grandes lignes la classification de la bibliothèque du Dépôt de la guerre[502].
378. Les commissions locales veillent à la tenue des écritures, qui doivent être toujours en concordance avec celles du magasin central, selon les modèles réglementaires. Elles consistent en: 1o Un registre-inventaire pour les entrées;
- 2o Un catalogue méthodique;
- 3o Un jeu de fiches alphabétiques;
- 4o Un registre à souche pour les envois d'une bibliothèque à un dépôt de livres[503];
- 5o Un registre de prêt;
- 6o Un registre à souche pour des rapports trimestriels par lesquels les commissions font connaître au ministre l'état et le fonctionnement de leur bibliothèque, le mouvement des livres et des lecteurs, le nombre des prêts, etc.
L'administration recommande aussi la tenue, par ordre méthodique, d'un jeu de fiches spécial pour les articles de journaux et de revues susceptibles d'être consultés avec fruit; travail assurément utile mais long à exécuter puisqu'il nécessite le dépouillement régulier des périodiques.
379. Les bibliothèques de garnison, ouvertes en permanence, sont chauffées et éclairées par les soins de l'intendance; un membre de la commission signe les bons[504]. Les officiers de toutes armes, ceux de la réserve et de l'armée territoriale, les assimilés, y sont également admis, et autorisés aussi à emprunter les livres sous leur responsabilité personnelle et en se conformant au règlement intérieur sur la nature et la durée des prêts. Le nombre de ces bibliothèques s'accroît d'année en année et il n'est plus aujourd'hui de garnison un peu importante qui n'en soit pourvue.
380. Dans un grand nombre de villes, des cercles ont été annexés aux bibliothèques de garnison qui prennent alors le nom de réunions d'officiers. L'institution de ces «réunions» est subordonnée à l'approbation du ministre de la guerre auquel les officiers en ont fait la demande, en lui soumettant leurs statuts. Quoique les statuts diffèrent selon les localités, ils reposent sur les mêmes principes: tous les officiers et assimilés de la garnison sont membres de droit et d'obligation; ils sont astreints au versement d'une cotisation mensuelle, dont la quotité varie avec les grades; les subventions annuelles accordées par le département de la guerre sont exclusivement consacrées à l'entretien de la bibliothèque qui demeure propriété de l'État; l'administration intérieure est confiée à une commission nommée par l'assemblée générale des membres de la réunion; quelquefois, sur la présentation de deux membres, des étrangers peuvent être reçus à titre de membres honoraires et ils payent aussi une cotisation[505].
381. L'instruction du 1er juin 1872 (titre V) prescrivait d'établir pour chaque camp, dans un local désigné par le commandant du corps d'armée, un «dépôt de livres» dépendant d'une bibliothèque de garnison; sorte de bibliothèque temporaire ayant pour but de faire des prêts, non à des parties prenantes isolées, mais à des bibliothèques régimentaires. Cette disposition n'est plus applicable aux camps qui tous, aujourd'hui, sont dotés d'une bibliothèque de garnison. Mais il peut être créé des dépôts de livres dans les localités où trop peu d'officiers résident pour former une «réunion». Dans ce cas, la bibliothèque de garnison la plus proche leur envoie, par les soins de l'intendance, au moyen des transports de la guerre et seulement à titre de prêt sous la responsabilité des corps emprunteurs, des exemplaires d'ouvrages qu'elle possède en double. Ces dépôts sont alors administrés par une commission de trois officiers, que préside un officier supérieur du régiment le plus voisin, et confiés à la garde d'un sous-officier ou caporal du même régiment.
§ 6. — Bibliothèques de caserne et cercles-bibliothèques.
382. Les bibliothèques de garnison et les réunions ont eu pour effet de relever le niveau de l'instruction supérieure et de développer le goût des hautes études militaires dans le corps des officiers. Des avantages analogues ont été mis à la portée des corps de troupe par l'institution des bibliothèques de caserne et des cercles-bibliothèques des sous-officiers et soldats, qui se sont développés parallèlement aux premières et avec un égal succès. Au point de vue administratif, elles en diffèrent absolument, car elles n'ont d'autres moyens d'existence que l'initiative et les libéralités privées. Le ministre n'intervient que pour en consentir la création et les autoriser à accepter les dons[506].
L'organisation des bibliothèques de caserne ne remonte qu'à 1873. La Société Franklin, dont nous rappellerons ailleurs les féconds efforts pour la propagation des bibliothèques populaires, ouvrit alors, pour en doter nos établissements militaires, une souscription spéciale qui produisit en quelques mois une somme de 102,000 francs. En même temps se fondait à Paris, à l'instigation et sous la présidence de M. le comte de Madre, une «Œuvre des bibliothèques des sous-officiers et soldats», dont le zèle s'est étendu aux casernes et aux hôpitaux militaires.
383. Les bibliothèques de la troupe, dites cercles-bibliothèques lorsque la salle de réunion possède, outre les tables de lecture, des tables réservées à des jeux autorisés qui sont également offerts par l'Œuvre des bibliothèques, doivent toujours demeurer sous la surveillance immédiate de l'autorité militaire. Aussi ne sont-elles jamais situées en dehors des casernes ou des bâtiments militarisés. Des locaux y sont consacrés partout où les ressources du casernement le permettent, sans que cette affectation puisse restreindre le logement des hommes ni entraîner pour l'État des dépenses de construction, d'aménagement ou d'entretien; toutefois, les locaux ainsi occupés ne peuvent plus être détournés de leur destination[507].
Le matériel, qui consiste en bancs pour les soldats, en chaises ou tabourets pour les sous-officiers, en tables, armoires et poêles, est fourni par le service du génie, qui en fait le récolement annuel[508]. Le chauffage et l'éclairage sont à la charge de l'administration[509].
384. L'Œuvre des bibliothèques, indépendamment des livres qu'elle envoie, à titre de prêt, distribue gratuitement du papier à lettres, des enveloppes, des porte-plumes, plumes et crayons. Elle facilite par là aux soldats le moyen de correspondre avec leurs familles[510]. S'il y a lieu de réparer ou de renouveler les objets donnés par l'Œuvre, le bibliothécaire, un sous-officier désigné à cet effet par le colonel du régiment qui a pris la bibliothèque en charge, en écrit directement au président[511]. Quoique les sociétés donatrices n'aient pas à s'immiscer dans l'administration des bibliothèques de caserne, le président et le secrétaire de l'Œuvre des bibliothèques sont admis à les visiter et à prendre communication du registre-journal qui y est tenu, pour s'informer de leurs besoins et des améliorations dont elles sont susceptibles.
385. Cependant, par mesure d'ordre et afin de régulariser les dons, les bibliothèques de caserne doivent adresser leurs demandes de livres au ministre qui les transmet aux sociétés en mesure d'y satisfaire: celles-ci, par l'intermédiaire du ministère, font parvenir les livres aux établissements demandeurs.
Sont admis dans les bibliothèques de troupe, sans qu'il soit besoin d'une approbation spéciale, les ouvrages portés sur:
- 1o Le catalogue officiel à consulter pour la formation de ces bibliothèques;
- 2o Le catalogue des bibliothèques populaires et scolaires publié par le ministère de l'instruction publique;
- 3o Le catalogue de la Société Franklin;
- 4o Les catalogues de l'Œuvre des bibliothèques des sous-officiers et soldats, et, en général, tous les livres nouveaux approuvés par les officiers généraux et par les chefs de corps, qui sont juges de l'opportunité de les mettre à la disposition de la troupe.
Les ouvrages envoyés par les sociétés, qui ne rentrent pas dans l'une des catégories sus-énoncées et dont la distribution n'aurait pas été autorisée, seraient signalés au ministre.
386. Les écritures, tenues par le sous-officier bibliothécaire, consistent en un catalogue, un registre de prêt et un livre-journal où il relate jour par jour ce qui s'est passé dans l'intérieur du cercle. Le catalogue est établi sur les bases du Catalogue à consulter, dressé par l'administration[512].
387. Les bibliothèques de caserne sont ouvertes, depuis le matin jusqu'à dix heures du soir, aux militaires seuls, qui ne doivent s'y présenter qu'en tenue réglementaire. Le prêt y est généralement admis, mais beaucoup moins pratiqué que la lecture sur place. Le bibliothécaire est chargé d'assurer, sous sa responsabilité personnelle, la conservation du matériel et des livres, et de mettre les dégradations au compte de leurs auteurs; il veille à maintenir la discipline et le bon ordre. Lui-même est placé sous la surveillance du capitaine directeur des écoles régimentaires[513].
388. Au-dessous de ces bibliothèques et cercles de caserne, il faut citer les petites collections de livres des corps de garde, hôpitaux et prisons militaires. Le règlement du service de santé prescrit l'aménagement d'une salle de lecture pour les malades, dans les hôpitaux militaires (art. 377)[514].
389. Toutes les bibliothèques militaires, de garnison, de caserne, etc., sont annuellement visitées par les inspecteurs généraux en tournée. Ils s'assurent de l'exécution des prescriptions officielles et de l'emploi régulier des subventions accordées par l'État. Ils signalent dans leurs rapports les bibliothèques les mieux établies et les plus fréquentées, transmettent au ministre les propositions de nature à améliorer l'organisation des réunions d'officiers et des bibliothèques diverses, ou à en favoriser la création dans les localités où elles n'existent pas encore. Dans ce cas, ils consignent leurs observations sur un registre spécial ouvert à cet effet dans chaque place[515].
SECTION VIII.
BIBLIOTHÈQUES DE LA MARINE ET DES COLONIES.
390. Les bibliothèques ressortissant au ministère de la marine et des colonies peuvent se subdiviser en huit groupes:
- 1o Bibliothèques centrales, c'est-à-dire la bibliothèque du ministère et le Dépôt des cartes et plans;
- 2o Bibliothèques des ports et des hôpitaux maritimes;
- 3o Bibliothèques de la justice maritime;
- 4o Bibliothèques de bord;
- 5o Bibliothèques des divisions des équipages de la flotte;
- 6o Bibliothèques régimentaires;
- 7o Bibliothèques des prisons maritimes;
- 8o Bibliothèques coloniales[516].
391. Un crédit de 55,800 francs est inscrit au budget de la marine pour abonnements, achats de livres, frais de reliure, etc. Cette somme est répartie par le ministère entre les diverses bibliothèques. Remarquons, à ce propos, que l'organisation des bibliothèques maritimes n'est pas centralisée en un seul service. La bibliothèque du ministère, le Dépôt des cartes, les bibliothèques des ports et des hôpitaux sont rattachés à la direction de la comptabilité; les bibliothèques de bord, à la direction du matériel; celles des équipages, des régiments, de la justice et des prisons à la direction du personnel; les bibliothèques coloniales à la direction des colonies. Le moindre inconvénient de ce système est un défaut constant d'unité dans le contrôle et la surveillance supérieurs. Les bibliothèques sont regardées comme des branches accessoires de chaque service, et leur sort est à la merci de l'indifférence ou du zèle plus ou moins compétent des fonctionnaires des bureaux dont elles relèvent.
392. Les six dernières des catégories énumérées plus haut sont d'origine très récente. Les premières remontent à l'organisation même du département de la marine. Les bibliothèques des ports ont été virtuellement créées par un décret du 27 pluviôse an II (15 février 1794); l'ancienne Académie royale de marine avait fondé celle du port de Brest, dès 1752[517]. Les bibliothèques des hôpitaux ont été instituées par le règlement annexé à l'arrêté du Directoire du 19 pluviôse an VI (7 février 1798). Ces divers établissements furent longtemps fort mal entretenus, et, de 1819 à 1834, la correspondance des commandants et intendants de la marine, puis des préfets maritimes, appelle régulièrement sur leur déplorable situation l'attention de l'administration centrale. La seule satisfaction donnée à ces demandes fut la répartition, en 1820-1821, d'une somme de 5,000 francs entre les bibliothèques des ports. La bibliothèque du ministère n'était guère mieux administrée; elle ne possédait pas même un conservateur titulaire. L'amiral Duperré, trois fois ministre de la marine, de 1834 à 1840, se préoccupa, dès sa première entrée aux affaires, de réorganiser ce service. Il constitua d'abord dans les cinq ports et quatre hôpitaux maritimes, pourvus de bibliothèques[518], un personnel de bibliothécaires choisis parmi des officiers en retraite, pris dans tous les corps de la marine et versés dans la connaissance de la littérature et de la bibliographie[519]. A la tête de la bibliothèque du ministère, il plaça un conservateur qui fut chargé en outre de la surveillance et de l'inspection générale des diverses bibliothèques de la marine[520]. Les préfets maritimes furent en même temps invités à nommer dans chaque port une commission composée d'officiers appartenant à tous les corps pour signaler les ouvrages qui manquaient à leurs bibliothèques[521]. Bientôt, à la demande du ministre, les Chambres votèrent un crédit de 30,000 francs en vue des acquisitions nécessaires, et un autre de 10,000 francs destiné à couvrir les frais de confection et d'impression d'un catalogue général des bibliothèques de la marine. Cet important travail, commencé en 1837, fut terminé en 1842. Il comprend cinq volumes, dont quatre consacrés à la liste méthodique des ouvrages et un à la table alphabétique des noms d'auteurs et des titres des publications anonymes. Trois colonnes, placées en regard de la nomenclature des titres, servent à désigner les bibliothèques (de Paris, des ports ou des hôpitaux) où se trouve chaque ouvrage. Les grandes divisions adoptées sont celles de Brunet, sous la réserve que les spécialités concernant la marine précèdent les généralités de leur classe. Pour permettre de tenir ce catalogue au courant des accroissements successifs, on a tiré, à l'usage des bibliothèques intéressées, des exemplaires dits de service, sur format in-folio.
§ 1. — Bibliothèques centrales.
393. La bibliothèque du ministère est à la fois administrative et technique; à côté des ouvrages nécessaires aux besoins du service des bureaux, elle renferme ceux relatifs aux diverses branches des sciences navales, à l'histoire de la marine, etc. Quoique les frais de reliure et d'abonnement aux périodiques absorbent la plus grande partie des fonds disponibles, elle possède environ 40,000 volumes et 6,000 brochures[522].
Elle est ouverte tous les jours non fériés, de 10 à 5 heures pour le personnel des bureaux et les officiers des différents corps de la marine; et de 1 heure à 4 heures pour les personnes étrangères à l'administration, qui ont obtenu du ministre l'autorisation spéciale d'y travailler et qui ne sont admises que dans la salle de lecture.
Le prêt est accordé aux officiers, fonctionnaires et employés attachés au ministère, sur demande écrite et visée par le sous-directeur du «service intérieur et des bibliothèques»; le délai maximum est fixé à un mois. Les collections du Bulletin des lois, des Annales maritimes, du Bulletin officiel de la marine et du Journal militaire officiel, les catalogues, annuaires, dictionnaires et atlas ne sont jamais déplacés[523].
Le bibliothécaire, assimilé au personnel administratif du ministère, a rang de sous-chef de bureau.
394. Le Dépôt des cartes et plans, qui remonte au XVIIe siècle, publie, comme on sait, les cartes marines, les instructions nautiques, les grands travaux relatifs à la navigation et surveille l'exécution des chronomètres et autres instruments de précision pour la marine. Il est établi à Paris et placé sous la direction d'un officier général. Des ingénieurs hydrographes sont chargés des travaux scientifiques et des administrateurs surveillent le service intérieur. Parmi ces derniers, et au premier rang, figure un conservateur des archives scientifiques et de la bibliothèque, qui peut être pris parmi les ingénieurs hydrographes et assimilé aux chefs de bureau[524]. La bibliothèque du Dépôt des cartes est fort belle et luxueusement aménagée: elle n'est pas publique, mais est ouverte au personnel des divers services de la marine. Des catalogues alphabétique et méthodique y sont tenus à jour. La plupart des communications se font dans les bureaux; il n'est prêté au dehors aucun livre sans autorisation du ministre. Le nombre total des volumes atteint près de 50,000; la principale source d'accroissement consiste dans les dons que les pays étrangers envoient en grand nombre au Dépôt. Le comité hydrographique, auquel sont soumises toutes les questions ayant un intérêt scientifique, est également appelé à statuer sur l'opportunité des achats[525].
§ 2. — Bibliothèques des ports et des hôpitaux.
395. Les bibliothèques des ports, placées dans les attributions du major général[526], sont régies par un règlement du 6 avril 1839. Les volumes y sont classés sur les rayons dans l'ordre des numéros du Catalogue général[527]: elles possèdent presque toutes des catalogues méthodiques et alphabétiques et sont, à la fin de chaque année, l'objet d'un récolement dressé contradictoirement par le garde-magasin général du port et par le conservateur, pour en établir la situation en quantités et en valeurs, conformément aux règles usitées pour la comptabilité du matériel de la marine.
Placées dans les arsenaux, les bibliothèques de port sont ouvertes aux officiers de marine, d'administration, d'artillerie, d'infanterie, aux ingénieurs et médecins de la marine. Les bibliothèques de Brest, de Lorient, de Cherbourg sont également ouvertes le soir. La durée totale des séances n'est nulle part moindre de sept heures; elle atteint onze heures à Lorient. Les conservateurs sont nommés par le ministre et recrutés parmi les officiers des divers corps de la marine retraités et, autant que possible, n'ayant pas obtenu un grade supérieur à celui de lieutenant de vaisseau ou assimilé[528].
Le prêt est partout autorisé, mais subordonné à une permission du préfet maritime ou du major général qui en fixent toujours la durée; le délai maximum est de deux mois. Par une bizarrerie dont nous ne connaissons pas d'autre exemple, le même ouvrage ne peut être prêté de nouveau au même emprunteur que six mois après sa restitution[529].
396. Les bibliothèques des hôpitaux maritimes sont exclusivement réservées au personnel médical de la marine et placées sous la haute surveillance du directeur du service de santé. Elles sont administrées par des conservateurs nommés par le ministre et choisis parmi les officiers du corps de santé de la marine retraités, et n'ayant pas dépassé, autant que possible, le grade de médecin ou de pharmacien de première classe; à défaut de candidats de cette catégorie, le ministre désigne d'anciens officiers ou fonctionnaires de la marine[530].
Le prêt est subordonné à l'autorisation du directeur du conseil de santé[531].
Les bibliothèques des ports et des hôpitaux n'ont pas de ressources propres: elles ne sont entretenues que par des envois irréguliers du ministère et les libéralités de quelques officiers de marine[532].
§ 3. — Bibliothèques de la justice maritime.
397. Le ministère a établi, en 1860[533], dans chacun des cinq ports militaires, et, en 1868[534], dans chaque colonie, une bibliothèque commune à tous les tribunaux de la marine siégeant à terre. Elle se compose des collections et ouvrages de droit ou autres, et des instructions envoyées par le département. Ces documents sont de deux sortes:
- 1o Ceux dont un certain nombre d'exemplaires peut être affecté au service des divers tribunaux, sans que la bibliothèque en soit démunie;
- 2o Ceux dont l'usage demeure commun à toutes les juridictions.
Le greffier du premier tribunal maritime, déjà chargé du dépôt central des archives judiciaires de l'arrondissement maritime, est en même temps conservateur de cette bibliothèque et tient enregistrement des entrées. Il peut remettre, sur leurs récépissés, aux présidents, commissaires du gouvernement, rapporteurs et greffiers des tribunaux permanents du port, des exemplaires des ouvrages de la première catégorie, dont ces fonctionnaires restent détenteurs à titre continu. Les ouvrages de la deuxième catégorie sont, en principe, consultés sur place. Ils peuvent toutefois être confiés aux mêmes fonctionnaires, qui sont tenus de les réintégrer à la bibliothèque, dans les vingt-quatre heures, et immédiatement s'ils en sont requis d'urgence par le greffier dépositaire.
398. En cas de contestation, le greffier en réfère au commissaire du gouvernement près le premier tribunal maritime, investi de la haute surveillance de la bibliothèque comme du dépôt d'archives judiciaires. Si son intervention est restée inefficace, le commissaire soumet le cas au préfet maritime, qui statue définitivement.
Les commissaires du gouvernement doivent remettre au conservateur toutes les dépêches intéressant le service général de la justice maritime qui leur sont adressées, après en avoir pris communication, les avoir munies de leur visa et notifiées à qui de droit.
Les ouvrages de la bibliothèque de justice maritime peuvent être consultés par quiconque en fait la demande, mais sans déplacement des livres.
§ 4. — Bibliothèques de bord.
399. Par décision du 30 décembre 1837[535], le ministre avait créé à l'usage des officiers de petites bibliothèques de bord, en faisant remettre aux bâtiments, comme premier fonds, la collection des Annales maritimes et des Lois de la marine. Mais ce ne sont pas les recueils de documents officiels que l'on a coutume de désigner sous ce nom. Les bibliothèques dites de bord ont été fondées pour l'équipage, sous l'Empire, et on ne leur connaît un fonctionnement général et régulier que depuis 1867. Le ministre décida, à cette époque[536], de doter d'une bibliothèque de bord tout bâtiment de la marine de l'État ayant plus de 50 hommes d'équipage. On forma à cet effet, dans chaque port militaire, sous le nom de bibliothèque centrale, un dépôt qu'il ne faut pas confondre avec les bibliothèques de port dont nous avons parlé, et où sont centralisés de grands recueils, tels que la collection du Magasin pittoresque et les quelques volumes destinés aux bibliothèques de bord. Celles-ci se composent donc: 1o d'ouvrages qui restent à bord pendant tout le temps de l'armement des navires; 2o d'un certain nombre de volumes détachés des collections conservées dans les bibliothèques centrales, lesquels sont renouvelés au moyen d'échanges entre les bâtiments qui se trouvent dans les mêmes parages ou d'envois en remplacement faits par les bibliothèques centrales[537].
400. Les bibliothèques de bord sont réparties en trois classes, attribuées aux bâtiments en raison de leur importance: la première classe comprend les bâtiments dont l'équipage dépasse 300 hommes; la deuxième, les bâtiments dont l'équipage varie entre 150 et 300 hommes; la troisième, les bâtiments dont l'équipage varie entre 50 et 100 hommes[538].