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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome III.

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Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799).

Au citoyen Baille, capitaine des grenadiers de la soixante-neuvième demi-brigade.

J'ai reçu, citoyen, les notes que vous m'avez remises, qui prouvent que votre compagnie n'était pas avec les deux autres compagnies au moment où je fus mécontent d'elles, ce qui m'a porté à leur défendre de porter des palmes à leur entrée au Caire, et qu'elle venait au contraire d'être envoyée par le général Rampon à l'attaque d'un poste où elle a montré le courage, l'impétuosité et la bravoure qui doivent distinguer les grenadiers.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au général Kléber.

Je reçois, citoyen général, vos lettres des 26, 28 et 29 prairial.

L'année passée, nous avions permis le commerce avec la Syrie, et Djezzar-Pacha s'y était opposé. Quelque inconvénient qu'il puisse y avoir, le premier besoin pour nous étant de ne pas laisser tomber l'agriculture, je ne vois pas d'inconvénient à ce que, d'ici à thermidor, vous permettiez le commerce avec la Syrie; mais je crois qu'il est bon de laisser passer tout messidor.

Le bataillon de la vingt-cinquième se rend en droite ligne à Catieh avec le général Leclerc. J'ai envoyé le général Destaing à Rahmanieh.

Le général Dommartin doit être rendu à Alexandrie. Si Lesbeh n'est pas en état aujourd'hui, il est au moins nécessaire que vous donniez les ordres qu'on y travaille avec une telle activité, que tous les mois il acquière un nouveau degré de force, et que, l'année prochaine, il puisse remplir le but qu'on s'était proposé.

Hassan-Thoubar est au Caire, je dois le voir dans une heure. Je ne sais pas trop le parti que je prendrai avec cet homme. Si je lui rends ce qu'il me demande, le préalable sera qu'il me remette ses enfans en ôtage.

Nous sommes toujours ici sans nouvelles du continent. On m'assure aujourd'hui que des vaisseaux anglais ont paru devant Alexandrie; qu'ils ont expédié à Mourad trois exprès sur des dromadaires. Ils auront de la peine à le trouver, car le général Friant est dans ce moment dans les oasis.

Le général Desaix est en pleine jouissance de la Haute-Egypte et de Cosseir. Les impositions se payent régulièrement, et sa division est au courant de sa solde. Avec les impositions des provinces de Damiette et de Mansoura, vous viendrez facilement à bout de payer votre division.

Mettez-vous en correspondance avec Rosette, afin que l'on vous prévienne promptement de tout ce qui pourrait se passer sur la côte. Dès l'instant qu'il y aura un peu d'eau, je vous enverrai les deux demi-galères et la chaloupe canonnière la Victoire, qui sont fort bien armées. Dans ce moment-ci les eaux sont trop basses.

Je crois qu'il serait toujours utile de tenir à Omm-Faredge le bateau le Menzaleh, et de remplir sa cale de jarres pleines d'eau, car d'ici à un ou deux mois le lac Menzaleh sera un moyen efficace de communication avec Catieh et El-Arich.

Le général Menou n'est pas encore de retour de son inspection d'El-Arich.

Quatre ou cinq négocians de Damiette, chrétiens ou turcs, peuvent vous prêter les 60,000 livres que vous demandez; je crois que cela vaut mieux que de s'adresser à un trop grand nombre.

Choisissez six négocians turcs et deux on trois chrétiens; et imposez chacun à tant.

Je ne connais pas les membres du divan de Damiette. Cette province a toujours été faiblement administrée, et je ne la calculerai de niveau avec celles de Rosette, du Caire et d'Alexandrie que trois ou quatre décades après votre arrivée. Faites tout ce que la prudence vous fera juger nécessaire.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au Directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Après la bataille des Pyramides, les mameloucks se divisèrent. Ibrahim-Bey se retira dans la Charqyéh, passa le désert, séjourna à Gaza et à Damas. Affaibli par les pertes qu'il a essuyées pendant mon incursion en Syrie, il est aujourd'hui dans la plus profonde misère.

Mourad-Bey remonta le Nil avec une nombreuse flottille, et se retira dans la Haute-Egypte. Battu à Sédyman, il était toujours maître des provinces supérieures, et dans une position menaçante.

Le 20 frimaire, le général Desaix, ayant été renforcé de la plus grande partie de la cavalerie de l'armée, se mit en marche, et arriva le 9 nivose à Djirdjéh.

A deux journées plus haut, Mourad-Bey l'attendait, réuni à Hhaçan-Bey, à deux mille Arabes d'Yambo, qui venaient de débarquer à Qosséyr, et à une grande quantité de paysans qu'il avait soulevés.

Combats de Soheïdje et de Tahhtah.

Le général Desaix, ayant appris que plusieurs rassemblemens armés occupaient les rives du Nil, et s'opposaient à la marche de la flottille qui portait ses munitions de guerre et ses vivres, envoya le général Davoust avec la cavalerie. Il trouva et dissipa, les 14 et 19 nivose, des rassemblemens de paysans à Soheïdje et à Tahhtah: il massacra dans ces deux affaires plus de deux mille hommes. Le chef de brigade Pinon, à la tête du quinzième, et Boussard, à la tête du vingtième de dragons, se sont particulièrement distingués.

Affaire de Samhoud.

Ayant été rejoint par sa cavalerie et sa flottille, le général Desaix marcha à l'ennemi, qu'il rencontra, le 3 pluviose, au village de Samhoud. Il prit l'ordre de bataille accoutumé, en plaçant son infanterie en carré sur ses ailes, sa cavalerie en carré au centre. La droite était commandée par le général Friant, la gauche par le général Belliard, et le centre par le général Davoust. L'ennemi investit avec un tourbillon de cavalerie notre petite armée; mais ayant été vigoureusement repoussé par la mitraille et la mousqueterie, il fit un mouvement en arrière. Notre cavalerie se déploya alors et le poursuivit. Une centaine d'Arabes et de paysans furent massacrés; le reste s'éparpilla et fuit dans les déserts. Le citoyen Rapp, aide-de-camp du général Desaix, officier d'une grande bravoure, a été blessé d'un coup de sabre.

Le drapeau de la république flotta sur les Cataractes; toute la flottille de Mourad-Bey se trouva prise, et, dès ce moment, la Haute-Egypte fut conquise. Le général Desaix plaça sa division en cantonnemens le long du Nil, et commença l'organisation des provinces.

Le reste des mameloucks et des Arabes d'Yambo ne pouvait vivre dans le désert; la nécessité de se procurer de l'eau du Nil et des vivres engagea différens combats qui, politiquement, ne pouvaient plus être dangereux. N'ayant plus ni artillerie ni flottille, le succès d'un combat n'avait pour but que le pillage; mais les bonnes dispositions du général Desaix, et la bravoure des troupes, ne leur donnèrent pas même cette consolation.

Combat de Qénéh.

Le chef de brigade Conroux, avec la soixante-unième, fut attaqué à Qénéh, le 22 pluviose, par cinq ou six cents Arabes; il joncha le champ de bataille de morts.

Combat de Samathah.

Le général Friant marcha, le 24 pluviose, à Samathah, où il savait que se réunissaient les Arabes d'Yambo; il leur tua deux cents hommes.

Combat de Thèbes.

Sur les ruines de Thèbes, deux cents hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du quinzième de dragons chargèrent, le 23 pluviose, deux cents mameloucks, qu'ils dispersèrent. Ils regagnèrent le désert, après avoir laissé une partie de leur monde sur le champ de bataille. Le chef de brigade Lasalle, du vingt-deuxième de chasseurs, s'est conduit avec son intrépidité ordinaire.

Combat d'Esné.

Le 7 ventose, Mourad-Bey se porta à Esné: le citoyen Clément, aide-de-camp du général Desaix, le dispersa et l'obligea de regagner le désert.

Combat de Benouthah.

Instruits que j'avais quitté l'Egypte, que j'avais passé le désert pour aller en Syrie, les mameloucks crurent le général Desaix affaibli, et dès-lors le moment favorable pour l'attaquer. Ils redoublèrent d'efforts, accoururent de tous les points du désert sur plusieurs points du Nil; ils s'emparèrent d'une de nos djermes, en égorgèrent l'équipage, prirent huit pièces de canon, et, renforcés par quinze cents hommes qui venaient de débarquer à Qosséyr, ils se réunirent à Benouthah, où ils se retranchèrent. Le général Belliard marcha à eux, le 20 ventose, les attaqua, tua la moitié de leur monde, et dispersa le reste: c'est le combat où l'ennemi a montré le plus d'opiniâtreté.

Combat de Byralbarr.

Le 13 germinal, le général Desaix, instruit que Hhaçan-Bey avait le projet de se porter sur Qénéh, marcha dans le désert pour le chercher; le septième de hussards et le dix-huitième de dragons découvrirent l'ennemi, le chargèrent, le dispersèrent après un combat très-opiniâtre. Le citoyen Duplessis, commandant le septième de hussards, fut tué en chargeant à la tête de son régiment.

Combat de Djirdjéh.

Le 16 germinal, le chef de bataillon Moran, attaqué dans le village de Djirdjéh, fut secouru par les habitans, et mit en fuite les Arabes et les paysans, après leur avoir tué plus de cent hommes.

Combat de Théméh.

Le chef de brigade Lasalle marcha à Tehnéh pendant la nuit du 20 germinal, surprit un rassemblement qui s'y trouvait, tua une cinquantaine d'hommes, et le dispersa.

Combat de Bényhady.

Les mameloucks, voyant la Haute-Egypte garnie de troupes, filèrent par le désert dans la Basse-Egypte. Le général Desaix envoya le général Davoust a leur suite. Il les rencontra au village de Bényhady, les attaqua, les dispersa, après leur avoir tué un millier d'hommes. Nous avons eu trois hommes tués et trente blessés; mais parmi les tués se trouve le chef de brigade Pinon, du quinzième de dragons, officier du plus rare mérite.

Prise de Qosséyr (le 10 prairial).

Le 10 prairial, le général Belliard et l'adjudant-général Donzelot sont entrés à Qosséyr, et ont pris possession de ce poste important: on s'occupe à le mettre dans le meilleur état de défense.

Cette occupation, celle de Suez et d'El-Arich, ferment absolument l'entrée de l'Egypte du côté de la mer Rouge et de la Syrie, tout comme les fortifications de Damiette, Rosette et Alexandrie, rendent impraticable une attaque par mer, et assurent à jamais à la république la possession de cette belle partie du monde, dont la civilisation aura tant d'influence sur la grandeur nationale et sur les destinées futures des plus anciennes parties de l'univers.

Mourad-Bey est retiré avec peu de monde dans les oasis, d'où il va être encore chassé. Hhaçan-Bey est à plus de quinze jours au-dessus des Cataractes; la plupart des tribus arabes sont soumises, et ont donné des ôtages; les paysans s'éclairent, et reviennent tous les jours des insinuations de nos ennemis; des forts nombreux, établis de distance en distance, les retiennent d'ailleurs, s'ils étaient malintentionnés; les Arabes d'Yambo ont péri pour la plupart.

L'état-major vous enverra les noms des officiers auxquels j'ai accordé de l'avancement.

J'ai nommé au commandement du quinzième de dragons le citoyen Barthélémy, chef d'escadron des guides à cheval, ancien officier de cavalerie distingué par ses connaissances.

Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Donzelot, adjudant-général du général Desaix.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au chef de la soixante-neuvième demi-brigade.

J'ai reçu, citoyen, votre mémoire historique sur vos compagnies de grenadiers. Votre tort est de ne pas vous être donné des sollicitudes nécessaires pour purger ces compagnies de quinze à vingts mauvais sujets qui s'y trouvaient. Aujourd'hui, il ne faut penser qu'à organiser ce corps, et le mettre à même de soutenir, aux premiers événemens, la réputation qu'il s'était acquise en Italie.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au commandant du génie.

Je vous prie, citoyen, de profiter du départ du bataillon de la soixante-neuvième qui se rend demain à Mit-Kamar, pour y envoyer les officiers du génie qui doivent tracer la redoute que j'y ai ordonnée.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au citoyen Poussielgue.

Je vous prie, citoyen, de me proposer une mesure, afin qu'il ne sorte de Suez qu'une quantité de riz, blé et sucre, proportionnée à celle du café qui nous arrive. Il ne faudrait pas que le schérif de la Mecque nous enlevât, pour quelques fardes de café, la plus grande partie de nos subsistances.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au général Kléber.

Hassan-Thoubar, citoyen général, sort de chez moi. Il remet ici, ce soir, son fils en otage: c'est un homme âgé de trente ans. Hassan-Thoubar part sous peu de jours pour Damiette; il paraît un peu instruit par le malheur: d'ailleurs, son fils nous assure de lui. Je crois qu'il vous sera très-utile pour l'organisation du lac Menzaleh, la province de Damiette, les communications avec El-Arich, et votre espionnage en Syrie.

Je suis en guerre avec presque tous les Arabes. J'ai rompu, à ce sujet, tous les traités possibles, parce que aujourd'hui qu'ils nous connaissent, et qu'il n'y a presqu'aucune tribu qui n'ait eu des relations avec nous, je veux avoir des otages.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au commandant du génie.

Je vous prie, citoyen commandant, de faire déblayer au plus tôt les murailles qui sont contre les créneaux de la porte du Delta.

Je vous fais passer une lettre de l'administrateur-général des finances; je vous prie de la prendre en considération, et de vous concerter avec les autorités, les ingénieurs des ponts et chaussées et l'administrateur des finances, et de me présenter un projet:

1°. Des maisons nationales à démolir;

2°. Des maisons particulières à acquérir et à démolir, pour avoir une communication large et commode d'ici au quartier de l'Institut, avec une place au milieu de ladite communication;

3°. Pour avoir une communication de la place Esbekieh à la place Birket-el-Fil, avec une place au milieu. Les maisons que l'on a démolies à droite et à gauche défigurent la ville et ruinent les habitations, que nous serons obligés un jour de rétablir.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au général Kléber.

La province de Mansoura, citoyen général, nous a fourni quelques bons chevaux, elle en doit fournir encore une centaine. Je vous prie de donner l'ordre qu'on procède sans délai à les lever; cela nous est extrêmement essentiel: surtout, ordonnez qu'on ne prenne pas de chevaux au-dessous de cinq ans.

BONAPARTE.




Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799).

Au général Desaix.

Je vous envoie, citoyen général, trois officiers du génie, des cartouches, des outils et des hommes à pied à monter. Vous garderez les hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons, et vous me renverrez tout le reste au Caire. Nous avons besoin d'un corps de cavalerie considérable, pour veiller à la défense de la côte.

Nous sommes toujours très-tranquilles. J'attends toujours de vos nouvelles.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

Au même.

Quoique la caravane de Darfour se soit très-mal conduite, citoyen général, mon intention est que vous fassiez rendre à Krabino, un des chefs de la caravane, sa propre fille qui a été enlevée, et qui est demeurée à un des chirurgiens de votre division.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

Aux citoyens Hamelin et Liveron.

J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 28 prairial. Le citoyen Poussielgue, qui a mis en vous toute sa confiance pour un objet aussi essentiel, garantit votre activité et les moyens que vous aurez pour réussir. J'écris au général Desaix pour qu'il vous donne toute la protection que vous pourrez désirer. Autant qu'il sera possible, on lèvera toutes les difficultés qui pourraient s'opposer à la marche de votre opération. La réussite pourrait faire apprécier les motifs qui vous ont fait mettre en avant, comme seule elle sera la mesure du service que vous vous trouverez avoir rendu. Vous n'aurez réussi que lorsque, vous aurez fait verser, à Boulac, 600,000 ardeps de blé.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

Au payeur général.

Ayant autorisé le général Kléber à percevoir, dans les provinces de Mansoura et de Damiette toutes les sommes nécessaires pour sa division, je vous prie de donner l'ordre à vos préposés de faire recette de tous les fonds que fera rentrer le général Kléber, et de suivre tous les ordres qu'il leur donnera pour le paiement, sauf à vous rendre compte.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

A l'ordonnateur en chef.

J'ai donné, citoyen ordonnateur, au général Kléber l'autorité nécessaire pour administrer les provinces de Damiette et de Mansoura, de manière à pouvoir solder tout ce dont a besoin sa division.

La même autorité a été donnée au général Marmont pour les provinces d'Alexandrie, Rosette et Bahhireh.

Même autorité au général Desaix pour les trois provinces de la Haute-Egypte.

Je vous prie donc, dans les besoins de l'administration, de distinguer les besoins de la division Desaix, ceux de la division Kléber, l'arrondissement d'Alexandrie, et enfin le Caire et les troupes qui sont dans les autres provinces.

Si vous accordiez pour les divisions Kléber, Desaix et l'arrondissement d'Alexandrie plus qu'il ne faut, les généraux ne feraient pas solder les crédits que je vous ai donnés.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

Au chef de brigade d'artillerie Grobert.

Je vous prie, citoyen, de me remettre demain l'état général des pièces et munitions qui se trouvent, soit en batterie à Gizeh, soit au parc général de l'armée, soit au magasin général de la direction.

Je vous prie de tenir à la disposition du commandant de la marine toutes les pièces d'un calibre inférieur à 3, et qui dès-lors ne sont pas propres au service de terre.

Je vous prie de faire remettre au commandant de la marine deux pièces de 6 pour armer la demi-galère embossée à Gizeh.

BONAPARTE.




Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799).

A l'ordonnateur en chef.

Je viens de faire la visite de l'hôpital de la maison d'Ibrahim-Bey. J'ai vu, avec mécontentement, qu'il y manque plusieurs médicamens essentiels, et surtout la pierre infernale.

Donnez les ordres pour qu'avant le 10 du mois, tous ces objets soient à l'hôpital.

J'ai trouvé que les pharmaciens n'étaient pas à leur poste. Il y avait quelques plaintes sur les chirurgiens.

Il manquait beaucoup de draps, et les chemises étaient plus sales qu'elles ne l'auraient été à l'ambulance devant Acre.

Fixez, je vous prie, vos yeux sur cet objet essentiel. Faites-vous remettre l'état du linge, des chemises qui ont été données au directeur de l'hôpital, et faites de manière à ce que, d'ici au 10, il y ait cinq ou six cents chemises à cet hôpital.

BONAPARTE.




Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799).

Au général Marmont.

Je n'ai point reçu, citoyen général, la lettre que vous m'annoncez m'avoir écrite le 1er messidor, je viens de recevoir celle du 3.

Le général Destaing est arrivé à Rahmanieh; il a mené avec lui un bataillon de la soixante-unième, le général Lanusse y avait envoyé un bataillon de la quatrième. Le chef de la quatrième est parti avant-hier avec un autre bataillon. Ainsi, il ne manque pas de forces pour faire payer les contributions et dissiper les rassemblemens. Vous-même, vous pouvez avec une partie de vos forces, vous porter sur Mariout, et détruire ces maudits Arabes.

Le contre-amiral Ganteaume doit être arrivé à Alexandrie. Secondez, je vous prie, toutes ses opérations.

Smith est un jeune fou qui veut faire sa fortune, et cherche à se mettre souvent en évidence. La meilleur manière de le punir, est de ne jamais lui répondre. Il faut le traiter comme un capitaine de brûlot. C'est au reste un homme capable de toutes les folies, et auquel il ne faut jamais prêter un projet profond et raisonné: ainsi, par exemple, il serait capable de faire faire une descente à 800 hommes. Il se vante d'être entré déguisé à Alexandrie. Je ne sais si ce fait est vrai, mais il est très-possible qu'il profite d'un parlementaire pour entrer dans la ville, déguisé en matelot.

La province de Rosette doit beaucoup d'argent, prenez des mesures pour faire tout solder.

Le Nil n'augmente pas encore, mais du moment qu'il sera un peu haut, je vous enverrai six cent mille rations de biscuit et une grande quantité de blé.

BONAPARTE.




Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799).

Au général Kléber.

Je vous prie, citoyen général, d'envoyer au Caire l'osmanli que vous avez déjà renvoyé d'Alexandrie, et qui, par sa mauvaise étoile, n'est pas encore parti. Je le garderai prisonnier à la citadelle; il servira d'otage pour les Français prisonniers à Constantinople.

BONAPARTE.




Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799).

Au divan du Caire.

J'ai fait arrêter le cadi, parce que j'ai lieu de m'en méfier, et que son père, que j'avais comblé de bienfaits, m'a payé de la plus noire ingratitude. Je vous prie de me présenter quelqu'un pour remplir cette place. Il faut que ce soit un homme né en Egypte.

BONAPARTE.




Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799).

Au général Dugua.

Je vous prie de réunir demain matin, chez vous, citoyen général, les membres du divan, et de leur faire connaître la lettre ci-jointe, en réponse à celle qu'il m'a écrite ce matin.

Je désire que vous envoyiez de suite quelqu'un rassurer les femmes du cadi, et que vous donniez l'ordre à la citadelle qu'il soit traité avec les plus grands égards.

Je désire également que vous lui fassiez demander le lieu où il désire se rendre, soit qu'il veuille aller en Syrie, soit à Constantinople; je l'y ferai conduire.

BONAPARTE.




Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799).

Au divan du Caire.

J'ai reçu votre lettre ce matin. Ce n'est pas moi qui ai destitué le cadi; c'est, le cadi lui-même qui, comblé de mes bienfaits, a poussé l'oubli de ses devoirs jusqu'à quitter son peuple et abandonner l'Egypte pour se retirer en Syrie.

J'avais consenti que, provisoirement, pendant la mission qu'il devait avoir en Syrie, il laissât son fils jour gérer sa place pendant son absence; mais je n'aurais jamais cru que ce fils, jeune, faible, dût remplir définitivement la place de cadi.

La place de cadi s'est donc trouvée vacante. Qu'ai-je donc fait pour suivre le véritable esprit du Coran? C'est de faire nommer le cadi par l'assemblée des scheiks; c'est ce que j'ai fait. Mon intention est donc que le scheik El-Arichi, qui a obtenu vos suffrages, soit reconnu et remplisse les fonctions de cadi. Les premiers califes, en suivant le véritable esprit du Coran, n'ont-ils pas eux-mêmes été nommés par l'assemblée des fidèles?

Il est vrai que j'ai reçu avec bienveillance le fils du cadi lorsqu'il est venu me trouver, aussi mon intention est-elle de ne lui faire aucun mal; et si je l'ai fait conduire à la citadelle, où il est traité avec autant d'égards qu'il le serait chez lui, c'est que j'ai pensé devoir le faire par mesure de sûreté; mais dès que le nouveau cadi sera publiquement revêtu et exercera ses fonctions, mon intention est de rendre la liberté au fils du cadi, de lui restituer ses biens, et de le faire conduire avec sa famille dans le pays qu'il désirera. Je prends ce jeune homme sous ma spéciale protection; aussi bien je suis persuadé que son père même, dont je connaissais les vertus, n'a été qu'égaré.

C'est à vous à éclairer les bien intentionnés, et faites ressouvenir enfin aus peuples d'Egypte qu'il est temps que le règne des osmanlis finisse; leur gouvernement est plus dur cent fois que celui des mameloucks, et y a-t-il quelqu'un qui puisse penser qu'un scheick, natif d'Egypte, n'ait pas le talent et la probité nécessaires pour remplir la place importante de cadi.

Quant aux malintentionnés et à ceux qui seraient rebelles à ma volonté, faites-les moi connaître: Dieu m'a donné la force pour les punir; ils doivent savoir que mon bras n'est pas faible.

Le divan et le peuple d'Egypte doivent donc voir dans cette conduite une preuve toute particulière de ces sentimens que je nourris dans mon coeur pour leur bonheur et leur prospérité; et si le Nil est le premier des fleuves de l'Orient, le peuple d'Egypte, sous mon gouvernement, doit être le premier des peuples.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au citoyen Poussielgue.

Je vous prie, citoyen, de faire au général Kléber un acte de donation de sa maison.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au général Dugua.

Vous ferez fusiller, citoyen général, le nommé Joseph, natif de Cherkem, près la mer Noire;

Le nommé Sélim, natif de Constantinople, tous deux détenus à la citadelle.

Quant au nommé Ibrahim-Kerpouteli, on fera interroger celui qu'il cite pour être son père, afin de savoir s'il l'avoue, et vous me ferez donner des notes sur la manière dont son père s'est conduit.

Je vous renvoie les interrogatoires de ces hommes, afin que vous les puissiez mieux reconnaître.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au citoyen Dupas, commandant la citadelle.

Le citoyen James, canonnier au quatrième régiment d'artillerie, citoyen commandant, est détenu depuis six mois à la citadelle. Si vous ignorez les motifs de son arrestation, je vous prie de le faire mettre sur-le-champ en liberté.

Vous ferez mettre en liberté les citoyens Jersay, sapeur à la deuxième compagnie; Billou, canonnier à la septième compagnie d'artillerie; Michel Gazette, sapeur; Robin, mineur.

Vous ferez consigner le citoyen Philippe Bouette au chef de brigade de la vingt-deuxième, pour le mettre dans son corps.

Vous ferez mettre en liberté, le 15 du mois, le citoyen Bataille, soldat à la légion maltaise.

Vous ferez mettre en liberté les citoyens Merel, dromadaire; Dubourg, volontaire au deuxième bataillon de la soixante-neuvième.

Vous ferez mettre en liberté, ou traduire à un conseil militaire, s'il y a eu lieu, le citoyen Signal, caporal du deuxième bataillon de la trente-deuxième.

Vous ferez mettre en liberté le citoyen Roanet, volontaire au deuxième bataillon de la trente-deuxième.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au citoyen Fourier, commissaire, près le divan.

Je vous prie, citoyen, de me faire un rapport sur les membres qui composent le grand et le petit divan du Caire, pour me faire, connaître s'il y a des places vacantes dans l'un ou l'autre.

Je désire également que vous me fassiez connaître si, parmi les membres du grand divan, il s'en trouverait qui ne mériteraient pas la place qu'ils ont, soit par leur peu de considération, soit par une raison quelconque; que vous me présentiez un certain nombre d'individus pour remplir les places vacantes. Mon intention est de composer ce divan de manière à former un corps intermédiaire entre le gouvernement et l'immense population du Caire, de manière qu'en parlant à ce grand divan, on soit sûr de parler à la masse de l'opinion.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au général Destaing.

Je reçois presque en même temps vos lettres des 5 et 7 messidor.

Le premier bataillon de la quatrième est parti le 6 à quatre heures après midi du Caire, pour se rendre à Rahmanieh. Si vous êtes parti le 9, comme c'était votre projet, pour remonter votre province, vous vous serez probablement joint à portée de tomber sur le rassemblement de l'ennemi. Le quinzième de dragons et tous les dromadaires disponibles partent cette nuit pour se rendre à Menouf; je donne l'ordre au général Lanusse de se porter au village de ..., et de le brûler, ainsi que le village de Zaïra; après quoi il vous fera passer le quinzième et les dromadaires. Ces secours et les trois bataillons que vous avez, vous mettent à même de soumettre la province de Bahireh.

Dès l'instant que vous aurez frappé quelques coups dans votre province, faites-moi passer la légion nautique, dont j'ai le plus grand besoin pour l'organisation de l'armée.

BONAPARTE.




Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799).

Au Directoire exécutif.

Je vous fais passer plusieurs imprimés qui vous mettront au fait des événemens qui se sont succédés depuis plusieurs mois.

La peste a commencé à Alexandrie, il y a six mois, avec des symptômes très-prononcés.

A Damiette elle a été plus bénigne.

A Gaza et à Jaffa elle a fait plus de ravages.

Elle n'a été ni au Caire, ni à Suez, ni dans la Haute-Egypte.

(Il résulte de l'état que je vous envoie que l'armée française, depuis son arrivée en Egypte jusqu'au 10 messidor an 7, avait perdu 5344 hommes.)

Vous voyez qu'il nous faudrait cinq cents hommes pour la cavalerie, cinq mille pour l'infanterie, cinq cents pour l'artillerie, pour mettre l'armée dans l'état où-elle était lors du débarquement.

La campagne de Syrie a eu un grand résultat: nous sommes maîtres de tout le désert, et nous avons déconcerté pour cette année les projets de nos ennemis. Nous avons perdu des hommes distingués. Le général Bon est mort de ses blessures; Caffarelli est mort; mon aide-de-camp, Croisier est mort; beaucoup de monde a été blessé.

Notre situation est très-rassurante. Alexandrie, Rosette, Damiette, El-Arich, Catieh, Salahieh, se fortifient à force; mais si vous voulez que nous nous soutenions, il nous faut, d'ici en pluviose, six mille hommes de renfort. Si vous nous en faites passer en outre 15,000, nous pourrons aller partout, même à Constantinople.

Il nous faudrait alors deux mille hommes de cavalerie pour incorporer dans nos régimens, avec des carabines, selles à la hussarde et sabres; six cents hussards ou chasseurs; six mille hommes de troupes pour incorporer dans nos corps et les recruter; cinq cents canonniers de ligne; cinq cents ouvriers, maçons, armuriers, charpentiers, mineurs, sapeurs; cinq demi-brigades à deux mille hommes chacune; vingt mille fusils; quarante mille baïonnettes; trois mille sabres; six mille paires de pistolets; dix mille outils de pionniers.

S'il vous était impossible de nous faire, passer tous ces secours, il faudrait faire la paix; car il faut calculer que, d'ici au mois de messidor, nous perdrons encore six mille hommes. Nous serons, à la saison prochaine, réduits à quinze mille hommes effectifs, desquels, ôtant deux mille hommes aux hôpitaux, cinq cents vétérans, cinq cents ouvriers qui ne se battent pas, il nous restera douze mille hommes, compris cavalerie, artillerie, sapeurs, officiers d'état-major, et nous ne pourrons pas résister à un débarquement combiné avec une attaque par le désert.

Si vous nous faisiez passer quatre ou cinq mille Napolitains, cela serait bon pour recruter nos troupes.

Il nous faudrait dix-huit à vingt médecins, et soixante ou quatre-vingts chirurgiens; il en est mort beaucoup. Toutes les maladies de ce pays-ci ont des caractères qui demandent à être étudiés. Par là, on peut les regarder toutes comme inconnues; mais toutes les années elles seront plus connues et moins dangereuses.

Je n'ai point reçu de lettres de France depuis l'arrivée de Moureau, qui m'a apporté des nouvelles du 5 nivose, et de Belleville, du 20 pluviose. J'espère que nous ne tarderons pas à en avoir.

Nos sollicitudes sont toutes en France. Si les rois l'attaquaient, vous trouveriez dans nos bonnes frontières, dans le génie guerrier de la nation et dans vos généraux, des moyens pour leur rendre funeste leur audace. Le plus beau jour pour nous sera celui où nous apprendrons la formation de la première république en Allemagne.

Je vous enverrai incessamment le nivellement du canal de Suez, les cartes de toute l'Egypte, de ses canaux, et de la Syrie.

Nous avons de fréquentes relations avec la Mecque et Mokka. J'ai écrit plusieurs fois aux Indes, à l'Ile-de-France; j'en attends les réponses sous peu de jours. C'est le schérif de la Mecque qui est l'entremetteur de notre correspondance.

Le contre-amiral Perrée est sorti d'Alexandrie le 19 germinal avec trois frégates et deux bricks; il est arrivé devant Jaffa le 24, s'est mis eu croisière, a pris deux bâtimens du convoi turc, chargés de trois cents hommes, cent mineurs et bombardiers, est revenu devant Tentoura pour prendre nos blessés; mais il a été chassé par la croisière anglaise, et a disparu; il sera arrivé en Europe.

Je lui avais remis des instructions pour son retour: personne n'est plus à même que cet officier de nous faire passer des nouvelles et des secours; depuis la bouche d'Omm-Faredge, Damiette, Bourlos, Rosette, Alexandrie, il peut choisir dans ce moment-ci; et depuis le 15 ventose il n'y a point de croisière devant Alexandrie ni Damiette: cela nous a été utile pour l'approvisionnement d'Alexandrie.

J'ai été très-satisfait de la conduite du contre-amiral Perrée dans toute cette croisière, je vous prie de le lui faire connaître.

BONAPARTE.




Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799).

Au sultan de Darfour.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux: il n'y a d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.

Au sultan de Darfour Abd-el-Rahman, serviteur des deux cités saintes, calife du glorieux prophète de Dieu et maître des mondes.

J'ai reçu votre lettre, j'en ai compris le contenu.

Lorsque votre caravane est arrivée, j'étais absent, ayant été en Syrie pour punir et pour détruire nos ennemis. Je vous prie de m'envoyer par la première caravane deux mille esclaves noirs ayant plus de seize ans, forts et vigoureux: je les achèterai tous pour mon compte.

Ordonnez à votre caravane de venir de suite, et de ne pas s'arrêter en route. Je donne des ordres pour qu'elle soit protégée partout.

BONAPARTE.




Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799).

Au schérif de la Mecque.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux: il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.

J'ai reçu votre lettre, et j'en ai compris le contenu.

J'ai donné les ordres pour que tout ce qui peut vous persuader de l'estime et de l'amitié que j'ai pour vous, soit fait.

J'espère qu'à la saison prochaine vous ferez partir une grande quantité de bâtimens chargés de café et de marchandises des Indes: ils seront toujours protégés.

Je vous remercie de ce que vous avez fait passer mes lettres aux Indes et à l'Ile de France: faites-y passer celles-ci, et envoyez-moi la réponse.

Croyez à l'estime que j'ai pour vous et au cas que je fais de votre amitié.

BONAPARTE.




Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799).

Au commandant de l'Ile de France.

Je vous prie, citoyen commandant, de faire payer au schérif de la Mecque la somme de 94,000 fr., que le payeur de l'armée tire en trois lettres de change sur le payeur de l'Ile de France, et dont la trésorerie nationale tiendra compte.

J'ai pensé devoir me servir de ce moyen pour avoir un canal sûr pour correspondre avec vous, malgré les croiseurs qui infestent la mer Rouge.

Je vous salue.

BONAPARTE.




Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799).

Au commandant des Iles de France et de la Réunion.

Vous aurez sans doute appris, citoyen commandant, que depuis un an la république est maîtresse de l'Egypte. Je vous ai fait passer plusieurs lettres par la voie de Mokka, et j'espère que vous les aurez reçues.

Les ports de Suez et de Cosseir sont occupés par des garnisons françaises et armés, les avisos que vous pourriez m'envoyer pour correspondre avec moi, seront donc sûrs d'y être protégés.

Je désirerais que vous me fissiez passer le plus tôt possible quelques avisos pour pouvoir correspondre avec les Indes, et que vous profitassiez de ces bâtimens pour nous envoyer trois mille fusils de calibre, quinze cents paires de pistolets, mille sabres.

La grande quantité de vaisseaux anglais qui inondent la Méditerranée, rend difficile l'arrivée des bâtimens de Toulon. Mes dernières nouvelles de France sont du mois de ventose: nous nous étions emparés du royaume de Naples, qui s'était déclaré pour les Anglais, et la république était dans l'état le plus florissant.

Faites-moi passer par vos avisos toutes les nouvelles que vous pourriez avoir des Indes.

L'établissement solide que la république vient de faire en Egypte sera une source de prospérité pour l'Ile de France.

L'état-major vous fait passer différens imprimés qui vous feront connaître les événemens qui se sont passés dans ce pays-ci.

Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agréable.

BONAPARTE.




Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799).

Au général Marmont.

J'ordonne au payeur, citoyen général, de faire passer 50,000 fr. à Alexandrie pour pourvoir à un mois de solde et aux différens crédits que le payeur ouvrira au génie, à l'artillerie et aux administrations.

Les ouadis sont venus me trouver: quoique ces scélérats eussent bien mérité que je profitasse du moment pour les faire fusiller, j'ai pensé qu'il était bon de s'en servir contre la nouvelle tribu, qui parait décidément être leur ennemie. Ils ont prétendu n'être entrés pour rien dans tous les mouvemens du Bahireh: ils sont partis trois cents des leurs avec le général Murat, qui a trois cents hommes de cavalerie, trois compagnies de grenadiers de la soixante-neuvième, et deux pièces d'artillerie. Je lui ai donné ordre de rester huit ou dix jours dans le Bahireh pour détruire les Arabes et aider le général Destaing à soumettre entièrement cette province: mon intention est que tous les Arabes soient chassés au-delà de Marcouf. Le général Destaing avait reçu auparavant un bataillon de la quatrième, le quinzième de dragons et une compagnie du régiment des dromadaires.

J'espère que des sommes considérables entreront promptement dans la caisse du payeur d'Alexandrie. Du moment où le Nil sera navigable, on vous enverra deux cent mille rations de biscuit, qui sont ici toutes prêtes.

BONAPARTE.




Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799).

Au général Kléber.

Hassan Thoubar, citoyen général, se rend à Damiette. Il a laissé ici son fils en ôtage. Il compte habiter Damiette, ou du moins y laisser sa femme et sa famille pour assurer davantage de sa fidélité. Je lui ai restitué ses biens patrimoniaux. Quant aux femmes qu'il réclame, je n'ai rien statué, parce que j'ai pensé qu'elles étaient données à d'autres, et que d'ailleurs il serait ridicule qu'un homme dont nous avons eu tant à nous plaindre, reprit tout a coup une si grande autorité dans le pays. Par la suite, vous verrez le parti que vous pourrez tirer de cet homme.

BONAPARTE.




Au Caire, le 14 messidor an 7 (2 juillet 1799).

Au général Dugua.

Je vous envoie, citoyen général, les noms de cinq mameloucks, qui, je crois, sont ici sans passeport, puisqu'ils ne sont pas sur votre état. Prenez des renseignemens sur ces hommes, et, s'ils sont les mêmes que ceux que l'on m'a adressés comme mauvais sujets, faites-les arrêter de suite et conduire à la citadelle: Hussein, de la suite d'Oshman; Bey-Cherchaoui; l'émir Ahmed-Aboukul, de la maison Hussein-Bey; l'émir Hassan, mamelouck d'Ayoub-Bey; Aly-Effendi, de chez Sélim-Bey.

Faites rechercher, je vous prie, s'il y aurait dans la ville d'autres mameloucks également sans passeport.

BONAPARTE.




Au Caire, le 14 messidor an 7 (3 juillet 1799).

Au général Desaix.

Je reçois, citoyen général, votre lettre du 3 messidor. J'ai reçu en même temps une lettre du général Friant de Bénêçoùef, du 12 messidor; il m'annonce que Mourad-Bey fuit dans le Bahhireh. Il est indispensable que vous fassiez partir tout de suite pour le Caire tous les escadrons ou hommes montés des neuvième de hussards, troisième, quatorzième et quinzième de dragons. Gardez avec vous tous les hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons. Il me paraît qu'il'se trame quelque chose dans le Bahhireh; plusieurs tribus d'Arabes et quelques centaines de Maugrabins s'y sont rendus de l'intérieur de l'Afrique; Mourad-Bey s'y rend. Si ce rassemblement prenait de la consistance, il pourrait se faire que les Anglais et les Turcs y joignissent plusieurs milliers d'hommes.

Nous n'avons encore, ni devant Damiette, ni devant Alexandrie, aucune espèce de croisière ennemie.

On travaille tous les jours avec la plus grande activité aux fortifications d'El-Arich et de Catieh.

On vous envoie tout ce qui reste du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons.

Il part également une centaine d'hommes de votre division qui vont vous rejoindre. Si vous pouvez vous passer du bataillon de la soixante-unième, envoyez-le ici.

Le général Davoust est tombé malade et n'a pu remplir la mission que je voulais lui confier.

L'état-major n'a pas l'état des officiers auxquels vous avez accordé de l'avancement, envoyez-le moi, ainsi que celui des soldats auxquels vous désirez qu'il soit accordé des récompenses.

J'attends des nouvelles d'Europe, Le vent commence à devenir bon et nos ports sont ouverts. Au reste, Perrée, avec ses trois frégates, doit y être arrivé: il était chargé de nos instructions particulières.

J'attache une importance majeure à la prompte exécution du mouvement de cavalerie dont je vous ai parlé plus haut.

Le général Dommartin se rendant a Alexandrie sur un bâtiment armé, a été attaqué par les Arabes. Il est parvenu, quoique échoué, à les repousser avec la mitraille; mais il a deux blessures qui ne sont pas dangereuses. On dit que vous avez quelques gros bâtimens provenant des mameloucks, et quelques djermes désarmées: faites passer tout cela au Caire, nous tâcherons d'en tirer parti.

BONAPARTE.




Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799).

Au scheick El-Békir, le premier des schérifs et notre ami.

Je vous écris la présente pour vous faire passer la demande que vous m'avez faite pour votre femme, pour dix karats de village, uniquement pour vous donner une preuve de l'estime que je fais de vous, et du désir que j'ai de voir tous vos voeux et tout ce qui peut vous rendre heureux s'accomplir.

BONAPARTE.




Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799).

Au général Reynier.

J'ai reçu, citoyen général, votre lettre de Seneta, du 10 messidor. Toute la cavalerie de l'armée est dans ce moment-ci dans le Rahhireh; il sera possible, cependant, de réunir une centaine de chevaux d'ici au 20, en y mettant une partie de mes guides. Faites en sorte que, ce jour-là, les cent hommes de cavalerie que vous avez soient à Belbeis, afin que ces deux cents hommes réunis, avec une pièce de canon, et deux cents hommes d'infanterie puissent nettoyer l'oasis. Je confierai cette opération au général Lagrange.

Le seul moyen qui vient de réussir parfaitement au général Rampon, et qui lui a fait lever en très-peu de temps cent chevaux et tout le miri du Kelioubeh, c'est d'arrêter les scheicks qui ne payent pas, et de les tenir en ôtages jusqu'à ce qu'ils aient donné de bons chevaux et payé le miri. Avec votre infanterie et votre pièce de canon, vous en avez autant qu'il vous en faut pour ne pas vous détourner un instant de l'importante affaire de la levée du miri.

Pour surprendre Elfy-Bey dans l'ouadi, il faut que les troupes partent le soir de Belbeis, marchent toute la nuit dans le désert, de manière à arriver, à la petite pointe du jour, au santon.

BONAPARTE.




An Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799).

Au général Friant.

J'ai reçu, citoyen général, la lettre que vous m'avez écrite du Fayoum. La rapidité et la précision de votre marche vous ont mérité la gloire de détruire Mourad-Bey.

Le général Murat, qui est depuis cinq à six jours dans le Bahhireh, et que j'ai prévenu de l'intention où était Mourad-Bey de s'y rendre, vous le renverra probablement.

L'état-major vous écrit pour que vous fassiez une course dans la province d'Alfiéli, afin de détruire les mameloucks qui pourraient s'y être établis.

BONAPARTE.




Au Caire, le 17 messidor an 7 (5 juillet 1799).

Au général Lanusse.

Je reçois, citoyen général, votre lettre du 17 messidor: je suis fort aise que le village de Tatau soit innocent.

Le général Friant m'instruit, par une lettre du 14, que Mourad-Bey est toujours à la fontaine de Rayenne. Il paraît qu'il y est malade de sa personne. Le général Friant va se mettre en route pour le déloger. Faites passer cette lettre au général Murat, et donnez-moi exactement toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de ce qui se passe dans le Bahhireh.

Je vous ai envoyé plusieurs procès-verbaux sur les assassinats commis sur nos courriers dans les villages de votre province; faites punir les scheicks de ces villages. Faites qu'avant l'inondation le miri soit levé. Envoyez-moi la note des villages qui, selon vous, ne sont pas assez taxés, afin de leur demander un supplément. J'attends les trente chevaux que je vous ai demandés.

Je vais sous peu de jours me rendre à Menouf, pour, de là, reconnaître l'emplacement d'un fort au ventre de la Vache. Faites-moi connaître le nombre d'ouvriers que vous pourrez rassembler dans votre province, afin de pouvoir pousser vivement ce travail.

Je désire fort que vous ayez la gloire de joindre Mourad-Bey. Elle serait due a l'activité et aux services que vous avez rendus pendant notre absence.

Je n'ai point reçu le rapport du général Destaing, qui aura probablement été pris sur un des courriers, égarés. Faites-moi part des renseignement qu'il vous aurait donnés.

BONAPARTE.




Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799).

Au général Fugières.

Le nommé Achmet Abouzahra, scheick arabe, doit se rendre dans son village, où je désire que vous le rétablissiez dans ses terres et dans ses maisons. Il paiera trois mille talaris dans la caisse du payeur. Cela est soumis cependant aux renseignemens que vous aurez sur les lieux. Il est fort recommandé par des gens de considération.

BONAPARTE.




Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799).

Au général Murat.

Je reçois, citoyen général, votre lettre sans date, par laquelle vous m'annoncez que vous avez pris plusieurs mameloucks dans un santon, et que vous vous mettez en marche pour tomber à la pointe du jour sur le rassemblement. On m'assure que Sélim-Cachef, qui est votre prisonnier, est un grand coquin; méfiez-vous-en et envoyez-le moi sous bonne garde.

Ne leur donnez pas un moment de relâche. Si Mourad-Bey descend dans le Bahhireh, ce qui ne paraît pas probable actuellement, il n'a pas avec lui plus de deux ou trois cents hommes mal armés et écloppés. D'ailleurs, je le ferai suivre par une bonne colonne.

Si vous n'avez pas encore marché sur Mariouf, je désire que vous y alliez, et, dans ce cas, que vous ordonniez au général Marmont d'y envoyer de son côté une forte colonne d'Alexandrie.

Tâchez de nous envoyer une cinquantaine de dromadaires, pour monter les hommes qui sont au dépôt.

BONAPARTE.




Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799).

Au général Lanusse.

Je reçois votre lettre du 19, citoyen général; je crois faux les renseignements que vous avez. Mourad-Bey n'a pas bougé de la fontaine de Rayenne, située à douze lieues de Fayoum et à quatre journées du lac Natron.

Le général Friant est parti le 18, et a dû arriver le 19 à la fontaine de Rayenne. Si Mourad-Bey avait pris le parti de se rendre au lac Natron, il arriverait le 22. Ainsi, sous ce point de vue, votre séjour à Terraneh peut être utile pour remplir le but que vous vous proposez. Je ne crois pas qu'il se rende au lac Natron.

Je donne ordre au commandant de la province de Gizeh de partir avec seize hommes et une pièce de canon pour lever le miri dans sa province. Il combinera sa marche de manière à être le 22 à Wardam.

Si donc vous faisiez une course au lac Natron, vous lui donneriez l'ordre de vous y suivre. C'est le chef de bataillon Faure qui commande cette province.

BONAPARTE.




Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799).

A l'ordonnateur en chef.

Le médecin en chef désire retourner en France, citoyen ordonnateur; sa demande me paraît fondée sur un besoin réel de famille. Veuillez lui faire connaître que j'ai demandé au gouvernement son remplacement, je ne doute pas qu'il ne l'accorde; mais, dans tous les cas, je ne consentirai à son départ que lorsqu'il sera remplacé.

BONAPARTE.




Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799).

Au général Dugua.

Vous ferez, citoyen général, trancher la tête à Abdalla-Aga, ancien gouverneur de Jaffa, détenu à là citadelle. D'après ce que m'ont dit les habitans de Syrie, c'est un monstre dont il faut délivrer la terre.

BONAPARTE.




Au Caire, le 21 messidor an 7 (9 juillet 1799).

Au général Lagrange.

Vous ferez partir ce soir, citoyen général, les deux cents hommes d'infanterie et les deux pièces de canon, qui iront coucher à Birket-el-Hadji. Ils en partiront demain pour se rendre à El-Menayer. Vous partirez avec la cavalerie demain au jour pour vous rendre à Birket-el-Hadji; vous y resterez toute la journée de demain, et vous en partirez à la nuit, pour arriver au jour au petit village à une lieue en deçà de Belbeis. En passant à El-Menayer, vous prendrez notre infanterie. Vous partirez le 20, à la nuit, de ce village, pour vous rendre par le désert dans l'Ouadi, à la suite d'Elfy-Bey. Le général Reynier doit avoir envoyé cent hommes de cavalerie à Belbeis pour tromper les espions; vous lui enverrez l'ordre de venir vous joindre à la nuit dans l'endroit où vous serez: ce mouvement rétrograde pourra faire croire que cette cavalerie va au Caire. Si cette cavalerie n'était pas encore arrivée, vous donneriez l'ordre qu'elle vienne vous rejoindre.

Vous ferez prendre à vos troupes pour cinq jours de vivres au Caire. Je donne ordre à l'ordonnateur de vous fournir huit chameaux, sur lesquels vous mettrez pour cinq jours de vivres. Vous aurez soin que chacun de vos hommes ait un bidon, et vous ferez mener un chameau avec des outres par cent hommes; vous prendrez pour cela les chameaux du corps.

Le but de votre expédition est d'obliger Elfi-Bey de dépasser El-Arich, si vous ne pouvez pas le surprendre et le détruire; de reconnaître la route qui va à Suez sans passer par Salabiar. Il doit y avoir des puits dans cette direction.

Votre colonne doit être composée de deux cents hommes d'infanterie, de cent cinquante de cavalerie, de cent hommes de cavalerie que vous devez trouver à Belbeis, de cent Grecs à pied, commandés par le capitaine Nicolet, de trente à quarante hommes à cheval, commandés par le chef de bataillon Barthélémy. Vous aurez avec vous deux pièces d'artillerie et un ingénieur des ponts et chaussées. Vous ferez passer les ordres au chef de bataillon Barthélémy et au capitaine Nicolet de partir ce soir avec votre infanterie.

BONAPARTE.




Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

Au sultan de Darfour.

Au nom de Dieu, clément et miséricordieux. Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.

Au sultan de Darfour, Abd-El-Rahmons, serviteur des deux cités saintes, et calife du glorieux prophète de Dieu, maître des mondes.

Je vous écris la présente pour vous recommander Aga-Cachef, qui est auprès de vous, et son médecin Soliman, qui se rend à Darfour et vous remettra ma lettre.

Je désire que vous me fassiez passer deux mille esclaves mâles, ayant plus de seize ans.

Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agréable.

BONAPARTE.




Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

Au général Dugua.

Vous ferez fusiller, citoyen général, les nommés Hassan, Jousset, Ibrahim, Saleh, Mahamet, Bekir, Hadj-Saleh, Mustapha, Mahamed, tous mameloucks.

Quant aux nommés Osman, Ismael, Hussein, autres mameloucks, vous les ferez tenir en prison à la citadelle jusqu'à nouvel ordre.

BONAPARTE.




Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

Au général Lanusse.

Mourad-Bey, après avoir fait semblant de se rendre dans la Haute-Egypte, citoyen général, a fait contre-marche dans la nuit, et à couché le 22 à Zaoé. Il est passé hier, à quatre heures après midi, à Aboukir, à trois lieues de Girgeh. On pense qu'il a été au lac Natron. Faites passer cet avis en toute diligence au général Destaing et au général Murat: j'attends dans une heure des détails ultérieurs. Il a avec lui deux cents hommes, compris les domestiques; il n'a que quarante chevaux; il est dans un grand état de délabrement; il est vivement poursuivi par le général Friant.

BONAPARTE.




Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

Au Directoire exécutif.

Le citoyen Venture, secrétaire interprète pour les langues orientales, est mort en Syrie: c'était un homme de mérite. Il a laissé une famille qui a des titres à la protection du gouvernement.

Le payeur général envoie à sa famille un bon de 12,000 fr. sur la trésorerie nationale pour une année d'appointemens.

BONAPARTE.




Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

Au général Murat.

Je reçois, citoyen général, votre lettre du 23 messidor, aujourd'hui à cinq heures du soir. Vous m'apprenez votre voyage au lac Natron et votre départ, à cinq heures du soir pour Terraneh, où je suppose que vous êtes arrivé le 24 au matin.

Vous verrez, par la copie de la lettre du général Friant, qu'il a pris quelques chameaux à Mourad-Bey, qui, après avoir fait une marche dans la Haute-Egypte, est rapidement retourné sur ses pas, a marché trois jours et trois nuits, et est arrivé hier 23 à quatre heures du soir au village de Dachour, près les pyramides de Sahara; il en est parti à cinq heures du soir pour prendre la route du désert: on croit qu'il s'est rendu au lac Natron.

Le général Junot est aux pyramides: j'ai envoyé de tous côtés des hommes pour m'instruire de la marche de Mourad-Bey.

Mourad-Bey a avec lui deux cents mameloucks, moitié à cheval, moitié sur des chameaux, en très-mauvais état, et cinquante à soixante Arabes: si le bonheur eût voulu que vous fussiez resté vingt-quatre heures de plus au lac Natron, il est très-probable que vous nous apportiez sa tête.

Vous vous conduirez selon les nouvelles que vous recevrez; vous vous rendrez au lac Natron ou sur tout autre point du Bahhireb où vous penserez devoir vous porter pour nous débarrasser de cet ennemi si redoutable et aujourd'hui en si mauvais état.

Le général qui aura le bonheur de détruire Mourad-Bey aura mis le sceau à la conquête de l'Egypte: je désire bien que le sort vous ait réservé cette gloire.

BONAPARTE.




Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799).

Au général Kléber.

L'adjudant-général Julien vous aura sans doute appris, citoyen général, la nouvelle de l'arrivée d'une flotte turque dans la rade d'Aboukir, le 24 messidor; et si la présence de l'ennemi ne vous en pas empêché, vous aurez opéré votre mouvement sur Rosette, en vous portant avec la majeure partie de vos forces sur l'extrémité de votre province, afin de pouvoir, dans le moins de temps possible, combiner vos mouvemens avec le reste.

Je pars dans la nuit pour Terraneh, d'où je me rendrai probablement à Rahmanieh.

Il faut livrer El-Arich et Catieh à leurs propres forces; et si aucune force imposante n'a encore paru devant Damiette, vous vous porterez dans une position quelconque, le plus près possible de Rosette.

J'ai toute la journée couru les déserts, au-delà des pyramides, pour donner la chasse à Mourad-Bey.

BONAPARTE.




Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799).

Au général Dugua.

Je vais, citoyen général, partir pour quelques jours. Je retournerai au Caire, aussitôt que la nature des bâtimens qui ont paru et les forces qu'ils pourront porter me seront connues.

Je vous fais passer copie de la lettre que j'écris au général Desaix: si jamais mes exprès étaient interceptés, et que vous appreniez qu'il se passe des événemens majeurs, vous êtes autorisé à le faire venir.

Faites-moi passer tous les dromadaires et toute la cavalerie qui viendra de la Haute-Egypte ou du général Lagrange. Vous sentez combien il est nécessaire que j'aie quelques centaines d'hommes de cavalerie.

Je donne ordre au payeur de vous faire solder tout ce qui vous est dû pour frais de table et bureaux de la place.

Quant aux généraux Reynier et Lagrange, vous verrez que je ne décide encore rien sur leur destination: je les préviens seulement de se tenir prêts à faire un mouvement sur moi. Comme mes ordres pourraient être interceptés, ce sera à vous, si les circonstances l'exigent, à les en prévenir.

J'ai donné ordre au capitaine Nicolet de rentrer au Caire avec ses Grecs. Envoyez plusieurs exprès pour le lui réitérer.

Je vous prie de faire partir demain, par terre, une copie de ma lettre au général Desaix.

BONAPARTE.




Au Caire, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1759).

Au citoyen Poussielgue.

Je m'éloigne pour quelques jours, citoyen administrateur; je vous prie de me donner très-souvent des nouvelles de ce qui se passera au Caire. Je ne doute pas que vous ne contribuiez, par votre activité et votre esprit conciliateur, à y maintenir la tranquillité, comme vous l'avez fait précédemment pendant mon incursion en Syrie.

BONAPARTE.




Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799).

Au général Kléber.

Le quartier-général est aujourd'hui, citoyen général, à Terraneh. Le général Lanusse va se réunir avec le général Fugières et le général Robin pour former, dans le Delta, une colonne mobile, qui pourra se porter rapidement, soit sur un des points de là côte, soit sur les communications qui seraient sérieusement menacées.

Je compte être le 1er thermidor à Rahmanieh.

BONAPARTE.

P.S. J'ai reçu des lettres, du 26, d'Alexandrie, par lesquelles on m'informe qu'il avait été aperçu, depuis le 24, une flotte ennemie, composée, tant gros que petits bâtimens, d'une soixantaine de voiles, dont seulement cinq de guerre.




Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799).

Au général Marmont.

J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 24, à la pointe du jour, de Rosette. Je n'ai eu aucune sollicitude pour Alexandrie. Soutenez Rosette. Je pense que vous serez posté à Aboukir, comme vous me l'annonciez, pour tomber sur les flancs de l'ennemi, s'il osait débarquer entre Aboukir et Rosette pour tenter un coup de main.

Des troupes arrivent ce soir à Rahmanieh. Je couche ici ce soir avec l'armée. Je serai, le 1er thermidor, au soir, à Rahmanieh.

J'ai fait mettre garnison et des canons dans les couvens du lac Natron.

Mourad-Bey, chassé, poursuivi de tous côtés, s'est retiré dans le Fayoum; il a avec lui une centaine de mameloucks, 50 arabes et quarante hommes, tous exténués de fatigues et dans le dernier délabrement.

Vous avez sans doute appris que le 24 du mois le général Lagrange est arrivé à la pointe du jour dans les oasis situés dans le désert, entre Suez, la Syrie et Belbeis, a surpris deux cents mameloucks, tué Osman-Bey-Cherkaoui, un des coryphées du pays, et pris sept cents chameaux.

BONAPARTE.




Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799).

A Moussa, chef de la tribu des Annadis.

Nous vous faisons savoir par une lettre, que nous sommes arrivés aujourd'hui à Terraneh avec l'armée, pour nous porter dans le Bahhireh, afin de pouvoir anéantir d'un seul coup nos ennemis, et confondre tous les projets qu'ils pourraient avoir conçus.

Nous désirons que vous nous envoyiez, pour le premier thermidor au soir, à Rahmanieh, quelqu'un de votre part pour nous donner des nouvelles de tout ce qui se passe à Marion et dans le désert, ainsi que de tout ce qui serait à votre connaissance.

Nous désirons aussi vous voir bientôt, avec bon nombre de vos gens, pour éclairer notre armée.

Recommandez à tous vos Arabes de se bien comporter, afin qu'ils méritent toujours notre protection.

J'ai fait occuper par nos troupes, et mettre des canons dans les couvens du lac Natron. Il sera donc nécessaire, quand quelqu'un de votre tribu ira, qu'il se fasse reconnaître, car j'ai ordonné qu'ils soient traités comme amis. Faites connaître le contenu de cette lettre à tous les scheicks, sur qui soit le salut.

BONAPARTE.




Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799).

PROCLAMATION.

Il n'y a d'autre dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.

Aux scheicks, ulémas, schérifs, imans et fellahs de la province de Bahhireh.

Tous les habitans de la province de Bahhireh mériteraient d'être châtiés; car les gens éclairés et sages sont coupables lorsqu'ils ne contiennent pas les ignorans et les méchans. Mais Dieu est clément et miséricordieux, le prophète a ordonné, dans presque tous les chapitres du Koran, aux hommes sages et bons d'être clément et miséricordieux: je le suis envers vous. J'accorde par le présent firman un pardon général à tous les habitans de la province de Bahhireh qui se seront mal comportés, et je donne des ordres pour qu'il ne soit formé contre eux aucune recherche. J'espère que désormais le peuple de la province de Bahhireh me fera sentir par sa conduite qu'il est digne de pardon.

BONAPARTE.




Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799).

Au général Dugua.

Le nombre des vaisseaux ennemis, citoyen général, s'est augmenté d'une quinzaine de bâtimens légers. Vous sentez combien il serait nécessaire de presser le départ de tous les hommes dispersés. J'espère que le général Lagrange sera parti du Caire pour l'armée quand vous recevrez ceci. Il y a beaucoup de chefs de bataillon qui ne sont pas à leurs corps, parce qu'ils sont un peu incommodés, et qui ont pensé que ce n'était seulement qu'une course contre les Arabes. Faites que tous ces hommes nous rejoignent; il est essentiel que tout cela marche en corps: j'estime que les détachemens doivent être au moins de deux cents hommes.

Ecrivez au général Desaix les nouvelles que je reçois, et que j'imagine que la colonne mobile contre Mourad-Bey est partie, et qu'il presse le départ de la cavalerie que je lui ai demandée. Dès que le bataillon de la 22e, ainsi que le général Rampon et sa colonne, seront arrivés au Caire, qu'il file en toute diligence sur Rahmanieh.

Instruisez le général Reynier qu'il est nécessaire qu'il réunisse la garnison de Salahieh, en y laissant en tout, compris sapeurs et canonniers, cent vingt hommes, et qu'il soit prêt, à tout événement, à se porter de Belbeis par le Delta sur Rahmanieh: vous lui enverrez tous les grenadiers et l'artillerie de sa division. Il pourra aussi m'amener un millier d'hommes, qui pourront m'être d'un grand secours. Si dans trente-six heures vous ne recevez pas de lettre de moi, vous ordonnerez ce mouvement.

Envoyez un des généraux qui sont au Caire en convalescence pour commander à Gizeh.

Faites partir les deux demi-galères et la chaloupe canonnière la Victoire pour Rahmanieh. Faites-y embarquer deux mille paires de souliers. Envoyez-nous sous leur escorte à Rahmanieh encore deux ou trois cent mille rations de biscuit et de la farine: l'ordonnateur en chef donne des ordres pour cet objet.

Le convoi escorté par les trois djermes la Vénitienne, etc., n'est pas encore arrivé.

Je serai le 1er thermidor au soir à Rahmanieh.

Je vous expédierai constamment deux courriers par jour.

Si les Anadis continuent à nous rester fidèles, vous ne manquerez pas de nouvelles. Le citoyen Rosetti peut vous servir beaucoup en cela: ayez cependant l'oeil sur les démarches de cet homme.

Sélim-Cachef, le dernier qui est venu du Bahhireh, m'est représenté comme un homme extrêmement dangereux; faites-le appeler, dites-lui que comme je vais dans le Bahhireh, je désire l'avoir avec moi, à cause de ses connaissances locales, et sur ce faites-le embarquer sur une des demi-galères, en le consignant au commandant et lui recommandant d'avoir pour lui quelques égards: que cependant il en répond comme d'une chose capitale.

Faites fusiller les prisonniers qui se permettront le moindre mouvement.

Fixez les yeux sur les approvisionnemens de la citadelle de Gizeh, Ibrahim-Bey et des petits forts.

Faites connaître au divan que, vu les troubles survenus dans le Bahhireh et le grand nombre de mécontens qui s'y trouvent, j'ai jugé à propos de m'y rendre moi-même. Quant aux bâtimens qu'ils pourraient savoir être sur la côte, dites que nous croyons que ce sont des Anglais, et que l'on dit que la paix est faite entre les deux puissances.

Dites que vous savez que je leur ai écrit, et sur ce demandez-leur s'ils ont reçu ma lettre: montrez-leur ma proclamation aux habitans du Bahhireh; amusez-les avec l'expédition du général Menou au lac Natron et du général Destaing à Mariouf.

BONAPARTE.




Au Caire, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799).

Au général Desaix.

Mourad-Bey a été au lac Natron, citoyen général; il n'a pas trouvé le rassemblement des bayouchi et des mameloucks: il est retourné: il a couché la nuit du 25 au 26 aux pyramides. Bertram, chef des Arabes, lui a fourni ce dont il avait besoin: il a disparu. Il est, à ce que mande le général Murat, au village de Dachour, à six ou sept heures d'ici: cela me contrarie beaucoup.

Le 24, une flotte turque, composée de cinq vaisseaux de ligne, trois frégates, cinquante à soixante bâtimens légers ou de transport, a mouillé dans la rade d'Aboukir. Je n'ai des nouvelles de Damiette que du 23.

Ibrahim-Bey est à Gaza, où il menace. Le général Lagrange a nettoyé les ouadis, près le camp des mameloucks, descendus de la Hautes-Egypte, tué Osman-Bey-Cherkaoui et chassé le reste dans le désert; mais il occupe le reste de ma cavalerie: ainsi il faut, dans ce moment, contenir Mourad-Bey qui est sur la lisière de la province de Gizeh, Osman-Bey, etc., et pourvoir au débarquement. Vous voyez qu'il est nécessaire de prendre des mesures promptes et essentielles.

Je suis fâché que le général Friant n'ait pas suivi Mourad-Bey, ou du moins il ne devait pas, étant à portée du Caire, s'en éloigner sans savoir ce que j'en pensais.

Il faut vous approcher de Bénêçoùef, réunir toutes vos troupes en échelon, de manière à pouvoir en peu de jours, être au Caire, avec la première colonne et les suivantes, à trente-six heures d'intervalle les unes des autres; tenir à Cosseir cent hommes, autant dans le fort de Keneh. Si le débarquement est une chose sérieuse, il faudra évacuer la Haute-Egypte, laissant vos dépôts en garnison dans vos forts; s'il n'est composé que de cinq ou six mille hommes, alors il faut que vous envoyiez une colonne pour contenir Mourad-Bey, le suivre partout où il descendra, dans le Bahhireh, le Delta, la Scharkieh ou dans la province de Gizeh. Pour ce moment, mon intention est que vous vous prépariez à un grand mouvement, et que vous vous contentiez de faire partir de suite une colonne pour poursuivre Mourad-Bey. Vous la dirigerez sur Gizeh.

Je pense que vous aurez fait partir tous les hommes des septième de hussards, quatorzième, troisième et quinzième de dragons: nous en avons bien besoin. Je vais me porter dans le Bahhireh, avec cent hommes de mes guides, pour toute cavalerie. Je suis fâché que Destrée ne soit pas parti avec son régiment.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799).

Au général Kléber.

Nous arrivons à Rahmanieh, citoyen général; l'adjudant-général Jullien m'apprend que l'avant-garde de votre division arrive à Rosette, et que vous-même n'en êtes pas éloigné avec le reste de votre division.

Il paraît que l'ennemi a décidément débarqué à Aboukir, et est dans ce moment maître de la redoute.

Ma ligne d'opération sera Alexandrie, Birket et Rosette. Je me tiendrai avec la masse de l'armée à Birket. Le général Marmont est à Alexandrie, et vous vous trouverez à Rosette l'un et l'autre ayant à peu près autant de monde, de sorte que vous vous trouvez former la droite, le général Marmont la gauche, et je suis au centre. Si l'ennemi est en force, je me battrai dans un bon champ de bataille, ayant avec moi ou ma droite ou ma gauche: celle des deux qui ne pourra pas être avec moi, je tâcherai qu'elle puisse arriver pour servir de réserve.

Birket est à une lieue de la hauteur d'Elouah et à une lieue du village de Bécentor, village assez considérable. Prenez tous les renseignemens nécessaires sur la situation d'Efkout, village sur la route de Rosette à Aboukir par rapport a Birket, et tâchez de vous organiser de manière à pouvoir au premier ordre vous porter le plus promptement possible à Efkout ou à Birket, et comme il serait possible que nos communications fussent interceptées, tâchez d'avoir beaucoup de monde en campagne pour savoir ce que je fais et où je suis, afin que s'il arrivait des cas où il n'y eût pas d'inconvénient à un mouvement et où des avis vous feraient penser que j'ai dû vous ordonner de le faire, vous le fassiez.

Vous trouverez à Rosette quelques pièces de campagne dont vous pourrez vous servir.

Je vous envoie quatre copies de cette lettre, afin qu'elle vous parvienne.

Quelque chose qui arrive, je compte entièrement sur la bravoure de seize à dix-huit mille hommes que vous avez avec vous: je ne pense pas que l'ennemi en aurait autant, quand même ces cent bâtimens seraient chargés de troupes.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799).

Au divan de Rosette.

Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître que je suis arrivé à Rahmanieh, et que je me dispose à me porter contre ceux qui voudraient troubler la tranquillité de l'Egypte.

Depuis assez long-temps l'Egypte a été sous le pouvoir des mameloucks et des osmanlis, qui ont tout détruit et tout pillé. Dieu l'a mise en mon pouvoir, afin que je lui fasse reprendre son ancienne splendeur. Pour accomplir ses volontés, il m'a donné la force nécessaire pour anéantir tous nos ennemis. Je désire que vous teniez note de tous les hommes qui dans cette circonstance se conduiront mal, afin de pouvoir les châtier exemplairement. Je désire également que vous me fassiez passer deux fois par jour des exprès, pour me faire savoir ce qui se passe, et que vous envoyiez à Aboukir des gens intelligens pour en être instruits.

Le général Abdallah Menou va se rendre à Rosette.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799).

Au général Marmont.

Les divisions Rampon et Lannes, citoyen général, achèvent d'arriver aujourd'hui. Le général Murat, avec la soixante-neuvième, la cavalerie, un escadron de dromadaires et de l'artillerie, sera cette nuit sur la hauteur d'Ellouah.

Si l'ennemi a pris Aboukir, envoyez la cavalerie et les dromadaires à Birket avec deux pièces de 8 bien approvisionnées, mon intention étant au préalable de réunir toute la cavalerie de l'armée.

Si l'ennemi n'a pas pris Aboukir, mais qu'il y ait une nécessité imminente de le secourir, partez; le général Murat a ordre de vous seconder.

Si Aboukir peut attendre encore que je prenne un parti moi-même, faites en sorte que j'aie demain au soir des nouvelles positives de l'état des choses. Je n'attends que ce rapport et la journée de demain pour le repos des troupes, pour marcher. Dans ces deux cas, préparez votre artillerie de campagne et vos obusiers.

Dans tous les cas, vous recevrez un renfort de canonniers.

Les rassemblemens du Bahhireh ayant été absolument détruits, Mourad poursuivi, réduit à une poignée de monde, ne sachant où se réfugier, je regarde l'opération des ennemis comme entièrement manquée.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

A l'adjudant-général Jullien.

J'ai reçu, citoyen commandant, des nouvelles d'Alexandrie; l'ennemi n'a encore fait aucun mouvement; on croit que le fort d'Aboukir tient toujours. J'attends ce soir le général Menou avec une colonne.

Envoyez tous les jours des reconnaissances, afin que je puisse être prévenu à temps si l'ennemi faisait un mouvement sur vous. J'attends ce soir quatre cents hommes de cavalerie, et dans quelques jours autant: alors il y aura des postes en échelons jusqu'au débouché du lac Madieh, qui vous couvriront; mais jusqu'alors, envoyez tous les matins de fortes reconnaissances pour me prévenir à temps; et, pour vous, rentrez dans votre fort.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au général Murat.

J'attends ce soir, citoyen général, le chef de brigade Duvivier avec les cent soixante hommes qu'avait le général Lagrange, et deux cents hommes des septième hussards, quatorzième et quinzième de dragons, venant de la Haute-Egypte, et qui étaient arrivés le 29 à Boulac. Le chef de brigade Destrées arrivera trois jours après avec deux cents hommes.

J'ai eu des nouvelles de Rosette en date d'hier au matin; il n'y avait rien de nouveau.

Je fais partir ce soir cent canonniers, et j'envoie cent hommes de troupes de la garnison d'Alexandrie pour s'y rendre; je vous les adresse pour que vous régliez la marche pour le passage.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au général Dugua.

Je reçois, citoyen général, votre lettre du 30. J'attends avec la plus grande impatience la cavalerie que vous m'annoncez. Le général Reynier a dû vous envoyer tous les hommes du quatorzième qu'il a. Bessières m'assure qu'une trentaine de mes guides seraient disponibles en leur donnant des chevaux.

Ecrivez à Destrées d'activer sa marche avec le plus de monde qu'il pourra.

La trente-deuxième et la dix-huitième ont laissé, à elles deux, plus de six cents hommes au Caire. Si vous ne faites pas partir tous ces hommes de suite, je me trouverai avec fort peu de monde. Faites une revue scrupuleuse, et que tout ce qui appartient à la vingt-deuxième, même le bataillon qui doit être arrivé de Bénêçoùef, à la dix-huitième, à la trente-deuxième, à la treizième, à la soixante-neuvième, parte sans le moindre délai.

Le général Rampon aura sans doute, à l'heure qu'il est, dépassé le Caire. Il avait avec lui soixante hommes d'artillerie à cheval qu'il faut m'envoyer.

Faites partir le chef de bataillon Faure avec cent canonniers qui sont nécessaires pour jeter dans Alexandrie.

L'ennemi débarque toujours à Aboukir.

J'ai trouvé ici et à Rosette des pièces de campagne. Je m'organise. J'ai été joint par les généraux Lanusse, Robin et Fugières. On a cependant laissé à Menouf une centaine d'hommes.

J'attends aujourd'hui à midi le général Menou qui est de retour du lac Natron.

Je vous envoie une lettre que vous remettrez au divan du Caire.

Que tous les envois que vous me faites soient toujours de deux cent cinquante à trois cents hommes, afin d'éviter toute espèce d'accidens.

Je demande au payeur de nous envoyer 100,000 fr.; il sera bon alors pour l'escorte de profiter d'un moment où vous aurez quatre cents hommes à nous envoyer.

Je vous recommande de nous envoyer jour par jour, et même deux fois par jour, les hommes qui doivent nous rejoindre: vous en sentez l'importance. Toutes les heures il peut y avoir une affaire décisive, et dans le petit nombre de troupes que j'ai, trois cents hommes ne sont pas une faible chance.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au divan du Caire.

Choisis parmi les gens les plus sages, les plus instruits et les plus éclairés, que le salut du prophète soit sur eux!

Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître qu'après avoir fait occuper le lac Natron, et presque le Bahhireh, pour rendre la tranquillité à ce malheureux pays et punir nos ennemis, nous nous sommes rendus à Rahmanieh. Nous avons accordé un pardon général à la province, qui est aujourd'hui parfaitement tranquille.

Quatre-vingts bâtimens, petits et gros, se sont présentés pour attaquer Alexandrie; mais, ayant été accueillis par des bombes et des boulets, ils ont été mouiller à Aboukir, où ils commencent à débarquer. Je les laisse faire, parce que mon intention est, lorsqu'ils seront tous débarqués, de les atteindre, de tuer tout ce qui ne voudra pas se rendre, et de laisser la vie aux autres pour les mener prisonniers, ce qui fera un beau spectacle pour la ville du Caire. Ce qui avait conduit cette flotte ici, était l'espoir de se réunir aux mameloucks et aux Arabes pour piller et dévaster l'Egypte. Il y a sur cette flotte des Russes, qui ont en horreur ceux qui croient à l'unité de Dieu, parce que, selon leurs mensonges, ils croient qu'il y en a trois. Mais ils ne tarderont pas à voir que ce n'est pas le nombre des dieux qui fait la force, et qu'il n'y en a qu'un seul, père de la victoire, clément et miséricordieux, combattant toujours pour les bons, confondant les projets des méchans, et qui, dans sa sagesse, a décidé que je viendrais en Egypte pour en changer la face, et substituer à un régime dévastateur un régime d'ordre et de paix. Il donne par là une marque de sa haute puissance: car ce que n'ont jamais pu faire ceux qui croient à trois, nous l'avons fait, nous qui croyons qu'un seul gouverne la nature et l'univers.

Et, quant aux musulmans qui pourraient se trouver avec eux, ils seront réprouvés, puisqu'ils se sont alliés, contre l'ordre du prophète, à des puissances infidèles et à des idolâtres. Ils ont donc perdu la protection qui leur aurait été accordée; ils périront misérablement. Le musulman qui est embarqué sur un bâtiment où est arboré la croix, celui qui tous les jours entend blasphémer contre le seul Dieu, est pire qu'un infidèle même. Je désire que vous fassiez connaître ces choses aux différens divans de l'Egypte, afin que les malintentionnés ne troublent pas la tranquillité des différentes villes: car ils périront comme Dahmanour et tant d'autres, qui, par leur mauvaise conduite, ont mérité ma vengeance.

Que le salut de paix soit sur les membres du divan!

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au général Dugua.

Tous les drogmans, citoyen général, nous ont manqué: ces messieurs ont probablement assez volé. Je vous prie de faire arrêter le citoyen Bracevich, et en général tous les drogmans des généraux qui sont ici, de les embarquer sur une djerme armée, et de les envoyer à Rahmanieh.

Le citoyen Poussielgue a deux jeunes gens de ceux que j'avais amenés de France, je vous prie de m'envoyer le plus intelligent.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au général Marmont.

Un renfort de canons, citoyen général, quelques hommes épars de votre garnison, et, ce qui est plus précieux encore, le citoyen Faultrier, partent pour vous rejoindre.

Le général Murat, qui est parti hier pour reconnaître l'ennemi à Aboukir et prendre position à Birket, aura déjà communiqué avec vous, et vous aura fait passer mes dépêches.

Le général Menou part dans l'instant même pour prendre le commandement de Rosette et de la province.

Gardez-vous avec la plus grande vigilance; ne dormez que de jour; baraquez vos corps très à portée; faites battre la diane bien avant le jour; exigez qu'aucun officier, surtout officier supérieur, ne se déshabille la nuit; faites battre souvent de nuit l'assemblée ou toute autre sonnerie convenue, pour voir si tout le monde connaît bien le poste qui lui a été désigné, et réservez la générale pour les alertes réelles. Il doit y avoir à Alexandrie une grande quantité de chiens dont vous pouvez aisément vous servir en en liant un grand nombre à une petite distance de vos murailles. Relisez avec soin le règlement sur le service des places assiégées: c'est le fruit de l'expérience, il est rempli de bonnes choses.

L'état-major vous envoie les signaux convenus pour pouvoir communiquer pendant le siége ou le blocus, si le cas arrivait.

Si d'Aboukir ils vous écrivent pour vous sommer de vous rendre, faites beaucoup d'honnêtetés au parlementaire; faites-leur sentir que l'usage n'est pas de rendre une place avant qu'elle soit investie, que s'ils l'investissent, alors vous pourrez devenir plus traitable; poussez cette négociation aussi loin que vous pourrez, car je regarderais comme un grand bonheur, si la facilité avec laquelle ils ont pris Aboukir pouvait les porter à vous bloquer: ils seraient alors perdus. Sous peu de jours, j'aurai ici un millier d'hommes de cavalerie.

S'ils ne vous font pas de proposition, et que vous ayez une ouverture naturelle de traiter avec eux, vous pourriez les tâter. La transition alors pourrait être de connaître la capitulation d'Aboukir, les sûretés qu'on a données à la garnison de passer en France, et si on tiendra cette promesse: ce qui, naturellement, vous mène à pouvoir faire sentir que vous les trouvez très-heureux.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au général Menou.

Arrivé à Rosette, citoyen général, votre première sollicitude sera de débarrasser le fort de tout ce qui l'encombre, vivres, artillerie, malades, d'envoyer tout à Rahmanieh.

Le général Kléber doit avoir opéré son mouvement sur Rosette. Ma ligne d'opérations est Alexandrie, Birket et Rosette. Il faut que vous désigniez d'abord une garnison raisonnable pour le fort, qu'avec le reste vous vous teniez toujours organisé pour pouvoir vous porter sur Birket, qui est le point de toutes mes opérations.

Faites partir demain soir de Rosette trente chameaux chargés de riz pour Birket, et dix chargés de biscuit: ce sera un grand service que vous me rendrez. Les chameaux retourneront pour faire un second voyage. Si vous pouvez aussi nous y faire passer vingt mille cartouches, cela nous rendra un service essentiel. Les cent hommes que vous chargerez de cette escorte, formeront une première patrouille de Rosette à Birket.

Entretenez une correspondance très-active avec le général Kléber, et faites écrire par le divan de Rosette aux divans de Garbieh, Menouf et Damiette, pour leur donner les nouvelles telles qu'elles sont, et détruire les faux bruits qui pourraient circuler.

Si l'ennemi faisait un mouvement en force sur Rosette, et que vous ne vous jugiez pas suffisant pour pouvoir le culbuter, vous vous renfermeriez dans le fort, et vous attendriez qu'une colonne partie de Birket se portât sur Ef-Kout pour prendre l'ennemi en flanc et par ses derrières; il en échapperait fort peu. Si le bataillon de Rosette vous avait rejoint, vous laisseriez l'adjudant-général Jullien dans le fort, et vous opéreriez votre retour sur Birket ou Rahmanieh.

Dès l'instant que la cavalerie que j'attends sera arrivée, il y aura de très-fréquentes patrouilles de Birket à Ef-Kout et à Rosette.

Au reste, dans toutes les circonstances qui peuvent arriver, le principal but, si vous êtes attaqué sérieusement, c'est de défendre le fort de Rosette, afin que l'ennemi n'ait pas l'embouchure du Nil; le second but est d'empêcher l'ennemi d'arriver à Rosette. Vous vous trouverez, avec une pièce de canon et votre garnison, à même de vous opposer à un détachement de quatre à cinq cents hommes qui voudraient passer Rosette.

Enfin de vous trouver prêt, avec la colonne dont vous pouvez disposer, à me rejoindre sur le point de Birket.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799).

Au divan de Rosette.

Dieu est grand et miséricordieux.

Au divan de Rosette, choisi parmi les plus sages et les plus justes.

J'ai reçu vos lettres et j'en ai compris le contenu.

J'ai appris avec plaisir que vous avez les yeux ouverts pour maintenir tout le monde de la ville de Rosette dans le bon ordre. Le général Menou partira ce soir avec un bon corps de troupes; je porterai moi-même mon quartier-général à Birket, où je vous prie de m'envoyer les renseignement que vous pourrez avoir. Faites une circulaire pour faire connaître à tous les villages de la province, que heureux ceux qui se comporteront bien et contre qui je n'ai pas de plainte à faire: car ceux qui sont mes ennemis périront indubitablement.

Que le salut du prophète soit sur vous.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 4 thermidor an 7 (23 juillet 1799).

Au général Desaix.

L'ennemi, citoyen général, a été renforcé de trente bâtimens, ce qui fait cent vingt ou cent trente bâtimens existans dans la rade d'Aboukir, et il est maître de la redoute et du fort d'Aboukir depuis le 23 messidor.

Je pars aujourd'hui pour aller reconnaître sa position et voir s'il est possible de l'attaquer et culbuter dans la mer: car il paraît qu'il ne veut pas se hasarder à attaquer Alexandrie, et qu'il se contente, en attendant qu'il connaisse les mouvemens de Mourad-Bey et d'Ibrahim-Bey, de se fortifier dans la presqu'île d'Aboukir.

Je désirerais bien avoir la cavalerie que je vous ai demandée, si je reste en position devant lui, parce que sa position serait telle qu'il serait impossible de l'attaquer.

Le général Friant sera sans doute à la suite de Mourad-Bey: vous serez réunis de manière à pouvoir vous porter promptement au Caire. Je désire que vous vous y portiez de votre personne avec votre première colonne: vous vous ferez remplacer à Bénêçoùef par votre seconde colonne.

Arrivé au Caire, vous réunirez ce qui s'y trouve de la division Reynier, pour vous trouver à même de marcher à Ibrahim-Bey s'il passait le désert sans toucher à El-Arich ni à Catieh; il devrait avoir, dans cette hypothèse, un millier de chameaux avec lui, et dès l'instant qu'il aurait touché eux terres d'Egypte, ce qui pourrait être entre Belbeis et le Caire, il faudrait marcher à lui. La garnison du Caire trouvera dans les forts un refuge certain, qui contiendront la ville, quelque événement qu'il puisse arriver.

BONAPARTE.




Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799).

Au général Desaix.

Vous aurez appris, par l'état-major, les succès de la bataille d'Aboukir: de quinze mille hommes qui étaient débarqués, mille sont restés sur le champ de bataille, huit mille se sont noyés en voulant rejoindre à la nage leur escadre, qui était si éloignée, que pas un n'a pu arriver; trois mille sont cernés dans le château, six mortiers tirent dessus; cinq cents hommes se sont noyés hier en voulant rejoindre leur escadre. Il y a déjà eu plusieurs parlementages pour se rendre; mais ils sont dans la plus grande anarchie.

Le pacha est prisonnier: c'est ce si célèbre Mustapha qui a battu les Russes plusieurs fois la campagne passée. Nous avons pris plus de deux cents drapeaux, et quarante canons de campagne, la plupart de 4 de modèle français. Le général Fugières et le général Murat, le chef de brigade Morangié et Cretin ont été blessés: ce dernier est mort; le chef de brigade Duvivier a été tué, ainsi que l'adjudant-général Leturc, et mon aide-de-camp Guibert. La cavalerie s'est couverte de gloire: nous avons eu cent hommes tués et quatre cents blessés. Si vous êtes au Caire, retournez le plus tôt possible dans la Haute-Egypte, pour y achever la levée des impositions et des six cents dromadaires; je vous recommande surtout de faire filer les hommes du septième de hussards, du troisième, du quatorzième et quinzième de dragons.

BONAPARTE.




Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799).

Au général Reynier.

Vous avez reçu en route, citoyen commandant, l'ordre de retourner dans la Scharkieh.

Ne perdez pas un instant, puisque l'inondation approche, pour lever les impositions.

L'ennemi avait débarqué quinze mille hommes à Aboukir, pas un ne s'est échappé; plus de huit mille hommes se sont noyés en voulant rejoindre les bâtimens: leurs cadavres ont été jetés sur la côte au même endroit où furent, l'année dernière, jetés les cadavres anglais et français.

Le pacha a été fait prisonnier.

L'on m'assure que le visir, avec huit mille hommes, est arrivé à Damas; et qu'il avait le projet de se rendre dans la Scharkieh. Aux moindres nouvelles que vous en auriez, réunissez toute votre division à Belbeis; ayez soin que Salahieh soit approvisionné; faites-y une visite pour activer les travaux de manière que les redoutes soient à l'abri d'un coup de main.

Je donne ordre pour qu'on vous fasse passer de Rahmanieh un obusier et une pièce de 8; nous ne manquons pas de pièces de 4, car nous en avons pris trente à l'ennemi; nous avons eu cent hommes tués et quatre cents blessés; Murat, Fugières, Morangié sont des seconds; Leturc, Cretin, Duvivier et mon aide-de-camp Guibert, sont des premiers.

Le bataillon de la quatre-vingt-cinquième, qui est à Rosette, va retourner au Caire.

BONAPARTE.




Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799).

Au général Dugua.

L'état-major vous aura instruit du résultat de la bataille d'Aboukir, c'est une des plus belles que j'aie vues; de l'armée ennemie débarquée, pas un homme ne s'est échappé.

Le bataillon de la quatre-vingt-cinquième part de Rosette pour se rendre au Caire.

Aux moindres nouvelles de Syrie, réunissez toutes les troupes de la division Reynier à Belbeis.

J'écris au général Desaix de retourner dans la Haute-Egypte.

Le général Lanusse se rend à Menouf.

Le général Kléber sera à Damiette lorsque vous recevrez cette lettre.

Je reste ici quelques jours pour débrouiller ce chaos: d'Alexandrie, au moindre événement, je puis être au Caire dans trois jours.

Comme il est possible que je passe par Rosette, envoyez-m'y les dépêches importantes, que vous m'adresseriez par duplicata.

Je pense rester à Alexandrie jusqu'au 12.

BONAPARTE.




Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799).

Au général Menou.

La place d'Aboukir est un poste important, je n'ai pas cru pouvoir la confier en meilleures mains que celles de l'adjudant-général Jullien.

Le bataillon de la soixante-neuvième va se rendre auprès de vous pour remplacer celui de la quatre-vingt-cinquième, qu'il est très-urgent de faire passer au Caire.

Dix-huit vaisseaux de guerre français ont passé de Brest à Toulon, où ils sont bloqués par l'escadre anglaise. L'hiver les fera arriver.

Restez à votre position jusqu'à ce que le fort soit pris.

La moitié de la garnison veut se rendre, et l'autre moitié aime mieux se noyer. Ce sont des animaux avec lesquels il faut beaucoup de patience. Au reste, la reddition ne nous coûtera que des boulets.

BONAPARTE.




Au quartier-général d'Alexandrie, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799).

Au Directoire exécutif.

Bataille d'Aboukir.

Je vous ai annoncé, par ma dépêche du 21 floréal, que la saison des débarquemens me déterminait à quitter la Syrie.

Le 23 messidor, cent voiles, dont plusieurs de guerre, se présentent devant Alexandrie, et mouillent à Aboukir. Le 27, l'ennemi débarque, prend d'assaut, et avec une intrépidité singulière, la redoute palissadée d'Aboukir. Le fort capitule; l'ennemi débarque son artillerie de campagne, et, renforcé par cinquante voiles, il prend position, sa droite appuyée à la mer, sa gauche au lac Maadieh, sur de hautes collines de sable.

Je pars de mon camp des Pyramides le 27, j'arrive le 1er thermidor à Rahmanieh, je choisis Birket pour le centre de mes opérations, et, le 7 thermidor, à sept heures du matin, je me trouve en présence de l'ennemi.

Le général Lannes marche le long du lac, et se range en bataille vis-à-vis la gauche de l'ennemi, dans le temps que le général Murat, qui commande l'avant-garde, fait attaquer la droite par le général Destaing: il est soutenu par le général Lanusse.

Une belle plaine de quatre cents toises sépare les ailes de l'armée ennemie; notre cavalerie y pénètre, et, avec la rapidité de la pensée, se trouve sur les derrières de la gauche et de la droite de l'ennemi, qui, sabré, culbuté, se noie dans la mer: pas un n'échappe. Si c'eût été une armée européenne, nous eussions fait trois mille prisonniers: ici ce furent trois mille hommes morts.

La seconde ligne de l'ennemi, située à cinq ou six cents toises, occupe une position formidable. L'isthme est là extrêmement étroit; il était retranché avec le plus grand soin, flanqué par trente chaloupes canonnières: en avant de cette position, l'ennemi occupait le village d'Aboukir, qu'il avait crénelé et barricadé. Le général Murat force le village, le général Lannes, avec la vingt-deuxième et une partie de la soixante-neuvième, se porte sur la gauche de l'ennemi; le général Fugières, en colonnes serrées, attaque la droite. La défense et l'attaque sont également vives, mais l'intrépide cavalerie du général Murat a résolu d'avoir le principal honneur de cette journée; elle charge l'ennemi sur sa gauche, se porte sur les derrières de la droite, la surprend à un mauvais passage; et en fait une horrible boucherie. Le citoyen Bernard, chef de bataillon de la soixante-neuvième, et le citoyen Baylle, capitaine de grenadiers de cette demi-brigade, entrent les premiers dans la redoute, et par là se couvrent de gloire.

Toute la seconde ligne de l'ennemi, comme la première, reste sur le champ de bataille ou se noie.

Il reste à l'ennemi trois mille hommes de réserve qu'il a placés dans le fort d'Aboukir, situé à quatre cents toises derrière la seconde ligne; le général Lanusse l'investit: on le bombarde avec six mortiers.

Le rivage, où, l'année dernière, les courans ont porté les cadavres anglais et français, est aujourd'hui couvert de ceux de nos ennemis: on en a compté plusieurs milliers: pas un seul homme de cette armée ne s'est échappé.

Kuceiï Mustapha, pacha de Romélie, général en chef de l'armée, et cousin germain de l'ambassadeur turc à Paris, est prisonnier avec tous ses officiers: je vous envoie ses trois queues.

Nous avons eu cent hommes tués, et cinq cents blessés. Parmi les premiers, l'adjudant-général Leturcq, le chef de brigade Duvivier, le chef de brigade Crétin, et mon aide-de-camp Guibert. Les deux premiers étaient deux excellens officiers de cavalerie, d'une bravoure à toute épreuve, que le sort de la guerre avait long-temps respectés; le troisième était l'officier du génie que j'ai connu qui possédait le mieux cette science difficile, et dans laquelle les moindres bévues ont tant d'influence sur le résultat des campagnes et les destinées des états: j'avais beaucoup d'amitié pour le quatrième.

Les généraux Murât et Fugières, et le chef de brigade Morangié, ont été blessés. Le général Fugières a eu le bras gauche emporté d'un coup de canon; il crut mourir: Général, me dit-il, vous envierez un jour mon sort, je meurs sur le champ d'honneur. Mais le calme et le sang-froid, premières qualités d'un véritable soldat, l'ont déjà mis hors de danger; et, quoiqu'il ait été amputé a l'épaule, il sera rétabli avant quinze jours.

Le gain de cette bataille est dû principalement au général Murat: je vous demande pour ce général le grade de général de division; sa brigade de cavalerie a fait l'impossible.

Le chef de brigade Bessières, à la tête des guides, a soutenu la réputation de son corps; l'adjudant-général de cavalerie Roize a manoeuvré avec le plus grand sang-froid: le général Junot a eu son habit criblé de balles.

Je vous enverrai dans quelques jours de plus grands détails, avec l'état des officiers qui se sont distingués.

J'ai fait présent au général Berthier, de la part du directoire exécutif, d'un poignard d'un beau travail, comme marque de satisfaction des services qu'il n'a cessé de rendre pendant toute la campagne.

BONAPARTE.




Alexandrie, le 10 thermidor an 7 (28 juillet 1799).

Au citoyen Faultrier.

Indépendamment, citoyen général, des quatre pièces de 24, des deux mortiers à la Gomère, de douze pouces, et des deux mortiers de 10 pouces à grande portée, j'ordonne qu'on vous fasse encore passer deux pièces de 24. Il faut les placer de manière à raser les maisons qui sont hors du fort. Arrangez-vous de manière à tirer cent vingt bombes par mortier dans vingt-quatre heures: c'est le seul moyen d'avoir quelque bon résultat.

J'ordonne qu'on fasse partir cent cinquante marins pour servir aux travaux. Il faut décidément éloigner les chaloupes canonnières, raser les maisons du village, et de vos sept mortiers accabler le fort de bombes. J'espère que, dans la matinée ou demain tout ce résultat sera rempli. Vous aurez par là rendu un grand service.

BONAPARTE.




Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 août 1799).

Au général Dugua.

Le fort d'Aboukir, citoyen général, où l'ennemi avait sa réserve pendant la bataille, et qui avait été renforcé par quelques fuyards, vient de se rendre. Nous n'avons pas cessé de lui jeter des bombes avec sept mortiers, et nous l'avons entièrement rasé avec huit pièces de 24. Nous avons fait deux mille cinq cents prisonniers, parmi lesquels se trouvent le fils du pacha et plusieurs de leurs grands: indépendamment de cela, il y a un grand nombre de blessés et une quantité infinie de cadavres. Ainsi, de quinze à dix-huit mille hommes qui avaient débarqué en Egypte, pas un homme n'a échappé; tout a été tué dans les différentes batailles, noyé ou fait prisonniers. Je laisse un millier de ces derniers pour les travaux d'Alexandrie, le reste file sur le Caire.

Le 18, nous serons tous à Rahmanieh.

Faites mettre les Anglais au fort de Sullowski; faites préparer un logement à la citadelle pour le pacha, son fils, le grand trésorier, une trentaine de grands, et à peu près deux cents officiers du grade de colonel jusqu'à celui de capitaine. S'il est nécessaire, vous pourrez mettre les prisonniers arabes dans un autre fort. Quant aux soldats, j'en enverrai du Caire à Damiette, Belbeis, Salabieh, pour les travaux.

Dix-huit vaisseaux de guerre et l'escadre de Brest sont depuis deux mois à Toulon; ils sont bloqués par l'escadre anglaise. Les marins prétendent ici qu'ils arriveront en toute sûreté au mois de novembre.

Il doit vous être arrivé des cartouches et beaucoup d'artillerie que j'ai ordonné d'envoyer de Rosette au Caire.

BONAPARTE.




Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 août 1799).

Au général Menou.

Vous devez avoir reçu, citoyen général, les ordres de l'état-major relativement aux troupes qui sont actuellement sous vos ordres, et aux prisonniers. Dans la journée de demain, il ne-vous restera plus qu'un bataillon de la soixante-neuvième, les trois bataillons de la quatrième légère, et différens détachemens d'artillerie; faites sur-le-champ travailler à démolir les deux villages; faites déblayer toute l'artillerie de siège sur Alexandrie, hormis quatre pièces de 24, qui resteront à Aboukir, et deux mortiers à la Gomère. Faites embarquer à Rosette pour le Caire la pièce de 8 et l'obusier qui s'y trouvent; faites évacuer sur Rosette toutes les pièces de 4 ou de 3 qui ont été prises sur les Turcs, hormis deux qui resteront à Aboukir. Ordonnez qu'à mesure qu'elles arriveront à Rosette, on les fasse partir pour le Caire, hormis deux que l'on gardera pour le service de Rosette.

Faites rétablir le ponton pour servir au passage du lac; faites armer de deux pièces de 12 ou de 16 la batterie Picot, et, comme il est nécessaire qu'elle soit à l'abri d'un coup de main, commencez par faire fermer par un bon fossé et un mur crénelé cette batterie.

Faites recueillir et mettez dans un magasin toutes les tentes; avec le temps on les évacuera sur Rosette.

Quant aux blessés, j'ai écrit par un parlementaire aux Anglais de venir les reprendre, je vous ferai connaître leur réponse. Pour ce moment, faites-les réunir ensemble sous quelques tentes dans une mosquée.

Je désire que vous restiez encore quelques jours à Aboukir pour mettre les travaux en train, et réorganiser tout dans cette partie.

Ordonnez à l'adjudant-général Jullien de se rendre à Aboukir. Vous lui laisserez le commandement lorsque vous verrez les choses dans un état satisfaisant.

BONAPARTE.




Rahmanieh, le 20 thermidor an 7 (7 août 1799).

Au général Destaing.

Vous avez mal fait, citoyen général, d'attaquer les Anadis, et vous avez encore bien plus mal calculé de penser que je vous enverrais de la cavalerie pour une attaque que j'ignorais et qui était contre mes intentions. Je ne vois pas effectivement pourquoi aller sans artillerie, presque sans cavalerie, attaquer des tribus nombreuses qui sont toujours à cheval, et qui ne nous disaient rien. Puisque vous pensiez que je ne devais pas tarder à arriver à Rahmanieh avec la cavalerie, il était bien plus simple de l'attendre. Je n'ai reçu votre lettre que près de Rahmanieh, et j'avais alors envoyé le général Andréossi avec toute la cavalerie et deux pièces de canon à la poursuite des Ouladis. Je ne sais pas s'il les rencontrera et ce qu'il fera. Vous nous avez fait perdre une occasion que nous ne retrouverons que difficilement. Nous nous étions cependant bien expliqués à Alexandrie, de commencer à traiter avec les Anadis pour pouvoir les surprendre ensuite avec la cavalerie. J'imagine que les Arabes seront actuellement bien loin dans le désert. Au reste, je laisse l'ordre à Rahmanieh, au général Andréossi, de protéger, avec la cavalerie et les dromadaires, les opérations qui pourraient être nécessaires pour éloigner les Arabes, en supposant qu'ils ne seraient pas acculés dans le désert.

BONAPARTE.




Au Caire, le l3 thermidor an 7 (10 août 1799).

Au directoire exécutif.

Siège du fort d'Aboukir.

Le 8 thermidor, je fis sommer le château d'Aboukir de se rendre: le fils du pacha, son kiaya et les officiers voulaient capituler; mais ils n'étaient pas écoutés des soldats.

Le 9, on continua le bombardement.

Le 10, plusieurs batteries furent établies sur la droite et la gauche de l'isthme: plusieurs chaloupes canonnières furent coulées bas, une frégate fut démâtée, et prit le large.

Le même jour, l'ennemi, commençant à manquer de vivres, se faufila dans quelques maisons du village qui touche le fort: le général Lannes y étant accouru fut blessé à la jambe; le général Menou, le remplaça dans le commandement du siége.

Le 12, le général Davoust était de tranchée; il s'empara de toutes les maisons où était logé l'ennemi, et le jeta dans le fort, après lui avoir tué beaucoup de monde. La vingt-deuxième demi-brigade d'infanterie légère et le chef de brigade Magni, qui a été légèrement blessé, se sont parfaitement conduits. Le succès de cette journée, qui a accéléré la reddition du fort, est dû aux bonnes dispositions du général Davoust.

Le 15, le général Robin était de tranchée: nos batteries étaient sur la contrescarpe; nos mortiers faisaient un feu très-vif; le château n'était plus qu'un monceau de pierres. L'ennemi n'avait point de communication avec l'escadre, il mourait de soif et de faim; il prit le parti, non de capituler (ces gens-ci ne capitulent pas), mais de jeter ses armes, et de venir en foule embrasser les genoux du vainqueur. Le fils du pacha, le kiaya et deux mille hommes ont été faits prisonniers. On a trouvé dans le château trois cents blessés, dix-huit cents cadavres. Il y a telle de nos bombes qui a tué jusqu'à six hommes. Dans les premières vingt-quatre heures de la sortie de la garnison turque, il est mort plus de quatre cents prisonniers, pour avoir trop bu, et mangé avec trop d'avidité.

Ainsi cette affaire d'Aboukir coûte à la Porte dix-huit mille hommes et une grande quantité de canons.

Pendant les quinze jours qu'a duré cette expédition, j'ai été très-satisfait de l'esprit des habitans d'Egypte: personne n'a remué, et tout le monde a continué de vivre comme à l'ordinaire.

Les officiers du génie Bertrand et Liédot, le commandant de l'artillerie Faultrier, se sont comportés avec la plus grande distinction.

BONAPARTE.

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