Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 19/20): faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française
«Messieurs,
»Dans ce moment de crise, où l'ennemi public a pénétré dans une portion de mon royaume, et où il menace la liberté de tout le reste, je viens au milieu de vous resserrer encore les liens qui, en vous unissant avec moi, font la force de l'État. Je viens, en m'adressant à vous, exposer à toute la France mes sentiments et mes vœux.
»J'ai revu ma patrie, je l'ai réconciliée avec toutes les puissances étrangères, qui seront, n'en doutez pas, fidèles aux traités qui nous ont rendu la paix; j'ai travaillé au bonheur de mon peuple; j'ai recueilli, je recueille tous les jours les marques les plus touchantes de son amour; pourrais-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu'en mourant pour sa défense?...»
Ici de nouvelles acclamations retentirent.—Non, s'écriaient les députés, ce n'est pas à vous, c'est à nous à mourir pour le trône et la Charte!—Le Roi reprit:
«Je ne crains donc rien pour moi, mais je crains pour la France. Celui qui vient parmi nous allumer les torches de la guerre civile, y apporte aussi le fléau de la guerre étrangère; il vient remettre notre patrie sous son joug de fer; il vient enfin détruire cette Charte constitutionnelle que je vous ai donnée, cette Charte, mon plus beau titre aux yeux de la postérité, cette Charte que tous les Français chérissent et que je jure ici de maintenir.
»Rallions-nous donc autour d'elle! qu'elle soit notre étendard sacré! Les descendants de Henri IV s'y rangeront les premiers; ils seront suivis de tous les bons Français. Enfin, Messieurs, que le concours des deux Chambres donne à l'autorité toute la force qui lui est nécessaire; et cette guerre vraiment nationale prouvera, par son heureuse issue, ce que peut un grand peuple uni par l'amour de son Roi et de la loi fondamentale de l'État.»—
Accueil chaleureux fait à ce discours. À peine ces derniers mots étaient-ils prononcés que le comte d'Artois se levant, et saisissant les mains du Roi avec respect, lui dit ces paroles: Permettez, Sire, qu'au nom de votre famille j'unisse ma voix à la vôtre, pour protester de notre franche et cordiale union avec Votre Majesté, et pour jurer d'être fidèle à vous et à la Charte constitutionnelle.—Oui, oui, s'écrièrent le duc de Berry et le duc d'Orléans, nous le jurons!—À cette scène inattendue, les deux Chambres se levèrent pour applaudir à une conformité de sentiments, bien salutaire si elle avait été manifestée plus tôt, pour remercier la royauté de chercher son appui dans la nation, et pour le lui promettre tout entier. Mais, hélas, elles n'en disposaient pas, et ces Chambres elles-mêmes, dans leur extrême prudence, n'avaient peut-être pas assez résisté à la royauté pour acquérir une popularité qui leur permît de la défendre et de la sauver.
Succès de la séance royale. Louis XVIII se retira au milieu de l'émotion générale, fort touché du succès de son discours et de celui de la séance, succès d'une utilité certaine quinze jours auparavant, et aujourd'hui d'une utilité bien douteuse!
Revue de la garde nationale; son effet moins heureux que celui de la séance royale. Après la séance royale on avait convoqué la garde nationale, afin que les princes pussent la passer en revue, et que sous leurs yeux les hommes de bonne volonté, destinés à former les bataillons mobiles, sortissent des rangs. Le comte d'Artois déploya tout ce qu'il avait de grâce pour plaire à la bourgeoisie parisienne sous les armes, mais quand on fit appel aux hommes de bonne volonté il ne s'en présenta qu'un petit nombre. On avait en effet trop froissé les sentiments de cette bourgeoisie pour lui inspirer un dévouement bien ardent. Elle avait peur de ce qui venait, sans avoir grand amour pour ce qui s'en allait. Néanmoins les apparences furent sauvées, et les princes, quoique moins bien accueillis qu'à la Chambre des députés, furent cependant reçus d'une manière convenable. Sous l'impression de ces diverses manifestations, et surtout de la tentative manquée des frères Lallemand, on était revenu un peu à l'espérance, on croyait à la force numérique et à la fidélité du rassemblement de troupes qui allait se former à Melun sous le duc de Berry, sous le maréchal Macdonald, sous les généraux Belliard, Maison, Haxo, etc. Les bonapartistes au contraire déconcertés par l'aventure des frères Lallemand, croyant y voir un symptôme alarmant des dispositions de l'armée, étaient tremblants, et se cachaient, intimidés surtout par le nom du nouveau préfet de police Bourrienne.
Séjour de Napoléon à Auxerre. Pendant ce temps, Napoléon arrivé à Auxerre le 17 y préparait sa marche sur Paris. Avec les troupes de Grenoble, de Lyon, avec celles de Franche-Comté qu'amenait le maréchal Ney, il pouvait réunir environ une vingtaine de mille hommes et soixante bouches à feu. Le 14e de ligne, envoyé à Auxerre pour le combattre, l'avait rejoint au cri de Vive l'Empereur! et avait ainsi augmenté ses forces d'un régiment d'infanterie. On avait reçu à Auxerre la nouvelle de la formation d'une armée à Melun. On parlait d'une quarantaine de mille hommes de troupes de ligne, de maison militaire, de gardes nationaux, sous les ordres directs du duc de Berry et de plusieurs maréchaux, et il était possible que ce premier coup de fusil tant désiré par les royalistes, si redouté par Napoléon, fût enfin tiré sous Paris. Bruits qui circulaient à Auxerre. On devait croire, en effet, que dans les cinq ou six mille hommes composant la maison militaire, il s'en trouverait toujours assez pour engager le conflit, et alors la situation pouvait devenir grave. Napoléon n'était guère inquiet de ces rumeurs. Il se disait que les troupes ne tiendraient pas plus en avant de Paris qu'en avant de Lyon et de Grenoble, qu'à son approche le gouvernement perdrait la tête, et que le Roi s'en irait comme avaient fait les préfets, ceux du moins qui avaient voulu être fidèles. D'ailleurs, des émissaires venus des environs de la capitale affirmaient n'avoir pas rencontré de soldats sur leur chemin, et n'avoir vu à Melun que des rassemblements d'officiers à la demi-solde, fort mal disposés pour le gouvernement qu'ils étaient chargés de défendre. Ces bruits, sans inquiéter Napoléon, le décident à marcher sur Paris militairement. Napoléon n'attachait donc pas grande importance aux bruits qui circulaient, mais il était capitaine trop avisé pour n'en pas tenir compte, et il avait résolu de passer deux ou trois jours à Auxerre, afin d'y concentrer ses forces, et de marcher militairement sur Paris. Il attendait le maréchal Ney avec le corps de la Franche-Comté, peut-être même avec la vieille garde qu'on disait échappée aux mains du maréchal Oudinot, et il était certain d'avoir dans ces deux jours donné à son armée une consistance suffisante. Pour que l'infanterie qui le suivait ne fût pas trop fatiguée, il imagina de l'embarquer sur la Seine à Auxerre, et de la faire voyager par eau jusqu'à Montereau. Il en usa de même pour l'artillerie, et dans cette vue il fit rassembler à prix d'argent tous les bateaux de la Seine. Il achemina sa cavalerie par terre sur ce même point de Montereau, et il disposa les choses de manière à pénétrer le 19 dans la forêt de Fontainebleau avec toutes ses armes réunies.
Entretien de Napoléon avec le préfet et avec divers personnages. Ces mesures prises avec sa promptitude et sa précision accoutumées, il employa son temps à recevoir les maires, les sous-préfets, les chefs de corps, et à leur tenir les discours qu'il avait tenus partout. Le soir, à la table du préfet, et dans un cercle plus étroit, composé de Drouot, de Bertrand, de Cambronne et du préfet lui-même, il parla confidentiellement, et avec le langage net, expressif, mordant, qui lui était propre.—J'ai laissé répandre autour de moi, dit-il, que j'étais d'accord avec les puissances, il n'en est rien. Je ne suis d'accord avec personne, pas même avec ceux qu'on accuse de conspirer à Paris pour ma cause. J'ai vu de l'île d'Elbe les fautes que l'on commettait, et j'ai résolu d'en profiter. Mon entreprise a toutes les apparences d'un acte d'audace extraordinaire, et elle n'est en réalité qu'un acte de raison. Il n'était pas douteux que les soldats, les paysans, les classes moyennes elles-mêmes, après tout ce qu'on avait fait pour les blesser, m'accueilleraient avec transport. À Grenoble, je n'ai eu qu'à frapper la porte avec ma tabatière pour qu'elle s'ouvrît. Sans doute, Louis XVIII est un prince sage, éclairé par le malheur, et s'il avait été seul, j'aurais eu infiniment plus de peine à lui reprendre la France. Mais sa famille, ses amis, détruisent tout le bien qu'il serait capable de faire. Ils se sont persuadés qu'ils rentraient dans l'héritage de leurs pères, et qu'ils pouvaient s'y conduire à leur gré, et ils ne voient pas que c'est dans mon héritage qu'ils rentrent, et que le mien ne pouvait pas être géré comme le leur.—Sur l'observation du préfet que les Bourbons s'étaient cependant renfermés dans la stricte observation des lois, Napoléon répondit que ce n'était pas assez de gouverner selon le texte des lois, qu'il fallait gouverner selon leur esprit.—On exécutait, dit-il, les lois du temps présent avec l'esprit du temps passé, et il n'était pas possible qu'on ne révoltât pas la génération actuelle. C'est là l'unique cause de mon succès. On a prétendu l'année dernière que c'est moi qui avais ramené les Bourbons. Ils me ramènent cette année, par conséquent nous sommes quittes...—
Arrivée du maréchal Ney à Mâcon. Napoléon passa ainsi la soirée à s'entretenir avec sa verve accoutumée, faisant l'exposé le plus frappant des fautes des Bourbons, avouant aussi les siennes avec bonne grâce, mais affirmant du reste qu'il était changé, et qu'on ne trouverait plus en lui ni le maître absolu, ni le conquérant, car il savait, disait-il, se corriger, et n'était pas comme les Bourbons, qui en vingt-cinq ans n'avaient rien appris, rien oublié...—
Le lendemain 18, arriva le maréchal Ney. Napoléon l'attendait avec impatience, et semblait même s'étonner qu'il ne fût pas arrivé plus tôt. Le maréchal, retenu par les ordres qu'il avait eu à expédier, était en effet en retard, et ce n'était pas d'ailleurs sans embarras qu'il s'approchait du quartier général. Il avait deux causes de gêne, sa conduite à Fontainebleau, et celle qu'il venait de tenir à Lons-le-Saulnier. Sa conduite à Fontainebleau, sauf les formes qui avaient été rudes, pouvait s'expliquer par l'empire des circonstances. Son dernier revirement, quoique pouvant s'expliquer de même, avait été si brusque, qu'il en était embarrassé même devant Napoléon qui en avait tant profité. Le maréchal, pour se justifier, avait répété partout ce qu'il avait déjà dit à Lons-le-Saulnier, qu'il cédait au vœu de la France, laquelle venait de se montrer unanime à Grenoble, à Lyon, à Mâcon, à Chalon, etc., mais qu'il n'avait pas entendu se donner à un homme, surtout à celui qui avait conduit les Français à Moscou; que les circonstances étaient changées, qu'il fallait aujourd'hui à la France la paix et la liberté, qu'il l'entendait ainsi, et le dirait à l'Empereur à sa prochaine entrevue, et que si l'Empereur ne voulait pas écouter ce langage, il se retirerait dans ses champs pour n'en plus sortir.—Tels étaient les propos que Ney avait semés sur sa route, qu'il répéta en arrivant au préfet son beau-frère, et qu'il voulait adresser à Napoléon lui-même. Pourtant en approchant, sa hardiesse tombait peu à peu, et craignant de ne pas oser, ou de ne pas savoir dire tout ce qu'il avait dans l'esprit, il avait fait de sa conduite et de ses sentiments un exposé par écrit, qui commençait à Fontainebleau et finissait à Lons-le-Saulnier. Il le lut à son beau-frère, qui n'y trouva rien à reprendre, et il se rendit chez Napoléon, cet exposé à la main, peu d'instants après son arrivée.
Entrevue de Napoléon avec le maréchal. Napoléon, avec sa profonde sagacité, avait deviné tout ce que le maréchal serait tenté de lui dire, et il lui suffisait de ce qu'il avait déjà entendu de plus d'une bouche, pour prévoir que Ney lui apporterait à la fois des excuses et des remontrances. Or, il voulait le dispenser des unes, et s'épargner les autres. Il vint à lui les bras ouverts, en s'écriant: Son adresse à empêcher le maréchal de dire ce qu'il voulait. Embrassons-nous, mon cher maréchal.... Puis Ney déployant son papier, il ne lui en laissa pas commencer la lecture.—Vous n'avez pas besoin d'excuse, lui dit-il. Votre excuse, comme la mienne, est dans les événements, qui ont été plus forts que les hommes. Mais ne parlons plus du passé, et ne nous en souvenons que pour nous mieux conduire dans l'avenir.—Après ces premiers mots, Napoléon ne donnant pas au maréchal le temps de proférer une parole, lui fit un exposé de la situation et de ses intentions qui ne laissait rien à désirer, car il reconnaissait à la fois la nécessité de la paix et d'une liberté suffisante, et paraissait résolu à concéder l'une et l'autre. Il déclara qu'il acceptait le traité de Paris, qu'il l'avait fait dire à Vienne, qu'il comptait sur cette communication et sur l'intervention de Marie-Louise pour prévenir une nouvelle lutte avec l'Europe, et que rendu à Paris, il réunirait les hommes les plus éclairés pour se concerter avec eux sur les changements qu'il convenait d'apporter aux constitutions impériales. Le maréchal aurait voulu en vain ajouter quelque chose aux déclarations de Napoléon, car elles comprenaient tout ce qui était désirable, et précisaient mieux qu'il n'aurait pu le faire les besoins du moment. Pourtant il répéta à sa manière tout ce qu'il venait d'entendre, afin de pouvoir au moins se vanter de l'avoir dit, et Napoléon l'écouta sans peine, parce que ce n'était que la répétition de ses propres pensées, précédemment exprimées. L'entretien fut donc très-convenable. Néanmoins Ney, sans avoir la finesse de son interlocuteur, comprit bien que celui-ci n'avait pas voulu se laisser poser des conditions, et Napoléon avait compris encore mieux qu'on avait voulu lui en faire. Ils furent donc au fond moins satisfaits l'un de l'autre qu'ils n'affectaient de le paraître. Napoléon et le maréchal affectent d'être plus contents l'un de l'autre qu'ils ne le sont véritablement. Ney en se retirant dit à tous les officiers et à son beau-frère qu'il avait été très-content de l'Empereur, qui avait été avec lui très-amical, et très-raisonnable. Ses camarades applaudirent et déclarèrent qu'ils n'avaient rien à souhaiter, puisqu'ils retrouvaient l'Empereur, et le retrouvaient corrigé par les événements. Unanimité des militaires à désirer, en se donnant à Napoléon, qu'il soit changé, et qu'il soit à la fois pacifique et libéral. Napoléon, de son côté, devinant aux airs de visage, aux mots échappés, qu'on s'excusait de la violation de ses devoirs militaires par la résolution hautement annoncée de lui mettre un frein, feignit de ne pas s'en apercevoir, et affecta de se montrer parfaitement content du maréchal. Toutefois, ce premier moment d'effusion passé, il reprit peu à peu une certaine hauteur impériale avec Ney, et lui donna rendez-vous à Paris, comme s'il n'avait pas eu besoin de lui pour y entrer.
Départ de Napoléon d'Auxerre, et son entrée à Fontainebleau le 20 mars au matin. Le 19 au matin, toutes ses dispositions étant terminées et ses troupes devant être rendues à Montereau, Napoléon quitta Auxerre pour se mettre à leur tête. Vers la nuit il était à la lisière de la forêt de Fontainebleau entouré de ses soldats. Là, on lui parla beaucoup des mouvements de troupes qui se faisaient en avant de Paris; il n'en tint compte, et s'enfonça dans la forêt suivi de quelques cavaliers. À quatre heures du matin, 20 mars, il pénétra dans cette cour du château de Fontainebleau, où onze mois auparavant (20 avril) il avait adressé ses adieux à la garde impériale. Déjà un groupe de cavalerie, déserteur de l'armée de Melun, s'y était transporté pour l'attendre. En mettant le pied dans ce palais où avait fini le premier Empire, et où semblait recommencer le second, son visage s'illumina d'un profond sentiment de satisfaction. Cette revanche que lui accordait la fortune était assurément bien éclatante, et dans ce grand esprit qui s'était guéri à l'île d'Elbe de toutes les illusions (on en verra bientôt la preuve), la joie fit taire un instant la prévoyance!
Les fausses espérances conçues par les royalistes promptement dissipées. Cependant, la plus violente agitation régnait aux Tuileries. Les espérances dont on s'était bercé n'avaient pas été de longue durée, et tandis qu'il avait fallu au maréchal Soult trois mois pour se discréditer, huit jours avaient suffi au ministre Clarke pour perdre toute la confiance qu'on avait mise en lui. En apprenant la marche triomphale de Napoléon à travers les populations de la Bourgogne, en apprenant surtout la défection du maréchal Ney, on avait bientôt reconnu que c'était puérilité d'attendre son salut d'un ministre de la guerre quel qu'il fût, et on s'était livré à un complet désespoir. Leur désespoir, et leur penchant à émigrer de nouveau. Les royalistes violents n'avaient vu de ressource que dans une seconde émigration à l'étranger, où ils espéraient trouver encore l'appui qu'ils avaient obtenu à toutes les époques. En effet, si les nouvelles de France étaient désolantes, celles de Vienne étaient rassurantes au contraire, et on savait que le congrès réuni extraordinairement avait fulminé contre Napoléon un véritable arrêt de mort. Malheureusement il fallait aller chercher au dehors ce dangereux appui de l'étranger, qui pouvait procurer quelque force matérielle, mais en en ôtant toute force morale!
MM. Lainé et de Montesquiou persistent à conseiller les concessions, mais les conseillent vainement. On doit à M. Lainé, à M. de Montesquiou, à tous ceux enfin qui avaient cru trouver le salut de la cause royale dans l'union de la dynastie avec le parti libéral, la justice de reconnaître qu'ils ne désespérèrent pas de leur politique, et que jusqu'au dernier jour ils voulurent en essayer à leurs risques et périls, c'est-à-dire avec le danger de tomber dans les mains de Napoléon, avant d'avoir pu opérer la réconciliation désirée. MM. Lainé et de Montesquiou insistèrent pour qu'on se livrât entièrement aux constitutionnels, qu'on les prît pour ministres, qu'on mît M. de Lafayette à la tête de la garde nationale, et qu'on opposât ainsi à Napoléon la Charte confiée aux mains des libéraux. Les constitutionnels ratifièrent ces propositions en s'offrant jusqu'au dernier instant, et le 19 mars au matin, M. Benjamin Constant écrivit dans le Journal des Débats un article de la plus extrême violence contre Napoléon, déclarant pour les Bourbons et pour la Charte une préférence formelle et irrévocable.
Déchaînement de la cour contre MM. de Montesquiou et de Blacas. À cette heure, le conseil des ministres n'était presque plus le conseil du Roi, car, ainsi qu'il arrive dans les jours de crise, une foule d'empressés accouraient autour du gouvernement, forçaient ses portes, se mêlaient à ses délibérations, et prétendaient conduire les affaires presque autant que ceux qui en étaient responsables. Ces moments sont ceux de la dissolution du pouvoir, car tout le monde ordonne, personne n'obéit, et quand cet état se produit, on peut affirmer que l'agonie commence. Les royalistes de diverses nuances avaient envahi les deux ou trois étages des Tuileries; on les rencontrait partout, se remuant, parlant, déclamant contre MM. de Montesquiou et de Blacas, à qui on attribuait tout le mal. Le premier était devenu un objet d'aversion depuis qu'il faisait entendre des conseils de modération, et on disait que c'était un esprit léger, un faux mérite, inventé et vanté par les femmes, et incapable de supporter le fardeau du pouvoir. M. de Blacas accusé d'être la cause des irrésolutions du Roi. Le second avait aux yeux de ces royalistes fougueux le tort d'être l'homme du Roi. On le considérait comme la cause de l'inertie de Louis XVIII et de ses irrésolutions. Les modérés eux-mêmes aussi bien que les immodérés s'en prenaient à lui de n'être pas écoutés, lui reprochaient d'être en quelque sorte un mur élevé autour de la royauté pour empêcher les saines inspirations de lui parvenir, et il est certain que sa froide hauteur était bien faite pour inspirer cette idée, quoiqu'en réalité il s'empressât de transmettre exactement à Louis XVIII tout ce qu'il apprenait. Il faut ajouter que dans les circonstances difficiles, c'est ordinairement aux favoris, ou à ceux qui passent pour tels, qu'on s'en prend des malheurs publics, et qu'on se venge de leur faveur en les accusant de tout, même de ce qu'ils tâchent d'empêcher.
Le parti d'une prompte retraite prévaut. Partage d'avis entre les royalistes, sur le lieu où l'on doit se retirer. Le déchaînement contre ces deux personnages était donc extrême. M. de Montesquiou, ne se déconcertant guère, persistait à soutenir le système des concessions, tandis que M. de Blacas gardait un froid silence. Les royalistes extrêmes s'obstinant à ne reconnaître au gouvernement d'autre tort que celui de la faiblesse, regardaient les concessions comme un redoublement de cette faiblesse qui ajouterait à la déconsidération du pouvoir sans apporter aucune amélioration sensible à l'état des choses. À leur avis il n'y avait plus qu'à quitter Paris, et à se retirer à l'étranger, où l'on trouverait l'appui de l'Europe, le seul sur lequel on pût désormais compter. Ils se disaient avec une satisfaction à peine dissimulée que la coalition punirait cette nation ingrate qu'on n'avait pas su gouverner, parce qu'elle ne pouvait être menée que par une main de fer, celle de Napoléon ou celle de l'Europe. Ils ajoutaient qu'on y gagnerait d'être débarrassé de cette Charte, cause essentielle, à les en croire, des nouveaux revers dont la légitimité était menacée. Le tort, à leurs yeux, n'était pas de l'avoir mal observée, mais de l'avoir donnée.
M. de Vitrolles voudrait qu'on se retirât en Vendée, M. de Montesquiou en Flandre, sans toutefois passer la frontière. Pourtant, même entre royalistes violents, ils étaient loin de s'entendre. Il y en avait, M. de Vitrolles tout le premier, auxquels le recours à l'étranger répugnait profondément. Ils avaient éprouvé récemment combien était importune l'influence de l'étranger, car cette influence les avait empêchés de se livrer à toutes leurs passions, et ils auraient bien voulu ne pas retomber dans sa dépendance. Pour y échapper ils avaient imaginé un moyen, c'était, en sortant de Paris (ce que les uns et les autres considéraient comme inévitable), de se retirer non pas au nord, vers Lille ou Dunkerque, mais à l'ouest, vers Angers, Nantes et la Rochelle, ce qui devait conduire en Vendée, au milieu des vieux soldats du royalisme, qui depuis dix mois avaient repris les armes. On se figurait qu'on réunirait là cinquante mille soldats, lesquels, appuyés sur Nantes, la Rochelle, Bordeaux, recevant des Anglais des secours en argent et en matériel, tiendraient assez longtemps, attireraient une partie des forces de l'usurpateur, et donneraient à l'Europe, sans apparence de complicité avec elle, le temps de résoudre la question fondamentale entre le Rhin et la Seine. Déjà M. le duc de Bourbon était parti pour Tours et Angers, et on ne doutait pas qu'il ne parvînt à émouvoir profondément la Vendée. On avait des nouvelles de Bordeaux, où M. le duc et madame la duchesse d'Angoulême avaient excité de vifs élans d'enthousiasme, et on regardait l'asile de l'Ouest comme aussi sûr qu'honorable, car enfin, en admettant qu'on fût forcé dans cet asile, il restait la mer pour s'enfuir, et retourner en Angleterre, d'où l'on était venu.
On pouvait sans doute faire valoir des raisons fort spécieuses en faveur de ce plan, mais il y avait autant d'impopularité attachée à l'appui des chouans qu'à celui de l'étranger, et entre ces deux impopularités le choix était difficile. Aussi M. de Montesquiou, devenu le contradicteur habituel de M. de Vitrolles, disait-il avec le ton d'un homme importuné par de sots conseils: Eh! monsieur, le roi des chouans ne sera jamais le roi des Français!—À quoi M. de Vitrolles répondait que celui des Autrichiens, des Anglais et des Russes, n'avait pas plus de chances de le devenir.— Violente altercation entre M. de Vitrolles et M. de Montesquiou. Ces deux personnages en étaient arrivés à une telle antipathie réciproque, qu'ils ne pouvaient plus souffrir la présence l'un de l'autre, et étaient toujours prêts à en venir aux outrages, M. de Vitrolles indiquant assez clairement qu'il regardait M. de Montesquiou comme un abbé de cour, aussi impertinent que léger, M. de Montesquiou, à son tour, qualifiant M. de Vitrolles de brouillon violent, aussi fatigant que dangereux.
Le système des concessions étant écarté, M. de Montesquiou ne voyait d'autre ressource que de se retirer vers la frontière du Nord, Dunkerque ou Lille, de rester dans l'une de ces deux places sans abandonner le sol français, et de laisser le duel de Napoléon avec l'Europe se vider sans y prendre part. C'était le conseil que M. le duc d'Orléans, que le maréchal Macdonald, que tous les hommes sages avaient donné à Louis XVIII, s'il fallait, comme tout l'annonçait, quitter la capitale et la livrer à Napoléon. Mais ce plan ne plaisait pas plus au vieux monarque que celui de se réfugier en Vendée. Louis XVIII incline à rester à Paris le plus longtemps possible. Sortir de Paris était pour la paresse de Louis XVIII une résolution souverainement désagréable, et tout plan qui commençait par un déplacement lui était odieux. Aller guerroyer dans la Vendée lui semblait un parti d'aventuriers, qui ne convenait ni à son âge, ni à sa santé, ni à sa dignité. Prendre une place forte pour asile ne lui paraissait guère praticable, car il fallait d'abord une place prête à se dévouer, secondement une garnison pour la bien défendre, et les trois ou quatre mille cavaliers auxquels allait se réduire la maison militaire lorsqu'on abandonnerait Paris, n'étaient pas une garnison suffisante pour une ville comme Lille, dont la défense exigeait au moins douze ou quinze mille hommes de la meilleure infanterie. Enfin être assiégé dans une forteresse, pour finir par se rendre, était à ses yeux un sort assez ridicule.
Ce qui lui agréait le plus, c'était Paris, et, à défaut de Paris, Londres. Or, avec cette disposition à l'inertie, rester aux Tuileries jusqu'à la dernière extrémité, était au fond sa résolution secrète, car il augurait mal d'une nouvelle émigration.—La première fois, disait-il, on nous a bien reçus, parce qu'on imputait nos revers à la grande et irrésistible catastrophe de la Révolution; mais, cette fois, on les imputera à notre maladresse, et on nous traitera comme des gens malhabiles et des hôtes importuns.—Il voulait donc attendre jusqu'à la dernière heure, en laissant tout proposer sans rien accueillir, en laissant à M. de Blacas la tâche ingrate d'opposer objection sur objection aux propositions qui lui déplaisaient.
Au milieu de cette cour en tumulte, où les auteurs de projets rencontraient tantôt le regard distrait et ironique du Roi, tantôt les sèches négations de M. de Blacas, il y avait un personnage qui n'était pas capable de se tenir tranquille en une conjoncture aussi grave, c'était le maréchal Marmont. Léger, vain, agité, grand faiseur d'embarras comme de coutume, appelé à commander la maison du Roi en cette occasion, et du reste le méritant par sa rare bravoure, il voulait lui aussi sauver le Roi, et prétendait en avoir trouvé le moyen. Se heurtant dans les mouvements qu'il se donnait, contre la froideur peu accueillante de M. de Blacas, il avait conçu pour ce ministre la haine la plus vive, et sans se ranger précisément avec les exagérés, il criait avec eux contre lui, et attribuait à son influence tous les maux de la royauté. Il avait poussé l'imprudence jusqu'à proposer à M. de Vitrolles d'enlever M. de Blacas pour l'éloigner du Roi, de s'emparer ensuite du gouvernement, et de sauver la monarchie sans M. de Blacas, et même sans le Roi. Projet du maréchal Marmont de fortifier les Tuileries, et d'y supporter un siége. Son plan, lorsque lui et M. de Vitrolles se seraient saisis du pouvoir, consistait à fortifier les Tuileries, à y amasser des vivres et des munitions, à s'y enfermer avec tous les royalistes fidèles, à y attendre Napoléon, et à lui opposer l'embarras, sans doute assez grand, d'assiéger un vieux roi dans son palais, de l'y bombarder peut-être au milieu de l'indignation universelle. Railleries de Louis XVIII à l'égard de ce projet. M. de Vitrolles avait répondu que le temps des enlèvements de favoris était passé avec les favoris eux-mêmes, que M. de Blacas ne l'était pas, et qu'on donnerait, sans sauver le Roi, un spectacle aussi odieux que ridicule. Louis XVIII ayant reçu du maréchal Marmont la confidence de la seconde partie de son plan, lui avait répondu d'un ton peu flatteur: Vous me proposez la chaise curule; cette idée est au moins aussi vieille que toutes celles qu'on reproche à mes pauvres émigrés.—
Dans toute situation désespérée on a volontiers recours aux empiriques, et on s'adressa une dernière fois à M. Fouché, pour en obtenir, à défaut de son concours, au moins un bon conseil, car, ainsi que nous l'avons dit, entre la confusion de recourir à un régicide, ou celle de faire des concessions aux constitutionnels, on aimait mieux la première.
Derniers conseils demandés à M. Fouché. On chargea donc M. Dambray de voir M. Fouché, et de l'entretenir au nom de Louis XVIII. M. Fouché avait un tel goût d'intrigue, qu'engagé contre les Bourbons jusqu'à pousser lui-même les frères Lallemand à entreprendre leur folle tentative, il avait plaisir encore à rencontrer le chancelier de Louis XVIII, à écouter des propositions et à y répondre. M. Dambray ayant au nom du Roi demandé à M. Fouché son opinion et ses conseils, ce qui indiquait assez qu'on serait prêt à accepter son concours, il dit, ce que tout le monde savait, qu'il était trop tard; que le mouvement était donné, que l'armée le suivrait jusqu'au dernier homme; que Napoléon serait à Paris avant huit jours, qu'il n'y avait donc plus qu'à se retirer, et à mettre la royauté hors d'atteinte, afin d'attendre en sûreté les événements ultérieurs. M. Dambray s'étant récrié contre des prophéties aussi désolantes, et ayant paru dire que M. Fouché ne prévoyait si facilement de telles extrémités que parce qu'au fond il les désirait peut-être, celui-ci, avec un mélange d'imprudence et de vanité sans pareilles, lui répondit, que pour son compte, il éprouvait du retour de Napoléon autant de chagrin que les royalistes eux-mêmes, qu'il détestait Napoléon et en était détesté, mais qu'il se résignait à une épreuve devenue inévitable; que si les Bourbons avaient pris ses conseils moins tardivement, il leur aurait épargné à eux et à la France cette nouvelle et dangereuse crise, mais qu'il n'était plus temps d'y échapper; que pour la traverser heureusement, il fallait même s'y prêter, qu'ainsi on ne devrait pas être étonné, si dans quelques jours lui, duc d'Otrante, devenait ministre de Napoléon, qu'il le deviendrait pour échapper à sa tyrannie et en accélérer la chute; que c'était vers cette voie de salut qu'il avait les yeux fixés, et qu'alors peut-être débarrassé de ce fou dangereux, il pourrait en faveur des Bourbons ce qu'il ne pouvait pas aujourd'hui.
Cynisme de ce personnage. On ne sait de quoi il faut le plus s'étonner, ou du cynisme de tels aveux, ou de l'imprudence de telles confidences, ou de la puérilité d'un orgueil qui croyait prévoir et dominer les événements de si loin. M. Dambray se laissa prendre à tous ces faux semblants de politique profonde, et quitta son interlocuteur, consterné et écrasé par sa prétendue supériorité. Il en fit part au Roi et au comte d'Artois, qui furent fâchés, le dernier surtout, de s'être adressés si tard au génie de M. Fouché. Voyant qu'on ne peut conquérir M. Fouché, on se décide à le faire arrêter. Cependant son refus de répondre aux avances de la cour parut suspect, et on se dit que puisqu'il repoussait des ouvertures qui étaient des offres véritables, c'est qu'il était résolûment engagé avec l'ennemi. Ne l'ayant pas pour soi, il fallait l'annuler, et pour cela s'emparer de sa personne. La police violente de M. de Bourrienne ne pouvait être détournée d'un tel acte, ni par son bon sens ni par ses scrupules, et elle envoya des agents pour arrêter le duc d'Otrante. C'était une extravagance inutile, qu'en tout cas il ne fallait pas essayer sans réussir. Son évasion. Mais M. Fouché qui, en se mêlant à tout, avait au moins l'esprit de s'attendre à tout, s'était ménagé une retraite dans l'hôtel de la reine Hortense, contigu au sien, et en prétextant auprès des agents qui venaient l'arrêter le besoin de s'éloigner quelques minutes, il leur échappa par son jardin.
En apprenant l'entrée de Napoléon à Fontainebleau, Louis XVIII se décide à quitter Paris. Cette aventure eût fort prêté à rire, si la situation eût été moins grave. Le 19 au matin, la nouvelle étant parvenue que Napoléon allait être à Fontainebleau, le moment extrême que Louis XVIII s'était assigné pour prendre un parti, était évidemment arrivé. Avec ses opinions et ses goûts, il n'avait guère à choisir. Il était trop tard, en effet, pour recourir au parti constitutionnel, dont il connaissait peu les principaux chefs, et auxquels, lors même qu'il se serait fié à eux, il n'aurait pu se livrer qu'en excitant la colère de son parti à un point qui dépassait son courage. Il jugeait ridicule le projet du maréchal Marmont de braver un siége dans les Tuileries; il trouvait le projet de M. de Vitrolles de se réfugier en Vendée, digne de M. le comte d'Artois, et pour lui c'était tout dire. Il ne lui restait donc qu'à se retirer sur la frontière du Nord, sans la franchir. Il donne sa confiance au maréchal Macdonald, et lui remet le soin de préparer son départ. Ce dernier projet qui était celui du duc d'Orléans et du maréchal Macdonald, était plus conforme à son esprit de sagesse, et il le préférait de beaucoup à tous les autres. M. le duc d'Orléans s'était rendu en Flandre. Le maréchal Macdonald, destiné à commander l'armée de Melun, sous le duc de Berry, était à Paris, et Louis XVIII avait conçu pour sa prudence, son sang-froid, sa loyauté, une grande estime. Il l'avait appelé auprès de lui, afin d'avoir son avis. Le maréchal, occupé à former l'armée de Melun, avait déclaré au Roi que cette armée ne lui inspirait aucune confiance, que la maison militaire, dévouée, brave, mais inexpérimentée, ne tiendrait pas deux heures contre les troupes impériales; que les bataillons volontaires de la garde nationale étaient presque nuls en nombre; qu'enfin les troupes de ligne passeraient à l'ennemi dès qu'on serait à portée de canon. Précautions prises par le maréchal. Leurs dispositions étaient même si peu rassurantes, que le maréchal n'avait pas encore osé les réunir à Melun, de peur, en les assemblant, de faire éclater leurs sentiments secrets. Aussi n'y avait-il envoyé que les officiers à la demi-solde, formés en bataillons d'élite par le maréchal Soult, lesquels tenaient déjà les plus affreux propos, et menaçaient à chaque instant de s'insurger. De ce sincère exposé des choses, le maréchal avait conclu qu'il fallait se retirer à Lille, s'y enfermer, et y attendre le résultat de la lutte qui allait s'engager entre l'Europe et l'Empire rétabli. Le Roi avait trouvé l'avis du maréchal fort sensé, et s'y était complétement rallié. Seulement il ne croyait pas qu'il fût plus facile de tenir à Lille qu'à Paris, et son penchant était de regagner tout simplement l'asile d'Hartwell, où il avait goûté pendant six ans un parfait repos, et où il craignait d'être obligé de finir sa vie, grâce aux fautes de ses amis et de son frère. Au surplus, comme Lille était le chemin de Londres, et comme après tout, rester à la frontière, si on le pouvait, valait mieux évidemment, il adopta le plan du maréchal, et lui ordonna d'en préparer l'exécution. Mais une inquiétude le préoccupait, et le maréchal ne laissait pas de la partager dans une certaine mesure. La mémoire, cette dangereuse faculté des Bourbons, lui rappelait que Louis XVI, cherchant à fuir, avait été arrêté à Varennes, et ramené de force à Paris. Il craignait donc qu'une émeute populaire, excitée par les gens des faubourgs et par les officiers à la demi-solde, n'arrêtât sa voiture, et ne l'empêchât de partir. Entrant dans ses craintes, le maréchal convint avec lui d'envoyer les troupes à Villejuif, sous prétexte de leur formation en corps d'armée, et après s'être débarrassé de leur présence de réunir la maison militaire dans le Champ-de-Mars, sous le prétexte, également fort plausible, de la passer en revue, de conduire la famille royale au milieu d'elle, puis de franchir brusquement la Seine, de prendre le chemin de la Révolte, et de gagner par Saint-Denis la route du Nord. Le Roi tomba d'accord de tous ces détails avec le maréchal Macdonald, ne dit rien de ses projets au maréchal Marmont, de l'indiscrétion duquel il se défiait, et ne donna à ce dernier d'autres ordres que de tenir la maison militaire toujours sur pied, et prête à partir pour aller combattre.
Les choses en étaient arrivées à ce point dans la matinée du 19, que personne ne songeait plus à contredire, à présenter des projets, et qu'avec la perspective de voir Napoléon entrer dans Paris sous vingt-quatre heures, chacun ne pensait qu'à se dérober à sa férocité, qu'on se figurait d'après la haine qu'on lui portait. Louis XVIII était donc débarrassé de ses contradicteurs, et quant à son frère le comte d'Artois, à son neveu le duc de Berry, l'évidence du danger ne leur permettait plus d'avoir un avis autre que le sien. Tout fut donc disposé en grand secret le 19 au matin, pour partir dans la journée ou dans la nuit, lorsqu'on n'aurait plus aucun doute sur l'approche de Napoléon.
Conformément au projet adopté, le maréchal Macdonald achemina immédiatement les troupes sur Villejuif, dirigea sur Vincennes les volontaires royaux commandés par M. de Viomesnil, et annonça qu'il se rendrait avec les princes à Villejuif pour y prendre le commandement de l'armée. Ces bruits avaient pour but de tromper le gros du public, mais on ne dissimula guère aux gens de la cour qu'il fallait se préparer à quitter Paris. Aussi toute la journée fut-elle remplie de départs individuels. Moyens employés pour se procurer des fonds. On avait besoin d'argent, et avec un ministre aussi scrupuleux que M. Louis, s'en procurer était difficile. Cependant on parvint à y pourvoir par des moyens parfaitement réguliers. On n'avait pas encore disposé du domaine extraordinaire, qui était administré par la liste civile. Il s'y trouvait pour près de six millions en actions de la Banque, que depuis plusieurs jours on avait eu soin de faire vendre. La liste civile s'en constitua débitrice envers le trésor extraordinaire, et elle les réalisa en or et en argent. Comme on était au commencement de l'année, la liste civile qui était considérable, pouvait prendre une avance de plusieurs millions, et de la sorte on s'en procura encore 5 ou 6, ce qui faisait un total de 11 ou 12. On en confia 4 au trésorier de la maison militaire, et 3 environ à M. de Blacas pour les dépenses de la maison civile. Distributions faites aux principaux personnages de la cour. Quelques millions furent distribués entre les princes, les principaux seigneurs de la cour et les généraux accompagnant la famille royale[5]; puis, ce qui n'était pas aussi régulier, on plaça dans des fourgons les diamants de la couronne, pour les emporter à la suite de la royauté fugitive. Politiquement on croyait n'avoir rien à ordonner, et on n'ordonna rien. On se contenta de prescrire aux ministres de suivre le Roi, mais on ne fit aucune communication aux Chambres. M. de Vitrolles chargé d'aller organiser un gouvernement royal dans le Midi. Seulement M. le duc d'Angoulême et madame la duchesse d'Angoulême se trouvant dans le Midi, où se manifestait beaucoup de zèle en faveur de la cause royale, le duc de Bourbon de son côté étant parti pour la Vendée, il fut convenu que M. de Vitrolles, qui avait toujours paru compter beaucoup sur les provinces de l'Ouest, s'y rendrait afin de servir de ministre responsable soit à M. le duc d'Angoulême, soit à M. le duc de Bourbon, et essayerait d'y former sous l'autorité de ces princes un gouvernement particulier à ces contrées. Il était porteur des pouvoirs du Roi, et devait s'acheminer vers le Midi au moment où la famille royale prendrait la route du Nord.
Pendant toute cette journée du 19 une foule inquiète, curieuse, et visiblement bienveillante, remplit la place du Carrousel, regardant les voitures qui entraient et sortaient, et se doutant par les départs qu'on avait remarqués dans le faubourg Saint-Germain, qu'il s'en accomplirait bientôt un plus important aux Tuileries. Cette foule, bien que dans ses rangs il se cachât plus d'un officier à la demi-solde venu pour observer ce qui se passait, témoignait un intérêt véritable pour la famille royale, et criait de temps en temps Vive le Roi! Dans cette même journée, M. Lainé vint au nom du parti constitutionnel renouveler une dernière fois l'offre de faire une tentative de résistance, en mettant M. de Lafayette à la tête de la garde nationale. On l'accueillit avec politesse, mais sans lui annoncer le prochain départ de la cour, et en laissant voir que pour tout projet il était trop tard. Dans l'après-midi le Roi, d'accord avec le maréchal Macdonald, voulut faire une première sortie pour sonder les dispositions du peuple, et voir s'il aurait la liberté de quitter la capitale. Le maréchal Marmont avait reçu ordre de réunir la maison militaire au Champ-de-Mars, ce qui, prescrit à l'improviste, n'avait pu être exécuté que partiellement. Pourtant le gros de la maison militaire avait répondu à l'appel, et il était convenu que le Roi, sous prétexte d'aller la passer en revue, sortirait des Tuileries, y rentrerait si tout lui semblait paisible, et au contraire si l'aspect de la foule était inquiétant, franchirait la Seine sur le pont d'Iéna, traverserait le bois de Boulogne, et gagnerait la route de Saint-Denis en ordonnant à ses gardes du corps de le suivre.
Il sortit en effet entre deux et trois heures, trouva la foule du Carrousel curieuse, mais paisible, affectueuse même, et s'ouvrant avec respect pour le laisser passer. Il se rendit au Champ-de-Mars, aperçut partout le plus grand calme, et rentra aux Tuileries, dans l'intention de ne partir que dans la soirée même, ce qui lui donnait un peu plus de temps pour ses préparatifs.
Vers la fin du jour, on sut que Napoléon s'était porté sur Fontainebleau, et on ne douta plus de son entrée à Paris le lendemain. Départ de Louis XVIII le 19 au soir. En conséquence, on résolut de ne plus différer le départ. Vers onze heures, la foule des curieux s'étant peu à peu dispersée, on ferma les grilles des Tuileries, et toute la famille royale monta en voiture. Elle se dirigea sur Saint-Denis, sans rencontrer ni résistance ni curiosité, car à cette heure les rues de la capitale étaient entièrement désertes. Le maréchal Macdonald ordonna aux troupes qui n'étaient point encore parties pour Villejuif de prendre le chemin de Saint-Denis, n'ayant pas du reste la moindre espérance de les soustraire à la contagion et de les conserver à la royauté. À minuit, on traversa Saint-Denis, sans avoir essuyé d'autre accident que quelques cris inconvenants d'un bataillon d'officiers à la demi-solde, acheminé dans cette direction. Ainsi, après onze mois, l'infortunée famille des Bourbons, moins par ses fautes que par celles de ses amis, prenait une seconde fois la route de l'exil!
Ignorance du public le 20 mars au matin. Le lendemain, 20 mars, lorsque le jour vint éclairer la solitude des Tuileries, une grande anxiété régna parmi les curieux, accourus comme la veille pour savoir ce qui se passait. On voyait encore des domestiques en livrée, mais on ne découvrait pas un officier, pas un garde du corps, et on remarquait seulement les postes de la garde nationale placés en dehors comme de coutume. Le drapeau blanc flottait toujours sur le dôme principal, quelques cris plus rares de Vive le Roi! se faisaient entendre, mais ceux de Vive l'Empereur! quoiqu'il y eût là beaucoup d'officiers à la demi-solde, n'osaient pas se produire. Bientôt le fatal secret finit par se répandre, et remplit Paris en un clin d'œil. Les personnages principaux des partis, informés les premiers, coururent se le communiquer les uns aux autres, les royalistes avec désespoir, les constitutionnels avec dépit d'avoir été leurrés et inutilement compromis, les chefs du parti bonapartiste avec une joie bien naturelle, car depuis l'arrestation manquée de M. Fouché ils avaient vécu dans des inquiétudes continuelles, et, en ce moment encore, ils ne pouvaient se défendre d'une sorte de crainte, car tant que Napoléon n'était pas aux Tuileries, rien ne leur paraissait décidé. Quelques-uns se rendirent chez le vieux Cambacérès, pour lui demander ce qu'il fallait faire. Il leur recommanda expressément de ne devancer en rien les volontés de Napoléon, qui ne saurait gré à personne d'avoir voulu agir avant lui et sans lui. Comme on lui parlait des caisses publiques, des postes, de tout ce qu'il importait enfin de sauver d'un désordre populaire, Ne vous en mêlez pas, disait-il, tout vaut mieux que de chercher à suppléer l'autorité de l'Empereur.—C'était là le vieil Empire, mais le nouveau n'y pourrait guère ressembler.
M. Lavallette envoie un courrier à Napoléon pour lui apprendre le départ de la cour. M. Lavallette voulut cependant aller aux postes, qu'il avait administrées si longtemps, uniquement pour avoir des nouvelles, ne sachant pas qu'il allait ainsi préparer l'arrêt de mort qui devait le frapper plus tard. Les employés, en le voyant, l'entourèrent, le supplièrent de se mettre à leur tête, et M. Ferrand, le directeur des postes pour le compte de Louis XVIII, lui demanda avec instance de le remplacer, et de lui délivrer à lui-même un permis pour obtenir des chevaux. Ce vieux royaliste, persuadé que les Bourbons avaient succombé non par leurs fautes mais par une conspiration, croyait en voir l'accomplissement dans l'apparition de M. Lavallette, pourtant bien accidentelle. M. Lavallette, étranger à toute conspiration, même à la petite échauffourée des frères Lallemand, se borna à faire partir un courrier pour Fontainebleau, afin de prévenir Napoléon de l'évacuation des Tuileries.
Les officiers à la demi-solde accumulés à Paris font arborer le drapeau tricolore aux Tuileries. À la nouvelle de cette évacuation, les jeunes officiers qui depuis un an remplissaient Paris de leurs propos et de leur opposition, s'étaient transportés à la place du Carrousel au nombre de quelques mille. Le général Exelmans y avait paru des premiers. Après avoir examiné pendant quelque temps ce palais silencieux et désert, sur lequel le drapeau blanc continuait de flotter, ils y pénétrèrent, trouvèrent les domestiques pressés de leur en ouvrir les portes, firent abattre le drapeau blanc et arborer le drapeau tricolore au milieu de la joie des assistants. Tous les grands de l'Empire s'y rendent pour recevoir Napoléon. On se répandit ensuite dans Paris pour chercher les anciens ministres, les anciens dignitaires de l'Empire, MM. de Bassano, de Rovigo, Decrès, Mollien, Gaudin, la reine Hortense et l'ancienne reine d'Espagne, femme de Joseph. En un instant le palais fut rempli des serviteurs de l'Empire, attendant leur maître avec impatience. Un grand nombre de militaires de tous grades étaient allés à sa rencontre sur la route de Fontainebleau.
Napoléon, en effet, parvenu dans la nuit à Fontainebleau, s'y était reposé quelques heures pour attendre sa cavalerie; bientôt il avait reçu le courrier de M. Lavallette, et avait vu M. de Caulaincourt lui-même accourir dans la première voiture de poste qu'il avait pu se procurer. Napoléon avait serré dans ses bras ce fidèle serviteur, et l'avait tenu longtemps pressé sur son cœur. Il résolut de partir sur-le-champ, et d'entrer le jour même à Paris, pour s'emparer du gouvernement sans aucun retard. D'ailleurs le 20 mars était le jour de la naissance de son fils, et il avait la superstition des anniversaires, superstition ordinaire chez ceux qui ont beaucoup demandé à la fortune, et en ont beaucoup obtenu.
Marche de Napoléon de Fontainebleau à Paris. Après avoir donné quelques ordres relatifs à la marche de ses troupes, il quitta Fontainebleau à deux heures, en voiture de poste, ayant avec lui M. de Caulaincourt, et ses fidèles compagnons Bertrand et Drouot. Près de Villejuif il vit venir à lui la plupart des troupes destinées à former l'armée de Melun. L'état-major de cette armée s'était, comme nous l'avons dit, dirigé sur Saint-Denis. Les soldats étaient donc sans chefs, et il n'en était que plus facile pour eux de se livrer à leurs sentiments. Napoléon, après avoir reçu les témoignages de leur enthousiasme, continua son voyage, escorté par une foule d'officiers à cheval, appartenant à tous les régiments. Cette foule retardant sa marche, il n'entra dans Paris que vers les neuf heures du soir. Son arrivée aux Tuileries le 20 mars à neuf heures du soir. Il suivit le boulevard extérieur jusqu'aux Invalides, pour éviter les rues étroites du centre de la capitale, puis il remonta les quais jusqu'au guichet des Tuileries. Le peuple de Paris ignorait son arrivée, et il n'y eut d'autres témoins de cette étrange et prodigieuse restauration impériale, que quelques curieux et la masse des officiers réunis sur la place du Carrousel.
La voiture pénétra dans la cour du palais, sans qu'on sût d'abord ce qu'elle contenait. Mais une minute suffit pour qu'on en fût informé. Scène de son entrée. Alors Napoléon, arraché des mains de MM. de Caulaincourt, Bertrand, Drouot, fut porté dans les bras des officiers à la demi-solde, en proie à une joie délirante. Vive émotion qu'il éprouve. Un cri formidable de Vive l'Empereur! avait averti la foule des hauts fonctionnaires qui remplissaient les Tuileries. Elle se précipita aussitôt vers l'escalier, et formant un courant contraire à celui des officiers qui montaient, il s'engagea une sorte de conflit presque alarmant, car on faillit s'étouffer, et étouffer Napoléon lui-même. On le porta ainsi au sommet de l'escalier, en poussant des cris frénétiques, et lui, pour la première fois de sa vie ne pouvant dominer l'émotion qu'il éprouvait, laissa échapper quelques larmes, et, déposé enfin sur le sol, marcha devant lui sans reconnaître personne, abandonnant ses mains à ceux qui les serraient, les baisaient, les meurtrissaient de leurs témoignages.
Après quelques instants il recouvra ses sens, reconnut ses plus fidèles serviteurs, les embrassa, puis, sans prendre un moment de repos, s'enferma avec eux pour composer un gouvernement.
Caractères et causes de la révolution du 20 mars 1815. Ainsi en vingt jours, du 1er au 20 mars, s'était accomplie cette étrange prophétie que l'aigle impériale volerait sans s'arrêter de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame! Rien dans la destinée de Napoléon n'avait été plus extraordinaire, ni plus difficile à expliquer en apparence, quoique extrêmement facile à expliquer en réalité. Les infortunés Bourbons qui s'en allaient, imputaient cette révolution non pas à leurs fautes, mais à une immense conspiration, qui, à les en croire, embrassait la France entière. Or, de conspiration il n'y en avait pas, comme on l'a vu. À la vérité il avait existé un projet insignifiant de quelques jeunes officiers, dupes de M. Fouché, projet qui avait si peu d'importance, que mis à exécution avec le puissant encouragement du débarquement de Napoléon, il avait complétement échoué. Mais ce projet n'avait eu aucun lien réel avec l'île d'Elbe, puisque M. de Bassano qui le connaissait sans s'y être associé, avait envoyé à Napoléon l'avis du mécontentement public, sans même y ajouter un conseil. Napoléon, peu influencé par cette communication, s'attendant à être prochainement enlevé de l'île d'Elbe, à voir ses compagnons d'exil périr d'ennui ou de misère sous ses yeux, et croyant le congrès dissous, s'était décidé à partir, mû surtout par son activité dévorante, par son audace extraordinaire, et comptant pour traverser la mer sur sa fortune, et pour traverser l'intérieur de la France sur tous les sentiments que les Bourbons avaient froissés. Toute la profondeur de sa conception avait consisté à juger d'une manière sûre, que le sentiment national représenté par l'armée, que les sentiments de quatre-vingt-neuf représentés par le peuple des campagnes et des villes, éclateraient à sa vue, que dès lors moyennant un premier danger vaincu, il entraînerait à sa suite le peuple et l'armée, et arriverait d'un trait à Paris suivi des soldats envoyés pour le combattre. Il s'était donc embarqué avec sa foi accoutumée dans son étoile, avait heureusement traversé la mer, avait débarqué sans difficulté sur une côte gardée à peine par quelques douaniers, puis entre deux routes, celle des Alpes semée d'obstacles physiques, celle du littoral semée d'obstacles moraux, avait préféré la première, et trouvant à La Mure un bataillon qui hésitait, l'avait décidé en lui découvrant hardiment sa poitrine. Ce jour-là la France avait été conquise, et Napoléon était remonté sur son trône! Ainsi un acte de clairvoyance consistant à lire dans le cœur de la France blessée par l'émigration, un acte d'audace consistant à entraîner un bataillon qui hésitait entre le devoir et ses sentiments, étaient, avec les fautes des Bourbons, les vraies causes de cette révolution étrange, et bien ordinaire, disons-le, tout extraordinaire qu'elle puisse paraître! Était-il possible en effet que l'ancien régime et la Révolution, replacés en face l'un de l'autre en 1814, se trouvassent en présence sans se saisir encore une fois corps à corps, pour se livrer un dernier et formidable combat? Assurément non, et une nouvelle lutte entre ces deux puissances était inévitable. Napoléon, il est vrai, en s'y mêlant, lui donnait des proportions européennes, c'est-à-dire gigantesques. Sans lui cette lutte aurait été peut-être moins prompte; peut-être aussi n'aurait-elle point provoqué l'intervention de l'étranger, et dans ce cas il faudrait regretter à jamais qu'étant inévitable, elle eût été aggravée par sa présence. Mais ce point est fort douteux, et probablement l'étranger en voyant les Bourbons renversés par les régicides, n'aurait pas été moins tenté d'intervenir qu'en voyant apparaître le visage irritant du vainqueur d'Austerlitz!
Profond chagrin des gens éclairés. Quoi qu'il en soit, au milieu de la joie délirante des uns, de la consternation naturelle des autres, les patriotes éclairés qui auraient souhaité que la liberté modérée s'interposant entre l'ancien régime et la Révolution, fît aboutir leur dernier conflit à des luttes paisibles et légales, et que ce conflit ne devînt pas un dernier duel à mort entre la France et l'Europe, devaient être profondément attristés. Aussi la bourgeoisie, comprenant de ces patriotes plus qu'aucune autre classe, sans regretter les émigrés, sans repousser Napoléon qui lui plaisait par sa gloire, était incertaine, inquiète, sans larmes dans les yeux, sans joie au visage, et à peine curieuse, tant elle prévoyait de tristes choses qu'elle avait déjà vues, et qui l'alarmaient profondément. Les événements devaient bientôt justifier ses pressentiments douloureux!
FIN DU LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME.