La fabrique de mariages, Vol. 4
XVII
— Maxence de Sainte-Croix. —
Depuis quelques instants, madame la marquise de Sainte-Croix était inquiète et agitée. Il n’y paraissait rien, et c’est à peine si Garnier de Clérambault, introduit tout à coup dans les salons de Mersanz, eût découvert quelque signe de trouble sur le bronze sculpté qui était le visage de sa souveraine.
Garnier de Clérambault était pourtant le seul homme capable de lire un peu couramment les pages de ce livre fermé.
La marquise, tout en soutenant la conversation, suivait d’un œil furtif les mouvements du comte Achille.
Était-elle mère, ne fût-ce que pour un moment?
Voyait-elle le danger ou l’inconvenance de la position de Maxence? Avait-elle honte ou peur?
Nous savons bien que non. Rien de pareil ne pouvait exister entre madame la marquise de Sainte-Croix et Maxence. Il y a des mendiants qui volent des enfants et s’en servent pour exciter la charité des passants; il y a des bohémiens qui volent aussi des enfants pour leur rompre les muscles et en faire des saltimbanques. Madame de Sainte-Croix avait une autre industrie, voilà toute la différence. Maxence faisait partie de son fonds, comme les enfants volés sont la marchandise des gueux et des acrobates.
Elle nous a dit une fois, cette femme, dans une heure de solitude et de passion: «Si j’avais eu une fille...»
Mais chaque âme, si profondément pervertie qu’elle soit, se fatigue du blasphème parfois, et plaide sa cause devant la conscience éveillée tout à coup. Il n’est point de criminel endurci qui n’ait perdu quelque nuit d’insomnie à maudire le hasard, à refaire son passé, à chercher un motif plausible à son infamie.
Les uns s’écrient: «Si j’avais eu une mère!...» Et qui sait, en effet?
D’autres: «Si j’avais pu me faire aimer!»
Oh! qui sait! mon Dieu! qui sait?
Le crime n’est pas en nous,—et celui qui jette la première pierre, Notre-Seigneur le maudit.
Mais nous n’ignorons point que Flavie avait eu une fille. La baronne du Tresnoy n’était pas de ces femmes qui mentent pour trop parler. Tout au plus aurait-elle pu mentir parce qu’elle avait ses filles. Or, ici, l’accusation mensongère ne pouvait que nuire à sa maison.
L’histoire du no 37bis de la rue de Cherche-Midi devait être vraie.
Flavie avait mis au monde un enfant dans cet humble appartement qu’une mince cloison séparait du logement des époux Seveste.
Comment Flavie avait répudié ce gage de suprême miséricorde, comment elle avait vendu l’espoir de son salut, son amour, la dernière goutte de rosée qui pût raviver et refleurir son cœur, les papiers de feu le baron du Tresnoy nous l’ont dit.
Celui-là non plus ne pouvait mentir.
Cette femme était un abîme où rien d’humain apparemment ne restait.
Et pourtant, croyez-le, c’était sincèrement que, du fond de sa perdition sans nom, elle s’était écriée: «Si j’avais eu une fille...»
Dieu veut qu’une étincelle reste toujours couvant sous les cendres d’un cœur.
Mais pour la ranimer, cette étincelle, il faut le repentir...
Maxence semblait triste et comme absorbée. C’était la seconde fois que le comte Achille dansait avec elle. Il lui parlait avec une extrême vivacité. Les réponses de la belle Maxence tombaient, rares et courtes. Sa démarche et son attitude respiraient une fatigue découragée.
La contredanse allait finir.
Madame la marquise de Sainte-Croix avait peine à dissimuler désormais son humeur.
Elle n’avait pas honte, mais elle avait peur.
En vérité, oui;—et sa peur n’était point que Maxence pût se compromettre.
Toute situation morale se traduit par un mot. Le mot était ici impatience.
La marquise de Sainte-Croix était sur le gril.
Sa principale attaque faisait long feu, et il lui était impossible de sonner la charge.
Elle restait condamnée à une douloureuse immobilité, pendant qu’une aile de son armée pliait. Elle rongeait son frein; elle se disait derrière son immuable sourire:
—Cette petite fille ne l’aime pas comme je l’espérais... c’est une poupée!... Cela ne marche pas... Rien ne se noue!
Mais, tout à coup, ses yeux brillèrent extraordinairement. Elle poussa un long soupir, et son être entier sembla se détendre en une joie soudaine.
Achille et Maxence venaient de disparaître derrière une draperie.
La grande Mélite se pinça, ma foi, les lèvres, et Philomène, la douce, rougit en baissant les yeux.
Le seuil que M. de Mersanz et sa jeune compagne venaient de franchir était marqué d’avance pour la mise en scène du drame. Madame la marquise de Sainte-Croix, Mélite et Philomène savaient où donnait cette porte. C’était un boudoir où la fête n’avait pas le droit d’entrée.
Une minute après que la portière fut retombée sur Achille et Maxence, le bruit de l’aventure courait du buffet au fumoir en passant par la serre et par tous les salons.
Cela venait corroborer si bien les rumeurs accréditées déjà, que la foule éprouva ce plaisir hébété des spectateurs qui, au théâtre, ont éventé une ficelle de la pièce.
Ce fut une joie générale.
On s’abordait en murmurant:
—Que vous disais-je?
—Avais-je deviné juste?
—La chose est complétement arrangée.
—Nous danserons aux noces.
—Il n’y aura pas de noces... Bénédiction à l’Abbaye-aux-Bois et départ immédiat pour l’Italie.
—Sait-on où se retirera l’ancienne comtesse?
—Vingt mille livres de rente viagère et la bride sur le cou.
—C’est bien payé!
Il y avait dans ce boudoir un portrait de Béatrice et un portrait de la première comtesse de Mersanz: deux pauvres belles jeunes femmes qui semblaient se sourire avec mélancolie.
Le comte Achille n’avait peut-être pas songé à cela: il était de ceux que ces coïncidences ne frappent pas très-vivement.
Cependant, lors de son entrée, les deux portraits lui sautèrent aux yeux et il éprouva une sensation pénible.
Cette sorte de conscience spéciale que les gens du monde possèdent, ce qu’on pourrait appeler un pèse-ridicules, s’émut en lui. Il se vit en Barbe-Bleue, amenant la troisième épouse dans la chambre où sont deux mortes.
Son regard rapide et sournois interrogea la physionomie de Maxence.
La physionomie de Maxence était muette.
Achille mit un soin puéril à la faire asseoir de manière qu’elle ne vît ni l’un ni l’autre des deux portraits. Maxence s’assit comme Achille le voulait. Une fois assise, elle croisa ses deux belles mains sur la blanche étoffe de sa robe et demeura immobile.
Cela n’avait certes point l’air d’un rendez-vous d’amour.—Cela ressemblait assez à ces entrevues auxquelles la foule bavarde faisait allusion là-bas, de l’autre côté de la porte, à ces tête-à-tête d’essai où un monsieur et une demoiselle se rapprochent officiellement pour savoir—en une heure—s’ils s’entr’aimeront fidèlement toute leur vie.
Cette chose est burlesque entre toutes. Personne n’en rit. Cela se fait, pour employer la solennelle et vide formule des pandectes mondaines.
Achille se plaça sur une chaise, à côté de la bergère où Maxence était assise.
Achille était un homme à succès qui savait sur le bout du doigt toute la série des sermons séducteurs. Il avait en sa mémoire un plantureux recueil de harangues passionnées; il possédait un choix riche d’exordes par insinuation ou ex abrupto; c’était un fort élève de rhétorique amoureuse.
Il était, en outre, bien capable d’improviser quelque peu, comme ces redoutables pianistes qui font du nouveau avec leurs réminiscences.
Il arrivait là sûr de lui-même. Le seuil de cette chambre, c’était le Rubicon. La belle Maxence l’avait passé.
Le comte Achille ouvrit la bouche pour entamer le discours-ministre, commandé par la circonstance. Le discours ne vint pas. Le comte Achille resta muet.
Les paroles qui venaient à ses lèvres lui semblèrent tout à coup démodées et surannées. Il n’y avait pas de prétexte à exorde. Cette charmante créature avait franchi le seuil de cette chambre sans émotion ni terreur.
Était-ce vaillance précoce et menaçante? Était-ce le comble de la candeur?
La candeur n’était pas en excès sur ce visage où perçaient tous les germes de la passion. La vaillance était plus vraisemblable. Que dire à la vaillance?
Le comte Achille se battait les flancs de tout son cœur et n’en tirait rien.
Les minutes s’écoulaient.
Au travers des cloisons, les mille bruits de la fête filtraient: murmures et harmonies. Cette odeur tiède et cependant enivrante qui est comme le parfum de ces frais bouquets de femmes, venait par bouffées. Le boudoir n’était éclairé que par deux grandes lampes dont la lumière était tamisée par des globes en verre dépoli.
C’était une clarté douce qui contrastait avec les éblouissements du bal.
Maxence, dans son étrange immobilité, avait l’air d’une admirable statue.
On ne peut dire comme la situation marche durant ces silences. Quand même Achille se fût résolu à ce pis aller de reprendre l’entretien au point où il était lors de l’entrée dans le boudoir, la chose eût été absolument impossible.
Il y avait un monde entre l’instant présent et la minute écoulée.
Et plus le temps allait, plus la soudure de la conversation interrompue devenait malaisée.
Achille prit la main de Maxence; elle ne la retira point.
Cette main était de marbre: froide comme la mort.
—Vous souffrez?... balbutia le comte au hasard.
—Non, répondit mademoiselle de Sainte-Croix.
Un soupir souleva son beau sein. Le comte ajouta:
—Auriez-vous frayeur de moi?
Sur l’honneur, il n’y avait pas lieu. Ce pauvre vainqueur était tout défait. La sueur perlait à ses tempes.
—Frayeur?... répéta lentement la jeune fille;—pourquoi, frayeur?
Puis, se ravisant au moment où cette réponse naïve éperonnait le sommeil de don Juan, elle ajouta:
—Et pourtant, c’est vrai... je crois que j’ai peur.
Il fallait partir ou jamais.
Le comte fit à ses talents oratoires un appel désespéré.
—Mademoiselle, dit-il,—pensez-vous donc qu’il puisse exister un grand amour sans un grand respect? Comment vous ferais-je comprendre que ma passion pour vous n’est pas un désir, mais un esclavage... J’ai déclaré mes sentiments à madame la marquise, et c’est de son aveu que je m’agenouille à vos pieds...
Il s’agenouilla. Les mots ne lui venaient point.
Et néanmoins, il parlait vrai. Son émotion qui ne le servait point, était profonde. Il aimait avec fougue, avec violence.
Mais, à l’encontre de l’aventure de Pygmalion, cette Galathée se changeait en pierre.
Maxence poussa un second soupir.
Elle releva sur lui ses yeux humides, ses grands yeux où Dieu avait mis d’irrésistibles rayons. Elle sourit avec tristesse. Elle lui dit:
—Il y a longtemps que je vous aime.
Le comte faillit tomber de son haut.
Il y avait dans la voix de Maxence un tremblement adorable qui démentait la froideur de sa pose et l’invraisemblance de son aveu.
—Serait-il vrai?... s’écria le comte comme un amoureux de comédie.
—Bien longtemps, répéta mademoiselle de Sainte-Croix d’un accent rêveur;—depuis la première fois que je vous vis au parloir de la pension.
Le comte voulut porter à ses lèvres la main qu’il tenait. Elle la retira sans affectation et se tourna soudain vers le portrait de la première comtesse.
—Elle était belle! dit-elle.
Le comte tout pâle, se rejeta en arrière.
—Quel âge avait-elle quand on la tua? demanda Maxence avec simplicité, comme si elle n’eût point aperçu le trouble de M. de Mersanz.
—Mademoiselle!... murmura ce dernier, dont les lèvres roides se crispaient.
—L’autre était encore plus belle! fit doucement Maxence, dont le regard alla chercher le jeune et suave visage de Béatrice.
Elle avait employé le verbe être à l’imparfait, comme si Béatrice eût déjà rejoint dans la tombe celle qui se nommait avant elle madame la comtesse de Mersanz.
Le comte Achille restait frappé de stupeur.
—Tout ce que je vous dis vous étonne, reprit Maxence avec ce sourire étrangement découragé qui faisait sa physionomie si différente de celle des autres jeunes filles;—je n’ai point voulu vous faire du mal... Je ne crois pas que vous ayez l’âme méchante... et, pourtant, j’ai bien fait tout ce que j’ai pu pour ne pas vous aimer, car vous portez malheur!
Ces choses étaient si bizarres, si contradictoires et si absolument inattendues, que le comte Achille se réveilla par l’excès même de sa surprise. Il était homme du monde après tout, et ce trouble, éprouvé par lui naguère en face d’une toute jeune fille, ne pouvait être qu’une crise passagère.
Sans connaître madame la marquise de Sainte-Croix comme nous pouvons la connaître, il la savait habile incomparablement. Il l’avait aimée autrefois. Il l’avait quittée; disons plus: il s’était enfui par la peur qu’il avait d’elle.
Madame la marquise avait eu bien raison quand elle avait dit, pour exprimer combien elle comptait sur la nouvelle passion du comte: Il l’aime au point de s’être adressé à moi.
Ceci était énorme, en effet. On peut mesurer exactement le désir à la hauteur de la barrière franchie. Évidemment, le comte aimait assez pour faire toutes les folies du monde, mais à la condition qu’un ne touchât point au bandeau qu’il avait sur les yeux.
Ici, Maxence, à supposer qu’elle fût complice de sa mère, jouait un jeu assurément inexplicable.
Si elle n’était pas complice de sa mère, pourquoi sa présence à l’hôtel?
Achille eut l’idée qu’il devait avoir. Il se dit:
—Ceci est une comédie dont je n’ai point l’intrigue, une charade dont le mot m’échappe.
Il y eut comme un froid qui traversa les fougues de son caprice.
Mais Maxence se taisait maintenant et rêvait. Au bout de ses longs cils, une larme brillait. Achille ne l’avait jamais vue si splendidement belle.
—Je vois, mademoiselle, dit-il en essayant un ton indifférent,—qu’on m’a noirci dans votre esprit.
—Oh! non, répondit-elle;—tous ceux qui me parlent de vous ont intérêt à entretenir les sentiments que j’ai pour vous.
Ceci devenait inexplicable. Achille jeta de côté son pauvre arsenal diplomatique et dit tout uniment:
—J’avoue, mademoiselle, que je ne vous comprends pas. Notre entretien prend une tournure tellement imprévue, que je vous prie en grâce de vous expliquer clairement.
—Clairement! répéta-t-elle avec une sorte d’amertume:—il n’y a rien de clair en moi, ni autour de moi... rien, sinon que je vous aime et que je suis condamnée.
C’était la troisième ou quatrième fois qu’elle mettait en avant son amour, sans retenue aucune et appelant bravement les choses par leur nom.
Le résultat ordinaire avait lieu: devant cet amour, exprimé avec une franchise inusitée, Achille ne parlait plus du sien.
Il n’y a pas une femme au monde qui n’ait l’instinct de cette loi. Il n’y a pas une femme qui ne sache qu’en matière d’amour, la défense est l’attaque. La pudeur est une valeur qui a acheté le nom de vertu comme les gros commerçants payent la noblesse qui rend leurs vieux jours plus grotesques.
—Il est pourtant une femme, reprit Maxence suivant un ordre d’idées dont le lien échappait au comte,—une femme qui pourrait parler clairement... mais je n’ai jamais osé l’interroger.
—Quelle femme? demanda M. de Mersanz.
Au lieu de répondre, Maxence passa la main sur son front.
Puis, d’une voix changée, elle se prit à réciter ces vers:
A son insu l’acide mord,
A son insu la fange tache,
Et le vil poignard qui se cache
A son insu donne la mort...
Achille ouvrit à ce coup de grands yeux. La pensée lui vint qu’elle était folle.
Cela pouvait se lire sur son visage, paraissait-il; car Maxence poursuivit avec lenteur:
—Non... non! je n’ai pas perdu la raison... Avant de vous aimer, il y avait des années que je vous connaissais... vous et cette pauvre morte...
Son doigt montrait le portrait de la première comtesse.
Achille, désormais, se taisait. Maxence reprit sans qu’on l’interrogeât:
—Il faut bien que vous sachiez mon histoire... J’ai connu ma mère loin d’ici, à la campagne. Auparavant, j’étais à Paris... du moins, je crois que c’était Paris... Mes souvenirs sont fort incertains à cause d’une maladie que je fis dans ce temps-là et qui dura deux ans. Je fus comme morte. J’avais tout oublié,—sauf cette mystérieuse et terrible aventure qui mit votre femme dans le tombeau...
—Mais quelle aventure? s’écria le comte avec un commencement de colère.
—L’ignorez-vous? demanda Maxence;—oui... je crois qu’on disait cela... vous ne saviez pas... Pourquoi ce souvenir a-t-il survécu à tous ceux de mon enfance?... Pourquoi votre nom était-il resté en moi qui avais oublié tous les autres noms?... C’est qu’il était écrit que je vous aimerais... et que je mourrais par vous...
—Sur mon honneur, mademoiselle, fit le comte en se levant à demi,—je ne vois pas du tout où peut aboutir ce colloque fantastique.
—Restez! prononça la jeune fille sévèrement;—si vous ne le savez pas, je me charge de vous l’apprendre!
Achille se rassit, dominé par le regard qu’elle lui jeta.
—Tout ce qui, dans mes souvenirs, se rapporte à vous, reprit-elle comme si nulle interruption ne fût venue à la traverse de son récit,—date de l’époque qui précéda ma maladie. Je devais être dans une maison très-pauvre, et mêlée à des enfants indigents... c’est du moins la vague impression qui m’est restée... Il y avait une femme qui avait soin de moi... Il me semble parfois, tant ma mémoire est malade et confuse, que j’ai revu cette femme et que je ne l’ai point reconnue... c’était elle qui racontait l’histoire de la belle comtesse de Mersanz, assassinée lentement, cruellement,—horriblement, monsieur le comte,—à l’aide d’un poison qui ne laisse point de trace: la jalousie...
—Aurait-on osé m’accuser?...
Maxence secoua sa belle tête, sur laquelle ondulèrent ensemble les perles de sa parure et les masses brillantes de ses cheveux.
—Je me représentais cela, continua-t-elle,—tout enfant que j’étais... Je dédaignais les contes dont on amuse le premier âge: je ne voulais que cette histoire... Combien de fois ne l’ai-je pas vue toute blanche dans son lit, tandis que le prétendu fantôme parlait au nom de sa mère décédée et lui disait: «Ton mari ne t’aime plus... ton mari en aime une autre...»
La main d’Achille se crispa sur son front.
Lui aussi avait un souvenir.
Le lendemain de la mort de sa femme, la concierge de la maison était venue à lui. Entre les révélations de cette femme et les paroles de Maxence, il y avait une analogie menaçante.
Mais le comte Achille était de ceux qui disent: «Le passé est un mort qu’il faut enterrer.»
—Je n’ai jamais ajouté foi à ces extravagances! murmura-t-il.
—On vous l’avait donc dit! fit Maxence en détournant ses yeux de lui:—ce dut être une mort digne de pitié... et votre sommeil ne peut être tranquille.
Dans ces paroles, prononcées d’un ton plus bas et presque mystérieux, le comte crut trouver la clef de toute cette énigme.
On n’avait pas fait fond sur ses promesses. On voulait le retenir par l’effroi.
La main de madame de Sainte-Croix était là.
Sur ce terrain, le comte Achille se retrouvait lui-même.
—Mademoiselle, demanda-t-il d’un ton leste et délibéré,—avons-nous dit assez de folies?... Vous plaît-il que nous rentrions dans le bal?
—Non, repartit simplement Maxence;—quand nous rentrerons dans le bal, vous me connaîtrez tout entière et vous saurez pourquoi jamais je ne puis être à vous.