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Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 19/20): faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française

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TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME DIX-NEUVIÈME.

LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME.

L'ÎLE D'ELBE.

Séjour de lord Castlereagh à Paris. — Il obtient de Louis XVIII la concession du duché de Parme en faveur de Marie-Louise, et promet en retour à ce monarque l'expulsion de Murat. — L'Autriche envoie cent mille hommes en Italie, et la France trente mille en Dauphiné. — État intérieur de la France; redoublement d'inquiétudes chez les acquéreurs de biens nationaux et d'irritation chez les militaires. — Découverte des restes de Louis XVI, et cérémonie funèbre du 21 janvier. — Épuration de la magistrature, et remplacement de M. Muraire par M. de Sèze, de M. Merlin par M. Mourre. — Trouble populaire à l'occasion des funérailles de mademoiselle Raucourt. — Reprise du procès du général Exelmans. — Acquittement de ce général. — Pour la première fois l'armée française disposée à intervenir dans la politique. — Jeunes généraux formant le dessein de renverser les Bourbons. — Complot des frères Lallemand et de Lefebvre-Desnoëttes. — Répugnance des grands personnages de l'Empire à se mêler de semblables entreprises. — M. Fouché, moins scrupuleux, se fait le centre de toutes les menées. — M. de Bassano, qui n'avait pas encore communiqué avec l'île d'Elbe, charge M. Fleury de Chaboulon d'informer Napoléon de ce qui se passe, sans oser y ajouter un conseil. — Établissement de Napoléon à l'île d'Elbe et sa manière d'y vivre. — Organisation de sa petite armée et de sa petite marine. — Ce qu'il fait pour la prospérité de l'île. — État de ses finances. — Impossibilité pour Napoléon d'entretenir plus de deux ans les troupes qu'il a amenées avec lui. — Cette circonstance et les nouvelles qu'il reçoit du continent le disposent à ne pas rester à l'île d'Elbe. — Sa réconciliation avec Murat, et les conseils qu'il lui donne. — Au commencement de l'année 1815 Napoléon apprend que les souverains réunis à Vienne vont se séparer, qu'on songe à le déporter dans d'autres mers, et que les partis sont parvenus en France au dernier degré d'exaspération. — Il prend tout à coup la résolution de quitter l'île d'Elbe avant que les longues nuits, si favorables à son évasion, fassent place aux longs jours. — L'arrivée de M. Fleury de Chaboulon le confirme dans cette résolution. — Préparatifs secrets de son entreprise, dont l'exécution est fixée au 26 février. — Son dernier message à Murat et son embarquement le 26 février au soir. — Circonstances diverses de sa navigation. — Débarquement au golfe Juan le 1er mars. — Surprise et incertitude des habitants de la côte. — Tentative manquée sur Antibes. — Séjour de quelques heures à Cannes. — Choix à faire entre les deux routes, celle des montagnes conduisant à Grenoble, celle du littoral conduisant à Marseille. — Napoléon se décide pour celle de Grenoble, et par ce choix assure le succès de son entreprise. — Départ le 1er mars au soir pour Grasse. — Marche longue et fatigante à travers les montagnes. — Arrivée le second jour à Sisteron. — Motifs pour lesquels cette place ne se trouve pas gardée. — Occupation de Sisteron, et marche sur Gap. — Ce qui se passait en ce moment à Grenoble. — Dispositions de la noblesse, de la bourgeoisie, du peuple et des militaires. — Résolution du préfet et des généraux de faire leur devoir. — Envoi de troupes à La Mure pour barrer la route de Grenoble. — Napoléon, après avoir occupé Gap, se porte sur Grenoble, et rencontre à La Mure le bataillon du 5e de ligne envoyé pour l'arrêter. — Il se présente devant le front du bataillon et découvre sa poitrine aux soldats du 5e. — Ceux-ci répondent à ce mouvement par le cri de Vive l'Empereur! et se précipitent vers Napoléon. — Après ce premier succès, Napoléon continue sa marche sur Grenoble. — En route il rencontre le 7e de ligne, commandé par le colonel de La Bédoyère, lequel se donne à lui. — Arrivée devant Grenoble le soir même. — Les portes étant fermées, le peuple de Grenoble les enfonce et les ouvre à Napoléon. — Langage pacifique et libéral tenu par celui-ci à toutes les autorités civiles et militaires. — Napoléon séjourne le 8 à Grenoble, en dirigeant sur Lyon les troupes dont il s'est emparé, et qui montent à huit mille hommes environ. — Le 9 il s'achemine lui-même sur Lyon. — La nouvelle de son débarquement parvient le 5 mars à Paris. — Effet qu'elle y produit. — On fait partir le comte d'Artois avec le duc d'Orléans pour Lyon, le maréchal Ney pour Besançon, le duc de Bourbon pour la Vendée, le duc d'Angoulême pour Nîmes et Marseille. — Convocation immédiate des Chambres. — Inquiétude des classes moyennes, et profond chagrin des hommes éclairés qui prévoient les conséquences du retour de Napoléon. — Les royalistes modérés, et à leur tête MM. Lainé et de Montesquiou, voudraient qu'on s'entendît avec le parti constitutionnel, en modifiant le ministère et les corps de l'État dans le sens des opinions libérales. — Les royalistes ardents, au contraire, ne voient dans les malheurs actuels que des fautes de faiblesse, et ne veulent se prêter à aucune concession. — Louis XVIII tombe dans une extrême perplexité, et ne prend point de parti. — Suite des événements entre Grenoble et Lyon. — Arrivée du comte d'Artois à Lyon. — Il est accueilli avec froideur par la population, et avec malveillance par les troupes. — Vains efforts du maréchal Macdonald pour engager les militaires de tout grade à faire leur devoir. — L'aspect des choses devient tellement alarmant, que le maréchal Macdonald fait repartir pour Paris le comte d'Artois et le duc d'Orléans. — Il reste seul de sa personne pour organiser la résistance. — L'avant-garde de Napoléon s'étant présentée le 10 mars au soir devant le pont de la Guillotière, les soldats qui gardaient le pont crient: Vive l'Empereur! ouvrent la ville aux troupes impériales, et veulent s'emparer du maréchal Macdonald pour le réconcilier avec Napoléon. — Le maréchal s'enfuit au galop afin de rester fidèle à son devoir. — Entrée triomphale de Napoléon à Lyon. — Comme à Grenoble, il s'efforce de persuader à tout le monde qu'il veut la paix et la liberté. — Décrets qu'il rend pour dissoudre les Chambres, pour convoquer le Corps électoral en champ de mai à Paris, et pour assurer par diverses mesures le succès de son entreprise. — Après avoir séjourné à Lyon le temps indispensablement nécessaire, il part le 13 au matin par la route de la Bourgogne. — Accueil enthousiaste qu'il reçoit à Mâcon et à Chalon. — Message du grand maréchal Bertrand au maréchal Ney. — Sincère disposition de ce dernier à faire son devoir, mais embarras où il se trouve au milieu de populations et de troupes invinciblement entraînées vers Napoléon. — Le maréchal Ney lutte deux jours entiers, et voyant autour de lui les villes et les troupes s'insurger, il cède au torrent, et se rallie à Napoléon. — Marche triomphale de Napoléon à travers la Bourgogne. — Son arrivée à Auxerre le 17 mars. — Projet de s'y arrêter deux jours pour concentrer ses troupes et marcher militairement sur Paris. — État de la capitale pendant ces derniers jours. — Les efforts des royalistes modérés pour amener un rapprochement avec le parti constitutionnel ayant échoué, on ne change que le ministre de la guerre dont on se défie, et le directeur de la police qu'on ne croit pas assez capable. — Avénement du duc de Feltre au ministère de la guerre. — Tentative des frères Lallemand, et son insuccès. — Cette circonstance rend quelque espérance à la cour, et on tient une séance royale où Louis XVIII est fort applaudi. — Projet de la formation d'une armée sous Melun, commandée par le duc de Berry et le maréchal Macdonald. — Séjour de Napoléon à Auxerre. — Son entrevue avec le maréchal Ney qu'il empêche adroitement de lui faire des conditions. — Son départ le 19, et son arrivée à Fontainebleau dans la nuit. — À la nouvelle de son approche, la famille royale se décide à quitter Paris. — Départ de Louis XVIII et de tous les princes dans la nuit du 19 au 20. — Ignorance où l'on est le 20 au matin du départ de la famille royale. — Les officiers à la demi-solde, assemblés tumultueusement sur la place du Carrousel, finissent par apprendre que le palais est vide, et y font arborer le drapeau tricolore. — Tous les grands de l'Empire y accourent. — Napoléon parti de Fontainebleau dans l'après-midi arrive le soir à Paris. — Scène tumultueuse de son entrée aux Tuileries. — Causes et caractère de cette étrange révolution. 1 à 228

LIVRE CINQUANTE-HUITIÈME.

L'ACTE ADDITIONNEL.

Langage pacifique et libéral de Napoléon dans ses premiers entretiens. — Choix de ses ministres arrêté dans la soirée même du 20 mars. — Le prince Cambacérès provisoirement chargé de l'administration de la justice; le maréchal Davout appelé au ministère de la guerre, le duc d'Otrante à celui de la police, le général Carnot à celui de l'intérieur, le duc de Vicence à celui des affaires étrangères, etc.... — Le comte de Lobau nommé commandant de la première division militaire, avec mission de rétablir la discipline dans les régiments qui doivent presque tous traverser la capitale. — Le 21 mars au matin Napoléon se met à l'œuvre, et se saisit de toutes les parties du gouvernement. — Devait-il profiter de l'impulsion de ses succès pour envahir la Belgique, et se porter d'un trait sur le Rhin? — Raisons péremptoires contre une telle résolution. — Napoléon prend le parti de s'arrêter, et d'organiser ses forces militaires, en offrant la paix à l'Europe sur la base du traité de Paris. — Ordre au général Exelmans de suivre avec trois mille chevaux la retraite de la cour fugitive. — Séjour de Louis XVIII à Lille. — Accueil froid mais respectueux des troupes. — Conseil auquel assistent le duc d'Orléans et plusieurs maréchaux. — Le duc d'Orléans conseille au Roi de se rendre à Dunkerque et de s'y établir. — Louis XVIII approuve d'abord cet avis, puis change de résolution et se retire à Gand. — Les troupes et les maréchaux l'accompagnent jusqu'à la frontière, en refusant de le suivre au delà. — Licenciement de la maison militaire. — Pacification du nord et de l'est de la France. — Courte apparition du duc de Bourbon en Vendée, et sa prompte retraite en Angleterre. — La politique des chefs vendéens est d'attendre la guerre générale avant d'essayer une prise d'armes. — Madame la duchesse d'Angoulême s'arrête à Bordeaux, où la population paraît disposée à la soutenir. — Le général Clausel chargé de ramener Bordeaux à l'autorité impériale. — M. de Vitrolles essaie d'établir un gouvernement royal à Toulouse. — Voyage de M. le duc d'Angoulême à Marseille. — Ce prince réunit quelques régiments pour marcher sur Lyon. — Les troubles du Midi n'inquiètent guère Napoléon, qui regarde la France comme définitivement pacifiée par le départ de Louis XVIII. — Tout en affichant les sentiments les plus pacifiques Napoléon, certain d'avoir la guerre, commence ses préparatifs militaires sur la plus grande échelle. — Son plan conçu et ordonné du 25 au 27 mars. — Formation de huit corps d'armée, sous le titre de corps d'observation, dont cinq entre Maubeuge et Paris, destinés à agir les premiers. — Reconstitution de la garde impériale. — Pour ne pas recourir à la conscription Napoléon rappelle les semestriers, les militaires en congé illimité, et se flatte de réunir ainsi 400 mille hommes dans les cadres de l'armée active. — Il se réserve de rappeler plus tard la conscription de 1815, pour laquelle il croit n'avoir pas besoin de loi. — Les officiers à la demi-solde employés à former les 4e et 5e bataillons. — Napoléon mobilise 200 mille hommes de gardes nationales d'élite afin de leur confier la défense des places et de quelques portions de la frontière. — Création d'ateliers extraordinaires d'armes et d'habillements, et rétablissement du dépôt de Versailles. — Armement de Paris et de Lyon. — La marine appelée à contribuer à la défense de ces points importants. — Après avoir donné ces ordres, Napoléon expédie quelques troupes au général Clausel pour soumettre Bordeaux, et envoie le général Grouchy à Lyon pour réprimer les tentatives du duc d'Angoulême. — Réception, le 28 mars, des grands corps de l'État. — Renouvellement, sous une forme plus solennelle, de la promesse de maintenir la paix, et de modifier profondément les institutions impériales. — Prompte répression des essais de résistance dans le Midi. — Entrée du général Clausel à Bordeaux, et embarquement de madame la duchesse d'Angoulême. — Arrestation de M. de Vitrolles à Toulouse. — Campagne de M. le duc d'Angoulême sur le Rhône. — Capitulation de ce prince. — Napoléon le fait embarquer à Cette. — Soumission générale à l'Empire. — Continuation des préparatifs de Napoléon, et formation d'un 9e corps. — État de l'Europe. — Refus de recevoir les courriers français, et singulière exaltation des esprits à Vienne. — Déclaration du congrès du 13 mars, par laquelle Napoléon est mis hors la loi des nations. — Cette déclaration envoyée par courriers extraordinaires sur toutes les frontières de France. — On enlève le Roi de Rome à Marie-Louise, et on oblige cette princesse à se prononcer entre Napoléon et la coalition. — Marie-Louise renonce à son époux, et consent à rester à Vienne sous la garde de son père et des souverains. — En apprenant le succès définitif de Napoléon et son entrée à Paris, le congrès renouvelle l'alliance de Chaumont par le traité du 25 mars. — Le duc de Wellington, quoique sans instructions de son gouvernement, ne craint pas d'engager l'Angleterre, et signe le traité du 25 mars. — Plan de campagne, et projet de faire marcher 800 mille hommes contre la France. — Deux principaux rassemblements, un à l'Est sous le prince de Schwarzenberg, un au Nord sous lord Wellington et Blucher. — Départ de lord Wellington pour Bruxelles, et envoi du traité du 25 mars à Londres. — État des esprits en Angleterre. — La masse de la nation anglaise, dégoûtée de la guerre, mécontente des Bourbons, et frappée des déclarations réitérées de Napoléon, voudrait qu'on mît ses dispositions pacifiques à l'épreuve. — Le cabinet, décidé à ratifier les engagements contractés par lord Wellington, mais embarrassé par l'état de l'opinion, prend le parti de dissimuler avec le Parlement, et lui propose un message trompeur qui n'annonce que de simples précautions, tandis qu'on ratifie en secret le traité du 25 mars, et qu'on se prononce ainsi pour la guerre. — Discussion et adoption du message au Parlement, dans la croyance qu'il ne s'agit que de simples précautions. — Deux membres du cabinet britannique envoyés en Belgique pour s'entendre avec lord Wellington. — État de la cour de Gand. — Violences des Allemands et menace de partager la France. — Lord Wellington s'efforce de calmer ces emportements, et malgré l'impatience des Prussiens empêche qu'on ne commence les hostilités avant la concentration de toutes les forces coalisées. — Napoléon, en présence des déclarations de l'Europe, n'ayant plus rien à dissimuler, se décide à dire toute la vérité à la nation. — Publication, le 13 avril, du rapport de M. de Caulaincourt, où sont exposées sans réserve les humiliations qu'on vient d'essuyer. — Revue de la garde nationale, et langage énergique de Napoléon. — Napoléon redouble d'activité dans ses préparatifs militaires, et fait insérer au Moniteur les décrets relatifs à l'armement de la France, lesquels s'étaient exécutés jusque-là sans aucune publicité. — Tristesse de Napoléon et du public. — Napoléon se décide enfin à tenir la promesse qu'il a faite de modifier les institutions impériales. — Il n'hésite pas à donner purement et simplement la monarchie constitutionnelle. — Son opinion sur les diverses questions qui se rattachent à cette grave matière. — Il ne veut pas convoquer une Constituante, de peur d'avoir en pleine guerre une assemblée révolutionnaire sur les bras. — Il prend la résolution de rédiger lui-même, ou de faire rédiger une constitution nouvelle, et de la présenter à l'acceptation de la France. — Ayant appris que M. Benjamin Constant est resté caché à Paris, il le fait appeler, et lui confie la rédaction de la nouvelle constitution. — Napoléon paraît d'accord sur tous les points avec M. Constant, sauf l'abolition de la confiscation, l'hérédité de la pairie et le titre de la nouvelle constitution. — Napoléon veut absolument la qualifier d'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire. — Le projet est envoyé au Conseil d'État, et M. Benjamin Constant est nommé conseiller d'État pour soutenir son ouvrage. — Rédaction définitive et promulgation de la nouvelle constitution sous le titre d'Acte additionnel. — Caractère de cet acte. 229 à 446

LIVRE CINQUANTE-NEUVIÈME.

LE CHAMP DE MAI.

Publication de l'Acte additionnel. — Effet qu'il produit. — Quoiqu'il contienne la plus libérale, la mieux rédigée de toutes les constitutions que la France ait jamais obtenues, il est très-mal accueilli. — Motifs de ce mauvais accueil. — La France ne croit pas plus à Napoléon quand il parle de liberté, que l'Europe lorsqu'il parle de paix. — Déchaînement des royalistes et froideur des révolutionnaires. — Le parti constitutionnel est le seul qui accueille favorablement l'Acte additionnel, et néanmoins il reste défiant. — Importance du rôle de M. de Lafayette en cette circonstance. — Le parti constitutionnel met des conditions à son adhésion, et exige la convocation immédiate des Chambres. — Napoléon voudrait différer, pour n'avoir pas des Chambres assemblées pendant les premières opérations de la campagne. — On lui force la main, et avant même l'acceptation définitive de l'Acte additionnel, il se décide à le mettre à exécution, en convoquant immédiatement les Chambres. — Il appelle en même temps le corps électoral au Champ de Mai. — Ces mesures produisent un certain apaisement dans les esprits. — Suite des événements à Vienne et à Londres. — Quoique très-animées, les puissances cependant ne laissent pas de considérer comme fort grave la lutte qui se prépare. — L'Autriche voudrait essayer de se débarrasser de Napoléon en lui suscitant des embarras intérieurs. — Tentative d'une négociation occulte avec M. Fouché. — Envoi à Bâle d'un agent secret. — Napoléon découvre cette sourde menée, et, pour la déjouer, dépêche M. Fleury de Chaboulon à Bâle. — Explication violente avec M. Fouché, surpris en trahison flagrante. — Pour le moment cette menée n'a pas de suite. — La coalition persiste, et le ministère britannique, poussé à bout, finit par avouer au Parlement le projet de recommencer immédiatement la guerre. — L'opposition se dit trompée, le Parlement le croit, et vote néanmoins la guerre à une grande majorité. — Marche des armées ennemies vers la France. — Aventures de Murat en Italie. — Sa folle entreprise et sa triste fin. — Il s'enfuit en Provence. — Sinistre augure que tout le monde en tire pour Napoléon, et que ce dernier en tire lui-même. — Progrès des préparatifs militaires. — Formation spontanée des fédérés. — Services que Napoléon espère en obtenir pour la défense de Lyon et de Paris. — Tandis que les révolutionnaires se décident à appuyer Napoléon, les royalistes lèvent le masque, et commencent la guerre civile en Vendée. — Premiers mouvements insurrectionnels dans les quatre subdivisions de l'ancienne Vendée, et combat d'Aizenay. — Promptes mesures de Napoléon. — Il se prive de vingt mille hommes qui lui eussent été bien utiles contre l'ennemi extérieur, et les dirige sur la Vendée. — En même temps il charge M. Fouché de négocier un armistice avec les chefs vendéens. — Résultat et esprit des élections. — Réunion de la Chambre des pairs et de celle des représentants. — Dispositions de celle-ci. — Tout en voulant sincèrement soutenir Napoléon contre l'étranger, elle est préoccupée de la crainte de paraître servile. — Ses premiers actes marqués au coin d'une extrême susceptibilité. — Napoléon en est vivement affecté. — Champ de Mai. — Grandeur et tristesse de cette cérémonie. — Adresses des deux Chambres. — Conseils dignes et sévères de Napoléon. — Ses profondes remarques sur ce qui manque à son gouvernement pour subsister devant des Chambres. — Sinistres présages. — Il quitte Paris le 12 juin pour se mettre à la tête de l'armée. — Adieux à ses ministres et à sa famille. — Dernières considérations sur cette tentative de rétablissement de l'Empire. 447 à 630

FIN DE LA TABLE DU TOME DIX-NEUVIÈME.

Notes

1: M. Fleury de Chaboulon, dans son ouvrage sur les Cent-Jours, intitulé: Mémoires sur la vie privée de Napoléon en 1815, ouvrage sincère qui a eu l'honneur d'être commenté par Napoléon à Sainte-Hélène, a un peu grossi son rôle, qu'il a raconté sous un nom supposé. Dans son récit il paraît croire que c'est lui qui avait décidé Napoléon à quitter l'île d'Elbe. Mais comme tous ceux qui n'ont connu qu'un côté des choses, il a tout rapporté à ce qui lui était personnel, et à ce qu'il avait vu. Les ordres de Napoléon à l'île d'Elbe, lesquels ont été conservés, ses récits à la reine Hortense et au maréchal Davout, depuis son retour à Paris, récits contenus dans des Mémoires manuscrits qui nous ont été communiqués, les propres notes de Napoléon sur l'ouvrage en question, font ressortir clairement que les faits se sont passés un peu autrement que ne les raconte M. Fleury de Chaboulon, et tout à fait comme nous les rapportons ici. Une circonstance d'ailleurs lève tous les doutes à ce sujet, c'est la date des ordres pour la mise en état du brick l'Inconstant. Ces ordres, dans le registre des Correspondances de l'île d'Elbe, lequel a été conservé, sont du 16 février. Or à cette époque, bien que M. Fleury de Chaboulon, en racontant son voyage sous un nom supposé, n'ait pas donné la date précise de son arrivée à l'île d'Elbe, des indices certains prouvent qu'il n'y était pas encore rendu. Ce point est important, et on verra plus tard pourquoi, car il prouve que ce n'est pas ce qui se tramait à Paris qui détermina l'entreprise de Napoléon. Les communications de M. Fleury de Chaboulon achevèrent de le décider, mais ne furent certainement pas la cause principale de sa résolution.

2: C'est le propre récit de Napoléon; consigné dans des mémoires manuscrits.

3: Napoléon a nié à Sainte-Hélène que La Bédoyère lui eût parlé de la sorte. Sans doute Napoléon était autorisé à contester la violence de langage qu'on a prêtée à La Bédoyère, mais il ne pouvait nier le fond des idées exprimées par ce dernier, et que nous avons rapportées en substance. Du reste, je puis garantir toutes les circonstances du récit qu'on vient de lire. J'ai eu pour les événements de l'île d'Elbe, de Cannes, de Grasse, de Gap, de La Mure, de Grenoble, de Lyon, une quantité de relations manuscrites du plus haut intérêt, rédigées les unes par des militaires, les autres par des magistrats, tous témoins oculaires, dignes d'une entière confiance par leur caractère et leur position. Quant au séjour à l'île d'Elbe, le document le plus curieux, le plus complet, c'est le registre des Ordres et des Correspondances de Napoléon, et c'est en l'ayant sous les yeux que j'ai composé cette narration.

4: Je tiens ce détail d'un ancien colonel de l'artillerie de la garde impériale, membre de plusieurs de nos assemblées, royaliste de cœur, homme d'esprit et d'une parfaite sincérité, qui avait vu cette lettre dans les mains de la maréchale.

5: Le compte de ces sommes, très-régulièrement présenté, existe aux archives de l'Empire.

6: Ce reproche s'adresse au maréchal Marmont, qui, avec la légèreté ordinaire de ses jugements, a prétendu dans ses Mémoires qu'il fallait ne pas s'arrêter à Paris, mais profiter de l'élan imprimé aux esprits pour marcher jusqu'au Rhin. On va voir par ce qui suit combien ce jugement est inconsidéré, et dépourvu à la fois de raison et de connaissance des faits.

7: Je parle d'après des états positifs.

8: Les lettres de Napoléon, des 25, 26, 27 et 28 mars, prouvent que le plan qu'il adopta pour cette campagne était dès cette époque arrêté dans sa pensée.

9: Ce qu'il y a de plus difficile dans les temps de révolution, c'est d'amener les gouvernements qui se succèdent à être justes les uns envers les autres, et cette difficulté, déjà si grande, s'accroît lorsqu'il s'agit de finances. La calomnie, souvent la plus noire, est la seule justice qu'on puisse attendre d'eux. J'en ai vu de mon temps des exemples bien étranges, mais aucun de plus extraordinaire par la promptitude des représailles, que celui que présentent les années 1814 et 1815. Lorsque le baron Louis succéda à MM. Mollien et de Gaëte, il fit des finances impériales un tableau peu équitable, et il donna de l'état du Trésor un bilan des plus injustement chargés. On devait, onze mois après, lui rendre une justice de la même sorte. On ne vécut pendant les Cent Jours que des ressources qu'il avait créées, et on se garda bien de le reconnaître. Napoléon à Sainte-Hélène, où il a montré en général assez d'impartialité, et où il en aurait montré davantage encore si son grand esprit n'avait été dominé par les mauvaises habitudes du temps, Napoléon, parlant très-brièvement des finances des Cent Jours, dit en passant que M. le comte Mollien (auquel il adresse d'ailleurs des louanges fort méritées), se servant habilement d'une quarantaine de millions que le baron Louis employait à agioter sur les reconnaissances de liquidation, parvint à suffire à tous les besoins extraordinaires du moment. Telle est la manière cavalière et calomnieuse dont Napoléon parle de l'une des plus belles opérations financières du siècle. Ces quarante millions (Napoléon ne dit pas assez) étaient la ressource de la dette flottante, que le baron Louis avait procurée à l'État, et le prétendu agiotage sur les reconnaissances de liquidation n'était qu'un expédient temporaire, critiquable sans doute dans des temps réguliers, mais nécessaire aux débuts du crédit. Le baron Louis, en émettant sur la place les reconnaissances de liquidation, qui n'étaient autre chose que nos bons du Trésor, alors inconnus, crut devoir les soutenir, en les rachetant quand elles fléchissaient, et il réussit ainsi à leur donner crédit, et à les maintenir très-près du pair. Ce n'était pas plus de l'agiotage que les rachats des bons de la caisse d'amortissement, que Napoléon se permit plus d'une fois pour soutenir ces bons, lorsqu'il faisait vendre en grande quantité des biens nationaux et des biens des communes. Le baron Louis racheta très-peu des reconnaissances de liquidation quand elles eurent obtenu crédit, et ne fit à cet égard que l'indispensable. Aujourd'hui que les bons du Trésor, grâce à des finances régulières, sont toujours au pair, on est dispensé de recourir à ces moyens, et si des circonstances graves pouvaient mettre les bons du Trésor au-dessous du pair, on blâmerait le ministre qui, au lieu de les relever par l'acquittement exact des bons échus, voudrait les racheter sur la place à des cours avilis. On le considérerait comme un commerçant rachetant son papier à perte, et spéculant sur sa propre déconsidération. Mais nous sommes au temps du crédit établi, et, à l'époque dont nous parlons, on en était aux difficultés du crédit à établir. Du reste, nous n'avons pas présenté ces réflexions pour soutenir des vérités qui ne font plus doute parmi les esprits éclairés en finances, mais pour montrer une fois de plus ce que c'est que la justice des hommes les uns envers les autres, et ce que doit être au contraire la justice de l'histoire. Les ressources créées par un ministre habile, et dont Napoléon vécut en 1815, étaient qualifiées par lui de somme tenue en réserve pour l'agiotage, et il rendait ainsi la calomnie à ceux qui, dix mois auparavant, faisaient de ses finances un si triste et si injuste tableau. Cependant un jour vient où chaque chose, chaque homme est remis à sa place, et trop heureuse l'histoire, lorsqu'au lieu d'avoir des renommées mensongères à détruire, ou des condamnations ajournées à prononcer, elle n'a qu'à relever des mérites réciproquement méconnus. Quant à moi, toujours soucieux d'être juste, je sens comme ces jurés qui se félicitent d'avoir un acquittement au lieu d'une condamnation à prononcer, et je crois être équitable envers les deux régimes en disant: Le comte Mollien créa le mécanisme du Trésor, et le baron Louis, le crédit.

10: Ces dissimulations sont constatées par la correspondance de lord Castlereagh récemment publiée, et par les documents non publiés que nous avons eus sous les yeux, et qui sont relatifs au congrès de Vienne.

11: M. Benjamin Constant, en avouant, dans ses Lettres sur les Cent Jours, la grande part qu'il eut à l'Acte additionnel, n'a pas avoué qu'il en fût le rédacteur. Il est pourtant certain que l'Acte additionnel fut entièrement rédigé de sa main, et que, sauf quelques articles modifiés, l'ouvrage entier fut de lui. Il est d'ailleurs facile de reconnaître à l'unité, à la précision, à la simplicité élégante du langage, qu'il n'y eut qu'une plume, et que cette plume était la meilleure du temps. Celle de Napoléon, qui était la plus grande, était plus dogmatique et plus nerveuse.

12: Il est peu de sujets sur lesquels on ait plus divagué que sur la formation des fédérés de 1815, et sur les dispositions de Napoléon à leur égard. Les uns imputent à Napoléon de les avoir excités pour s'en servir contre les royalistes, les autres prétendent qu'il en eut peur, et que par ce motif il ne voulut jamais les armer, et se priva ainsi du secours puissant des patriotes. Ces deux assertions sont également fausses. Napoléon fut étranger à la formation des fédérés, laquelle n'eut d'autre cause que les inquiétudes de ce qu'on appelait dans l'Ouest les bleus. Une fois créés sans lui, Napoléon ne fut pas fâché de cette création, bien qu'il ne se dissimulât point le parti qu'en pourraient tirer plus tard contre lui les libéraux exagérés. Mais dans le moment il s'inquiétait peu de la vivacité d'opinion de ceux qui l'appuyaient contre l'étranger, et c'était surtout des bras qu'il voulait avoir. Vaincre encore une fois l'Europe était sa passion dominante, et je dirai même unique. Le reste n'était d'aucun poids à ses yeux. Acquérir vingt-cinq mille bons soldats pour la garde de Paris, était ce qu'il appréciait le plus dans l'institution des fédérés. Le manque de fusils l'empêcha seul d'armer immédiatement les fédérés de Paris, et il craignait si peu de leur mettre des armes dans les mains, que son projet très-arrêté, et constaté par sa correspondance, était, si Paris se trouvait en péril, de faire passer les fusils de la garde nationale sédentaire à la garde nationale active, chargée de la défense extérieure de la ville. C'était un prétexte tout trouvé d'avance pour faire arriver les armes des mains des uns à celles des autres, sans offenser personne.

13: Cette lettre, dont il a été parlé comme cause déterminante de Murat, existe en effet aux affaires étrangères; elle est datée de Prangins, du 16 mars, et contient textuellement les passages que nous rapportons.

14: Volume IX des Mémoires de Napoléon, page 15.

15: Napoléon a adressé un autre reproche à Murat, c'est d'avoir presque décidé les Autrichiens à lui fermer l'oreille en 1815, parce qu'ils attribuèrent aux incitations de Paris le mouvement offensif de l'armée napolitaine. C'est une erreur de fait que Napoléon dut commettre à Sainte-Hélène, n'ayant pas sous les yeux les documents du congrès de Vienne. Déjà bien avant le débarquement de Napoléon au golfe Juan les Autrichiens étaient éclairés sur les dispositions de Murat par la note qu'il adressa au congrès relativement aux Bourbons, et ils s'attendaient tellement à une agression de sa part, qu'ils avaient ordonné, comme nous l'avons dit tome XVIII, une concentration de 150 mille hommes en Italie. De plus le parti pris le 13 mars contre Napoléon l'était bien avant la marche des Napolitains sur Césène, et indépendamment de la conduite de Murat en Italie. Ce prince infortuné n'eut donc aucune influence sur les résolutions politiques de la cour de Vienne à l'égard de la France, et les conséquences de ses fautes, déjà bien assez graves sans qu'on les exagère, furent de s'engager trop tôt avec les Autrichiens, ce qui permit à ceux-ci, la question d'Italie résolue, de reporter à temps cinquante ou soixante mille hommes vers les Alpes, et de paralyser une partie notable de nos forces. Telle est la vérité rigoureuse dégagée de toute exagération, comme nous avons le goût et l'habitude de la donner sur les hommes et sur les choses.

16: Je donne ces détails en ayant sous les yeux les lettres innombrables où les moindres remarques sont consignées sur toutes les parties du matériel.

Note au lecteur de ce fichier numérique:

Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe de l'auteur a été conservée.

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