Chroniques de J. Froissart, tome 07/13 : $b 1367-1370 (Depuis l'expédition du Prince de Galles en Espagne jusqu'à la nomination de B. Du Guesclin à la charge de Connétable de France)
NOTES
CHAPITRE XCI
[1] Froissart ajoute que cet enfant naquit le jour de l’Apparition des trois Rois, qui tomba en cette année un mercredi. Cette remarque est parfaitement exacte. La fête de l’Épiphanie que l’on célèbre le 6 janvier tomba, en 1367, un mercredi. Dans le quatrième livre de ses Chroniques, Froissart a pris soin de nous dire qu’il était à Bordeaux au moment de la naissance de Richard II: «A savoir est que j’estoie en la cité de Bourdiaus, et seans à table, quant li rois Richars fu nés, liquels vint au monde par un mercredi, sur le point de dix heures.» Peu s’en fallut même que l’infatigable chroniqueur ne prit part à l’expédition d’Espagne; et s’il n’alla pas plus loin que Dax, c’est que le prince de Galles le renvoya en Angleterre auprès de la reine Philippa, à la personne de laquelle Froissart était alors attaché en qualité de clerc: «Car vu ne l’avoie (il s’agit de Richard II) depuis qu’il fu tenus sur les fons en l’eglise cathedrale de la cité de Bourdiaus, car pour ces jours je y estoie. Et avoie intention d’aller au voyage d’Espaigne avoec le prince de Galles et les seigneurs qui au voyage furent; mais quant nous fusmes en la cité de Dax, le prince me renvoya arrière en Angleterre devers madame sa mère.» La principale source où a puisé Froissart, pour cette partie de ses Chroniques, est la chronique rimée du héraut Chandos sur les faits d’armes du prince de Galles, publiée dans ces derniers temps par M. Coxe pour le Roxburgh-Club. Life of Edward the black prince, in-4o de I-XII et 1-399 pages.
[2] 10 janvier 1367.
[3] Dax, Landes. Asc ou Ax, leçon que donnent les meilleurs manuscrits de Froissart, est l’ancienne et bonne forme du nom de cette localité. La forme actuelle, qui n’a supplanté définitivement la forme primitive qu’à la fin du dernier siècle, résulte d’une soudure de la préposition De, avec élision de l’e final, et de Ax.
[4] Nous identifions le «Saint Mahieu de Fine Poterne» de Froissart avec Saint-Mathieu-Fin-de-Terre ou Fineterre, promontoire et hameau de la commune de Plougonvelin, Finistère, arr. Brest, c. Saint Renan, sur l’Océan. Dans une quittance en date du 4 juillet 1374, Pierre de Karrimel s’intitule capitaine de «Saint Mahie de Fine Poterne». Bibl. Nat., Tit. sc. de Clairambault, vol. 62, fo 4823.
[5] Aujourd’hui Miranda-de-Arga, Espagne, prov. Navarre, diocèse de Pampelune, sur l’Arga. Il faut bien se garder de confondre, suivant un exemple récent (Œuvres de Froissart, XXV, 79), Miranda-de-Arga, ville située, comme le fait remarquer Froissart, à l’entrée du royaume de Navarre, du côté de la Gascogne, avec Miranda-de-Ebro, bourg situé sur l’Èbre et dans le diocèse de Burgos.
[6] Aujourd’hui Puente la Reina, prov. Navarre, sur l’Arga. Cette petite place forte, qui fait partie du diocèse de Pampelune, est à 4 kil. S. O. de cette ville. La chronique rimée du héraut Chandos mentionne aussi cette occupation de Miranda et de Puente la Reina par Hugh de Calverly, qui commandait un détachement de l’avant-garde de l’armée anglaise:
[7] Don Martino Henriquez ou Enriquez de la Carra.
[8] Basses-Pyrénées, arr. Mauléon.
[9] Landes, arr. Dax.
[10] La forme de ce nom de lieu, dans les divers manuscrits de Froissart, est Pierreferade ou Pierreferrade. Cette forme est tout à fait vicieuse. L’étymologie vraie de Peyrehorade est, sans aucun doute, le composé latin Petraforata, en français Pierreforée. Certains noms de lieu, que l’on trouve dans d’autres régions de la France, tels que Pierrepercée ou Pierrepertuse, sont les équivalents exacts de Peyrehorade. Dans ce dernier mot, le changement de f latin en h est un des caractères distinctifs de l’espagnol, et notre savant confrère, M. A. Longnon, nous fait remarquer qu’on le retrouve dans beaucoup de noms de lieu du pays basque: La Hitte, équivalent de La Fitte, Horcade, équivalent de Forcade, etc.
[11] Si le prince d’Aquitaine resta près d’un mois à Dax, il n’était pas seulement occupé à y concentrer ses forces; il y attendait surtout de l’argent pour entrer en campagne. Par acte daté d’Ax (aujourd’hui Dax, Landes) le 29 janvier 1367 (n. st.), Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, donna procuration à Jean des Roches, sénéchal de Bigorre, pour recevoir en son lieu et place 30 000 francs sur la rançon du roi Jean (Arch. Nat., J 642, nº 27). C’est par erreur qu’Ax a été identifié avec Ax-sur-Ariége (Chron. de J. Froissart, VI, XCI).
[12] En 1367, la mi-février ou le 14 février tomba un dimanche.
[13] Sans doute le lundi 15 février.
[14] Dimanche 21 février 1367. L’armée anglaise tout entière avait franchi les défilés de Roncevaux à la date du 20 février 1367, comme cela résulte d’une lettre adressée par don Pèdre le 19 février aux habitants de Murcie. Cascales, Hist. de Murcia, 116.
[15] Aujourd’hui Santo Domingo de la Calzada, Espagne, prov. Logroño, dioc. Calahorra, sur le chemin qui va de Pampelune à Burgos en passant par Logroño. D’après Ayala, beaucoup mieux informé que Froissart sur ce qui se passe à la cour de Burgos, Bertrand du Guesclin se trouvait dès lors auprès de don Enrique.
[16] Cette lettre n’est, sauf la rime, que la reproduction du texte donné par le héraut Chandos; mais ni Chandos ni Froissart n’ont fait mention d’une réponse de don Enrique de Trastamare à une lettre du prince de Galles, réponse datée du camp de Najera le 2 avril 1367 et dont on trouve le texte dans Rymer (Foedera, vol. III, p. 824) et dans Ayala (Abreviada, p. 555 et 556). Cette réponse est un document d’une importance capitale en ce qu’il nous montre combien ce que nous appelons aujourd’hui le principe de la légitimité est resté étranger à l’Espagne du moyen âge.
[17] Thomas était sénéchal d’Aquitaine et Guillaume sénéchal de Poitou.
[18] Comme l’armée anglaise s’avançait alors vers Burgos par la route de Vitoria, le Navarrete dont il s’agit ici ne peut être que le Navarrete situé en Alava et au diocèse de Calahorra; mais Froissart a cru par erreur qu’il était question du Navarrete de la province de Logroño, sur la rive droite de l’Èbre, plus important et plus connu que celui de l’Alava. Voilà pourquoi notre chroniqueur fait passer ici prématurément l’Èbre à la petite troupe d’éclaireurs commandée par Thomas Felton.
[19] Dès 1366, Bertrand du Guesclin, à qui le roi d’Aragon venait de donner le comté de Borja, avait nommé son cousin Olivier de Mauny, l’un de ses plus anciens compagnons d’armes, capitaine de la forteresse de Borja, chef-lieu du comté de ce nom. Borja (aujourd’hui Espagne, prov. Zaragoza, dioc. Tarazona) faisait autrefois partie du royaume d’Aragon, et se trouve presque à la limite de ce pays, de la Navarre et de la Castille Vieille, à 20 kil. au S. E. de Tudela.
[20] Cette arrestation concertée eut lieu le 13 mars 1367 (Grandes Chroniques, VI, 245, 246). S’il faut en croire Ayala (dans Cronicas de los Reyes de Castilla, Madrid, 1875, I, 550), Charles le Mauvais avait acheté la complaisance de son geôlier en lui promettant une rente de 3000 francs et la ville de Gavray en Normandie: «é que el Rey de Navarra daria por heredad al dicho Mosen Oliver un castillo é villa que el Rey de Navarra avia en tierra de Normandia en Francia, que dicen Gabray, con tres mil francos de oro de renta.» «Gabray» où M. Mérimée a vu Guibray (Hist. de don Pèdre Ier, Paris, 1874, p. 453) est évidemment une mauvaise leçon pour Gavray (Manche, arr. Coutances). Le château de Gavray appartenait en effet au roi de Navarre, qui n’eut jamais, en revanche, Guibray en sa possession.
[21] Martin Enriquez de la Carra alla rejoindre, à la tête de trois cents lances, l’armée anglaise près de Pampelune.
[22] Petit village d’Espagne, prov. Navarre, dioc. Pampelune, sur la rive droite du ruisseau Lecumbegui, près de Larracin. Le pas d’Arruiz est devenu dans Froissart le pas de «Sarris».
[23] La province de Guipuzcoa (l’Epuske de Froissart) est au nord-ouest de la Navarre, entre cette dernière province et la Biscaye.
[24] Espagne, prov. Alava, dioc. Calahorra, sur la route de Pampelune à Vitoria, à 16 kil. à l’est de cette dernière ville.
[25] Cette reddition de Salvatierra à don Pèdre est confirmée par Ayala: «.... la villa de Salvatierra, que es en aquella comarca, se diera al Rey Don Pedro é le acogiera.» Le 22 juin 1382, le chroniqueur espagnol que nous venons de citer, don Pedro Lopez de Ayala, fut fait comte de Salvatierra par don Juan Ier, roi de Castille.
[26] Najera, Espagne, prov. Logroño, dioc. Calahorra, sur le cours d’eau Najerilla, affluent de la rive droite de l’Èbre. D’après Ayala, les positions qui furent successivement occupées par don Enrique sont les suivantes: Santo Domingo de la Calzada, Bañares, sur la rive droite de l’Èbre; sur la rive gauche, Añastro près de Treviño, enfin Zaldiaran, château royal juché sur l’une des plus hautes sierras de l’Alava. Ce fut la force de cette dernière position qui décida le prince de Galles, arrivé jusqu’à Vitoria, à marcher sur Burgos par un autre chemin.
[27] D’après la chronique d’Ayala, ce renfort était, comme nous l’avons dit plus haut, arrivé depuis longtemps.
[28] Ayala, qui omet don Sanche parmi ceux qui prirent part à cette escarmouche, mentionne en revanche, parmi les Français, Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, et le Bègue de Villaines; parmi les Aragonais, don Alfonso, comte de Denia, fils de l’infant don Pedro d’Aragon; enfin, parmi les Castillans, Pero Gonzalez de Mendoza, don Pero Moñiz, maître de Calatrava, don Juan Ramirez de Arellano, et les deux grands maîtres de Santiago, en Castille et en Léon, don Pero Ruiz de Sandoval et don Ferrand Osores.
[29] Ayala dit que cet engagement eut lieu à Ariñiz: «cerca de una aldea de Alava que dicen Ariñiz.» Ariñez (prov. Alava, dioc. Calahorra) est aujourd’hui un petit village situé dans la banlieue de Vitoria, sur la route qui va de cette ville à Burgos et à Madrid.
[30] La résistance héroïque des Anglais et la bravoure téméraire de Guillaume Felton frappèrent tellement les imaginations que le souvenir s’en est conservé dans l’Alava jusqu’à nos jours. On montre encore aujourd’hui près d’Ariñez le tertre où Guillaume Felton tomba criblé de coups après avoir combattu tout un jour. On l’appelle, dans le patois du pays, Inglesmendi, la butte des Anglais. Ayala, Cronica del Rey Don Pedro dans Cronicas de los Reyes de Castilla, Madrid, 1875, gr. in-8o, p. 554, col. 1, note 2.
[31] Le roi de France se trouvait alors lié par le traité de Brétigny, mais toutes ses sympathies n’en étaient pas moins pour don Enrique. Charles V adressa même un message spécial au roi de Castille pour lui donner le conseil rapporté par Froissart, conseil qui fut fortement appuyé par le sire d’Audrehem et Bertrand du Guesclin: «Estando el Rey Don Enrique en el encinar de Bañares, do tenia sus Compañas ayuntadas, ovo cartas mensageras del Rey Don Carlos de Francia, por las quales le envió rogar é consejar que non pelease, é que escusase aquella batalla, ca él le facia cierto que con el Principe de Gales venia la flor de la caballeria del mundo: é por ende que desmanase aquella pelea, é ficiese su guerra en otra guisa; ca el Principe é aquellas Compañas non podrian durar mucho en Castilla é que se tornarian. Sobre esto Mosen Beltran de Claquin é el Mariscal de Audenehan, que estaban con el Rey Don Enrique é eran Caballeros Vasallos del Rey de Francia, fablaron con el Rey Don Enrique de parte del Rey de Francia todas estas razones que le enviaba decir, é mandaba é ellos que fablasen con él por tal manera que la batalla non se ficiese, ca el Rey de Francia é todo su Consejo eran en esto.» Ayala, Cronica del Rey Don Pedro, 1367, cap. VI, p. 553.—Ayala ajoute que don Enrique rejeta ce conseil en disant que, s’il le suivait, les provinces cédées à l’invasion se déclareraient aussitôt pour don Pèdre et que, d’ailleurs, l’honneur lui défendait d’abandonner à la vengeance de son ennemi des cités, des villes et des hommes qui s’étaient dévoués à sa cause.
[32] Le héraut Chandos, dans sa chronique rimée, évalue les forces de don Enrique à 4000 hommes d’armes à cheval, 6000 arbalétriers, montés ou non montés, et 50 000 fantassins. Ayala compte 4500 lances seulement dans l’armée castillane. D’après le moine de Saint-Alban, le rival de don Pèdre n’avait pas sous ses ordres moins de soixante mille combattants: «Erat autem numerus comitivæ circiter sexaginta millia bellatorum.» Chronicon Angliæ (1328-1388), edited by Edward Maunde Thompson, 1874, p. 58.—Nous croyons que la vérité ou du moins la vraisemblance est entre l’évaluation exagérée des chroniqueurs anglais et de Froissart et l’évaluation trop faible d’Ayala.
[33] Le prince de Galles, arrivé à Pampelune, avait d’abord marché sur Burgos par la route la plus courte, c’est-à-dire par Vitoria; mais trouvant les défilés de l’Alava bien gardés par don Enrique, il prit le parti de se diriger vers la capitale de la Vieille Castille en passant par Logroño.
[34] Espagne, prov. Alava, dioc. Calahorra, bourg situé à environ 4 kil. de l’Èbre, sur la rive gauche de ce fleuve.
[35] Espagne, prov. Navarra, dioc. Calahorra, petite ville située comme Laguardia sur la rive gauche et à peu de distance de l’Èbre, au nord de Logroño.
[36] Cette rivière, ou plutôt ce fleuve, est l’Èbre que Froissart appelle «l’Emer».
[37] La ville forte de Logroño, située sur la rive droite de l’Èbre et réunie dès le moyen âge par un pont à la rive gauche de ce fleuve, aujourd’hui capitale de la province du même nom, était restée fidèle a don Pèdre. Cascales (Hist. de Murcia, 116 vo) a publié une lettre de don Pèdre datée de Logroño, primero de abril era de 1405 (1er avril 1367).
[38] Espagne, prov. Logroño, village situé sur l’Èbre, un peu à l’est de Haro et à l’ouest de Logroño, non loin du confluent de l’Èbre et de l’Ojerilla.
[39] La lettre rapportée par Froissart se retrouve, sauf la mesure et la rime, dans la chronique rimée du héraut Chandos. Elle diffère essentiellement, et pour le fond et pour la forme, de la lettre authentique datée de Navarrete en Castille le 1er avril 1367 et adressée par le prince de Galles à don Enrique, comte de Trastamare, lettre dont Rymer a publié le texte en castillan et en latin (Foedera, édit. de 1830, vol. III, pars II, p. 823 et 824). La réponse de don Enrique, qui s’intitule roi de Castille et de Léon, est datée de Najera le 2 avril, et nous l’avons aussi sous sa double forme, en castillan et en latin. Ibid., p. 824 et 825. Cf. Ayala, Cronica del Rey Don Pedro, 1367, cap. XI, p. 555 et 556.
[40] Cette indication du jour de la semaine est parfaitement exacte. En 1367, le 2 avril est tombé un vendredi.
[41] Froissart s’est servi de cette expression: «à heure de tierce.» Tierce, en comptant à la manière romaine, c’est la troisième heure du jour ou neuf heures du matin. Froissart a précisé lui-même le sens de tierce dans deux passages où il a raconté la naissance de Richard II: «Et vint cilz enfes sus terre, environ heure de tierce.» Et ailleurs: «.... liquels (Richard II) vint au monde par un mercredi, sur le point de dix heures.»
[42] Navarrete est en effet à 11 kil. au sud-est de Logroño, sur un affluent de la rive droite de l’Èbre. Ce Navarrete est parfois appelé Navarrete de Rioja, pour le distinguer du Navarrete de l’Alava dont il a été question plus haut.
CHAPITRE XCII
[43] Froissart, comme on le voit, donne à don Enrique vingt-sept mille chevaux et quarante mille hommes de pied. Ces chiffres sont évidemment très-exagérés. Ayala, témoin oculaire, ne compte dans l’armée castillane que quatre mille cinq cents lances et ne dit pas le nombre précis des génétaires ni de l’infanterie: «Asi que tenia el Rey Don Enrique, el dia desta batalla, en su compaña de los que iban de caballo é de pie quatro mil é quinientos de caballo: é otrosi tenia el Rey Don Enrique, de las montañas, é de Guipuzcoa é Vizcaya é Asturias, muchos Escuderos de pie; pero aprovecharon muy poco en esta batalla, ca toda la pelea fue en los omes de armas.» Cronica del Rey Don Pedro primero dans Cronicas de los Reyes de Castilla. Madrid, 1875, I, 552.
[44] «E el Rey Don Pedro é el Principe é todas sus Compañas partieron de Navarrete sabado (samedi 3 avril) por la mañana.» Ayala, I, 556.
[45] Jean Chandos avait la grande situation terrienne d’un chevalier banneret au moins depuis qu’Édouard III lui avait donné en 1360 le magnifique domaine de Saint-Sauveur-le-Vicomte; mais, cette donation ayant eu lieu peu de temps après la conclusion du traité de Brétigny, le nouveau vicomte de Saint-Sauveur n’avait pas encore eu l’occasion de lever, en d’autres termes, de déployer sur un champ de bataille sa bannière.
[46] «Todos vinieron á pie», dit aussi Ayala (I, 552), en parlant des Anglais.
[47] Ayala ajoute à ces noms ceux de Raoul Camois, de Hugh de Calverly, d’Olivier de Clisson, et dit que l’effectif de l’avant-garde anglaise s’élevait à trois mille hommes d’armes (I, 553; 1367, cap. V).
[48] Le témoignage de Froissart, relativement à cette fuite honteuse de don Tello, est confirmé par Ayala: «E los de la ala derecha de la avanguarda del Principe, que eran el Conde de Armiñaque, é los de Lebret, é otros muchos que venian en aquella haz, enderezaron á Don Tello; é él é los que con él estaban non los esperaron, é movieron del campo á todo romper fuyendo.» (I, 557; 1367, cap. XII.)
[49] La narration de Froissart semble tirée de celle du héraut Chandos:
[50] On dirait que Froissart s’est borné à mettre en prose, dans ce passage, les vers suivants du héraut Chandos:
Ayala dit la même chose: «E el Rey Don Enrique llegó dos ó tres veces en su caballo armado de loriga, por acorrer á los suyos que estaban de pie»; mais le chroniqueur espagnol est le seul qui mentionne la bannière de l’Écharpe, «el pendon de la Vanda», qui servit dans cette journée de point de ralliement aux partisans de don Enrique.
[51] Ayala ne cite, parmi les prisonniers français, que Bertrand du Guesclin, le maréchal d’Audrehem et le Bègue de Villaines, mais il donne une longue liste des prisonniers espagnols (I, 557). Bertrand du Guesclin avait entraîné à sa suite quelques-uns des chefs et un certain nombre de soudoyers des garnisons des villes par où il avait passé pour se rendre en Espagne; et c’est ainsi que le capitaine de Lyon, Jean de Saint-Martin, chevalier, fut tué à Najera (Arch. Nat., JJ 100, no 135; JJ 99, no 494).
[52] En 1370, don Enrique fit abandon de certaines redevances assises sur le château de Najera en faveur de l’abbé et des moines du monastère de San Millan, parce que cet abbé et ces moines avaient pris soin de recueillir sur le champ de bataille de Najera les cadavres des partisans du roi de Castille tués dans cette journée et leur avaient rendu les derniers honneurs. Sandoval, Fundaciones, fo 90.
[53] La Najerilla, dont une crue subite, d’après la rédaction d’Ayala dite Abreviada (I, 557, note 2), augmenta le désastre.
[54] «Don Garci Alvarez de Toledo, Maestre que fuera de Santiago.» Quelques lignes plus loin, don Pero Lopez de Ayala se mentionne lui-même parmi les prisonniers: «E Pero Lopez de Ayala.» I, 557.
[55] «Don Pero Moñiz, Maestre de Calatrava.»
[56] Cette date est parfaitement exacte. «Sabato tres dias del mes de abril llegamos cerca de Najara.... é peleamos con el traydor del Conde....», écrivait don Pèdre lui-même dans une lettre datée de Burgos le 15 avril suivant et adressée aux habitants de Murcie. Cascales, Hist. de Murcia.
[57] Ici encore, Froissart semble copier le héraut Chandos:
[58] Le corps de du Guesclin perdit à lui seul quatre cents hommes d’armes, la moitié de son effectif: «E con Mosen Beltran de Claquin fueron muertos estos que aqui dirémos: Garci-Laso de la Vega, Suer Perez de Quiñones, Sancho Sanchez de Rojas, Juan Rodriguez Sarmiento, Juan de Mendoza, Ferrand Sanchez de Angulo é otros fasta quatrocientos omes de armas.» Ayala, I, 557.
[59] Ayala et les chroniqueurs espagnols appellent ce dimanche el domingo de Lazaro. «Ca la batalla fuera el sabado antes del domingo de Lázaro, é el domingo estovieron en el campo.» Ayala, I, 559.—La bataille de Najera se livra en effet la veille du dimanche, dit en France de la Passion, qui tomba en 1367 le 4 avril. Cette année, le dimanche de Pâque fleurie ou des Rameaux, que Froissart a substitué par erreur au dimanche de la Passion, tomba seulement le 11 avril, c’est-à-dire huit jours après la victoire du prince de Galles.
[60] Don Sanche, frère naturel de don Pèdre et l’un des frères de don Enrique, avait partagé avec du Guesclin le commandement de l’avant-garde castillane et avait été fait prisonnier en même temps que le chevalier breton.
[61] D’après Ayala, le chevalier, qui fut ainsi tué par don Pèdre le soir même de la bataille de Najera, s’appelait don Inigo Lopez de Orozco; il avait été fait prisonnier par un chevalier gascon (Cronica del Rey Don Pedro primero, I, 562; 1367, cap. XIX). C’est le lendemain dimanche seulement que Gomez Carrillo et Sancho Sanchez Moscoso, grand commandeur de Santiago ou de Saint-Jacques, livrés à don Pèdre, furent aussitôt décapités devant la tente et par l’ordre du roi de Castille.
[62] Don Pèdre ne partit pour Burgos, en compagnie du prince de Galles, que le lundi 5 avril; il ne put par conséquent arriver dans cette ville le même jour. «E el lunes partieron todos para Burgos.» Ibid., I, 559.
[63] Le prince de Galles et le duc de Lancastre campèrent d’abord, le premier à Las Huelgas, le second à San Pablo, monastères situés dans la banlieue de Burgos; ils ne firent leur entrée dans la ville même que deux jours après don Pèdre (Ayala, I, 563).
[64] En 1367, Pâques tomba le 18 avril.
[65] Par acte daté de Burgos, en l’église cathédrale, devant le grand autel, le 2 mai 1367, en présence de Jean, comte d’Armagnac, de Jean Chandos, vicomte de Saint-Sauveur, connétable d’Aquitaine, de Thomas de Felton, sénéchal d’Aquitaine, de Martin Lopez, d’Olivier de Clisson, de Robert Knolles, de Baudouin de Fréville, sénéchal de Poitou, don Pèdre confirma les engagements pécuniaires qu’il avait pris envers le prince de Galles le 23 septembre précédent; et par un autre acte, daté du monastère de Las Huelgas près Burgos le 6 mai, il s’obligea à payer au dit prince un million d’or. Rymer, III, 825.
[66] Bertrand du Guesclin perdit son sceau dans le tumulte de la mêlée: «.... maxime in bello Nadrensi in quo, prout notorium erat, dictus connestabularius captus fuerat et sigillum suum ac omnia bona sua perdiderat.» Arch. Nat., sect. jud., X1a38, fo 246.—Bertrand avait été pris par un chevalier anglais nommé Thomas Cheyne, auquel Édouard III le racheta le 20 juillet 1367 au prix de quatorze cent quatre-vingt-trois livres, six sous, six deniers «pur la fynance de Bertram de Guesclyn, chivaler, pris en la bataille de Nazare». Le 28 mai 1381, John et William Cheyne, frères et héritiers de Thomas, réclamaient encore le payement de cette somme, et Richard II donna des ordres pour qu’il leur fût donné satisfaction (Rymer, édit. de 1740, t. III, pars II, p. 133). D’après Cuvelier, le prince de Galles confia la garde de du Guesclin au captal de Buch qui fit coucher dans sa propre chambre le vainqueur de Cocherel:
Chron. de B. du Guesclin, édit. de Charrière,
I, 426, vers 12 191 et 12 192.
[67] Le maréchal d’Audrehem, qui était, suivant l’expression d’Ayala, «Frances de Picardia», fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait été relâché, suivant l’usage, avant d’avoir entièrement payé sa rançon; mais il avait prêté le serment de ne pas porter les armes contre le roi d’Angleterre ou son fils, à moins que ce ne fût sous la bannière du roi de France ou d’un prince de sa famille, de quelqu’un des Fleurs de Lis. Le lendemain de la bataille de Najera, le prince de Galles, ayant fait comparaître devant lui le sire d’Audrehem, l’appela parjure et traître et lui dit qu’il méritait la mort. Toutefois un tribunal d’honneur, composé de douze chevaliers, quatre Anglais, quatre Gascons et quatre Bretons, déclara, après un débat contradictoire, que le maréchal n’était point coupable. Le système de défense du chevalier français, reconnu valable par ses juges, consista à dire qu’il n’avait point violé son serment de ne porter les armes ni contre le roi d’Angleterre ni contre son fils, puisqu’à Najera il s’était battu en réalité contre don Pèdre, non contre le prince de Galles qui n’avait été, à le bien prendre, dans cette journée qu’un capitaine à la solde du roi de Castille: «ca el Capitan é cabo desta batalla es el Rey Don Pedro, é á sus gages é á su sueldo, como asoldado é gagero, venides vos aqui el dia de hoy, é non venides como mayor desta hueste.» Cronicas de Castilla, I, 558 et 559.—Le maréchal d’Audrehem fut, comme du Guesclin, mis en liberté sous caution dès les premiers mois de 1368, et le comte de Foix prêta six mille francs d’or à Arnoul pour l’aider à payer sa rançon que Charles V, par mandement en date du 2 mars, imputa sur les aides du Languedoc (Bibl. Nat., Collection des titres originaux, au mot Audenehan). Dans des lettres de quittance générale qui furent délivrées au vieux guerrier à Vincennes le 9 février 1370 (n. st.), on trouve les lignes suivantes qui traduisent avec force la reconnaissance du souverain pour des services tout à fait exceptionnels: «.... reducentes illese fidelitatis conscientiam et obsequia.... utilia reipublice regni nostri, tam in premissis quam etiam in aliis magnis, arduis et secretis, et firmiter tenentes et indubie quam dictus consiliarius noster, qui famosus existit et genere et animo nobilis, quem non semel sed pluries proprium corpus mortis periculo certum est honorifice submisisse pro statu prospero reipublice regni nostri, et hostes ipsum duxisse et ductum diu tenuisse captivum, pro quibus excessivas redemptiones non de facili habitas exsolvisse dinoscitur, omni prorsus spreta cupidine, receptas quascunque pecuniarum summas per ipsum de suo mandato vel suo nomine, in premissorum et aliorum commissorum eidem execucione, utiliter exposuit, nec ad acquirendam pecuniam, sed ut daret actus nobiles, famam et honorem, quæ post mortem laudem et gloriam rememorant acquirentium....» Arch. Nat., JJ 100, no 35.—Le fidèle et vaillant soldat, qui avait si noblement servi la France pendant plus de trente ans, avait bien le droit d’être enterré à Saint-Denis, à côté de nos rois, et c’est en effet le suprême honneur que Charles V conféra au plus digne compagnon d’armes de du Guesclin.
[68] Don Enrique, pour mieux fuir, échangea le grand et massif destrier bardé de fer qu’il avait monté pendant l’action, «un caballo grande rucio castellano é armado de loríga», contre un genet, «caballo ginete», c’est-à-dire une monture plus légère que lui donna un écuyer de l’Alava, nommé Rui Fernandez de Gaona (Cronicas de Castilla, I, 559). Le destrier fut pris par les Anglais, car nous apprenons par un fragment de compte, en date du lundi 5 juillet 1367, qu’Édouard III fit payer seize livres, treize sous, quatre deniers, à Franskin Forsett, valet d’écurie du prince d’Aquitaine: «ducenti domino regi quemdam dextrarium Henrici bastardi Ispaniæ, captum apud bellum de Nazerr.» Rymer, édit. de 1830, III, 825.
[69] Don Enrique n’alla pas à Valence. De Najera, il gagna Soria, puis Illueca, en Aragon, d’où don Pedro de Luna, qui devait devenir plus tard l’antipape Benoît XIII, servant de guide au fugitif à travers les montagnes, le conduisit lui-même à Orthez, à la cour du comte de Foix.
[70] A la première nouvelle de la défaite de son mari, doña Juana, femme de don Enrique, emmenant avec elle l’infante Léonor d’Aragon fiancée à son fils, avait gagné précipitamment Saragosse dont l’archevêque, de la famille des Luna, lui était dévoué; mais don Pedro IV, roi d’Aragon, la reçut fort mal, rompit le mariage projeté entre sa fille Léonor et le fils de don Enrique et ne se fit aucun scrupule d’entrer en négociations avec les vainqueurs de Najera.
[71] En quittant Orthez, don Enrique se rendit d’abord à Toulouse où résidait alors le duc d’Anjou.
[72] Tarn, arr. Gaillac, c. Rabastens. Dès le 24 mai 1367, don Enrique se trouvait à Servian (Hérault, arr. Béziers) d’où il adressa au roi d’Aragon une lettre qui a été publiée par Zurita (Anales de Aragon, édit. de 1610, l. 9, p. 348). Dans cette lettre, le vaincu de Najera annonce à don Pedro IV qu’il est sûr de l’alliance effective du roi de France et du duc d’Anjou, et qu’il va lever un corps de trois mille lances. Une autre lettre de don Enrique, adressée à «son très cher et amé frère» le duc d’Anjou, en date du 8 septembre 1367, est datée du château de Roquepertuse (Hay du Chastelet, Hist. de du Guesclin, p. 320). Dès la fin de juin 1367, le compte du receveur municipal ou, comme on l’appelait dans le pays, du boursier de Millau, en Rouergue, est rempli de mentions relatives à l’approche de don Enrique et de ses bandes. Le 9 juillet, les Aragonais, car c’est ainsi que les désigne le consul boursier de Millau, livrent un violent assaut à Nant (Aveyron, arr. Millau) et sont repoussés par Penni Terréta et le bour de Caupène. Pendant ce temps, don Enrique, arrivé dans le Camarès et sur les montagnes de Brusque, menace en personne Vabres et Saint-Affrique. Le Rouergue sous les Anglais, par M. l’abbé Joseph Rouquette, Millau, 1869, p. 88 à 92.
[73] 24 juin 1367. Don Pèdre avait promis de payer la moitié de sa dette dans un délai de quatre mois, pendant lequel l’armée auxiliaire, soldée par lui, occuperait la province de Valladolid.
[74] C’est sans doute pour se procurer de l’argent en vue de cette expédition, que don Enrique, retiré dans son comté de Cessenon, vendit au roi de France, par acte daté du château de Servian le 2 juin 1367, le dit comté, comprenant notamment les châteaux de Cessenon (Hérault, arr. Saint-Pons, c. Saint-Chinian) et de Thézan (Hérault, arr. Béziers, c. Murviel), au prix de vingt-sept mille francs d’or. Ancel Chotard, conseiller du roi, et Jean de Beuil, chevalier, chambellan du duc d’Anjou, commis par ces deux princes, passèrent le contrat de vente «dans la chambre où Henri, roi de Castille, couchoit». Le 6 juin, le duc d’Anjou, ayant ratifié cet achat dans une réunion de son Grand Conseil, tenue à Nîmes, ordre fut donné à maître Jean Perdiguier, receveur général de Languedoc, de verser la dite somme au roi de Castille. Le 27 du même mois, doña Juana, femme de don Enrique, et Juan, infant de Castille, leur fils, ratifièrent à leur tour cette vente à Thézan où le mauvais accueil du roi d’Aragon les avait déterminés à se rendre (Arch. Nat., sect. hist., J300, nos 109 à 1098).—«Entendiendo esto el Rey Don Enrique y que los Ingleses se salian de Castilla y que el Principe de Gales no tenia pensamiento de quedar en España ni valer mas á su adversario, apressurava el negocio y concerto se con el Conde de Auserta (Auxerre) y con el señor de Beujo (Beaujeu) y con el señor de Vinay, para que con dos mil lanças y con quinientos archeros hiziessen guerra en el ducado de Guiana hasta Nuestra Señora de setiembre (8 septembre 1367); e hizo su capitan general en Guiana al Conde de Auserta.» Zurita, Anales, édit. de 1610, p. 350.
[75] «Edwardus princeps, per idem tempus, ut dicebatur, intoxicatus fuit; a quo quidem tempore usque ad finem vitæ suæ nunquam gavisus est corporis sanitate. Sed et plures, strenui et valentes, post victoriam Hispanicam, fluxu ventris et aliis infirmitatibus perierunt ibidem, ad magnum detrimentum anglicani regni.» Thomæ Walsingham hist. angl. (1272-1381), London, 1863, p. 305 et 306.—«Post hæc periit populus anglicanus in Hispania de fluxu ventris et aliis infirmitatibus quod vix quintus homo redierit in Angliam.» Knyghton, dans Twysden, p. 2629.
[76] Le prince de Galles rentra en Guyenne et arriva à Bordeaux dans les premiers jours de septembre 1367. Dès le 14, le 15 et le 16 de ce mois, quelques-unes des bandes qu’on venait de licencier arrivèrent aux portes de Montpellier sous les ordres d’Arnaud Solier, dit le Limousin, de Perrin de Savoie et d’Yvon de Groeslort (Groeslort est sans doute une corruption de Keranloet; Yvon de Keranloet ou de Kerloet guerroyait alors dans le midi de la France). Comme on n’osait vendanger par crainte des Compagnies, le Limousin prêta vingt lances aux bourgeois de Montpellier, «per gardar lo labor de vindemias.» Thalamus parvus, p. 381.
[77] Cette assertion est très-inexacte. Don Enrique ne se rendit point auprès de don Pedro IV, qui venait de conclure un traité d’alliance avec les rois de Navarre et d’Angleterre. Ce que le rival de don Pèdre pouvait alors attendre de mieux du roi d’Aragon, c’était une sympathie dissimulée et une neutralité effective. Il chercha et il trouva un allié plus puissant, et cet allié ne fut autre que le duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc du roi de France. Nous avons été assez heureux pour retrouver le texte d’un traité secret qui avait échappé jusqu’à ce jour à toutes les recherches. Par acte daté d’Aigues-Mortes au diocèse d’Arles, le 13 août 1367, don Enrique, roi de Castille et de Léon, représenté par Alvarez Garcia, chevalier, Pero Fernandez de Velasco, damoiseau, ses conseillers, et Gomez Garcia, chancelier de son sceau secret, et Louis, duc d’Anjou, représenté par François de Périllos, vicomte de Rodes, et Pierre d’Avoir, seigneur de Châteaufromont, contractèrent une alliance offensive et défensive contre Édouard, roi d’Angleterre, et ses enfants, spécialement Édouard, prince de Galles, Jean, duc de Lancastre, et Lionel, ainsi que contre Charles, roi de Navarre, et don Pèdre «qui nuper dictum regnum Castelle tenere solebat». Arch. Nat., sect. hist., J 1036, no 26.—Don Enrique confirma ce traité au château de Roquepertuse le 8 septembre suivant (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 320). Par conséquent il ne se mit pas en marche pour rentrer en Espagne vers le milieu d’août, comme l’affirme Mérimée (Hist. de don Pèdre, édit. de 1865, p. 499). Vers la fin de septembre au plus tôt, le vaincu de Najera, entrant par la vallée d’Aran dans le comté de Ribagorza, ne fit que passer à Estadilla et à Balbastro, villes qui font partie de l’Aragon; il ne s’arrêta que devant Calahorra, c’est-à-dire lorsqu’il eut mis le pied en Castille. (Zurita, Anales, édit. de 1610, II, 349.) Le duc d’Anjou avait chargé le sénéchal de Carcassonne et Bernard de Villemur de faire la conduite à son allié jusqu’à l’entrée de la vallée d’Aran (Dom Vaissete, IV, 580, note XXVII).
[78] Les pourparlers, relatifs à la rançon et à la mise en liberté de Bertrand du Guesclin, commencèrent dès les premiers jours de décembre 1367, car Charles V s’exprime ainsi dans une lettre autographe adressée à son trésorier Pierre Scatisse et datée de Paris le 7 décembre de cette année: «Seiez ausin bien avisé que au prince nous sommez obligez, pour la delivrance Bertran de Caclin, en XXX mile doblez d’Espaine ou la valeue, à paier en VI moiz aprez sa delivrance, la moitié lez III premierz moiz aconpliz puiz son departement de prison, et l’autre moitié en la fin dez VI moiz. Sy ne savonz encore se le dit prince asetera la dite obligasion; et sy tost que nouz le saron, nouz le vous feronz savoir.» Arch. Nat., sect. hist., K 49, no 343; Musée des Archives, p. 219 et 220.
[79] Le prince d’Aquitaine et de Galles accepta l’obligation du roi de France dont il est question dans la note précédente, et Bertrand du Guesclin, duc de Trastamare, comte de Longueville, fut mis en liberté à Bordeaux, le 27 décembre 1367, jour où, ayant pris l’engagement de payer au prince cent mille doubles d’or, des coin, poids et aloi de Castille, à savoir soixante mille doubles trois mois, et les quarante mille doubles restants, six mois après sa mise en liberté, il donna hypothèque sur tous ses biens à Charles V qui s’était obligé envers le prince pour les trois dixièmes de cette somme, c’est-à-dire pour trente mille doubles d’or (Arch. Nat., J 381, no 7; Charrière, II, 402 et 403). En effet, le 31 mars de l’année suivante, Pierre Scatisse, trésorier du roi à Nîmes, en vertu d’un mandement de Charles V, daté de Melun le 5 mars précédent, autorisa Jean Perdiguier, receveur des impositions en Languedoc, à payer sur les deniers de sa recette quinze mille doubles d’or d’Espagne au prince d’Aquitaine, à Poitiers (J 381, no 8 a et b; Musée des Archives, p. 220).
[80] Dès le 7 février 1368, Bertrand du Guesclin, déjà sorti de sa prison de Bordeaux, était de passage à Montpellier, se rendant à Nîmes où il allait, en compagnie du maréchal d’Audrehem, rejoindre le duc d’Anjou (Thalamus parvus, p. 382). Le 26 du même mois, le duc de Trastamare, comte de Longueville, reparaissait à Montpellier; il venait d’enrôler, pour une campagne en Provence, le bâtard de l’Ile, Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon, Amanieu d’Ortigue et autres chefs de Compagnies qui désolaient les environs de cette ville (Ibid.).
[81] Au commencement de 1368, Louis, duc d’Anjou, à qui l’empereur Charles IV avait cédé en 1365 ses droits sur le royaume d’Arles, résolut de profiter de la présence de Bertrand du Guesclin et de l’absence de Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence, pour les faire valoir; dans les premiers jours de mars de cette année, il passa le Rhône et envahit la Provence (Dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 335).
[82] Bertrand du Guesclin assiégea Tarascon du samedi 4 mars au lundi 22 mai 1368. Après une résistance de deux mois et demi, la ville se rendit au duc d’Anjou (Thalamus parvus, p. 382). C’est pendant ce siége que Bertrand leva une contribution de guerre de 5000 florins sur les habitants d’Avignon et du Comtat (Arch. Nat., sect. hist., L 377). Par une bulle datée de Montefiascone le 1er septembre suivant, le pape Urbain V, indigné de cette vexation, donna l’ordre à l’official d’Avignon de faire le procès de «Bertrandus de Clerquino, comes de Longavilla, Nolyus Pavalhanus ac Parvus Meschinus, Bosonietus de Pau et Petrinus de Savoye, capitanei cujusdam gentis armigere atque detestabilis et perverse, que Societas appellatur.» Arch. de Vaucluse, série B-7 (registre des hommages de la Chambre apostolique).
[83] Le lundi après la Trinité tomba en 1368 le 5 juin. Lionel, duc de Clarence, dont la suite se composait de 457 serviteurs, parmi lesquels figurait Froissart, et de 1280 chevaux, s’arrêta à Paris, du dimanche 16 au jeudi 20 avril 1368 (Grandes Chroniques, VI, 251 et 252). Le prince anglais passa aussi quelques jours à Bourg en Bresse où Amédée VI, comte de Savoie, faisait alors sa résidence (Arch. de la Côte-d’Or, B 9292 et 9293; Invent., III, 398).
[84] Les Compagnies, congédiées par le prince d’Aquitaine au retour de son expédition en Espagne à la fin de 1367, se répandirent d’abord en Auvergne et en Berry. A l’entrée du mois de février 1368, le gros de ces bandes passa la Loire à Marcigny-les-Nonnains (aujourd’hui Marcigny, Saône-et-Loire, arr. Charolles, sur la rive droite de la Loire, près de Semur). Ces brigands restèrent quelque temps en Mâconnais. Ils entrèrent ensuite en Bourgogne, dans le duché; mais le défaut de vivres les força bientôt d’évacuer cette région, le duc Philippe ayant eu soin de faire tout mettre en sûreté dans les forteresses (Grandes Chroniques, VI, 249; Arch. Nat., JJ 115, no 66). Ils envahirent l’Auxerrois où ils s’emparèrent des églises fortifiées de Cravant et de Vermanton (JJ 122, no 221; JJ 111, no 355).
[85] A Cravant, la Grande Compagnie se divisa en deux bandes. Tandis que l’une de ces bandes, composée de huit cents hommes d’armes anglais, passait l’Yonne et entrait en Gâtinais, l’autre bande, où l’on comptait environ quatre mille combattants et dix mille pillards, femmes et enfants, passait la Seine, l’Aube et s’établissait en Champagne où elle occupait Épernay, Fismes, Coincy-l’Abbaye, Ay (Gr. Chron., VI, 250; JJ 100, no 24; JJ 104, nos 192, 211, 226).—Le samedi 18 mars 1368, la Grande Compagnie mit le siége devant le fort de Villiers-Saint-Benoit (Yonne, arr. Joigny, c. Aillant), au bailliage de Cepoy, qui se racheta après huit jours de résistance au prix de 300 livres (JJ 99, no 594).
[86] Olivier, sire de Clisson, envoyé par Charles V contre les Compagnies qui infestaient la Beauce et la Sologne (JJ 111, no 72; JJ 103, no 209), fit son mandement entre Tours et Vendôme en mai 1368. Jean de Mombrun, de Tours, qui prit part à cette expédition sous Robert de Beaumanoir, commit sur la route un grand nombre de vols (JJ 122, no 150).
[87] Froissart donne par erreur à cette princesse le prénom d’Isabelle, qui était celui d’une de ses sœurs morte sans alliance. Arnaud Amanieu, sire d’Albret et vicomte de Tartas, se maria à Marguerite de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, par contrat passé le 4 mai 1368 (Hist. généal., I, 300; VI, 210, 211; VIII, 445). Cf. tome VI de cette édition, p. XCVI, note 345, et les Archives historiques de la Gironde, I, 157 à 159.
[88] L’édit fut promulgué à Angoulême le 26 janvier 1368 (n. st.). Par cet édit, Édouard, prince d’Aquitaine, fixa la taille de la monnaie pour cinq ans, à raison de 61 livres pour le marc d’or et de 5 livres 5 sous pour le marc d’argent, et fit diverses autres concessions, en considération d’un impôt que les trois États de Guyenne, réunis à Angoulême, avaient permis d’établir pour cinq ans sur tous les feux de la principauté, a raison de 10 sous par feu et par an. Archives de Bordeaux, I, 173 à 177.
[89] Jean Harewell, évêque de Bath et de Wells, chancelier du prince d’Aquitaine, obtint d’Édouard III des lettres de non-préjudice, le 28 novembre 1368 (Rymer, III, 852 et 853).
[90] Jean Chandos arriva à Saint-Sauveur-le-Vicomte vers la fin de mai 1368 (Delisle, Hist. du château et des sires de Saint-Sauveur; preuves, p. 147). Nous apprenons par un article d’un registre des revenus du roi de Navarre en Normandie, que Ferrando d’Ayenz, lieutenant du captal de Buch à Cherbourg, fit abattre un certain nombre de pièces de gibier dans la forêt de Brix pour fêter la venue du vicomte de Saint-Sauveur. «Pour despenz de pluseurs archiers qui furent par trois jours es forests de Bris chassier et prendre venaisons, en esté l’an LXVIII, pour la venue de messire Jehan Chandos qui ou pais de Costentin devoit venir.» Bibl. Nat., ms. fr. no 10367, fo 130 vo.—Du reste, Chandos, comme nous l’établirons plus loin, ne passa guère que cinq mois, et non un an, en basse Normandie.
[91] Voyez le chapitre précédent, p. XXIV, note 77.
CHAPITRE XCIII
[92] Le 24 septembre 1367, don Enrique était à une lieue de Huesca, d’où il a daté une lettre adressée à don Pedro Jordan de Urries, premier maître d’hôtel du roi d’Aragon (Zurita, Anal., lib. IX, cap. LXX, p. 349 vo). Après avoir passé l’Èbre, il arriva à Calahorra, sur la rive droite de cette rivière, le mardi 28 septembre, veille de saint Michel, et il était déjà maître de Burgos le 6 novembre suivant, jour où il confirma les priviléges des habitants de Cordoue (Pellicer, Mem. de don Fern. de los Rios, p. 11).
[93] Ce n’est pas à Valladolid, c’est à Burgos que le mari de Jeanne, reine de Naples, ancien roi de Majorque, fut fait prisonnier; il paya ou plutôt sa femme paya pour lui une rançon de 80 000 doubles. Ayala, 1367, cap. XXXV.
[94] Après la prise de Dueñas, dans la Vieille Castille, don Enrique vint assiéger Léon dans la seconde quinzaine de janvier et s’en rendit maître après un siége de quelques jours. Ayala, 1368, cap. I.
[95] Dans les premiers mois de 1368, la Galice, contrairement à l’assertion de Froissart, dominée par don Fernand de Castro, demeurait encore fidèle à don Pèdre, ainsi qu’une partie des Asturies; mais toutes les autres provinces du nord s’étaient déclarées pour don Enrique. Don Pèdre conservait la supériorité dans les provinces du midi, en Murcie, en Estramadure et en Andalousie, à l’exception de Cordoue et de quelques petites places de la frontière portugaise.
[96] Mohamed, roi de Grenade, amena à don Pèdre cinq mille génétaires et trente mille hommes de pied, dont un grand nombre d’arbalétriers habiles et exercés. Les Maures mirent le siége devant Cordoue, et ne pouvant prendre cette ville, détruisirent de fond en comble Jaën, Ubeda (Ayala, 1368, cap. v, note 1); ils enlevèrent du seul territoire d’Utrera, à quelques lieues de Séville, plusieurs milliers de personnes. Argote de Molina, Nobleza de Andalucia, p. 238.—Les Béni-Mérin ont été probablement les introducteurs en Espagne des moutons mérinos.
[97] Un grand événement diplomatique, dont Froissart ne dit rien, avait précédé le retour de du Guesclin en Espagne. Le 20 novembre 1368, à Tolède, «in palatio nostro, in obsidione nostra supra civitatem Toletanam», Charles V, représenté par François de Périllos, vicomte de Rodes, amiral de France, et par Jean de Rye, chevalier de la comté de Bourgogne, seigneur de Balançon (aujourd’hui château situé en la commune de Thervay, Jura, arr. Dôle, c. Montmirey-le-Château), Charles V, dis-je, et don Enrique, roi de Castille et de Léon, avaient conclu un traité d’alliance offensive et défensive (Arch. Nat., J603, no 59; Rymer, III, 850 à 852; Dumont, Corps diplomatique, II, 68 à 70; Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 320 à 322). Don Enrique avait remis au roi de France la décision de tous les différends existant entre lui et don Pedro IV, roi d’Aragon (J603, no 60; Dumont, I, 321). Le 8 juin de l’année suivante, «in palatio nostro nostre civitatis Toletane», en présence de Jean de Berguette, chambellan, et d’Yvon de Keranbars, huissier d’armes, du roi de France, don Enrique confirma, en les précisant, certaines stipulations du traité du 20 novembre 1368 (J603, no 61; Dumont, II, 74).
[98] D’après Ayala (1369, cap. i), François de Périllos et Jean de Rye, les deux négociateurs du traité français du 20 novembre 1368, promirent aussi à don Enrique de lui envoyer Bertrand du Guesclin avec cinq cents lances. «Otrosi los dichos mensageros dixeron al Rey Don Enrique como el Rey de Francia le enviaba luego en su ayuda á Mossen Beltran de Claquin con quinientas lanzas.»
[99] «Le roi, dit Mérimée d’après Ayala, partant de Séville, traversa la Sierra-Morena par un de ses cols les moins élevés, probablement en suivant la route qui passe par Constantina pour aller aboutir à Llerena. Après avoir franchi sans obstacle, dans les premiers jours de mars 1369, la barrière de montagnes qui sépare l’Andalousie de la Manche, il fit halte sur un des grands plateaux de cette province, là où s’élevait autrefois le magnifique château de Calatrava, chef-lieu de l’ordre militaire de ce nom. Il était alors à quelque vingt lieues de Tolède.» Hist. de don Pèdre, p. 521.
[100] Montiel était une riche commanderie de Saint-Jacques, dont le gouverneur, nommé Garci Moran, était un des vieux serviteurs de don Pèdre. «E aquella noche el alcayde del castillo de Montiel, que era un Caballero de la Orden de Santiago Comendador de Montiel, que decian Garci Moran, que era Asturiano, él é los suyos vieron grandes fuegos á dos leguas del logar de Montiel, é ficieron saber al Rey Don Pedro que parescian grandes fuegos á dos leguas del castillo donde él estaba, é que catase si eran de sus enemigos.» Ayala, 1369, cap. VI.—Les feux, dont il est question dans ces lignes d’Ayala, étaient les torches portées par l’avant-garde de du Guesclin. C’est pour n’avoir pas tenu compte de l’avis de Garci Moran que don Pèdre fut surpris et vaincu devant Montiel.
[101] L’affaire de Montiel, qui fut une surprise plutôt qu’un combat, ne fut au contraire nullement sanglante. «E en esta batalla non morieron de los del Rey Don Pedro omes de cuenta, salvo un Caballero de Cordoba que decian Juan Ximenez; é la razon porque pocos morieron fué porque los unos posaban en las aldeas, é non eran llegados á la batalla; é los otros que y eran recogieronse con el Rey al castillo de Montiel.» Ayala, 1369, cap. VI.
[102] Froissart s’est trompé grossièrement en assignant à l’affaire de Montiel la date du 13 août 1368. «E fué esta batalla miercoles catorce dias de marzo deste dicho año (1369), á hora de prima.» Ayala, 1369, cap. VI.—Cette date est exacte de tout point: en 1369, le 14 mars est tombé un mercredi.
[103] Don Pèdre essaya de s’échapper la nuit du 23 mars 1369, dix jours après le combat de Montiel. D’après le récit d’Ayala, fort différent de celui de Froissart, don Pèdre, par l’entremise d’un de ses chevaliers, Men Rodriguez de Senabria, l’un des tenanciers de la seigneurie de Trastamare, naguère racheté par Bertrand du Guesclin à Bernard de la Salle au prix de 5000 florins, don Pèdre, dis-je, aurait fait proposer à Bertrand de lui donner en héritage Soria, Atienza, Almazan, Monteagudo, Deza, Moron et de plus 200 000 doubles castillanes d’or, si le chevalier breton consentait à le tirer d’affaire et à le mettre en lieu sûr; et du Guesclin, après avoir communiqué à don Enrique les ouvertures de Men Rodriguez, aurait attiré don Pèdre hors du château en feignant de se rendre à ses propositions (Ayala, 1369, cap. VIII; Chronicon Briocense, dans dom Morice, Preuves de l’Hist. de Bretagne, I, 46; Thalamus parvus, p. 383).
[104] Cet Yvon de Lakouet était entré au service du roi de France le mercredi 26 avril de l’année précédente, et Olivier de Mauny s’était porté garant des engagements pris par son compatriote, ainsi qu’il résulte de l’acte suivant: «Sachent tuit que je Olivier de Mauny, chevalier, ay promis par la foy de mon corps et juré et jure aus sains ewangiles de Dieu que, ou cas où messire Yon de Lacouet, chevalier de Bretaingne, mouvroit ou feroit Compaingnes ou assemblées de gens ou royaume de France pour grever ou dommager ycellui, aporterai dommage par moy et de tout mon povoir au dit messire Yon et à ses aliez, par toutes les voyes et manières que je pourré, si tost et incontinant que par le roy nostre sire ou ses gens en seray acertenez...; et, pour ce tenir et non venir contre ou enfraindre, je, à la requeste du dit messire Yon, me establis pleiges envers le roy nostre sire soubz l’obligacion de tous mes biens meubles et heritages à justicier par toute justice. Donné en tesmoing de ce soubz mon seel le mercredi XXVIe jour d’avril l’an mil CCCLX et huit.» Arch. Nat., J 621, no 72.—Charles V avait raison de prendre ses sûretés en enrôlant Yvon de Lakouet. Ce chef de bande était, suivant l’expression consacrée, sujet à caution, comme le prouve un acte daté de Paris en juin 1368 par lequel le roi fit grâce à un certain Guillaume Bonnet, âgé de vingt ans, originaire de Saint-Germain-du-Plain et demeurant à Chalon, qui, trois ans auparavant, s’était mis en la route et compagnie «d’un Breton nommé Lakouet et de ses gens, qui aloient ou paiz d’Espaigne, lesquelz, quant il passèrent devant la Couloinne (aujourd’hui la Colonne, hameau de Gigny, Saône-et-Loire, arr. Chalon, c. Sennecey), y mistrent et boutèrent les feus en plusieurs lieux et depuis à Brancion (aujourd’hui Brancion, Saône-et-Loire, arr. Mâcon, c. Tournus). Arch. Nat., JJ 99, no 236.
[105] Le vicomte de Rocaberti est aussi nommé par un auteur catalan anonyme dont voici le texte cité par Llaguno dans ses notes sur Ayala: «Entonces el Vizconde de Rocaberti dió un golpe de la daga al Rey Don Pedro, y le trastornó de la otra parte.»
[106] Par acte daté de Séville le 4 mai 1369, don Enrique, roi de Castille, de Tolède, de Léon, de Galice, de Séville, de Cordoue, de Murcie, de Jaen, d’Algarbe, d’Algeciras et seigneur de Molina, régnant avec la reine doña Juana sa femme et l’infant don Juan héritier des royaumes de Castille et de Léon, donna à perpétuité à «messire Bertran de Glaquen, comte de Longueville,» 1o son bourg de Molina, avec le château et l’autorisation de prendre le titre de duc de Molina, 2o le bourg de Soria avec le château, 3o le bourg d’Atienza avec le château, 4o le bourg d’Almazan avec le château, 5o Moron, 6o Monteagudo, 7o le bourg de Deza. Don Enrique ne retint que les mines d’or, d’argent et d’azur (lazulite) et le privilége de battre monnaie de sept ans en sept ans. Ces donations furent faites à la condition que du Guesclin resterait au service de don Enrique, et, après le décès du roi de Castille, au service de l’infant don Juan, son fils et héritier présomptif (Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, I, 1628 à 1631). L’original du diplôme, dont nous venons de donner l’analyse, rédigé en castillan, se trouve aujourd’hui à la bibliothèque de la ville de Rennes à laquelle il a été légué par la dernière duchesse de Gesvres; et le texte en a été publié par M. André (Bulletin de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. VII).—Le duché de Molina et tous les fiefs énumérés plus haut, ainsi que le comté de Borja donné dès 1366 par le roi d’Aragon, sont situés dans un rayon assez rapproché. Tout le monde connaît cette chaîne de montagnes, analogue à nos Cévennes, qui, des Asturies à Gibraltar, coupe du nord au sud la péninsule ibérique en deux versants très-inégaux, le versant oriental et le versant occidental. Soria se trouve sur le versant occidental de cette chaîne, tout près des ruines de l’antique Numance et non loin de la source du Duero, le seul fleuve qui arrose, avec le concours de nombreux affluents, il est vrai, la Vieille Castille et Léon. Le comté de Borja s’étendait sur le versant oriental de cette même chaîne, au bas des pentes de la Sierra Moncayo, qui sépare le Duero naissant et ses premiers affluents de la vallée de l’Èbre au milieu de laquelle s’élève, sur la rive droite, la ville de Borja, qui avait donné son nom à ce comté. La seigneurie d’Agreda, cédée par don Enrique à Olivier de Mauny, est précisément à mi-chemin de Borja et de Soria. La ville forte de Molina (auj. Molina de Aragon, prov. de Guadalajara, dioc. de Sigüenza), chef-lieu de la seigneurie de ce nom, érigée en duché en faveur de du Guesclin, est située, comme Soria, sur le versant occidental de la chaîne dont il s’agit, mais un peu plus au sud, là où commence la vallée du Tage ou plutôt de son premier affluent le Gallo; elle commandait par conséquent la route qui met Saragosse en communication avec Tolède, c’est-à-dire l’Aragon avec la Nouvelle Castille, la Manche et l’Estramadure. En 1375, Bertrand du Guesclin vendit le comté de Borja à l’archevêque de Saragosse, moyennant le prix de 27 000 florins d’or (Arch. de l’Archevêché de Zaragoza, d’après une communication de M. le marquis de Santa Coloma).
[107] La ville d’Agreda, cédée à Olivier de Mauny, fait aujourd’hui partie, ainsi du reste que presque toutes les seigneuries données à du Guesclin, de la province de Soria.
[108] Lionel, duc de Clarence, né à Anvers le 29 novembre 1338, fit son testament le 3 octobre 1368 et mourut le 17 de ce mois. La rumeur publique ayant attribué à un empoisonnement la mort de ce prince, marié depuis quelques mois seulement à Yolande Visconti, Édouard Spencer, qui avait accompagné Lionel en Lombardie et en Piémont, entreprit de le venger, prit en main les intérêts du défunt contre le duc de Milan et reçut à cette occasion, au mois de décembre 1368, les félicitations ainsi que les remercîments du roi d’Angleterre. Kervyn, Œuvres de Froissart, XVIII, 489, 490.
CHAPITRE XCIV
[109] Le prince de Galles était à peine rentré à Bordeaux, au retour de son expédition d’Espagne, que, vers le milieu de septembre 1367, il convoqua pour le 2 octobre suivant les trois ordres de l’Aquitaine, à Saint-Émilion, afin de leur demander des subsides. On ignore ce qui se passa dans cette assemblée où beaucoup de députés, notamment ceux des communes du Rouergue, ne purent se rendre par crainte des Compagnies qui infestaient alors toutes les routes. Le prince convoqua une seconde fois les États généraux de sa principauté à Angoulême pour le mois de janvier 1368, en vue d’obtenir le vote d’un fouage qu’il avait résolu d’imposer. Le 18 de ce mois, ce parlement, en retour de concessions nombreuses et importantes, octroya pour cinq ans un fouage de dix sous par feu au fils aîné du prince de Galles, âgé de moins de cinq ans; et l’ordonnance, relative à ce fouage, fut promulguée le 26 janvier 1368 (voyez plus haut, p. XXVII, note 88). Enfin, un troisième parlement réuni à Saintes au mois d’août suivant, vota un impôt sur les dîmes inféodées, c’est-à-dire aliénées par l’Eglise et possédées par des laïques, et Guillaume de Seris fut envoyé à Rome pour obtenir l’adhésion du pape Urbain V à cet impôt. Par conséquent, les parlements de Niort, de Poitiers, de Bordeaux et de Bergerac, dont parle Froissart, ne purent être que des assemblées préparatoires où l’on fit choix des députés chargés de représenter ces villes aux États généraux de Saint-Émilion, d’Angoulême et de Saintes. Voyez l’ouvrage solide et judicieux de M. l’abbé Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 100 à 108.
[110] Invité à adhérer à la levée dans ses seigneuries du fouage voté par les États d’Angoulême, Jean, comte d’Armagnac et de Rodez, répondit par un refus formel et fit signifier ce refus au prince d’Aquitaine par deux chevaliers de sa maison, le seigneur de Barbasan et Giraud de Jaulin. Outre qu’il invoquait, en motivant son refus, la nécessité où il était de demander des subsides à ses vassaux pour payer les dettes contractées, soit à l’occasion de sa rançon après Launac, soit à la suite de l’expédition d’Espagne à laquelle il venait de prendre part sous les ordres du prince, le comte d’Armagnac soutenait que «nous et nos gens estions frans, ne onques aus roys de France et d’Angleterre n’avions paié fouage ne aucune subvencion, et que, pour rien, ne nous metterions en telle servitude.» Toutefois, c’est seulement après avoir vu ses réclamations réitérées repoussées par Édouard III comme par le prince son fils que Jean, dans le courant du mois d’avril 1368, prit le parti de se rendre à Paris et de demander justice au roi de France. Ibid., 144 à 149.
[111] Cet appel fut fait en mai et juin 1368 et coïncida à peu près avec le mariage d’Arnaud Amanieu, sire d’Albret, neveu du comte d’Armagnac, avec Marguerite de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, dont le contrat fut passé le 4 mai de cette année (Arch. Nat., JJ99, no 345). Avant de consentir à recevoir l’appel des seigneurs gascons et surtout de rendre publique cette résolution, Charles V conclut, le 30 juin, avec le comte d’Armagnac et ses adhérents une convention secrète par laquelle le roi de France et les barons de Gascogne contractaient une alliance indissoluble en cas de guerre avec l’Angleterre, à la seule condition que le roi respecterait les priviléges des barons et ne lèverait pendant dix ans aucun fouage extraordinaire sur leurs domaines sans leur consentement (Bibl. de l’École des Chartes, XII, 103; Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 111). Le lendemain 1er juillet, le roi, voulant récompenser le comte d’Armagnac, chef de cette ligue contre les Anglais, lui donna les comtés de Bigorre et de Gaure, Montréal, Mezin, Francescas, Astaffort, Lavardac, Fauguerolles, Cauderon, Cordes, Castets, Mas-d’Agenais, Lias, Montagnac, Monguilhem, la moitié de la vicomté de Juilhac, les hommages de Casaubon, de Poudenas, de Fourcès, de Villeneuve, les appellations et premiers ressorts de Lectoure (Ordonn., VI, 104). Toutes ces seigneuries étaient encore soumises à la domination anglaise.
[112] Par acte daté de Westminster le 10 février 1367, Édouard III accorde un permis de séjour en France jusqu’au jour Saint-Michel prochain venant à Gui, comte de Saint-Pol, otage en Angleterre, et s’engage à mettre en liberté au dit terme de Saint-Michel, Waleran et Robert de Saint-Pol, otages au lieu et place de leur père, quand même celui-ci ne serait pas de retour à Londres dans le délai fixé (Rymer, III, 819).
[113] D’après les légistes de Charles V, le roi de France n’avait pas, à proprement parler, renoncé à la souveraineté et au ressort; il en avait seulement suspendu l’usage en subordonnant sa renonciation définitive à certaines conditions qu’Édouard III n’avait pas remplies (Grandes Chroniques, VI, 254 à 263).
[114] Louis, duc d’Anjou, avait des griefs personnels contre Édouard III qui l’avait dénoncé comme déloyal et félon lorsque le second des fils du roi Jean, l’un des otages du traité de Brétigny, mis en liberté sur parole à la fin de 1363, avait refusé de revenir en Angleterre. Nommé dans les premiers jours de novembre 1364 (Mandements de Charles V, p. 61, 62) lieutenant du roi son frère en Languedoc, Louis supportait impatiemment le voisinage de la domination anglaise. M. l’abbé Rouquette a retrouvé dans les archives communales de Millau une lettre de ce prince, adressée aux habitants de cette ville et datée de Toulouse le 22 décembre 1368, où l’on voit bien l’activité qu’il déploya pour faire éclater un mouvement insurrectionnel en Guyenne et surtout dans le Quercy et le Rouergue. Le Rouergue sous les Anglais, p. 118 à 120.
[115] L’enfant, qui devait être un jour Charles VI, naquit en effet à l’hôtel Saint-Pol le dimanche 3 décembre 1368, premier jour de l’Avent, et fut baptisé en l’église Saint-Pol le mercredi 6 décembre suivant (Grandes Chroniques, VI, 266 à 268). C’est le jour même de la naissance de son héritier présomptif, coïncidant avec l’Avent, que Charles V adressa deux lettres dont il sera fait mention plus loin, l’une aux habitants de Montauban, l’autre à Gui de Sévérac, chevalier du Rouergue, où pour la première fois il déclarait publiquement recevoir l’appel des barons de Gascogne.
[116] Charles d’Albret, l’aîné des trois enfants d’Amanieu, sire d’Albret et de Marguerite de Bourbon, si l’on place sa naissance au mois de décembre de cette année, serait venu au monde à huit mois.
[117] Le prudent Charles V hésita beaucoup avant de prendre une détermination qui équivalait à une rupture du traité de Brétigny. Dans une assemblée tenue le vendredi 30 juin 1368, il consulta son conseil: trente-sept membres de ce conseil furent d’avis que le roi devait recevoir les appellations portées par les habitants de la Guyenne devant le Parlement (Arch. Nat., J 293, nos 16 et 17). Le 28 décembre suivant, Charles V, «pour assurer sa conscience», soumit de nouveau la question aux délibérations de quarante-huit personnes des plus notables de son royaume. Il fut décidé, à l’unanimité, que le roi pouvait et devait user de ses souveraineté et ressort en recevant les appellations de ses sujets de Guyenne, et ce sous peine de péché mortel (Arch. Nat., J 654, no 3). Dès le commencement de ce mois, Charles V avait écrit des lettres aux principales villes et aux seigneurs les plus marquants du Rouergue et du Quercy, où il revendiquait son droit de ressort et de souveraineté sur cette province au sujet des appellations du comte d’Armagnac et du sire d’Albret (J 655, no 22), tout en protestant encore qu’il ne voulait point rompre le traité de Brétigny. L’une de ces lettres, adressée aux habitants de Montauban, est datée du 3 décembre 1368 (Dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 338). Par une autre lettre, datée aussi de Paris le 3 décembre 1368, Charles V notifie à Gui de Sévérac, l’un des principaux seigneurs du Rouergue, qu’il a reçu l’appel des barons de Gascogne, et l’invite à faire son devoir «tel comme seigneur doit faire à son seigneur souverain.» Le 22 décembre suivant, Louis, duc d’Anjou, adresse de son côté une notification analogue aux principales villes du Rouergue et notamment à ses «très amez les consouls et habitans de la ville de Millau.» Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 113 à 120.—A la même date, Charles V avait invité le comte de Flandre à faire publier par toutes les villes de son comté le fait de l’appel des barons de Gascogne; mais Louis de Male, qui se trouvait alors à Anvers, répondit le 20 décembre 1368 par un refus assez sec (Kervyn, Œuvres de Froissart, XVIII, 491).
[118] Bernard Palot, juge criminel de Toulouse.
[119] Ce chevalier s’appelait Jean de Chaponval; Caponnet est sans doute un surnom. Messire Jean de Chaponval, maître d’hôtel du régent, fut gratifié en juin 1358 des biens que Jean Rose, le rebelle de Meaux, possédait au bailliage de Senlis (Arch. Nat., JJ 86, no 153).
[120] Les lettres de citation du roi de France furent signifiées au prince de Galles à Bordeaux sur la fin de l’année 1368 ou dans les premiers jours de 1369. M. Lacabane a publié le texte de ces lettres dans son article Charles V du Dictionnaire de la Conversation. Cf. Bibl. de l’École des Chartes, XII, 104.
[121] La chronique rimée du héraut Chandos prête au prince de Galles une réponse conçue en termes presque identiques:
[122] L’acte qui autorise Jean, duc de Berry et d’Auvergne, à retourner en France et à y séjourner, est daté de Westminster le 1er février 1366; et ce congé, accordé d’abord pour un an, fut prolongé jusqu’à Pâques 1368 (Rymer, III, 783, 785).
[123] Jean VI, comte de Harcourt et d’Aumale, otage en Angleterre, passa procuration à Londres le 12 janvier 1365 (n. st.) pour servir ses fiefs en France, et spécialement en l’évêché de Poitiers (La Roque, Additions aux preuves de l’histoire de la maison de Harcourt, IV, 1435). Dans le courant de 1367, à la requête du prince d’Aquitaine et de Galles et «parmy l’entreprise et pleggerie de nostre cher et feal Loys de Harecourt, vostre oncle», le comte de Harcourt fut autorisé à se rendre en France et à y résider pendant quelques mois; mais dès le 1er décembre de cette année, Édouard III le somma de revenir se constituer otage à Londres, et cette sommation fut renouvelée le 5 janvier de l’année suivante (Rymer, III, 837, 840). En cette même année 1368, le 14 octobre, Jean VI se maria à Catherine de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France. Louis de Harcourt, oncle de Jean VI, était vicomte de Châtellerault, et, à ce titre, comme le dit Froissart, le seigneur le plus important du Poitou.
[124] Gui de Blois, seigneur de Beaumont en Hainaut, otage depuis la conclusion du traité de Brétigny, c’est-à-dire depuis la fin de 1360, ne fut autorisé à repasser sur le continent que le 8 juillet 1367 (Rymer, III, 830). Le 15 de ce même mois, par contrat passé à Londres, il céda, ainsi que le raconte Froissart, son comté de Soissons à Enguerrand, sire de Coucy, en faveur d’Élisabeth d’Angleterre, dame de Coucy (Anselme, Hist. généal., VI, 97).
[125] Pierre, comte d’Alençon, fut autorisé à se rendre en France et à y séjourner, en même temps que Jean, duc de Berry et d’Auvergne, du 1er février 1366 à Pâques 1368 (Rymer, III, 782, 783, 785).
[126] La rançon de Louis II, duc de Bourbonnais, fut fixée à 40 000 écus, et non à 20 000 francs, comme le rapporte inexactement Froissart. Le premier payement en fut effectué le 6 décembre 1367; un nouvel à-compte fut porté par Hugues de Digoine en Angleterre, le 31 mars 1368 (n. st.); et la rançon ne fut complétement payée qu’à la fin de cette année. Le duc Louis n’en fut pas moins mis en liberté dès le 22 janvier 1366 (Rymer, III, 783); le 14 juin de cette année, il était à Moulins (Arch. Nat., P 1460, nos 1938-74), le 18, à Souvigny, et le 24, à Montluel (Arch. de la Côte-d’Or, B 8552).—C’est pour parfaire le payement de sa rançon que Louis II, par acte daté de Paris le 16 décembre 1368, engagea à Jean Donat, bourgeois et épicier à Londres, au prix de 5200 écus d’or, «sa cotte d’escarlate rousée, ordonnée à vesteure de homme, semée et ouvrée de plusieurs et divers ouvraiges de grosses perles et rubis baillais et saphirs» Arch. Nat., P 1358, no 98; Bibl. de l’École des Chartes, XVII, 268 à 272.
[127] Thomas de Wetenhale, cousin du fameux Hugh de Calverly, avait été nommé sénéchal du Rouergue dans le courant du mois de mai 1365, en remplacement d’Amanieu du Fossat; il tenait sa cour à Villefranche (aujourd’hui Villefranche-de-Rouergue, Aveyron), où résidait également le trésorier du prince d’Aquitaine en Rouergue. Quoique Froissart fasse vivre le sénéchal du Rouergue jusqu’à la reddition de Millau au duc d’Anjou, c’est-à-dire jusqu’au 31 mai 1370, il est certain que Thomas de Wetenhale mourut dans la seconde moitié du mois de septembre 1369, à la suite des blessures qu’il avait reçues au combat de Montlaur (Aveyron, arr. Saint-Affrique, c. Belmont), où il avait été battu par Jean, comte de Vendôme et de Castres (au mois d’août précédent, la seigneurie de Castres avait été érigée en comté par Charles V). Thomas fut enterré à Montlaur, où l’on voit encore aujourd’hui son tombeau; et le conseil de ville de Millau, resté fidèle au parti anglais, fit faire au sénéchal un service solennel dans l’église Notre-Dame de l’Espinasse. Le Rouergue sous les Anglais, p. 73, 129, 156 à 158.
[128] Les historiens du Rouergue ont dit (Gaujal, Essais historiques sur le Rouergue, I, 411) et le savant M. Lacabane a répété (Bibl. de l’École des Chartes, XII, 103 et 104) que, dès le 17 septembre 1368, Rodez avait expulsé l’administration anglaise. Les registres des comptes et des délibérations consulaires, conservés aux Archives municipales de Millau, contredisent cette assertion. On y voit que la cité de Rodez, soumise à l’évêque de cette ville, et le bourg de Rodez, relevant du comte d’Armagnac, adhérèrent à l’appel au roi de France à la fin de septembre seulement. Un certain Pierre Borda fut alors chargé de porter à Paris l’acte contenant cette adhésion. Adhérer à l’appel, c’était reconnaître implicitement la souveraineté du roi de France; mais la reconnaissance de cette souveraineté suprême ou du ressort n’entraînait pas la déchéance du souverain immédiat, c’est-à-dire du prince d’Aquitaine. Malgré cette reconnaissance, la ville de Rodez, cité et bourg, continua de rester soumise à la domination anglaise. Cela est tellement vrai que le 29 septembre, le grand maréchal d’Aquitaine, allant en ambassade à Rome, passa par Rodez et y reçut des consuls les présents accoutumés. Rodez ne rompit ouvertement avec le gouvernement anglais et ne se donna officiellement à la France qu’à la fin de janvier ou dans les premiers jours de février 1369. Le 27 février seulement, les fleurs de lis furent placées sur le Poids et la maison commune du bourg. La première place du Rouergue qui semble avoir secoué ouvertement le joug étranger est Najac (Aveyron, arr. Villefranche-de-Rouergue). Dès le 5 janvier 1369, Raymond Guerre, bourgeois de Najac, se faisait donner les droits utiles de la châtellenie, montant à 20 marcs d’argent par an, ainsi que le droit de basse justice au dit lieu de Najac, rapportant annuellement 60 sous tournois, en récompense de son entremise «in et circa veram obedienciam dicti loci de Najaco erga dominum meum regem atque nos exhibitam et ostensam.» Arch. Nat., JJ 100, no 537; JJ 102, no 202.—Mais, deux ans plus tard, par acte daté d’Albi le 28 février 1371 (n. st.), le duc d’Anjou, ayant appris que Raymond Guerre s’était fait valoir aux dépens de ses concitoyens, lui retirait les 20 marcs d’argent dont il vient d’être question pour les assigner à ceux-ci, «considerantes bonam voluntatem et cordialem dileccionem quas ipsi consules et habitatores (Najaci) erga dominum meum et nos, mortis formidine retrojecta, habuerunt et de facto monstraverunt de primis totius ducatus Aquitanie, ad obedienciam regis et nostram veniendo, et ipsum dominum meum suum verum, directum et naturalem dominum recognoscendo et inimicos domini mei et nostros, extunc in dicto loco existentes, debellando et ab eodem projiciendo.» JJ 102, no 101.—Quant à la défaite de Thomas de Wetenhale près de Montauban, elle n’a pu avoir lieu, si tant est qu’il faille ajouter quelque foi au récit de Froissart, qu’au mois de janvier 1369, puisque le sénéchal du Rouergue, absent de cette province depuis plus de deux ans, n’y rentra qu’au mois de décembre 1368. La première rencontre eut lieu le 17 janvier au Mont d’Alazac, où Jean d’Armagnac, fils du comte, tua 400 Anglais, en prit 60, et parmi ces derniers, Pierre de Gontaut et un neveu du sénéchal de Quercy. Le Rouergue sous les Anglais, p. 121 à 137.
[129] Il importe beaucoup, pour préciser un peu la chronologie extrêmement vague et confuse de Froissart, d’établir la date au moins approximative du départ de Jean Chandos pour la Guyenne. Le connétable d’Aquitaine, vicomte de Saint-Sauveur, était encore en basse Normandie le 6 octobre 1368, jour où il donna quittance de 15 000 fr. à Gerard de Crepon, vicomte de Valognes (L. Delisle, Preuves de l’histoire du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, p. 167). Mais il était arrivé en Guyenne dès le mois de décembre suivant, ainsi que l’atteste l’article de compte suivant: «A Navarre, roy des heraux de Monseigneur (le roi de Navarre), par mandement de l’abbé de Cherebourg du XVIIIe jour de decembre MCCCLXVIII, pour aller devers messire Jehan Chandos en Guyenne.» Ibid., p. 148.
[130] Dordogne, arr. Bergerac.
[131] Le 24 novembre 1368, Charles V fit l’avance de 12 000 francs d’or à Taleyrand de Périgord, et, le 28 de ce même mois, de 40 000 fr. d’or, au comte de Périgord, pour les frais de la guerre contre le roi d’Angleterre (Delisle, Mandements de Charles V, p. 240 à 242).
[132] La plupart de ces chefs de Compagnie étaient Bretons. L’un d’eux, Alain de Taillecol, surnommé l’abbé de Malepaye, qui prend le titre d’écuyer du roi dans une quittance datée d’Angers le 2 avril 1366 (n. st.), (Hay du Chastelet, Hist. de Bertrand du Guesclin, p. 341 et 342), occupait alors (Arch. Nat., JJ 109, no 192) le fort de Breviande, en Sologne (aujourd’hui ferme de la Ferté-Hubert, Loir-et-Cher, arr. Romorantin, c. Neung).
[133] Par acte daté de Westminster, le 30 octobre 1368, Édouard III accorda des lettres de sauf-conduit aux comtes de Tancarville et de Saarbruck, à maître Guillaume de Dormans, chevalier, et à Jacques le Riche, doyen de Paris, qui se rendaient en Angleterre avec une escorte de cent chevaux (Rymer, III, 850). Le 24 décembre suivant, Charles V envoyait encore en Angleterre un de ses huissiers de salle porter des fromages de France à sa «très chiere et amee suer la royne d’Angleterre.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 245, no 483.—Le 27 décembre, une somme de mille francs d’or par mois était allouée au comte de Tancarville pour ses frais de voyage et de séjour en Angleterre.
[134] Que le roi de France ait fait porter par un de ses valets de cuisine un défi à son adversaire d’Angleterre, cela est dépourvu de vraisemblance, et rien n’est plus contraire à tout ce que l’on sait du caractère de Charles V. Quoi qu’il en soit, les deux rois se préparèrent ouvertement à la guerre dès les premiers mois de 1369.
[135] Guillaume de Seris, que la Rochelle avait député vers le roi de France, à Calais, avec quatre autres bourgeois, le 15 août 1360 (Chroniques de J. Froissart, VI, XVII, note 67), institué avec Jean Chandos, le 20 juillet 1366, gardien des terres et seigneuries situées en Poitou et Saintonge, et cédées par le duc d’Orléans à Thomas de Wodestok, l’un des fils d’Édouard III (Rymer, III, 794), encore fidèle au parti anglais à la date du 14 juin 1367 (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 127), fut gratifié par Charles V, en mai 1371, de 1000 livrées de terre ou de 1000 livres parisis de rente annuelle et perpétuelle, pour s’être rallié au parti français, «cum dilectus et fidelis miles et consiliarius noster Guillelmus de Seris, primus presidens in parlamento nostro Parisiensi, habita noticia nostri juris et justicie in guerra quam Eduardus Anglie et princeps Wallie primogenitus suus, cujus erat consiliarius, nobis noviter suscitarunt, spretis honoribus quibus se gaudebat attolli et commodis omnibus, et dimissis possessionibus et bonis suis quibuscumque, mobilibus et immobilibus, que sub dictorum hostium nostrorum dominio possidebat, ad nos accedens, nostre se submiserit obediencie, nobis et nostris se offerens serviturum....» Arch. Nat., sect. hist., JJ 102, no 272.—Douze jours avant la reddition de la Rochelle, par acte daté de son château du Bois de Vincennes, le 27 août 1372, le roi de France donna à Guillaume de Seris, chevalier, son conseiller, premier président en son Parlement, «pour ce que liberalment s’est soubmis à nostre obeissance, en cognoissant le droit qui nous appartient en la duché de Guienne», une maison appelée la maison de Fessac, sise à la Rochelle et confisquée sur Jean de Ludent, prêtre anglais et receveur de Saintonge. JJ 103, no 237.—Guillaume de Seris, institué premier président du Parlement, avant le mois de mai 1371, mourut à Lyon au retour d’un voyage à Rome le 3 octobre 1373, et le Parlement assista en corps à ses obsèques qui furent célébrées à Paris le 23 novembre suivant; il est mentionné comme mort dans un mandement en date du 28 décembre 1374, relatif à un don de 200 francs fait à son neveu Étienne Poissonart, huissier d’armes de Charles V, «pour consideration des services que nous fist en son vivant nostre dit conseiller, oncle du dit Estienne.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 564.—En supposant exact pour tout le reste le récit de Froissart, Guillaume de Seris ne serait donc resté à l’abbaye de Cluny que deux ans tout au plus, et non cinq ans.
[136] Le 26 avril 1369, Édouard III renvoya cinquante pipes de vin que Charles V lui avait fait porter en Angleterre et présenter par un des officiers de son échansonnerie nommé Jean Eustache (Rymer, III, 864). Cet envoi de vin, qui put paraître au roi d’Angleterre une sorte de bravade et de provocation dérisoire en présence des préparatifs de guerre ouverte que l’on faisait dès lors de l’autre côté du détroit (Delisle, Mandements, p. 255, no 507), n’aurait-il pas donné lieu à la legende du défi rapportée plus haut, et le «Johannes Eustachii, pincerna regis Franciæ», ne serait-il pas le «valet de cuisine breton» dont parle Froissart?
[137] A la nouvelle des préparatifs maritimes du roi de France, l’opinion publique, en Angleterre, fut tellement excitée contre les otages français, qu’Édouard III dut défendre, le 26 avril 1369, de leur faire outrage, menace ou violence (Rymer, III, 864).
[138] Le 9 mars 1369, le roi d’Angleterre donna l’ordre à Henri Lescrop, gouverneur de Calais, Merck, Oye, Sangate, Hames, Audruicq, Guines, Ardres, et à Nicolas de Louvain, gouverneur et sénéchal du Pontieu, en résidence à Abbeville (Rymer, III, 812), de mettre en bon état de défense les forteresses confiées à leur garde (Ibid., 862).
[139] Le dimanche 29 avril 1369, Abbeville et Rue se rendirent à Charles V et ouvrirent leurs portes à Hue de Châtillon, maître des arbalétriers de France. Le comté de Pontieu tout entier était redevenu français dans la première quinzaine de mai, à l’exception de Noyelles (auj. Noyelles-sur-Mer, Somme, arr. Abbeville, c. Nouvion) où les Anglais parvinrent à se maintenir (Grandes Chroniques, VI, 271 et 272). Aussi, la plupart des priviléges, qui furent alors accordés aux bourgeois d’Abbeville, en récompense de leur soumission spontanée, sont-ils datés de ce même mois de mai 1369. Ordonn., V, 177. Delisle, Mandements, nos 541 et 542. Arch. Nat., JJ 100, nos 8, 167, 169, 189, 212, 213, 219, 228, 517.
[140] Nicolas de Louvain avait deux maisons: l’une à Rue, l’autre à Abbeville «devant les Flos Saint Sepulcre», qui furent toutes les deux confisquées en mai 1369. Arch. Nat., JJ 100, nos 502, 611.
[141] Arch. Nat., JJ 100, nos 171 à 173.
[142] Au commencement de 1369, Beraud, comte dauphin d’Auvergne, se racheta moyennant 12 000 nobles d’or, et, par acte daté de Souvigny, le 4 juillet de cette année, Louis, duc de Bourbon, comte de Clermont, se porta garant du payement de cette somme. Rymer, III, 816, 817, 875.
[143] Le payement de la rançon de Jean de Châtillon, comte de Porcien, n’était pas encore définitivement réglé le 28 octobre 1375. Rymer, III, 1043.
[144] Nous sommes en mesure d’indiquer dès maintenant le cas fortuit auquel Froissart fait allusion. En 1374, Bertrand du Guesclin négocia et obtint la mise en liberté de Mathieu II du nom, seigneur de Roye et de Germigny, otage en Angleterre depuis 1360, à condition que le dit Mathieu donnerait Marie, sa fille unique, en mariage à Alain de Mauny, neveu à la mode de Bretagne du connétable de France. Anselme, Hist. généal., VIII, 9 et 10.
CHAPITRE XCV
[145] Par acte daté de Paris le 5 février 1369 (n. st.), Charles V institua Jean, duc de Berry et d’Auvergne, son lieutenant général pour le fait de la guerre ès parties de Berry, d’Auvergne, de Bourbonnais, de Forez, de Sologne, de Touraine, d’Anjou, du Maine, de Normandie, d’entre les rivières de Seine et de Loire, de Mâconnais et de Lyonnais, excepté les fiefs du duc de Bourgogne ès pays de Lyonnais, et lui donna pouvoir d’assembler des gens d’armes pour résister aux Compagnies qui étaient sur le royaume et à tous autres. Arch. Nat., sect. adm., P 2294, fo 730.
[146] Dès la fin de 1368, la région de la Touraine, contiguë au Poitou, avait beaucoup à souffrir du voisinage des garnisons anglaises. L’imprenable forteresse de Loches, mise en bon état de défense par Enguerrand de Hesdin quelques années auparavant, était le grand refuge des malheureux habitants de cette région, comme on le voit par un acte daté de Paris en décembre 1368, où Charles V autorise la création d’un marché à Loches le lundi de chaque semaine, considérant que «nonnulli patriote et alii in multitudine copiosa affluerint in eadem tempore periculoso, et ipsorum quidam in ipsa sepius morentur ad evitanda pericula que sepe eveniunt in illa patria prope metas cujuscumque frequentant plures nostri malivoli.» Arch. Nat., JJ 99, no 280.
[147] Ce brave chevalier était originaire de la Marche. Le 20 février 1369 (n. st.), Charles V le chargeait, ainsi que Troullart de Maignac, de «certaines grans et secrètes besongnes» pour l’accomplissement desquelles il faisait donner à ces deux chevaliers une somme de 2000 francs d’or. «Sachent tuit que nous Loys de Saint Julian et Troullart de Maignac, chevaliers, confessons avoir eu et receu de François d’Aunoy, receveur sur le fait des aides ordenez pour la provision et defense du royaume ès cité et diocèse de Paris, la somme de deux mille frans d’or lesquelz le roy nostre sire nous a fait bailler comptant par le dit receveur pour certaines grans et secrètes besongnes touchans le bien et prouffit du roy nostre dit seigneur et du dit royaume. Desquelz deux mille frans nous nous tenons à bien payez et en quittons le dit seigneur, ycelui receveur et touz autres à qui quittance en appartient. En tesmoing de ce, nous avons scellé ceste quittance de nostre seel commun ouquel sont les noms et l’emprainte des armes esquartelées de nous deux ensemble, qui fu faicte l’an mil ccclx huit, le xxe jour de fevrier.» Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, vol. 62, fo 4799, au mot Julien.
[148] Si Guillaume Guenaut, seigneur des Bordes (château situé à Pressigny-le-Petit, Indre-et-Loire, arr. Loches, c. du Grand-Pressigny), chevalier et chambellan du roi de France, guerroya sur la frontière du Poitou, ce ne put être que pendant la seconde moitié de 1369, car diverses montres de la première moitié de cette année établissent la présence de ce chevalier à Alençon le 28 janvier, à Saint-Lo le 15 mars et à Saint-Omer le 12 juin (Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, au mot Bordes). Toutefois, la situation du domaine des Bordes, si rapproché de la Roche-Posay, rend cette participation de Guillaume Guenaut à la guerre du border poitevin très-vraisemblable. Les Guenaut étaient en outre seigneurs du Blanc (auj. chef-lieu d’arr. du dép. de l’Indre) dont le château, situé sur les confins du Berry et du Poitou, était alors occupé par les Anglais. Le château du Blanc ne fut repris par les Français sous la conduite de Jean de Villemur que dans les premiers jours de février 1370 (Arch. Nat., JJ 100, no 290).
[149] Jean de Kerlouet, écuyer, originaire de Plévin au diocèse de Quimper (auj. Côtes-du-Nord, arr. Guingamp, c. Mael-Carhaix; d’après la carte de l’état-major, il y a encore un hameau de Kerlouet en Plévin), était âgé de trente-cinq ans lorsqu’il déposa à Angers le 5 novembre 1371 dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois. Ancien serviteur et partisan dévoué du mari de Jeanne de Penthièvre, Kerlouet avait accompagné Bertrand du Guesclin dans sa première expédition en Espagne, et c’est au retour de cette expédition, en 1368, qu’il commença à guerroyer contre les Anglais sur la frontière du Poitou: «Item, quando iste (Jean de Kerlouet) et multi alii regressi sunt de Yspania in societate Bertrandi de Guesclin, iste et alii socii, numero duodecim bellatorum vel circiter, iverunt in equitatu versus Salmurum ubi inimici sui erant, ut dicebatur. Et dum fuerunt prope Salmurum, invenerunt inimicos suos quasi numero duodecim bellatorum. Et cum iste et socii aliquem capitaneum non haberent et inimicos assalire vellent, petiverunt unus ab altero qualem clamorem levarent, et proclamaverunt sanctum Carolum et victoriam obtinuerunt.» Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, II, 19 et 20.—Dans les quittances auxquelles Jean de Kerlouet a apposé son sceau (l’écu, soutenu par un homme armé, porte un cor de chasse accoté de trois merlettes), le nom de cet écuyer breton est écrit tantôt Karalouet (quittance des 20 avril et 12 septembre 1371), tantôt Karelouet (quittance du 23 avril 1371), tantôt enfin Kaierlouet (quittance du 4 octobre 1371). Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Karalouet et Titres scellés de Clairambault, tome LXII, fo 4819.—Le plus beau titre de Jean de Kerlouet, ce sont les lignes suivantes du testament de Charles V daté du château de Melun en octobre 1374: «Item, voulons que pareillement soient achetées trente livres de rente pour fonder une chapelle pour Caralouet, où plus profitablement pourra estre fait au regart de ses amis.» Arch. Nat., J 153, no 17; K 50, no 10, fo 3.—Il importait d’autant plus de bien établir ici l’individualité de Jean de Kerlouet qu’on a confondu récemment (Œuvres de Froissart, XX, 546, au mot Charuel) cet écuyer breton avec l’un de ses compatriotes, Even Charuel, chevalier, et l’un des héros du combat des Trente. On est allé jusqu’à dire, pour justifier cette identification, qu’Even était l’équivalent de Jean. Nous ne prendrions pas la peine de relever de telles méprises, si elles n’émanaient d’un savant dont le nom, entouré d’un prestige légitime, pourrait les faire accepter de confiance.
[150] Owen de Galles, écuyer, qui prétendait descendre des anciens souverains du pays de Galles, réussit à rallier au parti français son compatriote Jean Win (Laroque et M. Paulin Paris ont lu: Jacques), dit le Poursuivant d’amours, dans le courant de 1369 (Gr. Chron., VI, 320; Arch. Nat., LL 197, no 4). Le 24 octobre 1365, «Johan Win, escuier», alors au service d’Édouard III, avait été chargé par ce prince, ainsi que Nichol de Tamworth, chevalier, de faire évacuer les forteresses des comtés de Bourgogne, de Nevers et de Rethel occupées par les Compagnies anglaises (Rymer, III, 777). Dans un mandement du 13 février 1379 (n. st.) où cet écuyer gallois, devenu l’écuyer d’écurie du roi de France, est retenu pour 95 hommes d’armes, on donne aussi à Win, «dit Poursigant», le prénom de Jean (Delisle, Mandements de Charles V, p. 739, 896). Le Poursuivant d’amours était encore au service de Charles VI le 19 février 1383 (Arch. Nat., JJ 122, no 128).
[151] Aujourd’hui Montmorency, Aube, arr. Arcis-sur-Aube, c. Chavanges.
[152] Thierri, dit le Chanoine de Robersart (Nord, arr. Avesnes, c. Landrecies), seigneur d’Ecaillon (Nord, arr. et c. Douai), reçut d’Édouard III, dès le 24 août 1366, une pension de quatre cents livres. Par acte daté du château de Rouen en juillet 1369, Charles V donna à Jean de Dormans, cardinal évêque de Beauvais, son chancelier, quatre marcs d’or achetés par le Chanoine de Robersart, deux sur la ville de Crépy en Laonnois, et les deux autres sur la ville de Vervins en Thiérache, confisqués «pour ce que le dit Chanoine s’est faiz et renduz nostre ennemy et a tenu et tient le parti de Edwart son ainsné filz à l’encontre de nous et de nostre royaume.» Arch. Nat., JJ 100, no 232.
[153] Au mois de janvier 1369, le duc d’Anjou enrôla Noli Pavalhan, capitaine de 88 hommes d’armes. (Titres scellés de Gaignières cités par dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 339).
[154] Les gens des Compagnies anglaises, commandés par Jean Cressewell, Hochequin Russel, Folcquin l’Alemant et Toumelin Bell, s’emparèrent par surprise de la ville de Vire, le 2 août 1368; le château de Vire, défendu par Raoul d’Auquetonville, résista aux attaques des Anglais qui évacuèrent la ville elle-même dans les premiers jours de septembre, moyennant le payement d’une rançon de 2200 francs d’or (Grandes Chroniques, VI, 253, 254; Bibl. de l’École des Chartes, III, 274 à 277; Arch. Nat., JJ 99, no 593).
[155] Vers le 17 août 1368, quatre ou cinq cents compagnons anglais, sous les ordres de Jean Cressewell et de Folcquin l’Alemant, s’étant détachés de la bande qui avait surpris Vire, pénétrèrent dans le Maine et réussirent à se rendre maîtres de Château-Gontier (Grandes Chroniques, VI, 254). L’évacuation ou, comme on disait alors, le videment de cette place forte ne fut obtenu, comme celui de Vire, qu’à beaux deniers comptants. Un subside spécial fut levé sur les deux diocèses du Mans et d’Angers pour parfaire la somme destinée au rachat de Château-Gontier. Guillaume Bequet, receveur général au diocèse du Mans, fut même obligé, le versement s’étant trouvé insuffisant, de laisser ses chevaux en compte aux routiers (Arch. Nat., JJ 100, no 84). C’est alors sans doute que le Lion-d’Angers (Maine-et-Loire, arr. Segré) fut occupé par deux chefs de bande, «Hochequin Roussel et Jehan Chache, capitaines de deux routes demourans ou dit fort de Leon en Anjou» JJ 100, no 155.—Nous voyons par un autre mandement, daté de la Suze-sur-Sarthe le 8 septembre, qu’Amauri, sire de Craon, donna la chasse à d’autres bandes qui, après leur départ de Château-Gontier, avaient pénétré en Bretagne, et les poursuivit jusqu’à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, I, 1632 à 1634.
[156] Hugh de Calverly, qui avait été fait comte de Carrion par don Pèdre, avait dû rester en Espagne même après le départ du prince de Galles et le retour de l’armée anglaise en Guyenne.
[157] Avant d’entrer en campagne, le prince d’Aquitaine crut devoir adresser un manifeste aux prélats, aux barons et aux communes de sa principauté. Ce manifeste, daté d’Angoulême le 27 janvier 1369, est surtout dirigé contre le comte d’Armagnac auquel le prince reproche de manquer à ses serments, de le payer d’ingratitude lui qui l’a aidé à acquitter sa rançon au comte de Foix, et enfin de le mettre en guerre avec la maison de France. Dans sa réponse à ce manifeste, datée de Rodez et adressée aux consuls de Millau, le 22 février, le comte d’Armagnac dit que le prince lui reste redevable de 200 000 francs d’or sur les frais de l’expédition d’Espagne, qu’il a toujours refusé de le mettre en possession de Monségur, qu’il a été remboursé de l’argent prêté pour payer le comte de Foix, que le prince et le roi d’Angleterre son père n’ont jamais voulu faire droit aux réclamations relatives à la levée du fouage, et «que nul serment de feauté, nul homage, nul serment de conseil ne nous lie en riens que, quant le seigneur nous griesve, nous ne puissions ne deions recourre au remède de droit, c’est appeller à nostre seigneur souverain, et ainsi l’avons nous fait au roy de France.» Ces deux documents, qui offrent un si vif intérêt, ont été publiés pour la première fois par M. l’abbé Joseph Rouquette. Le Rouergue sous les Anglais, p. 139 à 142, 144 à 149.
[158] Il importe beaucoup, pour donner une base solide à la chronologie si flottante et si confuse de Froissart dans le récit des guerres de Gascogne, de déterminer au moins d’une manière approximative la date de l’arrivée en Guyenne des comtes de Pembroke et de Cambridge. Or, nous voyons que, le 16 janvier 1369, Édouard III accorda des lettres de sauf-conduit à son gendre Jean de Hastings, comte de Pembroke, «qui in obsequium regis, ibidem in comitiva Eduardi principis Aquitanie et Vallie moraturus, profecturus est versus partes Aquitanie.» Rymer, III, 857.
[159] L’expédition des comtes de Cambridge et de Pembroke en Périgord ne peut être antérieure à la seconde quinzaine d’avril 1369, car c’est alors seulement qu’Archambaud V, comte de Périgord, se décida après de longues hésitations à donner son adhésion à l’appel porté devant le roi de France par Jean, comte d’Armagnac, et le sire d’Albret. Le comte avait été devancé par son frère Taleyrand de Périgord qui avait adhéré à l’appel dès le 28 novembre de l’année précédente et en faveur duquel Louis, duc d’Anjou, par acte daté de Toulouse en mars 1369, venait de constituer une rente de 3000 livres à prendre «in et super conquesta in senescallia Petragoricensi et in senescallia Caturcensi.» (Arch. Nat., JJ 100, no 778.) Le 15 du mois suivant, le prince d’Aquitaine, pour retenir Archambaud dans le parti anglais, confirma solennellement les priviléges de son comté (Bibl. Nat., fonds Doat, reg. 244; Périgord, tome III, fo 19); mais il était trop tard: le comte de Périgord, qui se trouvait alors à Caussade en Quercy (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban), avait adhéré formellement à l’appel deux jours auparavant (Ibid., reg. 242; Périgord, tome I, fo 661). Dans le courant de mai, Archambaud prit ouvertement parti contre les Anglais et se rendit à Toulouse auprès du duc d’Anjou (Arch. municipales de Périgueux, livre noir, fo 46, cité par Dessalles, Périgueux et les deux derniers comtes de Périgord, Paris, 1847, p. 89). Tandis que Charles V, par acte daté de Saint-Germain-en-Laye en mai 1369, confirmait, pour récompenser le comte de Périgord, toutes les donations antérieures faites en sa faveur (Arch. Nat., JJ 100, no 431), le prince d’Aquitaine, impatient de se venger de cette défection, donnait l’ordre aux comtes de Cambridge et de Pembroke de marcher sur le Périgord, et, le 26 juin, après avoir confisqué ce comté, en faisait don à Regnault de Pons, vicomte de Turenne et de Carlat, seigneur de Ribérac, de Montfort, d’Aillac, de Carlux, oncle par alliance d’Archambaud V.
[160] Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme. Pendant le siége de Bourdeilles, les Anglais s’emparèrent de Roussille (château situé en Douville, Dordogne, arr. Bergerac, c. Villamblard) et firent des tentatives infructueuses contre Auberoche (château situé au Change, arr. Périgueux, c. Savignac-les-Églises) et Montignac (Dordogne, arr. Sarlat). Dessalles, Ibid., p. 90.
[161] Ernaudon et Bernardet de Badefol étaient les deux fils naturels de Seguin de Gontaut, sire de Badefols (auj. Badefols-de-Cadouin Dordogne, arr. Bergerac, c. Cadouin), père du fameux Seguin de Badefol, empoisonné par le roi de Navarre à la fin de 1365. Seguin de Gontaut, qui avait aussi donné le jour à trois filles naturelles, vivait encore au commencement de 1369; il mourut peu après, le 23 août 1371, et fut enterré dans l’abbaye de Cadouin. Tandis que les deux bâtards de ce seigneur s’étaient enrôlés dans le parti français et commandaient la garnison de Bourdeilles, Gastonnet ou Tonnet, le dernier né des fils légitimes de Seguin, était, comme nous le verrons plus loin, capitaine de Bergerac pour les Anglais.
[162] Le 5 avril 1369, Charles V manda à Jean le Mercier, trésorier des guerres, de fournir cinquante payes à son «amé et feal Jehan de Bueil, chevalier, pour la garde de la ville d’Angers et du pays d’environ.» Delisle, Mandements de Charles V, p. 258.—Dans deux actes datés des 16 et 18 juillet suivants, Jean de Beuil est mentionné comme faisant alors la guerre sur les confins de la Touraine et du Poitou (Arch. Nat., JJ 100, no 526).
[163] Ce combat, qui fut livré près de Lusignan vers le milieu de 1369, paraît avoir eu une certaine importance. Froissart est le seul chroniqueur qui le mentionne, mais nous avons découvert un acte relatif à un chevalier français qui y perdit la vie, où l’on donne à cet engagement le nom de «bataille». Par cet acte daté du bois de Vincennes en septembre 1369, Charles V donna les biens confisqués de Simon du Feloux, de Robin du Portau et de Jean de Maisoncelles, sis en Loudunois, à Philippe de Montjehan, veuve de Robert Fretart, fils de feu Robert Fretart, en son vivant chambellan de Philippe de Valois, afin de la dédommager de ce qu’elle avait payé «pour la reançon de feu Robert Fretart son filz lequel, pour nous servir en nos guerres, fu plusieurs fois prisonnier à Montbason et ailleurs et darriennement perdi un cheval, du pris de cent livres, en la bataille qui fu emprè Lizignam, en laquelle aussi fu mort le dit Robert.» Arch. Nat., JJ 100, no 393. Cf. JJ 100, nos 112 et 280.
[164] Simon Burleigh avait été élevé avec le prince de Galles qui le chargea, ainsi que Guichard d’Angle, de diriger l’éducation de son second fils, depuis Richard II. Froissart fut mis de bonne heure en relation avec ce chevalier auquel il dut sans doute quelques-uns de ses récits. «De ma jeunesse, dit le chroniqueur racontant la mort violente de Simon Burleigh en 1387, je l’avoie trouvé courtois chevallier et à mon semblant pourveu de bon sens et entendement.» Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, II, 613.—Simon Burleigh avait épousé Marguerite de Beaussé, veuve du seigneur de Machecoul (Loire-Inférieure, arr. Nantes), laquelle lui avait fait donation de tous ses biens au détriment de son héritière naturelle Catherine de Machecoul, mariée à Pierre de Craon. Par acte daté de Paris, au mois de juillet 1369, Charles V déclara cette donation nulle et non avenue, et il importe de signaler cet acte parce qu’il mentionne l’occupation à cette date de Saumur par les Français, contrairement à l’assertion de tous les historiens anciens et modernes de l’Anjou (Arch. Nat., JJ 100, no 540).
[165] Ce chevalier dont le véritable nom est resté un mystère pour tous les éditeurs et commentateurs de Froissart, s’appelait Adam Chel, dit d’Agorisses; il était originaire du pays de Galles et marié à la dame de Mortemart (Haute-Vienne, arr. Bellac, c. Mézières). Le 2 mars 1370, Charles V déclara confisqué le château de Gençay (Vienne, arr. Civray) qui appartenait à Adam Chel, et le donna à Jean de Villemur; puis, deux jours après, le 4 du même mois, il révoqua la précédente donation et transporta le dit château à Louis, sire de Malval. Au reste, ces donations ne tiraient guère à conséquence, puisque Gençay n’avait pas cessé d’être au pouvoir d’Adam Chel. Arch. Nat., JJ 100, fo 242 (charte barrée) et nos 804 et 472.
[166] Dès la fin de janvier 1369, Jean Chandos devait être arrivé à Montauban, puisque Thomas de Wetenhale, voulant relever le courage et soutenir la fidélité des habitants de Millau, après la défaite des Anglais au mont d’Alazac arrivée le 17 de ce mois, leur disait que Chandos et Bertucat d’Albret, à la tête de troupes considérables, étaient en route pour venir protéger le Rouergue et en chasser les ennemis (Le Rouergue sous les Anglais, p. 137). La mention de Bertucat d’Albret, désigné par Thomas de Wetenhale comme le compagnon d’armes de Chandos, prouve en outre, contrairement à l’assertion de Froissart, que ce chef de Compagnies était encore, à cette date, dans le parti anglais.
[167] Le 27 mars 1369, c’est-à-dire au moment même où Anglais et Français se disputaient le Quercy à main armée, le prince d’Aquitaine donna le comté de Bigorre à Jean de Grailly, captal de Buch, dont il récompensait ainsi l’inaltérable fidélité à sa cause (Carte, Rôles gascons, p. 157). Cette donation fut confirmée par Édouard III, le 8 juin suivant.
[168] Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay. Par acte daté du bois de Vincennes en juin 1369, Charles V donna à son amé écuyer d’écurie Guillaume Goffier les château et châtellenie de Rugny en Touraine (aujourd’hui Rigny, Indre-et-Loire, arr. Chinon, c. Azay-le-Rideau), confisqués sur Guillaume Larchevêque, sire de Parthenay, qui les possédait du chef de sa femme, «pour ce que le dit Guillaume s’est renduz nostre ennemi et a tenu et tient le parti du dit prince de Gales, duc de Guienne, et s’est armez et arme contre nous et noz subgiez, en faisant et portant de jour en jour tous les dommages qu’il peut à nostre dit royaulme, et lequel chastel a esté pris par force de noz gens.» Arch. Nat., JJ 100, no 197.—Le 9 du mois suivant, le roi de France, apprenant que la terre de la Fougereuse en la vicomté de Thouars (aujourd’hui section de Saint-Maurice-la-Fougereuse, Deux-Sèvres, arr. Bressuire, c. Argenton-Château), appartenant à Briand de la Haye, chevalier du parti français, avait été donnée par le prince de Galles au sire de Parthenay, assigna au dit Briand 500 livres de rente sur les biens confisqués de Guillaume Larchevêque. JJ 100, no 201.
[169] Le «Cerrières» du texte (Terrières n’est sans doute qu’une mauvaise leçon provenant de la similitude du t et du c dans l’écriture des quatorzième et quinzième siècles), situé en Toulousain, suivant la remarque du chroniqueur, doit être identifié selon toute vraisemblance avec Roqueserrière (Haute-Garonne, arr. Toulouse, c. Montastruc). Ce que Froissart dit ensuite d’une tentative infructueuse contre Lavaur, confirme cette identification. Les gens d’armes du prince d’Aquitaine attaquèrent sans doute avec un acharnement particulier les châteaux et manoirs de ce Pierre Raymond de Rabastens, seigneur de Campagnac (Tarn, arr. Gaillac, c. Castelnau-de-Montmiral) et de Mezens (c. Rabastens), successivement sénéchal d’Agen, de Beaucaire et en dernier lieu de Toulouse (Arch. Nat., JJ 102, no 224), l’agent dont le duc d’Anjou s’était surtout servi dans ses négociations avec les appelants du Quercy et du Rouergue (Ordonn., VI, 500 et 501). Quoi qu’il en soit, les Anglais ravagèrent alors à tel point l’Albigeois que la population déserta en masse les campagnes pour chercher un refuge dans les villes fermées. Les vignobles restèrent incultes faute de bras pour les cultiver, et, sur la plainte des habitants de Castres, Charles V dut défendre aux campagnards de transporter leurs vins et vendanges à l’intérieur de cette ville et dans sa banlieue, «cum major pars territorii et pertinentiarum dicte civitatis habundet in vineis plusquam in aliis terris fructiferis, que vinee, tam propter pestiferas mortalitates quam eciam guerrarum discrimina, pro majori parte inculte et derelicte remanserunt, presertim ille que distant et sunt longe a dicta civitate, et ob hoc depopulatur civitas antedicta.» Arch. Nat., JJ 100, no 573.
[170] On a vu plus haut qu’Archambaud V, comte de Périgord, était à Caussade en Quercy le 15 avril et à Toulouse en mai 1369. Le 24 et le 28 novembre 1368, Charles V avait assigné 40 000 francs au comte de Périgord et 12 000 à Taleyrand, frère du comte, payables tous les ans dans le cas où le comte adhérerait à l’appel, depuis le moment où le prince de Galles lui aurait déclaré la guerre jusqu’à la fin de la lutte (Delisle, Mandements de Charles V, p. 240 à 242).
[171] Par acte daté de Toulouse le 20 décembre 1369, Louis, duc d’Anjou, donna à Roger de Comminges, vicomte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Monclar), 200 livres de rente assises sur divers lieux du diocèse de Cahors (Arch. Nat., JJ 102, no 140).
[172] Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Caussade. Au premier abord, en lisant dans le texte le récit de ce long siége de Réalville par les gens du duc d’Anjou, on serait tenté d’accuser Froissart d’une de ces erreurs de date dont il est coutumier. On sait en effet que, dès le 18 mars 1369, les habitants avaient adhéré à l’appel au roi de France, après avoir massacré la garnison anglaise (Arch. Nat., J 716, no 18; art. de M. Léon Lacabane dans Bibl. de l’École des Chartes, XII, 107). D’ailleurs, à la date même de cette adhésion, Louis, duc d’Anjou, donna à messire Regnault de Donerel, doyen de Cayrac (Tarn-et-Garonne, arr. Montauban, c. Caussade), la justice haute, moyenne et basse de Cayrac, 60 sous sur un moulin de la rivière de Vayron et le tiers du port de Réalville en la sénéchaussée de Quercy (Arch. Nat., JJ 100, no 243). Toutefois, il y a lieu de supposer que Réalville fut repris par les Anglais peu après l’expulsion de ceux-ci, et que par conséquent les Français, pour rentrer en possession de cette place, durent la soumettre à un siége en règle. Cette supposition se fonde sur un acte daté de Jumiéges en août 1369, où l’on voit que Réalville, redevenu une seconde fois français à cette date, et donné au sire de Puycornet, avait été à peu près détruit à l’occasion de la guerre. Par cet acte, Charles V, à la prière de ce même Regnault de Donerel, doyen de Cayrac, dont il vient d’être question, met hors de tout autre ressort que celui de Cahors la temporalité du doyenné de Cayrac ressortant auparavant à la bailie de Réalville, «licet, occasione guerre per dictos Edwardum (Édouard III) et Edwardum (Édouard, prince d’Aquitaine) commote et habite, locus de Regalivilla fuerit et sit destructus et devastatus sicque in eodem non est neque speratur quod sit aliquis bajulus seu baillivus qui ibidem remanere esset ausus...; et una cum hoc prefatus locus de Regalivilla domino de Puichcornet fuerit et sit concessus.» Arch. Nat., JJ 100, no 242.
[173] C’est Jean d’Armagnac, fils du comte d’Armagnac, qui fut le principal chef des opérations militaires dans le Rouergue et l’Albigeois au commencement de 1369. Parti du Charollais, il traversa l’Auvergne, puis le Gévaudan par où il pénétra en Rouergue et inaugura la campagne, dans les premiers jours de janvier, par la prise de la Roque-Valsergue. Pendant ce temps, le comte d’Armagnac, secondé par Pierre Raymond de Rabastens, sénéchal de Toulouse, que le duc d’Anjou lui avait adjoint (Ordonn., VI, 500 et 501), se chargeait surtout des négociations avec les principales villes (Ordonn., V, 702 à 707; Arch. Nat., JJ 100, no 881).
[174] Par acte daté de Toulouse en février 1369, Louis, duc d’Anjou, donna à Roger de Beaufort, chevalier et seigneur de Beaufort, les lieux de Montfaucon (Lot, arr. Gourdon, c. Bastide) et «de Avaro», en la sénéchaussée de Quercy (Arch. Nat., JJ 100, no 303).
[175] Cet archevêque s’appelait Geoffroi de Vayroles. Le 5 juin 1369, il fut gratifié par Charles V d’une somme de 800 livres d’or (Gall. Christ., XIII, 41); et la même année, Louis, duc d’Anjou, constituait une rente annuelle et perpétuelle de 1000 livres au profit de Gauselm de Vayroles, seigneur de Lalbenque (Lot, arr. Cahors), frère de l’archevêque de Toulouse (Arch. Nat., JJ 102, no 111). Dès le mercredi 31 janvier 1369, le duc d’Anjou avait envoyé ce chevalier, qualifié sénéchal du Quercy, avec cent hommes d’armes, prendre le gouvernement du Périgord et du Quercy et traiter avec les habitants de ces deux provinces. Gauselm était de retour à Toulouse le 3 juillet suivant, jour où il donna quittance de 400 francs d’or pour ses gages en la présente guerre de Gascogne (Bibl. de l’École des Chartes, XV, 199). Du reste, l’évêque de Cahors était alors Begon de Castelnau; et ce n’est pas l’évêque, comme Froissart le dit sans doute par confusion (p. 124), c’est le sénéchal de cette ville et du Quercy, qui était le frère de Geoffroi de Vayroles archevêque de Toulouse. Sauf cette erreur, l’assertion de Froissart, relative aux services exceptionnels rendus par l’archevêque de Toulouse et par son frère, est confirmée d’une manière éclatante par un acte authentique, daté de Paris en avril 1371, où Charles V, ratifiant la donation de 1000 livres tournois de rente faite à Gauselm de Vayroles par le duc d’Anjou son frère, ainsi que l’assignation de cette rente sur un certain nombre de seigneuries du Quercy et de l’Albigeois, motive cette faveur dans les termes suivants: «considerantes et ad memoriam reducentes omnia et singula premissa et laudabilia et utilia servicia que Goffredus, archiepiscopus Tolosanus, Gauselmi de Vairoliis germanus, et miles predictus ac eorum antecessores ab antiquis temporibus nobis et predecessoribus nostris regibus Francie, ut predicitur, fideliter impenderunt, et quod eadem civitas Caturcensis et multa alia fortalicia, ville et loca solempnia ducatus Aquitanie per ipsorum archiepiscopi et militis diligenciam atque penam, et mediantibus tractatibus per ipsos factis, ad nostram subjeccionem et obedienciam, ut dictum est, devenerunt, pro quibus faciendis et eciam prosequendis et pro expensis per eumdem Gauselmum factis eidem tenemur in summa viginti mille francorum auri, de qua summa eidem militi satisfaccionem legitimam facere tenemur, prout per litteras ipsius germani nostri (Louis, duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc) nobis directas fuimus certiorati et debite informati.» Arch. Nat., JJ 102, no 91. Cf. JJ 100, no 878, et JJ 102, no 281.
[176] Cahors avait déjà secoué le joug anglais le 15 janvier 1369, quoique son acte d’appel ne soit que du 3 février suivant (Ordonn., VI, 500 et 501; Bibl. de l’École des Chartes, XII, 105, note 1, art. de M. Léon Lacabane). Dans un acte daté de Toulouse le 7 février 1369 (n. st.), contenant une donation faite à Marquès de Cardaillac, seigneur de Cardaillac et de Montbrun, Louis, duc d’Anjou, reconnaît que «revera tota patria Caturcensis erga dominum meum et nos, inter omnes Aquitanenses partes, ultro se monstravit magis prompta.» Arch. Nat., JJ 100, no 648.
[177] Lot, arr. et c. Figeac. A la date du 18 mars 1369, Capdenac et Figeac avaient fait leur soumission au roi de France.
[178] Ce chiffre de soixante, donné par Froissart, est fort au-dessous de la vérité. Aussitôt que les lettres de citation de Charles V eurent été signifiées à Bordeaux au prince de Galles à la fin de 1368 ou dans les premiers jours de 1369, le mouvement insurrectionnel contre les Anglais se propagea avec une telle rapidité que, dès le 18 mars suivant, 921 villes, châteaux et lieux forts, tant des comtés d’Armagnac, de Rodez et de la vicomté de Lomagne que du Quercy et de l’Agenais, avaient adhéré à l’appel au roi de France et avaient protesté ainsi, au moins indirectement, contre la domination anglaise. Un rôle, conservé aux Archives Nationales (J 655, no 18), donne les noms de ces 921 localités.
[179] Guillaume de Dormans, chancelier du duché de Normandie, puis du Dauphiné, succéda le 21 février 1372, comme chancelier de France, à son frère Jean de Dormans, cardinal, évêque de Beauvais, et mourut le 11 juillet 1373.
[180] Charles V était trop sincèrement religieux pour ne pas convier ses sujets à des prières publiques au début d’une entreprise dont nul ne mesurait mieux que lui les difficultés; mais en même temps il empruntait à son adversaire une de ses ordonnances les plus sages, une de celles qui avaient le plus contribué à préparer les victoires de Crécy et de Poitiers. Le 3 avril 1369, défense était faite par tout le royaume de jouer aux dés, aux tables ou dames, à la paume, aux quilles, au palet, à la soule, à la bille, sous peine d’une amende de quarante sous. Le roi enjoignait à ses sujets, par la même ordonnance, «d’eulz exercer et habiliter en fait de trait d’arc ou d’arbalestres, ès biaux lieux et places convenables à ce ès villes et terrouoirs, et facent leurs dons aux mieulx traians et leurs festes et joies pour ce.» Charles V renouvelait cette ordonnance le 23 mai suivant, et allouait le quart de l’amende, soit dix sous, aux sergents qui constateraient le délit et prendraient les délinquants. Ordonn., V, 172 et 173.
[181] Le 3 juin 1369, Édouard III reprit le nom et le titre de roi de France (Rymer, III, 868, 869).
[182] En 1340, Jean de Werchin (aujourd’hui Verchain-Maugré, Nord, arr. et c. Valenciennes), fils de Gérard de Werchin et d’Isabeau d’Antoing, fit hommage à Philippe de Valois de la terre de Fontenay (aujourd’hui Fontenoy, château situé à Houdain, Nord, arr. Avesnes, c. Bavay) que son père avait possédée, et le 11 novembre 1350 le don de cette terre lui fut confirmé par le roi Jean (Arch. Nat., JJ 80, no 134). Le 30 juillet 1366, Charles V lui confia la garde des château et ville de Mortagne (Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux), qu’il promit de garder loyalement et de remettre entre les mains du roi quand il en serait requis (J 400, no 61).
[183] Louis de Châtillon, comte de Blois et de Dunois, seigneur d’Avesnes, fils de Louis de Châtillon et de Jeanne de Hainaut, comtesse de Soissons, dame de Beaumont et de Chimay, mort célibataire en 1372.
[184] Jean de Châtillon, marié à Mathilde de Gueldre en 1372, l’année même où il succéda comme comte de Blois et de Dunois à son frère aîné. Gui de Châtillon, frère cadet de Louis et de Jean, n’est pas nommé, parce qu’en 1369 il guerroyait en Prusse.
[185] Jean III, sire de Barbençon (Belgique, prov. Hainaut, arr. Thuin, c. Beaumont), marié à Yolande de Gavre et mort le 4 septembre 1378.
[186] Guillaume, sire de Ligne (Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Leuze), marié à Berthe de Schleiden. Le 28 février 1374, Jean de Werchin, Jean, sire de Barbençon et Guillaume, sire de Ligne, apposèrent leurs sceaux à Middelburg en Zélande à la ratification du contrat de mariage conclu à Saint-Quentin, le 3 mars de l’année précédente, entre Marie de France, fille de Charles V, et Guillaume, fils aîné d’Aubert de Bavière, gouverneur des comtés de Hainaut, Hollande et Zélande (Arch. Nat., J 412, no 1). Par son mariage avec Jean, sire de Ligne, fils de Guillaume, Eustachie, l’aînée des filles de Jean III, sire de Barbençon, mort sans héritiers mâles, porta la terre de ce nom dans la maison de Ligne.
[187] Wenceslas, duc de Luxembourg, frère puîné de l’empereur Charles IV, marié à Jeanne, duchesse de Brabant et de Limbourg, était l’oncle maternel de Charles V, fils de Bonne de Luxembourg. Sur les relations d’intimité qu’entretenaient alors le roi de France, le duc et la duchesse de Brabant, voyez Pinchart, Études sur l’histoire des arts, Bruxelles, 1855, p. 17, 18, 30.
[188] On ne saurait nier que, sur cette question des dispenses pour mariage, Urbain V n’ait fait preuve d’une véritable partialité en faveur du roi de France. Le mercredi 2 octobre 1364, le pape donnait dispense pour le mariage de Marie de France, fille du roi Jean, avec Henri, duc de Bar, parrain et parent au troisième degré de consanguinité de la dite Marie (Arch. Nat., J 437, no 32); et, le jeudi 30 octobre de l’année suivante, par deux bulles adressées aux archevêques de Cambrai et de Canterbury, il révoquait toutes les dispenses de mariage en termes généraux concédées par Clément VI et Innocent VI aux empereurs, rois, princes, ducs et marquis; et il commandait aux dits archevêques de déclarer à Edmond, fils d’Édouard III, qui avait obtenu pareille dispense pour contracter mariage avec Marguerite, fille de Louis, comte de Flandre, parente aux troisième et quatrième degrés, que la dispense qu’il avait obtenue était révoquée, et que le dit Edmond et la dite Marguerite tomberaient sous le coup des censures, s’ils passaient outre (J 558, nos 6 et 6 bis). Enfin, par une bulle datée de Saint-Pierre de Rome le 3 novembre 1367, Urbain V déclarait Edmond et Marguerite libres de contracter ailleurs mariage et les absolvait du serment qu’ils pouvaient s’être fait mutuellement (J 558, no 7).
[189] Ce mariage, «qui longuement avoit esté traictié», fut passé et accordé le samedi après Pâques (Pâques tomba en 1369 le 1er avril), c’est-à-dire le 7 avril 1369 (Gr. Chron., VI, 271).
[190] A ces deux châtellenies, mentionnées par Froissart, il faut ajouter celle d’Orchies (Nord, arr. Douai).
[191] Ce mariage fut en effet célébré à Gand, le 19 juin 1369, en l’abbaye de Saint-Bavon. Charles V et les communes flamandes eurent soin de prendre leurs sûretés. Le 12 septembre 1368, le roi de France se fit remettre une contre-lettre secrète où le duc de Bourgogne son frère s’engageait à restituer les trois châtellenies de Lille, de Douai et d’Orchies, dès que Louis de Male, comte de Flandre, serait mort; et, le 27 mars 1369, Marguerite de Male dut prêter entre les mains de son père le serment solennel de ne jamais consentir, après son entrée en possession de Lille, de Douai et d’Orchies, à l’aliénation de «ces anciennes parties de la Flandre.» Invent. des Archives de Bruges, Bruges, 1873, II, 155 à 157.
[192] Le rédacteur des Grandes Chroniques dit que le roi de Navarre «vint par la mer en Constantin» au mois de septembre 1369 (Gr. Chron., VI, 318). Ce n’est pas tout à fait exact. Charles le Mauvais arriva à Cherbourg dès le 13 août de cette année, ainsi que l’établit l’article de compte suivant: «A messire Jaques Froissart, clerc de monseigneur (le roi de Navarre), par mandement de monseigneur d’Avranches et de Ferrando d’Ayenz, lieutenanz de monseigneur, donné le VI aoust mil CCCLXX pour despens de ses gens et chevaliers, depuis le XIII aoust mil CCCLXIX que monseigneur vint et arriva dans sa ville de Cherebourg jusqu’au XIII avril mil CCCLXXX, VI sous par jour, IX livres par mois, ce qui fait LXXII livres, franc pour XXXVIII sous pièce, valant L frans, I tiers, III sous.» Bibl. Nat., registre des revenus du roi de Navarre en Normandie, ms. fr. no 10367, fo 136.—Aussitôt après son arrivée à Cherbourg, le roi de Navarre entama des négociations avec Édouard III auprès de qui il dépêcha, «l’an LXIX, à la mi aoust», Jaquet de Rue et Pierre du Tertre. Le 29 août 1369, Édouard III octroya des lettres de sauf-conduit à Baudouin de Beaulo, chevalier, à Sanche Lopez, huissier d’armes, à Pierre du Tertre, secrétaire du roi de Navarre, à Guillaume Dordan, bailli du Cotentin pour Charles le Mauvais, envoyés par le dit roi en Angleterre, «pro quibusdam negotiis et tractatibus nos et præfatum regem Navarræ tangentibus.» Rymer, III, 879.—A la mi-juin de l’année suivante, Pierre du Tertre et Guillaume Dordan étaient encore en Angleterre où ils se firent délivrer des passe-ports pour se rendre en Navarre (Rymer, édit. de 1740, III, 170). Mais c’est seulement dans le courant du mois d’août 1370 que Charles le Mauvais passa la mer en personne et reçut l’hospitalité au manoir de Clarendon où résidait alors le roi d’Angleterre (Rymer, III, 899). C’est alors que les deux rois arrêtèrent les bases d’un traité d’alliance en vertu duquel Édouard promettait à Charles la Champagne, la Bourgogne et le Limousin. Le prince de Galles, qui reprit Limoges le 19 septembre suivant, s’étant opposé à la cession de cette dernière province, le traité de Clarendon resta non avenu: ce qui décida le Navarrais à traiter avec Charles V.
[193] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. Cette bastide d’Ardres était une sorte de poste avancé qui gardait les approches de Calais. Le 1er décembre 1369, une convention ou, pour employer le terme de la chancellerie anglaise, une endenture fut conclue à Calais entre Jean, duc de Lancastre, sénéchal d’Angleterre, lieutenant en ces parties de France, et Jean, sire de Gommegnies. En vertu de cette convention, le seigneur de Gommegnies fut institué capitaine d’Ardres avec une garnison de 100 hommes d’armes, à savoir lui chevalier banneret, 10 chevaliers bacheliers, 89 écuyers et 200 archers (Rymer, III, 882). Ce texte prouve que l’homme d’armes, tel que l’entendaient les Anglais en 1369, comprenait 3 personnes, 1 chevalier ou 1 écuyer et 2 archers. On remarquera aussi la part prise à cette démonstration militaire par Jean de Werchin, le chef du parti français en Hainaut, et par suite l’ennemi personnel du seigneur de Gommegnies, qui, non content de servir Édouard III, faisait de la propagande dans son pays en faveur de l’alliance anglaise.
[194] Cette prise de Réalville par les Français et la participation du comte de Périgord et de son frère Taleyrand à ce fait de guerre sont rappelées dans un acte, daté de Paris le 27 juillet 1371, par lequel Charles V donne à Pierre de Campagnac, chevalier, frère de maître Bertrand de Campagnac, en considération de services rendus en la compagnie de nos féaux cousins le comte de Périgord et Taleyrand de Périgord, 100 livres tournois de rente confisquées sur Evrard de la Roche, chevalier, assises à Réalville et à nous advenues depuis que «dicta Regalis Villa vi armorum per gentes nostras capta fuit.» Arch. Nat., JJ 102, no 305.—L’occupation de Réalville avait été précédée de la soumission d’une bourgade voisine, de Caussade, en latin Calciata, soumission qui en avril 1369 était un fait accompli (JJ 100, no 768).
[195] Le 24 juin 1369, Thomas de Wetenhale, «se dicens senescallum Ruthenensem», assiégeait la tour de Valady (Aveyron, arr. Rodez, c. Marcillac), sur le sommet de laquelle les habitants, vassaux du vicomte de Murat, avaient arboré une bannière aux armes de France (Arch. Nat., JJ 100, no 830).
[196] Froissart prétend que Thomas de Wetenhale tint Millau plus d’un an et demi et ne rendit cette place qu’à du Guesclin. Lorsqu’à la fin de mai 1370, Millau ouvrit ses portes au duc d’Anjou et au roi de France à la suite de négociations qui duraient depuis le 5 décembre de l’année précédente (Arch. Nat., JJ 100, nos 761, 727 et 797), il y avait plus de huit mois que le sénéchal anglais du Rouergue était mort; il avait succombé aux blessures reçues au combat de Montlaur vers le milieu du mois de septembre 1369. Le chroniqueur de Valenciennes paraît avoir confondu Thomas de Wetenhale, sénéchal du Rouergue, avec Thomas de Walkefare, sénéchal anglais du Quercy, dont un fief, appelé en latin «Naotavernas» et situé près de Cahors, fut confisqué en janvier 1370 (n. st.) au profit de Gauselm de Vayroles, sénéchal français de la même province (Arch. Nat., JJ 108, no 183). Nous ne savons si Thomas de Walkefare contribua à retenir Millau sous la domination anglaise pendant les premiers mois de 1370; le sénéchal anglais du Quercy fut pendu sur un échafaud à Toulouse, au mois de septembre de cette année, par ordre du duc d’Anjou (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 346).
[197] Le lieu fort, appelé par Froissart «Vauclère» et situé en Rouergue, doit certainement être identifié avec la Roque-Valsergue (Aveyron, arr. Millau, c. Campagnac), château qui était au moyen âge le chef-lieu d’une des quatre grandes châtellenies du Rouergue. En 1368, Guillaume Pevret, châtelain anglais de la Roque-Valsergue, avait été tué par un écuyer du pays, nommé Bernard Broissin (Arch. Nat., JJ 100, no 827). Ce fut la première place de cette sénéchaussée dont les Français s’emparèrent dans les premiers jours du mois de janvier 1369, au début de la campagne contre les Anglais. Jean d’Armagnac, fils du comte de Rodez, à qui le duc de Berry, campé en Auvergne, avait confié un détachement de ses troupes, après avoir traversé le Gévaudan, vint mettre le siége devant la Roque-Valsergue, et livra plusieurs assauts à cette forteresse. Au dernier de ces assauts, le capitaine de la garnison anglaise fut tué et la place emportée. Amauri de Narbonne, qui avait pris part à ce fait d’armes, en transmit aussitôt la nouvelle à Rodez. Mais Thomas de Wetenhale, qui se trouvait alors à Villefranche avec Diego Massi, châtelain de Millau, était resté étranger, quoi qu’en dise Froissart, à la courageuse résistance de la garnison de la Roque-Valsergue.
[198] Vienne, arr. Châtellerault, c. Pleumartin. La Roche-Posay est sur la rive gauche de la Creuse, au confluent de cette rivière avec la Gartempe, à la limite du Poitou au sud-ouest, du Berry au sud-est et de la Touraine au nord. Cette forteresse commandait la route, ancienne voie romaine, qui mettait en communication, de temps immémorial, Poitiers et Tours. Occupée, peu après 1356, par le Basquin du Poncet, elle avait servi de base d’opérations à ce chef de bande dans toutes ses entreprises contre la Touraine, dans ses pointes sur Cormery et sur Véretz. Témoin vénérable de cette période de luttes, l’église actuelle, dont la construction remonte au quatorzième siècle, a conservé des restes de fortifications. A la date du 11 mai 1369, la Roche-Posay était encore au pouvoir des Anglais, ce dont Charles V se plaignait en ces termes dans une sorte de memorandum diplomatique adressé à Édouard III, et où le roi de France énumère tous ses griefs contre son adversaire d’Angleterre: «Item, que aucunes des forteresses ne furent oncques delivrées; ainsois ont toujours esté occupées et encores sont par le dit roy d’Angleterre ou par ses subgiés ou aliés, c’est assavoir la Roche de Posay.» Gr. Chron., VI, 296 et 297.—D’un autre côté, Charles V, par acte daté de Paris en août 1369, donna les biens confisqués de Jean de Surgères, chevalier, seigneur d’Azay-sur-Cher, et de Guillaume du Plessis, chevalier, partisans des Anglais, à Jean de Besdon, «qui nous a servi en noz guerres, et par especial à prendre la Roche de Posay où il est continuelment.» Arch. Nat., JJ 100, no 91.—D’où l’on peut conclure que la prise de la Roche-Posay par les Français eut lieu entre le 11 mai et le mois d’août 1369, vers le milieu de cette année.
[199] Dès le 12 septembre 1369, par acte daté de Sainte-Catherine sur Rouen, Charles V assigna à son amé et féal huissier d’armes Jean de Kerlouet 4500 francs d’or à payer chaque année en quatre termes pour la garde des châteaux et ville de la Roche-Posay, et il confirma cette donation à Paris le 18 septembre (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Guesclin, p. 434). Les environs de la Roche-Posay eurent beaucoup à souffrir du voisinage de la garnison de cette forteresse, comme le prouvent des lettres de rémission délivrées en mars 1379 (n. st.) à Jean Faugereux, de Saint-Savin en Poitou (auj. Saint-Savin-sur-Gartempe, Vienne, arr. Montmorillon), «comme pour le temps que feu Karalouet tenoit le fort de la Roche de Ponzay, ouquel temps le prince de Galles nostre ennemi occupoit le pays de Poitou, pour lequel fort advitailler et garder, comme il feust assiz en frontière d’ennemis, il estoit de necessité le dit suppliant et ses compaignons, pour la garnison du dit fort, aler et chevauchier en fourrage, querir et avoir des vivres en plusieurs et divers lieux loing du dit fort, mesmement que le dit pays de Poitou environ ycellui fort estoit lors gasté et destruit et comme tout desimé de vivres et autres biens par le fait et occasion de noz guerres. Et, en chevauchant par le dit pays de Poitou querant des diz vivres, prindrent douze beufs lesquelz leur furent ostez en la ville d’Escuillé en Touraine (auj. Écueillé, Indre, arr. Châteauroux). En laquelle ville, pour cause des diz beufs à eulz ainsi ostez il prindrent par manière de marque douze personnes, que hommes, que femmes, et par force les menèrent ou dit fort et les firent composer à eulz à la somme de cent francs d’or. Et avecques ce chevauchèrent par plusieurs foiz en la terre du seigneur de Prully (auj. Preuilly, Indre-et-Loire, arr. Loches) et de plusieurs autres noz subgiez ou dit pays et environ, en prenant toutes manières de vivres....» Arch. Nat., JJ 114, no 204.
[200] Guichard d’Angle avait été créé maréchal d’Aquitaine par le prince de Galles. Par acte daté de son hôtel Saint-Pol le 19 février 1371 (n. st.), Charles V donna à Geffroi de la Celle, chevalier, 60 livres tournois de terre en Touraine sur les biens confisqués de Guichard d’Angle, «chevalier, rebelle.» Arch. Nat., JJ 102, no 182.
[201] Par acte daté de Paris en novembre 1369, Charles V donna à Jean VI, comte de Harcourt, comme assiette des 2000 livres de terre assignées en dot à sa belle-sœur, Catherine de Bourbon, comtesse de Harcourt, le château de Mazères (auj. Mézières-en-Brenne, Indre, arr. le Blanc), avec l’Isle-Savary (auj. commune de Clion, Indre, arr. Châteauroux, c. Châtillon-sur-Indre), confisqué sur Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, oncle du dit comte, ainsi que la ville et forteresse de Saint-Christophe en Touraine (auj. Saint-Christophe-sur-le-Nais, Indre-et-Loire, arr. Tours, c. Neuvy-le-Roy), confisquée sur Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay, «noz desobeissanz et rebelles et qui tiennent contre nous la partie de nos ennemis.» Arch. Nat., JJ 100, no 552.—Le dernier avril 1371, Charles V gratifia Louis de Maillé, chevalier, du fort du «Peu Milleron, sis ès frontières de Guienne, qu’il a pris n’a gaires et mis en nostre obeissance», confisqué sur Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, «nostre ennemi et rebelle.» JJ 102, no 259.
[202] Outre la confiscation de Rugny et de la Fougereuse rapportée plus haut (p. LV, note 168) et celle de Saint-Christophe dont il est question dans la note précédente, Charles V confisqua, en novembre 1369, sur Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay, les château et ville de Semblançay (Indre-et-Loire, arr. Tours, c. Neuillé-Pont-Pierre) et les donna à son très-cher et amé frère le comte de Harcourt. JJ 100, no 551.
[203] Les ruines du château des Brosses se voient encore dans la commune de Chaillac, Indre, arr. du Blanc, c. de Saint-Benoît-du-Sault. Par acte daté de Paris le 13 décembre 1369, Charles V donna à Gui, sire de Chauvigny et de Châteauroux, vicomte de Broce, chevalier, 500 livrées de terre, pour le dédommager de la perte de son château de la Broce en Poitou, «que les ennemis tiennent», évalué avec ses appartenances à 4000 livrées de terre. Arch. Nat., JJ 100, no 470.—Il y a aussi un château de la Brosse dans la commune de Thollet (Vienne, arr. Montmorillon, c. la Trimouille), qui est, comme le premier, un vestige de l’ancienne vicomté de Brosses.
[204] Louis, vicomte de Rochechouart, fils de Jean, 1er du nom, tué à la bataille de Poitiers, et de Jeanne de Sully, dame de Corbeffy, frère de Jean de Rochechouart, archevêque de Bourges (Anselme, Hist. généal., IV, 653; Gall. Christ., I, 580). Par acte daté de Paris en juin 1369, Charles V assigna à son amé et féal cousin Louis, vicomte de Rochechouart, 2000 livres de rente assises sur les château et châtellenie de Rochefort sur Charente, au diocèse de Saintes, et au besoin sur l’île d’Oléron au dit diocèse. Arch. Nat., JJ 100, no 137.
[205] Sur ce titre de sénéchal du Poitou donné par Froissart à James d’Audeley, voyez plus bas, p. LXXIV, note 226.
[206] Jean Harpedenne, chevalier anglais, s’intitule «seneschal de Xaintonge», châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, dans un acte daté de Niort le 27 novembre 1369 (Fillon, Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, Fontenay, 1856, p. 30 et 31). D’un autre côté, Baudouin de Fréville est déjà mentionné comme sénéchal du Poitou dans une obligation souscrite à Burgos par don Pèdre le 2 mai 1367 (voyez plus haut, p. XIX, note 65). D’où il y a lieu de conclure qu’en 1369 Baudouin de Fréville n’était plus depuis longtemps sénéchal de Saintonge.
[207] Dès son avénement, Jean IV, duc de Bretagne, avait donné à Robert Knolles les terres de Derval et de Rougé (Loire-Inférieure, arr. Châteaubriant) et en outre 2000 livres de rente sur la terre de Conq (auj. Beuzec-Conq, Finistère, arr. Quimper, c. Concarneau). Arch. dép. de la Loire-Inférieure, E 154, cassette 59; Invent., p. 60.—Cette dernière donation nous explique pourquoi Knolles, voulant se rendre par mer de Bretagne à Angoulême, s’embarqua, comme Froissart a soin de nous le dire (p. 140), au port de Conq.
[208] Dans une lettre datée de Castelmus le 22 janvier 1369 et adressée par Jean de Levezou, seigneur de Castelmus, aux consuls de Millau, on lit que presque tous les gentilshommes de l’Agenais avaient embrassé le parti français et que la ville d’Agen elle-même était dès lors entrée en pourparlers avec le duc d’Anjou pour se faire française: «E may novel que totz los gentils homes d’Ajanez so Frances, fora d’un; e Agen que es en cert patu am lo duc (d’Anjou) de far Frances.» Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 137.—Quoi qu’il en soit, Agen ne se soumit d’une manière définitive qu’au commencement de l’année suivante, et le séjour que fit alors le duc d’Anjou dans cette ville, dont il voulait en quelque sorte prendre possession et dont il confirma les priviléges, est du mois de février 1370 (Ordonn., XV, 636).
[209] Par acte daté de Toulouse le 1er mai 1369, Louis, duc d’Anjou, prit au service du roi de France Berard d’Albret, chevalier, capitaine de Lavardac (Lot-et-Garonne, arr. Nérac), de Durance (arr. Nérac, c. Houeilles) et de Feugarolles (arr. Nérac, c. Lavardac), lui et 25 hommes d’armes, pour la garde des dites places, aux gages de 15 francs par mois pour chaque homme d’armes (Bibl. Nat., Titres originaux, XXIV, no 12). Troisième fils de Bernard Ezy, sire d’Albret et de Mathe d’Armagnac, par conséquent frère cadet d’Arnaud Amanieu, sire d’Albret, marié le 8 mai de l’année précédente à Marguerite de Bourbon, Berard d’Albret était aussi seigneur de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande) par son mariage avec Hélène de Caumont. Il est possible que Bertucat d’Albret, après avoir promis de se rallier au parti français en même temps que Berard d’Albret, c’est-à-dire dans les premiers jours de mai 1369, ait ensuite manqué à sa parole, comme le raconte Froissart, sur les instances de Robert Knolles. Quoi qu’il en soit, c’est seulement pendant la première moitié de 1370 que Bertucat d’Albret se rallia effectivement au parti français. Au mois d’août de cette année, Charles V donna à perpétuité à l’avide partisan, en récompense de ses services en ces présentes guerres, Bergerac, Lalinde, Castillonnès, Beaumont-du-Périgord et quatre autres petites places encore occupées par les Anglais. Arch. Nat., JJ 100, no 645.—Le roi de France donnait, comme on le voit, ce qu’il n’avait pas. Bertucat n’était pas homme à se payer d’une telle monnaie; aussi ne tarda-t-il pas à se remettre avec les Anglais au nom desquels lui et Bernard de la Salle surprirent Figeac le 14 octobre 1372 (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, V, 351).—Quoique Froissart, dans le manuscrit d’Amiens (p. 340), ait rangé Garcia du Castel parmi les chefs de Compagnies qui se rallièrent dès le commencement de 1369 au parti français, il y a lieu de croire que Garcia quitta le service du prince d’Aquitaine à peu près à la même date que Bertucat, mais il fut plus fidèle que ce dernier à la nouvelle cause qu’il avait embrassée. Garcia du Castel, comme son prénom l’indique clairement, appartenait à la région pyrénéenne. D’ailleurs, dans le troisième livre des Chroniques (Buchon, édit. du Panthéon, II, 383), Espaing ou Espan du Leu (fief situé à Oraas, Basses-Pyrénées, arr. Orthez, c. Sauveterre), chevauchant en compagnie de Froissart sur la route de Lourdes, constate formellement cette origine: «messire Garcis du Chastel, un moult sage homme et vaillant chevalier de ce pays ici et bon françois.» On est donc un peu surpris de voir rattacher Garcia du Castel à la famille exclusivement bretonne et léonaise de Tannegui du Chastel: «Garsis du Chastel était le cinquième fils de Tannegui du Chastel et de Tiphaine de Plusquellec.» Œuvres de Froissart, XX, 549, au mot Chastel.—Il faut avouer que, si l’on n’avait lu ce qui précède, on se laisserait prendre à tant d’assurance et de précision généalogique.
[210] Lot, arr. Cahors, c. Puy-l’Évêque, sur la rive droite du Lot. Le prieuré de Duravel dépendait de l’abbaye de Moissac (Longnon, Pouillé du diocèse de Cahors, Paris, 1877, p. 87 et 88). Ce siége de Duravel doit être antérieur au 11 mai 1369, jour où le duc d’Anjou infligea le dernier supplice à cinq chefs de Compagnies, inculpés de trahison, dont quatre, Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon et Bosonet de Pau, après avoir été longtemps à la solde du roi d’Angleterre, avaient été enrôlés par Bertrand du Guesclin dès la fin de février 1368 pour faire le siége de Tarascon. Lorsque Froissart parle de l’adhésion passagère au parti français, puis de la défection de Bertucat d’Albret, il confond peut-être le rôle de ce dernier avec celui de quatre routiers qui avaient été longtemps ses compagnons d’armes. Quoi qu’il en soit, le duc fit noyer dans la Garonne Perrin de Savoie et le Petit Meschin et écarteler Amanieu de Lartigue, Noli Pavalhon et Bosonet de Pau: «En l’an MCCCLXIX, a XI de may, lo dich mossenhor lo duc d’Anjo fes neguar a Tholosa los sobredits Perrin de Savoya e Petit Mesquin, e fes scapsar e scartayrar Ameinen (lisez: Ameineu) de Lartigua e Noli Pavalhon e Boulhomet (on lit ailleurs: Bosoniet) de Pau, capitanis de las dichas companhas, per so car avian conspirada tracion contra lo dich mossenhor lo duc de redre el prizonier als Angles o d’aucir luy.» Thalamus parvus, p. 383 et 384.
[211] La reddition de cette ville à Jean Chandos, s’il fallait ajouter foi au récit de Froissart, donnerait lieu de ranger Moissac parmi les places qui avaient secoué le joug anglais dès les premiers mois de 1369, puisque, suivant le chroniqueur, il n’y avait nul gentilhomme, et que les habitants livrés à eux-mêmes n’en essayèrent pas moins de résister aux Anglais. Il est vrai que, dès le mois de septembre 1367, Castelsarrasin, qui est à peu de distance au sud de Moissac, avait une garnison française assez forte, dont Olivier de Mauny était capitaine (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 335). Quoi qu’il en soit, Moissac ne se rendit définitivement au duc d’Anjou que le 23 juillet 1370 (Thalamus parvus, p. 384). L’identification du «Montsach» de Froissart avec Monsac (Dordogne, arr. Bergerac, c. Beaumont), qui se présente au premier abord, ne serait admissible que si le chroniqueur faisait jouer à un détachement de la garnison anglaise de Bergerac, envoyé contre Duravel, le rôle qu’il prête dans cette affaire à Jean Chandos, capitaine de Montauban. D’ailleurs, le prieuré de Duravel dépendait, comme nous l’avons dit plus haut, de l’abbaye de Moissac. Fredol de Lautrec, qui gouvernait alors cette abbaye et qui appartenait à une famille très-attachée au parti français, fut peut-être accusé d’une certaine connivence dans cette occupation d’un de ses prieurés par des gens d’armes à la solde du duc d’Anjou, et l’on ne saurait par conséquent s’étonner de voir le siége de Moissac coïncider avec celui de Duravel.
[212] Dordogne, arr. Sarlat, sur la rive gauche de la Dordogne, au nord de Duravel et un peu au sud de Sarlat.
[213] Lot, arr. Gourdon, à l’est de Domme.
[214] Lot, arr. et c. Figeac, un peu au nord-ouest de Figeac.
[215] Lot, arr. Gourdon, c. Gramat, le plus célèbre pèlerinage du Quercy et l’un des plus fréquentés du midi de la France au moyen âge.
[216] Froissart semble s’être embrouillé au milieu des nombreux Villefranche que l’on trouve sur les bords de la Garonne et de ses affluents. Après avoir placé d’abord en Toulousain (p. 149) le Villefranche occupé dans cette campagne par les Anglais, il le transporte ensuite en Agenais, sur les marches du Toulousain (p. 150). Si l’on ne se place qu’au point de vue stratégique, on peut hésiter entre Villefranche-de-Belvès (Dordogne, arr. Sarlat) et Villefranche-d’Albigeois (Tarn, arr. Albi), car si Villefranche-de-Rouergue, qui se trouve également dans la région où opérait alors Chandos (auj. chef-lieu d’arr. de l’Aveyron), avait reconnu la souveraineté de Charles V dès le commencement de mars 1369, on ne voit pas que cette place soit retombée à aucun moment pendant le cours de cette année au pouvoir des Anglais.
[217] Jean de Montagu, neveu, dit ailleurs Froissart (p. 219), de Guillaume de Montagu, comte de Salisbury, dont il devait plus tard recueillir la succession et porter le titre. Le 11 juin 1369, Édouard III fit délivrer des sauf-conduits à Jean «Mountagu, chivaler», et à Guillaume «Mountagu», écuyer, qui allaient passer la mer pour prendre part à la chevauchée de Jean, duc de Lancastre (Rymer, 111, 870).
[218] Raymond de Montaut, seigneur de Mussidan, l’un des chefs du parti anglais en Périgord, détenait encore à la fin de 1369 la châtellenie d’Aubeterre (Charente, arr. Barbezieux). Par acte daté de Toulouse au mois de novembre de cette année, Louis, duc d’Anjou, donna à Hélie de Labatut, fils et héritier de maître Pierre de Labatut, secrétaire du roi, 200 livres tournois sur les revenus de certaines paroisses de la châtellenie d’Aubeterre confisqués «per ipsius Edouardi et domini de Muscidano et aliorum sibi adherencium rebellionem.» Arch. Nat., JJ 100, no 764.
CHAPITRE XCVI
[219] Auj. château ruiné situé près de Bagneux (Allier, arr. et c. Moulins, sur la rive droite de l’Allier, entre cette rivière et la forêt de Bagnolet), à 15 kilomètres au nord de Moulins. La prise de Belleperche par les Compagnies anglaises, certainement antérieure au 10 novembre 1369 (Arch. Nat., sect. adm., P 13782, no 30982), eut lieu probablement pendant la première quinzaine du mois d’août précédent. Nous inclinons à croire comme M. Chazaud (La chronique du bon duc Loys de Bourbon, Paris, 1876, p. 352) que la duchesse douairière de Bourbon était déjà prisonnière des Compagnies lorsqu’elle adressa, le 18 août 1369, à ses receveurs de Murat, Chantelle et Chaveroche, l’ordre de délivrer à son conseiller Jean Saulnier diverses quantités de seigle et d’avoine jusqu’à concurrence de 530 francs d’or qu’elle lui avait empruntés (P 13782, no 30981).
[220] Indre, arr. la Châtre, sur la rive droite de l’Indre supérieure, près des confins du Berry et de la Marche. Les Compagnies anglaises occupaient encore le château de Sainte-Sévère à la fin de 1371, «lequel tenoient et tiennent encore les Anglois», lit-on dans un acte daté du mois de septembre de cette année. Arch. Nat., JJ 102, no 371.
[221] Le 20 juin 1368, Jean de Mauquenchy, dit Mouton, sire de Blainville (Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Buchy), et Louis de Sancerre furent nommés maréchaux de France, aux gages de 2000 francs d’or par an, le premier en remplacement de Jean le Meingre, dit Boucicaut, mort à Dijon le 15 mars précédent; le second par suite de la démission d’Arnoul, sire d’Audrehem, institué gardien de l’oriflamme (Anselme, Hist. généal. VI, 754 et 756; Gr. Chron. VI, 253).
[222] Le dimanche 15 juillet 1369, Charles V partit de Paris et se rendit en Normandie pour surveiller lui-même ces préparatifs maritimes (Gr. Chron., VI, 317, 318); il passa à Rouen ou dans les environs les mois de juillet, d’août et les 20 premiers jours de septembre de cette année. Nous avons les instructions qui furent données le samedi 14 juillet à Pierre de Soissons, clerc de la présente armée de la mer. Toutes les dépenses étaient à la charge du roi qui se réservait la moitié des prises (Arch. Nat., P 2294, fo 740). L’Aragonais François de Périllos (auj. village des Pyrénées-Orientales, arr. Perpignan, c. Rivesaltes), amiral de la mer depuis le commencement de juin 1368, avait été mis à la tête de l’expédition en vue de laquelle Jean des Portes, dit Benedicite, haubergier du roi, Gilles Evrard, clerc de l’échansonnerie, Étienne Castel, armurier, étaient allés faire de grands achats d’armes, de fers de glaive et de harnois en Flandre, en Allemagne et en Brabant (Arch. Nat., JJ 102, no 240). Ce projet d’une invasion en Angleterre avait peut-être été provoqué par une descente que les ennemis avaient faite dans les premiers jours de juillet à Saint-Denis au Chef de Caux (auj. section de Sainte-Adresse, Seine-Inférieure, arr. et c. le Havre), où, non contents d’avoir saccagé l’église et le cimetière bâtis sur le sommet d’une falaise au bord de la mer, d’avoir violé les tombeaux, enlevé les calices et les autres ornements servant au culte, ils ne s’étaient retirés qu’après avoir fait de cette église un monceau de ruines et avoir passé une partie des habitants au fil de l’épée (JJ 100, no 240). Le débarquement du duc de Lancastre à Calais, dans les premiers jours d’août, fit ajourner ce projet d’une invasion en Angleterre, qui ne fut repris dans de moindres proportions par Owen de Galles qu’au mois de décembre suivant. Toutefois, la flotte que le roi de France avait rassemblée à si grands frais, parut en vue des côtes d’Angleterre, où elle alla brûler Portsmouth au commencement du mois de septembre suivant: «cum dicta villa (de Portsmouth) per inimicos nostros de Francia combusta existat», lit-on dans un mandement d’Édouard III en date du 29 septembre 1369. Rymer, III, 880.
[223] Le débarquement de Jean, duc de Lancastre, à Calais eut lieu dans les premiers jours d’août 1369.
[224] C’est au commencement du mois de juillet 1369 que les Anglais mirent le siége devant la Roche-sur-Yon, et cette forteresse se rendit dans les premiers jours d’août. Le 29 juillet 1369, Charles V avait mandé à Guillaume du Merle, chevalier, d’amener autant de gens d’armes qu’il pourrait à Amauri, sire de Craon, «sur esparance d’aler lever le siege que nos ennemis avoient mis devant la Roche sur Yon; et avant que il y peussent estre, il avoit esté pris par les dis ennemis.» Delisle, Mandements, p. 332 et 333.—Le 16 août suivant, Amauri, sire de Craon, était à Baugé, où il manda à Jean le Mercier, trésorier des guerres, de payer les gages d’un certain nombre de gens d’armes (Pierre de Craon, son oncle, Pierre, sire de Mathefelon, Amauri de Clisson, Gui de Laval, Jean de Kerlouet, Alain de Taillecol, dit l’Abbé de Malepaye), «comme le roy, nostre sire, nous eust mandé que nous assemblissions le plus de gens d’armes que nous pourrions pour aller lever le siege que nos ennemis avoient mis devant le chastel de la Roche sur Yon, et il soit ainsi que, avant que les dites gens d’armes fussent assemblés, le dit chastel s’estoit rendu; et avecques ce nous avoit mandé que, ou cas que nous ne pourrions lever le dit siege, que nous allissions en la compagnie de monseigneur le duc de Bretagne pour combattre les Anglois qui se sont partis de Chastieau Gontier....» Nous voyons par un autre mandement, daté de la Suze-sur-Sarthe, le 8 septembre, que le seigneur de Craon donna la chasse à ces Anglais qui, après leur départ de Château-Gontier, avaient pénétré en Bretagne et les poursuivit jusqu’à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Dom Morice, Preuves de l’hist. de Bretagne, 1, 1632 à 1634.
[225] Froissart, en appelant ce chevalier Jean Blondeau, peut-être pour Belonneau, diminutif poitevin et angevin de Belon, a posé une énigme qui est restée jusqu’à présent insoluble pour tous les historiens du Poitou. Un de ces heureux hasards qui consolent l’érudit de l’aridité de ses recherches, nous a mis en mesure de deviner cette énigme. Le traître qui livra pour de l’argent la Roche-sur-Yon aux Anglais, s’appelait en réalité Jean Belon, et il était originaire de l’Anjou, peut-être même d’Angers, où il avait une maison au tertre Saint-Laurent. Par acte daté de Jumiéges, le 24 août 1369, Charles V confisqua cette maison et la donna à un clerc, nommé Jean de la Barre, «comme Jehan Belon, chevalier, n’a gaires capitaine du chastel de la Roche sur Yon, ait vendu et delivré faussement auz ennemis et de nostre royaume le dit chastel, et ait tenu et encore tiengne la partie de noz dis ennemis contre nous et nostre dit royaume.» Arch. Nat., JJ 100, no 298, fo 87 vo.—Le 12 janvier suivant, Jean Belon était prisonnier à Angers, et Charles V chargea, par un mandement rendu à cette date, Pierre d’Avoir, seigneur de Châteaufromont, chevalier, l’un de ses chambellans et des chambellans du duc d’Anjou, de faire assigner sur les biens confisqués du dit Jean, 200 livres de terre ou de rente à son amé huissier d’armes Guyot Mauvoisin, «comme nous aions entendu que Jehan Belon, chevalier, garde n’a gaires et capitaine de la tour ou chastel et de la ville de la Roche sur Yon, laquelle nostre très chier frère le duc d’Anjou li avoit bailliée, confians de sa loyalté et preudommie, a yceulx chastel et ville bailliez et livrez à noz ennemis, pour prouffit qu’il en a receu d’eulz, pour laquelle chose a esté prins et amené prisonnier à Angers et y est encore detenus, et pour ce, s’il est ainsy, ait commis crime de lèse majesté et trahison envers nous.» JJ 102, no 4.—Un Gascon, nommé Philippot Loubat, qui commandait la garnison anglaise de Talmont (Vendée, arr. les Sables), avait pris sans doute une part importante à la reddition de la Roche-sur-Yon, car James d’Audeley lui fit payer, à cette occasion, 100 livres dans les premiers jours d’août 1369 (voyez la note suivante). L’assertion du chroniqueur, relative à l’exécution de Jean Belon, est aussi confirmée par l’article de compte suivant: «Des hoirs feu Pierre Guedon, par composicion à eulx faite par Jehan Chaperon, escuier, de la voulenté de monseigneur le duc, pour pluseurs biens prins par le dit feu Pierre sur et des biens feu messire Jehan Belon, chevalier, en soy enfuyant de la Roche sur Yon, qui par ses demerites fut après executé, lesquiex biens ainsi prins par le dit Pierre furent estimez à la somme de VIIxx frans. Pour ce par la main de Jehan Chapperon, escuier, cappitaine de Diex Aye, le XXe jour de mars MCCCLXXV.» Arch. Nat., KK 242, fo 4 vo. Cf. fo 19.
[226] Il est établi par des actes authentiques que Thomas Percy était déjà sénéchal du Poitou, le samedi 3 mars 1369 (Bibl. Nat., fonds latin, no 17147, fo 113 vo), et Jean Harpedenne, sénéchal de Saintonge, le 27 novembre de la même année (B. Fillon, Jean Chandos, Fontenay, 1856, p. 30, 31); et l’on voit par un autre acte que ces deux chevaliers remplissaient encore les mêmes fonctions le 25 septembre 1371 (Fillon, Ibid., p. 33, 34). Il est vrai, comme nous le dirons tout à l’heure, que Jean Chandos fut incontestablement sénéchal du Poitou pendant la seconde moitié de 1369; mais, sauf cette interruption, les actes de la première moitié de cette année, et aussi de la fin de 1370, nous montrent Thomas Percy investi de ces fonctions. Thomas est mentionné comme sénéchal du Poitou lorsqu’il assiste, à Poitiers, vers le milieu du mois de novembre 1370, en compagnie de Nicol Dagworth, de Guichard d’Angle et du sire de Parthenay, à un duel qui se livre dans cette ville entre le bour de Caumont et le breton Yves de Launay, de Plounévez-Lochrist en Léon (Bibl. Nat., fonds latin, no 5381, t. II, fo 56). Froissart s’est trompé par conséquent en prêtant à James d’Audeley, en 1369, le titre de sénéchal du Poitou. Après avoir fait appel, pour éclairer et rectifier sur ce point le récit de Froissart, aux érudits qui ont étudié le plus à fond les sources de l’histoire du Poitou, nous avons trouvé, sans le chercher, un acte authentique qui donne la solution du problème. L’acte dont il s’agit est une quittance, en date du 7 août 1369, par laquelle Philippot Loubat, capitaine de Talmont, reconnaît avoir reçu de Regnaut de Vivonne, 100 livres à lui octroyées pour le fait de la Roche-sur-Yon, «par le commandement de James d’Audelee, seigneur d’Oleron, lieutenant en Poitou et Limousin de monseigneur le prince d’Aquitaine et de Galles.» Bibl. Nat., fonds Doat, 197, fo 51.—D’après James, auteur d’une histoire du Prince Noir, qui a adopté une opinion déjà exprimée par le savant généalogiste Dugdale, Froissart se serait trompé grossièrement en rapportant à l’année 1369 la mort de James ou Jacques d’Audeley. Ce chevalier aurait simplement quitté le Poitou à cette date, pour retourner en Angleterre, où Édouard III l’aurait fait comte d’Audeley l’année suivante, et il ne serait mort que le 1er avril 1386. Quoique Froissart, après la mort de Philippa de Hainaut sa bienfaitrice et son retour sur le continent, en 1369, n’ait plus entretenu de relations directes et suivies avec la chevalerie anglaise, le James ou Jacques d’Audeley, mort en 1386, qui institua son légataire un de ses oncles et laissa un héritier, âgé de seize ans seulement, ne serait-il pas le fils de celui dont parle le chroniqueur, et qui fut remplacé, comme chevalier de la Jarretière, par Thomas de Grantson, mort lui-même en 1376? Suivant M. l’abbé Auber, à qui nous sommes redevables d’une monographie consacrée à la cathédrale de Poitiers, le tombeau de James d’Audeley, qui ornait cette cathédrale, aurait été détruit par les protestants en 1562.
[227] Dans un mandement de Jean Harpedenne, chevalier, sénéchal de Saintonge, châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, daté de Niort, le 27 novembre 1369, Jean Chandos est mentionné comme «connestable d’Acquytayne et seneschal de Poitou.» Fillon, Jean Chandos, p. 30, 31.—Chandos avait dû quitter Montauban avant le 15 juin 1369, date de la soumission de cette ville au duc d’Anjou (Arch. Nat., JJ 100, nos 500, 811). D’un autre côté, c’est après la prise de la Roche-Posay par Jean de Kerlouet, c’est-à-dire vers le mois de juillet de cette année, que les Français commencèrent à menacer sérieusement les frontières du Poitou, et que le prince d’Aquitaine dut éprouver le besoin de leur opposer dans cette région le plus renommé de ses capitaines. On est ainsi amené à placer, avec assez de vraisemblance, l’arrivée de Jean Chandos à Poitiers, et sa nomination comme sénéchal du Poitou, vers le milieu de 1369. Le 1er octobre de cette année, Édouard III confia au célèbre homme de guerre la garde des châteaux de Melle, de Chizé (Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Brioux) et de Civray (Carte, Rôles gascons, p. 157). Dès le 3 août précédent, Charles V, qui se trouvait alors à Rouen, avait confisqué le fief le Roi, sis à Corbon (Calvados, arr. Pont-l’Évêque, c. Cambremer), dans la vicomté du Neubourg et le bailliage de Beaumont-en-Auge, que tenait de lui Chandos, «nostre ennemi et rebelle,» et l’avait donné à Regnault, seigneur de Maulevrier et d’Avoir (Arch. Nat., JJ 100, no 248). Le mois suivant, par acte passé à l’abbaye de Sainte-Catherine-lez-Rouen, le roi de France avait aussi confisqué la terre de Romilly, lez le Pont-Saint-Pierre (auj. Romilly-sur-Andelle, Eure, arr. les Andelys, c. Écouis), ainsi qu’une rente de 70 livres tournois sur les paroisses de Cressenville et de Crestot, appartenant à «Jehan de Chandos, chevalier anglois, nostre ennemi et rebelle,» et en avait disposé en faveur d’Aude Martel, sa commère, dame de «Presegny» et châtelaine de son château du Pont-de-l’Arche, veuve de Jean de Giencourt, chevalier, et mère de feu Charles de Giencourt, son filleul (JJ 100, no 205).
[228] Froissart semble désigner ici la rivière, dite d’Hem ou de Hem, qui, après avoir passé à Audrehem, à Tournehem, à Nordausque, se sépare en deux bras, dont l’un se jette dans l’Aa, près de Holque, et dont l’autre va alimenter le canal de Calais à Saint-Omer.
[229] Pas-de-Calais, arr. Boulogne, c. Guines. Abbaye de Prémontrés, au diocèse de Saint-Omer, fondée au XIIe siècle, reconstruite en partie en 1783, détruite en 1794.
[230] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Ardres, sur le Hem, à 121 mètres d’altitude. Le duc de Bourgogne vint camper à Tournehem, le 23 août 1369, en face des Anglais, logés entre Guines et Ardres, à une petite lieue des Français. Gr. Chroniques, VI, 318.
[231] Tous les éditeurs de Froissart, et tout récemment encore M. Kervyn de Lettenhove (Œuvres de Froissart, XXV, 114, 115, au mot Mortagne-sur-Mer), ont pensé qu’il s’agit ici de Mortagne-sur-Gironde, Charente-Inférieure, arr. Saintes. Il est vrai que le chroniqueur de Valenciennes, plus familier avec les noms de lieu des bords de la Gironde, fleuve où il avait sans doute navigué lorsqu’il était venu d’Angleterre à Bordeaux, qu’avec ceux du Poitou, place par erreur «sur mer,» le Mortagne dont le comte de Pembroke était capitaine. Mais outre que le jeune comte, qui ne cherchait que l’occasion de faire des chevauchées et de hautes emprises contre l’ennemi, avait dû choisir pour cela un poste d’honneur, situé à l’extrême frontière, au lieu d’aller tenir garnison au cœur même des possessions anglaises, tout le contexte où l’on nous montre Jean de Hastings guerroyant sans cesse sur les confins de l’Anjou et de la Touraine, donne lieu de croire que la forteresse, dont le gendre d’Édouard III avait fait son quartier général, dans cette campagne en Poitou, est le Mortagne situé à la limite de cette province et de l’Anjou (auj. Mortagne-sur-Sèvre, Vendée, arr. la Roche-sur-Yon). Il est certain, d’ailleurs, que cette importante forteresse appartenait dès lors aux Anglais; et ce fut même, avec Lusignan et Gençay, l’une des trois places poitevines qui seules résistèrent à du Guesclin et n’étaient pas encore redevenues françaises à la fin de 1372 (Gr. Chron., VI, 337). Aussi lorsque Froissart raconte le siége de ce Mortagne par Clisson, en 1373, il continue de l’appeler «Mortagne sur mer.» V. Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, I, 660.
[232] Le 4 février 1367 (n. st.), Charles V avait donné à son frère Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, les château et châtellenie de Loudun en dédommagement des château et châtellenie de Champtoceaux (Maine-et-Loire, arr. Cholet), cédés au duc de Bretagne, en exécution d’un des articles du traité de Guérande. Arch. Nat., J 375, no 1.
[233] Le 4 septembre 1371, Thibaud du Pont était encore capitaine de Rochechouart, et Charles V fit payer 40 francs d’or à Jean du Rocher, «écuyer de Bretagne», que Thibaud avait envoyé vers le roi de France. Dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, I, 1603.
[234] Dans une donation faite le 16 juillet 1369 à Plotart de Cluis, seigneur de Briantes (Indre, arr. et c. la Châtre), des biens confisqués de Jean de Pommiers, chevalier rebelle, il est fait mention du «chastel de Flach et d’un aultre sien chastel (sien se rapporte à Plotart de Cluis), appellé Sodun sur Creuse (auj. Issoudun, Creuse, arr. Aubusson, c. Chénérailles), remis en la main de nostre mareschal de Sancerre, pour le faire garder de par nous.» JJ 100, no 525; cf. nos 107 et 108.—De cette pièce et d’une foule d’autres dont l’indication serait trop longue, on peut conclure qu’en 1369, Louis de Sancerre, maréchal de France, fut surtout chargé de tenir tête aux Anglais sur les confins du Berry, de la Marche et du Poitou.
[235] Pendant tout le cours de cette campagne, Jean, sire de Beuil, nous apparaît dans les actes comme préposé surtout à la défense d’Angers et de la frontière d’Anjou (JJ 100, no 526; JJ 102, no 135); mais, de même que Jean Chandos, sénéchal du Poitou, lorsqu’il voulait entreprendre une expédition, faisait appel au comte de Pembroke, capitaine de Mortagne-sur-Sèvre, de même Jean de Kerlouet, capitaine français de la Roche-Posay, projetant un coup de main contre l’ennemi, associait pour la circonstance les forces dont il pouvait disposer à celles de Louis de Sancerre, qui dirigeait les opérations sur la marche de Berry, et à celles de Jean, sire de Beuil, qui remplissait le même rôle sur la marche d’Anjou.
[236] Auj. hameau de la commune de Verrue, Vienne, arr. Loudun, c. Monts-sur-Guesnes. D’après Froissart, la localité qu’il appelle «Puirenon» devait se trouver sur les confins de l’Anjou (le Loudunois avait été cédé au duc d’Anjou par Charles V) et du Poitou, et à sept lieues de Poitiers (p. 377, 382). Purnon répond à peu près à ces conditions; mais, quoique M. Kervyn de Lettenhove (Œuvres de Froissart, VII, 542) affirme, j’ignore sur quelle autorité, que l’hôtel des Templiers de Purnon a fait place à un prieuré de Saint-Augustin maintenant détruit, mes savants confrères, MM. Redet et Richard, m’écrivent que Purnon, ancien prieuré de l’ordre de Saint-Augustin, dépendant de l’abbaye de Fontaine-le-Comte près Poitiers et fief relevant de la baronnie de Mirebeau, n’a jamais appartenu à l’ordre du Temple. En 1350, Briant de Montjehan en était seigneur. La commanderie du Temple la plus rapprochée de Purnon est Montgauguier (Vienne, arr. Poitiers, c. Mirebeau), dont les bâtiments subsistent encore dans un lieu bien sec. L’auteur d’une étude récente sur la baronnie de Mirebeau, M. de Fouchier (Mém. de la Société des Antiquaires de l’Ouest, année 1877), appelé à se prononcer sur ce point, incline à penser qu’il ne s’agit pas d’une localité poitevine, mais bien d’un château situé plus au sud vers le Limousin. C’est aussi l’opinion de l’érudit M. Mannier, si profondément versé dans l’histoire des commanderies: il identifie le «Puirenon» de Froissart avec Puydenut, dont le nom s’écrivait au moyen âge Puydenou, et pouvait se lire Puydenon. Puydenut était, en 1369, une ancienne commanderie de Templiers, devenue une commanderie de Saint-Jean-de-Jérusalem au grand prieuré d’Auvergne (aujourd’hui hameau de la commune de Lavignac, Haute-Vienne, arr Saint-Yrieix, c. Chalus).
[237] Philippa ou Philippe de Hainaut, la protectrice dévouée de Froissart, son compatriote, qu’elle avait attaché à sa personne, mourut le 15 août 1369. C’est seulement dans la première rédaction de ses Chroniques (p. 181 à 183), il importe de le faire remarquer, que l’ancien clerc de la bonne reine s’est étendu avec complaisance et une émotion communicative sur les qualités de sa bienfaitrice.
[238] Guillaume, seigneur de Spontin (auj. Belgique, prov. Namur, arr. Dinant, c. Ciney), choisi en 1367 comme l’un des exécuteurs testamentaires de Robert de Namur, mort le 7 avril 1385.
[239] Belgique, prov. Namur, arr. et c. Philippeville.
[240] Le duc de Bourgogne leva son camp de Tournehem et reprit le chemin de Hesdin, le mercredi 2 septembre 1369 (Gr. Chron., VI, 319). En mai 1381, on fit grâce à un écuyer, nommé Guiot d’Arcy, qui, environ douze ans auparavant «que le duc de Bourgogne fist son mandement pour aller à Tournehem et au retour qu’il firent,» avait volé à Condé chez son hôte, en complicité avec un autre écuyer, appelé Jean de Maligny, un cheval valant 50 francs, sous prétexte de se dédommager de la perte d’un bassinet qu’ils n’avaient pu retrouver. Arch. Nat., JJ 119, no 54.
[241] D’après la version beaucoup plus vraisemblable des Grandes Chroniques, Jean, duc de Lancastre, loin de retourner à Calais après le départ du duc de Bourgogne, continua sa marche en avant et entra en Picardie (Gr. Chron., VI, 319).
[242] Robert de Sancerre, troisième fils de Louis I, comte de Sancerre, tué à Crécy, et de Béatrix de Roucy, était le frère cadet de Jean III, comte de Sancerre et de Louis de Sancerre, institué maréchal de France le 20 juin 1368. Le frère aîné de Louis et de Robert, que Froissart oublie de mentionner, joua, comme les deux cadets, un rôle actif et même dirigeant dans la guerre du «border» poitevin en 1369. Jean III, comte de Sancerre, avait épousé Marguerite de Mermande, fille unique du seigneur du dit lieu (auj. Marmande, hameau de Vellèche, Vienne, arr. Châtellerault, c. Leigné-sur-Usseau) et de Faye-la-Vineuse (Indre-et-Loire, arr. Loches, c. Richelieu). Au mois d’octobre 1369, Charles V donna au comte, son amé cousin, des biens situés sur les confins du Poitou et de la Touraine et confisqués sur un certain nombre de rebelles (Guillaume du Plessis, Pierre de la Broche, chevaliers, la Thomasse, veuve de feu Imbert Gui, chevalier, etc.), pour dédommager le dit comte de ce que les gens des Grandes Compagnies avaient occupé l’année précédente pendant quatre mois son château de Faye-la-Vineuse, et pour l’aider à tenir en bon état de défense plusieurs beaux et notables forts qu’il possédait ès parties d’Anjou et de Touraine, les uns à une lieue, les autres à une demi-lieue, d’autres enfin à un quart de lieue des frontières du Poitou occupées par les Anglais (Arch. Nat., JJ 100, no 297). A la même date, comme nous l’avons vu, Jean, III du nom, sire de Beuil, tenait tête aux Anglais sur les confins de l’Anjou et du Poitou, et c’est alors que se noua entre les représentants des deux familles cette intimité qui aboutit, un demi-siècle plus tard, au mariage de Jean, IV du nom, sire de Beuil, avec Marguerite de Sancerre, et par suite, en 1441, à l’adjudication du comté de Sancerre à Jean, V du nom, sire de Beuil, amiral de France, le célèbre auteur du Jouvencel (Anselme, VII, 848 à 850).
[243] Maine-et-Loire, arr. Angers, à 5 kil. au sud de cette ville. Les Ponts-de-Cé, sorte de faubourg d’Angers, situés au milieu de la Loire, sur trois îles, que relie une série de ponts, se composent d’une rue de plus de 3 kil. de long, traversant le canal de l’Authion et trois larges bras de la Loire. Un château bâti sur un tertre au bout du premier pont, quand on vient de la rive droite du fleuve, entre l’île Saint-Aubin et l’île Forte, commandait le passage de la Loire, ainsi que la route qui met la rive gauche de ce fleuve en communication avec la rive droite et avec Angers. Le château, dont les Anglais s’emparèrent en 1369, avait été reconstruit en 1206 par Guillaume des Roches, sur les ruines d’une forteresse plus ancienne, rasée par Philippe-Auguste; sous sa forme actuelle, ce château ne remonte guère qu’à 1438. Maîtres du cours de la Mayenne par l’occupation du Lion-d’Angers et du cours de la Loire par la prise des Ponts-de-Cé, les chefs des Compagnies anglaises tinrent, pendant un moment, la capitale de l’Anjou enserrée au nord et au midi. L’occupation du Lion-d’Angers fut assez courte, mais celle des Ponts-de-Cé dura jusqu’à la victoire remportée par du Guesclin à Pontvallain, c’est-à-dire jusque vers la fin de 1370. On conserve aux Archives Nationales un registre provenant de la Chambre des comptes d’Anjou (coté P 1336), qui est tout entier relatif aux Ponts-de-Cé, et nous donne la statistique de cette localité, si importante au point de vue stratégique, vers la fin du quatorzième siècle.
[244] Abbaye de Bénédictins, au diocèse d’Angers, fondée vers 543 par saint Maur, disciple de saint Benoît. Les ruines de cette abbaye, convertie en ferme, se voient encore sur la rive gauche de la Loire, à Saint-Georges-le-Thoureil (Maine-et-Loire, arr. Saumur, c. Gennes), à 28 kil. au sud-est d’Angers et à 21 kil. au nord-ouest de Saumur. D’après une inscription en lettres gothiques, encastrée encore aujourd’hui dans le pilier qui sépare les deux nefs de la petite église Saint-Martin remontant au treizième siècle, l’abbaye de Saint-Maur aurait été occupée dès 1355 par Jean Cressewell et Hugh de Calverly: