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Chroniques de J. Froissart, tome 07/13 : $b 1367-1370 (Depuis l'expédition du Prince de Galles en Espagne jusqu'à la nomination de B. Du Guesclin à la charge de Connétable de France)

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The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 07/13

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 07/13

1367-1370 (Depuis l'expédition du Prince de Galles en Espagne jusqu'à la nomination de B. Du Guesclin à la charge de Connétable de France)

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: July 4, 2024 [eBook #73967]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 07/13 ***

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Table

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


9924—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE


TOME SEPTIÈME
1367-1370

(DEPUIS L’EXPÉDITION DU PRINCE DE GALLES EN ESPAGNE JUSQU’A LA NOMINATION DE B. DU GUESCLIN A LA CHARGE DE CONNÉTABLE DE FRANCE)

[Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

A PARIS
CHEZ MME VE JULES RENOUARD
(H. LOONES, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6


M DCCC LXXVIII

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en surveiller l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VII de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.

Fait à Paris, le 1er mai 1878.

Signé L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.

SOMMAIRE.


CHAPITRE XCI.

ENTRÉE DU PRINCE DE GALLES EN ESPAGNE.1367, 6 janvier. NAISSANCE A BORDEAUX DU PRINCE RICHARD, DEPUIS RICHARD II.Du 10 au 29 janvier. CONCENTRATION DE L’ARMÉE ANGLAISE A DAX; ARRIVÉE DU DUC DE LANCASTRE; OCCUPATION DE MIRANDA ET DE PUENTE-LA-REINA; ENTREVUE DE DON PÈDRE, DU PRINCE DE GALLES ET DU ROI DE NAVARRE, A PEYREHORADE.Du 14 au 20 février. PASSAGE DES PYRÉNÉES ET DU DÉFILÉ DE RONCEVAUX PAR LES TROIS CORPS DE L’ARMÉE ANGLAISE.13 mars. ARRESTATION CONCERTÉE DU ROI DE NAVARRE PAR OLIVIER DE MAUNY.—REDDITION DE SALVATIERRA A DON PÈDRE ET ARRIVÉE DES ANGLAIS DEVANT VITORIA; DÉFAITE DE THOMAS FELTON; MORT DE GUILLAUME FELTON.—MOUVEMENT RÉTROGRADE DE l’ARMÉE ANGLAISE; PASSAGE A LAGUARDIA, A VIANA; OCCUPATION DE LOGRONO ET DE NAVARRETE.1er avril. LETTRE DU PRINCE DE GALLES A DON ENRIQUE.2 avril. RÉPONSE DE DON ENRIQUE CAMPÉ A NAJERA (§§ 560 à 576).

La princesse de Galles met au monde à Bordeaux l’enfant qui fut depuis Richard II[1]. Le dimanche suivant, le prince de Galles part le matin de Bordeaux[2] et arrive le soir à Dax[3], en Gascogne, où il séjourne trois jours, attendant que son frère le duc de Lancastre le vienne rejoindre. Parti de basse Normandie, celui-ci débarque à Saint-Mathieu[4], passe à Nantes, traverse le Poitou et la Saintonge, franchit la Gironde à Blaye et arrive à Bordeaux où la princesse fait ses relevailles en l’abbaye de Saint-André. Après une courte halte dans cette ville, le duc de Lancastre s’empresse d’aller rejoindre son frère à Dax. Le prince de Galles reçoit aussi, sur ces entrefaites, la visite du comte de Foix qu’il charge de garder sa principauté pendant son absence. Inquiet sur les dispositions de Charles le Mauvais, qui passe pour avoir conclu un traité d’alliance avec don Enrique de Trastamare, il fait occuper par Hugh de Calverly, un de ses lieutenants, Miranda[5] et Puente-la-Reina[6]. Le roi de Navarre, après avoir fait présenter des excuses au prince à Dax, par l’entremise de Martin de la Carra[7], vient lui-même à Saint-Jean-Pied-de-Port[8], où il s’abouche avec le duc de Lancastre et Jean Chandos, et là il ménage une entrevue qui doit avoir lieu à Peyrehorade[9] entre lui, don Pèdre et le prince de Galles. P. 1, 5, 259, 261.

Entrevue de don Pèdre, du prince de Galles et du roi de Navarre, à Peyrehorade[10]. Charles le Mauvais prend l’engagement de livrer passage à travers son royaume à l’armée anglaise. Le captal de Buch, les seigneurs d’Albret et de Clisson viennent rejoindre à Dax[11] le prince d’Aquitaine et de Galles. Bertrand du Guesclin, de son côté, qui se tient alors auprès du duc d’Anjou, traverse à marches forcées l’Aragon et revient en Espagne offrir ses services à don Enrique de Trastamare auquel il amène un corps de volontaires français et bretons. P. 5, 6, 261.

Entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Pampelune se trouvent des défilés tellement étroits et inaccessibles que trente hommes en pourraient fermer le passage à toute une armée. L’armée anglaise entreprend ce passage à la mi-février[12], et pour l’opérer avec moins de difficulté, se divise en trois corps. Le premier corps ou avant-garde, sous les ordres du duc de Lancastre, opère ce passage le lundi[13]. Noms des principaux chevaliers qui composent cette avant-garde. P. 7, 8, 261 et 262.

Le mardi, passage du deuxième corps, sous les ordres du prince de Galles, de don Pèdre et du roi de Navarre. Noms des principaux chevaliers qui composent ce deuxième corps. Charles le Mauvais amène le prince de Galles et don Pèdre en sa cité de Pampelune, tandis que leurs hommes vont camper sur les hauteurs qui dominent cette ville. P. 8, 9, 262 et 263.

Le mercredi, passage du troisième corps où figurent James, roi détrôné de Majorque, le captal de Buch, les comtes d’Armagnac et de Périgord, les seigneurs de Clisson, d’Albret, une foule d’autres seigneurs anglo-gascons et les principaux chefs des Compagnies. Tous ces gens d’armes, au nombre d’environ trente mille chevaux, restent campés sur le «comble» de Pampelune jusqu’au dimanche suivant[14] et mettent au pillage le pays des environs, au grand mécontentement du roi de Navarre. P. 9, 10, 263 et 264.

Pendant ce temps, don Enrique de Trastamare, qui attend de jour en jour l’arrivée de Bertrand du Guesclin à la tête des troupes auxiliaires de France, appelle sous les armes tous les hommes valides du royaume de Castille pour résister à ses adversaires. Le rendez-vous général est à Santo Domingo[15] où le roi de Castille parvient à rassembler plus de soixante mille hommes, tant de pied qu’à cheval. P. 10, 264.

Don Enrique envoie en Navarre un de ses hérauts porter une lettre[16] de défi au prince de Galles. Celui-ci donne lecture de cette lettre à ses principaux conseillers qui ne sont pas d’accord sur la réponse qu’il convient de faire au défi du roi de Castille. P. 10 à 12, 264 et 265.

Pendant que le prince se tient en la marche de Pampelune, les frères Felton, Thomas[17] et Guillaume, et Robert Knolles, à la tête de cent soixante lances et de trois cents archers, quittent le gros de l’armée, passent l’Èbre à Logroño et vont se poster en un village appelé Navarrete[18].—Sur ces entrefaites, le roi de Navarre, chevauchant sur les frontières de la Navarre et de l’Aragon, se laisse faire prisonnier par Olivier de Mauny[19], et l’on suppose aussitôt que c’est une ruse concertée à l’avance entre ce prince et le chevalier breton qui l’a arrêté: en demeurant captif jusqu’à l’issue de la campagne, Charles échappe à l’obligation de se joindre de sa personne à l’expédition du prince de Galles et peut attendre les événements[20]. Martin de la Carra, lieutenant général de Navarre pendant la captivité du roi son maître, fournit des guides au prince et à ses gens pour traverser les défilés des montagnes[21]. L’armée anglaise s’avance par le col d’Arruiz[22], traverse le Guipuzcoa[23] et arrive à Salvatierra[24]. P. 12 à 15, 265 à 267.

Salvatierra n’oppose aucune résistance et ouvre ses portes à don Pèdre[25]. Pendant ce temps, Thomas Felton et ses éclaireurs, qui se sont rendus maîtres de Navarrete, vont un jour réveiller don Enrique jusque dans son camp et renseignent le prince, établi à Salvatierra, sur la situation et les forces de son adversaire.—Don Enrique, de son côté, passe la rivière qui coule à Najera[26], et s’avance dans la direction de Vitoria à la rencontre des Anglais. Aussitôt qu’il est informé de ce mouvement, le prince de Galles vient à son tour rejoindre devant Vitoria Thomas Felton et ses éclaireurs. P. 15 à 18, 267 à 269.

Les chefs de l’armée anglaise, le prince, le duc de Lancastre, Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, qui se croient à la veille d’une grande bataille, font trois cents chevaliers nouveaux, et dans le nombre, don Pèdre, le roi détrôné de Castille, et Thomas Holland, le fils d’un premier lit de la princesse d’Aquitaine et de Galles.—Les deux armées restent immobiles en présence l’une de l’autre. P. 18, 19, 269 et 270.

Thomas Felton fait une reconnaissance, à la tête de deux cents hommes d’armes, bien deux lieues en avant des lignes anglaises.—Au moment où Bertrand du Guesclin amène à don Enrique un renfort de trois mille combattants de France et d’Aragon[27], don Tello et don Sanche[28], frères du roi de Castille, partent avec un corps de six mille chevaux pour aller réveiller les Anglais. P. 19 à 21, 270 et 271.

Ils dispersent une bande de fourrageurs de la compagnie de Hugh de Calverly et vont jeter l’alarme jusqu’au quartier du duc de Lancastre qui commande l’avant-garde de l’armée anglaise. Au retour, ils rencontrent les deux cents hommes d’armes qui sont allés en reconnaissance sous les ordres de Thomas Felton. Ceux-ci descendent aussitôt de cheval, se retranchent sur un tertre et attendent de pied ferme les Espagnols[29]. Seul, Guillaume Felton, frère de Thomas, ne veut point quitter son cheval et se précipite, la lance baissée, au plus épais des rangs ennemis où il trouve la mort[30]. C’est seulement vers le soir que les Castillans parviennent à entamer cette poignée d’Anglais qui sont tous tués ou faits prisonniers. P. 21 à 25, 271 à 274.

Don Tello et don Sanche amènent leurs prisonniers à don Enrique. Le roi de Castille, en présence de Bertrand du Guesclin et d’Arnoul, sire d’Audrehem, félicite ses deux frères du succès qu’ils viennent de remporter. Dialogue entre le sire d’Audrehem et don Enrique: le sire d’Audrehem conseille au roi de Castille de ne pas livrer de bataille rangée, mais de garder les passages des montagnes et d’affamer l’ennemi[31]. Don Enrique répond qu’il dispose de sept mille hommes d’armes, de dix mille génétaires et de soixante mille fantassins[32], et qu’avec de telles forces il est bien décidé à tenter la fortune des armes. P. 25 à 27, 274 et 275.

L’armée anglaise, campée depuis six jours devant Vitoria, commence à manquer de vivres et à souffrir de la famine. Le prince de Galles rentre en Navarre[33], franchit le pas ou col de Laguardia[34], s’arrête deux jours à Viana[35], traverse sur le pont de Logroño la rivière qui sépare la Navarre de la Castille[36], et s’établit sur la rive droite de cette rivière, sous les murs mêmes de Logroño[37], au milieu d’une campagne plantée d’oliviers.—A cette nouvelle, don Enrique quitte San Vicente[38] et vient camper devant Najera.—Frappé du courage et de l’esprit de résolution de son adversaire, le prince de Galles se décide, avant d’en venir aux mains, à adresser une lettre à don Enrique. P. 27 à 29, 275 et 276.

Par cette lettre, datée de Logroño le 30 mars [1367], le prince fait savoir au comte de Trastamare, en réponse au message qu’il en a reçu, qu’il entre à main armée en Castille pour rétablir le roi légitime, don Pèdre, allié du roi d’Angleterre son père. Il ajoute que, si le comte veut se désister de ses prétentions sur la couronne de Castille, il se fait fort d’obtenir pour lui de don Pèdre la plus grande situation et qu’au reste il entrera en Castille par où il lui conviendra le mieux[39]. P. 29, 276 et 277.

Un héraut du prince de Galles apporte le message à Najera où don Enrique est campé au milieu des bruyères. A la lecture de cette lettre, Bertrand du Guesclin conseille au roi de Castille de prendre sans retard toutes ses mesures en vue d’une bataille désormais imminente. Don Enrique répond qu’il ne désire rien tant que d’en venir aux mains et fait de nouveau l’énumération des forces dont il peut disposer. P. 29, 30, 277 et 278.

Le vendredi[40] 2 avril, à l’aube du jour, le prince de Galles quitte Logroño et s’arrête entre neuf et dix heures du matin[41] à Navarrete[42] qui n’est qu’à deux lieues de Logroño. Arrivé là, il envoie des éclaireurs reconnaître la position de l’ennemi et donne l’ordre de se préparer à la bataille pour le lendemain. P. 30, 31, 278 et 279.

CHAPITRE XCII.

RESTAURATION DE DON PÈDRE.1367, 3 avril. BATAILLE DE NAJERA; BERTRAND DU GUESCLIN ET LE MARÉCHAL D’AUDREHEM PRISONNIERS DES ANGLAIS.Fin d’avril et mai. DON PÈDRE ET LE PRINCE DE GALLES A BURGOS.Mai. ARRIVÉE DE DON ENRIQUE EN LANGUEDOC.Juin. SÉJOUR DU PRINCE DE GALLES A VALLADOLID ET DÉPART DE DON PÈDRE POUR SÉVILLE; DISSENTIMENTS ENTRE LE PRINCE ET LE ROI DE CASTILLE.13 août. TRAITÉ D’ALLIANCE DE DON ENRIQUE AVEC LE DUC D’ANJOU.Août et septembre. RETOUR DU PRINCE DE GALLES ET DE L’ARMÉE ANGLAISE EN GUYENNE.27 décembre. MISE EN LIBERTÉ DE BERTRAND DU GUESCLIN.1368, du 4 mars au 22 mai. SIÉGE ET PRISE DE TARASCON PAR DU GUESCLIN ET LE DUC D’ANJOU; RAVAGES DES COMPAGNIES ANGLAISES EN BOURGOGNE, EN CHAMPAGNE, DANS L’AUXERROIS, LA SOLOGNE, LA BEAUCE ET LE GÂTINAIS.4 mai. MARIAGE DU SIRE D’ALBRET AVEC MARGUERITE DE BOURBON.Fin de mai. ARRIVÉE DE JEAN CHANDOS EN BASSE NORMANDIE (§§ 577 à 594).

Ce vendredi, sur le soir, don Enrique et Bertrand du Guesclin se préparent, de leur côté, à marcher contre les Anglais. Après minuit, les trompettes sonnent le réveil et, vers l’aube du jour, les gens d’armes entrent en ligne. On forme trois batailles ou divisions: la première, composée de quatre mille chevaliers et écuyers de France ou d’autres pays étrangers, sous les ordres de Bertrand du Guesclin; la seconde, un peu en arrière et à gauche de la première, où l’on compte seize mille hommes et dans ce nombre beaucoup de génétaires, sous la direction de don Tello et de don Sanche, frères de don Enrique; la troisième enfin, dont l’effectif est évalué à sept mille cavaliers et à quarante mille fantassins[43], sous le commandement de don Enrique lui-même. Celui-ci, monté selon l’usage du pays sur une forte mule et d’allure rapide, parcourt les lignes, exhortant ses gens à bien faire et promettant de leur donner l’exemple. Environ soleil levant, les Espagnols ainsi rangés s’avancent dans la direction de Navarrete. P. 32 et 33, 279 à 281.

Les Anglais se sont aussi rangés en bataille et mis en mouvement dès le point du jour[44]. Les deux armées marchent ainsi l’une contre l’autre. Tout à coup, à la descente d’une petite montagne, le prince de Galles et ses gens se trouvent en présence du gros des forces de don Enrique. Aussitôt on fait halte des deux côtés et l’on s’apprête à en venir aux mains. Avant que l’action soit engagée, Jean Chandos se fait autoriser par le prince de Galles, avec le cérémonial d’usage, à lever bannière[45]. P. 33 à 35, 281 à 283.

Les Anglo-Gascons mettent pied à terre[46]. Le prince de Galles, les mains jointes et les yeux levés vers le ciel, prie Dieu de lui donner la victoire et le prend à témoin de la justice de sa cause. Le premier choc a lieu entre l’avant-garde anglaise, que conduisent Jean Chandos et le duc de Lancastre[47], et l’avant-garde de l’armée de don Enrique, commandée par Bertrand du Guesclin et le maréchal d’Audrehem. P. 35, 36, 283 et 284.

Le prince de Galles, à la tête de sa division, vient attaquer la bataille ou division de don Tello et de don Sanche; mais don Tello lâche pied sans coup férir et, suivi de deux ou trois mille fuyards, s’éloigne du champ de bataille[48]. Vainqueurs de ce côté, le prince et don Pèdre tournent alors toutes leurs forces contre les quarante mille hommes de la division de don Enrique. Les frondeurs espagnols et catalans, dont les pierres ont d’abord brisé les heaumes et les bassinets des hommes d’armes ennemis, ne peuvent soutenir longtemps la grêle de traits des archers anglais. Pendant ce temps, les chevaliers de France et d’Aragon, sous les ordres de Bertrand du Guesclin, font éprouver de grandes pertes à la division de Jean Chandos et du duc de Lancastre. Une lutte corps à corps s’engage entre Jean Chandos et un chevalier castillan nommé Martin Fernandez[49]. Celui-ci terrasse son adversaire, mais Jean Chandos entraîne l’Espagnol dans sa chute et, le frappant d’un coup de poignard au défaut de la cuirasse, le blesse mortellement. P. 36 à 38, 284 à 286.

Noms des principaux guerriers anglais, gascons, chefs des Compagnies, qui se distinguent dans les trois divisions de l’armée du prince de Galles.—Noms de plusieurs chevaliers de France et de Hainaut qui combattent aux côtés de Bertrand du Guesclin et du maréchal d’Audrehem.—Don Enrique fait tous ses efforts pour rallier ses soldats et les ramène trois fois à la charge[50]. P. 38 à 41, 286 à 288.

Les fantassins et les gens des communautés d’Espagne, armés seulement de frondes, se débandent sous les décharges meurtrières des archers anglais; toutefois, les génétaires, échelonnés à cheval sur les deux ailes, réussissent à maintenir pendant quelque temps les lignes qui commencent à plier.—Noms d’un certain nombre de seigneurs et de sénéchaux des diverses parties de la Guyenne, enrôlés sous la bannière du prince de Galles.—Don Pèdre et don Enrique payent largement de leur personne et donnent à leurs partisans l’exemple de la bravoure. P. 41 à 43, 288 et 289.

La division de Bertrand du Guesclin oppose à l’avant-garde anglaise la résistance la plus opiniâtre. Tous les compagnons d’armes de Bertrand se font tuer ou sont faits prisonniers avec leur chef. Noms de quelques-uns de ces prisonniers[51]. Encouragés par ce succès, Jean Chandos et le duc de Lancastre vont joindre leurs forces à celles du prince de Galles pour achever d’écraser la division de don Enrique; celui-ci redouble d’efforts pour ramener au combat les fuyards, et quinze cents des siens restent sur le champ de bataille[52]. P. 43 à 44, 289 et 290.

Les Espagnols, ne pouvant soutenir le choc des trois divisions anglaises, effectuent leur retraite en désordre du côté de Najera dont ils sont séparés par une grosse rivière; don Enrique, après avoir vainement essayé de les retenir, remonte à cheval et se sauve dans une autre direction. Anglais et Gascons, remontant aussi à cheval et s’élançant à la poursuite des fuyards, les écrasent aux abords du pont de Najera ou les forcent à se jeter dans la rivière[53]. Le grand prieur de Saint-Jacques[54] et le grand maître de Calatrava[55] parviennent à entrer dans la ville et se barricadent dans une grande maison maçonnée de pierre; mais l’ennemi les y force et, se répandant par les rues, fait main basse sur la vaisselle et les joyaux de don Enrique. Cette bataille se livre entre Najera et Navarrete le samedi 3 avril 1367[56]. P. 44 à 46, 290 et 291.

La déconfiture des Espagnols a commencé vers midi et dure jusqu’au soir. Le prince de Galles, le roi de Majorque, don Martinez de la Carra, commandant en chef des forces navarraises, font flotter leurs bannières sur des hauteurs pour rallier leurs gens. Le prince de Galles tend la main à don Pèdre qui veut s’agenouiller devant lui, et l’invite à rendre grâces à Dieu seul de la victoire qu’ils viennent de remporter[57]; il charge quatre chevaliers et quatre hérauts d’aller sur le champ de bataille compter les morts. Les pertes des Espagnols s’élèvent à cinq mille soixante hommes d’armes[58] et à sept mille cinq cents fantassins et gens de communautés, sans compter ceux qui se sont noyés dans la rivière de Najera et dont on n’a pu retrouver les cadavres. Les Anglais, au contraire, n’ont à regretter que quatre chevaliers, deux Gascons, un Anglais et un Allemand, vingt archers et quarante simples soudoyers. Les vainqueurs passent ce samedi soir et le lendemain dimanche de [la Passion[59]], en fêtes et en réjouissances. P. 46 à 48, 291 et 292.

A la prière du prince de Galles, don Pèdre accorde le pardon aux seigneurs espagnols, faits prisonniers à Najera, qui ont pris les armes contre lui et consent à recevoir leurs serments. Il embrasse même son frère don Sanche[60], et lui promet d’oublier sa conduite passée. Gomez Carrillo est seul excepté de l’amnistie, et on lui tranche la tête séance tenante[61]. Don Pèdre, don Sanche, le maître de Calatrava et les deux maréchaux de l’armée anglaise marchent ensuite sur Burgos; le lundi matin, ils arrivent devant cette ville dont les habitants leur ouvrent aussitôt les portes[62]. Le prince de Galles, de son côté, après avoir fait halte à Briviesca, du lundi au mercredi, vient dans la journée du mercredi rejoindre son avant-garde sous les murs de Burgos où il établit son camp et tient cour plénière[63]. P. 48 à 51, 292 et 293.

Le prince anglais et don Pèdre célèbrent la fête de Pâques[64] dans la ville de Burgos et y séjournent plus de trois semaines. Mis en demeure d’exécuter ses engagements et de payer à ses auxiliaires l’indemnité de guerre convenue, le roi de Castille dit qu’il n’a point d’argent, mais qu’il va se rendre en la marche de Séville pour s’en procurer[65], et il promet d’être de retour au plus tard au terme de la Pentecôte. Il se dirige en effet vers Séville, tandis que le prince de Galles va se loger à Valladolid. P. 51, 52, 293 à 295.

La victoire de Najera porte à son comble la renommée et la gloire du prince de Galles, spécialement en Allemagne et en Angleterre; et les bourgeois de Londres donnent à cette occasion une fête triomphale. En France, au contraire, la nouvelle de cette victoire produit la plus pénible impression, surtout quand on apprend que Bertrand du Guesclin[66] et le maréchal d’Audrehem[67] ont été faits prisonniers. P. 52 à 54, 295 et 296.

Don Enrique vaincu avait gagné l’Aragon[68]. Arrivé à Valence[69], il confie sa femme et ses enfants[70] à la garde du roi don Pedro IV, en guerre avec le prince de Galles; il se rend ensuite à Montpellier[71] auprès du duc d’Anjou son allié, et, du château de Roquemaure[72] qui lui est assigné pour résidence, il fait des incursions dans la principauté d’Aquitaine. Sur les plaintes de la princesse de Galles, le roi de France adresse à ce sujet des représentations à don Enrique et fait même enfermer au Louvre le jeune comte d’Auxerre qui enrôle des gens d’armes pour les amener au roi détrôné de Castille. Don Enrique, à la tête de quatre cents Bretons qu’il a pris à sa solde, n’en ouvre pas moins les hostilités, envahit le Bigorre et s’empare de Bagnères. P. 54 à 56, 296 à 298.

Le prince de Galles se tient à Valladolid jusqu’à la Saint-Jean[73] d’été. Étonné de ne pas recevoir de nouvelles du roi de Castille, il envoie deux de ses chevaliers à Séville demander à don Pèdre pourquoi il ne tient pas ses engagements. Celui-ci répond que ses sujets refusent de lui payer aucuns subsides tant que les Compagnies, qui mettent son royaume au pillage, ne seront pas sorties d’Espagne. Pendant ce séjour du prince à Valladolid, le roi de Majorque tombe malade, et l’on met en liberté moyennant rançon ou l’on échange le sire d’Audrehem, le Bègue de Villaines et la plupart des chevaliers de France et de Bretagne faits prisonniers à Najera. Informé que don Enrique vient de recommencer la guerre en Bigorre[74], le prince ne veut à aucun prix délivrer Bertrand du Guesclin, dans la crainte qu’il n’aille prêter assistance au bâtard de Castille. P. 56 à 58, 298 et 299.

Édouard, irrité de la mauvaise foi de don Pèdre et très-éprouvé par le climat brûlant de l’Espagne[75], se décide à reprendre le chemin de la Guyenne; il laisse à Valladolid le roi de Majorque, encore trop malade pour remonter à cheval ou se faire porter en litière. Il effectue son retour par Madrigal, campe pendant un mois dans la vallée de Soria, sur les confins de la Castille, de l’Aragon et de la Navarre, et réussit, à la suite de longs pourparlers, à se faire octroyer par les rois de Navarre et d’Aragon le passage à travers leur pays. Il préfère, comme plus direct, le passage par la Navarre, dont le roi l’accompagne jusqu’au pas de Roncevaux. Après une halte de quatre jours à Bayonne, il rentre à Bordeaux et donne congé à ses gens[76]. Toutefois, il ne peut licencier sur-le-champ les Compagnies qui attendent toujours le payement de leur solde. A la nouvelle du retour du prince, don Enrique quitte Bagnères et va passer tout l’hiver à la cour du roi d’Aragon son allié[77], où il se prépare à recommencer la guerre contre don Pèdre, leur ennemi commun. P. 58 à 62, 299 à 302.

Bertrand du Guesclin, amené à Bordeaux[78] où il est le prisonnier du prince de Galles et de Jean Chandos, est mis en liberté moyennant le payement d’une rançon de cent mille francs[79]. A peine délivré, Bertrand vient servir le duc d’Anjou[80] qui fait alors la guerre à la reine de Naples, comtesse de Provence[81], et assiége Tarascon[82].—Le lundi après la Trinité[83] 1368, Lion, duc de Clarence, l’un des fils d’Édouard III, après avoir traversé au milieu des fêtes la France, le duché de Bourgogne et la Savoie, se marie à Milan à la fille de Galeas Visconti, seigneur de Milan, et de Blanche de Savoie, nièce du comte de Savoie. P. 62 à 64, 302 et 303.

Le prince de Galles invite les Compagnies, dont l’effectif s’élève à six mille combattants, à vider sa principauté d’Aquitaine.—Noms des principaux chefs de ces Compagnies.—Chassées de la Guyenne, les Compagnies entrent en France[84] qu’elles appellent leur chambre, passent la Loire et s’établissent en Champagne[85], dans l’archevêché de Reims, les évêchés de Noyon et de Soissons. Elles se disent envoyées par le prince de Galles, et le roi de France donne au seigneur de Clisson[86], devenu l’un de ses favoris, le commandement suprême des forces chargées de les combattre.—D’un autre côté, le mariage du seigneur d’Albret avec [Marguerite[87]] de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de la reine de France, qui a lieu sur ces entrefaites, excite au plus haut degré le mécontentement du prince de Galles. P. 64 à 66, 304 et 305.

Édouard, dont les dettes ont été accrues par les frais de l’expédition d’Espagne, prend le parti, pour se mettre en mesure de les payer, de lever dans sa principauté d’Aquitaine un fouage qui doit durer cinq ans[88]. Les habitants du Poitou, du Limousin, de la Saintonge, de la Rochelle, convoqués à Niort par le conseil de l’évêque de Bath[89], chancelier du prince, se laissent imposer ce fouage; mais les vassaux des hautes marches de Gascogne, le comte d’Armagnac, le sire d’Albret son neveu, les comtes de Périgord et de Comminges, le vicomte de Caraman et plusieurs autres seigneurs refusent de s’y soumettre. Ces hauts barons viennent à Paris porter leurs plaintes au roi de France à qui ils en appellent des exactions du prince comme à leur souverain. Charles V les accueille avec empressement, s’engage à appuyer leurs réclamations et les entretient ainsi dans leur résistance. Jean Chandos, opposé à la levée de ce fouage dont on attend, à raison de un franc par feu, un produit annuel de douze cent mille francs, voyant qu’il ne peut rien empêcher, quitte de dépit le Poitou et va passer plus d’un an[90] dans sa terre de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie. P. 66 à 69, 305 à 311.

CHAPITRE XCIII.

RESTAURATION DE DON ENRIQUE.1367, fin de septembre. ENTRÉE DE DON ENRIQUE EN CASTILLE.Fin d’octobre. REDDITION DE BURGOS.1368, fin de janvier. PRISE DE LÉON.1368, avril, à 1369, fin de mars. SIÉGE DE TOLÈDE.1368, 20 novembre. TRAITÉ D’ALLIANCE AVEC LE ROI DE FRANCE; RETOUR DE BERTRAND DU GUESCLIN EN ESPAGNE.1369, 14 mars. BATAILLE DE MONTIEL.23 mars. MORT DE DON PÈDRE.4 mai. BERTRAND DU GUESCLIN CRÉÉ DUC DE MOLINA (§§ 595 à 600).

Don Enrique prend congé du roi d’Aragon à Valence[91] et entre en campagne contre don Pèdre à la tête de trois mille cavaliers et de six mille fantassins. Il occupe successivement Burgos[92], Valladolid, où le roi de Majorque est fait prisonnier[93], Léon[94]. P. 70, 71, 311 et 312.

Après la reddition de Léon, don Enrique voit la Galice[95] tout entière se déclarer pour lui ainsi que plusieurs hauts barons que don Pèdre s’est aliénés par sa cruauté. Il met le siége devant Tolède, au moment où Bertrand du Guesclin, qui est déjà entré en Aragon après sa campagne en Provence et devant Tarascon au service du duc d’Anjou, s’avance à marches forcées pour le venir rejoindre.—Don Pèdre, de son côté, qui se tient en la marche de Séville et de Portugal, à la première nouvelle du retour offensif de son adversaire, fait alliance avec les rois de Grenade, des Béni-Mérin et de Tlemcen, qui lui envoient vingt mille hommes[96], et parvient à réunir sous ses ordres quarante mille combattants, tant Chrétiens que Juifs et Sarrasins.—Sur ces entrefaites[97], Bertrand du Guesclin arrive sous les murs de Tolède et apporte à l’armée assiégeante un renfort de deux mille soudoyers[98]. P. 71 à 73, 312 et 313.

Don Pèdre, après avoir concentré ses forces, quitte Séville et entre en campagne pour faire lever le siége de Tolède[99]. Par le conseil de Bertrand du Guesclin, don Enrique, laissant devant la ville assiégée une partie de ses troupes sous les ordres de don Tello, l’un de ses frères, marche avec don Sanche, son autre frère, et six mille combattants, l’élite de son armée, à la rencontre du roi de Castille. Il lance en avant des espions pour éclairer sa marche, et, grâce à cette précaution, il tombe à l’improviste, dans les environs de Montiel, sur l’ennemi qui chemine en désordre; il l’attaque malgré une supériorité numérique de six contre un et donne l’ordre de ne prendre personne à rançon. P. 73 à 76, 313 et 314.

Bertrand du Guesclin et ses Bretons, ainsi que plusieurs chevaliers de l’Aragon, font des prodiges de valeur. Du côté de don Pèdre, les Juifs tournent le dos dès le début de l’action; mais le trait des Sarrasins de Grenade et des Béni-Mérin, armés d’arcs et d’archigaies, produit de grands ravages. Don Pèdre brandit une hache avec laquelle il donne de tels coups que nul ne l’ose approcher. Don Enrique, précédé de sa bannière, va droit à la bannière de don Pèdre. Les hommes d’armes qui entourent le roi de Castille commencent alors à lâcher pied. Par le conseil de don Fernand de Castro, don Pèdre lui-même court s’enfermer avec douze des siens dans le château de Montiel[100]. Ce château n’est accessible que par un défilé dont le Bègue de Villaines se hâte de garder l’entrée. Vingt-quatre mille hommes restent sur le champ de bataille[101], et don Enrique et Bertrand du Guesclin font plus de trois grandes lieues à la poursuite des fuyards. Cette bataille se livre sous Montiel le [14 mars 1369[102]]. P. 76 à 78, 314.

Don Enrique et Bertrand soumettent le château de Montiel au plus étroit blocus. Ce château est très-fort et pourrait faire une longue résistance, mais il n’est pourvu de vivres que pour quatre jours. Vers minuit, don Pèdre essaye de s’échapper[103] en compagnie de don Fernand de Castro et des gens de sa suite, mais il est fait prisonnier par le Bègue de Villaines, qui garde le passage à la tête de trois cents compagnons. Il est conduit dans la tente d’Yvon de Lakouet[104], où don Enrique se rend aussitôt, et, après un échange de paroles injurieuses, une lutte corps à corps s’engage entre les deux frères. Don Pèdre a d’abord le dessus; il terrasse son compétiteur et le tient sous lui; mais le vicomte de Rocaberti[105], chevalier aragonais présent à cette scène, dégage don Enrique qui tue d’un coup de dague le roi de Castille. P. 78 à 82, 314 à 316.

Le lendemain de la mort de don Pèdre, le seigneur de Montiel vient rendre son château à don Enrique. A la nouvelle de cette mort, Tolède ouvre aussitôt ses portes au vainqueur, et le roi de Portugal, après avoir d’abord défié le meurtrier de son cousin et envahi la marche de Séville, ne tarde pas à faire la paix. Une fois redevenu maître et paisible possesseur du royaume dont il a déjà été investi, don Enrique récompense magnifiquement les chevaliers de France et de Bretagne, qui ont tant contribué à le remettre sur le trône. Bertrand du Guesclin est créé connétable de Castille et gratifié de la terre de Soria[106] qui vaut par an vingt mille florins. Olivier de Mauny, neveu de Bertrand, est investi de la seigneurie d’Agreda[107], d’un revenu annuel de dix mille florins. Don Enrique vient tenir sa cour à Burgos où les rois de France, d’Aragon et le duc d’Anjou lui font parvenir leurs félicitations.—Mort tragique[108] de Lion d’Angleterre marié à la fille de Galeas Visconti, seigneur de Milan; guerre entre Galeas et Édouard Spencer, apaisée par l’entremise du comte de Savoie. P. 81 à 84, 317 à 319.

CHAPITRE XCIV.

RUPTURE DU TRAITÉ DE BRÉTIGNY.1368, 26 janvier. LEVÉE D’UN FOUAGE EN AQUITAINE.Mai et juin. APPEL PORTÉ DEVANT LE ROI DE FRANCE PAR LES BARONS DE GASCOGNE.3 décembre. NAISSANCE DU DAUPHIN CHARLES, DEPUIS CHARLES VI.1368, fin de décembre, et 1369, janvier. RÉCEPTION DE L’APPEL DES BARONS DE GASCOGNE ET CITATION ADRESSÉE AU PRINCE DE GALLES.1369, premiers mois. DÉFAITE DE THOMAS DE WETENHALE, SÉNÉCHAL ANGLAIS DU ROUERGUE, PRÈS DE MONTAUBAN.—RETOUR DE JEAN CHANDOS EN GUYENNE; SON ARRIVÉE A MONTAUBAN.—RUPTURE DES NÉGOCIATIONS ET DÉCLARATION DE GUERRE.29 avril. REDDITION D’ABBEVILLE ET DU PONTIEU AU ROI DE FRANCE (§§ 601 à 610).

Le prince de Galles lève un fouage[109] dans sa principauté d’Aquitaine et convoque à cet effet des parlements à Niort, à Angoulême, à Poitiers, à Bordeaux et à Bergerac. Les seigneurs de Gascogne, notamment les comtes d’Armagnac[110], de Périgord, de Comminges et le seigneur d’Albret, s’insurgent contre cette prétention et en appellent au roi de France[111]. Les personnages les plus influents de l’entourage de Charles V, notamment Gui de Ligny, comte de Saint-Pol[112], qui vient de rentrer en France, après avoir été pendant plusieurs années otage en Angleterre, conseillent de faire droit à la requête des barons de Gascogne, en s’appuyant sur certaines stipulations du traité de Brétigny. P. 84 à 87, 319 à 321.

Texte de l’une de ces stipulations, dite charte des soumissions, datée de Calais le 24 octobre 1360[113]. P. 87 à 91, 321, 322.

D’après les conseillers de la cour de France, Charles V doit recevoir l’appel des barons de Gascogne, non-seulement parce qu’Édouard III a violé plusieurs stipulations du traité de Brétigny, mais encore parce que les habitants de la principauté, surtout ceux du Poitou, de la Saintonge, du Limousin, du Rouergue, du Quercy et de l’Aunis, sont animés au plus haut degré contre les Anglais, le peuple, parce qu’il est écrasé d’impôts, les gentilshommes du pays, parce que le prince d’Aquitaine les exclut de tous les emplois au profit de ses compatriotes et des chevaliers de son entourage. Le duc d’Anjou, qui réside alors à Toulouse en qualité de lieutenant général dans le Languedoc, est un des plus ardents à pousser le roi son frère à une rupture avec l’Angleterre[114].—Charles V fait le meilleur accueil aux appelants, sans vouloir néanmoins prendre au début un engagement exprès, et pendant ce temps il sonde les dispositions des habitants d’Abbeville et du Pontieu.—En 1368, par un avent, naissance de Charles, fils aîné du roi de France[115], et de Charles d’Albret, fils du seigneur d’Albret[116]. P. 91 à 93, 322 à 324.

Charles V se décide à recevoir l’appel porté devant le parlement de Paris contre le prince de Galles par la plupart des barons de Gascogne[117].—Noms de ces barons.—Un clerc de droit[118] et un chevalier de Beauce, nommé Caponnet de Caponval[119], vont à Bordeaux porter au prince une lettre du roi de France. P. 93 à 95, 324.

Par cette lettre en date du 15 janvier [1369[120]], le prince est sommé de se rendre à Paris dans le plus bref délai pour y être jugé en Chambre des Pairs au sujet de l’appel interjeté et des plaintes portées contre lui par ses vassaux, tant de la Gascogne que des autres parties de l’Aquitaine. P. 95, 96, 324.

Le prince de Galles entre en fureur en recevant cette sommation: il répond qu’il ira à Paris, puisqu’il y est ajourné par le roi de France, mais que ce sera le bassinet en tête et soixante mille hommes en sa compagnie[121]. Il prétend que le roi Jean, en cédant l’Aquitaine, a déclaré formellement renoncer à toute espèce de suzeraineté ou de ressort, et il reproche à Charles V, fils et successeur de Jean, de violer, en recevant l’appel des barons de Gascogne, l’une des stipulations du traité de Brétigny.—Après leur départ de Bordeaux, les deux messagers du roi de France sont arrêtés en Agenais par un chevalier anglais nommé Guillaume le Moine, sénéchal de ce pays, et mis en prison à Agen au moment où ils se dirigent vers Toulouse pour y rendre compte au duc d’Anjou du résultat de leur message. P. 96 à 99, 324, 325.

Jean, duc de Berry, otage en Angleterre, revient en France à la faveur d’un congé d’un an qu’il trouve le moyen de prolonger jusqu’à la déclaration de guerre[122]. Jean, comte de Harcourt, obtient aussi un congé par l’entremise de son oncle Louis de Harcourt, seigneur poitevin, qui à ce titre est alors l’un des vassaux du prince d’Aquitaine, et une maladie dont il est atteint après son retour en France l’amène à prolonger, comme le duc de Berry, son congé jusqu’à l’ouverture des hostilités[123]. Moins heureux que ces deux premiers otages, Gui de Blois, alors jeune écuyer, frère du comte Louis de Blois, est réduit à racheter sa liberté moyennant la cession au roi d’Angleterre du comté de Soissons, qu’Édouard III rétrocède à son gendre le seigneur de Coucy, en échange de quatre mille francs de rente annuelle à valoir sur la dot assignée à la dame de Coucy[124]. Le comte Pierre d’Alençon recouvre aussi la liberté moyennant le payement de trente mille francs[125]. Quant au duc Louis de Bourbon, il se fait octroyer son élargissement définitif, en versant une somme de vingt mille francs[126], et en obtenant du pape Urbain V, dont il a les bonnes grâces, l’évêché de Winchester pour Guillaume Wickam, chapelain et favori du roi d’Angleterre. P. 99 à 102, 325, 326.

Le prince de Galles fait de grands préparatifs de guerre contre le roi de France et dit qu’il compte bien assister de sa personne à la fête du Landit; mais il est retenu à Bordeaux par une hydropisie incurable, et Charles V a trouvé le moyen de se faire exactement renseigner sur la maladie de son adversaire.—Peu après l’arrestation des deux messagers qui ont porté au prince la citation du roi de France, les comtes de Périgord, de Comminges, le vicomte de Caraman et quelques autres seigneurs d’Aquitaine, ralliés au parti français, se concertent pour tirer vengeance de cette arrestation. Ils tendent une embuscade à Thomas de Wetenhale, sénéchal anglais du Rouergue[127], au moment où celui-ci fait route, avec soixante lances et deux cents archers, de Villeneuve-d’Agen à Rodez[128]; ils le surprennent à deux lieues de Montauban, le battent et le forcent à chercher un refuge derrière les remparts de cette dernière ville. A cette nouvelle, le prince de Galles, qui réside alors à Angoulême, rappelle de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie, Jean Chandos[129] et l’envoie tenir garnison à Montauban. Le sénéchal du Rouergue se rend à Rodez, et met cette ville en état de défense, ainsi que Millau et Monpazier[130].—Noms des principaux seigneurs gascons, poitevins, anglais, qui défendent sous Jean Chandos les frontières du Rouergue contre les comtes d’Armagnac, de Périgord[131], de Comminges, le vicomte de Caraman et le seigneur d’Albret.—Le duc d’Anjou n’a point encore pris les armes, car le roi de France, son frère, lui a défendu de commencer les hostilités sans son ordre exprès. P. 102 à 105, 326 à 330.

Le roi de France met dans ses intérêts plusieurs chefs de Compagnies qui ont remonté la Loire et sont cantonnés sur les marches de Berry et d’Auvergne[132]; mais il le fait en grand secret, pour ne pas donner l’éveil au roi d’Angleterre, qui n’a que peu de forces à Abbeville et dans le Pontieu, dont Charles V travaille à se remettre en possession. Pendant ce temps, le comte de Saarbruck et Guillaume de Dormans, envoyés en ambassade auprès d’Édouard III, font traîner à dessein les négociations en longueur pendant deux mois[133]. Une fois ses préparatifs terminés et les hostilités ouvertes en Gascogne, le roi de France, qui a pris secrètement toutes ses mesures pour se faire livrer Abbeville, envoie un Breton, l’un de ses valets de cuisine[134], défier le roi d’Angleterre. Le comte de Saarbruck et Guillaume de Dormans, au retour de leur mission, rencontrent ce Breton à Douvres et se hâtent d’autant plus de regagner Boulogne.—Guichard d’Angle, maréchal d’Aquitaine, envoyé par le prince de Galles à Rome en mission auprès du pape Urbain V, est informé de l’ouverture des hostilités au moment où il se dispose à rentrer en France. Il fait route par la Savoie dont le comte est alors en guerre avec le marquis de Saluces; mais, arrivé sur les confins de la Bourgogne, il est réduit à prendre un déguisement de pauvre «chapelain» pour regagner la Guyenne. Jean Ysoré, chevalier breton, gendre de Guichard d’Angle, ne peut retourner en Bretagne qu’en promettant de se rallier au parti français; et un autre compagnon de voyage du maréchal d’Aquitaine, Guillaume de Seris[135], chevalier poitevin, après être resté plus de cinq ans caché à l’abbaye de Cluny, finit aussi par se faire Français. P. 106 à 109, 330 à 332.

Le valet breton, envoyé par Charles V, arrive à Londres et remet à destination la lettre de défi du roi de France. Édouard III, après avoir pris connaissance du message, est transporté de fureur[136] à tel point que le comte dauphin d’Auvergne, le comte de Porcien, les seigneurs de Roye et de Maulevrier, qui sont encore otages en Angleterre, redoutent des représailles sur leurs personnes[137].—Sans perdre un moment, il envoie quatre cents hommes d’armes, sous les ordres des seigneurs de Percy, de Nevill, de Carlton et de Guillaume de Windsor, renforcer la garnison anglaise d’Abbeville[138]; mais on apprend bientôt que les bourgeois de cette ville, à la suite de pourparlers secrets avec Charles V, ont ouvert leurs portes à un corps de six cents lances amené par Gui, comte de Saint-Pol, et Hue de Châtillon, alors maître des arbalétriers de France[139]. Hue de Châtillon fait prisonnier Nicolas de Louvain[140], sénéchal du Pontieu, et les Français occupent Saint-Valery, le Crotoy[141] et Rue. Le comte de Saint-Pol emporte Pont-Remy après un brillant assaut où son fils aîné Waleran est fait chevalier.—A la nouvelle de l’occupation du Pontieu par les Français, Édouard III redouble de fureur; il envoie dans les villes de l’intérieur de son royaume les bourgeois des bonnes villes de France, otages du traité de Brétigny, et les soumet à une captivité plus étroite. Toutefois, il permet au comte dauphin d’Auvergne[142] de se racheter moyennant trente mille francs, et au comte de Porcien[143], moyennant dix mille francs. Moins heureux que ces deux otages, le seigneur de Roye ne recouvra la liberté que plus tard et par un cas fortuit[144]. P. 109 à 113, 332 à 335.

CHAPITRE XCV.

PRÉPARATIFS MILITAIRES ET OUVERTURE DES HOSTILITÉS SUR TOUTES LES FRONTIÈRES DU ROYAUME.1368, 2 et 17 août. PRISE DE VIRE ET DE CHÂTEAU-GONTIER PAR LES COMPAGNIES.1369, avril et mai. LES COMTES DE CAMBRIDGE ET DE PEMBROKE EN PÉRIGORD; SIÉGE DE BOURDEILLES.—JEAN CHANDOS A MONTAUBAN; PRISE DE ROQUESERRIÈRE.—SIÉGE DE RÉALVILLE PAR LES GENS DU DUC D’ANJOU; REDDITION DE SOIXANTE PLACES FORTES DE LA GUYENNE AUX FRANÇAIS.7 avril. MARIAGE DU DUC DE BOURGOGNE AVEC MARGUERITE DE FLANDRE.-Août. ARRIVÉE DU ROI DE NAVARRE EN BASSE NORMANDIE ET NÉGOCIATIONS ENTRE CE PRINCE ET LE ROI D’ANGLETERRE.—EXPLOITS DES FRANÇAIS EN POITOU; PRISE DE LA ROCHE-POSAY PAR JEAN DE KERLOUET.Avril et mai. CAMPAGNE DE ROBERT KNOLLES ET DE JEAN CHANDOS EN QUERCY; SIÉGE DE DURAVEL ET DE DOMME; PRISE DE MOISSAC, DE GRAMAT, DE FONS, DE ROCAMADOUR ET DE VILLEFRANCHE.—REDDITION DE RÉALVILLE AUX FRANÇAIS ET DE BOURDEILLES AUX ANGLAIS (§§ 611 à 627).

Édouard III, apprenant que le roi de France rassemble une flotte pour envahir l’Angleterre, garnit de gens d’armes les frontières d’Écosse, les côtes de son royaume dans la région de Southampton, les îles de Jersey, de Guernesey et de Wight.—Dans le midi de la France, le duc d’Anjou réunit un corps d’armée à Toulouse et s’apprête à entrer en Guyenne, tandis que le duc de Berry[145], à la tête des barons de l’Auvergne, du Berry, du Lyonnais, du Beaujolais et du Mâconnais, ouvre les hostilités en Touraine et sur les marches de Poitou[146].—Exploits de Louis de Saint-Julien[147], de Guillaume des Bordes[148] et du Breton Kerlouet[149], qui commandent les forteresses françaises sur les marches de Touraine. P. 113, 114, 335, 336.

Un écuyer, dit le Poursuivant d’amours[150], capitaine du château de Beaufort[151], en Champagne, pour le duc de Lancastre, embrasse le parti français, tandis qu’au contraire le Chanoine de Robersart[152], qui avait été jusqu’alors à la solde du roi de France, entre au service du roi d’Angleterre.—Le duc d’Anjou réussit à enrôler quelques chefs de Compagnies[153], notamment Bertucat d’Albret, le Petit Meschin, le bour de Breteuil, Amanieu d’Ortige, Perrot de Savoie, Jacques de Bray et Ernaudon de Pau.—Prise de Vire[154], en basse Normandie, et de Château-Gontier[155], dans le Maine, par les Compagnies anglaises.—Les comtes de Cambridge et de Pembroke, chargés par Édouard III d’amener des renforts au prince de Galles, débarquent en Bretagne, et profitent de leur séjour dans ce pays pour embaucher les Compagnies de Vire et de Château-Gontier qu’ils décident à repasser la Loire au pont de Nantes.—Hugh de Calverly[156], qui a quitté la marche d’Aragon pour rejoindre le prince[157] à Angoulême, à la première nouvelle de la reprise des hostilités, est mis à la tête de deux mille soudoyers de ces Compagnies d’outre-Loire, réunies à celles qu’il a ramenées d’Espagne; il fait des incursions sur les terres du comte d’Armagnac et du seigneur d’Albret. P. 114 à 118, 336, 337.

A peine arrivés à Angoulême, les comtes de Cambridge et de Pembroke[158] reçoivent du prince de Galles l’ordre de faire une chevauchée dans le comté de Périgord[159], à la tête de trois mille combattants. Ils mettent le siége devant la forteresse de Bourdeilles[160] que défendent les deux frères Ernaudon et Bernardet de Badefol[161], écuyers de Gascogne. P. 118, 119, 337, 338.

En Poitou et sur les marches d’Anjou et de Touraine, la supériorité du nombre est du côté des Français, et deux ou trois cents Anglais ont à garder la frontière contre mille combattants. Profitant de cette supériorité, sept cents Français, sous les ordres de Jean de Beuil[162], de Guillaume des Bordes, de Louis de Saint-Julien et de Jean de Kerlouet, mettent un jour en déroute, sur une chaussée rompue, entre Lusignan[163] et Mirebeau, une troupe d’Anglais commandés par Simon Burleigh[164] et d’Agorisses[165]. Ce dernier réussit à s’échapper et se jette dans le château de Lusignan, mais Simon Burleigh reste au pouvoir des vainqueurs. P. 120, 121, 338, 339.

Sur les frontières du Toulousain, Jean Chandos[166], le captal de Buch[167], le sire de Parthenay[168], Louis de Harcourt et Guichard d’Angle, qui tiennent garnison à Montauban et disposent d’un millier de combattants, s’emparent, après quinze jours de siége, de Roqueserrière[169], et peu s’en faut qu’ils ne surprennent Lavaur.—Les Français, de leur côté, ayant à leur tête les comtes de Périgord[170], de Comminges, de l’Isle, les vicomtes de Caraman, de Bruniquel[171], de Talar, de Montredon et de Lautrec, ainsi que Bertucat d’Albret et les autres chefs des Compagnies, détachés du parti anglais par les soins du duc d’Anjou, les Français, dis-je, entrent en campagne avec un effectif d’environ dix mille hommes et mettent le siége devant Réalville[172], en Quercy, dont ils font battre les remparts par quatre grands engins qu’on leur expédie de Toulouse. P. 121 à 124, 339 à 341.

Pendant ce temps, Jean, duc de Berry, Jean d’Armagnac[173] son beau-frère, Jean de Villemur, Roger de Beaufort[174], les seigneurs de Beaujeu, de Villars et de Chalançon, font la guerre aux Anglais sur les frontières du Limousin, de l’Auvergne et du Quercy. L’archevêque de Toulouse[175], envoyé en mission par Louis, duc d’Anjou, réussit avec le concours de Jean d’Armagnac et des hommes d’armes du duc de Berry, à rallier à la cause française Cahors[176], Figeac, Gramat, Rocamadour, Capdenac[177] et plus de soixante[178] cités, villes, châteaux et forteresses.—Le rôle que joue en Languedoc l’archevêque de Toulouse, Guillaume de Dormans[179] le remplit dans le Pontieu où il va de cité en cité et de bonne ville en bonne ville faire de la propagande en faveur du roi de France.—Charles V institue à Paris des processions où il assiste lui-même pieds nus, ainsi que la reine, et il ordonne des mortifications et des prières publiques par tout son royaume[180]. Les choses se passent de la même manière en Angleterre où l’évêque de Londres fait des sermons contre la France et les Français[181].—Sollicité par son gendre Édouard de Gueldre et par le seigneur de Gommegnies de prendre parti pour Édouard III, le duc Aubert de Bavière, qui tient alors en bail le comté de Hainaut, est détourné d’une telle résolution par Jean de Werchin[182], sénéchal de Hainaut, le comte de Blois[183], Jean de Blois[184], frère du comte, les seigneurs de Barbençon[185] et de Ligne[186], très-attachés à la cause française. Il garde donc la neutralité, et cet exemple est suivi par Jeanne, duchesse de Brabant[187]. En revanche, les ducs de Gueldre et de Juliers défient le roi de France. P. 124 à 129, 341 à 345.

Le pape Urbain V refuse pendant cinq ans d’accorder les dispenses nécessaires pour le mariage d’Aymon, comte de Cambridge, l’un des fils d’Édouard III, avec Marguerite de Flandre[188]. Louis, comte de Flandre, père de Marguerite, cédant aux sollicitations de la comtesse d’Artois sa mère, prend le parti de donner la main de sa fille à Philippe, duc de Bourgogne, frère cadet du roi de France[189]. Charles V engage Lille et Douai[190] entre les mains de son jeune frère, en considération de ce mariage qui se célèbre à Gand[191]. Un tel événement a pour effet de refroidir Édouard III à l’endroit des Flamands ses anciens alliés, mais les communes de Flandre n’en continuent pas moins d’être plus favorables au roi d’Angleterre qu’au roi de France. P. 129 à 131, 346.

Par l’entremise d’Eustache d’Auberchicourt, capitaine de Carentan, Charles, roi de Navarre, qui se tient alors à Cherbourg[192], se rend en Angleterre où il conclut un traité d’alliance offensive et défensive avec Édouard III. Les nefs anglaises, qui ont ramené le Navarrais à Cherbourg, sont capturées au retour par des marins normands, et les chevaliers ou écuyers de distinction, embarqués sur ces navires, faits prisonniers. Eustache d’Auberchicourt prend congé du roi de Navarre pour répondre à l’appel du prince de Galles. Arrivé à Angoulême, il se met aux ordres du prince qui l’envoie à Montauban rejoindre Jean Chandos et le captal de Buch. P. 131 à 133, 346, 347.

Les chevaliers et écuyers de Picardie, au nombre de mille lances, vont, sous les ordres de Moreau de Fiennes, connétable de France, et de Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, faire une démonstration devant la bastide d’Ardres[193] occupée par les Anglais. P. 133, 134, 347, 348.

La forteresse de Réalville, en Quercy, abandonnée par Jean Chandos et le captal de Buch qui font frontière à Montauban ainsi que par les comtes de Cambridge et de Pembroke qui assiégent Bourdeilles, se rend aux Français[194]. Après la reddition de Réalville, les chefs des Compagnies à la solde du duc d’Anjou vont tenir garnison à Cahors, tandis que le comte de Périgord et les autres seigneurs regagnent leurs terres pour les défendre contre les incursions des Compagnies anglaises.—Exploits de Thomas de Wetenhale[195], capitaine anglais de Millau[196] et de la Roque-Valsergue[197], en Rouergue, contre les Français. P. 134 à 136, 348, 349.

Prise de la Roche-Posay[198], sur les confins du Poitou et de la Touraine, par les Français sous les ordres du breton Kerlouet[199], de Jean de Beuil, de Guillaume des Bordes et de Louis de Saint-Julien.—A cette nouvelle, Guichard d’Angle[200], Louis de Harcourt[201] et le seigneur de Parthenay[202] quittent Montauban où ils servent sous Jean Chandos pour aller en Poitou défendre leurs possessions.—Le seigneur de Chauvigny, vicomte de Brosses[203], se tourne français et fait occuper par des Bretons sa forteresse de Brosses. Le vicomte de Rochechouart[204], accusé aussi de défection, vient à Angoulême se justifier auprès du prince de Galles. James d’Audeley, sénéchal du Poitou[205], Baudouin de Fréville, sénéchal de Saintonge[206], et les principaux seigneurs de ces deux provinces vont porter le ravage en Berry; ils assiégent et prennent Brosses et, pour punir le seigneur de Chauvigny de sa défection, font pendre seize de ses hommes, puis ils retournent à Poitiers. P. 136 à 139, 349 à 351.

Robert Knolles quitte son château de Derval[207], en Bretagne, et va à Angoulême offrir ses services au prince de Galles qui l’institue souverain maître de son hôtel. Robert, ayant sous ses ordres cinq cents hommes d’armes, cinq cents archers et autant de brigands, va tenir garnison à Agen[208] d’où il compte se rendre en Quercy où se trouvent les chefs des Compagnies ralliés au parti français. Il ménage une entrevue avec Bertucat d’Albret, le plus important de ces chefs, et réussit à le faire rentrer au service du prince de Galles[209], ainsi que cinq ou six cents soudoyers gascons. P. 139 à 142, 351 à 354.

Après la défection de Bertucat d’Albret, les autres chefs des Compagnies, Amanieu d’Ortige, Jacques de Bray, Perrot de Savoie, Ernaudon de Pau, évacuent Cahors et se fortifient dans le prieuré de Duravel[210] où Robert Knolles vient les assiéger. A cette nouvelle, Jean Chandos part de Montauban avec une troupe de trois cents lances, se fait rendre en chemin Moissac[211] et vient rejoindre Robert Knolles devant Duravel. P. 142 à 145, 354 à 356.

Les Anglais sont obligés de lever le siége de Duravel et, après avoir assiégé sans succès Domme[212] pendant quinze jours, ils envoient le héraut Chandos à Angoulême demander des renforts au prince de Galles. P. 145 à 147, 356 à 359.

Levée du siége de Domme. Gramat[213], Fons[214], Rocamadour[215], Villefranche[216] se rendent aux Anglais. P. 147 à 150, 359 à 362.

Le siége de Bourdeilles par le corps d’armée anglais qui opère en Périgord sous le commandement des comtes de Cambridge et de Pembroke, dure depuis plus de onze semaines. Les assiégeants ont recours à la ruse; ils simulent un jour un mouvement de retraite et attirent ainsi dans une embuscade Ernaudon et Bernardet de Badefol, capitaines de la forteresse assiégée, qui sont pris par Jean de Montagu[217]. Celui-ci est fait chevalier par le comte de Cambridge. Bourdeilles tombe au pouvoir des deux comtes qui confient la garde de cette place au seigneur de Mussidan[218] et rentrent à Angoulême. P. 150 à 153, 362 à 364.

Jean Chandos, Thomas Felton et le captal de Buch retournent aussi dans cette ville où ils sont rappelés par le prince de Galles; Robert Knolles se joint à eux, quoique le prince l’ait invité à rester en Quercy. Avant leur départ, ils chargent Bertucat d’Albret de tenir garnison à Rocamadour et conseillent aux chefs des Compagnies anglaises de concentrer leurs bandes sur les marches du Limousin et de l’Auvergne pour y vivre aux dépens des habitants de ces deux provinces. P. 153 à 155, 364 à 366.

CHAPITRE XCVI.

1369, août. OCCUPATION DE BELLEPERCHE PAR LES COMPAGNIES ANGLAISES.—PROJET ET PRÉPARATIFS D’UNE INVASION FRANÇAISE EN ANGLETERRE.—REDDITION DE LA ROCHE-SUR-YON AUX ANGLAIS.—MORT DE JAMES D’AUDELEY; JEAN CHANDOS, SÉNÉCHAL DU POITOU.—DESCENTE DU DUC DE LANCASTRE A CALAIS; CHEVAUCHÉE DE TOURNEHEM.—AFFAIRE DE PURNON; LE COMTE DE PEMBROKE EST SURPRIS ET ASSIÉGÉ PAR LOUIS DE SANCERRE.—MORT DE PHILIPPA DE HAINAUT, REINE D’ANGLETERRE.—PRISE DES PONTS-DE-CÉ ET DE SAINT-MAUR-SUR-LOIRE PAR LES ANGLAIS, DE SAINT-SAVIN PAR LES FRANÇAIS.1370, 1er janvier. COMBAT DU PONT DE LUSSAC ET MORT DE JEAN CHANDOS.Premiers jours de juillet. PRISE DE CHATELLERAULT PAR JEAN DE KERLOUET.1369, derniers mois, et 1370, premiers mois. SIÉGE ET REPRISE DE BELLEPERCHE PAR LE DUC DE BOURBON (§§ 628 à 652).

Trois chefs des Compagnies anglaises, Hortingo, Bernard de Wisk et Bernard de la Salle, vont s’établir sur les marches du Limousin dont Jean Devereux est sénéchal pour le prince de Galles. Ils surprennent et enlèvent par escalade le château de Belleperche[219], en Bourbonnais, où ils font prisonnière la mère du duc de Bourbon et de la reine de France. Ils s’emparent aussi de Sainte-Sévère[220] qu’ils livrent à Jean Devereux.—Louis de Sancerre est nommé maréchal de France en remplacement d’Arnoul, sire d’Audrehem, accablé de vieillesse, de blessures et d’infirmités[221]. P. 155 à 157, 366 à 368.

Le roi de France emploie tout cet été à faire des préparatifs de guerre. A Harfleur, à Rouen, sur la Seine entre Rouen et Harfleur, il travaille à rassembler une flotte qui doit transporter en Angleterre une puissante armée d’invasion sous les ordres de Philippe son frère, duc de Bourgogne. Il établit alors sa résidence à Rouen pour surveiller lui-même ces préparatifs[222]. Le sire de Clisson fait de vains efforts pour détourner le roi de ce projet.—Édouard III est informé de ces préparatifs et prend ses mesures pour repousser cette invasion. Jean, duc de Lancastre, l’un des fils d’Édouard, à la tête de six cents hommes d’armes et de quinze cents archers, débarque à Calais[223] où Robert de Namur est invité à le venir rejoindre. P. 157 à 159, 368, 369.

Après leur retour à Angoulême, les comtes de Cambridge, de Pembroke, Jean Chandos, James d’Audeley et la plupart des barons poitevins, au nombre de plus de trois mille lances, vont sur les marches d’Anjou mettre le siége devant la Roche-sur-Yon[224] dont Jean [Belon[225]] est capitaine pour le duc d’Anjou; ils font battre les remparts de cette forteresse par de grands engins amenés de Thouars et de Poitiers. Jean [Belon] s’engage à rendre la place, s’il n’est secouru par le roi de France, les ducs d’Anjou et de Berry, dans le délai d’un mois. Le mois écoulé, il livre, suivant la convention, la Roche-sur-Yon aux Anglais moyennant le payement de six mille francs pour les approvisionnements laissés entre les mains des vainqueurs. Rentré à Angers, Jean [Belon] est mis en prison et noyé dans la Maine par ordre du duc d’Anjou. P. 159 à 163, 369 à 372.

Mort de James d’Audeley, sénéchal du Poitou[226], à Fontenay-le-Comte; funérailles de ce chevalier à Poitiers. Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, est nommé sénéchal du Poitou[227] en remplacement de James d’Audeley et fixe sa résidence à Poitiers.—Le vicomte de Rochechouart, emprisonné, puis mis en liberté par le prince d’Aquitaine, se rend à Paris où il prête serment de fidélité au roi de France; il met le breton Thibaud du Pont en sa forteresse et fait défier le prince. P. 163, 164, 372, 373.

Incursions des deux maréchaux du duc de Lancastre au delà de Guines et de la rivière d’Oske[228], vers l’abbaye de Licques[229], vers Boulogne, vers la cité de Thérouanne défendue par le comte Gui de Saint-Pol et son fils Waleran.—Les nouvelles en viennent au roi de France, qui se tient alors à Rouen, au moment où le duc de Bourgogne est sur le point de s’embarquer et de faire voile pour l’Angleterre en compagnie de trois mille chevaliers. Force est de renoncer à ce projet pour marcher à la rencontre du duc de Lancastre. De Rouen, le duc de Bourgogne se dirige vers la Picardie, passe la Somme au pont d’Abbeville et vient, par Montreuil-sur-Mer, Hesdin et Saint-Pol, se loger sur la hauteur de Tournehem[230] en face du duc de Lancastre qu’il trouve campé dans la vallée où les Anglais se sont fortifiés de haies, de fossés et de palissades et où Robert de Namur est accouru les rejoindre. Malgré une supériorité numérique de sept contre un, le duc de Bourgogne reste simplement sur la défensive, car il lui est enjoint de ne point engager de combat sans l’ordre exprès du roi son frère, et il reçoit tous les jours de Gand des messages du comte de Flandre son beau-père qui lui recommandent la même réserve. P. 164 à 167, 373 à 375.

Jean Chandos, qui se tient à Poitiers, invite le comte de Pembroke, capitaine de Mortagne[231] où il a sous ses ordres une garnison de deux cents lances, à faire avec lui une chevauchée en Anjou et Touraine. Le comte refuse de se rendre à cette invitation dans la crainte qu’on n’attribue au sénéchal du Poitou tout l’honneur des succès qu’ils pourraient remporter. Chandos, à la tête de trois cents lances et de deux cents archers, n’en porte pas moins le ravage en Anjou, notamment dans le Loudunois[232], et, s’avançant sur les confins de l’Anjou et de la Touraine, remonte la vallée de la Creuse. Il fait ensuite une pointe dans la vicomté de Rochechouart et essaye sans succès d’emporter la ville de ce nom défendue par une garnison bretonne dont Thibaud du Pont[233] est le capitaine. De retour à Chauvigny et apprenant que Louis de Sancerre est à la Haye, en Touraine, il invite une seconde fois le comte de Pembroke à le venir rejoindre pour marcher contre les Français et lui donne rendez-vous à Châtellerault; il reçoit un nouveau refus et rentre à Poitiers. P. 167 à 170, 375, 376.

Le comte de Pembroke, aussitôt après la chevauchée de Chandos, va à son tour porter le ravage dans la vicomté de Rochechouart et le Loudunois. Louis de Sancerre[234], parti de nuit de la forteresse française de la Roche-Posay en compagnie de Jean de Beuil[235], de Jean de Vienne, de Guillaume des Bordes, de Louis de Saint-Julien et du breton Kerlouet, tombe à l’improviste sur les Anglais au moment où ils sont occupés à se loger en un village appelé Purnon[236]; il en tue plus de cent et force les autres à chercher un refuge dans une forte maison de Templiers dépourvue de fossés et entourée seulement de murs en pierre. Les Français livrent un premier assaut que les Anglais parviennent à repousser et que la tombée de la nuit vient interrompre. P. 170 à 174, 376 à 379.

Vers minuit, le comte de Pembroke envoie un de ses écuyers à Poitiers demander du secours à Jean Chandos.—Le lendemain matin, les Français livrent un second assaut qui dure depuis l’aube du jour jusqu’à prime (six heures du matin). P. 174 à 176, 379 à 381.

Entre prime et tierce (neuf heures du matin) et au plus fort de l’assaut, le comte de Pembroke dépêche vers Jean Chandos un second écuyer auquel il donne un anneau d’or qu’il a au doigt pour se faire plus sûrement reconnaître. Le premier écuyer, qui était parti de Purnon à minuit, s’égare en chemin et n’arrive à Poitiers que vers tierce au moment où le sénéchal du Poitou se dispose à entendre la messe. Jean Chandos, qui a sur le cœur le mauvais vouloir et les refus antérieurs du comte de Pembroke, répond que le secours qu’on lui demande n’arrivera pas en temps utile et entend toute sa messe. Au moment où il va se mettre à table, arrive le second messager. Il lui fait d’abord la même réponse qu’au premier et commence à prendre son repas. Entre le premier et le second service, il réfléchit que le comte de Pembroke a épousé la fille du roi d’Angleterre et qu’il a pour compagnon d’armes le comte de Cambridge, le propre fils de son seigneur et maître; il se décide alors à lui porter secours. Il se lève, s’arme, monte en selle et sans même attendre que tous ses gens soient prêts, s’élance de toute la vitesse de son cheval sur la route de Purnon. P. 170 à 179, 381 à 383.

Vers midi, les Français qui tiennent le comte de Pembroke assiégé dans la forte maison de Purnon, sont informés que Jean Chandos s’avance à la tête de deux cents lances. Épuisés par les assauts qu’ils viennent de livrer, ils n’osent attendre l’attaque de troupes fraîches et se retirent à la Roche-Posay avec leur butin et leurs prisonniers. A peine débloqué, le comte de Pembroke va au-devant de Jean Chandos qu’il rencontre à une lieue de Purnon; puis ces deux capitaines se séparent et retournent, le premier à Mortagne, le second à Poitiers. P. 179 à 181, 383, 384.

Mort de la reine d’Angleterre[237], au château de Windsor, la veille de la fête de Notre-Dame, 14 août 1369; dernières volontés et dernières paroles de la bonne reine. P. 181 à 183, 384, 385.

Pendant que les ducs de Bourgogne et de Lancastre sont campés en face l’un de l’autre à Tournehem, trois cents chevaliers du Vermandois et de l’Artois viennent un matin, au point du jour, pour réveiller les Anglais dans leur camp; ils sont repoussés par Robert de Namur, le seigneur de Spontin[238] et Henri de Senzeilles[239]. Un chevalier du Vermandois, nommé Roger de Cologne, est tué dans cette escarmouche. P. 183 à 185, 375, 386.

Le duc de Bourgogne, honteux de rester depuis plusieurs jours avec une armée de quatre mille chevaliers devant une poignée d’ennemis sans leur offrir le combat, décampe vers minuit de Tournehem[240], à l’insu des Anglais. P. 185 à 188, 386.

Tandis que le duc de Bourgogne se dirige vers Saint-Omer, le duc de Lancastre, de son côté, reprend le chemin de Calais[241]. La semaine même de ce départ de Tournehem des deux armées française et anglaise, le comte de Pembroke, Hugh de Calverly, Louis de Harcourt et les seigneurs poitevins du parti anglais font une chevauchée en Anjou; ils assiégent sans succès Saumur défendu par Robert de Sancerre[242]; mais ils prennent et fortifient les Ponts-de-Cé[243] ainsi que l’abbaye de Saint-Maur-sur-Loire[244]. En revanche, un moine de Saint-Savin[245], abbaye[246] située à sept lieues de Poitiers, livre en haine de son abbé[247] cette abbaye à Louis de Saint-Julien et à Kerlouet qui sont à la tête des forces françaises dans cette région. P. 188 à 191, 386, 387.

A peine revenu à Calais de la chevauchée de Tournehem, le duc de Lancastre se remet en campagne; il passe devant Saint-Omer, Thérouanne, Hesdin, Saint-Pol, Pernes[248], Lucheux[249], Saint-Riquier. Il passe la Somme au gué de Blanquetaque, entre en Vimeu, puis dans le comté d’Eu, passe à côté de Dieppe et ne s’arrête que devant Harfleur[250] où il reste trois jours. Le but de l’expédition est de s’emparer de cette ville afin d’y brûler la flotte et le matériel naval[251] du roi de France; mais le comte de Saint-Pol, qui s’est enfermé à temps dans la forteresse menacée avec une garnison de deux cents lances, déjoue cette tentative. Dès le quatrième jour, le duc de Lancastre lève le siége, va ravager la terre du seigneur d’Estouteville[252] et se dirige vers Oisemont pour repasser la Somme à Blanquetaque. Au moment où les Anglais longent les murs d’Abbeville, Hue de Châtillon[253], capitaine de cette ville et maître des arbalétriers de France, fait une sortie et tombe dans une embuscade entre les mains de Nicolas de Louvain, sénéchal du Pontieu, qu’il avait lui-même fait prisonnier quelques mois auparavant et rançonné à dix mille francs. P. 191 à 195, 387 à 389.

Le duc de Lancastre repasse la Somme à Blanquetaque, suit le chemin de Rue, de Montreuil-sur-Mer et rentre à Calais vers la Saint-Martin d’hiver. Là, il donne congé à Robert de Namur, à Waleran de Borne[254] et à tous les Allemands, puis il retourne en Angleterre. P. 195, 196, 389.

La nuit du 30 décembre 1369, Jean Chandos, sénéchal du Poitou, et Thomas Percy, sénéchal de la Rochelle[255], font une chevauchée pour reprendre l’abbaye de Saint-Savin dont Louis de Saint-Julien est capitaine. Ils s’apprêtent à tenter l’escalade de cette forteresse lorsque, vers minuit, ils entendent sonner du cor: c’est Jean de Kerlouet qui arrive à Saint-Savin avec quarante lances, pour prendre part à une expédition en Poitou. Les deux capitaines anglais s’imaginent que c’est un signal donné par la sentinelle de l’abbaye qui les a reconnus et retournent en toute hâte à Chauvigny[256]. Thomas Percy prend alors congé de Chandos, traverse la Vienne sur le pont de Chauvigny et remonte par la rive gauche le cours de cette rivière. Le 31, au matin, on apprend que Louis de Saint-Julien et Kerlouet, partis pendant la nuit de Saint-Savin, chevauchent pour passer la Vienne au pont de Lussac[257] et porter le ravage en Poitou; Chandos s’élance aussitôt à leur poursuite. Les Français ont une lieue d’avance, ils arrivent les premiers à Lussac; mais ils trouvent le pont occupé par Thomas Percy qui se tient de l’autre côté de la rivière et entreprend de leur en disputer le passage. Ils mettent pied à terre et se préparent à faire l’assaut du pont, lorsque Jean Chandos qui les poursuit vient les charger en queue. P. 196 à 202, 389 à 393.

Jean Chandos est blessé mortellement par un écuyer nommé Jacques de Saint-Martin[258] et rend le dernier soupir le lendemain à Mortemer[259]. Toutefois, les Anglais, qui reçoivent un renfort pendant l’action, restent maîtres du champ de bataille; Louis de Saint-Julien et Jean de Kerlouet sont faits prisonniers[260]. La mort de Chandos excite les regrets des Français aussi bien que des Anglais. P. 202 à 207, 393 à 396.

Thomas Percy[261] succède à Jean Chandos dans la charge de sénéchal du Poitou. Louis de Saint-Julien et Kerlouet, mis à rançon par les Anglais, retournent en leurs garnisons.—Enguerrand, sire de Coucy, marié à l’une des filles d’Édouard III, et Amanieu de Pommiers veulent rester neutres dans la guerre qui vient d’éclater entre les rois de France et d’Angleterre; le premier se rend en Savoie et en Lombardie, et le second va en Chypre et au Saint-Sépulcre.—Jean de Bourbon, comte de la Marche, et le sire de Pierre-Buffière, quoiqu’ils soient venus habiter Paris, n’en refusent pas moins de renvoyer leur hommage au prince de Galles; mais deux autres barons du Limousin, Louis, sire de Malval[262], et Raymond de Mareuil[263], neveu de Louis, embrassent ouvertement le parti du roi de France.—Caponnet de Chaponval, délivré de sa prison d’Agen et échangé contre Thomas Banastre pris dans une escarmouche devant Périgueux, rentre en France. P. 207 à 210, 396 à 398.

Par acte daté de Westminster le 15 novembre 1370, Édouard III abolit tous fouages et aides levés indûment par le prince de Galles et accorde amnistie pleine et entière à tous les sujets de la principauté qui, après avoir pris parti pour le roi de France, voudront bien faire leur soumission[264]. P. 210, 211, 398.

Des copies de cet acte sont adressées secrètement à Paris aux vicomtes de Rochechouart[265], aux seigneurs de Malval[266] et de Mareuil[267].—Jean de Kerlouet, Guillaume des Bordes et Louis de Saint-Julien, capitaines de la Roche-Posay, de la Haye en Touraine et de Saint-Savin pour le roi de France, prennent un matin par escalade la ville de Châtellerault[268]. Pris à l’improviste et réveillé en sursaut, Louis de Harcourt n’a que le temps de se sauver en chemise sur le pont de Châtellerault que ses gens ont fortifié. Depuis lors, des escarmouches ont lieu tous les jours entre la garnison bretonne de la ville, dont Kerlouet prend le commandement, et celle du pont. P. 212, 398.

Louis, duc de Bourbon[269], Louis de Sancerre, maréchal de France, le sire de Beaujeu et les principaux chevaliers du Bourbonnais, du Beaujolais, du Forez et de l’Auvergne[270], mettent le siége devant le château de Belleperche occupé par les Compagnies anglaises. Les assiégés réclament du secours par l’entremise de Jean Devereux, sénéchal du Limousin, qui tient garnison à la Souterraine[271]. Les comtes de Cambridge[272] et de Pembroke, après avoir rassemblé à Limoges quinze cents lances et trois mille soudoyers, accourent en plein hiver pour faire lever le siége de Belleperche. P. 213 à 216, 398 à 401.

Les deux comtes font offrir la bataille au duc de Bourbon qui la refuse. Mécontents de ce refus, ils menacent le duc d’emmener loin de Belleperche sa mère, la duchesse douairière de Bourbon. P. 216 à 218, 401, 402.

Les Compagnies anglaises évacuent le château de Belleperche, et leurs capitaines emmènent avec eux la duchesse de Bourbon à «la Roche-Vauclère[273]», en Limousin; mais le prince de Galles, peu satisfait de l’arrestation de cette princesse, voudrait à tout prix l’échanger contre Simon Burleigh. P. 218, 219, 402.

Le duc de Bourbon reprend possession de Belleperche[274] et remet ce château en bon état. Les comtes de Cambridge et de Pembroke retournent, le premier à Angoulême, le second à Mortagne en Poitou[275], tandis que les Compagnies parties de Belleperche se répandent en Poitou et Saintonge où elles portent le ravage.—Au retour de son expédition en Guyenne, Robert Knolles est à peine rentré dans son château de Derval, en Bretagne, qu’Édouard III le mande auprès de lui; il s’embarque aussitôt pour l’Angleterre, débarque à la Roche Saint-Michel[276], en Cornouailles, et arrive à Windsor. P. 219, 220, 402, 403.

CHAPITRE XCVII.

1370, mai. LE DUC D’ANJOU A PARIS; PRÉPARATIFS DE GUERRE DES ROIS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE.1372, du 15 au 22 août. DÉLIVRANCE DE LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE DE BOURBON PRISE A BELLEPERCHE.1371, du 25 au 29 mars. ENTREVUE DE VERNON; TRAITÉ DE PAIX ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET DE NAVARRE.1370, vers le 15 juillet. ARRIVÉE DE BERTRAND DU GUESCLIN, RAPPELÉ D’ESPAGNE, EN LANGUEDOC.Du 15 juillet au 15 août. CAMPAGNE DU DUC D’ANJOU ET DE DU GUESCLIN EN GUYENNE; OCCUPATION DE MOISSAC, D’AGEN, DE TONNEINS, DU PORT-SAINTE-MARIE, DE MONTPAZIER ET D’AIGUILLON; SIÉGE DE BERGERAC ET DE LALINDE PAR LES FRANÇAIS.De la fin de juillet à la mi-septembre. CHEVAUCHÉE DE ROBERT KNOLLES A TRAVERS L’ARTOIS, LA PICARDIE ET L’ILE DE FRANCE.Du 16 au 24 août. LE DUC DE BERRY ET DU GUESCLIN EN LIMOUSIN; REDDITION DE LIMOGES AU DUC DE BERRY.Du 14 au 19 septembre. SIÉGE, REPRISE ET SAC DE LIMOGES PAR LE PRINCE DE GALLES.24 septembre. ROBERT KNOLLES DEVANT PARIS.2 octobre. DU GUESCLIN A PARIS; SA NOMINATION A L’OFFICE DE CONNÉTABLE DE FRANCE (§§ 653 à 668).

Louis, duc d’Anjou, lieutenant en Languedoc, fait un voyage à Paris[277] où il arrête, de concert avec le roi de France et ses deux frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, le plan de la prochaine campagne contre les Anglais. Deux corps d’armée devront envahir la principauté d’Aquitaine, le premier sous les ordres du duc d’Anjou, du côté de Bergerac et de la Réole, le second, sous la conduite du duc de Berry, du côté du Limousin et du Quercy. L’objectif de l’expédition sera Angoulême où ces deux corps d’armée, après avoir opéré leur jonction, iront assiéger le prince d’Aquitaine. En même temps, on décide de rappeler d’Espagne Bertrand du Guesclin et de le nommer connétable de France.

A l’entrée du mois de mai[278], Louis, duc d’Anjou, prend congé de ses frères pour retourner dans son gouvernement; il s’arrête un mois à Montpellier[279], et se rend ensuite à Toulouse où il rassemble ses gens d’armes. Le petit Meschin, Ernaudon de Pau, Perrot de Savoie[280], le bour Camus et les autres chefs des Compagnies françaises n’ont pas cessé de guerroyer, pendant l’absence du duc, sur les frontières du Quercy et du Rouergue. Le duc de Berry[281], à Bourges, le duc de Bourbon, à Moulins[282], le comte Pierre d’Alençon[283] font aussi des levées de troupes et se préparent à entrer en campagne.—Gui de Blois[284], de retour d’une croisade en Prusse où il a été fait chevalier et où il a levé bannière, vient du Hainaut à Paris offrir ses services au roi de France qui l’envoie rejoindre le corps d’armée commandé par le duc de Berry. P. 220 à 223, 403 à 405.

Le roi d’Angleterre met sur pied, de son côté, deux corps d’armée. Le premier doit opérer en Guyenne sous les ordres du duc de Lancastre, envoyé au secours de ses frères. Le second, sous la conduite de Robert Knolles[285], doit débarquer à Calais et traverser la France de part en part.—Par l’entremise d’Eustache d’Auberchicourt, la duchesse douairière de Bourbon est échangée contre Simon Burleigh[286].—Des négociations s’ouvrent à Vernon entre les envoyés[287] du roi de France et du roi de Navarre, qui se tient alors en Normandie; à la faveur de ces négociations, un traité de paix est conclu entre les deux rois. Charles le Mauvais renonce à l’alliance d’Édouard III et promet de le faire défier, aussitôt après son retour en Navarre; il s’engage, en outre, à laisser ses deux fils, Charles et Pierre, comme otages entre les mains de Charles V. Il se rend auprès du roi de France à Rouen, puis à Paris[288], d’où il regagne, en prenant le chemin de Montpellier et du comté de Foix, son royaume de Navarre[289]. P. 223 à 225, 405 à 408.

Bertrand du Guesclin reçoit dans la ville de Léon, en Castille, des lettres et de nombreux messages[290], tant du roi Charles V que du duc d’Anjou, qui l’invitent à rentrer en France. Le chevalier breton prend aussitôt congé de don Enrique et va avec tous ses gens rejoindre à Toulouse le duc d’Anjou.—Dans le même temps, le duc de Lancastre s’embarque à Southampton et cingle vers Bordeaux; il emmène avec lui quatre cents hommes d’armes et un égal nombre d’archers. P. 225, 226, 408, 409.

Le duc d’Anjou entre en campagne à la tête de deux mille hommes et de six mille soudoyers à pied, commandés par Bertrand du Guesclin[291], auxquels viennent bientôt s’ajouter un millier de combattants des Compagnies françaises cantonnées en Quercy; il s’avance dans la direction d’Agen. Les Français, après s’être fait rendre successivement Moissac[292], Agen[293], le Port-Sainte-Marie[294], Aiguillon[295], Tonneins[296] et Montpazier[297], mettent le siége devant Bergerac[298] défendu par une garnison de cent lances dont Thomas Felton et le captal de Buch sont capitaines.—Le duc de Berry, de son côté, ayant sous ses ordres douze cents lances et trois mille brigands, envahit le Limousin et assiége Limoges[299], ville soumise à l’influence toute-puissante de son évêque[300], malgré la garnison anglaise qui l’occupe[301]. Noms des principaux seigneurs qui prennent part à l’expédition du duc de Berry. P. 226 à 229, 409 à 412.

Le prince de Galles se prépare à marcher à la rencontre du duc d’Anjou; il quitte Angoulême et établit son quartier général à Cognac où il donne rendez-vous à tous ses gens d’armes.—Pendant le siége de Bergerac[302], les Français traitent de la reddition de Lalinde[303], moyennant une certaine somme de florins, avec Tonnet[304] de Badefol, capitaine de cette dernière place; mais le captal de Buch, informé à temps de ce projet, accourt avec cent lances de Bergerac et tue Tonnet au moment où celui-ci s’apprête à exécuter le marché et à ouvrir les portes de Lalinde aux assiégeants. P. 229 à 232, 412 à 415.

Le roi d’Angleterre conclut avec l’Écosse une trêve de neuf ans[305]. Robert Knolles débarque à Calais à la tête de quinze cents[306] hommes d’armes, dont cent Écossais, et de quatre mille archers, qu’il a enrôlés pour envahir la France. Les Anglais passent à Fiennes[307], à Thérouanne[308], au Mont-Saint-Éloi[309], mettent le feu aux faubourgs d’Arras, poursuivent leur marche par Bapaume[310], Roye[311] et Ham[312] en Vermandois. Ils ne chevauchent que deux ou trois lieues par jour, car ils vivent sur le pays et, comme on vient de faire la moisson, ils trouvent partout les granges pleines de blés[313]. Partout aussi, les habitants du plat pays se sont mis en sûreté dans les forteresses. Loin de s’attarder à faire le siége de ces forteresses, Robert Knolles se contente d’exiger de grosses rançons, à titre de rachat du pays environnant, de ceux qui y sont enfermés et gagne ainsi cent mille francs; il n’épargne que les possessions du seigneur de Coucy[314]. P. 232 à 235, 415 à 418.

Robert Knolles, logé à l’abbaye d’Ourscamps[315], offre en vain la bataille aux habitants de Noyon[316] qui ont remis les remparts de leur ville en bon état de défense. Un chevalier écossais, nommé Jean Asneton, vient seul avec son page devant les barrières jouter pendant une heure contre Lancelot de Lorris[317], Jean de Roye, Dreux de Roye[318] et dix ou douze autres gentilshommes en garnison à Noyon. P. 235 à 237, 418, 419.

Robert Knolles, à son départ de la marche de Noyon, brûle Pont-l’Évêque[319], sur l’Oise. Soixante lances de la garnison de Noyon font une sortie et mettent en déroute l’arrière-garde anglaise qui a allumé cet incendie. Knolles se dirige vers le Laonnois, traverse l’Oise, l’Aisne et épargne le comté de Soissons qui appartient au seigneur de Coucy. Poursuivi par le comte de Saint-Pol, le vicomte de Meaux, le seigneur de Canny, Raoul de Coucy, Jean de Melun et autres chevaliers de France, il passe la Marne, entre en Champagne[320], franchit l’Aube[321] et gagne la marche de Provins[322]. Après avoir passé et repassé plusieurs fois la Seine, il se dirige vers Paris dans l’espoir que le comte de Saint-Pol et le seigneur de Clisson, mis à la tête des forces françaises, lui offriront la bataille. Charles V invite Bertrand du Guesclin, qui se tient en Guyenne avec le duc d’Anjou, à se rendre en toute hâte à Paris.—Urbain V, qui depuis quatre ans a reporté le saint-siége à Rome, revient à Avignon[323] pour s’employer de tout son pouvoir à faire la paix entre les deux rois de France et d’Angleterre. P. 237 à 239, 419, 420.

Jean, duc de Lancastre, débarque à Bordeaux et vient, après avoir fait sa jonction en route avec le comte de Pembroke, rejoindre à Cognac le prince d’Aquitaine et le comte de Cambridge ses frères.—A cette nouvelle, le duc d’Anjou, qui a conquis plus de quarante forteresses et s’est avancé jusqu’à cinq lieues de Bordeaux, voyant que Bertrand du Guesclin est mandé à la fois à Paris par le roi de France et devant Limoges par le duc de Berry, prend le parti d’interrompre sa chevauchée et de licencier ses gens. Tandis que les comtes d’Armagnac, de Périgord et le seigneur d’Albret vont pourvoir à la sûreté de leurs possessions et que le duc d’Anjou établit son quartier général à Cahors[324], du Guesclin accourt[325] au siége de Limoges auprès des ducs de Berry et de Bourbon. P. 239 à 241, 420, 421.

L’entremise de Bertrand[326] fait aboutir les négociations entamées entre l’évêque de Limoges et le duc de Berry. Ce dernier, accompagné du duc de Bourbon et de Gui de Blois, fait son entrée dans la ville assiégée; il en confie la garde à une garnison de cent lances commandée par Jean de Villemur, Hugues de la Roche et Roger de Beaufort et s’y repose trois jours[327]. Après la reddition de Limoges, les deux ducs de Berry et de Bourbon licencient leurs gens et retournent dans leurs duchés menacés par la chevauchée de Robert Knolles. Resté en Limousin avec deux cents lances, Bertrand du Guesclin s’enferme dans les châteaux du seigneur de Malval. P. 241, 242, 421, 422.

A la nouvelle de la reddition de Limoges, le prince d’Aquitaine jure sur l’âme de son père de se venger de cette trahison[328]; il est d’autant plus irrité contre l’évêque, qui a livré la ville aux Français, que cet évêque est son compère[329]. Il part de Cognac avec douze cents lances, mille archers, trois mille hommes de pied, et vient mettre le siége devant Limoges. Noms des principaux seigneurs anglais et poitevins, qui prennent part à cette expédition. La garnison de Limoges oppose aux Anglais la résistance la plus opiniâtre. Le prince, n’espérant pas emporter de vive force une ville si bien défendue, prend le parti de faire miner les remparts. P. 243 à 245, 422 à 424.

Robert Knolles, s’avançant à travers la Brie, vient camper devant Paris[330] un jour et deux nuits. De son hôtel de Saint-Pol, Charles V peut apercevoir la fumée des incendies allumés par les Anglais du côté du Gâtinais. Le roi est entouré de l’élite de ses chevaliers; mais, par le conseil du sire de Clisson, il leur a fait défense de s’aventurer en rase campagne contre l’ennemi. A la porte Saint-Jacque notamment, se tiennent le comte de Saint-Pol, le vicomte de Rohan, les principaux seigneurs de la Picardie et de l’Artois. Le mardi, jour où les Anglais lèvent leur camp après avoir mis le feu aux villages où ils étaient logés, un de leurs chevaliers, qui a voulu par bravade frapper du fer de sa lance les barrières de cette porte Saint-Jacque, est tué au retour par un boucher de Paris. P. 245 à 248, 424, 425.

Pendant le siége de Limoges par le prince de Galles, Bertrand du Guesclin, prenant pour base d’opérations les forteresses françaises de Louis de Malval et de Raymond de Mareuil, fait la guerre aux Anglais en Limousin au nom de la veuve de Charles de Blois[331] à qui ce pays a jadis appartenu; il se fait rendre Saint-Yrieix[332] et met dans cette place une garnison bretonne[333]. P. 248, 249, 425, 426.

Ce siége de Limoges dure environ un mois[334]. Les mineurs du prince de Galles parviennent à faire tomber un pan du mur d’enceinte dans les fossés, et les Anglais entrent aussitôt dans la ville par cette brèche. Ils passent au fil de l’épée plus de trois mille habitants de Limoges; ils saisissent l’évêque lui-même dans son palais et l’emmènent devant le prince qui le menace de lui faire trancher la tête. Seuls, les hommes d’armes de la garnison, au nombre de quatre-vingts, s’adossant contre une muraille, déploient au vent leurs bannières et refusent de se rendre. Des combats corps à corps s’engagent entre le duc de Lancastre et Jean de Villemur, entre le comte de Cambridge et Hugues de la Roche[335], entre le comte de Pembroke et Roger de Beaufort[336]; les trois chevaliers français sont réduits à rendre leurs épées. P. 249 à 252, 426 à 428.

Les Anglais brûlent la ville de Limoges[337], la mettent au pillage et retournent chargés de butin[338] à Cognac. Le duc de Lancastre prie le prince son frère de lui livrer l’évêque auquel il fait grâce[339], à la prière du pape Urbain V. P. 252, 253, 428, 429.

La nouvelle de la reprise de Limoges, du massacre des habitants et de la destruction de la ville, porte un coup sensible à Charles[340] V. Sur ces entrefaites, Moreau de Fiennes ayant voulu se démettre de l’office de connétable de France, la voix publique désigne Bertrand du Guesclin pour le remplacer. Le chevalier breton est mandé à Paris par messages, et les courriers porteurs de ces messages le trouvent dans la vicomté de Limoges où il vient de s’emparer de Brantôme. Bertrand confie la garde des places conquises à son neveu Olivier de Mauny et se rend aussitôt auprès du roi de France. Il est investi, malgré ses objections, de l’office de connétable; le roi le fait asseoir à sa table et lui assigne quatre mille francs de revenu par an[341]. P. 253 à 255, 429, 430.


CHRONIQUES
DE J. FROISSART.


LIVRE PREMIER.

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