Le Jardin de Marrès: par Bérénice
POUR PRENDRE DÉFINITIVEMENT CONGÉ
Mais c'est assez de bêtises pour aujourd'hui.
Sous l'œil des Tartares. Ch. 1.
On ne peut pas trouver des torts à celui qu'on aime.
Le Parterre de Bérénice.
Ces pages, qui seront, je l'espère, accueillies avec faveur par les lettrés délicats et prudents, risquent de n'être pas comprises de tous dans l'entourage de Marrès.
Un de ses amis politiques—qu'il connut par Syveton, à la «Patrie Française»,—auquel j'en ai fait lecture partielle, a cru devoir protester contre elles. Son discours m'a étonnée. Comme me voilà méconnue par ceux-là mêmes dont précisément j'ambitionne le suffrage!
Les épigraphes, cependant, toutes empruntées à mon Maître, et l'atmosphère de chaque phrase, indiquent nettement mon idée? Au surplus, je m'en suis tenue à la vérité, sans essayer même de ces dialogues dans la manière qu'a imaginée Platon pour peindre mieux, chez son maître Socrate, l'attache des idées et de l'homme, et que Marrès lui-même a si délicieusement suivie dans sa brochure Une semaine chez M. Renan.
Dernièrement, je causais avec son ami Simon: «Ces susceptibilités, m'a-t-il dit, je les crois excessives, mais leur sincérité les fait trop légitimes pour que vous n'en teniez pas compte.» Sur son avis, j'ai donc effacé quelques passages de cette œuvre sans prétention, que tous deux d'ailleurs, nous trouvons respectueuse pour ce Maître, sans qui plusieurs façons de se conduire et de raisonner en temps de guerre ne seraient pas.
—Vous parlez de Maurice, me disait encore Simon, avec le constant souci de servir sa pensée. A mon avis, vous n'avez dépassé aucun de vos droits. Mais ce ton, fort reçu envers les morts, sied-il avec les vivants? Or, grâce à Dieu, et peut-être aussi, je pense, à sainte Geneviève—encore qu'elle réserve, m'a dit Cherfils, plus volontiers sa protection à ceux qui sont tout à fait militaires—notre ami Marrès est bien vivant, et la guerre peut durer encore dans les conditions où elle se développe sans qu'il en soit atteint...
—C'est affaire d'éthique personnelle, ai-je répondu. Mais je suis sûre que, si je consultais Maurice, il serait le premier à donner son approbation à mon petit cahier.