Bella
CHAPITRE VII
Le mois d’août était torride. Mais Rebendart avait enjoint de fermer le jet d’eau du jardin. Il profitait de l’absence des Chambres pour préparer la mise en accusation de ma famille, et ce murmure le gênait dans son travail. Les merles, punis avec les Dubardeau, attendaient en vain tout le jour leur gargarisme et leur bain. Vers neuf heures, les soirs où Rebendart sortait, le chef des huissiers se glissait dans l’ombre, tournait le robinet, le laissait ouvert une heure, puis rentrait à sa loge avec la conscience d’avoir décongestionné la terre entière et la mine un peu coupable de ce père en prison qui buvait, pour le soulager, au sein de sa fille. Rebendart, au centre de la justice, était parvenu sans peine à trouver la sanction exacte à chacun des gestes de mes oncles et de mon père. Le geste de l’oncle Jules fécondant un continent par un système bancaire trop altruiste relevait de la correctionnelle. Le geste de l’oncle Émile créant une Internationale de radio-téléphonie relevait du Tribunal de commerce. Celui de mon père, refusant la brouille avec l’Angleterre et l’Amérique, valait la Haute Cour. Les Grecs eussent avantageusement chargé Rebendart de trouver la juridiction compétente pour ceux de leurs héros mythiques ou réels qui ont poussé trop loin la sagesse ou l’initiative, et qui en furent insuffisamment punis, le tribunal des douze pour Icare et la relégation pour Aristide. Avec plus de perfidie encore, sachant que les Français contestent les arrêts de leurs cours de justice, mais estiment irrévocables les verdicts pris par des jurys sans juges, il intriguait pour évoquer les affaires Dubardeau devant des conseils de discipline ou des assises… C’était à la veille des élections. Il se trouvait par chance au seul moment où les partis au pouvoir, au lieu d’imposer leur volonté au Gouvernement, dépendent de la sienne. L’opinion du Parlement était vis-à-vis de Rebendart dans un état de moindre résistance, et avec des gestes de médecin mais une voix d’hypnotiseur, il dictait aux travées sommeillantes la conduite qu’elles auraient à tenir après leur réveil définitif. Au seul nom de Dubardeau, chaque député tressaillait, encore incertain de la réaction que ces trois syllabes lui dictaient, mais sentant déjà qu’elle ne dépendait plus de lui et qu’elle serait finalement commandée par Rebendart. Ses agents avaient eu soin également d’accoupler notre nom à certains noms décriés, l’affaire Émile Dubardeau allait succéder à l’affaire Landru, l’affaire Jules Dubardeau se plaçait entre le jugement de deux traîtres. Il faut plusieurs siècles pour se remettre aux yeux du public d’avoir été exposé entre deux larrons. Ni le Parlement ni le monde ne protestaient. Ce qu’il y avait en France d’hommes indépendants était à Contrexéville, de femmes dévouées et audacieuses, à Luxeuil. En deux mois, notre nom pâlit suffisamment pour que Rebendart osât annoncer l’arrestation prochaine de l’oncle Jules.
Nous étions restés cet été-là près de Paris, sur la hauteur près de Saint-Germain, car nous savions que Rebendart eût répandu le bruit, si l’un de nous avait voyagé à l’étranger, que nous voulions passer la frontière. Je montais dîner chaque soir dans ma famille, porteur chaque soir d’une mauvaise nouvelle, facteur aussi des journaux et des lettres. Nous habitions presque au faîte de la colline où s’élève l’aqueduc de Versailles, et devant l’aqueduc de Marly. Nous dominions Paris. Les jours étaient longs et le soleil était loin d’être couché quand j’arrivais. Mes oncles et mon père, de même qu’ils niaient la maladie, ne voulaient pas non plus admettre la chaleur. Sur ce mamelon dont l’unique fraîcheur était la vue des deux aqueducs, par des chaussées montagneuses et sans ombre, au macadam rongé par tous les scorbuts, laissant à tour de rôle sur une borne la redingote qui était, avec l’habit vert, l’uniforme de ma famille, ils s’étaient mis en tête d’apprendre à monter à bicyclette. Ils n’en avaient eu jusqu’à ce jour ni le temps ni l’occasion. Je retrouvais ces quinquagénaires avec toutes les marques qui dénoncent sur un enfant laissé seul la désobéissance et la dissipation, une bosse au front du physicien, une déchirure à la culotte de l’ancien ministre. On s’apercevait au cours du dîner qu’il y avait un coccyx plus sensible, un pouce tourné. Ils portaient ces blessures avec le même dédain et le même sérieux que les cicatrices dont l’univers avait tiré profit et que leur avait values le radium ou l’explosion d’un gaz. Leur seul regret était qu’il n’y eût pas deux bicyclettes, car chacun prétendait être plus rapide que l’autre et lui lançait des défis. Ils affectaient de ne pas sentir la laisse qui les attachait ainsi, comme des relégués, aux portes de Paris, mais quand l’oncle Charles, ne pouvant arrêter son vélo, dévalait par les descentes de Marly jusqu’à la machine tournante, il arrêtait un taxi pour le remonter au plus vite jusqu’à nous. A part le physicien, qui avait installé depuis la guerre sur une tour voisine des appareils de télégraphie sans fil et d’optique, chacun voyait ses travaux compromis par l’éloignement de ses champs d’action ou d’étude, mais à défaut de l’insecte rare, le naturaliste se rabattait sur la fourmi, le banquier se liait avec un employé de la succursale du Crédit Lyonnais de Saint-Germain. Jamais aucun d’eux ne souffrait de reprendre ainsi la science à son commencement. Avec leur optimisme invincible, ils attribuaient aux vacances la rareté des visites, des lettres, la disparition de nos habitués. La période qui va du 1er juillet au 15 novembre est une bien facile période pour les ingrats. Ou bien, appréciant en cyclistes débutants la difficulté de monter jusqu’à notre maison, mes oncles excusaient les anciens amis dont le journal nous signalait le passage à Paris, comme si l’ancien Président de la République, le Ministre des Finances, et telle poétesse illustre devaient venir les voir à bicyclette. Mais, déjeunant à Paris, je voyais en fait tout ce qui était mondain, bourgeois, se détacher avec plus ou moins de précaution de nous. En deux mois, je constatai que la façon de nous juger et de nous comprendre avait changé. Le bonheur et la chance ont une merveilleuse acoustique ; les mots partout colportés autrefois de l’oncle Jules ne portaient plus, l’allure de notre famille entière intéressait moins. Les plus complets savants du monde, les hommes d’État les plus utiles subissaient cette défaveur qui atteint les chanteurs de café-concert, les boxeurs. Si j’avais eu une maîtresse, je l’aurais sentie, à d’imperceptibles signes, débordante d’amour d’avoir à se donner à un fils de réprouvé. Mais mes oncles ne voulaient rien constater dans la façon dont la science se donnait à eux. Ils refusaient d’utiliser pour leurs découvertes et leurs écrits ce flux de divination que donne l’infortune. On leur écrivait moins ? On ne venait plus les voir ? C’était les vacances. Ces cadeaux dont les inondaient les horticulteurs, les princes en mission, étaient taris ? C’était les vacances. C’était les vacances des orchidées, des manuscrits persans. L’ambassadeur qui avait prétendu revenir d’Extrême-Orient pour les voir prenait, vers Singapour ou Port-Saïd, à la lecture de son courrier, un aiguillage qui l’amenait à Versailles, villégiature de Rebendart, et non à Saint-Germain, la nôtre. Les vacances de la reconnaissance, du courage. Les prospectus des grands magasins, les lettres de mort ou de mariage leur parvenaient encore. Ils avaient assez d’imagination pour se suffire de ce contact théorique avec l’humanité. Un jour, le messager leur apporta une bicyclette toute neuve, don anonyme. C’était moi qui l’avais achetée. Ils l’attribuèrent à chacun des mille ingrats. Tout était bien. Ils étaient heureux.
Ils souffraient. Du moins le jour, et dans leurs études. Le bain journalier dans un flot de familiers, de demi-inconnus, de voix et de sourires leur était nécessaire. Ce n’était pas seulement par effet de l’habitude qu’ils aimaient travailler dans le bruit, dans des pièces couloirs où les gens passaient et repassaient, des gens qui s’appelaient Durand ou Dupont, Bloch ou Bechamort, La Rochefoucauld ou Uzès. L’humanité était le ferment qui faisait réussir leurs recherches. Dans toutes leurs expériences sur les mélanges de gaz, sur les plantes hybrides, sur la vitalité de l’Autriche, ils pouvaient à l’énumération des produits mélangés ajouter : j’y ajoute un homme. La présence d’un être médiocre nommé Labaville avait amené la réussite de la synthèse. Quand Labaville n’était pas là, avec ses boutons et sa cravate de cachemire à bague d’or, l’oncle Charles travaillait mal. Tous avaient besoin pour essuie-plume ou essuie-regard, quand ils relevaient les yeux des mélanges en fusion ou des venins au travail, d’un visage. Jusqu’à l’astronome, le soir, qui en face du firmament exigeait près de lui la tête pâle de son secrétaire. Le rythme de la vie humaine autour de ces expériences que des cyclopes ou des martiens auraient pu eux aussi réussir était peut-être indispensable pour que la recherche ne divaguât pas hors de l’humanité même. Or, ce flux d’amis, ce sérum terrestre se retirait. Un soir, je les retrouvai absolument seuls, ce que je n’avais jamais vu de ma vie. Même dans nos fêtes de famille, l’un d’eux avait glissé quelque ami de longue date ou quelque visiteur du matin. Il y avait toujours eu à caresser à la maison un humain beau ou laid que les frères se passaient comme le chat de la pension et auquel ils racontaient, comme à un vrai chat, jusqu’à des secrets… Ce jour-là, ils étaient seuls. Ils ne se rendaient pas compte de ce qui les rendait moins bavards, moins gais aussi. C’est qu’il y avait pour eux ce soir-là une première fin du monde. Paris s’alluma, étincela. De ces cinq millions d’hommes entassés au-dessous de nous, aucun n’était avec nous. Nos appareils de télégraphie sans fil parlèrent ; de ces deux milliards d’êtres épars dans les continents, aucun ne buvait en ce moment notre marc ou ne se faisait raconter notre histoire du traité de Versailles. Le courrier du soir arriva. Mais ils ne recevaient plus guère de lettres que de leurs égaux en science, en génie de la vie. Il n’y avait pas ce soir de lettres signées de ces noms qu’on voit sur les boutiques, seules cartes de visite de l’humanité. Il n’y avait qu’un message téléphoné de Mme Curie et une longue lettre d’Anatole France… Les Roudinot nous oubliaient, ces petits fonctionnaires auxquels nous nous étions tous efforcés, on ne sait pourquoi, car ils n’étaient eux-mêmes que médiocrité, de fournir les plus beaux spectacles, les plus beaux souvenirs de guerre, les plaçant pour la bataille de la Marne à Paris même, logeant chez eux Pershing, leur obtenant une estrade près de l’Arc de Triomphe pour le défilé final. Les Bahut nous oubliaient, auxquels notre famille au contraire réservait, — pourquoi encore ? car ils se querellaient sans arrêt, — les solennités pacifiques, les loges de ballets russes, les billets pour les centenaires. On téléphona. Mais ce n’était que Vincent d’Indy… Pourquoi pas Wagner ! Les seuls êtres, les seuls noms qui nous effleuraient maintenant étaient ceux des êtres célèbres, les noms d’êtres relativement immortels, qui n’étaient pas liés à nous par la vie seule, mais dont la présence, après leur mort même, ne serait pas diminuée. Allions-nous être condamnés à un étage supérieur de l’humanité, à Thomas Hardy, à Einstein, à Foch, à une sorte de dialogue des morts entre vivants, à Vercingétorix, à Fénelon, à Lavoisier ? Tout nous était fidèle, tout était stable et invariable pour nous dans l’impondérable domaine, mais ces signaux d’hommes illustres à hommes illustres ressemblaient vraiment trop aux premiers feux qu’échangeaient de colline à colline les hommes, quand l’humanité n’existait pas. Les piles retirées de leurs fluides se parlaient l’une à l’autre, mais elles n’étaient plus vivantes. Jusqu’aux avions qui avaient tourné par dizaines autour de nous, avant le coucher du soleil, en revenant atterrir à Chaville, et qui ne leur avaient donné qu’une caresse théorique ! Ils étaient là entre inventeurs, l’inventeur du sérum contre le cancer, de la lampe électrique qui donne la fusion des gaz, le théoricien des migrations humaines, mais il manquait entre eux l’inventeur des ceintures hygiéniques, des boutons de faux-col à bascule, en un mot les hommes.
Mais la nuit venait. Cette nuit qui fait sentir au commun des hommes leur adhérence avec les éléments prétendus éternels, qui les rapproche du dieu qu’ils ont choisi, qui leur apporte le détachement du monde, redonnait justement à ma famille le contact qu’elle avait perdu avec les habitants de la planète. Au-dessus de la ville, les réclames lumineuses leur répétaient ces noms nécessaires à leur travail : Duval, Citroën. Les appareils de radio, plus perfectionnés d’ailleurs en ce lieu même, nous comblaient de nouvelles, nous présentaient par leurs noms les solistes de la Tour Eiffel, nommés Peignecod et Millard, et raflaient d’un coup tout ce que les ondes, de Nauen à Shanghaï, contenaient cette nuit de music-hall, de finances et de politique. La communion avec les amis ingrats et traîtres était rétablie par un morceau de la garde républicaine, par une annonce de l’armée du salut. C’était l’heure vulgaire des éléments déchaînés par la science. C’était la fête de Neuilly des hommes électriques. Mes oncles et mon père, qui aimaient d’ailleurs monter à Neuilly sur les manèges et entrer chez l’Aérogyne, prenaient goût à cette foire. De cette terrasse où pendant la guerre était le poste d’écoute des sous-marins allemands, dont les signaux nous heurtaient durement de la mer du Nord, plus doucement de la Méditerranée, comme si c’étaient les eaux et non l’air qui nous les transmettaient, où s’inscrivaient aujourd’hui sur nous en même temps que deux communiqués truqués et enfantins les véritables coups de la guerre, nous arrivait la voix de Damia, des monologues, et le résultat des courses. Le mardi, il y avait cinéma à Louveciennes, et nous y allions en bande voir les Trois Mousquetaires ou des films d’actualité. Mais ces images, vieilles de quelques mois, paraissaient vieilles de siècles, et augmentaient en moi l’impression d’une famille restée seule après un déluge et ouvrant, pour se rappeler les époques foisonnantes, des microphones laissés par la police noyée, ou les disques conservés dans les caves des Arts et Métiers. De la ville au-dessous de nous, nous ne voyions que le plein de feu, les lignes de feu qui étaient les rues, les blocs de feu qui étaient les monuments, les cercles de feu qui étaient les places. Les seuls animaux qui nous effleuraient étaient des chauves-souris, étaient des animaux préhistoriques. Nos domestiques avaient pris cette voix voilée et cette qualité divine qui revêt, dans le naufrage, dans les épreuves, les serviteurs dévoués. Nous en étions arrivés à consulter davantage les baromètres, les thermomètres, comme si nous faisions quelque ascension et tentions de battre un record d’altitude. Les lectures aussi s’élevaient. Insensiblement, tous les livres récents et faciles, dont la lecture et la discussion ne demandaient qu’un jour, avaient fait place aux grands livres. L’oncle Charles relisait Faust, l’oncle Jules l’Introduction à la Médecine expérimentale, mon père Robinson Crusoé. Quand je descendais à Paris, j’emportais une liste de livres à prendre chez le libraire à la mode : c’était la Bible ou Montesquieu. Un jour, je n’y tins plus, et je ramenai à déjeuner Fontranges.
Jamais homme inconnu pénétrant chez un peuple hospitalier et curieux, jamais troupe de renfort arrivant doubler une garnison assiégée, ne fut reçue avec plus d’effusion que Fontranges par ma famille. Ce survivant de l’humanité disparue portait tous les attributs dont on l’eût revêtu dans les planches d’une histoire faite par les observateurs d’une autre planète, sa cravate Lavallière, son jonc à pomme d’or, son monocle. Ce noble laisser-aller qui signalait déjà l’armure même des Fontranges pendant la guerre de Cent ans, distinguait encore son veston noir bordé de ganses. Son mouchoir pendait démesurément de sa pochette, son monocle à cordon de soie semblait le seul balancier de sa pensée, mais ses ongles étaient faits, ses cheveux parfumés et secs. J’avais certainement choisi l’humain dont le savon était le meilleur. Il avait de grands gestes déférents, et faisait de grandes grâces aux êtres et aux bibelots, comme les Martiens peuvent croire que font les hommes. Avant le déjeuner, mes oncles l’emmenèrent à Marly. Il saluait les prêtres, les religieuses, les monuments aux morts, et toute la bourgeoisie de Marly, aux fenêtres, regardait avec considération cet otage du monde que promenaient les Dubardeau. Il vit sur notre cheminée un portrait de Renan. Il avait beaucoup entendu parler de Renan. Vie familiale parfaite, n’est-ce pas ? Attitude catholique peut-être un peu moins sûre ? Il s’inclina. Il montrait pour la science les mêmes égards que pour une femme qu’on ne connaît que de vue. Il la saluait. Et ce portrait-là ? C’était Kipling ? Il regrettait de n’avoir jamais eu l’occasion de lire Kipling. Mes oncles s’empressaient. Ils avaient délaissé pour lui Robinson, Montaigne et les Évangiles. Chacun cherchait dans sa spécialité par quelle échelle de fortune il allait pouvoir hisser dans la conversation cet être doux, ignorant et bon. Il y avait par bonheur autour de nous de nombreux objets avec lesquels il ne s’était jamais familiarisé, la bicyclette par exemple. Tous ces membres de l’institut eurent beau jeu à lui expliquer cette invention moderne, prodigieuse, la bicyclette. On démonta la roue arrière devant lui. Les billes l’intéressèrent particulièrement, le changement de vitesse. N’éviterait-on pas beaucoup de maladies, de maladies contagieuses, par exemple, si nos articulations fonctionnaient avec ce système ? Enhardi peu à peu, devant ces hôtes qui connaissaient tout, il hasarda des questions qu’il n’avait jamais eu l’occasion de poser depuis sa jeunesse, et que lui avait aussi posées, avec un succès mitigé, son fils. Comment fonctionnaient les phares ? Qu’est-ce que les marées ? Est-il vrai que la lune les provoque ? La houille verte a-t-elle autant d’avenir que la houille blanche ? En somme tout un questionnaire sur la mer, qu’il connaissait d’ailleurs à peine, d’un jour passé à Dieppe, qu’il connaissait juste de vue, ainsi que Kipling et Renan. Il repartit vers l’hôtel du Louvre lesté de connaissances exactes sur la migration des anguilles et leur reproduction dans la mer des Sargasses, sur la petite usine qui utilise le flux et le reflux du Golfe de Gascogne, sur la beauté du vert de nos feux fixes, si envié des Anglais. L’oncle Jules lui promit de faire monter sur la tour les principaux modèles de lanternes de phares, ce qui lui était facile, car il était l’ami du conservateur du dépôt, et de les essayer un soir devant lui. Fontranges dut quitter Paris quelques jours après sans revenir dîner, mais les Parisiens purent voir, pendant les nuits de septembre, surgissant de Marly, des feux de toutes couleurs, toutes forces, et toute durée ; c’étaient les feux qui annonçaient la pointe du Raz, les rochers des Sanguinaires, le blocus de la Méditerranée, la peste dans Saïgon. En fait, c’étaient mes oncles faisant des signes au dernier homme.