L'Illustration, No. 3739, 31 Octobre 1914
L'histoire de la guerre de 1914 démontrera combien les Allemands ont profité des leçons des plus récents conflits. La guerre du Transvaal, la guerre russo-japonaise et les guerres balkaniques ont été minutieusement étudiées par eux et toute leur préparation, toutes leurs méthodes de combat, toutes leurs ruses de guerre sont inspirées des enseignements qu'ils en ont retirés.
C'est tout particulièrement en matière de tranchées que nos ennemis ont beaucoup vu, beaucoup appris et beaucoup retenu.
Nous nous étions cantonnés depuis 1870 dans les trois types de tranchées réglementaires: tranchée pour tireur assis, tranchée pour tireur à genoux, tranchée pour tireur debout. A l'instruction, on a appris à l'homme à se protéger momentanément, durant les bonds classiques du combat tel qu'on le prévoyait, en creusant un peu le sol et en se couchant derrière une toute petite levée de terre. Le soldat devait, en outre, s'abriter des coups de l'adversaire en dressant son sac devant lui.
D'où protection insuffisante et visibilité extrêmement dangereuse, puisque l'ennemi n'a plus qu'à compter les sacs pour connaître l'effectif qui lui fait face.
Pour assurer le creusement de ces abris, la compagnie française disposait de 80 pioches et 80 pelles-bêches, soit 160 outils pour 250 hommes. Ces outils sont fixés sur le sac, d'où manœuvre assez longue pour disposer de l'outil.
Les Allemands ont adopté des méthodes de tranchées défensives et offensives toutes différentes. Chaque homme a un outil et l'outil est adapté à l'étui du sabre-baïonnette.
Dès qu'il y a lieu de combattre, la ligne se cache, et, dès qu'elle combat, cette ligne prévoit la retraite. Elle prépare, à cet effet, de fortes positions qui assureront le ralliement, la défensive à outrance, puis la contre-attaque.
Et c'est en vertu de ces principes très substantiels que tous les fronts de combat sont organisés suivant un ordre qui varie très peu.
Ces fronts présentent généralement une, deux ou trois lignes de tranchées-abris de 0 m. 50 à 0 m. 60 de largeur, parallèles, de longueur proportionnelle aux effectifs qui les occupent, reliées entre elles par des cheminements tracés en zigzag et reliées en dernier lieu à une ligne de tranchées fortifiées armées de mitrailleuses. Ces dernières tranchées renforcées sont à l'abri presque absolu des projectiles des fusils, des mitrailleuses et des canons.
Les tranchées légères, dont les dimensions sont indiquées au croquis, sont absolument invisibles à 300 mètres, distance qui permet déjà un feu extrêmement meurtrier. On se rend compte que si l'ennemi dispose de trois lignes successives et d'une ligne de retranchements fortifiés, c'est au minimum sur un parcours de 600 mètres que la ligne assaillante est susceptible d'être décimée par un feu d'infanterie déclenché à 300 mètres et par le feu des mitrailleuses placées dans les retranchements fortifiés, feu extrêmement rapide et lançant avec une précision absolue de 300 à 600 balles à la minute et par pièce sur la ligne qui avance.
Le soldat, dans la tranchée de campagne, jouit d'une sécurité beaucoup plus grande que le fantassin couché à plat ventre, derrière son sac, dans une excavation offrant à peine 0 m. 40 de dénivellation. En se baissant un peu, il disparaît au-dessous du niveau du sol et se trouve garanti d'une façon absolue du feu de l'infanterie; de plus, il permet à ses mitrailleuses de tirer sans danger pour lui. Ce même mouvement l'amenant à faire le gros dos, c'est son sac qui se trouve placé dans le sens horizontal, et ce sac constitue alors avec le casque une protection relative contre les shrapnells et les éclats d'obus.
Derrière la tranchée allemande, des trous sont creusés pour le chef de l'unité et les sous-officiers. Le trou du chef de l'unité est relié avec le cheminement. Ceux des sous-officiers ne le sont pas.
Si l'on ajoute que le talus ou plutôt le déversement des déblais de la tranchée occupe une largeur de 4 à 5 mètres et qu'il est soigneusement gazonné ou replanté avec les cultures environnantes, on concevra que cette très légère dénivellation ne laisse visible qu'à très courte distance la «saignée» de terre où se trouve dissimulée et à l'abri la ligne allemande.
Quant aux tranchées fortifiées, nos dessins en montrent nettement la conception et le dispositif. Elles sont à l'abri des balles et des shrapnells. Seuls les obus percutants ont le pouvoir de les pulvériser et de décimer leurs défenseurs. Les détails à l'intérieur varient à l'infini, suivant l'ingéniosité des occupants, la tranquillité relative dont ils jouissent et aussi la nature du sol.
C'est ainsi que les trois dernières figures de cette page montrent un dispositif tout différent où les tranchées sont composées de fossés pour quatre tireurs chacun, profonds de 1 m. 50, larges de 0 m. 80 environ, communiquant avec des chambres de repos disposées entre eux et en arrière. Des cheminements couverts, ici encore, relient les chambres de la première ligne à celles de la seconde. Tout le système, les chambres de repos surtout, est installé de façon à procurer aux hommes le maximum de confort et de sécurité: des volets, des portes arrachés aux maisons les abritent, ou encore des branchages recouverts de terre.
Dès le début de la guerre, en Lorraine, et il faut bien le dire, après quelques dures expériences, nos troupiers ont rapidement compris les avantages des tranchées allemandes, ce qui prouve en passant que pour les étudier ils les avaient conquises. Tout aussitôt, les officiers, les sous-officiers et les soldats du génie furent détachés dans toutes les unités pour enseigner à nos fantassins la façon de construire ces abris. L'éducation fut rapide, et très vite aussi on parvint à compléter l'outillage nécessaire, indispensable à là protection commune. Les outils des disparus, les pioches et les bêches abandonnées dans les villages, les outils de parc même furent arrimés sur les sacs par ceux qui geignaient autrefois sous le poids de la petite pelle-bêche réglementaire.
Dès la première accalmie du feu, dès la nuit tombée, les «trous» furent entrepris. Quelquefois dans le silence de la nuit, à moins de 500 mètres les uns des autres, les soldats des deux partis entendaient mutuellement les coups de pioche, les jets de pelle, les paroles d'encouragement des chefs, et ils s'accordaient tacitement l'armistice nécessaire pour le creusement du fossé protecteur d'où ils jailliraient en trombe dès le jour revenu.
Les deux aviateurs soignés à Amiens.
DEUX AVIATEURS BLESSÉS AU-DESSUS DES LIGNES ALLEMANDES
Ayant le talon traversé par une balle, tandis que l'officier observateur était lui-même blessé au pied, le pilote Verrier réussit cependant à ramener son appareil et son passager dans les lignes françaises.
LE 109e ANNIVERSAIRE DE TRAFALGAR A LONDRES: DEUX INSCRIPTIONS A LA BASE DU MONUMENT DE NELSON