Propos de peintre, première série: de David à Degas: Ingres, David, Manet, Degas, Renoir, Cézanne, Whistler, Fantin-Latour, Ricard, Conder, Beardsley, etc. Préface par Marcel Proust
GUSTAVE RICARD[11]
[11] Exposition de Ricard et de Carpeaux, à la salle du Jeu de Paume, 15 mai-15 juin 1912. Article paru dans la Revue de Paris.
Il est mort trop tôt pour que j'aie pu le connaître; mais on m'en a tant parlé dans ma jeunesse, qu'à l'aide de mes souvenirs j'essaierai d'évoquer cette figure mélancolique, si peu épargnée par l'injustice de ceux qui aiment les nouvelles formules, la spontanéité, la lumière, la vie joyeuse. Enfermé dans son atelier, par crainte de ses contemporains, Ricard vécut presque ignoré du public, et adulé de quelques-uns. L'expérience à laquelle nous assistâmes ce temps-ci prouve l'inutilité de certains essais de réparation. Moi-même, qui possède plusieurs de ses œuvres, recherchées et entourées de vénération par ma famille, cette réunion de plus de cent portraits m'a d'abord déçu autant que les gens pressés qui n'ont pas pris la peine de forcer la porte de ce reclus volontaire. Ricard a fait la nuit autour de lui: munissez-vous d'une lanterne et pénétrez à pas discrets dans son laboratoire de chimiste.
On lui refuse la personnalité. Il faudrait pourtant s'entendre sur cette question: en quoi consiste l'originalité? Il nous arrive trop souvent de prendre pour de l'originalité une simple transposition de ton, comme dans un orchestre l'usage d'un instrument au son bizarre et nouveau. Nous sommes en pleine brutalité. Nos yeux sont assaillis par les pires extravagances de colorations crues, de tons entiers, réaction toute légitime contre un excès de fadeur et de demi-teinte. Le soin dans le «métier» est sacrifié à la recherche de la couleur pure, qui, moins on la travaille, mieux elle chante. Aussi bien une exposition de Ricard, après la malencontreuse rétrospective de Whistler, laisse froid un public perverti par les savantes roueries de la réclame, et qui veut à tout prix découvrir des maîtres à bon marché, et féconds, dont la spéculation s'empare.
Ce que nous appelons couramment «originalité», est-ce le piment qui réveille, pour un temps, un appétit endormi? D'autre part, le retour à des préoccupations plastiques décoratives ne fut, dans plus d'un cas, qu'une confusion du tableau avec le décor, un entraînement des sens souvent assez heureux, et qui semble très particulier aux races orientales et sémitiques.
Or, l'on choisit cette heure pour rouvrir la chapelle désaffectée de Gustave Ricard et sonner des carillons au lieu d'un glas. Nous voici chez un homme qui fermait les rideaux de son atelier pour peindre dans la pénombre, arracha du cadran de son horloge les aiguilles—symbolisme qui vous fera sourire—s'exerce à y voir dans les ténèbres comme un oiseau de nuit, au moment où Cézanne se fixait à Aix dans le soleil de sa Provence.
* *
Un vieil ami de Ricard écrit: «C'était un être exquis, un causeur charmant, curieux de toutes choses. Très modeste, il n'était jamais tout à fait content de ses œuvres, qu'il comparait en admirateur forcené des maîtres, avec celles de Titien, de Velasquez, Rubens et Van Dyck, ses dieux. Il adorait les primitifs allemands et surtout italiens.»
Cette modestie-là n'est qu'une douloureuse ambition cachée dont meurent ceux à qui manque une robuste vitalité.
Ricard, dans un sombre rez-de-chaussée de Montmartre, mélange les huiles et les siccatifs, compose des tons de préparation et des glacis, d'après des recettes retrouvées du XVIe siècle. Il fait peu poser et peint sans relâche après le départ du modèle, corrigeant, effaçant les traces trop vulgaires du travail d'après nature; la séance continue dans la solitude; le peintre suit son idée et s'égare comme dans un labyrinthe où nul gardien ne le dirigera vers l'issue, en cas de découragement; il revient sur ses pas, parcourt des kilomètres, harassé, en pure perte. Il y a dans ce travail solitaire une jouissance morbide, dangereuse comme la morphine; pour le portraitiste, presque un non-sens; tout de même, qui en essaie y reviendra, inconscient des heures et de leur fuite… et, la nuit, quelle tentation de prendre une lampe, de retourner au chevalet revoir déformée par le pinceau l'image que l'imagination déforme plus encore, lui prêtant des beautés dont l'aurore dissipera le mirage! Et le lendemain, de recommencer! Si les maîtres d'autrefois ne peignaient pas d'après le modèle, ils dessinaient d'après lui; les portraits, aussi, étaient peints avec des recettes, coloriés à la façon des gravures que les enfants enluminent. Ces recettes, on les enseignait. Pour les retrouver, Ricard a fait un ouvrage de Pénélope. Par ses recherches, ses essais, son inquiétude, il est d'aujourd'hui, et peut-être le premier portraitiste qui, au lieu d'avoir exploité une formule, ne laissera que des études.
Ricard a mis trop de sentiment dans ses portraits. C'est la qualité du «sentiment» qui a le plus de chance de «faire dater» un tableau. Rien ne se démode comme le «sentiment», cause des succès rapides et des chutes dans l'oubli; péril pour un J.-F. Millet, si grand artiste tant qu'il n'est pas sentimental. Ricard fait penser dans certaines de ses toiles, mais avec un plus beau métier, à ce Lembach dont le «sentiment» est pour beaucoup dans l'illusion que ses contemporains se firent sur le peintre. Sans préférer la lourdeur d'esprit d'un Courbet ou d'un Alfred Stevens, méfions-nous des psychologues sentimentaux. Ricard, cependant, va parfois assez loin et exprime l'âme d'un temps dont Stevens nous conserva les costumes. Nous lui devons, comme à Carpeaux, nombre d'images typiques de cette époque impériale qui réapparaît sur la scène quand des directeurs de théâtre tentent de rajeunir les pièces de Dumas fils, d'Augier ou de Sardou, en revêtant les acteurs de toilettes oubliées depuis quarante ans.
Dans les familles moisissent, au fond d'armoires, les émouvants albums de photographies qui devraient avoir leur place dans les bibliothèques. Je m'y retrouve dans les bras d'une nourrice bourguignonne à bonnet tuyauté et couronné des coques d'un immense ruban écossais; puis petit garçon en chapeau de paille de riz, orné d'une écharpe à franges, et, sur les oreilles, deux pompons, à l'effet de me garantir des courants d'air si redoutés alors par de tendres mères en crinoline. Nos pères étaient charmants, mais un peu comiques, avec leurs favoris bouclés, leur cravate à trois tours, et fort bien pris, ma foi! dans leurs redingotes et leurs étroits pantalons à sous-pieds. La photographie ne nous permet plus d'ignorer nos propres avatars ni la tournure de nos aînés; mais les cartes-albums se détruisent, l'image pâlit, et seules survivent les œuvres peintes, ou modelées par le sculpteur. Et les bons portraitistes sont rares, à cause même du portraituré; car si le portrait commandé par une famille est jugé d'une présentation flatteuse, les intéressés sont contents et surpris d'un résultat toujours incertain dans l'aventure qu'est le choix d'un artiste; au point que si je devais en prendre la responsabilité, je frémirais, et peut-être m'abstiendrais-je, à moins de désirer un «simple morceau», peint pour moi seul d'après l'infortuné que je condamnerais à subir des séances de pose, qui sont un peu du viol.
En général, les considérations relatives à un portrait peuvent se réduire à celles-ci: ressemblance, présentation satisfaisante, valeur d'art, mérite technique. Qui ne demande à un portrait que la ressemblance flattée et l'agrément, le destine à une prochaine relégation dans le grenier, une fois disparu le Monsieur ou la Dame, et si la toile ne possède les mérites intrinsèques d'une œuvre d'art. Celles de Ricard étaient ensemble un portrait et un tableau grave, digne; Ricard était qualifié pour peindre un beau portrait qui ne passe pas de mode. Le cercle de ses clients, presque tous ses amis, fut restreint, mais une élite; son nom, ignoré des cours qui s'étaient attaché Winterhalter, Chaplin, Dubufe le père, Pérignon et Cabanel; quelques autres encore étaient assaillis de commandes et recueillaient une fortune. A côté d'eux, n'exposant point au Salon, Ricard exécutait un portrait, non sans se faire beaucoup prier, car il craignait de ne pas réussir. A défaut d'une couleur chatoyante et claire, agréable sur les boiseries d'un appartement luxueux, il vous donnait «de la distinction» et une certaine expression rêveuse fort au goût des clients dont l'idéal sera toujours de passer à la postérité, non sous leur aspect véritable, mais «idéalisé». Moins affecté qu'Ernest Hébert, le peintre des têtes penchées, maladives, aux yeux «chargés de nonchaloir», Ricard inclinait sur des poitrines plates des visages de mélancolie où «couve la passion». Aux hommes, il donnait une langueur rêveuse, romantique, un front «chargé de fatalité»; il nouait joliment une cravate sous une barbe soigneusement brossée, répandue en éventail sur une «veste de chambre» en velours; il prêtait à un financier l'allure d'Alfred de Musset. Un monsieur du temps de Bertall et de Cham, qui se voit tel accommodé, ne craint plus le jugement de ses petits-fils; ils ne le renieront point. Enfin, les gens du monde qui se piquaient d'être connaisseurs, croyaient faire preuve d'audace en allant à Ricard, comme en achetant des meubles anciens qu'on commençait de rechercher, ainsi que les vieux tableaux; or, le plus vif désir de Ricard était que les siens parussent, sitôt finis, dater au moins d'un siècle. Il était prêt à faire de vous un «Rembrandt», un «Titien» ou un «Reynolds». Chenavard, infatigable causeur, devait aviver, avec cette éloquence à laquelle nul de ses confrères ne résista, le mépris de Ricard pour la peinture moderne; néanmoins, une toile de Ricard est reconnaissable de loin, avant même qu'on ne déchiffre le monogramme G. R., et malgré le désir qu'eut le peintre de «faire» du Vénitien, du Flamand ou de l'Anglais. La durée de la peinture à l'huile, sa conservation: grand souci de Ricard qui fut si malheureux dans la recherche des procédés chimiques et de la fabrication des couleurs, des vernis, des «véhicules», des enduits pour panneaux, alors que Monticelli, le grand coloriste marseillais, son compatriote, avec des couleurs médiocres et sur des planches de sapin mal rabotées, obtint une matière si durable!
Après la tentative d'une réunion aussi complète de ses ouvrages, le peintre nous laisse dans le malaise et l'incertitude; sa peinture «préparée» s'assombrit au point qu'elle recouvre certaines toiles comme d'un suaire. A l'aide de mes souvenirs, je dégage de son enveloppe cette œuvre non pas difficile, mais qui veut être énigmatique. Une petite santé; des chairs grises ou jaunes se corrompent dans des vernis épais et craquelés. D'ici cinquante ans que restera-t-il de cet artiste incomplet, trop peu spontané, qui réalisa si rarement son beau rêve? Ricard a dit un mot typique à propos d'un portrait datant déjà de quelques années: «Mme X… commence de ressembler à son portrait.» A force de scruter les visages, d'y vouloir «lire entre les lignes», il croyait pénétrer des secrets qui ne se révèlent que plus tard. Les yeux, dont il fit une étude spéciale, n'ont-ils pas tous de l'analogie avec les siens, qui, dans son bel et ardent visage, semblent faire pencher par leur poids la tête sur la poitrine?
La plupart de ses portraits sont comme une reconstitution posthume d'après des souvenirs et des photographies. La tête de Mlle Louise Baignières enfant, n'aurait pas plus de réalité que Ricard ne lui en accorda, ce délicieux portrait eût-il été peint de mémoire. On a dit un Reynolds; non point! un Ricard.
L'opération d'esprit qu'inconsciemment il recommença en face de chaque modèle, substitue Ricard à son modèle. Or, ce n'est point la personnalité de l'artiste qui doit primer dans un portrait si c'est la ressemblance qu'on lui demande; et tout de même nous devons reconnaître à la fois l'artiste et le modèle. Si le peintre veut avant tout «s'exprimer», il risque de faire œuvre de mauvais portraitiste, ou de ne pas faire de portrait du tout. On dit couramment aujourd'hui: «Qu'importe la ressemblance? Il est puéril de la chercher». Mais le client a sa conception à lui de la ressemblance, et cette conception est médiocre, exigeante, à la fois terre à terre et d'un idéalisme assurément fort confus. Enfin le modèle refuse son secret à l'investigation du peintre, à moins que celui-ci ne le force.
Un Courbet, un Renoir ou un Monet sont exaltés par le plaisir de manier de la pâte; un ton les contentera par sa seule beauté. Ricard, «psychologue portraitiste», effacera un joli ton, le gâtera pour exprimer la vérité psychologique ou plutôt son idéal. Mais cette vérité psychologique, le dessin seul la crée. Un dessin sans caractère de vérité est nécessairement faible. Un dessinateur comme Ingres, qui autant que Ricard songe à un maître, à un style devant un visage, sa main lui obéissant sans peine trace une effigie ressemblante où se marque sa griffe.
L'intelligence sans l'outil de l'ouvrier fait d'un peintre une sorte de martyr. Ricard s'étiole dans son cabinet d'alchimiste où il manipule les dangereuses éprouvettes qui contiennent des poisons. Voici Armand Rolle, le galant conseiller d'État et député du second Empire: nous l'avons connu âgé mais portant beau, quand le dos tourné à une cheminée, il contait une anecdote, un pouce passé dans son gilet, la main droite soulignant d'un geste élégant une jolie phrase qu'il arrondit. Dans un cadre ovale d'ébène, Ricard nous présente ce «beau ténébreux» en héros d'Octave Feuillet; ceci est juste; mais le peintre a voulu mettre une énigme dans ces yeux vifs du Bourguignon, et nous donne un agrandissement de Nadar, qui aurait le sourire de la Joconde!
La Joconde?… Le sourire de la Joconde et ses yeux? Je me rappelle une visite de Gustave Moreau chez une jeune fille dont je peignais le portrait. Le vieil artiste au lieu de me donner un conseil technique comme Degas ou Manet, me dit: «C'est bien, vous aimez la Joconde! Retournez au Louvre, interrogez encore ce chef-d'œuvre, non pour le métier invisible que nul ne peut imiter, mais pour la Beauté, le Mystère…» J'avais vingt ans et du respect, je faillis obéir, mais qu'est-ce que Moreau appelait la beauté? Ricard qui fréquentait assidûment l'ermite de la rue de La Rochefoucauld, trop de fois tenta de recommencer la toile du Vinci.
Il faudrait pourtant mettre à part des portraits plus directs que ces Jocondes des Tuileries et retenir MM. Charles Le Senne, Paul Chenavard, Gustave Dreyfus, Heilbuth, Ziem, Diaz, Hamon, Marcotte de Quivières, les trois membres de la famille Abram; plusieurs encore, sont de délicats portraits vivants et de la plus jolie facture. Dans l'exposition où nous les admirions une fois de plus, ils étaient un repos à côté de plus célèbres, telle la madame de Calonne, inspiratrice et amie passionnément aimée de Ricard, figure blême, dont les yeux trop grands sont aussi sombres que le halo de bistre qui s'étend jusqu'aux minces narines. Ce sont des gouffres, ces yeux ardents, fixes, terribles, de goule en «mantelet». L'enveloppe savoureuse de cette face lunaire évoque pourtant un cadavre plus qu'une belle femme amoureuse. Il semble qu'un spectre s'interpose entre Mme de Calonne et le peintre qui, à force d'évoquer une âme, n'est plus conscient d'une très charnelle présence. Ce tableau si connu, et qui établit la réputation de Ricard, est, je crois, l'œuvre la plus irritante qu'il ait achevée. Laissons cette erreur d'amoureux pour considérer les toiles où l'artiste fut plus désintéressé et plus calme. Il existe de lui quelques chefs-d'œuvre complets: le portrait de Mme Paul Borel, née Formeville; celui de son fils Maurice Borel, le délicieux petit garçon en velours noir et à bas rouges que l'on admirait à l'exposition.
Mme Paul Borel, au fin visage de blonde émaciée porte un petit livre rouge dans ses belles mains, parfaites de dessin et de modelé plat, qui reposent sur une jupe du noir le plus délicat; les manches de mousseline blanche, où transparaissent les bras, relient à un fond gris de perle la gorge découverte et les mains. Cette toile me rappelle à la fois Holbein et Whistler.
Un autre chef-d'œuvre: la mère de Mme Borel, Mme de Formeville, reste à l'état de préparation dans une buée grise qui fait pressentir les vapeurs et l'ouate de Carrière; mais Carrière n'a jamais eu cette finesse spirituelle, ce charme féminin, et quand il ponctuait son camaïeu d'une lèvre rouge, il le désaccordait.
Rappelons encore: la Marquise de Carcano, Mlle de Carcano (Musée municipal de la ville de Paris); l'Inconnue de la collection Sarlin; Mme Henry Fouquier; Mme Gaston Pâris; Fromentin; Mme Félix Abram; le Comte et la Comtesse de Brigode; Mme Charles Roux et surtout Mistress Stephenson et son enfant (collection de M. le Duc de Guiche) qui font oublier les Mme Szarvady et autres dames d'une agaçante mièvrerie ou d'une passion trop littéraire.
Il n'eût pas été pour déplaire au modeste et orgueilleux Ricard qu'un jour à venir une partie de son œuvre détruite, une seule de ses toiles fût retrouvée par quelque amateur, chef-d'œuvre impossible à attribuer à aucun peintre moderne et à propos duquel des experts savants discuteraient comme d'un Giorgione ou d'un Léonard. Supposons que ce fût la tête véritablement «énigmatique» de Mlle de Carcano, ou qu'au fond d'un magasin fût découvert le portrait de Mistress Stephenson. Quelle surprise!… La composition en est classique; une mère tient sur ses genoux un enfant nu, la main sur la bouche comme le divin Bambino; la jeune femme tourne vers son fils une petite tête fine aux mâchoires accusées d'Anglaise; cette madone porte un «canezou» de velours noir, de mode à la fin de l'Empire. Le fond est un paysage fantastique et réel de primitif italien, sur un ciel de Gainsborough.
Le portrait de la marquise de Carcano est d'une somptueuse polyphonie. Le rouge, le jaune bouton d'or et le bleu de lapis-lazuli dansent une ronde joyeuse autour d'un blanc moiré et lamé de laque rosée, de gris bleuté et de maïs, à peine plus clair que le visage, seul irréel au milieu d'accessoires très rendus. Cet étrange et captivant tableau était le début d'un développement original, que la mort interrompit quand la lumière allait peut-être faire irruption dans la caverne du sorcier.
Ricard, qui fut le portraitiste de l'École de Fontainebleau, des Diaz, des Théodore Rousseau, n'appartient pas plus à leur époque qu'à la nôtre; on ne sait comment le classer. Aussi bien, son exposition rétrospective fut inopportune à côté d'une collection radieuse de l'école dite «impressionniste», école où les élèves bénéficient du prestige de leurs maîtres; or, parmi ces élèves, combien d'eux inférieurs, en tant qu'hommes, à Ricard sont déjà classés dans l'histoire!
Le malchanceux Ricard est comme une nébuleuse dans un ciel chargé d'étoiles. Il pâlit même à côté du fragile Fromentin et de ses camarades dont il se serait plus tard séparé: liaisons que son amitié l'empêcha de juger dangereuses.