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L'Illustration, No. 3739, 31 Octobre 1914

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MORT DU SÉNATEUR ÉMILE REYMOND

C'est avec une émotion particulière qu'on a appris la mort glorieuse devant l'ennemi du docteur Emile, membre du Sénat, qui comptait parmi nos meilleurs et nos plus anciens aviateurs. Le docteur Reymond avait réclamé l'honneur d'accomplir une reconnaissance importante, mais que rendait fort périlleuse l'obligation de voler assez bas; il partit sur un monoplan avec le brigadier aviateur Clamadieu. Quelques instants plus tard, ce dernier était tué, le docteur Reymond dangereusement blessé, et l'appareil tombait doucement entre les deux camps. Les Allemands occupaient une position, dominant la Woëvre, devant laquelle ils nous tenaient en échec depuis plusieurs jours. Dans leur joie d'avoir abattu l'appareil, ils se précipitent hors de leurs tranchées pour s'emparer des aviateurs qu'ils peuvent supposer encore vivants; nos soldats s'élancent aussitôt, et, après un corps à corps d'une violence effroyable, ils réussissent, non seulement à dégager leurs deux camarades, mais encore à refouler l'adversaire à 3 kilomètres et à garder la position que les aviateurs avaient été chargés de reconnaître. Le docteur Reymond fut transporté à l'hôpital de Toul où il expira deux heures après avoir reçu la visite des deux ministres en tournée sur le front, MM. Briand et Sarraut. Jusqu'au dernier moment, il conserva une lucidité parfaite, et, avec un sang-froid magnifique, il indiqua, sans omettre un détail, le résultat de ses observations.

L'entrée en campagne des cosaques de l'Oural.

Né à Tarbes en 1865, M. Emile Reymond fit ses études de médecine à Paris. Elève, puis collaborateur du professeur Terrier, il acquiert rapidement une grande renommée comme chirurgien. A la mort de son père, survenue en 1905, il est élu sénateur de la Loire.

Le sénateur Émile Reymond, aviateur volontaire, mort glorieusement dans la Woëvre.

Dès le début de l'aviation, il est des premiers à entrevoir l'importance du rôle militaire qu'elle est appelée à jouer, et il devient le protecteur officiel de tous ceux qui travaillent à son développement. Bientôt il se passionne lui-même pour le nouveau sport; il passe son brevet de pilote en 1910. Ses randonnées audacieuses ne tardent pas à lui donner dans le monde parlementaire une autorité exceptionnelle et un prestige original dont il ne tire d'ailleurs aucune vanité. La campagne électorale de 1912, qu'il s'amuse à faire en aéroplane, achève de rendre son nom populaire, et, placé à la tête du Comité national d'aviation militaire, il se voue désormais tout entier à l'organisation de la quatrième arme.

Appartenant au service de santé comme médecin major de 1re classe, le docteur Reymond demanda et obtint, à la déclaration de guerre, son affectation au corps d'aviateurs et il partit dans une escadrille de l'armée de l'Est où il rendit de grands services. Quelques jours avant sa mort, il était cité à l'ordre du jour de l'armée.

M. Emile Reymond a donné sa vie au pays comme tant d'autres héros obscurs; il avait peut-être encore mieux servi la France avant la guerre, car c'est à son énergie et à son dévouement que nous devons en grande partie d'avoir possédé, dès les premiers jours du conflit, l'armée aérienne qui, dans une large mesure, aura préparé la victoire.

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