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Jusqu'à la fin du monde

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IN EXTREMIS

En ce temps-là je vivais le plus possible sous la futaie. Sauf pendant les heures occupées à la rédaction de mon livre, je ne restais guère à mon logis que pour les repas et le sommeil. Et même, les jours où j’accordais du loisir à ma plume, emportant une collation simplifiée, je le quittais dès l’aube et n’y rentrais qu’à la nuit close. Encore m’arrivait-il de découcher, comme on va le voir.

Je me sentais si heureux, tellement en famille parmi les arbres que j’ai rêvé bien souvent de me construire une cabane au plus épais du couvert ou d’aménager à mon usage quelque cavité dans les rochers. Là, j’aurais mené, seul avec Dieu, la vie érémitique. Déjà, antérieurement à mon entrée dans l’Église, je cultivais mon goût inné de la solitude. Mais alors mes retraites intermittentes dans les grands bois ne se vouaient qu’à la littérature. Férue d’illusions païennes, mon imagination les peuplait de dryades et de faunes et les poèmes qui en résultaient ne cessaient de moduler, selon des rythmes sylvestres, la louange de Pan. Il me plaisait qu’on dît de moi :

Fortunatus est ille deos qui novit agrestes.

Aujourd’hui, quelle différence ! Ce n’était plus la chimère du panthéisme qui m’égarait au gré de ses caprices. Je connaissais la Vérité unique. L’âme et l’esprit comblés d’une joie radieuse, j’étais le servant de Jésus-Christ : je sentais mon cœur battre à l’unisson du sien. La forêt en prit une signification plus large et plus haute. Elle me fut le sanctuaire où règne le Saint-Esprit, où l’oraison contemplative se nourrit d’images d’une splendeur éblouissante, s’illumine de clartés toujours accrues, s’élève, par des intuitions magnifiques, jusqu’au sentiment intégral de la présence divine. Qu’il est vivifiant pour l’âme le souffle du Paraclet à travers les frondaisons !…

Donc j’allais par les sentiers, éperdu d’amour de Dieu, mêlant mon allégresse aux parfums que diffusaient, comme un arome liturgique, les essences résineuses, aux hymnes du vent dans les feuillages. Ma prière continuelle, non formulée par les pauvres mots dont usent les langues humaines mais toute en élans d’adoration sans limite, suivait le chœur des bouleaux et des pins, s’enflait, puis décroissait, puis s’enflait de nouveau, selon la brise émouvant les ramures. Et c’était pareil tantôt aux accords graves d’orgues éoliennes, frôlées par les ailes des anges, tantôt aux cantilènes de l’océan, alors que ses vagues alanguies s’étalent, avant de mourir, sur le sable des grèves.

Lorsque, après des marches prolongées dans les taillis débordant de fougères exubérantes, je m’asseyais au pied d’un vieux chêne revêtu de mousse et de lierre, j’écoutais ce patriarche m’enseigner les secrets de la sagesse végétale. Ou bien, vers midi, quand le soleil s’insinue dans la pénombre des futaies et sème des médailles d’or palpitant sur l’herbe des clairières, je m’imprégnais du vaste silence qui descend des feuillages assoupis. Absorbant la forêt, irradiant la prière, je me tenais tellement immobile que les biches, avec leurs faons, sortaient du fourré, s’avançaient à quelques pas, tendaient leur fin museau vers moi et paraissaient se demander quel était cet être si tranquille dont l’instinct leur disait qu’elles n’avaient rien à craindre. D’autres fois, c’était un cerf, à la ramure majestueuse, qui d’un peu plus loin me regardait longuement avec une curiosité où subsistait quelque méfiance. Enfin, rassuré, il se remettait à brouter et l’on eût dit qu’il comprenait que je n’étais pas un de ces tortionnaires bottés qui, sous prétexte de chasse à courre, traquent et massacrent le noble animal dont leur stupide barbarie aime à voir couler le sang…

J’emportais d’ordinaire sous bois un tome des œuvres de sainte Térèse et que de progrès dans la vie spirituelle je dois à cette merveilleuse conseillère des âmes portées à suivre partout Notre-Seigneur ! Comme elle indique, avec une clarté suprême, les privilèges, les souffrances et les dangers de l’état mystique ! A son école, j’appris les beautés de la théologie. Ce ne fut pas l’étude de quelque traité aride mais une initiation vécue à ce qu’il y a de plus intensément religieux aux profondeurs de notre être. Onde si fraîche et si brûlante à la fois où je me plonge, miroir infiniment pur où se reflète la face même de Dieu : la doctrine de sainte Térèse.

Très souvent la méditation de ces pages sublimes me ravissait au point que j’oubliais l’envolement des heures. J’avais couvert des kilomètres sans m’en apercevoir et quand je reprenais conscience des choses extérieures, il arrivait que je me trouvasse à une distance considérable d’Arbonne. Notamment ce fut le cas par un crépuscule qui commençait à noyer d’ombres bleues les lointains de la forêt. Je constatai que je suivais la crête d’une chaîne de collines rocheuses, ambitieusement nommées sur les cartes : les monts de Fay. J’étais à peu près à une lieue de Gougny-en-Bierre. Outre la nuit approchant, des nuages bas et plombés venaient de l’ouest et menaçaient de se résoudre en pluie.

L’abbé Moret m’ayant dit, une fois pour toutes, qu’il me recevrait toujours volontiers au presbytère, je n’hésitai pas à gagner sa paroisse, car j’étais assuré de trouver chez lui un accueil empressé, un lit et de quoi manger. Le repas serait sommaire et la couche peu moelleuse, mais cela m’était fort indifférent. A cette époque, en effet, je jouissais d’une santé robuste ; ma sotte carcasse n’exigeait pas l’attention qu’il me faut maintenant lui concéder. Et puis, ce qui emportait tout, j’aurais le plaisir d’écouter, une soirée tout entière, la parole de ce prêtre évangélique.

Je me dirigeai donc vers Gougny. Chemin faisant, je distinguai, à ma droite, une croix de fer qui surmontait un piédestal d’élévation médiocre et taillé dans le grès de la forêt. Une inscription y était gravée mais l’obscurité qui régnait déjà sous les arbres m’empêcha de la déchiffrer. Je conjecturai que ce monument commémorait un assassinat. La pluie imminente fit que je ne m’arrêtai pas pour vérifier mon hypothèse en frottant des allumettes.

La nuit était tout à fait tombée quand j’atteignis le presbytère. L’abbé Moret se tenait dans la cuisine. Debout devant une table sans nappe, il soupait d’une tranche de pain bis, d’un morceau de fromage et d’un oignon assaisonné de gros sel. Pour boisson, un pot de piquette. Il me coupa du pain, éplucha un second oignon, poussa vers moi l’assiette au fromage et, me remettant un couteau ébréché, me dit avec un bon rire : — Régalez-vous, cher ami !… Je ne me fis pas prier car j’avais grand’faim.

Tout en jouant de la mâchoire, je lui demandai ce que signifiait cette croix que j’avais remarquée un quart d’heure auparavant.

— Je puis d’autant mieux vous renseigner, me répondit-il, que j’ai joué un rôle dans le dernier acte du drame rappelé, là-bas, par ce signe de notre salut. Et, sans autre préambule, il me raconta ce qui suit :

— La croix en question fut élevée par les gardes de la forêt à la mémoire d’un des leurs, tué à l’endroit même où vous l’avez vue. Le piédestal porte la date du meurtre et le nom de la victime : Victor Sampité. Sorti du service militaire comme sous-officier, pourvu d’excellents certificats, ce garde était au service du Haut-Sucrier qui a loué à l’État le droit de chasse à courre et au fusil dans la forêt. Il s’était marié dès sa libération, sa femme lui avait donné une petite fille et, au moment du crime, attendait un autre enfant. Le ménage occupait cette maison forestière que vous avez dû repérer à la sortie du village, sur la route de Fontainebleau. Sampité s’acquittait de sa fonction avec une rigueur peut-être excessive. En général, les gardes montrent plus de mansuétude. Quand leur zèle du début a jeté son premier feu, il se conclut entre eux et les braconniers — qui pullulent dans la région, comme vous le savez — un pacte tacite qui leur vaut une réputation de « bon enfant » et, ce qui leur importe par-dessus tout, une espèce d’assurance sur la vie. Ce n’est pas qu’ils feignent absolument d’ignorer tous les délits qu’ils ont le devoir de réprimer. Mais tant que les délinquants ne se font pas prendre sur le fait, ils ne protègent le gibier que d’une façon relative. Ils ne dressent pas d’embuscades ; s’ils découvrent un piège, ils l’enlèvent mais ils ne se donnent guère le tracas de rechercher celui qui l’a posé.

Sampité n’admettait pas qu’on louvoyât de la sorte avec la consigne. Non seulement il appliquait à quiconque les règlements mais encore il déployait une activité sans égale à pourchasser l’adversaire. Infatigable, il multipliait les tournées dans la forêt. Il passait des nuits à guetter les chiens en maraude et à dénoncer les ruses de la braconne. Et les procès-verbaux grêlaient. Comme vous le pensez bien, cette vigilance assidue, cette rigidité dans l’application de la loi, lui suscitèrent des haines. Les paysans, jouant sur son nom, l’appelaient Sans-Pitié. Et les plus vindicatifs ne se faisaient pas faute de souhaiter tout bas qu’il reçût, comme par hasard, quelque mauvais coup.

Un de ceux qui entrèrent le plus souvent en conflit avec lui se nommait Alcide Rablot. Il possédait une petite aisance et pour l’entretenir, tenait un commerce d’épicerie et de bimbeloterie à Macherin. Cependant, célibataire, il ne s’en occupait pas beaucoup, il en déléguait l’administration à sa sœur, veuve quadragénaire qui vivait avec lui. Chasseur enragé, non par esprit de lucre mais par un penchant irrésistible, ce Rablot ne concevait d’occupation plus attrayante que de dépister le poil et la plume dans la plaine et dans le bornage. L’arme au poing, la carnassière au dos, il battait tout le jour les buissons ou les emblavures et il ne rentrait que rarement bredouille, car c’était un tireur de premier ordre. A cela, rien à dire. Mais Rablot ne se contentait pas de chasser en temps légal. Les mots : « fermeture de la chasse » ne représentaient pour lui qu’une formule saugrenue et ne méritant que le plus complet dédain. Aussi, quelle que fût la saison, il se livrait à un braconnage intensif, plaçant des collets pour les lièvres, prenant au nœud coulant des chevreuils, panneautant les perdrix, s’adonnant aux affûts clandestins — bref, causant plus de ravages que vingt autres Nemrods rustiques, ses émules. Il était, d’ailleurs, secondé par un chenapan, venu l’on ne sait d’où, connu seulement sous le prénom d’Alexandre et auquel il donnait l’hospitalité. Ce réfractaire, je le définirai d’une phrase : il n’avait ni métier avouable ni sens moral et semblait installé dans l’illicite comme dans un domaine lui appartenant de droit.

Rablot, lui, n’était pas foncièrement pervers. Assez intelligent, hableur, jovial, fréquentant le cabaret mais pas jusqu’à l’ivresse coutumière — tandis qu’Alexandre chancelait presque toujours entre deux vins — il se montrait d’abord facile, rendait volontiers service et était très populaire dans le pays. J’ajoute qu’il ne mettait jamais les pieds à l’église et paraissait fermé à toute croyance religieuse. Il y avait là indifférence mais pas du tout hostilité, car, lorsqu’il me croisait, il me saluait très poliment et ne craignait pas d’échanger quelques propos courtois avec moi.

Mais, direz-vous, puisque Rablot était après tout un brave homme, n’ayant que le tort de considérer le gibier ainsi qu’une propriété commune, abusivement détournée par les locataires de la chasse, pour quelle raison s’était-il si fort lié avec le détestable Alexandre ? Je crois qu’on peut s’expliquer la chose. Chez Rablot, le goût de la chasse était une passion à laquelle il vouait toutes ses facultés et qui régissait son existence entière. Alexandre, possédant une foule de recettes pour la destruction du gibier, lui devint un aide indispensable dont il ne voyait plus les vices. Ou, s’il les distinguait, il estimait probablement que les dons spéciaux du gredin compensaient largement ses tares. Et puis, il ne faut pas oublier que Rablot, personnage en somme assez fruste, ne possédait pas une grande délicatesse de sentiments.

Vu le caractère de Sampité et les habitudes déprédatrices de Rablot et d’Alexandre, la lutte s’exaspéra entre l’un et les autres. Il serait trop long d’en décrire par le menu les péripéties. Je relèverai seulement qu’elle produisit une animosité réciproque et d’autant plus aiguë que c’était un duel d’amour-propre où chacun se jurait de l’emporter. Plusieurs fois, malgré les ruses de ses antagonistes, Sampité eut la satisfaction de les prendre en flagrant délit et de dresser des procès-verbaux qui les conduisirent en correctionnelle. Des condamnations à l’amende furent prononcées. Rablot payait mais, loin de se corriger, il n’en montrait que plus de persistance à détruire le gibier du secteur de forêt que surveillait Sampité. Et lorsqu’il avait réussi quelque exploit dont il était impossible de le convaincre formellement, il s’arrangeait pour rencontrer le garde en terrain neutre et pour lui décocher, devant témoins, des phrases à double sens qui le mettaient hors de lui.

— Tu peux blaguer, ripostait le fonctionnaire, blême de fureur, je t’aurai et nous verrons celui qui rira le dernier…

Mais Rablot haussait les épaules, lui tournait le dos et s’en allait en sifflotant la sonnerie d’hallali.

La guerre continua, sournoise et sans trêve jusqu’à un certain soir où les deux braconniers se firent surprendre de nouveau par Sampité. Je ne sais au juste quel était l’objet du délit mais ce devait être grave car, comparaissant pour la cinquième ou sixième fois devant le tribunal, il leur fut infligé quinze jours de prison. On m’a dit depuis qu’au cours des débats, Rablot soutint que Sampité avait exagéré les faits pour obtenir une condamnation sévère. Mais le garde s’en défendit vivement. Et comme il était assermenté, les juges lui donnèrent raison.

Les condamnés ne récriminèrent pas ; ils subirent leur peine. Et l’on fut étonné qu’à leur retour, ils ne se répandissent point en bravades et en défis au garde comme c’était antérieurement leur coutume. Même ils semblaient assagis, car trois mois passèrent sans qu’il y eût prétexte à sévir contre eux. Sampité triomphait bruyamment : — Ah ! les bougres, disait-ils, je les ai matés !… Stimulé par son succès, félicité par ses supérieurs, il redoubla de vigilance au point qu’en peu de temps, d’autres braconniers furent pincés par ses soins et punis conformément aux lois, de sorte que de nouvelles rancunes s’ajoutèrent à celles qu’il avait déjà suscitées. A diverses reprises, plusieurs de ses victimes tinrent des propos violents à son sujet. Mais l’on remarqua que ni Rablot ni Alexandre ne faisaient chorus. Ils écoutaient en silence, s’appliquaient à garder une mine impassible et, si l’on insistait pour obtenir leur avis, se dérobaient comme s’ils redoutaient de se compromettre.

Les choses en étaient là quand, — il y aura sept ans au mois d’octobre — par une nuit sans lune et brumeuse, Sampité quitta la maison forestière pour une tournée sous-bois. Comme à son habitude il était parti entre minuit et une heure après avoir prévenu sa femme qu’il comptait rentrer au lever du soleil. La matinée s’écoula sans qu’il fût de retour. Vers midi, Mme Sampité, inquiète, tourmentée d’un pressentiment lugubre, alla prévenir le maire qui partagea ses appréhensions et avertit les autres gardes de cette absence insolite. Ceux-ci se mirent, en groupe, à la recherche de leur collègue. Vers deux heures de l’après-midi, à la crête des monts de Fay, ils découvrirent Sampité couché la face contre terre et frappé de deux coups de fusil, l’un à la cuisse droite, l’autre au cœur. Il devait être mort depuis longtemps car le cadavre était glacé et déjà tout raide. Les gardes, effarés, ne prirent pas la précaution d’envoyer quelqu’un en avant pour annoncer avec ménagement la catastrophe et, dans leur désarroi, au lieu d’aller déposer le corps à la mairie, ils le transportèrent directement à la maison forestière. Mme Sampité se tenait, pleine d’angoisse, sur le seuil. Quand elle vit le funèbre cortège déboucher du bornage, elle devina tout de suite ce qui était arrivé. Elle accourut et se jeta, en poussant des cris affreux, sur son mari… On s’efforça de l’en arracher mais voici qu’elle était morte, en mettant au monde, dans une mare de sang, un enfant qui ne vécut que quelques minutes !…

Ce crime, avec son horrible contre-coup, souleva une grande émotion. Le parquet, la gendarmerie, des agents expérimentés multiplièrent les enquêtes. Mais malgré les recherches les plus minutieuses, on ne réussit pas à découvrir le ou les meurtriers. Vous savez, du reste vous qui vivez depuis longtemps à la campagne, combien il est difficile de faire parler les paysans. Pour eux, l’autorité, c’est une étrangère qu’ils entendent tenir le plus possible à l’écart de leurs affaires.

— Rien de plus exact, approuvai-je, avant de me fixer à Arbonne, j’ai habité sept ans un village où il y eut deux morts violentes. En ce qui concerne la première, les ruraux se désignaient entre eux le coupable ; cependant nul ne le livra. Pour la seconde, la justice ne fut même pas alertée.

— Eh bien, reprit l’abbé Moret, l’assassinat de Sampité n’eut pas de suites immédiates. Alexandre et Rablot se trouvaient parmi les plus soupçonnés. Mais on eut beau les interroger, les retourner, les observer, les menacer, on ne réussit pas à établir leur culpabilité d’une façon assez évidente pour motiver leur arrestation. Ils invoquaient un alibi que personne ne vint démentir.

A la longue, la justice dut reconnaître son impuissance. Le crime resta impuni. La petite orpheline que laissaient les Sampité fut confiée à des cousins. L’oubli commença de se faire et il est très probable qu’on n’aurait jamais connu la vérité si la Providence, intervenant, ne l’avait dégagée de l’ombre où elle gisait ensevelie.

Sampité disparu, il était à croire que Rablot ne tarderait pas à exercer de nouveau son activité braconnière — d’autant que le remplaçant du garde assassiné, ne se souciant sans doute pas de subir un sort analogue, ne manifestait guère de zèle et s’appliquait à passer pour inoffensif. Mais voici que Rablot semblait avoir perdu jusqu’au goût de la chasse. Même en temps licite, la carabine au ratelier, la gibecière jetée dans un coin, le chien bâillant dans sa niche, les mains dans les poches, il se tenait au logis, à suivre, d’un œil morne, les allées et venues de sa sœur et des clientes de l’épicerie. Ou s’il en sortait, c’était pour des promenades solitaires et sans but dans le voisinage. A diverses reprises des moissonneurs lui signalèrent des compagnies de perdreaux faciles à débusquer. Il les écouta d’un air absent, comme si l’information ne le touchait pas et persista dans son inaction. Plus encore, il prit en grippe les mœurs d’Alexandre, ne l’accompagna plus au cabaret et refusa désormais de favoriser ses rapines nocturnes. Il y eut certainement entre eux quelque explication orageuse à huis-clos, car le maraudeur quitta d’abord la maison puis bientôt le village en proférant des injures et des menaces confuses à l’adresse de celui qui avait été son hôte exagérément bénévole.

A peine Alexandre eut-il délivré le pays de sa peu regrettable personne, qu’on apprit son décès. Ivre, il s’était couché sur les rails du chemin de fer, près de Melun. Un rapide l’avait broyé. Accident ou suicide ? On ne l’a jamais su.

Dès le lendemain, la nouvelle, relatée par un journal, vint au village et produisit sur Rablot une impression extraordinaire. Tandis que les gens de Macherin la commentaient sans beaucoup d’étonnement, vu l’intempérance célèbre d’Alexandre, lui en parut étrangement bouleversé. Il n’émit pourtant aucune réflexion insolite mais il offrit aux observateurs une physionomie tellement terrifiée qu’ils en conclurent que, malgré la brouille, ses relations avec le défunt lui tenaient plus à cœur qu’on ne l’aurait cru.

De ce jour Rablot changea à vue d’œil. Une tristesse profonde le rongeait. Il n’y avait plus trace du bon vivant, à la voix sonore, aux gestes exubérants qui faisait retentir le village du bruit de ses exploits en tous genres. Quelques semaines le maigrirent, le pâlirent, firent de lui le fantôme pitoyable du joyeux garçon de naguère. Oisif, il errait çà et là, frôlant les murs, évitant les conversations, — comme à la recherche perpétuelle d’on ne sait quoi. Puis, on cessa de le voir : il gardait la maison, usait les heures affalé dans un fauteuil, concentré en une songerie morose et ne répondait aux questions inquiètes de sa sœur que par cette phrase sommaire : — Je pense à quelque chose qui ne regarde que moi… T’en occupe pas…

Bientôt il se mit au lit n’en bougea plus et déclina rapidement. Des amis vinrent le voir qui s’efforcèrent de le remonter. Il ne les renvoyait pas, mais il marquait si peu d’intérêt à leurs dires, il demeurait le regard si obstinément fixé au plafond que les visiteurs, pris de malaise, ne tardaient pas à se retirer tout déconcertés.

Sa sœur, alarmée de cette singulière maladie, appela le médecin. Celui-ci fut reçu comme tout le monde, avec une totale indifférence. Rablot lui affirma qu’il ne souffrait de nulle part. Il y a seulement cela, dit-il, que je me sens très faible et que je crois qu’on peut raboter les planches pour mon cercueil. Et puis tout m’est égal !…

Le docteur, ne sachant trop que prescrire, recommanda vaguement les fortifiants. Rablot ne protesta point quand sa sœur aligna sur la table de nuit des fioles et des boîtes de pilules. Mais il s’abstint d’y toucher.

Comme de raison, l’état de cette âme me préoccupait et surtout depuis qu’étant tout à fait en bons termes avec le médecin, je lui avais demandé ce qu’il fallait penser du cas de Rablot. Or il me confia que ce mal lui semblait relever de ma compétence plutôt que de la sienne.

Le jour où je fus renseigné de la sorte, la soirée était trop avancée pour que je me rendisse à Macherin. Je décidai donc d’attendre au lendemain, et, dès ma messe dite, d’aller chez Rablot. Je ne craignais pas d’être rebuté car sa sœur pratiquait d’une façon assez suivie et lui-même, je vous l’ai dit, m’avait toujours témoigné de la déférence. Mais Dieu abrégea le délai, voici comment.

Vers dix heures, je venais de terminer la récitation de mon bréviaire et j’allais monter me coucher quand la sonnette de l’entrée retentit avec violence. Si tard, ce ne pouvait être que pour une raison grave. Je me hâtai d’ouvrir et, à la clarté de la lune, je reconnus Henri Brevard, un jeune bûcheron de Macherin qui avait été l’un de mes enfants de chœur jusqu’à sa première communion et que je comptais, à présent, parmi les membres les plus assidus de ma société de tir. Il tenait sa bicyclette par le guidon et m’apparut très pressé.

— Bonsoir, Henri, lui dis-je, il y a donc le feu que tu as sonné si fort ?

Tout essoufflé de sa course, il me répondit :

— Ah monsieur le Curé, j’avais peur que vous soyez déjà endormi et je voulais vous réveiller le plus vite possible. Excusez-moi, mais Rablot est très mal ; on croit qu’il ne passera pas la nuit. Il vous réclame et comme il a également fait chercher le maire et l’adjoint, on suppose qu’il a quelque chose d’important à régler avant la fin. C’est sa sœur qui m’envoie et elle m’a chargé de vous prier de ne pas perdre une minute. Aussi, j’ai pris ma bécane.

— Tu as bien fait, et le plus simple c’est que j’enfourche la mienne et que je t’accompagne.

Ainsi côte à côte, nous fûmes vite rendus à Macherin car la nuit était sereine et la route en bon état. Dans l’épicerie, avec la sœur de Rablot, tout agitée de chagrin et d’angoisse, je trouvai le maire, M. Brice, qui est ce gros marchand de bois que vous connaissez et son adjoint, le boulanger Tourette. Tous deux semblaient fort étonnés de cette convocation à une heure aussi tardive. Après des salutations brèves, je me tournai vers la sœur de Rablot. Mais je n’avais pas ouvert la bouche qu’elle s’écria : — Je vous en supplie, Messieurs, montez tout de suite voir Alcide. Il dit qu’il va mourir et qu’il ne veut pas s’en aller sans avoir fait, devant les autorités, une révélation qui lui pèse sur le cœur !…

Il n’y avait pas à délibérer. Brevard se retire. Nous gravissons l’escalier et nous pénétrons dans la chambre du malade. Étant donnée mon expérience des agonies, je saisis immédiatement que le pauvre homme était en effet bien bas : sa face, jadis rubiconde, était livide, luisait comme enduite d’une sueur funèbre et ses doigts décharnés griffaient le drap comme s’il tâchait de le ramener par-dessus sa tête. Aussitôt qu’il nous aperçut, il eut une exclamation de joie et fit un effort pour nous accueillir : — Ah ! vous êtes bons d’être venus quand je vous appelais ! Vous m’écouterez, n’est-ce pas ? Mais il ne faudrait pas m’interrompre parce que je n’ai plus de forces et c’est important que j’aille jusqu’au bout de ce que je me suis juré de vous apprendre. Asseyez-vous tout près de moi.

Faire des cérémonies eut été fort intempestif en la circonstance. Chacun prit une chaise et nous nous penchâmes vers le moribond.

Alors, d’une voix lasse mais parfaitement distincte, et où l’on percevait la volonté de se libérer d’une obsession longtemps secrète, Rablot prononça cet aveu : — C’est Alexandre et moi qui avons tué Sampité…

Le maire et Tourette tressaillirent. La sœur poussa un gémissement lugubre. Et je ne pus retenir un geste d’épouvante. Rablot nous lança un regard de détresse et se tordit les mains. Lamentable, il reprit : — Je le savais que je vous ferais horreur… Et pourtant je dois parler ou ce serait pour rien que j’aurais tant souffert à me rappeler mon crime… Par pitié, ne me tournez pas le dos, écoutez-moi !…

J’intervins : — Mon ami, dis-je, c’est Dieu qui vous inspira de nous révéler cette faute affreuse. Qu’Il en soit béni… Maintenant, vous vous repentez et le sang versé crie contre vous. Soulagez donc votre âme en peine. Nous vous écouterons.

Rablot me fit un signe de gratitude. Une lueur ranima ses prunelles presque éteintes et il reprit : — Quand nous sommes sortis de prison, nous étions furieux d’avoir eu le dessous avec Sampité ; nous n’avions qu’une idée : nous venger de lui. Mais je crois que, dès lors, Alexandre avait résolu de supprimer notre ennemi tandis que moi, je ne voulais que lui donner une correction dont il se souviendrait longtemps. Ce n’est pas tout de suite que nous avons causé là-dessus. Où nous nous étions mis d’accord, c’était pour faire semblant d’être intimidés et pour éviter toute occasion de procès-verbal afin qu’il ne se doute pas que nous mijotions une revanche. Et c’est ainsi, que, pendant trois mois, nous avons suspendu la braconne. Sûrement, je rageais de laisser le gibier en repos et je n’arrêtais pas de rouler dans ma tête des combinaisons pour réduire Sampité. J’en rabâchais à l’oreille d’Alexandre mais lui me répétait : — Patience, nous ferons le nécessaire… Et, en disant cela, il avait un rire en coin qui n’annonçait rien de bon pour le garde.

Le jour du crime, il sut m’entraîner à boire dès le matin. D’ordinaire, quand nous ribotions ensemble, l’alcool me faisait jacasser, chanter, cabrioler jusqu’à l’abrutissement final. Mais, cette fois, je n’avais pas envie de rire. Plus je buvais, plus je devenais sombre. Cette pensée me taraudait la cervelle et ne me quittait pas : flanquer une telle leçon à Sampité qu’il n’oserait plus nous espionner. Je proposai ceci : le surprendre à la brune, nous masqués et déguisés, le plonger dans le lavoir de Gougny et lui garder la tête sous l’eau jusqu’à qu’il soit presque asphyxié. Comme il faisait froid, il attraperait tout au moins une fluxion de poitrine. Ça le calmerait et, durant qu’il serait à se soigner, nous aurions le champ libre.

— C’est pas suffisant, répondit Alexandre, ce fouinard de malheur est solide, il n’attrapera même pas un rhume.

Et il m’entonnait de l’eau-de-vie.

La nuit venue, il jugea que j’étais à point. Il me fixa de ses vilains yeux couleur de boue et il me dit sans plus de mitaines : — La question, ce n’est pas d’inventer une farce de gosse, c’est d’écarter définitivement Sampité de notre chemin. Je l’ai suivi de près, depuis une quinzaine, et je sais qu’il passera vers une heure aux monts de Fay. Il y a du brouillard ; dans un moment, tout le monde sera couché et personne ne nous verra sortir du village. Nous prendrons nos fusils et nous irons nous tapir à un endroit que j’ai repéré et quand il arrivera, — paf ! nous lui casserons une patte ou deux.

Quoique j’étais bien saoul, ça me parut excessif. Je me récriai car, — j’en fais serment devant Dieu — je n’avais jamais eu le désir d’estropier notre ennemi. Une râclée, soit, du sang, non !…

Alexandre m’écoutait la bouche tordue de mépris et me traitait de foie-blanc. Puis, remplissant mon verre, il se mit à me rappeler, avec des mots venimeux, toutes les vexations que le garde nous avait faites et cet air qu’il avait de se ficher de nous depuis notre condamnation. Tout ce baratage de mes ennuis finit par me mettre sérieusement en colère et aussi je buvais coup sur coup sans y prendre attention. Résultat, je m’écriai : — Eh bien, ça y est, va pour le fusil et lâche qui s’en dédit !…

A présent, j’étais comme fou et j’avais un brasier sous le crâne. Nous chargeons nos fusils à balle, nous gagnons la colline et nous nous accroupissons dans un fossé plein de fougère où nous étions très bien cachés. Vers une heure, comme Alexandre l’avait prévu, voilà Sampité qui s’amène. Il marchait lentement, sans méfiance et il faisait la mine d’un qui a sommeil et qui ne serait pas fâché d’avoir fini sa tournée. Sitôt qu’il nous eut dépassés, Alexandre me chuchote : — Tire à la jambe droite, moi, je vise la gauche…

Sans raisonner, sans hésiter, j’ajuste et je presse la détente — mais Alexandre réserve son coup.

Sampité trébuche, pousse un cri et s’écroule.

— Allons regarder sa gueule de près, me souffle Alexandre. Nous approchons ; le garde nous voyant surgir devant lui, tandis qu’il essayait de se relever, nous dévisage tour à tour. Je ne sais quelle figure je faisais mais j’étais dégrisé et déjà je regrettais d’avoir tiré. Mais Alexandre avait un regard si terrible que Sampité se sentit mort. Il se souleva, comme il put, sur son coude et me dit d’une pauvre voix chevrotante que j’entends toujours : — Rablot, j’ai une femme et un enfant et je vais en avoir un autre !…

Je l’aurais secouru, je le jure, mais, avant que j’aie fait un pas, Alexandre hurle : — Tais-toi, canaille !… Il met en joue, vise droit au cœur et tire. Sampité retombe, avec un grand râle. Une seconde, et tout fut fini…

Rablot, épuisé, se renversa sur l’oreiller. Il tremblait, de grosses gouttes de sueur lui glissaient du front. — A boire, murmura-t-il, j’ai encore un peu à dire…

Sa sœur lui apporta une tasse de tisane et lui essuya le visage. Puis, sans que j’eusse besoin de l’encourager, il reprit : — Vous savez comment nous avons réussi à éviter l’arrestation. Tant que durèrent les recherches, j’étais surtout préoccupé de ne pas fournir d’indices à la gendarmerie ; j’avais peur de la guillotine et cela m’empêchait d’examiner ce qui se passait en moi. Mais lorsqu’il devint à peu près certain que je ne serais pas découvert, voilà que je ne pouvais plus penser qu’à cette horrible affaire. Je revoyais le meurtre de Sampité et, aussi, la mort de sa femme et de son enfant telle qu’on me l’avait racontée. C’était comme si l’on me trouait le cœur et la tête avec une vrille. J’en parlais à ce misérable Alexandre et pas pour m’en vanter — ah ! certes non ! — Mais lui semblait tout à fait insensible. Il se moquait de moi et il n’avait qu’un refrain : — Personne ne nous embêtera plus… Une brute, une pierre, je vous dis !

Cette façon ignoble d’envisager notre crime me dégoûta si fort que je ne tardai pas à l’exécrer. Vivre sous le même toit qu’un pareil individu me fut insupportable. Je lui signifiai de déguerpir. Lui prétendit d’abord s’incruster. Alors, je lui déclarai que s’il s’entêtait j’irais nous dénoncer tous les deux à la police. Et je crois que je l’aurais fait, car j’aimais mieux n’importe quoi que de subir plus longtemps sa présence. Il comprit que ce n’était pas une phrase en l’air et il partit en me crachant de la haine à la figure.

Une fois seul je me sentis d’abord un peu soulagé. Mais quand je lus sur le journal comment, quelques jours après, il avait été écrasé par un train, j’eus froid dans les os. Je ne suis pas assez instruit pour vous expliquer très nettement tout ce que j’éprouvais. Ce que je puis vous affirmer, parce que c’est la vérité même, c’est qu’il y eut comme une voix, au dedans de moi, qui me répétait : Alexandre a reçu sa punition, tu recevras la tienne !…

Depuis ce moment, je n’ai plus eu jamais faim, je n’ai plus dormi. Et puis la chasse, cela me dégoûtait : rien que de regarder mon fusil me donnait la nausée ; je voyais du sang sur la crosse ! Et enfin, continuellement, j’entendais Sampité me demander la vie et je me représentais sa femme cramponnée à son cadavre. Ça, c’était le plus atroce ! J’en meurs, frappé par le Bon Dieu — et je trouve que c’est juste…

Il se tut, joignit les mains et ferma les yeux. Dans la chambre, on n’entendit plus que sa respiration haletante. Sa sœur, le tablier en tampon sur la bouche, étouffait des sanglots. Brice, Tourette et moi, nous demeurions comme pétrifiés sur nos chaises. A la fin je me repris assez pour me lever et toucher Rablot à l’épaule. A ce contact, il ouvrit les paupières, et dit d’une voix tout entrecoupée et soudain toute débile : — Monsieur le Maire, vous aurez, n’est-ce pas, la bonté d’écrire à la justice ce que je viens d’avouer. Il ne faudrait pas qu’un jour ou l’autre, un innocent soit inquiété à cause de mon crime…

Le maire, incapable d’articuler une syllabe, acquiesça de la tête.

— Merci, reprit Rablot, et merci de m’avoir écouté jusqu’au bout. Et puis, je vous dis adieu ainsi qu’à Tourette… Laissez-moi seul avec M. le Curé, nous avons encore à causer lui et moi…

Je reconduisis les assistants jusque sur le palier. Personne n’avait formulé la moindre réflexion. Mais quand nous fûmes hors de la chambre M. Brice dit, d’un ton qui prouvait la violence de son émotion : — Monsieur le Curé, avant d’avoir entendu ce malheureux, je ne croyais pas à grand’chose. Maintenant, je sais que Dieu existe.

— Pour sûr, M. Brice a raison, appuya Tourette, moi, je pense comme lui…

Je pris congé d’eux fort remué, moi aussi, et je retournai au chevet de Rablot. La grâce divine m’octroya ce qu’il fallait dire pour l’assister durant son agonie. Je le confessai, je l’exhortai. Au cours de ce dernier entretien, je ne cessai d’admirer combien la souffrance morale, issue du remords, avait affiné cette âme désormais soustraite au Démon. Ensuite, le matin étant venu, j’allai dire ma messe et je revins tout de suite après, apportant l’Extrême-Onction et le Saint Viatique. Rablot n’avait plus la force de parler mais il gardait sa connaissance et ses regards me prouvaient qu’il s’unissait humblement à mes prières. Les rites accomplis, je me rassis, près de lui, et ma main dans sa main, je commentai doucement l’Évangile sur Lazare. Comme je prononçais la phrase Je suis la Résurrection et la vie, Rablot exhala un long soupir et entra dans la paix de Celui qui nous a donné cette parole…

Il avait fait un testament qui désignait sa sœur comme légataire universelle à charge de verser, chaque année, une somme suffisante pour assurer le nécessaire à l’orpheline des Sampité[7].

[7] Sampité le seul nom de personne qui n’ait pas été modifié au cours des deux récits qu’on vient de lire. Plusieurs guides de la forêt indiquent l’endroit où s’élève le monument commémoratif, entre autres, celui de Charles Collinet.

L’abbé Moret, ayant achevé son récit, s’absorba dans une méditation profonde que je me gardai de troubler. Ce ne fut qu’assez tard dans la soirée qu’il parla de nouveau. Il dit très bas, comme en oraison : — Violenti rapiunt cœlum… Jésus erre par le monde, cherchant des âmes pour les embraser au foyer de son cœur douloureux. Les tièdes, ceux dont il a, lui-même, précisé qu’il les « vomissait » ne soupçonnent guère sa présence. Mais les ardents, les violents sont l’objet chéri de sa sollicitude. Afin de s’acquérir leur nature impétueuse, il les met en croix, à sa droite, sur le Calvaire. L’orgueil de vivre se brise en eux par la souffrance et ces éprouvés lui demandent humblement de « ne pas les oublier lorsqu’il sera dans son royaume ». Le Maître leur répond : — Mon royaume, c’est ton âme ; j’y fais briller l’aube de ta rédemption et les premières clartés du Jour qui n’aura pas de fin. Alors, pressentant la Béatitude, ils s’en vont, pleins d’amour et d’espérance, parfaire leur rachat en Purgatoire…

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