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Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 6/8)

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CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE SAINT-JACQUES-DU-HAUT-PAS.

TABLEAUX.

Sur le dernier pilier de la nef, à droite, près de la croisée, le martyre de saint Barthélemi; par La Hire[337].

Vis-à-vis la chaire, un Christ; par Lelu.

Sur la porte de la sacristie, une Nativité et un saint Pierre dans la prison; sans nom d'auteur.

Sur l'autel de la Vierge, une Assomption; dans une chapelle à gauche, le mariage de la Vierge; également sans nom d'auteur.

SÉPULTURES.

Dans cette église et dans le cimetière avoient été inhumés:

Jean Duverger de Haurane, abbé de Saint-Cyran, mort en 1643.

Jean-Dominique Cassini, célèbre astronome, mort en 1712.

Philippe de La Hire, habile géomètre, et fils du peintre de ce nom, mort en 1718.

Jean Desmoulins, curé de cette paroisse, et l'un des plus dignes pasteurs dont puisse s'honorer l'église de Paris, mort en 1732.

CIRCONSCRIPTION.

L'étendue de cette paroisse ne peut pas être facilement désignée du côté de la campagne, et par conséquent il est difficile de bien établir ses limites avec Saint-Hippolyte; mais on peut faire observer que, du côté de la ville, son territoire étoit limitrophe avec Saint-Séverin vers les Chartreux; puis avec Saint-Cosme et Saint-Benoît, en commençant, après la porte Saint-Jacques, à la rue Saint-Dominique qu'elle avoit tout entière.

Cour et Hôpital Sainte-Geneviève.

Un peu en deçà de cette église, on voyoit une maison très-ancienne et mal bâtie, dont la porte étoit décorée d'une statue de sainte Geneviève. Jaillot est le seul de nos historiens qui en ait fait connoître l'ancienne destination. Elle avoit été acquise, en 1604, par M. Léonard Thuillier, proviseur du collége des Lombards, ainsi que le clos Gaudron auquel elle confinoit, dans l'intention d'en faire un asile pour les pauvres. Ayant obtenu, en 1610, l'autorisation de la puissance temporelle, il y fit construire une chapelle, et y établit un hôpital, qu'il légua aux marguilliers de Saint-Jacques-du-Haut-Pas par son testament du 2 janvier 1617. Nous ignorons à quelle époque cette institution cessa d'exister; mais dans le siècle dernier les Feuillants et le curé de Saint-Jacques occupoient la plus grande partie de cette maison.

LA COMMUNAUTÉ DES FILLES SAINTE-AURE.

Cette communauté fut établie en 1687 par M. Gardeau, curé de Saint-Étienne-du-Mont[338]. Sa première intention avoit été uniquement de procurer un asile et la subsistance à plusieurs jeunes filles de sa paroisse que la misère avoit plongées dans le libertinage. Il les avoit réunies dans une maison de la rue des Poules, sous la protection d'un saint prêtre de son clergé, nommé Labitte, lequel avoit donné la première idée de cet établissement. Il fut d'abord fondé sous le nom de sainte Théodore. Quelque temps après, M. de Harlai ayant jugé à propos de donner un autre directeur à ces filles, il s'en fallut peu que ce changement n'amenât la destruction de la communauté. Le plus grand nombre d'entre elles refusa de reconnoître son autorité; elles sortirent même de la maison, sans garder aucune mesure de bienséance. Il fallut toute la prudence et toute la douceur de ce nouveau directeur (M. Lefevre)[339] pour ramener une partie de ce troupeau dispersé. De ces restes qu'il avoit si heureusement réunis, il forma la communauté de Sainte-Aure, qu'il plaça dans une maison commode, rue Neuve-Sainte-Geneviève. Leur chapelle fut bénite en 1700, et M. le cardinal de Noailles donna des constitutions à ces filles en 1705. M. Lefevre ne se contenta pas de leur procurer des secours spirituels, il affermit encore leur établissement par plusieurs acquisitions qu'il fit pour leur communauté, et par la construction d'une église plus vaste, commencée en 1707. Le roi fit expédier, en 1723, des lettres-patentes en leur faveur[340].

Vers la fin du siècle dernier, ces filles avoient embrassé la clôture et la règle de saint Augustin: elles prenoient le titre de religieuses de Sainte-Aure, adoratrices du sacré cœur de Jésus.

LES ORPHELINES DU SAINT ENFANT JÉSUS ET DE LA MÈRE DE PURETÉ.

Tel est le titre de cette communauté, et non celui des Cent Filles, que plusieurs nomenclateurs lui ont donné. L'abbé Lebeuf dit «qu'elle fut fondée vers 1710, pour de pauvres orphelines de la campagne.»[341] Piganiol recule cette date jusqu'à 1735. Jaillot prétend que cet établissement est antérieur de plusieurs années à la première de ces deux dates, et qu'il prit naissance vers 1700, par le soin de quelques personnes pieuses qui le commencèrent dans le cul-de-sac des Vignes, sous la protection de l'archevêque et des officiers municipaux. La maison qu'occupoient ces orphelines avoit été prise à loyer; elles en firent l'acquisition en 1711, ainsi que d'une autre maison voisine, et y firent construire des classes, un réfectoire et une chapelle. L'acquisition fut amortie, et l'établissement confirmé par lettres-patentes en 1717. Plusieurs personnes charitables y fondèrent des places qui restèrent à la nomination de leurs familles[342].

Outre les filles que la charité y plaçoit, on en recevoit d'autres avec de bonnes recommandations, moyennant une pension modique. Il suffisoit, pour être admise dans cette maison, qu'une fille fût orpheline de père ou de mère, de la ville ou de la campagne: elle pouvoit y entrer dès l'âge de sept ans, et y demeurer jusqu'à vingt. Dans le commencement de l'établissement, la direction et l'administration en avoient été confiées à des filles pieuses, qui formoient entre elles une société purement séculière; mais en 1754 on leur substitua des filles de la communauté de Saint-Thomas-de-Villeneuve[343].

Communauté de Saint-Siméon-Salus.

Dans le même cul-de-sac, et presque vis-à-vis la maison des Orphelines, étoit une pension pour les femmes ou filles tombées en démence, à laquelle on avoit donné le titre de communauté de Saint-Siméon-Salus. On y avoit ménagé une petite chapelle sous l'invocation de ce saint, qui cacha, par un excès d'humilité, de grandes vertus sous les apparences de la folie et de l'extravagance. Elle fut construite en 1696. Les malades qu'on y renfermoit étoient traités avec un soin extrême, et tous les moyens possibles étoient employés pour procurer leur guérison.

LES FILLES SAINTE-PERPÉTUE.

Cette communauté de filles, qui a cessé de subsister environ vingt ans avant la révolution, habitoit une maison située dans la rue de la Vieille-Estrapade. Elles devoient leur établissement au zèle de la demoiselle Grivot, qui les avoit instituées en 1688, et placées rue Neuve-Saint-Étienne[344]. L'objet de leur institut étoit d'instruire les jeunes filles et de leur apprendre, avec les principes de la religion, tous les travaux convenables à leur sexe. M. de Noailles, qui protégeoit spécialement cet établissement, à cause de son utilité, transféra les filles Sainte-Perpétue dans la maison que la communauté de Saint-François-de-Sales venoit d'abandonner, pour aller habiter la place du Puits-de-l'Ermite. Elles la tinrent à loyer jusqu'au moment de leur suppression, dont nous ignorons les causes. À l'exception de Jaillot, aucun historien moderne n'a fait mention de cette communauté.

LES RELIGIEUSES DE LA PRÉSENTATION NOTRE-DAME.

Sauval et ceux qui l'ont suivi ont parlé fort inexactement de ce prieuré perpétuel de Bénédictines mitigées[345]. Voici les faits tels qu'ils ont été rétablis par Jaillot: «Quelques religieuses de cet ordre avoient tenté de former un établissement à Paris sans avoir pu obtenir la permission, lorsque madame Marie Courtin, veuve du sieur Billard de Carouge, voulant favoriser sa nièce, religieuse de l'abbaye d'Arcisse, forma le projet de fonder dans cette capitale un couvent de cet ordre, dont cette religieuse eût été prieure perpétuelle. Elle proposa en conséquence aux Bénédictines dont nous avons déjà parlé, de se réunir à cette nièce, nommée Catherine Bachelier, et lui fit, en conséquence de cette réunion, une donation entre-vifs de 900 livres de rente, dont celle-ci devoit jouir conjointement avec sa petite communauté. Le contrat fut passé en 1649; et, en conséquence de cette donation, Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, permit à ces religieuses de s'établir dans une maison qu'elles avoient déjà louée rue des Postes, sous la condition qu'après la mort de la sœur Bachelier, leur prieure seroit triennale. La division se mit bientôt entre elles; l'archevêque fut obligé de les séparer dès l'année suivante, et permit à la sœur Bachelier de s'établir ailleurs. Elle se plaça dans la rue d'Orléans, au faubourg Saint-Marcel, avec une compagne qu'elle avoit amenée d'Arcisse; et madame de Carouge ayant bien voulu élever jusqu'à la somme de 2,000 livres la rente qu'elle lui avoit accordée, cette religieuse se vit en état de demander la confirmation de son établissement, ce qui lui fut accordé par des lettres patentes de 1656.

Cette communauté s'étant assez rapidement augmentée, et les lieux qu'elle occupoit se trouvant trop resserrés, elle acheta, en 1671, une maison et un jardin d'environ deux arpents dans la rue des Postes, où elle avoit pris son origine. Cette maison leur fut cédée par M. Olivier, greffier civil et criminel de la cour des aides, moyennant une rente de 615 livres, et sous la condition qu'on recevroit dans la communauté une fille pour être religieuse de chœur, laquelle ne paieroit que 200 livres de rente. Il s'en réserva la nomination, sa vie durant, et après lui à ses enfants seulement, à l'exclusion de leurs descendants[346].

LES RELIGIEUSES DE NOTRE-DAME DE CHARITÉ, DITES LES FILLES DE SAINT-MICHEL.

À l'exception de Jaillot, aucun de nos historiens n'a fait mention de cette communauté. Elle fut instituée par le P. Eudes, de l'Oratoire, dont nous aurons bientôt occasion de parler. Son zèle, qui avoit déjà éclaté dans une utile et pieuse fondation, voulut se signaler de nouveau en rassemblant dans un asile commun quelques-unes de ces malheureuses victimes que la misère ou la séduction précipite dans le libertinage, et que le repentir seul ne pourroit en arracher, si la charité ne venoit à leur secours, et ne leur procuroit les ressources indispensables pour se maintenir dans ces salutaires dispositions. Il jugea nécessaire de leur faire garder la clôture, et confia le soin de leur conduite à des personnes pieuses, et qu'il crut douées d'assez de discernement pour s'acquitter dignement d'une tâche aussi difficile.

Cet établissement fut commencé à Caen le 25 novembre 1641. Mais le P. Eudes eut bientôt acquis la conviction qu'il ne pourroit atteindre complétement le but qu'il s'étoit proposé, qu'en le faisant diriger par des religieuses qui se consacreroient spécialement à cette œuvre de charité. Il sollicita donc et obtint, en 1642, des lettres-patentes par lesquelles il lui fut permis de rassembler à Caen une communauté de religieuses qui feroient profession de la règle de saint Augustin, et dont l'occupation particulière seroit d'instruire les filles pénitentes qui voudroient se mettre sous leur conduite. Le P. Eudes choisit les religieuses de la Visitation pour former les sujets de ce nouvel institut: il rédigea les statuts et les règlements que devoient observer les religieuses pénitentes, et voulut que, quoique logées dans le même monastère, elles fussent séparées de celles qui les dirigeoient, surtout qu'elles ne pussent jamais être reçues à faire profession, quelque solide que pût être leur conversion, accordant toutefois, dans le cas d'une vocation décidée, qu'on leur procurât des facilités pour entrer dans d'autres couvents. À l'égard de celles qui n'étoient point appelées au cloître, elles devoient être rendues à leurs parents, ou placées avantageusement, après avoir été suffisamment instruites. M. Leroux de Langrie, président au parlement de Normandie, se déclara fondateur de l'établissement; il fut approuvé, en 1666, par le pape Alexandre VII, et se répandit bientôt en Bretagne, où il se forma successivement trois maisons. Ce fut du monastère de Guingamp qu'on fit venir quelques-unes de ces religieuses pour diriger la maison des Filles de la Magdeleine, dont nous avons déjà parlé[347]. M. le cardinal de Noailles, touché du zèle que ces saintes filles mirent dans l'exercice de ces pénibles fonctions, frappé du talent particulier qu'elles avoient pour conduire ce troupeau encore indocile; convaincu d'ailleurs de la triste nécessité de multiplier de semblables asiles dans une aussi grande ville que Paris, résolut de leur procurer un second établissement dans cette capitale. S'étant associé, pour cette œuvre pieuse, une charitable personne (mademoiselle Marie-Thérèse Le Petit de Vernon de Chausserais), ils achetèrent conjointement, le 3 avril 1724, une grande maison et un jardin dans la rue des Postes; et la même année ces filles y furent établies. Ce prélat leur obtint en même temps des lettres-patentes qui furent confirmées en 1741 et en 1764. Leur chapelle fut bénite sous le nom de saint Michel.

Conformément à leur institut, les filles pénitentes qui s'y présentoient volontairement, ou qu'on y renfermoit en vertu d'ordres supérieurs, étoient logées dans des bâtiments séparés de ceux des religieuses, et il y en avoit d'autres destinés aux jeunes demoiselles dont on leur confioit l'éducation[348].

Communauté de Sainte-Anne-la-Royale.

Au dix-septième siècle il y avoit dans la rue des Postes un autre monastère que Sauval a confondu avec celui des Bénédictines de la Présentation; c'étoient les Augustines qui s'y étoient établies, en 1640, sous le titre de Sainte-Anne-la-Royale, titre qu'elles avoient pris en reconnoissance des bienfaits d'Anne d'Autriche, à qui elles devoient la maison qu'elles occupoient dans cette rue, et dans laquelle ces filles sont restées jusqu'en 1680. Alors, faute de revenus et de moyens suffisants pour se maintenir, elles furent obligées de la céder à leurs créanciers, et de se disperser dans d'autres communautés. Cette maison fut adjugée au sieur de Sainte-Foi, par décret du 19 mars 1689.

LES RELIGIEUSES URSULINES.

L'éducation des jeunes filles, si importante chez les nations chrétiennes où les femmes jouissent d'une si grande influence dans la société, fut long-temps très-imparfaite parmi nous; et l'on peut dire même qu'avant l'établissement de l'ordre des Ursulines, on n'avoit point conçu sur un si grand objet un système complet et régulier. Cet ordre fut institué dans l'année 1537 par la B. Angèle, qui habitoit la ville de Bresse en Lombardie. Ce ne fut dans le principe qu'une congrégation de filles et de femmes qui se vouoient à la pratique de toutes les vertus chrétiennes, et s'occupoient spécialement de l'instruction des jeunes personnes de leur sexe. Cet institut fut confirmé en 1544, par Paul III, sous le nom de Compagnie de Sainte-Ursule, et Grégoire XIII l'approuva de nouveau en 1572. Ces filles vivoient alors séparément dans leurs maisons; mais dans la suite plusieurs se réunirent, pratiquant la vie commune, sans toutefois faire de vœux ni garder de clôture. Elles ne tardèrent pas à s'introduire en France; et Françoise de Bermont, l'une d'entre elles, avec la permission de Clément VIII, établit, en 1594, une congrégation d'Ursulines à Aix en Provence, où leur réputation s'accrut encore et contribua à augmenter le nombre de leurs maisons. Il arriva que, peu de temps après, mademoiselle Acarie, ayant formé le projet de créer à Paris un couvent de Carmélites réformées, et n'ayant pu le mettre à exécution, conçut le dessein, plus utile peut-être, d'employer les personnes qu'elle avoit rassemblées, à l'instruction gratuite des jeunes filles. Madame l'Huillier, veuve de M. Leroux de Sainte-Beuve, voulut coopérer à cette œuvre charitable, se déclara fondatrice du nouvel établissement, et logea ces filles, en 1608, dans une maison qu'elle avoit louée au faubourg Saint-Jacques. Françoise de Bermont fut alors appelée par elle de son monastère de Provence, et vint à Paris avec une de ses compagnes pour conduire la nouvelle communauté et lui donner la règle qu'elle observoit.

L'ordre qu'elle y établit fit sentir à la fondatrice que son institut deviendroit d'une utilité bien plus grande, si ces filles consentoient à être de véritables religieuses, et joignoient aux vœux ordinaires celui de se consacrer à l'instruction des personnes de leur sexe. Les ayant trouvées toutes dans des dispositions favorables à ses vues, elle acheta quelques vieux bâtiments dans le faubourg Saint-Jacques, et une grande place vide, faisant partie du clos de Poteries, lequel s'étendoit jusqu'au cul-de-sac de la rue des Postes, et jusqu'à la rue de Paradis. Les lieux réguliers y furent construits en peu de temps; on célébra la première messe dans la chapelle le 29 septembre 1610, et les Ursulines en prirent possession le 11 octobre suivant. L'année d'après, le roi autorisa cet établissement par un simple brevet; mais dès que la fondation en eut été consolidée par l'engagement que prit madame de Sainte-Beuve de payer 2,000 livres de rente pour l'entretien de douze religieuses, on eut recours aux deux puissances pour en assurer la stabilité. Le roi accorda des lettres-patentes, enregistrées le 12 septembre 1612, et le pape Paul V permit, dans la même année, d'ériger cette communauté en corps de religion, sous le titre de Sainte-Ursule, et sous la règle réformée de Saint-Augustin.

Dès que l'on eut obtenu la bulle qui faisoit de la communauté des Ursulines une maison religieuse et régulière, on pria l'abbesse de Saint-Étienne de Soissons de se transporter à Paris avec quelques-unes de ses compagnes, pour former aux exercices du cloître les personnes qui voudroient embrasser le nouvel institut. Elle arriva dans cette ville le 11 juillet 1612 avec quatre religieuses, et quatre mois après, le jour de Saint-Martin, elle donna l'habit à douze novices. Leur nombre s'étant en très-peu de temps considérablement augmenté, la fondatrice fit jeter les fondements d'une nouvelle église, dont la première pierre fut posée par la reine Anne d'Autriche le 22 juin 1620; elle fut achevée en 1627, et a subsisté jusque dans les derniers temps de la monarchie.

Cette maison a été le berceau ou le modèle de toutes celles qui se sont établies depuis dans les diverses provinces du royaume et dans les autres états de l'Europe. L'ordre entier étoit divisé en onze provinces, et celle de Paris contenoit quatorze monastères. Les services éminents qu'il rendoit, services dont l'utilité étoit généralement sentie, avoient fait multiplier ses établissements au point qu'on en comptoit plus de trois cents dans l'étendue de la France[349].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, décoré d'un très-riche tabernacle, l'Annonciation; par Van Mol, élève de Rubens.

À gauche du maître-autel, un saint Joseph, sans nom d'auteur, et un autre tableau représentant sainte Angèle, qui instruit des enfants; par Robin.

SÉPULTURES.

Dans le chœur avoit été inhumée madame de Sainte-Beuve, fondatrice de ce monastère, morte en 1630.

Dans l'église on voyoit la tombe de Jean de Montreuil, conseiller du roi, et son résident en Angleterre et en Écosse, mort en 1651.

LES BÉNÉDICTINS ANGLOIS.

Jaillot est le seul qui nous ait laissé des renseignements exacts sur l'établissement en France de ces religieux; les autres historiens, en parlent à peine, n'en ont pas même donné de dates certaines. La persécution violente excitée par Henri VIII contre les catholiques, un moment suspendue sous le règne trop court de Marie, s'étant renouvelée avec une force nouvelle lorsque Élisabeth fut montée sur le trône, les Bénédictins anglois, de même que tous les autres ministres du culte romain, se virent dans la nécessité de se cacher, de se disperser, et d'aller chercher un asile hors de l'Angleterre. On les reçut en Espagne et en Italie; vers la fin du règne de cette princesse, ils firent une tentative pour rentrer dans leur pays, et y faire revivre leur congrégation: elle n'eut point le succès qu'ils en avoient d'abord espéré. Forcés, par les lois sanguinaires de Jacques VI, successeur d'Élisabeth, de s'expatrier une seconde fois, ils se retirèrent à Dieulouard en Lorraine, et formèrent en même temps un établissement à Douai, qui étoit alors sous la domination espagnole. C'est vers ce temps-là (en 1611) qu'ils furent appelés par Marie de Lorraine, abbesse de Chelles, pour diriger son monastère, et qu'elle conçut le projet de leur procurer un établissement à Paris, tant pour y former des sujets propres à veiller sur sa communauté, que pour faire des missions en Angleterre.

Elle en fit venir six, qu'elle plaça d'abord, en 1615, au collége de Montaigu, et ensuite dans le faubourg Saint-Jacques; mais le refus qu'ils firent, en 1618, de se prêter à une nouvelle translation, les brouilla avec leur bienfaitrice, et tarit la source de ses libéralités. Dans l'extrémité où ils se trouvèrent alors réduits, ces religieux furent secourus par le P. Gabriel Gifford, alors chef des trois congrégations, italienne, espagnole et angloise, qu'on avoit réunies, en 1617, sous le nom de Congrégation Bénédictine angloise; il pourvut à leurs besoins, et loua pour eux, rue de Vaugirard, une maison qui se trouve aujourd'hui comprise dans les bâtiments du Luxembourg. Six ans et demi après, ils furent transférés dans la rue d'Enfer; ils logèrent ensuite dans une maison que les Feuillantines avoient habitée; enfin le P. Gifford, étant devenu archevêque de Reims, acheta pour eux, au même endroit, trois maisons avec jardin, sur l'emplacement desquels on construisit le monastère qu'ils ont occupé jusque dans les derniers temps.

Ces religieux obtinrent, en 1642, de l'archevêque de Paris, la permission de s'y établir et de célébrer l'office divin dans leur chapelle, ce qui fut confirmé par des lettres-patentes de Louis XIV. Ce prince, qui les protégeoit, leur en accorda bientôt de nouvelles, par lesquelles il leur permit de posséder des bénéfices de leur ordre ainsi que les religieux nés dans son royaume, et attribua au grand conseil la connoissance de toutes les affaires qui pouvoient les concerner. En 1674, on démolit l'ancienne maison et la salle qui leur servoit de chapelle, pour construire de nouveaux bâtiments et commencer l'église qui existoit encore de nos jours. La première pierre en fut posée par mademoiselle Marie-Louise d'Orléans, depuis reine d'Espagne, et le roi contribua à la dépense, d'une somme de 7,000 fr. Cette église fut achevée et bénite le 28 février 1677, sous le titre de Saint-Edmond, roi d'East-Angles, c'est-à-dire de la partie orientale d'Angleterre. Le P. Schirburne, alors prieur de la maison de Paris, à qui l'on devoit en grande partie ces constructions, ayant été élu général de sa congrégation, voulut ajouter encore à ses bienfaits en sollicitant l'union à cette communauté de son prieuré de Saint-Étienne de Choisi-au-Bac, ce qui fut accordé et exécuté[350].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, orné de colonnes corinthiennes, un tableau représentant saint Edmond, roi d'Angleterre et martyr; sans nom d'auteur.

Dans une des petites chapelles, une Vierge peinte par Louise de Bavière, abbesse de Maubuisson, petite-fille de Jacques Ier, roi d'Angleterre.

SCULPTURES.

Dans cette église étoit déposé le corps de Jacques II, roi de la Grande-Bretagne, mort à Saint-Germain-en-Laye, le 6 septembre 1701, ainsi que celui de Louise-Marie Stuart, sa fille, morte au même endroit le 18 avril 1712.

La maison de Fitz-James avoit aussi sa sépulture dans cette église.

LES RELIGIEUSES FEUILLANTINES

Le pape Sixte V, en approuvant la réforme exécutée par le P. Jean de La Barrière dans son abbaye de Feuillants, de l'ordre de Cîteaux, lui avoit permis, par sa bulle du 13 novembre 1587, d'établir des monastères de l'un et de l'autre sexe. Les premières Feuillantines, fondées près de Toulouse suivant les uns, à Montesquiou de Volvestre, diocèse de Rieux, suivant les autres, furent transférées dans la première de ces deux villes, le 12 mai 1599. Il paroît que les Feuillants ne se montrèrent pas dans le principe disposés à leur procurer de nouveaux établissements: car ils se refusèrent obstinément à toutes les offres qui leur furent faites à ce sujet, et ce monastère fut le seul qu'elles possédèrent jusqu'en 1622. À cette époque, madame Anne Gobelin, veuve de M. d'Estourmel de Plainville, capitaine d'une compagnie des Gardes-du-corps, forma le projet d'attirer des Feuillantines à Paris; et prévoyant les difficultés qu'elle alloit éprouver de la part des Pères Feuillants, elle eut assez de pouvoir pour déterminer la reine Anne d'Autriche à écrire à ces religieux, assemblés alors à Pignerol dans leur chapitre général. Cette lettre, que le chapitre reçut comme un ordre honorable, eut tout l'effet qu'on en attendoit. Le 30 juillet de cette même année 1622, les supérieurs firent partir de Toulouse six religieuses, qui arrivèrent à Paris au mois de novembre suivant, et descendirent chez les Carmélites, d'où elles furent conduites processionnellement, par les Feuillants de Paris, dans la maison qui leur étoit destinée. Elle avoit été achetée dès 1620 par leur bienfaitrice, et, pendant cet intervalle, disposée d'une manière convenable à recevoir une communauté. Des lettres-patentes confirmèrent l'établissement, et madame d'Estourmel acheva de le consolider par un don de 27,000 livres, et une rente de 2,000 liv. qu'elle lui assura.

La chapelle de ce monastère fut changée, au commencement du siècle suivant, en une église dont le portail, construit par un architecte nommé Marot, présentoit la forme pyramidale et les ornements d'architecture en usage à cette époque. Quelques historiens de Paris en ont dit beaucoup de mal: nous ignorons pourquoi, car il n'est pas certainement le plus mauvais de ceux qui ont été construits dans le même système[351]. La maison fut en même temps réparée, et toutes ces dépenses se firent au moyen du bénéfice d'une loterie qui leur fut accordée par arrêt du conseil du 29 mars 1713[352].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES FEUILLANTINES.

Sur le maître-autel, enrichi de colonnes composites, une copie de la fameuse Sainte-Famille de Raphaël, qui décoroit les appartements de Versailles.

LES FILLES DE LA PROVIDENCE.

Cet utile établissement reconnoissoit pour fondatrice madame Marie Lumague, veuve de M. François de Polallion, gentilhomme ordinaire du roi et conseiller d'état. Cette dame, qu'une piété sublime avoit associée à toutes les œuvres de charité de S. Vincent-de-Paule, son directeur, conçut le projet de retirer du libertinage les jeunes personnes de son sexe que la séduction ou la misère avoient pu y engager, et de prévenir la chute de celles qui étoient sur le point de s'y précipiter. Les fondements de cette charitable institution furent jetés en 1630 dans une maison qu'elle possédoit à Fontenay; peu de temps après madame de Polallion transféra sa communauté naissante à Charonne. Elle y prospéra tellement qu'en 1643 elle étoit déjà composée de cent filles. C'est alors que Louis XIII, dont elle avoit attiré l'attention, permit à ces filles de venir se fixer à Paris, lui accordant, avec cette permission, la faculté de recevoir des donations, et tous les priviléges dont jouissent les maisons royales. Cette communauté reçut, par les mêmes lettres-patentes, le nom de Maison de la providence de Dieu.

Toutefois il ne paroît pas que ces filles aient pensé alors à profiter de la faveur que le roi leur avoit accordée: car en 1647 elles habitoient encore Charonne. On les voit enfin, dans le courant de cette année, venir occuper, rue d'Enfer, une maison qui fut depuis renfermée dans celle des Feuillants. Vincent-de-Paule qu'on regarde avec raison comme le second instituteur de cette maison, et qui en fut nommé directeur, n'eut point de repos qu'il ne leur eût procuré un emplacement plus vaste et plus commode. Ce fut à sa sollicitation que la reine Anne d'Autriche se déclara protectrice de la communauté de la Providence. Elle avoit acheté, en 1651, de l'Hôtel-Dieu, une maison fort spacieuse, qui avoit été destinée à recevoir les pestiférés, et qu'on nommoit l'hôpital de la Santé: on la partagea en deux parts, dont une fut comprise dans les jardins du Val-de-Grâce, et l'autre donnée aux Filles de la Providence. Elles en prirent possession le 11 juin 1652, ainsi que d'une chapelle sous l'invocation de saint Roch et de saint Sébastien, que l'Hôtel-Dieu y avoit fait construire, et qu'on a depuis ornée et agrandie. Le B. Vincent-de-Paule leur donna alors des statuts, qu'elles ont conservés jusqu'à la fin, avec de très-légers changements.

Cette maison étoit administrée par une supérieure qu'on élisoit tous les trois ans, et qui faisoit signer les registres de recette et de dépense à une dame séculière agréée par l'archevêque, laquelle avoit la qualité de directrice et protectrice de la communauté. Les personnes qui la composoient ne faisoient que des vœux simples. Consacrées depuis long-temps uniquement à l'éducation des jeunes personnes, ce qui n'avoit pas été le premier but de leur institution, elles ne cessèrent point de remplir dignement cet important ministère jusqu'au moment qui a détruit tous ces asiles d'innocence et de piété, qu'il sera si difficile de refaire ce qu'ils ont été[353].

L'utilité de cet établissement avoit engagé M. de Harlai à en former de semblables dans l'île Saint-Louis, sur la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, et à la Ville-Neuve; mais ils ne purent se maintenir, et, long-temps avant la révolution, ils avoient déjà cessé d'exister.

LES CARMÉLITES.

La maison qu'habitoient ces religieuses avoit été autrefois un prieuré que les anciens titres nomment indifféremment Notre-Dame-des-Vignes et Notre-Dame-des-Champs. La grande antiquité de cette maison a fait renaître, à son sujet, ces conjectures déjà hasardées par plusieurs de nos historiens sur tant de monuments dont l'origine se perd également dans la nuit des temps: on a prétendu que saint Denis y avoit célébré les saints mystères. Cette tradition, qu'on ne peut soutenir d'aucune espèce d'autorité, n'est cependant pas dépourvue de quelque vraisemblance: car alors ce lieu étoit solitaire; éloigné de la ville; et l'apôtre des Gaules, ainsi que le troupeau qu'il avoit formé, persécutés par les idolâtres, devoient en effet chercher les lieux écartés pour adorer le vrai Dieu et le prier en commun. Mais ce qu'on ne peut s'empêcher de trouver ridicule, c'est que cette manie d'érudition ait porté quelques antiquaires à voir dans cet ancien édifice un temple dédié, à Mercure selon les uns, à Cérès ou à Isis selon les autres. Cette opinion singulière n'avait d'autres fondements que l'examen très-imparfait d'une statue placée sur le pignon de l'église et qui subsistoit encore dans les derniers temps. Ils prétendoient y reconnoître les attributs de ces divinités du paganisme, jusque-là que des pointes de fer placées autour de sa tête pour empêcher les oiseaux de s'en approcher et la garantir de leurs ordures, leurs sembloient des épis de blé, qui, comme on sait, sont au nombre des symboles de Cérès. Cependant des savants plus raisonnables, après avoir examiné plus attentivement cette figure, reconnurent qu'elle représentoit tout simplement l'archange saint Michel[354] tenant une balance, dont les bassins contenoient chacun une tête d'enfant; ce monument, dont l'antiquité paroissoit assez grande, n'avoit été mis qu'en 1605 à la place qu'il occupoit.

L'abbé Lebeuf en a conclu que ce lieu avoit été d'abord occupé par un oratoire de Saint-Michel, qu'avoit ensuite remplacé la chapelle de Notre-Dame-des-Champs; et citant à ce sujet l'acte d'une donation faite, en 994, aux religieux de Marmoutier, par Raynauld, évêque de Paris, il en infère que, dès ce temps-là, ces religieux étoient établis dans cette chapelle. Jaillot nous paroît avoir très-solidement réfuté cette opinion, fondée sur une fausse interprétation de divers passages de cet acte, et présume avec plus de vraisemblance que l'époque de l'établissement de ces religieux à Notre-Dame-des-Champs ne peut être fixée plus loin que l'an 1084, parce que c'est alors seulement qu'elle leur fut donnée par Adam Payen et Gui Lombard, qui la tenoient de leurs ancêtres[355]; donation dont les cartulaires de ces religieux offroient les actes les plus authentiques. Il rejette également l'opinion de Du Breul, Lemaire et leurs copistes, qui avancent que cette église fut rebâtie sous le règne du roi Robert; et d'accord ici avec le savant qu'il vient de combattre, il pense que la crypte[356] ou chapelle souterraine n'est pas d'un gothique plus ancien que le douzième siècle, et que le portail est au plus du treizième.

L'établissement du collége de Marmoutier, fait au commencement du quatorzième siècle, et dont nous aurons bientôt occasion de parler, diminua considérablement le nombre des religieux qui habitoient Notre-Dame-des-Champs; cependant ils continuèrent d'y rester jusqu'à la fin du seizième. Alors on s'entretenoit dans l'Europe entière des effets prodigieux opérés par la réforme que sainte Thérèse avoit introduite dans l'ordre des Carmélites, réforme dont les progrès avoient été si rapides, qu'en 1580, dix-huit ans après son premier établissement à Avila, cette réforme s'étoit déjà répandue dans toute l'Espagne; et que, malgré les mortifications et les austérités prescrites par cette sainte fille, on comptoit plus de trente-deux couvents, tant d'hommes que de femmes qu'elle-même avoit établis. Dès cette époque, le pape Grégoire XIII avoit séparé cet institut des Carmes mitigés, et en avoit fait ainsi un nouvel ordre dans l'Église. La réputation de sainteté qu'il avoit acquise, fit naître à madame Avrillot, épouse de M. Acarie, maître des requêtes, et à quelques autres personnes de piété, le projet de faire venir des religieuses carmélites à Paris. Les troubles dont la France fut agitée sous le règne de Henri III en suspendirent quelque temps l'exécution. Elle devint bientôt plus facile par la protection de la princesse Catherine d'Orléans-Longueville, qui voulut bien accepter le titre de fondatrice du couvent qu'on procureroit à Paris à ces religieuses, et promit de le doter de 2,400 livres de rente. On jeta les yeux sur le prieuré de Notre-Dame-des-Champs, où il n'y avoit plus que quatre religieux, et qui, moyennant une modique dépense, pouvoit être disposé de manière à recevoir convenablement la nouvelle communauté. Le cardinal de Joyeuse, abbé commendataire de Marmoutier, donna son consentement sans aucune difficulté; et les religieux qui voulurent d'abord résister, furent obligés de céder à l'ordre que le roi leur fit intimer les 14 et 20 février 1603. Dès l'année précédente, ce prince avoit donné son approbation à l'établissement des Carmélites; et le pape Clément VIII consentit non-seulement à la formation d'un monastère, mais d'un ordre entier, dont le couvent de Paris seroit le chef-lieu. Les choses étant ainsi disposées, M. de Bérulle, conseiller et aumônier du roi, depuis instituteur des prêtres de l'Oratoire et cardinal, obtint en Espagne, du général des Carmes, six religieuses, qui en partirent le 29 août 1604, et entrèrent le 17 octobre suivant dans le couvent qu'on leur avoit fait préparer[357]. Cet ordre se répandit aussi rapidement en France qu'en Espagne, et à la fin du dix-huitième siècle, on en comptoit soixante-deux monastères dans le royaume. Ces religieuses furent appelées d'abord Carmelines ou Thérésiennes: on leur donna depuis le nom de Carmélites, comme plus conforme à l'étymologie latine.

L'église de ce couvent étoit riche en monuments des arts, et au nombre de celles que les curieux et les étrangers visitoient avec le plus d'empressement.

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES CARMÉLITES.

TABLEAUX.

La nef et le sanctuaire étoient ornés de douze tableaux, placés sous chaque vitrage, et dans l'ordre suivant:

À gauche, à partir de l'autel, 1o Jésus-Christ ressuscité, apparoissant aux trois femmes; par Laurent de La Hire;

2o Jésus-Christ dans le désert servi par les anges; par Le Brun;

3o Jésus-Christ sur le bord du puits de Jacob, s'entretenant avec la Samaritaine, par Stella;

4o L'Entrée triomphante de Jésus-Christ dans Jérusalem; par Laurent de La Hire;

5o Jésus-Christ chez Simon le Pharisien, par Le Brun;

6o Le Miracle des cinq pains, par Stella.

À droite, également à partir de l'autel, 1o l'Adoration des Bergers;

2o La Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres;

3o L'Assomption de la Vierge;

4o L'Adoration des Mages;

5o La Présentation au temple;

6o La Résurrection du Lazare.

Le second, le troisième et le sixième de ces tableaux étoient de Philippe de Champagne, les trois autres avoient été exécutés dans l'école de ce peintre.

Dans la chapelle de la Magdeleine, un tableau représentant cette célèbre pécheresse, par Le Brun[358].

Sur les panneaux de cette même chapelle, plusieurs tableaux de l'école de ce peintre.

Dans la chapelle de Sainte-Thérèse, le songe de saint Joseph; par Philippe de Champagne.

Sur les lambris, la vie entière de ce saint, par Jean-Baptiste de Champagne, son neveu.

Sur l'autel, une sainte Thérèse, sans nom d'auteur.

Dans la troisième chapelle, sainte Geneviève, par Le Brun.

Sur les lambris, plusieurs traits de la vie de cette sainte, par Verdier.

En face du chœur des religieuses, l'Annonciation, par Le Guide.

Les voûtes étoient enrichies d'une grande quantité de peintures à fresque, par Philippe de Champagne. On y remarquoit, entre autres, un Christ placé entre la Vierge et saint Jean, qui paroissoit être sur un plan perpendiculaire, quoiqu'il fût horizontal. Le trait de ce morceau avoit été donné, dit-on, à Champagne par un mathématicien très-habile, nommé Desargues.

Sur une petite porte en dehors de l'église, on voyoit une Annonciation peinte en grisaille, et attribuée au même peintre.

SCULPTURES.

Sur l'attique du maître-autel, magnifiquement décoré de colonnes de marbre avec chapiteaux et modillons de bronze doré[359], un grand bas-relief aussi de bronze doré, représentant l'Annonciation, par Anselme Plamen.

Sur le même autel, deux anges en bronze, par Perlan.

Sur le tabernacle, exécuté en orfèvrerie, et auquel on avoit donné la forme de l'arche d'alliance, un bas-relief représentant l'Annonciation[360].

Sur la grille qui séparoit la nef du sanctuaire, un Christ de bronze doré, regardé comme un des plus beaux ouvrages de Jacques Sarrasin.

Sur l'entablement d'une tribune placée au-dessus de la porte d'entrée, saint Michel foudroyant le démon, sculpture exécutée d'après les dessins du peintre Stella.

Dans la chapelle de la Magdeleine, la statue en marbre du cardinal de Bérulle, par Jacques Sarrasin[361]. Le piédestal étoit orné de deux bas-reliefs, par l'Estocart[362].

SÉPULTURES.

Dans cette église avoient été inhumés:

Marguerite Tricot, femme de Louis Lavocat, dame d'atours de la princesse de Condé, morte en 1651.

François Vautier, premier médecin du roi, mort en 1652.

Pierre de Bullion, abbé de Saint-Faron, mort en 1659.

Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, morte en 1671.

Trois filles de Henri-Charles de Lorraine et de Marie de Brancas-Villars, nées jumelles, et mortes presqu'en naissant en 1671.

Le duc de Montausier, mort en 1690.

Édouard le Camus, prêtre, l'un des bienfaiteurs de cette maison, mort en 1674.

Antoine de Varillas, historiographe de France, mort en 1696.

Philippe Hecquet, docteur en médecine de la faculté de Paris, mort en 1737[363].

Le cœur du maréchal de Turenne, le cœur d'Anne-Marie Martinozzi, princesse de Conti.

Quoique les Carmélites eussent été établies et fixées à Notre-Dame-des-Champs, on ne leur en donna cependant pas les revenus. Le titre de prieuré subsista jusqu'en 1671, qu'il fut réuni, avec les biens qui en dépendoient, au séminaire d'Orléans.

C'est dans ce monastère que Louise-Françoise de La Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, se retira, lorsque l'heureuse inconstance de Louis XIV, qu'elle avoit si tendrement aimé, lui eut rendu le séjour de la cour insupportable; et c'est là que, sous le nom de sœur Louise de la Miséricorde, elle se livra, pendant trente-six ans, à toutes les austérités de la règle et de la pénitence. Elle y mourut en 1710.

L'ABBAYE ROYALE DU VAL-DE-GRÂCE.

C'étoit un monastère de filles de la réforme de Saint-Benoît, originairement situé dans une vallée près de Bièvre-le-Châtel, ce qui lui avoit fait donner le nom de Vauparfond et Valprofond. Les monuments qui font mention de cette abbaye ne passent pas le commencement du douzième siècle; mais on a quelque raison de croire qu'elle existoit dès le milieu du précédent[364]. Des lettres-patentes de Charles VIII, de l'année 1487, nous apprennent que le Valprofond étoit de fondation royale, et que la reine Anne de Bretagne, l'ayant pris sous sa protection, voulut qu'il s'appelât à l'avenir Notre-Dame-du-Val-de-la-Crèche. Ce fut cette même princesse qui en sollicita la réforme, laquelle y fut introduite en 1514 par Étienne Poncher, évêque de Paris. On y voit les abbesses déclarées triennales, devenir perpétuelles en 1576, et se soumettre de nouveau à la triennalité en 1618. Ce fut vers cette époque qu'une foule de considérations extrêmement pressantes, telles que la situation désagréable de l'abbaye du Val, la vétusté de ses bâtiments, et les dangers imminents dont ils étoient menacés par de fréquentes inondations, firent naître le projet d'en transférer les religieuses à Paris. En 1621 on avoit déjà acheté à cet effet une grande place dans le faubourg Saint-Jacques, avec une maison appelée le fief de Valois ou le Petit-Bourbon, lorsque la reine Anne d'Autriche se déclara fondatrice du nouveau monastère, fit rembourser la somme de 36,000 liv., prix de l'acquisition, et ordonna la disposition des lieux, de manière que les religieuses du Val-de-Grâce purent y entrer le 20 septembre de la même année. La reine y fit ajouter depuis quelques bâtiments et un nouveau cloître, dont elle posa la première pierre le 3 juillet 1624.

Toutefois, malgré l'affection particulière que Anne d'Autriche avoit conçue pour cette maison, elle ne put, dans ces premiers temps, lui en donner que de foibles témoignages. Le cardinal de Richelieu vivoit encore; et l'on sait que tant que vécut ce ministre, elle n'eut ni le pouvoir d'accorder des grâces, ni même le crédit d'en faire obtenir. La mort de Louis XIII, qui ne survécut que cinq mois au cardinal, l'ayant mise à la tête de l'administration du royaume, une de ses premières pensées fut d'accomplir le vœu qu'elle avoit fait, dans des temps moins heureux, de bâtir à Dieu un temple magnifique, s'il faisoit cesser une stérilité de vingt-deux ans. Ce vœu avoit été exaucé, et l'obligation où elle étoit de le remplir lui devint d'autant plus agréable, qu'elle y trouvoit en même temps une occasion de donner au monastère du Val-de-Grâce une marque éclatante de cette affection qu'elle lui portoit. Il fut donc résolu que l'église et le monastère seroient rebâtis avec la plus grande magnificence: les fondements du nouvel édifice furent ouverts le 21 février 1645, et le 1er avril, le jeune roi Louis XIV y posa la première pierre dans le plus grand appareil[365]. Les troubles qui agitèrent la minorité de ce prince suspendirent bientôt les travaux commencés; mais ils furent repris en 1655. Monsieur, frère unique du roi, mit la première pierre au couvent; et ces bâtiments, si solides et si étendus, furent continués avec tant d'activité, qu'ils étoient achevés au commencement de 1662, et que l'église put être bénie en 1665.

Le célèbre architecte François Mansard fournit les dessins de ce grand édifice, et fut chargé de son exécution, qu'il conduisit jusqu'à neuf pieds au-dessus du sol. Il perdit alors la faveur de la reine, parce que, dit-on, il ne voulut rien changer à son plan, dont l'achèvement eût coûté des sommes considérables[366], et beaucoup au-dessus de la dépense qu'on vouloit faire pour ce monument. Jacques Le Mercier remplaça Mansard, et conduisit ces constructions jusqu'à la corniche du premier ordre, tant intérieur qu'extérieur; c'est à cette époque que les travaux furent interrompus. Ils furent repris en 1654, sous la direction de Pierre Le Muet, architecte alors en réputation, auquel on associa depuis Gabriel Le Duc, qui arrivoit d'Italie, où il avoit fait, dit-on, de longues études sur l'architecture des temples. Il étoit impossible que chacun de ces architectes n'eût pas la prétention d'y mettre un peu du sien; et dès-lors on ne doit pas être surpris de trouver dans le style et dans les ornements des diverses parties quelques discordances, suites inévitables de ce changement successif de direction. Il faut plutôt s'étonner qu'il n'ait pas produit des effets plus fâcheux: car le monument en général est exécuté avec beaucoup de soin et de précision; la sculpture intérieure, faite par les frères Anguier, est très-délicate et très-achevée; partout on a déployé une magnificence dont notre description ne pourra pas sans doute embrasser tous les détails, ni donner une idée complète et satisfaisante.

Les édifices qui composent l'abbaye du Val-de-Grâce consistent principalement en plusieurs grands corps de logis et une belle église, surmontée d'un dôme très-riche et très-élevé. La cour qui sert d'entrée présente une ligne de constructions de vingt-cinq toises de largeur. Aux deux côtés sont deux ailes de bâtiments flanqués de deux pavillons carrés qui donnent sur la rue, de laquelle le monastère est séparé par une grille de fer régnant de l'un à l'autre pavillon. Au fond de la cour et au centre de ces constructions s'élève sur un perron de quinze marches le portail de la grande église, orné d'un portique que soutiennent huit colonnes corinthiennes. Au-dessus de ce premier ordre s'en élève un second, formé de colonnes composites, et raccordé avec le premier par de grands enroulements placés aux deux côtés. Dans le tympan du fronton étoient les armes de France écartelées d'Autriche avec une couronne fermée[367].

Les colonnes du premier portique sont accompagnées de deux niches contenant les statues de saint Benoît et de sainte Scholastique, toutes les deux en marbre. Sur la frise on lisoit cette inscription:

Jesu nascenti Virginique matri.

Les deux niches se trouvent répétées dans le second ordre, mais sans statues.

Le dôme, d'une belle proportion, est, à l'extérieur, couvert de lames de plomb avec des plates-bandes dorées. Un campanille le surmonte: il est entouré d'une balustrade de fer, et porte un globe de métal, sur lequel s'élève une croix, qui fait le couronnement de tout l'ouvrage.

L'intérieur de ce monument, lequel présente une longueur de vingt-cinq toises dans œuvre, non compris la chapelle du Saint-Sacrement[368], sur treize toises de largeur dans la croisée du dôme, est orné de pilastres corinthiens à cannelures; ces pilastres, qui séparent les arcades de la nef, se prolongent dans l'intérieur du dôme, où ils semblent servir d'appui à quatre grands arcs-doubleaux, au-dessus desquels régne un entablement continu que surmonte un ordre de pilastres corinthiens accouplés. Le dôme qui s'élève au-dessus a dix toises et demie de largeur sur vingt toises quatre pieds de hauteur sous clef[369].

Dans l'arc du fond opposé à la nef se présente le grand autel, exécuté sur les dessins de Gabriel Le Duc. Il est décoré de six grandes colonnes torses en marbre, revêtues de bronze, et fait à l'imitation de celui de Saint-Pierre de Rome, ce qui fut ensuite répété dans toutes les églises où l'on voulut déployer une grande richesse de décoration. Au-dessus se dessine un entablement couronné d'un baldaquin, et sur chaque colonne sont des anges portant des encensoirs; d'autres anges plus petits semblent se jouer dans les festons qui lient ensemble toutes les parties de ce couronnement. Ils tiennent des cartels où sont écrits quelques versets du Gloria in excelsis. Les anges, le baldaquin et tous les autres ornements sont dorés au mat ou d'or bruni.

Dans l'enfilade de la croisée du dôme, sur la droite, se trouve la chapelle Sainte-Anne, dans laquelle étoient déposés les cœurs des princes et princesses de la famille royale[370]; à gauche étoit placé le chœur des religieuses, séparé du dôme par une grille de fer.

La grande voûte de la nef, l'intérieur des arcs-doubleaux qui soutiennent le dôme, sont enrichis d'une foule de sculptures, ornements d'architecture, médaillons, bas-reliefs, que la main des frères Anguier a su rendre dignes de la majesté du lieu[371]; les marbres les plus précieux ont été employés au pavement de l'église, et disposés en compartiments qui répondent à ceux de la voûte; enfin la fresque qui couvre le plafond du dôme met le comble à la magnificence de ce beau monument. Ce morceau de peinture, l'un des plus grands de ce genre qui existe en Europe, représente la gloire des élus dans le ciel[372], et contient plus de deux cents figures de proportion colossale. C'est du reste un ouvrage d'un très-rare mérite; et ce qui le rend plus admirable encore, c'est que Pierre Mignard, qui en est l'auteur, le conçut et l'exécuta dans l'espace de treize mois. Il passe pour son chef-d'œuvre, et Molière l'a célébré dans un poëme que le peintre dut sans doute regarder comme la récompense la plus glorieuse de ses travaux. Toutes les inscriptions qu'on y lit encore furent placées sous la direction de Quenel, alors intendant de tous les édifices royaux. Depuis, pour ces sortes de compositions, on a consulté l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Telle est l'église du Val-de-Grâce, dont le portique, avec ses deux ordres, son double fronton, ses enroulements, son dôme entouré de consoles et de pilastres, n'obtiendroit pas sans doute aujourd'hui les éloges qu'on lui prodigua dans un temps où l'architecture des temples étoit toute en décorations postiches et théâtrales; mais qui, malgré tous ses défauts, n'en est pas moins un monument dont l'aspect frappe, éblouit, par l'adresse avec laquelle tant de parties incohérentes sont combinées, tant au dehors qu'au dedans, pour former un ensemble harmonieux, et par ce luxe d'ornements qui y répand la magnificence sans rien ôter à la majesté[373].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DU VAL-DE-GRÂCE.

TABLEAUX.

Au-dessus de la porte de l'église, une descente de croix; par Lucas de Leyde.

Dans la chapelle du Saint-Sacrement, plusieurs tableaux dont les sujets ne sont pas indiqués; par Philippe et Jean-Baptiste de Champagne.

SCULPTURES.

Dans les niches du portail, les statues en marbre de saint Benoît et de sainte Scholastique; par François Anguier.

Sous le baldaquin du grand autel, une crèche en marbre, composée des trois figures, l'Enfant-Jésus, la sainte Vierge et saint Joseph, grandes comme nature. Ce groupe, exécuté par le même sculpteur, passe pour un de ses meilleurs ouvrages.

Derrière cette figure, un tabernacle en forme de niche, soutenu par douze petites colonnes, et orné d'un bas-relief représentant une descente de croix; par le même.

Une quantité innombrable de reliquaires d'or et d'argent, et de riches ornements donnés à ce monastère par la reine Anne d'Autriche, parmi lesquels on distinguoit un soleil d'or émaillé et enrichi de pierreries, d'un prix très-considérable.

SÉPULTURES.

Outre les cœurs des princes de la famille royale déposés dans cette église, et dont le nombre s'élevoit, en 1780, à plus de quarante, elle contenoit les restes de plusieurs autres personnages considérables, savoir:

Dans les murailles de la vieille église, les entrailles d'Honorat de Beauvilliers, comte de Saint-Agnan, mort en 1662.

Dans le cloître, du côté du chapitre:

Les entrailles de Marie de Luxembourg, duchesse de Mercœur, morte en 1623.

Le corps de Jeanne de l'Escouet, veuve de Charles de Beurges, seigneur de Seury, etc., morte en 1631.

Le cœur de Philippine de Beurges, leur fille, morte en 1636.

Le cœur de César du Cambout, marquis de Coislin, etc., tué au siége d'Aire en 1641.

Le corps de Bénédicte de Gonzague, abbesse d'Avenay, morte en 1637.

Le corps de Constance de Blé d'Uxelles, abbesse de Saint-Menou, morte en 1648.

Le corps de la princesse Bénédicte, duchesse de Brunswick, mère de la princesse Amélie Wilhelmine, femme de l'empereur Joseph Ier, morte en 1730.

Indépendamment de cette faveur particulière accordée au monastère du Val-de-Grâce, de recevoir en dépôt une partie des restes mortels de la famille royale, cette maison avoit obtenu de Louis XIV des armes écartelées de France et d'Autriche, surmontées d'une couronne fermée, avec permission de les faire sculpter ou peindre tant au dehors qu'au dedans de ses bâtiments, même de les faire graver pour servir de scel au monastère et à l'ordre entier. Les lettres-patentes expédiées à ce sujet sont de 1664. D'autres lettres-patentes de la même année accordèrent à ces religieuses le droit de franchise en faveur des artisans, qui occupoient des maisons qu'elles avoient fait construire sur un emplacement de quatre cent soixante-douze toises, qu'elles avoient nommé cour Saint-Benoît. Ces priviléges étoient les mêmes que ceux dont jouissoient les gens de métier établis dans le fief de Saint-Jean-de-Latran, auquel cet établissement étoit contigu.

La reine Anne d'Autriche, toujours occupée du bien-être de ses filles adoptives[374], avoit déjà augmenté le terrain de leur monastère par l'acquisition faite, en 1651, aux administrateurs de l'Hôtel-Dieu, de l'ancien hôpital de la Santé; elle fit aussi plusieurs fondations dans cette maison, et lui procura l'union et la mense de l'abbaye de Saint-Corneille de Compiègne[375].

LES FILLES SAINTE-AGATHE.

Cette communauté, qui avoit adopté la règle de Cîteaux, étoit aussi connue sous le nom de filles de la Trappe ou du Silence. Les religieuses qui la composoient s'établirent d'abord, vers 1697[376], dans la rue Neuve-Sainte-Geneviève, près la rue du Puits-qui-Parle. L'année suivante, la maison qu'elles occupoient ayant été vendue par décret, elles allèrent se loger au village de la Chapelle, où elles ne purent former un établissement. On les voit ensuite revenir à Paris, s'associer avec la demoiselle Guinard, qui occupoit alors, dans la rue de Lourcines, l'hôpital de Sainte-Valère, et s'en séparer peu de temps après pour aller habiter deux maisons contiguës qu'elles venoient d'acquérir dans la rue de l'Arbalète. Elles y demeurèrent depuis l'année 1700 jusqu'en 1753, que l'archevêque de Paris jugea à propos de supprimer cette communauté. Les filles de Sainte-Agathe s'occupoient principalement de l'éducation des jeunes demoiselles.

LES CAPUCINS.

Nous avons déjà parlé de l'origine et de l'établissement de ces religieux à Paris[377]. Godefroy de La Tour leur ayant légué, en 1613, par son testament, une grande maison et un jardin au faubourg Saint-Jacques, M. Molé, président au parlement, en prit possession, la même année, en qualité de syndic de ces religieux, et leur obtint des lettres-patentes qui autorisoient ce nouvel établissement. La grange de cette maison fut d'abord disposée de manière à servir de chapelle à ces pères, jusqu'à ce que les libéralités de M. de Gondi, évêque de Paris, les eussent mis en état de faire construire l'église qui existe encore à présent. Elle fut bénite, au nom de ce prélat, par son neveu Jean-François de Gondi, alors doyen de Notre-Dame, et depuis premier archevêque de Paris; M. de Harlai, archevêque de Rouen, la dédia ensuite sous le titre de l'Annonciation de la Sainte Vierge. Cette église n'a rien que de très-simple dans sa construction. La maison servoit de noviciat aux religieux de cet ordre dans la province de Paris[378].

CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.

Deux tableaux représentant, l'un la Présentation au Temple, l'autre l'Annonciation; par Lebrun.

L'HOSPICE SAINT-JACQUES-DU-HAUT-PAS.

Cet hospice, destiné à recevoir des malades, avoit été construit, peu d'années avant la révolution, par les soins de M. Cochin, curé de la paroisse Saint-Jacques-du-Haut-Pas. Il contenoit dix-huit lits pour les femmes et seize pour les hommes. Les sœurs de la Charité, qui en avoient la direction, y recevoient en outre des pensionnaires infirmes, lesquels pouvoient être admis dans cette maison au nombre de vingt à vingt-cinq.

Ce petit édifice, qui existe encore, construit sur les dessins de M. Vieilh, architecte, se compose d'un corps de logis et de deux pavillons en retour. Le milieu est occupé par un portail orné de deux colonnes doriques, avec attique et fronton. Toute cette composition est de bon goût, et réunit la simplicité à l'élégance[379].

L'OBSERVATOIRE ROYAL.

L'observatoire est un des monuments qui attestent avec le plus d'éclat le goût de Louis XIV pour tout ce qui, dans les sciences et les arts, avoit de la grandeur et de l'utilité. Parmi les savants et les grands artistes en tous genres que ses caresses et ses libéralités alloient chercher dans toutes les parties de l'Europe, le célèbre Jean-Dominique Cassini, le premier astronome de son temps, fut un de ceux qu'il désira le plus d'attirer dans ses états. En même temps qu'il faisoit négocier auprès de lui pour le déterminer à quitter l'Italie, ce prince ordonna que l'on choisît un lieu propre à la construction d'un édifice où l'on pût commodément faire toutes les observations astronomiques. Claude Perrault donna les dessins, et dirigea les travaux de ce monument, dont les fondations furent posées au mois d'août 1667, et qui fut achevé en 1672. Sa construction est faite avec un très-grand soin, et avec ce luxe d'appareil que l'on remarque au péristyle du Louvre, bâti par le même architecte.

L'échelle de ce bâtiment est grande, et son aspect imposant: la simplicité de son ordonnance et des membres d'architecture qui en forment les détails, les dimensions élevées de ses murs et de ses ouvertures, tout annonce un édifice public du premier ordre sur un terrain néanmoins assez resserré.

La masse principale du plan est un carré auquel on a ajouté des tours octogones sur deux angles, et un avant-corps sur une des faces. Ce carré est disposé de manière que les deux faces latérales sont exactement parallèles, et les deux autres perpendiculaires au méridien, qui en fait l'axe, et qui est tracé sur le plancher d'une grande salle au centre de l'édifice. Cette disposition parut heureuse pour un monument destiné à l'astronomie; mais la suite ne confirma pas cette opinion qu'on en avoit d'abord conçue. Les bâtiments même n'étoient pas encore totalement achevés, que déjà plusieurs astronomes avoient remarqué de graves défauts dans leur construction. Le ministre Colbert, qui, dit-on, en fut averti, chargea Cassini, qui venoit d'arriver de Bologne, de s'entendre avec l'architecte pour en diriger l'exécution de la manière la plus favorable aux travaux astronomiques; mais, soit qu'il fût arrivé trop tard, soit que Perrault montrât de la répugnance à modifier son projet, le bâtiment se continua, et fut achevé sur les mêmes dessins[380].

Les fondations furent difficiles à établir, à cause de la profondeur des carrières sur lesquelles on vouloit les asseoir; et ce ne fut qu'en les comblant de massifs considérables que l'on parvint à donner à ce monument l'extrême solidité, qui en est une des qualités les plus remarquables. Sa construction est toute en pierres posées par assises réglées, et qui règnent au pourtour de l'édifice; on n'y a employé ni fer ni bois: tous les planchers, tous les escaliers y sont voûtés en pierres, et appareillés avec le soin le plus recherché. Une plate-forme couvroit originairement tout l'édifice, et permettoit d'en parcourir le sommet; mais les eaux ayant pénétré la terrasse et endommagé les voûtes, il fallut refaire en entier la couverture, pour empêcher la dégradation totale du monument, ce qui fut exécuté en 1787. Cette couverture est maintenant divisée en plusieurs parties de comble, et entourée d'un mur d'appui. De là on peut contempler la voûte du ciel dans toute l'étendue de l'horizon.

Six pièces, de formes différentes, composent la distribution intérieure, et ont leurs ouvertures exposées aux différents points du ciel. Cependant, malgré les pompeux éloges donnés à ce monument par la plupart de nos historiens, on est forcé de l'avouer, sous le rapport de convenance, aucun édifice n'étoit moins propre à sa destination. Il a fallu construire en dehors, et attenant à ce bâtiment colossal, ainsi que sur la plate-forme, de petits cabinets pour y placer les instruments destinés aux travaux habituels des physiciens et des astronomes. Tout ce faîte extérieur ne contenoit pas une seule petite pièce commode où l'on pût faire sûrement et tranquillement une série d'observations; et ce n'est guère que depuis quelques années qu'on a su en rendre l'intérieur habitable, et même le pourvoir de tous instruments nécessaires pour les travaux des astronomes.

Cassini avoit fait tracer sur le plancher de l'une des tours un planisphère terrestre de vingt-sept pieds de diamètre: depuis long-temps on ne l'y voit plus. On avoit aussi pratiqué dans toutes les voûtes, au centre du bâtiment, des ouvertures de trois pieds de diamètre, et correspondant entre elles depuis la couverture jusqu'au fond des caves souterraines pratiquées sous l'édifice; la première intention étoit de s'en servir pour des observations astronomiques; mais on y a éprouvé des difficultés qui ont forcé d'y renoncer: elles n'ont été utiles qu'à mesurer les degrés d'accélération de la chute des corps, et à faire la vérification des grands baromètres.

Ces ouvertures pénètrent jusqu'au fond de ces caves au travers d'un escalier fait en vis, et composé de trois cent soixante marches, ce qui forme en tout, depuis le sommet, un puits de vingt-huit toises de profondeur. Ces caves servent à faire des expériences sur les congélations et les réfrigérations, à déterminer les divers degrés de l'humidité, du sec, du chaud, du froid. Elles s'étendent fort au loin dans les carrières voisines, et ont des parties où l'eau se pétrifie. Plus de cinquante rues percées dans des carrières y forment une espèce de labyrinthe. Partie de ces caves est revêtue de maçonnerie, d'autres sont simplement taillées dans le tuf.

La plupart des salles de cet édifice offrent cette particularité remarquable, qu'une personne parlant très-bas près de l'un des murs, ses paroles parviennent à l'oreille d'une autre personne placée près du mur opposé, sans que ceux qui occupent le milieu de la pièce puissent rien entendre de ce qu'elles disent. Ce phénomène d'acoustique, qui dépend de la forme elliptique des voûtes, est trop connu maintenant pour que nous croyions devoir l'expliquer. Sous la voûte de la salle du nord, un aéromètre indique la force des vents; cette salle est ornée de peintures représentant les saisons et les signes du zodiaque: on y voit aussi les portraits des plus célèbres astronomes.

La façade de l'Observatoire, du côté du septentrion, est couronnée d'un fronton où sont sculptées les armes du roi. L'avant-corps de celle du midi offre deux trophées astronomiques, et ce sont les seuls ornements de sculpture qu'il y ait sur ce monument.

Une machine, dite cuvette de jauge, donne la mesure de l'eau pluviale qui tombe chaque année.

COLLÉGES, ÉCOLES, SÉMINAIRES.

Écoles de Médecine (rue de la Bûcherie.)

On ne peut douter qu'il n'y ait eu des médecins à Paris dès le commencement de la monarchie; mais il n'est pas facile de déterminer l'époque à laquelle ils formèrent un corps et furent agrégés à l'Université. Duboulai veut que Charlemagne lui-même ait fait entrer cette étude au nombre de celles qui étoient en vigueur dans l'école palatine[381], tandis que d'autres écrivains[382] reculent jusqu'au règne de Charles VII l'origine de cette corporation. Ces deux opinions sont également éloignées de la vérité. Il y a des preuves certaines qu'on se livroit à l'étude publique de la médecine dès le commencement du douzième siècle, qu'anciennement cette faculté étoit ecclésiastique, et que ses membres étoient obligés de garder le célibat, ce que l'on peut aisément concevoir, si l'on réfléchit que, dans le moyen âge, à l'exception d'un très-petit nombre de personnes, il n'y avoit que le clergé qui s'adonnât à l'étude et qui cultivât les sciences et les arts. Toutefois comme la profession de médecin, plus lucrative qu'aucune autre, faisoit négliger l'étude de la théologie, un décret du concile de Reims, tenu en 1131, défendit aux moines et aux chanoines d'étudier la médecine; et dans celui de Tours, en 1163, Alexandre III déclara qu'il falloit regarder comme excommuniés les religieux qui sortoient de leurs cloîtres pour apprendre l'art de guérir. L'étude du droit civil fut comprise dans le même anathème.

Sous le règne de Philippe-Auguste les médecins étoient déjà reçus dans les nations académiques qui formoient l'Université; mais on ne voit pas qu'il y eût alors un lieu particulier affecté aux écoles de médecine. Différents actes de ces temps prouvent que les cours s'en faisoient dans le domicile des professeurs. Le nombre des écoliers s'étant augmenté, on loua des maisons particulières pour les y rassembler, sans qu'on puisse déterminer au juste dans quel endroit ces écoles étoient situées[383].

Nous avons déjà dit que ce fut au milieu du treizième siècle que les facultés composant le corps de l'Université se formèrent en compagnies distinctes, et eurent des écoles spécialement affectées à leurs études particulières. La théologie dut les siennes à Robert Sorbon; les professeurs de droit établirent les leurs au clos Bruneau (rue Saint-Jean-de-Beauvais), et la faculté des arts resta rue du Fouare. Comme il n'existe aucun acte qui indique alors un établissement particulier pour l'école de médecine, on peut croire qu'elle demeura encore unie à cette dernière faculté dans les anciennes écoles de cette même rue, et rien ne prouve en effet qu'elle ait changé de domicile jusqu'à l'année 1454, que, dans une assemblée tenue près des bénitiers de Notre-Dame, elle résolut d'établir une école où tous ses cours publics seroient réunis. On ne voit point que ce projet ait alors reçu son exécution; mais dans une seconde assemblée tenue en 1469 il fut décidé, qu'on achèteroit, rue de la Bûcherie, une maison appartenant aux Chartreux, et voisine d'une autre dont la faculté étoit déjà propriétaire. L'acquisition fut faite en 1472; mais la disposition des lieux s'opéra lentement, et ce ne fut qu'en 1505 qu'on y tint les écoles. L'achat successif de terrains et de maisons circonvoisines procura à la faculté les moyens de faire pratiquer tous les logements nécessaires, et d'avoir un jardin où l'on cultiva les plantes médicinales. L'amphithéâtre fut établi en 1617 dans une maison contiguë à ce jardin, et qui faisoit le coin de la rue du Fouare et de celle de la Bûcherie, et subsista ainsi jusqu'en 1744, que la faculté, voyant qu'il tomboit en ruine, en fit construire un nouveau[384]. Cette dernière salle, de forme ronde, est terminée par une coupole; son pourtour est garni de gradins où se placent les étudiants; huit colonnes doriques y soutiennent une corniche sur laquelle règne un balcon.

La première chapelle, achevée en 1502, fut démolie en 1529, et remplacée par une autre, qu'on transféra encore, en 1695, dans un endroit différent.

Quelques années avant la révolution, les écoles avoient été transportées rue Saint-Jean-de-Beauvais, aux anciennes Écoles de Droit; mais les démonstrations anatomiques se faisoient toujours à l'amphithéâtre de la rue de la Bûcherie. C'étoit là aussi que la faculté tenoit ses assemblées, dans une salle au premier étage, ornée des portraits de tous ses doyens[385], et de plain-pied avec la chapelle.

Collége de Picardie (rue du Fouare).

On comptoit autrefois dans cette rue quatre écoles pour les quatre nations de l'Université; et c'est pourquoi, dans plusieurs titres du treizième siècle, elle est appelée de l'École et des Écoliers. La nation de Picardie est la seule qui continua d'y demeurer jusque vers la fin du siècle dernier. En 1487, elle avoit obtenu la permission d'y faire construire une chapelle, qui fut dédiée, en 1506, sous l'invocation de la sainte Vierge, de saint Nicolas et de sainte Catherine.

Saint Guillaume Berruyer, que la nation de France honoroit comme son patron, étoit celui d'une chapelle qu'il y avoit autrefois dans cette rue. Il y a bien de l'apparence que c'étoit la chapelle des écoles de cette nation: elle ne subsiste plus depuis long-temps.

Collége de Cornouaille (rue du Plâtre).

La première fondation de ce collége fut faite en 1317[386], et non en 1380, comme plusieurs l'ont avancé, par Galeran Nicolas ou Nicolaï dit de Grève, clerc de Bretagne, qui, par son testament, laissa le tiers de ses biens aux pauvres écoliers du diocèse de Cornouaille ou Quimper-Corentin, faisant leur cours d'études à Paris. Ses exécuteurs testamentaires n'accomplirent sa volonté qu'en 1321, et fondèrent alors cinq bourses, qu'ils laissèrent à la nomination de l'évêque de Paris. Ce prélat approuva le nouvel établissement en 1323; et ces boursiers, qui n'avoient point de domicile, furent placés dans le collége que Geoffroi du Plessis venoit de fonder[387]. Les choses restèrent en cet état jusqu'en 1380, que Jean de Guistri, maître-ès-arts et en médecine, né dans le diocèse de Cornouaille, acheta, dans la rue du Plâtre, une maison, où il logea les cinq boursiers ses compatriotes, ajoutant à ce bienfait celui de fonder quatre bourses nouvelles[388]; ses exécuteurs testamentaires trouvèrent dans ses biens de quoi en créer une cinquième, et il fut décidé que le nouveau collége seroit appelé collége de Cornouaille.

Un principal de ce collége, nommé Duponton, y fonda deux autres bourses en 1443; et en 1709 il y en eut encore une dernière, que l'on dut aux libéralités de M. Valot, conseiller au parlement et chanoine de Notre-Dame. Ce collége fut réuni, en 1763, à celui de Louis-le-Grand.

Collége de Lisieux (rue Saint-Jean-de-Beauvais).

Il doit, suivant tous nos historiens[389], son origine à Gui de Harcour, évêque de Lisieux, qui laissa pour cet effet 1000 livres par son testament, et 100 livres pour le logement de vingt-quatre boursiers étudiant dans la faculté des arts: cet acte est de 1336. Au commencement du siècle suivant, Guillaume d'Estouteville, aussi évêque de Lisieux, fonda un autre collége sous le nom de Torchi, avec l'intention de le placer dans des maisons situées rue Saint-Étienne-des-Grès, qu'il avoit achetées de l'abbaye Sainte-Geneviève. Cependant, comme l'exécution de cette dernière partie du projet n'eut pas lieu sur-le-champ, il en est résulté sur la date de la fondation quelques difficultés, qu'il est facile de lever, en supposant, ce qui est très-vraisemblable, que Guillaume d'Estouteville établit d'abord ses boursiers dans le collége de Lisieux, fondé par Gui de Harcour, et acheta en même temps les maisons où il vouloit les loger; que sa mort, arrivée en 1414, ne lui ayant pas laissé le temps de les y établir, Estoud d'Estouteville, son frère et son exécuteur testamentaire, se chargea de remplir sa dernière volonté, ce qui toutefois ne fut exécuté qu'en 1422. On voit en effet, à cette époque, douze théologiens et vingt-quatre artiens réunis dans ce collége, qui fut, par arrêt de la cour, nommé de Torchi[390], dit de Lisieux. Les douze théologiens étoient de la fondation de MM. d'Estouteville, et les vingt-quatre artiens étoient certainement ceux que Gui de Harcour avoit fondés; ce qui d'ailleurs est démontré par un arrêt du 19 juin 1430.

La chapelle de ce collége fut bâtie des deniers de l'abbé de Fescamp, sous l'invocation de saint Sébastien. La nomination des bourses appartenoit à ses successeurs et aux évêques de Lisieux. Le principal et le procureur étoient élus par les boursiers théologiens, le premier à vie, le second pour un an.

Comme le terrain qu'occupoient les bâtiments de ce collége entroit dans le dessin de la place qui devoit être ouverte devant la nouvelle église Sainte-Geneviève, et que cependant son ancienneté sembloit exiger qu'il fût conservé, il fut ordonné, par arrêt du 7 septembre 1763, qu'il seroit transféré dans le collége de Louis-le-Grand, ce qui fut alors exécuté; mais des raisons particulières firent changer cet arrangement, comme nous ne tarderons pas à le dire[391].

Collége des Lombards (rue des Carmes).

On trouve aussi ce collége sous le nom de collége de Tournai ou d'Italie. Tous nos historiens s'accordent à lui reconnoître quatre fondateurs, tous domiciliés à Paris, André Ghini, Florentin, successivement évêque de Tournai, d'Arras et cardinal; François de l'Hôpital, bourgeois de Modène; Jean Reinier, bourgeois de Pistoie; et Manuel Rolland, de Plaisance. Mais la date de la fondation a fait naître des discussions trop minutieuses pour que nous croyions devoir les rapporter; on en peut toutefois conclure que l'acte n'en fut fait que en 1333[392], quoique les écoliers fussent établis depuis trois ans dans l'hôtel de l'évêque de Tournai, ce qui justifie la date de 1330, que portoit l'inscription gravée sur la porte de ce collége. André Ghini établit quatre bourses pour des Florentins; le sieur l'Hôpital, trois pour des écoliers du Modenois; Reinier, trois pour ceux de Pistoie; Rolland, une pour un étudiant de Plaisance: à défaut de sujets nés dans ces provinces, on devoit admettre indifféremment des élèves italiens, sous la condition qu'ils céderoient la place aussitôt qu'il s'en présenteroit avec toutes les qualités que demandoit la fondation. Les aspirants devoient être clercs, et n'avoir pas 20 livres de rente pour être admis; on nomma trois proviseurs ou directeurs de ce collége; les fondateurs les mirent sous la protection de l'abbé de Saint-Victor et du chancelier de Notre-Dame; enfin il fut stipulé que la maison où ils demeuroient, située au mont Saint-Hilaire, seroit appelée Maison des pauvres écoliers italiens de la charité de la bienheureuse Marie.

Ce collége fut peu à peu abandonné, et deux causes y contribuèrent: d'un côté, la modicité des bourses, insuffisantes pour procurer aux élèves les besoins de première nécessité, dégoûta les Italiens de s'expatrier; de l'autre, les Universités nombreuses qui se formèrent dans leur propre pays leur procurèrent des ressources assez grandes pour qu'ils ne fussent plus obligés d'aller chercher l'instruction chez une nation étrangère. Les bâtiments qu'ils avoient occupés tomboient en ruines, et alloient devenir tout-à-fait inhabitables, lorsque deux prêtres irlandois, le sieur Maginn et Kelli, formèrent le dessein de les faire réparer en faveur des prêtres et des étudiants de leur nation.

Dès l'année 1623, Louis XIII avoit permis aux Irlandois de recevoir des legs et des donations dont l'objet devoit être de leur procurer la facilité de faire leurs études à Paris. Louis XIV avoit confirmé cette permission en 1672, en y ajoutant celle d'acheter une maison qui pût leur servir d'hospice. Celle dont ils firent l'acquisition étoit située rue d'Enfer, et ils y ont demeuré jusqu'en 1685. Ce fut pendant cet intervalle que les sieurs Maginn et Kelli jetèrent les yeux sur le collége des Lombards, espérant en faire une habitation plus commode pour leurs compatriotes; mais les trois proviseurs, qui l'habitoient encore, refusèrent d'abord de leur en céder la propriété, et se contentèrent de nommer onze Irlandois aux bourses vacantes depuis plusieurs années. Cette nomination fut confirmée en 1677; mais comme il étoit à craindre que ces nouveaux boursiers ne fussent inquiétés par des Italiens qui auroient pu venir réclamer leurs anciens droits, MM. Maginn et Kelli proposèrent de faire réédifier ce collége à leurs frais, sous la condition qu'ils en seroient proviseurs leur vie durant, et que ces places seroient toujours occupées à l'avenir par des sujets de leur nation; proposition qui fut acceptée, et que de nouvelles lettres-patentes confirmèrent en 1681. La reconstruction de ce collége fut exécutée en conséquence de cette transaction; et M. Maginn lui légua en outre 2,500 livres de rente.

Malgré tous ces arrangements, il y eut, le 22 mars 1696, un acte d'association des boursiers irlandois à ceux du collége des Grassins. Un arrêt du parlement les renvoya, en 1710, au collége des Lombards. Toutefois cette association n'avoit eu lieu que pour les étudiants seulement, et ne comprenoit point ceux qui, après avoir fini leurs études, faisoient les préparations nécessaires pour pouvoir remplir dignement les fonctions de missionnaires en Irlande. Cette distinction fut consacrée par un autre arrêt du 20 mars 1728; ainsi cette maison devoit être à la fois considérée comme un séminaire et un collége: c'étoient deux communautés réunies.

On y comptoit, en 1776, cent prêtres et environ soixante clercs étudiants, dont le plus petit nombre payoit une très-modique pension: la charité des fidèles faisoit le reste. À cette époque les clercs irlandois furent transférés dans la rue du Cheval-Vert, comme nous le dirons ci-après.

Quelques années auparavant, les bâtiments du collége des Lombards avoient été réparés, et la chapelle avoit été reconstruite par la libéralité de M. de Vaubrun[393]. Son porche, de forme elliptique, et décoré de colonnes et de pilastres ioniques, avec entablement, avoit été élevé sur les dessins de Boscry, architecte[394].

CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.

Sur le maître-autel, un tableau représentant une Assomption; par Jeaurat.

Ce collége étoit possesseur d'une petite bibliothèque.

Collége de Dormans-Beauvais (rue Saint-Jean-de-Beauvais).

Ce collége doit sa fondation à Jean de Dormans, cardinal, évêque de Beauvais et chancelier. Il acheta, en 1365, les maisons que le collége de Laon avoit d'abord occupées, et cinq ans après y établit un maître, un sous-maître, un procureur et douze boursiers, nés dans la paroisse de Dormans en Champagne, ou, à leur défaut, dans le diocèse de Soissons. En 1371 et 1372, il fonda successivement douze nouvelles bourses, parmi lesquelles trois furent destinées à des écoliers pris dans les villages de Buisseul et d'Athis, au diocèse de Reims, et une quatrième à un religieux prêtre de l'abbaye de Saint-Jean-des-Vignes. La chapelle, dont Charles V voulut bien poser la première pierre, fut construite aux frais de Miles de Dormans, neveu du fondateur, et dédiée, en 1380, sous l'invocation de saint Jean l'Évangéliste. Il y fonda quatre chapelains et deux clercs. Nos historiens parlent d'un nouveau chapelain et de cinq autres boursiers, fondés à diverses époques par différents particuliers.

La collation de toutes les places avoit été réservée au frère et au neveu du fondateur: l'abbé de Saint-Jean-des-Vignes éleva à ce sujet quelques contestations, qui furent terminées par un concordat, homologué en 1389, qui, laissant la collation de la bourse du religieux de Saint-Jean-des-Vignes à l'abbé, transportoit à la cour du parlement tous les droits du fondateur après la mort de Guillaume de Dormans, son neveu. Depuis, le premier président et deux commissaires de cette cour ont toujours eu l'administration de ce collége.

Vers le commencement du seizième siècle, les professeurs qui enseignoient dans les écoles de la rue du Fouare s'étant retirés dans les colléges, celui de Beauvais tint des écoles publiques, et s'unit par la suite (en 1597) au collége de Presle, pour l'exercice des classes, ce qui subsista jusqu'en 1699, que cet exercice entier resta au seul collége de Beauvais. Depuis, les arrangements qui devoient incorporer le collége de Lisieux à celui de Louis-le-Grand n'ayant pu avoir leur entier effet, le collége de Beauvais fut choisi pour prendre la place que l'autre y devoit occuper, et les maisons qui lui appartenoient furent données au collége de Lisieux.

CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, saint Jean l'Évangéliste dans l'île de Pathmos; par Lebrun.

TOMBEAUX ET SÉPULTURES.

Au milieu du chœur, deux statues en cuivre sur un tombeau de marbre représentant Miles de Dormans, évêque de Meaux et archevêque de Sens, mort en 1405; et un autre évêque inconnu.

Six statues en pierre, représentant:

Jean de Dormans, chancelier de l'église de Beauvais, mort en 1380.

Bernard de Dormans, chambellan de Charles V, mort en 1381.

Renaud de Dormans, chanoine de Paris, maître des requêtes de l'hôtel, etc., mort en 1380.

Jeanne Baube, femme de Guillaume de Dormans, et mère des trois personnages dont nous venons de parler, morte en 1405.

Jeanne de Dormans sa fille, mariée à Pierre de Rochefort et à Philibert de Paillart, morte en 1407.

Yde de Dormans, sa seconde fille, mariée à Robert de Nesle, morte en 1379[395].

Plusieurs savants et saints personnages ont professé dans ce collége. Saint François Xavier y donna des leçons de philosophie en 1531. Le cardinal Arnauld d'Ossat fut aussi du nombre de ses professeurs; et dans le siècle dernier l'administration en fut successivement remplie par deux hommes très-recommandables, le célèbre M. Rollin et M. Coffin.

Collége de Presles (rue des Carmes).

Nous avons déjà parlé de la fondation de ce collége à l'article du collége de Laon[396]. Nous avons dit comment les boursiers de ces deux établissements, réunis dans la même maison, ayant jugé à propos de se séparer, cette séparation, arrivée en 1333, produisit deux colléges particuliers. Ce changement fut autorisé par le pape Clément VI; et Philippe-le-Long, qui le confirma, voulut en même temps gratifier le collége dont nous parlons de vingt-quatre arpents de bois dans les forêts du Loup et de la Muette. Raoul de Presles, qui en étoit fondateur, traita alors avec Gui de Laon du logement que les deux colléges avoient d'abord occupé, en lui faisant un contrat de 24 liv. de rente, et à ce moyen resta dans l'établissement, tandis que les boursiers de l'autre collége alloient se loger au clos Bruneau. Mais, quelque temps après, le collége de Beauvais, qui venoit d'être fondé dans la rue voisine, sur un terrain contigu à celui du collége de Presles, eut besoin à son tour de quelques bâtiments pour les écoles publiques qui s'y tenoient. On entra dans des arrangements nouveaux, au moyen desquels les cours publics furent partagés: il y eut quatre classes et quatre professeurs dans chacun des deux colléges, ce qui subsista jusqu'en 1699, que l'exercice entier des classes fut cédé au collége de Beauvais.

Le collége de Presles, fondé pour de pauvres écoliers du diocèse de Soissons, étoit composé de treize boursiers et de deux chapelains choisis parmi eux. Les chapelains devoient être nommés par les boursiers, et ceux-ci par la communauté. En 1704 on réduisit le nombre des boursiers à huit; et en 1763 ce collége fut réuni à celui de l'Université.

Collége de Tréguier (place Cambrai).

Une inscription qu'on lisoit sur la porte de ce collége portoit qu'il avoit été fondé en 1400, et Sauval, ainsi que ses copistes, avoient adopté cette date, qui ne pouvoit être que celle d'une reconstruction, car il est certain qu'il doit son origine à Guillaume de Coatmohan, grand-chantre de l'église de Tréguier, qui, par son testament du 20 avril 1325, le fonda pour huit boursiers, pris dans sa famille ou dans le diocèse de Tréguier. Les statuts que l'on fit pour ce collége en 1411 lui donnèrent de la réputation, et déterminèrent Olivier Doujon, docteur en droit, à y fonder, l'année suivante, six bourses nouvelles. Enfin, en 1575, ce collége fut considérablement augmenté par l'union qui lui fut faite du collége de Karembert. Celui-ci, qui portoit aussi le nom de Laon, parce qu'il avoit été crée pour des sujets de ce diocèse, étoit situé près de Saint-Hilaire. Du reste, nous ignorons par qui et à quelle époque il avoit été établi. Un M. de Kergroades, qui paroît avoir été parent du fondateur, et dont le consentement fut nécessaire pour opérer cette union, ne le donna qu'en se réservant la nomination des deux seules bourses qui y subsistoient encore. Ceci dura jusqu'en 1610, que le roi fit acheter le collége de Tréguier, pour élever le collége Royal sur son emplacement.

Le collége de Cambrai ou des Trois-Évêques (même place).

Il faut rectifier ce qui a été dit de ce collége par la plupart des historiens de Paris, qui le présentent comme ayant eu à la fois trois fondateurs. La vérité est qu'il fut institué en 1348, par une disposition testamentaire de Guillaume d'Auxonne, évêque de Cambrai, et ensuite d'Autun. Ce prélat, possesseur d'une maison et de jardins situés dans cet endroit, avoit formé le projet d'y fonder un collége, et d'affecter à cet établissement cette portion de ses biens: il chargea de l'exécution de ce projet Hugues de Pomare, évêque de Langres, par son testament du 13 octobre 1344; mais celui-ci mourut avant d'avoir pu remplir ses intentions. Il arriva en même temps que Hugues d'Arci, évêque de Laon, et depuis archevêque de Reims, mourut aussi sans avoir pu exécuter une fondation semblable qu'il s'étoit également proposée. Alors les exécuteurs testamentaires de ces trois prélats imaginèrent de se réunir, et instituèrent le collége dont nous parlons ici: c'est pour cette raison qu'il est souvent nommé collége des Trois-Évêques. L'acte qui contient cette donation est rapporté par Félibien sous la date de 1348[397]. Mais la manière dont il est conçu semble prouver que ce collége renfermoit déjà des étudiants, et par conséquent que le premier établissement étoit antérieur.

La maison et les jardins que Guillaume d'Auxonne avoit laissés étoient plus que suffisants pour loger les boursiers; on prit sur les biens des autres fondateurs ce qui étoit nécessaire pour fournir à leur subsistance, ce qui produisit un fonds de 200 liv. de rente. On voit par les statuts que ce collége étoit composé d'un maître, d'un chapelain faisant l'office de procureur, et de sept boursiers. Ceux-ci étoient à la nomination du chancelier de l'église de Paris, auquel le chapelain, nommé lui-même par les anciens boursiers, les présentoit.

En 1612, le roi ayant voulu faire l'acquisition du collége de Cambrai pour la construction des bâtiments du collége Royal, les commissaires de sa majesté passèrent un acte portant qu'après l'achèvement de cet édifice, le principal et les boursiers du collége détruit y seroient logés; que la chapelle qu'on y bâtiroit deviendroit leur propriété; qu'il seroit fait un fonds de 1000 liv. de rente pour leurs dommages et intérêts; enfin qu'on n'abattroit les constructions que jusqu'à la grande porte, de manière qu'ils pussent continuer à y loger jusqu'à ce que le bâtiment qu'on leur destinoit fût en état de les recevoir. Cette portion d'édifice fut conservée plus long-temps qu'on ne l'avoit cru, parce qu'alors le collége Royal ne fut pas fini, et les boursiers de celui de Cambrai ne cessèrent point d'y demeurer jusqu'à leur réunion au collége de Louis-le-Grand.

Deux professeurs de la faculté de droit et le professeur de droit françois, dont la chaire avoit été fondée en 1680 par Louis XIV, donnèrent des leçons dans le collége de Cambrai jusqu'à la construction des nouvelles écoles près de Sainte-Geneviève.

Collége-Royal (même place).

On a déjà pu voir dans cet ouvrage à quel dessein et dans quelles circonstances François Ier fonda cet établissement si digne d'un grand monarque. Il en avoit conçu l'idée dès le commencement de son règne, et son intention étoit de le placer à l'hôtel de Nesle (aujourd'hui le collége Mazarin); mais la guerre et les événements qui la suivirent en firent d'abord remettre l'exécution, et d'autres projets succédèrent ensuite à ceux-ci. En rapprochant et en conciliant les dates diverses que nos historiens ont données à cette fondation, on trouve que le roi, après avoir manifesté, en 1529, ses intentions pour la construction de ce collége, fixa, dès 1530, le nombre et les honoraires des professeurs qu'il nomma et institua l'année suivante. Cette fondation, vraiment royale, devoit répondre à la magnificence d'un prince qui mettoit en tout de la noblesse et de la grandeur: douze professeurs en langue hébraïque, grecque et latine, devoient recevoir par an 200 écus d'or pour honoraires, être logés dans ce collége, et y donner des leçons gratuites à six cents écoliers. Les circonstances n'ayant pas permis de construire les édifices projetés, les professeurs continuèrent d'enseigner dans les salles du collége de Cambrai et dans d'autres colléges. Mais si on en excepte cette partie du projet, toutes les autres clauses en furent remplies scrupuleusement; et même François Ier, faisant plus qu'il n'avoit promis, et voulant donner une preuve éclatante de l'affection particulière qu'il portoit à cette institution, donna, en 1542, aux professeurs la qualité de conseillers du roi, le droit de committimus[398], et les fit mettre sur l'état comme commensaux[399] de sa maison. C'est à ce titre qu'ils continuèrent jusqu'à la fin de prêter serment entre les mains du grand-aumônier.

François Ier avoit fondé les chaires royales pour les savants les plus célèbres, sans aucune distinction de régnicoles et d'étrangers; et vu le sage parti qu'il avoit pris de consulter sans cesse, dans l'exécution de son projet, les hommes distingués dans les sciences et les lettres qui remplissoient sa cour, il avoit été assez heureux pour ne faire que de très-bons choix. Ses successeurs n'y portèrent pas sans doute la même attention, et plus d'une fois des hommes médiocres usurpèrent dans cet illustre corps des places qui n'appartenoient qu'au vrai mérite; cependant la succession des maîtres y présente plus de noms célèbres que dans aucun autre corps littéraire; et l'on peut assurer qu'il n'en est aucun qui, à nombre égal, ait produit autant d'ouvrages sur toutes les parties des connoissances humaines. Henri II y fonda une nouvelle chaire d'éloquence latine; Charles IX, une de philosophie grecque et latine, et une de chirurgie; Henri III, une de langue arabe. Ce monarque avoit pris solennellement l'engagement de mettre à exécution le projet de François Ier relativement à la construction des bâtiments où devoient se réunir les professeurs, et à la dotation du nouveau collége; mais les guerres civiles et les malheurs dans lesquels elles le jetèrent, le réduisirent bientôt à ne pouvoir plus même payer les gages de ces professeurs. Leur fidélité n'en fut point ébranlée, et pendant tous les orages de la ligue, ils restèrent invariablement attachés à ce prince et à son successeur Henri IV, qui en fut instruit, et qui se déclara leur plus zélé protecteur. Le duc de Sulli partagea ces sentiments de bienveillance de son maître; et ce fut à sa sollicitation et à celle du cardinal du Perron, que ce prince prit la résolution de faire enfin construire les logements et les écoles qui leur étoient nécessaires. Il fut décidé qu'on abattroit le collége de Tréguier qui menaçoit ruine, et que sur cet emplacement on feroit élever un bâtiment de trente-trois toises de long sur vingt de large. On devoit y pratiquer quatre grandes salles, et disposer l'étage supérieur pour y placer la bibliothèque royale de Fontainebleau. Il étoit même question d'y établir une imprimerie, des ateliers pour les artistes, et de doter cette maison de dix mille écus de rente. La mort funeste de ce grand roi suspendit l'exécution d'un projet aussi magnifique, mais ne le détruisit pas entièrement. Trois mois après, Louis XIII, accompagné de la reine sa mère, vint poser la première pierre de la seule aile de ce bâtiment qui alors ait été entièrement achevée; c'étoit celle qui avoit été destinée pour loger la bibliothèque. Les troubles de la régence ayant bientôt fait cesser les travaux, on y pratiqua trois salles, qui servirent d'écoles aux professeurs; mais ils n'eurent ni logements ni augmentation de gages.

Henri IV avoit fondé dans ce collége une chaire d'anatomie et de botanique; Louis XIII en créa une seconde de langue arabe et une de droit canon; Louis XIV y ajouta une chaire de langue syriaque, une seconde de droit canon, et une de droit françois. C'est à quoi se bornèrent les bienfaits de ce monarque, protecteur magnifique des sciences et des lettres, mais qui probablement ne sentit pas de quelle importance étoit le seul établissement où les jeunes gens, après le cours ordinaire des études, pussent trouver des guides sûrs pour se perfectionner dans tout genre de science ou de littérature auquel ils voudroient se livrer. Cependant la situation des professeurs devenoit de jour en jour plus fâcheuse: réduits, vers la fin de ce règne, à un petit nombre d'auditeurs, brouillés depuis long-temps avec l'Université, qui répandoit contre eux de fâcheuses impressions dans l'esprit des élèves, mal payés de modiques appointements qui n'étoient plus en rapport avec les besoins de la vie, ils étoient sur le point d'abandonner leurs travaux, lorsqu'à l'avénement de Louis XV, le duc de La Vrillière, qui avoit alors la direction de ce collége, proposa au conseil un plan qui fut adopté, et empêcha la ruine d'un établissement si utile et si important. Il consistoit à faire rentrer dans le sein de l'Université les professeurs royaux, qui n'auroient jamais dû en être séparés, et par conséquent à leur donner une part dans le produit des messageries affecté aux besoins de cette compagnie. L'exécution de ce plan ranima les exercices du collége Royal; et quelques changements utiles dans la destination de plusieurs chaires qui étoient doubles ou triples dans des genres d'enseignements peu suivis, même tout-à-fait abandonnés, donnèrent le moyen d'y faire professer de nouvelles branches de science et de littérature, sans charger le trésor de dépenses nouvelles, de manière qu'il y eut dans le collége Royal, outre l'inspecteur chargé de veiller à la discipline, vingt professeurs, dont les attributions furent fixées, par un arrêt du conseil de 1773, dans l'ordre suivant:

  • Une chaire pour l'hébreu et le syriaque.
  • Une  ——  pour l'arabe.
  • Une  ——  pour le turc et le persan.
  • Une  ——  pour le grec.
  • Une  ——  pour l'éloquence latine.
  • Une  ——  pour la poésie.
  • Une  ——  pour la littérature françoise.
  • Une  ——  pour la géométrie.
  • Une  ——  pour l'astronomie.
  • Une  ——  pour la mécanique.
  • Une  ——  pour la physique.
  • Une  ——  pour la médecine pratique.
  • Une  ——  pour la physique expérimentale.
  • Une  ——  pour l'anatomie.
  • Une  ——  pour la chimie.
  • Une  ——  pour l'hist. naturelle.
  • Une  ——  pour le droit canon.
  • Une  ——  pour le droit de la nature et des gens.
  • Une  ——  pour l'histoire et la morale.
  • Une  ——  pour les mathématiques, fondée par Ramus.

Sur les nouveaux fonds accordés au collége Royal, on avoit trouvé le moyen de distraire une somme suffisante pour la réparation des constructions déjà faites; mais cette institution laissoit toujours à désirer un bâtiment qui pût contenir à la fois les écoles et des logements convenables pour les professeurs. La reconstruction totale en fut arrêtée en 1774, la première année du règne de Louis XVI; et M. le duc de La Vrillière posa la première pierre du nouveau bâtiment le 22 mars de la même année. Cet édifice, construit sur les dessins de M. Chalgrin, présente l'ordonnance noble et simple d'un corps de logis flanqué de deux pavillons en retour, qu'unit entre eux une double grille avec un portail surmonté d'un fronton. Il n'y a que des éloges à donner au caractère d'architecture choisi par l'artiste, et à la manière dont il a exécuté cette conception[400].

Collége du Plessis-Sorbonne (rue Saint-Jacques).

Ce collége doit son nom à Geoffroi du Plessis, notaire apostolique et secrétaire de Philippe-le-Long. Il le fonda, en 1317[401], pour quarante étudiants pris dans les diocèses de Tours, Saint-Malo, Reims, Sens, Évreux et Rouen, et donna pour cet établissement différents revenus, et une maison avec cours, jardins et vergers, située rue Saint-Jacques, et qui s'étendoit jusqu'à la rue Fromentel et à celle des Cholets, nommée alors Saint-Symphorien[402]. Il y avoit déjà dans cette maison une chapelle de la Sainte-Vierge, et au-dessus de la porte un oratoire sous le nom de Saint-Martin. Le collége en prit le nom de Saint-Martin-du-Mont, et le fondateur, qui se réserva la collation des bourses, et la faculté de faire par la suite les changements qu'il jugeroit à propos, établit pour supérieurs de cet établissement les évêques d'Évreux et de Saint-Malo, l'abbé de Marmoutier, le chancelier de l'église de Paris, et le maître particulier du collége.

Quelque temps après, Geoffroi du Plessis fonda le collége de Marmoutier à côté de celui de Saint-Martin; et quoi qu'en aient dit Du Breul et Corrozet, l'acte de fondation[403] prouve qu'il ne changea point les dispositions déjà faites en faveur de ce dernier collége pour accroître les avantages de sa nouvelle fondation. Sur quatre maisons qu'il possédoit encore dans ce même endroit, il se réserva, sa vie durant, la plus grande, qui donnoit sur la rue Chartière, et fit don des trois autres à l'abbaye de Marmoutier: il n'y eut de commun entre ces deux colléges que la chapelle que l'on bâtissoit.

S'étant ensuite fait religieux dans cet ordre, auquel il avoit témoigné une affection si particulière, Geoffroi profita de la faculté qu'il s'étoit réservée par l'acte de fondation, et soumit les deux colléges à l'abbé de Marmoutier, qui depuis en fut le seul administrateur; puis, par son testament, réduisit à vingt-cinq bourses les quarante qu'il avoit d'abord fondées. Ce collége de Marmoutier subsista jusqu'en 1637, que la réforme introduite dans cette abbaye le rendit inutile. Les bâtiments en furent vendus aux Jésuites en 1641, pour accroître le collége de Louis-le-Grand.

À l'égard de celui de Saint-Martin-du-Mont, il ne tarda pas à prendre le nom de son fondateur: car, dans tous les actes de l'abbaye de Sainte-Geneviève qui le concernent, il n'est indiqué, dès le quatorzième siècle, que sous le titre de collége du Plessis. La modicité de ses revenus occasionna une diminution successive de ses boursiers; mais quoiqu'il se soutînt encore par la réputation que lui avoit acquise sa discipline et le mérite de ses professeurs, ses bâtiments menaçoient ruine au commencement du dix-septième siècle, et l'établissement étoit loin d'avoir en lui-même des ressources suffisantes pour les réparer, lorsque des circonstances heureuses vinrent tout à coup les lui procurer. Le cardinal de Richelieu avoit eu besoin de l'emplacement du collége de Calvi pour la construction de l'église de Sorbonne. L'équité ne permettoit pas de le détruire sans le remplacer; aussi ce ministre ordonna-t-il, par son testament, qu'il seroit bâti un autre collége sur le terrain enclavé entre les rues de Sorbonne, des Noyers et des Maçons; mais les dépenses énormes qu'auroit entraînées l'exécution d'un semblable projet en firent changer les dispositions. En conséquence il fut convenu que les héritiers du cardinal feroient unir un collége à la maison de Sorbonne, et qu'ils paieroient une certaine somme pour les bâtiments ou réparations qu'on seroit obligé d'y faire. On jeta les yeux sur celui du Plessis, non, comme l'ont pensé quelques auteurs, à cause de la conformité de son nom avec celui du cardinal[404], mais parce qu'alors l'abbaye de Marmoutier étoit possédée par un neveu de cette Éminence (Amador Jean-Baptiste de Vignerod), et qu'on espéroit avoir plus facilement son consentement que celui de tout autre. Il céda en effet, sans aucune difficulté, son droit de supériorité sur ce collége à la maison de Sorbonne, ainsi que tous les biens et revenus qui en dépendoient, réservant seulement la collation des bourses, dont deux seroient à la présentation de l'évêque d'Évreux, et deux à celle de l'évêque de Saint-Malo. Par l'acte passé à cet effet en 1646, la maison de Sorbonne fut tenue d'entretenir à ses frais les bâtiments, et de faire instruire les boursiers sous la direction et l'administration d'un principal et d'un procureur, qui seroient docteurs ou bacheliers. C'est depuis cette époque que ce collége fut appelé du Plessis-Sorbonne. Il soutint d'ailleurs jusqu'à la fin son ancienne renommée, et il n'en étoit aucun dans toute l'Université où la discipline scolastique fût mieux observée, et qui eût produit un plus grand nombre d'élèves distingués.

Dans les derniers temps, les bourses, réduites au nombre de dix, et extrêmement médiocres, étoient à la nomination du roi[405].

Le collége de Louis-le-Grand (même rue).

Sans perdre de temps à discuter divers petits faits relatifs à la fondation de ce collége, et sur lesquels nos historiens ne sont pas d'accord, nous dirons simplement que l'institut des Jésuites, auquel on en doit l'établissement, ayant été approuvé, en 1540 et 1549, par deux bulles de Paul III, S. Ignace de Loyola, fondateur de la Société de Jésus, envoya sur-le-champ quelques-uns de ses disciples à Paris. Plusieurs personnes prétendent que, dès 1540, ils demeuroient au collége du Trésorier, et en 1542 à celui des Lombards. La première de ces deux assertions paroît dépouillée de preuves; quant au collége des Lombards, ils ne tardèrent pas à le quitter pour aller loger dans l'hôtel de Clermont, qui appartenoit au cardinal du Prat. Cette Éminence mit à les servir un vif intérêt, leur procura, avec le logement, une honnête subsistance, et, ce qui n'étoit pas moins important pour eux, la protection du cardinal de Lorraine. Ce fut par les soins de celui-ci qu'ils obtinrent, en 1551, des lettres-patentes par lesquelles Henri II permettoit leur établissement, mais à Paris seulement. Les oppositions de l'évêque, du parlement et de l'université suspendirent l'effet de cette faveur; soutenus par les Guises, qui gouvernoient entièrement Catherine de Médicis et son fils François II, les Jésuites se voyoient sur le point de triompher de ces obstacles, lorsque la mort du jeune monarque vint leur susciter des obstacles nouveaux. Malgré les différentes lettres de jussion adressées au parlement par Charles IX, la cour jugea qu'avant de les vérifier il étoit à propos de renvoyer les Jésuites devant l'assemblée générale du clergé, qui se tint à Poissi en 1561, pour y faire approuver leur institut. C'est là qu'ils furent enfin admis en France sous certaines conditions, à titre de société et de collége; et comme le parlement ne consentit à l'enregistrement qu'en 1562, c'est cette dernière date qu'on peut regarder comme celle du véritable établissement légal des Jésuites à Paris; celui de leur collége est encore postérieur, quoique Dubreul et ceux qui l'ont suivi en marquent l'institution en 1550.

Le projet du cardinal du Prat avoit toujours été de procurer à ces pères un collége à Paris; et ce fut dans cette intention qu'à sa mort, arrivée en 1560, il leur laissa plusieurs legs considérables, indépendamment des donations qu'il leur avoit déjà faites. Dès qu'ils en eurent obtenu la possession, jaloux de remplir l'intention du fondateur, ils cherchèrent un emplacement convenable, et achetèrent en 1563 un grand hôtel situé dans la rue Saint-Jacques, et connu sous le nom de la cour de Langres[406]. Cette acquisition fut amortie en 1564. Alors, munis de la simple permission du recteur de l'Université, et des lettres de scolarité qu'il leur fit expédier la même année, ils commencèrent à ouvrir leurs cours, et donnèrent à leur maison le nom de collége de Clermont de la Société de Jésus. Mais à peine avoient-ils commencé à professer qu'un nouveau recteur leur défendit l'exercice des classes, défense contre laquelle ils crurent devoir s'élever, et qui les jeta dans de nouveaux embarras et dans d'interminables contestations. Heureusement pour eux la cause fut appointée; et ces pères, en attendant la décision, se trouvèrent autorisés à continuer les leçons publiques qu'ils avoient commencées. Les talents supérieurs et la célébrité des professeurs qu'ils employoient attirèrent bientôt dans leur collége un si grand nombre d'écoliers, tant externes que pensionnaires, qu'il fallut penser à en augmenter les bâtiments. Les Jésuites achetèrent à cet effet plusieurs maisons voisines en 1578 et 1582. Ils firent, dans cette dernière année, construire une chapelle, dont la première pierre fut posée par Henri III. Tous ces édifices furent reconstruits en 1628.

Ce collége s'est successivement agrandi par l'acquisition d'une ruelle et de quelques autres maisons, mais principalement par celle du collége de Marmoutier, dont nous avons déjà parlé, et du collége du Mans, dont ils ne prirent possession qu'en 1682, cinquante-sept ans après le marché qu'ils en avoient fait. Ils y furent autorisés par un arrêt du conseil de cette même année. Louis XIV, qui confirma cette acquisition par ses lettres-patentes, voulut en payer le prix de ses propres deniers[407]; et, pour mettre le comble à ses bienfaits, il leur fit expédier des lettres nouvelles, par lesquelles il déclaroit le collége des jésuites de fondation royale. Même avant cette dernière faveur, ces pères avoient déjà ôté l'inscription placée sur leur porte principale, Collegium Claromontanum Societatis Jesu, pour y substituer celle de Collegium Ludovici Magni.

Les jésuites continuèrent de professer dans ce collége, rivalisant de zèle et de succès avec les plus célèbres institutions de l'Université, jusqu'en 1763, époque de la destruction de leur ordre, événement qui fut si fatal à la France et à toute la chrétienté. Alors les bâtiments qu'ils avoient occupés furent donnés à l'Université par lettres-patentes de la même année, pour y tenir ses assemblées et former un collége général, auquel ont été réunis les boursiers de tous les colléges où il n'y avoit pas plein et entier exercice[408].

Le temporel de ce collége étoit régi par une administration dont les membres, nommés par le roi, avoient pour président le grand-aumônier[409].

TABLEAUX.

Sur le maître-autel, trois tableaux, représentant, l'un, Jésus-Christ au milieu des docteurs; les deux autres, saint Charlemagne et saint Louis; par Restout.

Collége des Cholets (rue des Cholets).

Nos historiens, qui varient beaucoup entre eux sur la date de la fondation de ce collége, s'accordent tous à dire que le cardinal Jean Cholet, légat en France, avoit légué, par son testament, en 1289, une somme de 6000 liv., pour fournir aux frais de la croisade publiée contre Pierre d'Aragon; qu'étant mort le 2 août 1292, et la guerre étant terminée, ses exécuteurs testamentaires employèrent cette somme à l'établissement d'un collége. Il est assez difficile de croire qu'en 1289 Jean Cholet ait destiné une somme quelconque au succès d'une expédition contre un prince qui étoit mort quatre ans avant la date de ce testament; quoi qu'il en soit, une partie de ses biens fut effectivement employée à cette fondation. Jean de Bulles, archidiacre du Grand-Caux dans l'église de Rouen, et l'un des exécuteurs du testament de cette Éminence, offrit la maison où il demeuroit, vis-à-vis la chapelle Saint-Symphorien, et même en céda gratuitement la moitié, ce qui lui mérita d'être considéré comme second fondateur de ce collége. Il faut, suivant Jaillot, fixer cet événement à l'année 1291. On joignit bientôt à cette première acquisition celle d'une maison voisine, et les droits d'indemnité en furent payés à l'abbaye Sainte-Geneviève en 1295, seconde date qui a induit en erreur le plus grand nombre de ceux qui ont parlé de cette fondation.

Ce collége avoit été fondé seulement pour seize boursiers théologiens; mais les exécuteurs testamentaires étant morts, le cardinal Le Moine, qui leur fut substitué, confirma les statuts, ajouta quatre boursiers dont l'emploi étoit de célébrer l'office divin, et fit acheter une maison adjacente pour y placer vingt boursiers grammairiens. Tous ces boursiers devoient être pris dans les diocèses d'Amiens et de Beauvais.

Quoique le cardinal eût nommé quatre chapelains, cependant il n'y avoit point de chapelle dans ce collége, et l'office se faisoit dans celle de Saint-Symphorien. Ce fut seulement en 1504 que, du consentement de l'évêque et de l'abbé de Sainte-Geneviève, on en fit bâtir une qui fut dédiée sous l'invocation de sainte Cécile, en mémoire du fondateur, cardinal, prêtre du titre de sainte Cécile. Le collége des Cholets, qui étoit sans exercice, fut réuni, en 1763, à celui de l'Université[410].

Collége et communauté de Sainte-Barbe (rue de Reims).

Ce sont deux établissements différents formés dans le même lieu, mais dans des temps divers. Plusieurs de nos historiens se sont trompés sur la date de la fondation du collége, qu'ils font moins ancienne qu'elle ne l'est de plus de cent ans. L'abbé Lebeuf, qui la place avec raison en 1430, prétend que ce collége n'entra en plein exercice que vers 1500. Cependant, si l'on en croit D. Félibien[411], Jean Hubert, docteur en droit canon, qui le fonda sur un emplacement pris à cens de l'abbaye Sainte-Geneviève[412], y plaça dès le principe des professeurs amovibles: on en a compté jusqu'à quatorze, dont neuf enseignoient les humanités, quatre la philosophie, et un la langue grecque. Toutefois on ne trouve point qu'il eût de dotation dès son origine; et on le considéroit moins alors comme un collége proprement dit que comme une maison louée par des professeurs qui donnoient des leçons générales dans les salles, et recevoient dans les chambres quelques élèves auxquels ils accordoient des soins particuliers. Cet établissement portoit dès-lors le nom de Sainte-Barbe.

Il arriva, en 1556, que Robert Dugast, aussi docteur régent en droit canon, ayant acquis les quatre cinquièmes de cette maison, forma le projet d'y établir un collége régulier. Par l'acte de cette fondation, daté de cette même année, il institua un principal, un chapelain et un procureur, tous les trois prêtres ou sur le point de l'être, et qui devoient être des diocèses d'Évreux, de Rouen, de Paris ou d'Autun. La nomination des boursiers, qui étoient au nombre de quatre, fut réservée au plus ancien conseiller-clerc du parlement, au chancelier de l'église et université de Paris, et au doyen des professeurs en droit. Les biens qu'il affecta à cet établissement furent amortis par des lettres de Henri II, données dans la même année 1556.

Il paroît certain qu'il y eut dans ce collége un plein exercice, lequel y subsista jusqu'à ces temps malheureux de nos guerres de religion, où tant d'institutions furent altérées ou détruites. Il fut alors interrompu, et les leçons n'y ont jamais été rétablies. La mauvaise situation des affaires de ce collége le força même, dans le siècle suivant, de vendre à l'Université une partie de son emplacement, pour acquitter les dettes qu'il avoit contractées. Par cet acte, qui est de 1687, cette compagnie s'engagea à lui payer la somme de 48,750 livres, tant pour le libérer de ses créanciers, que pour lui procurer les moyens de bâtir une chapelle[413].

Ce fut vers ce temps-là que se forma la communauté annexée depuis à ce collége. Un docteur de Sorbonne, nommé Germain Gillot, avoit sacrifié une partie considérable de sa fortune pour fournir à la subsistance d'un certain nombre d'étudiants qu'il faisoit élever dans différents colléges. M. Thomas Durieux, aussi docteur de Sorbonne, l'un des élèves de M. Gillot, et son successeur dans cet acte de charité, voyant l'Université devenir propriétaire de la plus grande partie du collége de Sainte-Barbe, profita de cette occasion pour en louer les bâtiments, ainsi que ceux qui étoient restés à ce collége, et y rassembla en 1588 tout son petit troupeau sous le nom de Communauté de Sainte-Barbe. Depuis, ayant été nommé principal du collége du Plessis, cet homme respectable se trouva dans une situation à donner des soins encore plus assidus à ses enfants d'adoption, qui venoient prendre des leçons dans ce collége, et qui n'ont point cessé d'y être reçus jusque dans les derniers temps.

L'institution de Sainte-Barbe se faisoit tellement remarquer par la sévérité de sa discipline et par le succès de ses études, que, dans le siècle dernier, elle attira l'attention du monarque. Louis XV voulant en 1730 donner à ce collége des marques éclatantes d'une protection spéciale, daigna s'attribuer la nomination à la supériorité, qu'il réunit avec la principalité du collége du Plessis, sous l'inspection particulière de l'archevêque de Paris. Au moment de la révolution, la communauté de Sainte-Barbe étoit encore composée, indépendamment des anciens boursiers, de trente-six théologiens, auxquels étoient attachés un supérieur local et trois maîtres chargés des conférences; de quarante-huit philosophes, sous un supérieur local et quatre maîtres; enfin de cent douze humanistes, conduits par douze maîtres particuliers.

Saint Ignace de Loyola, qu'on nommoit alors Inigo, avoit fait ses études dans ce collége. On y a vu professer plusieurs hommes célèbres, entre autres, Jean-François Fernel, premier médecin de Henri II, et George Buchanan, poëte et historien.

Le collége de Coqueret (rue Chartière).

Il y a une telle obscurité répandue sur l'origine de ce collége, qu'il étoit impossible d'assurer même qu'il ait jamais existé. Du Breul[414], copié par Piganiol et autres, nous apprend seulement que Nicole Cocquerel (ou plutôt Coqueret) avoit tenu de petites écoles dans la basse-cour de l'hôtel de Bourgogne; qu'il vendit ce lieu à Simon Dugast; et que celui-ci eut pour successeur dans la principalité du collége Robert Dugast, son neveu, fondateur du collége de Sainte-Barbe. Ce récit, qui souffre lui-même beaucoup de difficultés[415], n'est pas suffisant sans doute pour éclaircir l'histoire d'un établissement dans lequel on ne voit, pendant plusieurs siècles, ni principal ni boursiers. Dès 1571 la maison avoit été saisie: elle fut depuis judiciairement vendue une seconde fois, et n'a point cessé d'appartenir à des particuliers. À la fin du siècle dernier, il n'en restoit plus qu'un petit bâtiment rue Chartière, dans lequel s'étoit établie une manufacture de carton.

Collége de Reims (rue des Sept-Voies).

Ce collége doit son origine à Gui de Roye, archevêque de Reims, qui en ordonna la fondation par son testament, en 1409, année de sa mort[416]. On voit par cet acte que l'intention de ce prélat étoit d'y mettre, par préférence, des sujets nés dans les terres affectées à la mense archiépiscopale de Reims, dans sa terre de Roye, ou dans celle de Murel. Cette disposition testamentaire, contestée d'abord par ses héritiers, fut maintenue par une transaction qu'ils passèrent avec les écoliers de Reims[417], alors étudiants à Paris, et qui étoient destinés à remplir les bourses. Ceux-ci firent en conséquence l'acquisition de l'hôtel de Bourgogne, qui leur fut vendu le 12 mai 1412 par Philippe, comte de Nevers et de Rhétel. En 1414 on institua un maître particulier, un chapelain et un procureur dans ce collége. Les troubles qui agitèrent Paris quelques années après pensèrent l'anéantir presqu'au moment où il venoit d'être établi; en 1418 il fut pillé, presque détruit, et demeura désert jusqu'en 1443, que Charles VII le rétablit, et y annexa le collége de Rhétel qui tomboit en ruines.

Ce collége de Rhétel n'étoit ni voisin de celui de Reims, ni contigu, comme l'ont dit plusieurs auteurs: il étoit situé dans la rue des Poirées. Gaultier de Launoi l'avoit créé pour les écoliers du Rhételois, et Jeanne de Bresle y avoit fondé depuis quatre bourses pour des écoliers du comté de Porcien. Lors de l'union, presque tout le revenu de ce collége étoit dissipé; alors il n'y avoit même plus de boursiers.

Cette union soutint pendant quelque temps le collége de Reims, dont l'administration supérieure passa entre les mains de l'archevêque. Toutefois il tomba successivement dans un état si misérable, qu'en 1699 il étoit déjà sans boursiers, et qu'en 1720 il n'y restoit que deux officiers. M. le cardinal de Mailli, archevêque de Reims, entreprit alors de le rétablir, et chargea de ce soin M. Le Gendre, chanoine de Notre-Dame, qui dressa des statuts, établit dans ce collége un principal, un chapelain, et trouva le moyen d'y réunir huit boursiers pris dans les lieux désignés par les fondateurs. En 1745 on en reconstruisit la façade, et en 1763 il fut réuni à celui de l'Université.

Collége de la Merci (même rue).

Presque tous nos historiens ont placé l'érection de ce collége en 1520. Jaillot lui donne cinq ans de plus d'ancienneté. Il dit que Nicolas Barrière, bachelier en théologie, et procureur général de l'ordre de la Merci, désirant procurer aux religieux de son ordre la facilité d'étudier à Paris, traita avec Alain d'Albret, comte de Dreux, d'une place et d'une masure qui faisoient partie de son hôtel, et que le contrat en fut passé à Dreux le 15 mai 1515[418]. Cet établissement n'eut pas une longue durée; car dès 1611 il n'y avoit plus dans la maison qu'un seul religieux, et la chapelle abandonnée étoit entièrement découverte. Ce collége, dans le siècle dernier, n'étoit plus qu'un hospice de la maison de cet ordre établie rue du Chaume[419].

Collége de Fortet (même rue).

Pierre Fortet, chanoine de l'église de Paris, avoit ordonné, par son testament du 12 août 1391, la fondation d'un collége où il y auroit un principal et huit boursiers[420], et destiné pour l'emplacement de cette institution une maison appelée les Caves, située au bout de la rue des Cordiers; mais il ne voulut point que ce projet fût réalisé de son vivant, et mourut en 1394, laissant ce soin à ses exécuteurs testamentaires.

Ceux-ci offrirent au chapitre Notre-Dame la commission de remplir la volonté du testateur: le chapitre l'accepta, et ne trouvant pas la maison léguée propre à établir un collége, il acquit, en 1397, de M. de Listenoi, seigneur de Montaigu, une maison qu'il possédoit rue des Sept-Voies, et la fit disposer telle qu'elle devoit être pour une semblable institution. On nomma le principal, les boursiers, et on leur donna des statuts le 10 avril de la même année.

Aux bourses fondées originairement dans ce collége plusieurs particuliers en ajoutèrent successivement onze nouvelles. Dès l'an 1560 les bâtiments en avoient été reconstruits: on l'augmenta encore depuis, en y joignant l'hôtel des évêques de Nevers et celui de Marli-le-Châtel[421].

La chapelle étoit sous l'invocation de saint Geraud, en son vivant seigneur d'Aurillac[422].

Collége de Montaigu (même rue).

Il est redevable de sa fondation à la maison des Aycelin, plus connue sous le nom de Montaigu, illustre par son ancienneté et par les dignités qui furent la preuve et la récompense de ses services. Gilles Aycelin, archevêque de Rouen et garde des sceaux, en fut le premier fondateur. Propriétaire de plusieurs maisons dans les rues des Sept-Voies et de Saint-Symphorien, il chargea, par son testament du 13 décembre 1314, Albert Aycelin, évêque de Clermont, son héritier, de loger de pauvres écoliers dans une partie de ces bâtiments, et de louer ou de vendre les autres pour fournir à leur subsistance.

L'évêque de Clermont se conforma aux volontés de son oncle, et soutint cet établissement jusqu'à sa mort, arrivée en 1328. Gilles et Pierre Aycelin ses frères furent alors chargés de le diriger; mais les circonstances où ils se trouvoient[423] ne leur permirent point de s'en occuper, et ce collége resta pendant près de quarante ans privé de chef et de protecteur. Cependant les biens destinés à la fondation se dissipoient, les bâtiments tomboient en ruines, lorsque Pierre Aycelin, qui, de prieur de Saint-Martin-des-Champs, étoit devenu successivement évêque de Nevers, de Laon, cardinal et ministre d'état, voulut, par ses bienfaits, relever cette institution d'une ruine qui sembloit inévitable, et fonda six boursiers, dont deux devoient être prêtres, et les quatre autres clercs étudiants en droit canon ou en théologie.

Cette fondation, portée dans le testament du cardinal de Laon, daté du 7 novembre 1387, fut d'abord attaquée par Louis Aycelin de Montaigu de Listenoi son neveu; mais il ne tarda pas à se rétracter, ce qu'il fit à la sollicitation de son oncle maternel, Bernard de La Tour, évêque de Langres, et du cardinal de Thérouenne, et consentit à l'exécution des volontés du testateur, sous la condition que ce collége porteroit le nom de Montaigu, que les armes de cette maison seroient placées sur la porte principale, et que les boursiers, suivant l'intention du cardinal de Laon, seroient pris, de préférence, dans le diocèse de cette ville.

Les statuts, dressés en 1402 par Philippe de Montaigu, évêque d'Évreux et de Laon, et l'un des exécuteurs testamentaires du cardinal, soumirent ce collége à l'autorité du chapitre de Notre-Dame, et d'un des descendants du fondateur; mais, soit que l'inspection en eût été négligée, soit que la modicité des revenus n'eût pas permis de faire les dépenses nécessaires pour les réparations, avant la fin du siècle les bâtiments menaçoient, pour la seconde fois, d'une ruine prochaine, et il ne restoit plus aucune ressource pour les réparer.

Tel étoit l'état déplorable de ce collége, auquel, dit un historien[424], il restoit à peine 11 sous de rente, lorsque le chapitre Notre-Dame en donna, en 1483, la principauté au célèbre Jean Standonc[425]. Il parvint, par son zèle et par des travaux assidus, à soutenir cet établissement, ou, pour mieux dire, il en fut le second fondateur. Un projet grand et utile se présenta d'abord à sa pensée: ce fut d'y former une société d'ecclésiastiques capables de remplir toutes les fonctions du saint ministère, d'instruire la jeunesse et d'annoncer les vérités de l'évangile par toute la terre. Ses ressources étoient loin d'égaler son dévouement et sa charité: il en trouva dans la pieuse libéralité de l'amiral de Graville et du vicomte de Rochechouart. Les offres que ces deux seigneurs firent au chapitre de Notre-Dame, de rétablir les bâtiments, de faire construire une chapelle, d'y fonder deux chapelains, et d'entretenir douze boursiers, furent acceptées avec reconnoissance, et ratifiées par un acte du 16 avril 1494; l'année suivante, le service divin fut célébré dans la nouvelle chapelle qu'on venoit de faire construire.

Ces boursiers devoient faire un corps séparé de ceux qui formoient le collége: car Jean Standonc n'avoit voulu créer cette communauté qu'en faveur des pauvres; et en effet les réglements qu'il fit annoncent l'extrême pauvreté et la vie austère de ceux qui la composoient. Dans les commencements, ils alloient aux Chartreux recevoir avec les indigents le pain que ces religieux faisoient distribuer à la porte de leur monastère; la nourriture qu'on leur donna ensuite consistoit en pain, légumes, œufs ou harengs, le tout en très-petite quantité. Ils ne mangeoient jamais de viande, ne buvoient point de vin. Leur habillement se composoit d'une cape de drap brun très-grossier, fermée par devant, et d'un camail fermé devant et derrière; ce qui les fit appeler les pauvres capettes de Montaigu.

Il paroît, par les réglements, qu'il y avoit alors dans cette communauté quatre-vingt-quatre pauvres écoliers, en l'honneur des douze apôtres et des soixante-douze disciples, de plus le maître, appelé le père ou ministre des pauvres, le procureur et deux correcteurs. Ces officiers devoient être présentés par le prieur des Chartreux, et constitués par le grand-pénitencier de l'église de Paris.

L'austérité de ces statuts fut adoucie depuis, principalement par un nouveau réglement homologué au parlement en 1744, en vertu duquel les boursiers furent dispensés de réciter certains offices, et obtinrent la permission de faire gras à midi seulement: le soir, ils ne prenoient qu'une collation très-frugale.

Le collége de Montaigu s'augmenta depuis considérablement par les libéralités de plusieurs personnes, et par les acquisitions que ces dons lui permirent de faire des hôtels ou colléges du Mont-Saint-Michel, de Vezelai, etc., et de celui des évêques d'Auxerre. Ce collége étoit de plein exercice; et dans les derniers temps le nombre des bourses s'élevoit à près de soixante[426].

Le collége d'Hubant ou de l'Ave-Maria (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).

Ce collége fut fondé, en 1336, par Jean de Hubant, conseiller du roi, dans une maison qu'il avoit achetée du monarque lui-même dès 1327. Il y établit et fonda quatre bourses en faveur de quatre pauvres étudiants, affectant à leur entretien une maison située rue des Poirées, une autre sise au cloître Sainte-Geneviève, et la troisième partie des dîmes du territoire de Sormillier. L'abbé, le prieur de Sainte-Geneviève et le grand-maître du collége de Navarre furent nommés pour faire exécuter cette fondation.

Jaillot pense qu'elle fut faite dans la maison de la rue Sainte-Geneviève, où ce collége resta établi jusqu'au moment de sa réunion. Cependant le censier de Sainte-Geneviève de 1380 n'en parle point à l'article de cette rue; mais à celui de la rue des Almandiers on lit: «Les écoliers de Hubant, pour leur maison à l'Image-Notre-Dame......... tenant d'un côté à Jean de Chevreuse, d'autre, au jardin du comte de Blois.» On voit par le même censier qu'ils avoient deux autres maisons joignant celle-ci, et une troisième vis-à-vis. Quant au nom de l'Image-Notre-Dame que portoit celle que nous venons de citer, il lui fut donné parce qu'au-dessus de la porte il y avoit une figure de la Vierge, aux pieds de laquelle étoient écrits ces deux premiers mots de la salutation angélique, Ave Maria; cette inscription ne tarda pas à devenir le nom du collége, et fit presque oublier celui du fondateur.

Ce collége avoit été réuni à celui de l'Université.

Collége des Grassins (rue des Amandiers).

Il doit son origine à M. Pierre Grassin, sieur d'Ablon, conseiller au parlement: ce magistrat laissa, par son testament du 16 octobre 1569, une somme de 30,000 livres, laquelle devoit être employée selon la disposition de M. Thierri Grassin, son frère et son exécuteur testamentaire, et par le conseil de M. Le Cirier, évêque d'Avranches, à fonder un collége de pauvres; ou s'il le trouvoit plus convenable, à bâtir sur l'eau une maison pour les pauvres malades. En cas que son fils vînt à mourir sans enfants, la somme destinée à cette fondation devoit être doublée. Celui-ci ne survécut pas long-temps à son père, et augmenta la fondation de 1200 liv. L'exécuteur testamentaire, Thierri Grassin, s'étant décidé à faire bâtir un collége, acheta, le 26 avril 1571, de M. de Mesmes, une partie de l'hôtel d'Albret, consistant en une grande maison et deux petites contiguës à la première. Les 1er et 15 mai suivants, il acheta encore quatre autres maisons voisines. À ces acquisitions, qui remplissoient les intentions des fondateurs, il ajouta ses propres bienfaits, et acheva de consolider cet établissement en lui léguant sa bibliothèque, et environ 3,000 livres de rente.

Les bâtiments de ce collége ne furent achevés qu'en 1574, quoique la première acquisition pût en faire remonter l'origine jusqu'en 1571, date qu'a donnée de préférence l'abbé Lebeuf. La chapelle fut bénite en 1578, sous l'invocation de la Vierge.

En 1696 on transporta, comme nous l'avons déjà dit, dans ce collége la fondation faite quelques années auparavant dans celui des Lombards, en faveur des pauvres étudiants irlandois. Ils y restèrent jusqu'en 1710, qu'un arrêt du parlement les fit retourner dans leur premier domicile.

La fondation primitive du collége des Grassins avoit été faite pour un principal, un chapelain, six grands boursiers et douze petits: vers la fin du dix-septième siècle, le mauvais état du temporel de cette maison mit dans la nécessité de suspendre douze de ces bourses, jusqu'au moment où l'acquittement des dettes permettroit de les rétablir. Ce moment fut accéléré par les libéralités de M. Pierre Grassin, seigneur d'Arci, directeur général des monnoies de France, libéralités qui furent assez grandes pour rendre à ce collége toute son ancienne splendeur. Les bourses, destinées de préférence aux pauvres écoliers de Sens et des environs, étoient à la collation de l'archevêque de cette ville[427].

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