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Le capitaine Fracasse

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... à peine Agostin eut-il le temps de dire: «Merci.» (Page 472.)

quelques minutes, le carrosse eut atteint la porte Saint-Antoine, et, comme le bruit d’une aventure si récente ne pouvait être parvenu jusque-là, Vallombreuse ordonna au cocher de modérer son allure, d’autant qu’un équipage, fuyant de cette vitesse, eût semblé, à bon droit, suspect. Le faubourg dépassé, il fit entrer Chiquita dans la voiture. Elle s’assit, sans mot dire, sur un carreau, en face de Sigognac. Sous l’apparence la plus calme, elle était en proie à une exaltation extrême. Aucun muscle de sa figure ne bougeait, mais un flot de sang empourprait ses joues, ordinairement si pâles, et donnait à ses grands yeux fixes, qui regardaient sans voir, un éclat surnaturel. Une sorte de transfiguration s’était opérée dans Chiquita. Cet effort violent avait déchiré la chrysalide enfantine où dormait la jeune fille. En plongeant son couteau dans le cœur d’Agostin, elle avait du même coup ouvert le sien. Son amour était né de ce meurtre; l’être bizarre, presque insexuel, moitié enfant, moitié lutin, qu’elle avait été jusque-là, n’existait plus. Elle était femme désormais, et sa passion éclose en une minute devait être éternelle. Un baiser, un coup de couteau, c’était bien l’amour de Chiquita.

La voiture roulait toujours, et l’on voyait déjà poindre derrière les arbres les grands toits ardoisés du château. Vallombreuse dit à Sigognac: «Vous viendrez dans mon appartement, et vous y ferez un bout de toilette avant que je vous présente à ma sœur, qui ignore mon voyage et votre arrivée; j’ai ménagé ce coup de théâtre dont j’espère le meilleur effet. Abaissez le mantelet de votre côté pour qu’on ne vous voie pas, que la surprise soit complète; mais qu’allons-nous faire de ce petit démon?

—Ordonnez, dit Chiquita, qui, à travers sa rêverie profonde, avait entendu la phrase de Vallombreuse, ordonnez qu’on me conduise à madame Isabelle; qu’elle soit l’arbitre de mon sort.»

Rideaux baissés, le carrosse entra dans la cour d’honneur: Vallombreuse prit Sigognac sous le bras et l’emmena dans son appartement, après avoir dit à un laquais de conduire Chiquita chez la comtesse de Lineuil.

A la vue de Chiquita, Isabelle posa le livre qu’elle était en train de lire et arrêta sur la jeune fille un regard plein d’interrogations.

Chiquita resta immobile et silencieuse jusqu’à ce que le laquais fût retiré. Alors, avec une sorte de solennité singulière, elle s’avança vers Isabelle, lui prit la main et dit:

«Le couteau est dans le cœur d’Agostin; je n’ai plus de maître, et je sens le besoin de me dévouer à quelqu’un. Après lui, qui est mort, c’est toi que j’aime le plus au monde; tu m’as donné le collier de perles et tu m’as embrassée. Veux-tu de moi pour esclave, pour chien, pour gnome? Fais-moi donner un haillon noir pour porter le deuil de mon amour; je coucherai en travers sur le seuil de ta porte; cela ne te gênera pas du tout. Quand tu me voudras, tu siffleras ainsi—et elle siffla—et je paraîtrai tout de suite; veux-tu?»

Isabelle, pour toute réponse, attira Chiquita sur son cœur, lui effleura le front des lèvres et accepta simplement cette âme qui se donnait à elle.

XXI.

HYMEN, O HYMÉNÉE!

Isabelle, accoutumée aux façons énigmatiques et bizarres de Chiquita, ne l’avait point interrogée, se réservant de lui demander des explications quand cette étrange fille serait plus calme. Elle entrevoyait bien quelque histoire terrible à travers tout cela; mais la pauvre enfant lui avait rendu de tels services, qu’il fallait l’accueillir sans enquête en cette situation évidemment désespérée.

Après l’avoir confiée à une femme de chambre, elle reprit sa lecture interrompue, bien que le livre ne l’intéressât guère; au bout de quelques pages, son esprit ne suivant plus les lignes, elle mit le signet entre les pages et reposa le volume sur la table parmi des ouvrages d’aiguille commencés. La tête appuyée sur la main, le regard perdu dans l’espace, elle se laissa aller à la pente habituelle de sa rêverie: «Qu’est devenu Sigognac, disait-elle, pense-t-il encore à moi, m’aime-t-il toujours? Sans doute, il est retourné dans son pauvre château, et, croyant mon frère mort, il n’ose donner signe de vie. Cet obstacle chimérique l’arrête. Autrement, il eût essayé de me revoir; il m’eût écrit tout au moins. Peut-être l’idée que je suis maintenant un riche parti retient-elle son courage. S’il m’avait oubliée! Oh! non; c’est impossible. J’aurais dû lui faire savoir que Vallombreuse était guéri de sa blessure; mais il n’est pas séant à une jeune personne bien née de provoquer ainsi un amant éloigné à reparaître: cela blesserait toutes les délicatesses féminines. Souvent je me demande s’il n’eût pas mieux valu pour moi rester l’humble comédienne que j’étais. Je pouvais du moins le voir tous les jours, et, sûre de ma vertu comme de son respect, savourer en paix la douceur d’être aimée. Malgré l’affection touchante de mon père, je me sens triste et seule dans ce château magnifique; encore si Vallombreuse était là, sa compagnie me distrairait; mais son absence se prolonge, et je cherche en vain le sens de cette phrase qu’il m’a jetée au départ avec un sourire: «Au revoir, petite sœur, vous serez contente de moi.» Parfois, il me semble comprendre, mais je ne veux pas m’arrêter à une telle pensée; la déception serait trop douloureuse. Si c’était vrai, ah! j’en deviendrais folle de joie!»

La comtesse de Lineuil, car il est peut-être un peu bien familier d’appeler Isabelle tout court la fille légitimée d’un prince, en était là de son monologue intérieur lorsqu’un grand laquais vint demander si madame la comtesse pouvait recevoir M. le duc de Vallombreuse, qui arrivait de voyage et demandait à la saluer.

«Qu’il vienne tout de suite, répondit la comtesse, sa visite me fera le plus grand plaisir.»

Cinq ou six minutes s’étaient à peine écoulées que le jeune duc entrait dans le salon le teint brillant, l’œil vif, la démarche assurée et légère, avec cet air de gloire qu’il avait avant sa blessure; il jeta son feutre à plume sur un fauteuil et prit la main de sa sœur qu’il porta à ses lèvres d’un façon aussi respectueuse que tendre.

«Chère Isabelle, je suis resté plus longtemps que je ne l’aurais voulu, car ce m’est une grande privation de ne pas vous voir, tant j’ai vite pris la douce habitude de votre présence; mais je me suis bien occupé de vous pendant mon voyage et l’espoir de vous faire plaisir me dédommageait un peu.

—Le plus grand plaisir que vous eussiez pu me faire, répondit Isabelle, c’eût été de demeurer au château près de votre père et de moi, et de ne pas vous mettre en route, votre blessure à peine fermée, pour je ne sais quelle fantaisie.

—Est-ce que j’ai été blessé? dit en riant Vallombreuse; ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère. Je ne me suis jamais mieux porté, et cette petite excursion m’a fait beaucoup de bien. La selle me vaut mieux que la chaise longue. Mais vous, bonne sœur, je vous trouve un peu maigrie et pâlie; vous seriez-vous ennuyée? Ce manoir n’est pas gai et la solitude ne convient pas aux jeunes filles. La lecture et la broderie sont des passe-temps mélancoliques à la longue, et il y a des instants où la plus sage, lasse de regarder par la fenêtre l’eau verte du fossé, aimerait à voir le visage d’un beau cavalier.

—Que vous êtes fâcheusement badin, mon frère, et comme vous aimez à taquiner ma tristesse par vos folies! N’avais-je pas la compagnie du prince, si aimablement paternel et abondant en paroles instructives et sages?

—Sans doute, notre digne père est un gentilhomme accompli, prudent au conseil, hardi à l’action, parfait courtisan chez le roi, grand seigneur chez lui, docte et disert en toutes sortes de sciences; mais le genre d’amusement qu’il procure est un amusement grave, et je ne veux pas que ma chère sœur consume sa jeunesse d’une façon solennelle et maussade. Puisque vous n’avez pas voulu du chevalier de Vidalinc ni du marquis de l’Estang, je me suis mis en quête, et, dans mes voyages, j’ai trouvé votre affaire: un mari charmant, parfait, idéal, dont vous raffolerez, j’en suis sûr.

—C’est une cruauté, Vallombreuse, de me persécuter de ces plaisanteries. Vous n’ignorez pas, méchant frère, que je ne veux point me marier; je ne saurais donner ma main sans mon cœur, et mon cœur n’est plus à moi.

—Vous changerez de langage quand je vous présenterai l’époux que je vous ai choisi.

—Jamais, jamais, répondit Isabelle d’une voix altérée par l’émotion; je serai fidèle à un souvenir bien cher, car je ne pense pas que votre intention soit de forcer ma volonté.

—Oh! non, je ne suis pas tyrannique à ce point; je vous demande seulement de ne pas repousser mon protégé avant de l’avoir vu.»

Sans attendre le consentement de sa sœur, Vallombreuse se leva et passa dans le salon voisin. Il en revint aussitôt amenant Sigognac, à qui le cœur battait bien fort. Les deux jeunes gens, se tenant par la main, restèrent quelque temps arrêtés sur le seuil, espérant qu’Isabelle tournerait les yeux de leur côté, mais elle les baissait modestement, regardant la pointe de son corsage et pensant à cet ami qu’elle ne soupçonnait pas si près d’elle.

Vallombreuse, voyant qu’elle ne prenait point garde à eux et retombait dans sa rêverie, avança de quelques pas vers sa sœur, conduisant le Baron par le bout des doigts comme on mène une dame à la danse, et fit un salut cérémonieux que répéta Sigognac. Seulement Vallombreuse souriait et Sigognac pâlissait. Brave avec les hommes, il était timide avec les femmes, comme tous les cœurs généreux.

«Comtesse de Lineuil, dit Vallombreuse d’un ton légèrement emphatique et comme outrant à dessein l’étiquette, permettez-moi de vous présenter un de mes bons amis que vous accueillerez favorablement, je l’espère: le baron de Sigognac.»

A ce nom, qu’elle prit d’abord pour une raillerie de son frère, Isabelle tressaillit pourtant et jeta un coup d’œil rapide au nouveau venu. Reconnaissant que Vallombreuse ne la trompait point, elle ressentit une émotion extraordinaire. D’abord elle devint toute blanche, le sang affluant au cœur; puis, la réaction se faisant, une rougeur aimable lui couvrit comme un nuage rose le front, les joues, et ce qu’on entrevoyait de son sein sous la gorgerette. Sans dire un mot, elle se leva et se jeta au col de Vallombreuse, cachant sa tête contre l’épaule du jeune duc. Deux ou trois sanglots agitèrent le gracieux corps de la jeune fille, et quelques larmes mouillèrent le velours du pourpoint à la place où elle appuyait la tête. Par ce joli mouvement, si pudique et si féminin, Isabelle montrait toute la délicatesse de son âme. Elle remerciait Vallombreuse, dont elle avait compris l’ingénieuse bonté, et, ne pouvant embrasser son amant, elle embrassait son frère.

Quand il pensa qu’elle avait eu le temps de se calmer, Vallombreuse se dégagea doucement de l’étreinte d’Isabelle, et, lui écartant les mains dont elle se voilait le visage pour cacher ses pleurs, il lui dit: «Chère sœur, laissez-nous un peu voir votre figure charmante, ou mon protégé croira que vous avez pour lui une insurmontable horreur.»

Isabelle obéit et tourna vers Sigognac ses beaux yeux éclairés d’une joie céleste, malgré les perles brillantes qui tremblaient encore à ses longs cils: elle lui tendit sa belle main, sur laquelle le Baron, s’inclinant, appuya le baiser le plus tendre. La sensation en monta jusqu’au cœur de la jeune fille, qui manqua défaillir; mais on se remet vite de ces émotions délicieuses.

«Eh bien, n’avais-je pas raison, dit Vallombreuse, de soutenir que vous recevriez bien le prétendu de mon choix? Cela est bon quelquefois de s’opiniâtrer en sa fantaisie. Si je ne m’étais montré aussi entêté que vous étiez résolue, le cher Sigognac serait reparti pour sa gentilhommière sans vous avoir vue, et c’eût été dommage; convenez-en.

—J’en conviens, cher frère; vous avez été en tout cela d’une bonté adorable. Vous seul pouviez, en cette circonstance, opérer la réconciliation, puisque vous seul aviez souffert.

—Oui, dit Sigognac, M. le duc de Vallombreuse a fait preuve à mon endroit d’une âme grande et généreuse; il a mis de côté des ressentiments qui pouvaient sembler légitimes, et il est venu à moi la main ouverte et le cœur sur la main. Du mal que je lui ai fait, il se venge noblement en m’imposant une reconnaissance éternelle, fardeau léger, et que je porterai avec joie jusqu’à la mort.

—Ne parlez pas de cela, mon cher Baron, répondit Vallombreuse; vous en eussiez fait tout autant à ma place. Deux vaillants finissent toujours par s’entendre; les épées liées lient les âmes, et nous devions former tôt ou tard une paire d’amis, comme Thésée et Pirithoüs, comme Nisus et Euryale, comme Pythias et Damon; mais ne vous occupez pas de moi. Dites plutôt à ma sœur combien vous la regrettiez et pensiez à elle en ce manoir de Sigognac, où j’ai pourtant fait un des meilleurs repas de ma vie, quoique vous prétendiez que la règle est d’y mourir de faim.

—J’y ai aussi très-bien soupé, dit Isabelle en souriant, et j’en garde un agréable souvenir.

—Vous verrez, répliqua Sigognac, que tout le monde aura fait des festins de Balthazar dans cette tour de la famine; mais je ne rougis pas de l’heureuse pauvreté qui m’a valu d’intéresser votre âme, chère Isabelle; je la bénis; je lui dois tout.

—M’est avis, dit Vallombreuse, que je ferais bien d’aller saluer mon père et de le prévenir de votre arrivée, à laquelle il s’attend un peu, je l’avoue. Ah çà, comtesse, il est bien sûr que vous acceptez le baron de Sigognac pour époux? je ne voudrais pas faire un pas de clerc. Vous l’acceptez? c’est bien. Alors je puis me retirer: des fiancés ont parfois à se dire des choses très-innocentes, mais que gênerait la présence d’un frère; je vous laisse l’un à l’autre, certain que vous me remercierez, et puis, le métier de duègne n’est pas mon affaire. Adieu; je reviendrai bientôt prendre Sigognac pour le mener au prince.»

Après avoir jeté ces mots d’un air dégagé, le jeune duc se coiffa de son feutre et sortit en laissant ces parfaits amants à eux-mêmes. Quelque agréable que fût sa compagnie, son absence l’était encore davantage.

Sigognac se rapprocha d’Isabelle et lui prit la main qu’elle ne retira point. Pendant quelques minutes le jeune couple se regarda avec des yeux ravis. De tels silences sont plus éloquents que des paroles; privés si longtemps du plaisir de se voir, Isabelle et Sigognac ne pouvaient se rassasier l’un de l’autre; enfin le Baron dit à sa jeune maîtresse:

«J’ose à peine croire à tant de félicité. Oh! la bizarre étoile que la mienne! vous m’avez aimé parce que j’étais pauvre et malheureux, et ce qui devait consommer ma perte est cause de ma fortune. Une troupe de comédiens me réservait un ange de beauté et de vertu; une attaque à main armée m’a donné un ami, et votre enlèvement vous a fait reconnaître d’un père qui vous cherchait en vain; tout cela parce qu’un chariot s’est égaré dans les landes par une nuit obscure.

—Nous devions nous aimer, c’était écrit là-haut. Les âmes sœurs finissent par se trouver quand elles savent s’attendre. J’ai bien senti, au château de Sigognac, que ma destinée s’accomplissait; à votre vue, mon cœur qu’aucune galanterie n’avait su toucher, éprouva une commotion. Votre timidité fit plus que toutes les audaces, et dès ce moment je résolus de n’appartenir jamais qu’à vous ou à Dieu.

—Et pourtant, méchante, vous m’avez refusé votre main quand je la demandais à genoux: je sais bien que c’était par générosité; mais c’était une générosité cruelle.

—Je la réparerai de mon mieux, cher Baron, et la voici cette main, avec mon cœur que vous possédiez déjà. La comtesse de Lineuil n’est pas obligée aux mêmes scrupules que la pauvre Isabelle. Je n’avais qu’une peur, c’est que vous ne voulussiez plus de moi, par fierté. Mais, bien vrai, en renonçant à moi, vous n’auriez pas épousé une autre femme? Vous me seriez resté fidèle, même sans espérance? Ma pensée occupait la vôtre lorsque Vallombreuse est allé vous relancer dans votre manoir?

—Chère Isabelle, le jour, je n’avais pas une idée qui ne volât vers vous, et le soir, en posant ma tête sur l’oreiller effleuré une fois par votre front pur, je suppliais les divinités du rêve de me représenter votre charmante image dans leur miroir fantastique.

—Et ces bonnes divinités vous exauçaient-elles souvent?

—Elles n’ont pas trompé une fois mon attente, et le matin seul vous faisait disparaître par la porte d’ivoire. Oh! la journée me paraissait bien longue, et j’aurais voulu toujours dormir.

—Je vous ai vu aussi bien des nuits de suite. Nos âmes amoureuses se donnaient rendez-vous dans le même songe. Mais, Dieu soit loué, nous voici réunis pour longtemps, pour toujours, je l’espère. Le prince, avec qui Vallombreuse doit être d’accord, car mon frère ne vous aurait pas légèrement engagé dans cette démarche, accueillera, sans nul doute, votre demande avec faveur. A plusieurs reprises, il m’a parlé de vous en fort bons termes, tout en me jetant un regard singulier qui me troublait extrêmement, et dont je n’osais alors comprendre la signification, Vallombreuse n’ayant point dit encore qu’il renonçât à sa haine contre vous.»

En ce moment le jeune duc revint et dit à Sigognac que le prince l’attendait.

Sigognac se leva, salua Isabelle et suivit Vallombreuse à travers plusieurs appartements au bout desquels se trouvait la chambre du prince. Le vieux seigneur, vêtu de noir, décoré de ses ordres, était assis près de la fenêtre dans un grand fauteuil, derrière une table recouverte d’un tapis de Turquie et chargée de papiers et de livres. Sa pose, malgré son air affable, était un peu composée comme celle d’un homme qui attend une visite solennelle. La lumière, glissant sur son front en luisants satinés, y faisait briller comme des fils d’argent quelques cheveux détachés des boucles que le peigne du valet de chambre avait disposées au long de ses tempes. Son regard était doux, ferme et clair, et le temps qui avait laissé sur cette noble physionomie des traces de son passage, lui rendait en majesté ce qu’il lui dérobait en beauté. A l’aspect du prince, même eût-il été dénué des insignes de son rang, il était impossible de ne pas éprouver un sentiment de vénération. Le manant le plus inculte et le plus farouche eût reconnu en lui un vrai grand seigneur. Le prince se souleva sur son fauteuil pour répondre au salut de Sigognac et lui fit signe de s’asseoir.

«Monsieur mon père, dit Vallombreuse, je vous présente le baron de Sigognac, autrefois mon rival, maintenant mon ami, mon parent bientôt si vous y consentez. Je lui dois d’être sage. Ce n’est pas une mince obligation. Le Baron vient respectueusement vous faire une requête qu’il me serait bien doux de vous voir lui accorder.»

Le prince fit un geste d’acquiescement comme pour engager Sigognac à parler.

Encouragé de la sorte, le Baron se leva, s’inclina et dit: «Prince, je vous demande la main de madame la comtesse Isabelle de Lineuil, votre fille.»

Comme pour se donner le temps de la réflexion, le vieux seigneur garda quelques instants le silence, puis il répondit: «Baron de Sigognac, j’accueille votre demande et consens à ce mariage en tant que ma volonté paternelle s’accordera avec le bon plaisir de ma fille que je ne prétends forcer en rien. Je ne veux point user de tyrannie, et c’est à la comtesse de Lineuil qu’il appartient de décider sur ce point en dernier ressort. Il la faut consulter. Les fantaisies des jeunes personnes sont parfois bizarres.» Le prince dit ces mots avec la fine malice et le sourire spirituel du courtisan comme s’il ne savait pas dès longtemps qu’Isabelle aimait Sigognac; mais il était de sa dignité de père de paraître l’ignorer, tout en laissant entrevoir qu’il n’en doutait aucunement.

Il reprit après une pause: «Vallombreuse, allez chercher votre sœur, car sans elle, vraiment, je ne puis répondre au baron de Sigognac.»

Vallombreuse disparut et revint bientôt avec Isabelle plus morte que vive. Malgré les assurances de son frère, elle ne pouvait croire encore à tant de bonheur; son sein palpitant soulevait son corsage, les couleurs avaient quitté ses joues, et ses genoux se dérobaient sous elle. Le prince l’attira près de lui, et elle fut obligée, tant elle tremblait, de s’appuyer au bras du fauteuil pour ne pas choir tout de son long à terre.

«Ma fille, dit le prince, voici un gentilhomme qui vous fait l’honneur de me demander votre main. Je verrais cette union avec joie; car il est de race ancienne, de réputation sans tache, et il me semble réunir toutes les conditions désirables. Il me convient; mais a-t-il su vous plaire? les têtes blondes ne jugent pas toujours comme les têtes grises. Sondez votre cœur, examinez votre âme, et dites si vous acceptez monsieur le baron de Sigognac pour mari. Prenez votre temps; en chose si grave, il ne faut point de hâte.»

Le sourire bienveillant et cordial du prince faisait bien voir qu’il badinait. Aussi Isabelle enhardie mit ses bras autour du col de son père et lui dit d’une voix adorablement câline: «Il n’est pas nécessaire de tant réfléchir. Puisque le baron de Sigognac vous agrée, mon seigneur et père, j’avouerai avec une libre et honnête franchise que je l’aime depuis que je l’ai vu et je n’ai jamais désiré d’autre époux. Vous obéir sera mon plus grand bonheur.

—Eh bien, donnez-vous la main et embrassez-vous en signe de fiançailles, dit gaiement le duc de Vallombreuse. Le roman se termine mieux qu’on ne l’aurait pu croire d’après ses commencements embrouillés. A quand la noce?

—Il faut bien, dit le prince, une huitaine de jours aux tailleurs pour couper et assembler les étoffes, autant aux carrossiers pour mettre en état les équipages; en attendant, Isabelle, voici votre dot: la comté de Lineuil dont vous portez le titre et qui rend cinquante mille écus de rente avec ses bois, prés, étangs et terres labourables (et il lui tendit une liasse de papiers). Quant à vous, Sigognac, prenez cette ordonnance royale qui vous nomme gouverneur d’une province. Nul mieux que vous ne convient à cette place.»

Sur la fin de cette scène Vallombreuse s’était éclipsé, mais il reparut bientôt suivi d’un laquais qui portait une boîte enveloppée d’une chemise en velours rouge.

«Ma petite sœur, dit-il à la jeune fiancée, voici mon présent de noces,» et il lui présenta la boîte. Sur le couvercle on lisait: «Pour Isabelle.» C’était l’écrin qu’il avait jadis offert à la comédienne et qu’elle avait vertueusement refusé. «Vous l’accepterez cette fois, ajouta-t-il avec un charmant sourire, empêchez ces diamants d’une eau magnifique et ces perles d’un orient parfait de faire une mauvaise fin. Qu’ils restent aussi purs que vous!»

Isabelle, en souriant, prit un collier et le passa à son col, pour prouver à ces belles pierres qu’elle ne leur gardait pas rancune. Ensuite elle arrangea autour de son bras nacré un triple rang de perles, puis elle suspendit à ses oreilles de riches pendeloques.

Qu’ajouter à cela? les huit jours passés, le chapelain de Vallombreuse unit Isabelle et Sigognac, à qui le marquis de Bruyères servait de témoin, dans la chapelle du château toute fleurie de bouquets, tout étincelante de cierges. Des musiciens amenés par le jeune duc chantèrent avec une voix qui semblait venir du ciel et y remonter un motet de Palestrina. Sigognac était radieux, Isabelle adorable sous ses longs voiles blancs, et jamais, à moins de le savoir, on n’eût pu soupçonner que cette belle personne si noble et si modeste à la fois, qui ressemblait à une princesse du sang, avait paru en des comédies, devant des chandelles. Sigognac, gouverneur de province, capitaine de mousquetaires, vêtu superbement, n’avait aucun rapport avec le malheureux gentillâtre dont la misère a été décrite au commencement de cette histoire.

Après un repas splendide où figuraient le prince, Vallombreuse, le marquis de Bruyères, le chevalier de Vidalinc, le comte de l’Estang et quelques vertueuses dames amies de la famille, les deux mariés disparurent; mais il nous faut les abandonner sur le seuil de la chambre nuptiale en chantant à mi-voix: «Hymen, ô Hyménée!» à la façon antique. Les mystères du bonheur doivent être respectés, et d’ailleurs Isabelle est si pudique qu’elle mourrait de honte si l’on ôtait indiscrètement une épingle à son corsage.

XXII.

LE CHATEAU DU BONHEUR.

ÉPILOGUE.

On pense bien que la bonne Isabelle, devenue baronne de Sigognac, n’avait pas oublié dans les grandeurs ses braves camarades de la troupe d’Hérode. Ne pouvant les inviter à sa noce à cause de leur condition qui ne congruait plus à la sienne, elle leur avait fait à tous des cadeaux offerts avec une grâce si charmante qu’elle en doublait la valeur. Même, jusqu’au départ de la compagnie, elle alla souvent les voir jouer, les applaudissant à propos, comme quelqu’un qui s’y connaissait. Car la nouvelle baronne ne célait point qu’elle eût été comédienne, excellent moyen d’ôter aux mauvaises langues l’envie de le dire, comme elles n’y auraient pas manqué, si elle en eût fait mystère. Du reste, le sang illustre dont elle était imposait silence à tous, et sa modestie lui eut bientôt conquis les cœurs, même ceux des femmes, qui s’accordèrent à la trouver aussi grande dame que pas une à la cour. Le roi Louis XIII, ayant entendu parler des aventures d’Isabelle, la loua fort de sa sagesse et témoigna une particulière estime à Sigognac pour sa retenue, n’aimant pas, en chaste monarque qu’il était, les jeunesses audacieuses et débordées. Vallombreuse s’était notoirement amendé à la fréquentation de son beau-frère, et le prince en ressentait beaucoup de joie. Les jeunes époux menaient donc une charmante vie, toujours plus amoureux l’un de l’autre et n’éprouvant pas cette satiété du bonheur qui gâte les plus belles existences. Cependant, depuis quelque temps, Isabelle semblait animée d’une activité mystérieuse. Elle avait des conférences secrètes avec son intendant: un architecte venait la voir qui lui soumettait des plans; des sculpteurs et des peintres avaient reçu d’elle des ordres et étaient partis pour une destination inconnue. Tout cela se faisait en cachette de Sigognac, de complicité avec Vallombreuse, qui paraissait savoir le mot de l’énigme.

Un beau matin, après quelques mois écoulés, nécessaires sans doute à l’accomplissement de son projet, Isabelle dit à Sigognac, comme si une idée subite lui eût traversé la fantaisie: «Mon cher seigneur, ne pensez-vous jamais à votre pauvre castel de Sigognac, et n’avez-vous pas envie de revoir le berceau de nos amours?

—Je ne suis pas si ingrat, et j’y ai plus d’une fois songé; mais je n’ai point osé vous engager à ce voyage, ne sachant pas s’il serait de votre goût. Je ne me serais pas permis de vous arracher aux délices de la cour dont vous êtes l’ornement, pour vous conduire à ce château lézardé, séjour des rats et des hiboux, lequel je préfère pourtant aux plus riches palais, comme étant la séculaire habitation de mes ancêtres et le lieu où je vous vis pour la première fois, place à jamais sacrée que volontiers je marquerais d’un autel.

—Pour moi, reprit Isabelle, je me suis demandé bien souvent si l’églantier du jardin avait encore des roses.

—Il en a, dit Sigognac, j’en jurerais; ces arbustes agrestes sont vivaces, et d’ailleurs, ayant été touché par vous, il doit toujours produire des fleurs, même pour la solitude.

—A l’encontre des époux ordinaires, répondit en riant la baronne de Sigognac, vous êtes plus galant après le mariage qu’avant, et vous poussez des madrigaux à votre femme comme à une maîtresse. Puisque votre désir s’accorde avec mon caprice, vous plairait-il de partir cette semaine? La saison est belle, les fortes chaleurs sont passées, et nous ferons agréablement le voyage. Vallombreuse viendra avec nous et j’emmènerai Chiquita, à qui cela fera plaisir de revoir son pays.»

Les préparatifs furent bientôt faits. On se mit en route. Le voyage fut rapide et charmant; Vallombreuse ayant fait disposer d’avance des relais de chevaux, au bout de quelques jours on arriva à cet endroit où s’embranchait, sur le grand chemin, l’allée conduisant au manoir de Sigognac. Il pouvait être deux heures de l’après-midi, et le ciel brillait d’une vive lumière.

Au moment où le carrosse tourna pour entrer dans l’allée et où la perspective du château se découvrit tout d’un coup, Sigognac eut comme un éblouissement; il ne reconnaissait plus ces lieux si familiers pourtant à sa mémoire. La route aplanie n’offrait plus d’ornières. Les haies élaguées laissaient passer le voyageur sans l’égratigner de leurs griffes. Les arbres, taillés avec art, jetaient une ombre correcte, et leur arcade encadrait une vue tout à fait nouvelle.

Au lieu de la triste masure dont on se rappelle la description lamentable, s’élevait, sous un gai rayon de soleil, un château tout neuf, ressemblant à l’ancien comme un fils ressemble à son père. Cependant rien n’avait été changé dans sa forme. Il présentait toujours la même disposition architecturale; seulement, en quelques mois, il avait rajeuni de plusieurs siècles. Les pierres tombées s’étaient remises en place. Les tourelles sveltes et blanches, coiffées d’un joli toit d’ardoises dessinant des symétries, se tenaient fièrement, comme des gardiennes féodales, aux quatre coins du castel, dressant dans l’azur leurs girouettes dorées. Un comble orné d’une élégante crête en métal avait fait disparaître le vieux toit effondré de tuiles lépreuses et moussues. Aux fenêtres, désobstruées de leurs fermetures en planches, brillaient des vitres neuves encadrées de plomb, formant des ronds et des losanges; aucune lézarde ne bâillait sur la façade complétement restaurée. Une superbe porte en chêne, soutenue de riches ferrures, fermait le porche qu’autrefois laissaient ouvert deux vieux battants vermoulus à la peinture délavée. Sur le claveau de l’arcade, au milieu de ses lambrequins refouillés par un ciseau intelligent, rayonnaient les armoiries des Sigognac: trois cigognes sur champ d’azur, avec cette noble devise, naguère effacée, maintenant parfaitement lisible, en lettres d’or: Alta petunt.

Sigognac garda quelques minutes le silence, contemplant ce spectacle merveilleux, puis il se tourna vers Isabelle et lui dit: «C’est à vous, gracieuse fée, que je dois cette transformation de mon manoir. Il vous a suffi de le toucher de votre baguette pour lui rendre la splendeur, la beauté et la jeunesse. Je vous sais un gré infini de cette surprise; elle est charmante et délicieuse comme tout ce qui vient de vous. Sans que j’aie rien dit, vous avez deviné le vœu secret de mon âme.

—Remerciez aussi, répondit Isabelle, un certain enchanteur qui m’a beaucoup aidée en tout ceci;» et elle montrait Vallombreuse assis dans un coin du carrosse.

Le Baron serra la main du jeune duc.

Pendant cette conversation, le carrosse était parvenu sur une place régulière ménagée devant le château, dont les cheminées de briques vermeilles envoyaient au ciel de larges tourbillons de fumée blanche, prouvant qu’on attendait des hôtes d’importance.

Pierre, en belle livrée neuve, était debout sur le seuil de la porte, dont il poussa les battants à l’approche de la voiture, qui déposa le baron, la baronne et le duc au bas de l’escalier. Huit ou dix laquais, rangés en haie sur les marches, saluèrent profondément ces nouveaux maîtres qu’ils ne connaissaient pas encore.

Des peintres habiles avaient redonné aux fresques des murailles leur fraîcheur disparue. Les hercules à gaîne soutenaient la fausse corniche avec un air d’aisance dû à leurs muscles ronflants à la florentine. Les empereurs romains se prélassaient dans leur pourpre d’un ton vif. Les infiltrations de pluies ne géographiaient plus la voûte de leurs taches, et le treillage simulé laissait voir un ciel exempt de nuages.

Une métamorphose semblable s’était opérée partout. Les boiseries et les parquets avaient été refaits. Des meubles neufs, d’une forme pareille, remplaçaient les anciens. Le souvenir se trouvait rajeuni et non dépaysé. La verdure de Flandre avec le chasseur de halbrans tapissait encore la chambre de Sigognac, mais un lavage savant en avait ravivé les couleurs. Le lit était le même, seulement un patient sculpteur sur bois avait bouché les piqûres de tarets, ajusté aux figurines de la frise les nez et les doigts qui manquaient, continué les feuillages interrompus, rendu leurs arêtes aux ornements frustes et remis le vieux meuble en son intégrité primitive. Une brocatelle verte et blanche du même dessin que l’autre se plissait entre les spirales des colonnes torses, bien cirées et bien frottées.

La délicate Isabelle n’avait pas voulu se livrer à un luxe intempestif, toujours facile quand on dispose de grosses sommes; mais elle avait pensé à charmer l’âme d’un mari tendrement aimé, en lui rendant ses impressions d’enfance dépouillées de leur misère et de leur tristesse. Tout semblait gai dans ce manoir naguère si mélancolique. Les portraits même des aïeux, débarbouillés de leur crasse, restaurés et vernis, souriaient, dans leurs cadres d’or, avec un air juvénile. Les douairières revêches, les chanoinesses prudes, ne faisaient plus, comme autrefois, la moue à Isabelle, de comédienne devenue baronne; elles l’accueillaient comme de la famille.

Il n’y avait plus dans la cour ni orties, ni ciguës, ni aucune de ces mauvaises herbes que favorisent l’humidité, la solitude et l’incurie. Les pavés, sertis de ciment, ne présentaient plus cette bordure verte indice des maisons abandonnées. Par leurs vitres claires, les fenêtres des chambres dont les portes étaient jadis condamnées, laissaient voir des rideaux de riche étoffe qui montraient qu’elles étaient prêtes à recevoir des hôtes.

On descendit au jardin par un perron dont les marches, raffermies et dégagées de mousses, ne vacillaient plus sous le pied trop confiant. Au bas de la rampe s’épanouissait, précieusement conservé, l’églantier sauvage qui avait offert sa rose à la jeune comédienne, le matin du départ de Sigognac. Il en portait encore une qu’Isabelle cueillit et mit dans son sein, voyant là un présage heureux pour la durée de ses amours. Le jardinier n’avait pas moins travaillé que l’architecte; grâce à ses ciseaux, l’ordre s’était remis dans cette forêt vierge. Plus de branches gourmandes barrant le chemin, plus de broussailles aux ongles acérés; on y pouvait passer sans laisser sa robe aux épines. Les arbres avaient repris l’habitude du berceau et de la charmille. Les buis retaillés encadraient dans leurs compartiments toutes les fleurs que peut verser la corbeille de Flore. Au fond du jardin, la Pomone, guérie de sa lèpre, étalait sa blanche nudité de déesse. Un nez de marbre adroitement soudé lui restituait son profil à la grecque. Il y avait en son panier des fruits sculptés et non plus des champignons vénéneux. Le mufle de lion vomissait dans sa vasque une eau abondante et pure. Des plantes grimpantes, balançant des clochettes de toutes couleurs et accrochant leurs vrilles à un treillage solide peint en vert, cachaient pittoresquement la muraille de clôture et donnaient un air agréablement rustique au cabinet de rocailles servant de niche à la statue. Jamais, même en leurs beaux jours, le château ni le jardin n’avaient été accommodés avec tant de richesse et de goût. La splendeur de Sigognac, si longtemps éclipsée, brillait de tout son éclat!

Sigognac, étonné et ravi comme s’il marchait dans un rêve, serrait contre son cœur le bras d’Isabelle et laissait couler sans honte, sur ses joues, deux larmes d’attendrissement.

«Maintenant, dit Isabelle, que nous avons tout bien vu, il faut visiter les domaines que j’ai rachetés sous main, pour reconstituer telle qu’elle était ou peu s’en faut, l’antique baronnie de Sigognac. Permettez-moi d’aller mettre un habit de cheval. Je ne serai pas longue, ayant par mon premier métier l’habitude de changer prestement de costume. Pendant ce temps, choisissez vos montures et faites-les seller.»

Vallombreuse emmena Sigognac, qui vit dans l’écurie, naguère déserte, dix beaux chevaux séparés par des stalles de chêne, et piétinant une litière nattée. Leurs croupes fermes et polies brillaient d’une lueur satinée et, entendant des visiteurs, les nobles bêtes tournèrent vers eux leurs yeux intelligents. Un hennissement éclata soudain; c’était l’honnête Bayard qui reconnaissait son maître et le saluait à sa façon; ce vieux serviteur, qu’Isabelle n’avait eu garde de renvoyer, occupait au bout de la file la place la plus chaude et la plus commode. Sa mangeoire était pleine d’avoine moulue, pour que ses longues dents n’eussent pas la peine de la triturer; entre ses jambes dormait son camarade Miraut, qui se leva et vint lécher la main du Baron. Quant à Béelzébuth, s’il n’avait pas paru encore, il n’en faut pas accuser son bon petit cœur de chat, mais les habitudes prudentes de sa race, que tout ce remue-ménage en un lieu jadis si tranquille effarouchait singulièrement. Caché dans un grenier, il attendait la nuit pour se produire et rendre ses devoirs à son maître bien-aimé.

Le Baron, après avoir flatté Bayard de la main, choisit un bel alezan, qu’on sortit aussitôt de l’écurie; le duc prit un genet d’Espagne à tête busquée, digne de porter un infant, et l’on mit pour la baronne, sur un délicieux palefroi blanc dont le pelage semblait argenté, une riche selle de velours vert.

Bientôt Isabelle parut habillée d’un costume d’amazone le plus galant du monde, qui faisait valoir les avantages de sa taille faite au tour. C’était une veste de velours bleu relevée de boutons, de brandebourgs et de soutaches d’argent, avec des basques tombant sur une longue jupe en satin gris de perle. Sa coiffure consistait en un chapeau d’homme, de feutre blanc, ombragé d’une plume bleue frisée, s’allongeant par derrière jusque sur le col. Pour que la rapidité de la course ne les dérangeât point, les blonds cheveux de la jeune femme étaient serrés dans un réseau d’azur à petites perles d’argent d’une coquetterie charmante.

Ajustée ainsi, Isabelle était adorable et, devant elle, les beautés les plus altières de la cour eussent été forcées d’amener pavillon. Cet habit cavalier faisait ressortir, dans la grâce ordinairement si modeste de la baronne, un côté fier qui sentait son origine illustre. C’était bien toujours Isabelle, mais c’était aussi la fille d’un prince, la sœur d’un duc, la femme d’un gentilhomme dont la noblesse datait d’avant les croisades. Vallombreuse le remarqua et ne put s’empêcher de dire: «Ma sœur, que vous avez aujourd’hui grande mine! Hippolyte, reine des Amazones, n’était certes pas plus superbe et plus triomphante!»

Isabelle, à qui Sigognac tint le pied, se mit légèrement en selle; le duc et le Baron enfourchèrent leurs montures, et la cavalcade déboucha sur la place du château, où elle rencontra le marquis de Bruyères et quelques gentilshommes du voisinage, qui venaient complimenter les nouveaux époux. On voulait rentrer, comme la politesse l’exigeait, mais les visiteurs prétendirent qu’ils ne seraient pas fâcheux jusqu’à interrompre une promenade commencée, et firent tourner tête à leurs chevaux, pour accompagner le jeune couple et le duc de Vallombreuse.

La chevauchée, grossie de cinq ou six personnes en habit de gala, car les hobereaux s’étaient faits le plus braves qu’ils avaient pu, prenait un air cérémonieux et magnifique. C’était un vrai cortège de princesse. On parcourut, en suivant un chemin bien entretenu, des prés verdoyants, des terres auxquelles la culture avait rendu la fertilité, des métairies en plein rapport, des bois savamment aménagés. Tout cela appartenait à Sigognac. La lande, avec les bruyères violettes, semblait s’être reculée du château.

Comme on passait dans un bois de sapins, sur la limite de la baronnie, des abois de chiens se firent entendre, et bientôt parut Yolande de Foix, suivie de son oncle le commandeur et d’un ou deux galants. Le chemin était étroit et les deux troupes se frôlèrent en sens inverse, bien que chacune tâchât de faire place à l’autre. Yolande, dont le cheval piaffait et se cabrait, effleura de sa jupe la jupe d’Isabelle. Le dépit empourprait ses joues, et sa colère cherchait quelque insulte, mais Isabelle avait une âme au-dessus des vanités féminines; l’idée de se venger du regard dédaigneux qu’Yolande avait autrefois laissé tomber sur elle avec ce mot: «bohémienne,» presque à cette même place, ne lui vint seulement pas à l’esprit; elle pensa que ce triomphe d’une rivale pouvait blesser, sinon le cœur, du moins l’orgueil d’Yolande, et d’un air digne, modeste et gracieux, elle salua mademoiselle de Foix, qui fut bien forcée, ce dont elle manqua enrager, de répondre par une légère inclination de tête. Le baron de Sigognac lui fit, d’un air détaché et tranquille, un salut parfaitement respectueux, et Yolande ne surprit pas dans les yeux de son ex-adorateur une étincelle de l’ancienne flamme. Elle cravacha son cheval et partit au galop entraînant sa petite troupe.

«Par les Vénus et les Cupidons, dit gaiement Vallombreuse au marquis de Bruyères près duquel il chevauchait, voici une belle fille, mais elle a l’air diablement revêche et farouche! Quels regards elle lançait à ma sœur! C’était autant de coups de stylet.

—Quand on a été la reine d’un pays, répondit le marquis, on n’est pas bien aise d’être détrônée, et la victoire reste décidément à madame la baronne de Sigognac.»

La cavalcade rentra au château. Un somptueux repas, servi dans la salle où jadis le pauvre Baron avait fait souper les comédiens avec leurs propres provisions, n’ayant rien en son garde-manger, attendait les hôtes, qui furent charmés de sa belle ordonnance. Une riche argenterie aux armes de Sigognac étincelait sur une nappe damassée, dont la trame montrait, parmi ses ornements, des cigognes héraldiques. Les quelques pièces de l’ancien service qui n’étaient pas tout à fait hors d’usage avaient été religieusement conservées et mêlées aux pièces récentes, pour que ce luxe n’eût pas l’air trop récent, et que l’ancien Sigognac contribuât un peu aux splendeurs du nouveau. On se mit à table. La place d’Isabelle était la même qu’elle occupait dans cette fameuse nuit qui avait changé le destin du Baron; elle y pensait, Sigognac aussi, car les époux échangèrent un sourire d’amants, attendri de souvenir et lumineux d’espérance. Près de la crédence sur laquelle l’écuyer tranchant découpait les viandes, se tenait debout un homme de taille athlétique, à large face pâle, entourée d’une épaisse barbe brune, vêtu de velours noir et portant au cou une chaîne d’argent, qui, de temps à autre, donnait des ordres aux laquais d’un air majestueux. Près d’un buffet chargé de bouteilles, les unes pansues, les autres effilées, quelques-unes nattées de sparterie, selon les provenances, se trémoussait avec beaucoup d’activité, malgré son tremblement sénile, une figure falotte, au nez rabelaisien tout fleuronné de bubelettes, aux joues fardées de purée septembrale, aux petits yeux vairons pleins de malice et surmontés d’un sourcil circonflexe. Sigognac, regardant par hasard de ce côté, reconnut dans le premier le tragique Hérode, dans le second le grotesque Blazius. Isabelle, voyant qu’il s’était aperçu de leur présence, lui dit à l’oreille que, pour mettre désormais ces braves gens à l’abri des misères de la vie théâtrale, elle avait fait l’un intendant et l’autre sommelier de Sigognac, conditions fort douces et n’exigeant pas grand travail; de quoi le Baron tomba d’accord et approuva sa femme.

Le repas allait son train, et les flacons, activement remplacés par Blazius, se succédaient sans interruption, lorsque Sigognac sentit une tête s’appuyer sur un de ses genoux, et sur l’autre des griffes acérées jouer un air de guitare bien connu. C’étaient Miraut et Béelzébuth qui, profitant d’une porte entr’ouverte, s’étaient glissés dans la salle, et, malgré la peur que leur inspirait cette splendide et nombreuse compagnie, venaient réclamer de leur maître leur part du festin. Sigognac opulent n’avait garde de repousser ces humbles amis de sa misère; il flatta Miraut de la main, gratta le crâne essorillé de Béelzébuth, et leur fit à tous deux une abondante distribution de bons morceaux. Les miettes consistaient cette fois en lardons de pâté, en reliefs de perdrix, en filets de poisson et autres mets succulents. Béelzébuth ne se sentait pas d’aise et, de sa patte griffue, il réclamait toujours quelque nouveau rogaton, sans lasser l’inaltérable patience de Sigognac, que cette voracité amusait. Enfin, gonflé comme une outre, marchant à pas écarquillés, pouvant, à peine filer son rouet, le vieux chat noir se retira dans la chambre tapissée en verdure de Flandre, et se roula en boule à sa place accoutumée, pour digérer cette copieuse réfection.

Vallombreuse tenait tête au marquis de Bruyères, et les hobereaux ne se lassaient pas de porter la santé des époux avec des rouges bords, à quoi Sigognac, sobre de nature et d’habitude, répondait en trempant le bout de ses lèvres dans son verre toujours plein, car il ne le vidait jamais. Enfin les hobereaux, la tête pleine de fumées, se levèrent de table chancelants, et gagnèrent, un peu aidés des laquais, les appartements qu’on avait préparés pour eux.

Isabelle, sous prétexte de fatigue, s’était retirée au dessert. Chiquita, promue à la dignité de femme de chambre, l’avait défaite et accommodée de nuit, avec cette activité silencieuse qui caractérisait son service. C’était maintenant une belle fille que Chiquita. Son teint, que ne tannaient plus les intempéries des saisons, s’était éclairci, tout en gardant cette pâleur vivace et passionnée que les peintres admirent fort. Ses cheveux, qui avaient fait connaissance avec le peigne, étaient proprement retenus par un ruban rouge dont les bouts flottaient sur sa nuque brune; à son col, on voyait toujours le fil de perles donné par Isabelle, et qui, pour la bizarre jeune fille, était le signe visible de son servage volontaire, une sorte d’emprise que la mort seule pouvait rompre. Sa robe était noire et portait le deuil d’un amour unique. Sa maîtresse ne l’avait pas contrariée en cette fantaisie. Chiquita, n’ayant plus rien à faire dans la chambre, se retira après avoir baisé la main d’Isabelle, comme elle n’y manquait jamais chaque soir.

Lorsque Sigognac rentra dans cette chambre où il avait passé tant de nuits solitaires et tristes, écoutant les minutes longues comme des heures, tomber goutte à goutte, et le vent gémir lamentablement derrière la vieille tapisserie, il aperçut, à la lueur d’une lanterne de Chine suspendue au plafond, entre les rideaux de brocatelle verte et blanche, la jolie tête d’Isabelle qui se penchait vers lui avec un chaste et délicieux sourire. C’était la réalisation complète de son rêve, alors que, n’ayant plus d’espoir et se croyant à jamais séparé d’Isabelle, il regardait le lit vide avec une mélancolie profonde. Décidément, le destin faisait bien les choses!

Vers le matin, Béelzébuth, en proie à une agitation étrange, quitta le fauteuil où il avait passé la nuit, et grimpa péniblement sur le lit. Arrivé là, il heurta de son nez la main de son maître endormi encore, et il essaya un ron-ron qui ressemblait à un râle. Sigognac s’éveilla et vit Béelzébuth le regardant comme s’il implorait un secours humain, et dilatant outre mesure ses grands yeux verts vitrés déjà et à demi éteints. Son poil avait perdu son brillant lustré et se collait comme mouillé par les sueurs de l’agonie; il tremblait et faisait pour se tenir sur ses pattes des efforts extrêmes. Toute son attitude annonçait la vision d’une chose terrible. Enfin il tomba sur le flanc, fut agité de quelques mouvements convulsifs, poussa un sanglot semblable au cri d’un égorgé, et se raidit comme si des mains invisibles lui distendaient les membres. Il était mort. Ce hurlement funèbre interrompit le sommeil de la jeune femme.

«Pauvre Béelzébuth, dit-elle en voyant le cadavre du chat, il a supporté la misère de Sigognac, il n’en connaîtra pas la prospérité!»

Béelzébuth, il faut l’avouer, mourait victime de son intempérance. Une indigestion l’avait étouffé. Son estomac famélique n’était pas habitué à de telles frairies. Cette mort toucha Sigognac plus qu’on ne saurait dire. Il ne pensait point que les animaux fussent de pures machines, et il accordait aux bêtes une âme de nature inférieure à l’âme des hommes, mais capable cependant d’intelligence et de sentiment. Cette opinion, d’ailleurs, est celle de tous ceux qui, ayant vécu longtemps dans la solitude en compagnie de quelque chien, chat, ou tout autre animal, ont eu le loisir de l’observer et d’établir avec lui des rapports suivis. Aussi, l’œil humide et le cœur pénétré de tristesse, enveloppa-t-il soigneusement le pauvre Béelzébuth dans un lambeau d’étoffe, pour l’enterrer le soir, action qui eût peut-être paru ridicule et sacrilège au vulgaire.

Quand la nuit fut tombée, Sigognac prit une bêche, une lanterne, et le corps de Béelzébuth, roide dans son linceul de soie. Il descendit au jardin, et commença à creuser la terre au pied de l’églantier, à la lueur de la lanterne dont les rayons éveillaient les insectes, et attiraient les phalènes qui venaient en battre la corne de leurs ailes poussiéreuses. Le temps était noir. A peine un coin de la lune se devinait-il à travers les crevasses d’un nuage couleur d’encre, et la scène avait plus de solennité que n’en méritaient les funérailles d’un chat. Sigognac bêchait toujours, car il voulait enfouir Béelzébuth assez profondément pour que les bêtes de proie ne vinssent pas le déterrer. Tout à coup le fer de sa bêche fit feu comme s’il eut rencontré un silex. Le Baron pensa que c’était une pierre, et redoubla ses coups; mais les coups sonnaient bizarrement et n’avançaient pas le travail. Alors Sigognac approcha la lanterne pour reconnaître l’obstacle, et vit, non sans surprise, le couvercle d’une espèce de coffre en chêne, tout bardé d’épaisses lames de fer rouillé mais très-solides encore; il dégagea la boîte en creusant la terre alentour, et, se servant de sa bêche comme d’un levier, il parvint à hisser, malgré son poids considérable, le coffret mystérieux jusqu’au bord du trou, et le fit glisser sur la terre ferme. Puis il mit Béelzébuth dans le vide laissé par la boîte, et combla la fosse.

Cette besogne terminée, il essaya d’emporter sa trouvaille au château, mais la charge était trop forte pour un seul homme, même vigoureux, et Sigognac alla chercher le fidèle Pierre, pour qu’il lui vînt en aide. Le valet et le maître prirent chacun une poignée du coffre et l’emportèrent au château, pliant sous le faix.

Avec une hache, Pierre rompit la serrure, et le couvercle en sautant découvrit une masse considérable de pièces d’or: onces, quadruples, sequins, génovines, portugaises, ducats, cruzades, angelots et autres monnaies de différents titres et pays, mais dont aucune n’était moderne. D’anciens bijoux enrichis de pierres précieuses étaient mêlés à ces pièces d’or. Au fond du coffre vidé, Sigognac trouva un parchemin scellé aux armes de Sigognac, mais l’humidité en avait effacé l’écriture. Le seing était seul encore un peu visible, et, lettre à lettre, le Baron déchiffra ces mots: «Raymond de Sigognac.» Ce nom était celui d’un de ses ancêtres, parti pour une guerre d’où il n’était jamais revenu, laissant le mystère de sa mort ou de sa disparition inexpliqué. Il n’avait qu’un fils en bas âge et, au moment de s’embarquer dans une expédition dangereuse, il avait enfoui son trésor, n’en confiant le secret qu’à un homme sûr, surpris sans doute par la mort avant de pouvoir révéler la cachette à l’héritier légitime. A dater de ce Raymond commençait la décadence de la maison de Sigognac, autrefois riche et puissante. Tel fut, du moins, le roman très-probable qu’imagina le Baron d’après ces faibles indices; mais ce qui n’était pas douteux, c’est que ce trésor lui appartînt. Il fit venir Isabelle et lui montra tout cet or étalé.

«Décidément, dit le Baron, Béelzébuth était le bon génie des Sigognac. En mourant, il me fait riche, et s’en va quand arrive l’ange. Il n’avait plus rien à faire, puisque vous m’apportez le bonheur.»

FIN.

TABLE DES CHAPITRES

  Pages
I. Le château de la misère1
II.Le chariot de Thespis21
III.L’auberge du Soleil Bleu53
IV.Brigands pour les oiseaux69
V.Chez Monsieur le Marquis85
VI.Effet de neige132
VII.Où le roman justifie son titre155
VIII.Les choses se compliquent181
IX.Coups d’épée, coups de bâton et autres aventures214
X. Une tête dans une lucarne247
XI.Le Pont-Neuf276
XII.Le Radis couronné309
XIII.Double attaque325
XIV.Délicatesses de Lampourde342
XV.Malartic à l’œuvre353
XVI.Vallombreuse374
XVII.La bague d’améthyste403
XVIII.En famille434
XIX.Orties et toiles d’araignée452
XX.Déclaration d’amour de Chiquita465
XXI.Hymen, ô hyménée!475
XXII.Le château du bonheur485

TABLE

ET CLASSEMENT DES GRAVURES.

Nᵒˢ  Pages
1Le Château de la misère1
2Ce maigre régal terminé, le Baron parut tomber dans des réflexions douloureuses16
3Ce renfort inattendu, et surtout l’expérience de Pierre, eurent bientôt fait franchir le mauvais pas au lourd chariot22
4Le Scapin, le Matamore et le Tyran30
5La nuit se passa sans autre incident qu’une frayeur de l’Isabelle causée par Béelzébuth35
6Quant à Sigognac, il ne put fermer l’œil36
7Je ne croyais pas mon parterre si fleuri que cela43
8La soirée fut triste à Sigognac52
9Chiquita59
10Oui, répondit le brigand, tu es brave et fidèle72
11La bourse ou la vie!79
12C’était le parc qui s’étendait au loin, vaste, ombreux, seigneurial89
13La Soubrette s’élança au bord du char91
14Le Pédant99
15Ce type favori avait le don de faire rire les plus moroses113
16Il le lâcha subitement et le laissa tomber sur le ventre121
17Isabelle et Sigognac montèrent l’escalier, et, charmés par la beauté de la nuit124
18... et l’on quitta cet hospitalier château de Bruyères131
19Le Matamore avait pris l’avance137
20C’était bien, en effet, le pauvre Matamore146
21Les funérailles de Matamore153
22Le pauvre vieux cheval n’avançait qu’avec une peine extrême163
23Ils coupèrent à travers champs166
24Les loups ne se mangent pas entre eux, mon petit173
25Maître Bilot183
26Désormais la rue était libre, et la victoire demeurait aux comédiens216
27Le baron de Sigognac et le marquis de Bruyères225
28La voici mot pour mot, dit le page238
29Le duel244
30Une jeune femme prit place dans la loge262
31Dame Léonarde271
32... et se laissa tomber sur le plancher273
33L’hôtellerie de la rue Dauphine278
34Les femmes se retirèrent, laissant le trio d’ivrognes émérites283
35Sigognac se tenait debout sur le seuil287
36Eh! tenez, voici le Périgourdin du Maillet, dit le poëte crotté294
37Je vais le guérir à l’instant!296
38Vous appelez ce maraud un homme! dit Hérode297
39S’il s’agit de tuer, je suis votre homme306
40Tous deux s’en allèrent dans un tripot où se jouaient le lansquenet et la bassette307
41Maintenant que je n’ai plus le sol, je me sens plein d’esprit308
42Le cabaret du Radis couronné313
43La petite, accoutumée à ces exercices, ne témoignait ni frayeur ni surprise319
44A cette heure, le cabaret présentait un aspect lamentablement ridicule324
45Je vous inspire donc une bien insurmontable horreur335
46Au même instant la porte s’ouvrit337
47Le bretteur s’aplatit subitement340
48L’on ne voyait au bord du chemin qu’un aveugle accompagné d’un jeune garçon361
49«Me voici,» râla le Baron364
50Domptant ces terreurs chimériques. Isabelle continua son chemin377
51Bouquets et visites seront inutiles399
52Un grand corps, brisant les menues branches, fit son entrée au milieu de la bataille407
53Le bruit d’une lourde chute résonna dans l’ombre410
54Hérode... s’approchait de la sentinelle414
55La victoire semblait restée aux assaillants415
56Il tomba tout d’une pièce sur les dalles du palier422
57Les deux chevaux partirent d’un train assez vif451
58Un beau soir Sigognac aperçut de loin les tourelles de son château452
59Le duc de Vallombreuse comprit la pensée du Baron462
60A peine Agostin eut-il le temps de dire «Merci.»472

4113-13.—Corbeil. Imprimerie Crété.


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