Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 6/8)
QUARTIER S.-ANDRÉ-DES-ARCS.
Ce quartier est borné à l'orient par les rues du Petit-Pont et Saint-Jacques exclusivement; au septentrion par la rivière, depuis la place qu'occupoit le petit Châtelet jusqu'au coin de la rue Dauphine; à l'occident par la rue Dauphine inclusivement; et au midi par les rues Neuve-des-Fossés-Saint-Germain-des-Prés, des Francs-Bourgeois et des Fossés-Saint-Michel ou de Saint-Hyacinthe exclusivement, jusqu'au coin des rues Saint-Jacques et Saint-Thomas.
On y comptoit, en 1789, quarante-sept rues, trois culs-de-sac, trois églises paroissiales, cinq communautés d'hommes, treize colléges dont douze sans exercice, la Sorbonne, l'Académie royale de chirurgie, etc.
ORIGINE DU QUARTIER.
Jusqu'au règne de Philippe-Auguste, les anciens plans nous représentent ce quartier, ainsi que les deux précédents, comme un espace de terrain ou vague ou couvert de diverses cultures, mais presque sans aucun bâtiment. Ces terres appartenoient en grande partie à l'abbaye Saint-Germain; et ce fut à l'occasion de l'enceinte élevée par ce prince et des contestations qu'elle fit naître entre l'évêque et ce monastère, que fut bâtie l'église Saint-André, à laquelle cette portion de la ville doit le nom qu'elle a porté jusqu'au moment de la révolution.
Ce quartier, borné, ainsi que nous venons de le dire, à l'occident par la rue Dauphine jusqu'à la porte dite de Buci, étoit ensuite circonscrit par les murailles de la nouvelle enceinte jusqu'à la porte Saint-Michel, où se faisoit sa jonction avec le quartier Saint-Benoît. Les descriptions particulières des monuments et des rues qui le composent feront connoître comment il est successivement parvenu à l'état où nous le voyons aujourd'hui[490].
LES GRANDS-AUGUSTINS.
Les religieux de cette maison sont ainsi appelés pour n'être pas confondus avec les religieux du même ordre établis à Paris, et qu'on nomme Augustins-Réformés de la province de Bourges, ou Petits-Augustins, et Augustins-Réformés ou Petits-Pères[491]. Ces religieux, dans leur origine, n'étoient connus que sous le nom d'Ermites de Saint-Augustin; mais il faut absolument rejeter l'opinion qui fait remonter leur institution jusqu'à ce Père de l'église, opinion adoptée et soutenue par quelques personnes qui pensoient, très-mal à propos, que le mérite principal d'un ordre étoit dans son antiquité ou dans la célébrité de son fondateur. Au douzième siècle, c'est-à-dire environ sept cents ans après la mort de saint Augustin, on voit se former en Italie quelques congrégations d'ermites, qui d'eux-mêmes prennent le titre que nous venons de citer: c'est tout ce qu'il est possible de savoir d'authentique sur le premier établissement de cet ordre. La plus ancienne de ces congrégations est celle des Jean-Bonites, ainsi appelés parce qu'ils eurent pour instituteur le B. Jean-Bon de Mantoue. Ils furent approuvés et mis sous la règle de Saint-Augustin par une bulle d'Innocent IV, du 17 janvier 1244. D'autres ermites prirent leur nom du lieu où ils s'étoient établis, comme les Brittiniens et les Fabals, quelques-uns de la forme de leurs habits, tels que les Sachets[492]. Innocent IV avoit inutilement tenté de rassembler sous une seule règle toutes ces petites congrégations de différents ordres, ou pour mieux dire qui n'étoient d'aucun: Alexandre IV, son successeur, fut plus heureux; et dès l'an 1256, ces ermites, réunis en chapitre général, s'étant soumis à la règle de Saint-Augustin, élurent pour chef de l'ordre Lanfranc Septala, général des Jean-Bonites. On fit des réglements; l'ordre fut divisé en quatre provinces, et une bulle du 13 avril de la même année confirma tous ces actes du chapitre.
Quelques auteurs fixent à l'année suivante l'établissement des Augustins à Paris, et veulent en faire honneur à saint Louis. Cependant, si l'on en excepte un legs modique de 15 livres une fois payées, que ce prince leur laissa par son testament, on ne voit pas qu'il ait donné aucune charte de fondation en leur faveur[493]. Mais les archives de ces pères offroient sur ce point des renseignements certains, qui ont été recueillis par Jaillot, et que nous rapporterons d'après lui, en les débarrassant toutefois de leurs détails trop fastidieux. D'après des lettres de l'official de Paris, du mois de décembre 1259, il paroît que ces pères achetèrent d'une dame de cette ville une maison accompagnée d'un jardin, et située au-delà de la porte Montmartre, maison dans laquelle, suivant l'acte, ils étoient déjà établis. Ce terrain comprenoit alors à peu près l'espace renfermé aujourd'hui entre les rues Montmartre, des Vieux-Augustins, de la Jussienne et Soli. Ils obtinrent la permission d'y bâtir une chapelle, qui fut dédiée sous le titre de Saint-Augustin. Il y a dans les actes de l'Université des preuves que dès-lors ils avoient été admis dans cette compagnie.
Cet ordre prenant de jour en jour de la consistance et de nouveaux accroissements, le chapitre général qui se tint à Padoue en 1281 désigna les maisons de Padoue, de Bologne et de Paris pour servir de colléges. Les Augustins de cette dernière ville étoient, comme nous venons de le dire, logés hors de ses murs, et, afin de remplir leur nouvelle destination, ce fut pour eux une nécessité de changer de demeure. On les voit d'abord, en 1285, acquérir du chapitre Notre-Dame et de l'abbaye Saint-Victor une maison en forme d'école, et environ six arpents et demi de terre au lieu dit le clos du Chardonnet[494]; et peu de temps après, une grande maison d'un particulier nommé Jean de Granchia. En 1286 Philippe-le-Bel leur accorda l'usage des murailles et des tourelles depuis la rivière de Bièvre jusqu'au chemin public[495]; ils acquirent, en 1287, de M. Rodolphe de Roie, une autre maison située dans la rue Saint-Victor; et sur ces emplacements réunis, ces pères élevèrent, en 1289, les bâtiments nécessaires à une communauté, un cloître et une chapelle. La maison qu'ils avoient occupée dans le quartier Montmartre leur étant devenue inutile, fut vendue, et nous ne croyons pas nécessaire de rapporter les longues discussions entamées à ce sujet par nos antiquaires, discussions dont l'objet est de savoir si ce fut en 1293 ou en 1301 que cette vente fut définitivement achevée.
La nouvelle habitation des Augustins, quoique fort spacieuse et commode par sa proximité des écoles, ne tarda pas à déplaire à ces religieux, parce que le lieu étoit si solitaire, que les aumônes ne pouvoient suffire à leur subsistance. Cet inconvénient devenant de jour en jour plus fâcheux, Gilles de Rome[496], un de leurs religieux, alors confesseur de Philippe-le-Bel, crut devoir employer la faveur dont ce prince l'honoroit à leur procurer un logement plus convenable. Une circonstance heureuse se présenta, et il sut en profiter: nous avons déjà parlé d'une de ces petites congrégations d'ermites de l'ordre de Saint-Augustin, nommée Sachets, ou frères de la Pénitence de Jésus-Christ. Ils étoient les seuls qui, lors de l'assemblée du chapitre de 1256, se fussent obstinément refusés à la réunion; et saint Louis, qui les protégeoit, les ayant fait venir à Paris en 1261, leur avoit fait don d'une maison avec ses dépendances, située sur la paroisse Saint-André-des-Arcs. Le trésor des chartes, qui fournit la preuve de cette donation, prouve encore que le pieux monarque y avoit ajouté de nouveaux bienfaits: il augmenta le terrain de ces religieux d'une maison et d'une tuilerie voisine de leur monastère, et paya en outre plusieurs sommes à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés, pour des droits de cens et quelques autres parties de terrain qu'elle avoit consenti à leur céder.
Toutefois cette faveur de saint Louis ne leur procura qu'une tranquillité momentanée; et le concile de Lyon, tenu en 1274, ayant supprimé tous les religieux qui n'avoient point de revenus fixes, à l'exception des dominicains, des frères mineurs et des carmes, il ne resta plus aux Sachets aucune espérance de se maintenir dans leur établissement. L'autorité à l'ombre de laquelle ils existoient, et l'austérité de leur vie, les y soutinrent encore pendant quelques années; et ce ne fut qu'en 1293 que Philippe-le-Bel donna définitivement leur maison aux Augustins[497]. Du Breul a prétendu qu'ils la cédèrent volontairement, alléguant la pauvreté de leur ordre, qui ne leur permettoit plus de tenir ledit lieu[498]; mais il y a des preuves très-fortes qu'ils opposèrent, au contraire, beaucoup de résistance à leur dépossession, et que ce ne fut qu'après six mois de délais et de débats qu'ils consentirent enfin à remettre les clefs de leur maison.
Les Augustins ne vinrent cependant pas s'établir dans cette dernière demeure, immédiatement après la retraite des Sachets. Soit qu'ils n'eussent pas trouvé dans la charité des fidèles les ressources nécessaires pour former aussitôt leur nouvel établissement, soit que la lenteur des formalités indispensables pour leur en assurer la possession eût retardé l'effet de la concession qui leur avoit été faite, il est certain qu'ils ne commencèrent à faire bâtir sur le quai qu'au mois d'août 1299. Le terrain qu'ils occupoient au Chardonnet fut vendu au cardinal Le Moine, et servit, comme nous l'avons déjà dit, d'emplacement au collége qui portoit le nom de ce prélat.
Les Sachets avoient une chapelle qui faisoit l'angle du quai et de la rue des Grands-Augustins, et à qui sa situation sur le bord de la Seine avoit fait donner le nom de Notre-Dame-de-la-Rive; les Augustins s'en servirent d'abord, et quelques titres nous apprennent qu'ils célébrèrent ensuite l'office dans une salle voisine du cloître, laquelle étoit appelée le Chapitre. Enfin Charles V, qui s'étoit déclaré leur protecteur, commença à faire construire l'église qui a subsisté jusque dans les derniers temps. Toutefois la différence qu'on remarquoit dans le caractère de ses constructions prouve qu'elle n'avoit point été entièrement bâtie sous le règne de ce prince. On ne construisit alors que le chœur et l'aile depuis la rue des Augustins jusqu'à la petite porte qui s'ouvroit sur le quai, et cette partie du bâtiment, commencée en 1368, ne fut probablement achevée qu'en 1393, époque à laquelle on posa la couverture de l'église. On ne peut du reste fixer les dates de l'achèvement total de ce monument, qui n'étoit point voûté, et dont la structure étoit extrêmement grossière[499].
Le portail extérieur du couvent, situé sur le quai des Augustins, donnoit entrée dans une petite cour où étoient pratiquées, d'un côté la grande porte intérieure du couvent, de l'autre le portail de l'église, lequel n'avoit rien de remarquable.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES GRANDS-AUGUSTINS.
TABLEAUX.
Sur l'un des côtés du chœur, sept grands tableaux, représentant:
1o. Le sacrement de l'Eucharistie et toutes les figures de l'ancien Testament qui s'y rapportent; par un peintre inconnu.
2o. Une promotion de l'ordre du Saint-Esprit sous Henri III, instituteur et fondateur; par Vanloo.
3o, 4o, 5o et 6o. La même cérémonie sous les quatre rois ses successeurs, en quatre tableaux, savoir: Henri IV, par de Troye fils; Louis XIII, par Philippe de Champagne; Louis XIV et Louis XV, par Vanloo.
7o. Saint Pierre guérissant les malades en les couvrant de son ombre; par Jouvenet.
Dans la chapelle du Saint-Esprit, sur l'autel, la Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et sur les Apôtres; par Jacob Bunel.
Dans la sacristie, une Adoration des Rois; par Bertholet Flemaël.
Au-dessus de la chaire, le martyre de saint Thomas de Cantorbéry; par un peintre inconnu.
SCULPTURES.
Sur le maître-autel, dont la décoration se composoit de huit colonnes corinthiennes de marbre brèche violette, disposées sur un plan courbe, et soutenant une coupole, un bas-relief représentant le Père Éternel dans sa gloire; le tout exécuté d'après les dessins de Le Brun[500].
Sur la chaire, des bas-reliefs très-estimés, et qui passoient pour être de la main de Germain Pilon.
Dans le cloître, la statue de saint François, modèle en terre cuite, exécuté par ce sculpteur célèbre[501].
Au bas de la chaire, deux bas-reliefs du temps de la renaissance de l'art, représentant, 1o la Prédication de saint Jean; 2o Jésus-Christ et la Samaritaine[502].
Sur la porte de l'église, la statue de Charles V, et sur celle du cloître une image de saint Augustin, faite, dit-on, sur les dessins de Champagne.
Sur la porte d'entrée du monastère, du côté du quai, la statue de la Vierge entre celles de Philippe-le-Bel et de Louis XIV[503].
La menuiserie du chœur étoit très-estimée, et les stalles passoient pour un chef-d'œuvre de sculpture en bois.
TOMBEAUX ET SÉPULTURES.
Dans ce monastère avoient été inhumés:
Dans la petite cour, devant la porte intérieure du couvent, Raoul de Brienne, comte d'Eu et de Guines, connétable de France, lequel eut la tête tranchée dans l'hôtel de Nesle, l'an 1351.
Dans l'église, Gilles de Rome, général des Augustins, mort en 1316.
Isabeau de Bourgogne, femme de Pierre de Chambely, seigneur de Neauphle, morte en 1323.
Jeanne de Valois, femme de Robert d'Artois, morte en 1363.
Jean Sapin, l'un des conseillers du parlement qui furent pendus à Orléans par les calvinistes en 1562.
Remy Belleau, poëte françois, mort en 1577[504].
Gui du Faur, sieur de Pibrac, célèbre par ses quatrains, mort en 1584.
Près de la sacristie, sous une table de marbre, les entrailles de François de Rohan, archevêque de Lyon, et de Diane de Rohan, sa nièce, femme de François de La Tour-Landry, comte de Châteauroux, morte en 1585.
Près du grand autel, Jacques de Sainte-Beuve, fameux théologien, mort en 1677.
Dans la nef, en face de la chapelle de la Vierge, Jacques de La Fontaine, seigneur de Malgenestre, mort en 1652. Sa statue étoit adossée à un pilier[505].
Près de la chaire du prédicateur, Eustache du Caurroy, musicien célèbre du temps de Charles IX, Henri III et Henri IV, mort en 1609.
Dans la chapelle de Saint-Nicolas-de-Tolentin, Pierre Dussayez, baron de Poyer, mort en 1548.
Dans une petite chapelle, derrière celle du Saint-Esprit, le célèbre historien Philippe de La Clite de Comines, mort en 1509.—Hélène de Chambes, son épouse, et Jeanne de La Clite de Comines, leur fille, épouse de René de Brosse, comte de Penthièvre, morte en 1564[506].
Dans la chapelle de Charlet, Pierre de Quiqueran, évêque de Senèz, mort en 1550. On voyoit sa statue à genoux sur son tombeau[507].
Dans la chapelle suivante, Honoré Barentin, conseiller d'état, mort en 1639, et Anne Duhamel, sa femme, morte dans la même année. Leurs bustes étoient placés sur une tombe de marbre noir[508]; plusieurs autres personnes de leur famille avoient été inhumées dans la même chapelle.
Dans la chapelle Saint-Charles, Charles Brulart de Léon, ambassadeur de France dans plusieurs cours de l'Europe, mort en 1649. Son buste, en marbre blanc, étoit placé sur un piédestal de marbre noir[509].
Dans la chapelle suivante, Jérôme Tuillier, procureur-général de la chambre des comptes, mort en 1633; et Élisabeth Dreux, son épouse, morte en 1619. Leur tombeau, en pierre, étoit surmonté d'un ange en marbre blanc, tenant dans ses mains une tête de mort[510].
Dans la chapelle Saint-Augustin, sur une grande table de marbre blanc étoit gravée l'épitaphe du célèbre généalogiste Bernard Chérin, mort en 1785. Son portrait, en bronze et en médaillon, étoit placé au-dessus[511].
Dans un coin de cette chapelle, deux statues, en marbre blanc, agenouillées, offraient les images de Nicolas de Grimonville, baron de l'Archant, capitaine des gardes de Henri III et Henri IV, mort en 1592, et de Diane de Vivonne, sa femme[512].
La bibliothèque, placée dans une très-belle salle, étoit composée d'environ vingt-cinq mille volumes. Elle possédoit quelques manuscrits curieux, et l'on y voyoit deux beaux globes de Coronelli.
Les religieux de ce monastère, objets particuliers de la protection de nos souverains, en avoient obtenu les distinctions les plus honorables: ils avoient été qualifiés chapelains du roi, et en exerçoient les fonctions, certains jours de l'année, à la Sainte-Chapelle; ils jouissoient en outre de plusieurs autres priviléges très-avantageux. Ce fut dans leur église que Henri III institua l'ordre du Saint-Esprit, le 1er janvier 1579; et depuis elle fut désignée pour toutes les cérémonies de cet ordre[513]. Ce prince y reçut celui de la Jarretière en 1585, et y établit sa fameuse confrérie des Pénitents. Elle avoit été choisie par le parlement pour la procession générale qui se faisoit tous les ans en mémoire de la réduction de Paris sous Henri IV. Le clergé de France tenoit ses assemblées dans le couvent; et dans diverses occasions le parlement, la chambre des comptes, le châtelet et des commissaires du conseil y ont aussi tenu des séances; etc. Enfin cinq salles, que les curieux ne manquoient pas de visiter, étoient destinées aux chevaliers du Saint-Esprit, et décorées de leurs portraits. Leurs archives y étoient déposées.
Cette maison servoit de collége aux religieux des quatre provinces de l'ordre[514]. Elle a fourni, dans tous les temps, des sujets recommandables par leurs vertus, des théologiens éclairés, d'habiles prédicateurs, et des écrivains distingués[515].
LA COMMUNAUTÉ DES FRÈRES CORDONNIERS.
Cette association fut formée, en 1645, par les soins du baron de Renti. Ce vertueux gentilhomme, animé de la charité la plus ardente et d'un zèle infatigable pour les progrès de la religion, avoit déjà procuré des instructions chrétiennes aux pauvres passants qu'on retiroit à l'hôpital Saint-Gervais; il voulut associer au même bienfait les artisans que l'ignorance et les mauvaises mœurs qui en sont la suite entraînoient à profaner le dimanche et les fêtes par leurs débauches, et à mener en tout une vie grossière et scandaleuse. Pour arriver à un but aussi louable, il ne dédaigna point de s'associer un cordonnier du duché de Luxembourg, nommé Henri-Michel Buch. La probité intacte de cet homme, son exactitude à remplir ses devoirs, sa douceur et son humanité l'avoient fait nommer le bon Henri. Encouragé par son vertueux protecteur, il parvint à rassembler quelques personnes de son état qui parurent disposées à suivre ses exemples. M. de Renti, conjointement avec M. Coquerel, docteur de Sorbonne, leur donna des réglements, et la petite communauté commença ses exercices. Les tailleurs se joignirent à eux peu de temps après; mais depuis ces deux communautés se séparèrent, et continuèrent chacune de leur côté, à observer ces statuts qu'elles avoient adoptés, ce qui s'est pratiqué exactement jusque dans les derniers temps. Ces frères travailloient et mangeoient en commun, récitoient certaines prières à des heures réglées, ne chantoient que des psaumes ou des cantiques, et donnoient aux pauvres tout le superflu de leurs profits[516].
L'ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS.
Nous avons déjà raconté succinctement les débats qui s'élevèrent entre l'abbé de Saint-Germain et l'évêque de Paris[517], à l'occasion de la nouvelle clôture que Philippe-Auguste avoit fait élever au midi de sa capitale. Pierre de Nemours, qui gouvernoit alors l'église de Paris, saisit avec ardeur cette occasion de faire revivre, sur la portion du territoire de l'abbaye Saint-Germain, que l'on venoit de renfermer dans la ville, des prétentions que ses prédécesseurs avoient plusieurs fois tenté de faire valoir, mais toujours inutilement, soit qu'on respectât en ceci la mémoire de saint Germain, qui avoit lui-même exempté cette abbaye de la juridiction épiscopale, soit qu'on fût bien aise de mettre quelques bornes au pouvoir des évêques de cette ville, pouvoir dont les rois commençoient à se montrer contrariés et jaloux. Le chapitre de Notre-Dame s'unit au prélat pour réclamer la juridiction de l'église mère sur tout ce qui se trouvoit compris dans la nouvelle enceinte; et l'archiprêtre de Saint-Séverin prétendit en même temps faire entrer toute cette partie dans sa paroisse. Jean de Vernon, alors abbé de Saint-Germain, ses religieux et le curé de Saint-Sulpice s'y opposèrent, et réclamèrent l'autorité du souverain pontife; mais malheureusement pour eux ils n'attendirent point sa décision, et consentirent à remettre à des arbitres le jugement de cette affaire. Ceux-ci, par leur sentence du mois de janvier 1210, prononcèrent en faveur de l'évêque, à qui ils accordèrent toute juridiction dans la ville, ne la conservant à l'abbé que hors des murs; mais, par une sorte de compensation, ils déclarèrent que cet abbé continueroit de jouir de la justice dans tout son territoire, soit sur la paroisse de Saint-Séverin, soit au dehors; et par le même acte on lui accorda la faculté de faire construire, dans l'espace de trois ans, une ou deux églises paroissiales, et d'en nommer les curés[518]. En conséquence de cette transaction, Jean de Vernon fit bâtir les églises de Saint-André et de Saint-Côme: elles furent achevées en 1212, et les abbés eurent la nomination de ces deux cures jusqu'en 1345, que ce droit fut cédé à l'Université.
Tous nos historiens prétendent qu'au lieu même où fut bâtie l'église Saint-André étoit, au sixième siècle, une chapelle de Saint-Andéol; et en effet il en est fait mention dans la charte de fondation de Saint-Germain en 558, et dans une vie de saint Doctrovée, écrite par Gislemar vers la fin du onzième siècle. Cependant l'abbé Lebeuf et Jaillot combattent cette opinion; et les raisons sur lesquelles ils établissent leur doute sont soutenues de plus de recherches et d'érudition que n'en mérite une question aussi peu importante. Les recherches qu'a faites ce dernier critique sur l'origine du surnom de cette église sont sans doute plus utiles et plus curieuses: il prétend que d'abord elle n'en eut point, et qu'en effet cette addition étoit inutile, puisqu'elle étoit alors, et qu'elle a été jusqu'à la fin la seule basilique qui existât sous l'invocation de cet apôtre. En 1220, elle est appelée dans un acte, S. Andreas in Laaso; en 1254, 1260, 1261, 1274, on lit S. Andreas de Assiciis, de Arciciis, de Assibus, de Arsiciis; et S. Andreas sans aucun surnom dans la transaction passée, en 1272, entre Philippe-le-Hardi et l'abbaye Saint-Germain[519]. Il est vrai qu'un titre de 1284 l'offre pour la première fois avec le surnom de Arcubus; mais comme les noms de Assiciis et Arciciis ont été donnés au territoire de Laas dès 1194, ce critique ne doute point que le nom des Arcs ne vienne originairement de ce nom de Laas, qu'on a successivement altéré et corrompu; il réfute du reste les conjectures de D. Félibien et de l'abbé Lebeuf, qui veulent que le vrai surnom soit des Ars, et qui prétendent en trouver l'origine dans l'incendie fait par les Normands de tous les dehors de la Cité, et principalement des édifices bâtis sur la rive méridionale, qui étoit alors très-peuplée.
À l'égard des autres explications hasardées sur cette étymologie, lesquelles supposent que le surnom des Arts a été donné à cette église, parce qu'elle étoit située à l'entrée du territoire de l'Université; des Arcs, parce qu'on fabriquoit autrefois des armes de cette espèce dans son voisinage, ou qu'il y avoit, à peu de distance, des arcades et un jardin dans lequel on s'exerçoit à tirer de l'arc, elles ne paroissoient avoir aucun fondement, et ne méritent pas d'être sérieusement réfutées[520].
L'église de Saint-André offroit, comme tous les monuments gothiques de Paris, des constructions de diverses époques, et de différents caractères. Le fond du sanctuaire annonçoit un gothique du commencement du treizième siècle; le reste étoit bien postérieur, et le portail avoit été reconstruit, ainsi que beaucoup d'autres parties, en 1660, sur les dessins d'un architecte nommé Gamard. La tour pouvoit avoir été bâtie en 1500; et l'on y voyoit encore, au-dehors de l'escalier, la marque des coups de mousquets qu'on y avoit tirés au temps des troubles de Paris. Les niches et statues qui ornoient sa partie latérale le long de la rue du Cimetière ne pouvoient pas avoir été faites avant le seizième siècle[521].
Il est remarquable que cette église étoit, avec celle de Saint-Sulpice, le seul monument de ce genre qui ne fût pas attaché à des maisons particulières. Elle étoit isolée et bordée de passages publics sur ses quatre côtés.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS.
TABLEAUX.
Dans le chœur, dix tableaux, dont quatre qui représentoient les Évangélistes, étoient de la main de Restout; le cinquième, par Hallé, offroit une image de saint André; les cinq autres étoient d'un peintre nommé Samson.
Dans les deux petites chapelles attenant la grille du chœur, un saint Pierre et une sainte Geneviève; par Jeaurat.
Au-dessus de la chaire du prédicateur, un saint André, sans nom d'auteur, lequel avoit servi de modèle, dans les derniers temps, au dessin de la bannière[522].
SCULPTURES.
Dans la chapelle de la Vierge, sa statue en marbre; par Francin.
Au-dessus de l'œuvre, un médaillon en marbre représentant saint André, donné à cette église par Armand Arouet, frère de Voltaire.
Attenant l'œuvre, un petit monument représentant la Religion qui foule aux pieds un cadavre ou squelette embarrassé dans son linceul, et arraché de son tombeau[523].
Dans cette église avoient été inhumés:
À l'entrée du chœur, Anne-Marie Martinozzi, princesse de Conti, morte en 1672[524].
Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, son fils aîné, mort en 1685.
François-Louis de Bourbon, prince de Conti, son second fils, mort en 1709[525].
Dans la nef, auprès de l'œuvre, Jean-Baptiste Ravot d'Ombreval, conseiller du roi, etc., mort en 1699.
Gilbert Mauguin, président en la cour des monnoies, mort en 1674.
Dans la chapelle de MM. de Thou, Christophe de Thou, premier président du parlement, mort en 1582[526].
Jacques-Auguste de Thou, président à mortier au parlement de Paris, historien célèbre, mort en 1617[527].
Marie de Barbançon Cani, sa première femme, morte en 1601.
Gasparde de La Châtre, sa seconde femme, morte en 1627[528].
Dans la chapelle Saint-Antoine, Pierre Séguier, président au parlement de Paris, mort en 1580.
Pierre Séguier, son petit-fils, maître des requêtes, mort en 1638[529].
Dans d'autres parties de la nef et des chapelles avoient été inhumés plusieurs autres personnages distingués, tels que:
André Duchesne, célèbre par ses recherches sur l'histoire de France, mort en 1640.
Pierre d'Hozier, savant généalogiste, mort en 1660.
Robert Nanteuil, très-habile graveur, mort en 1678.
Le Nain de Tillemont, l'un des plus savants ecclésiastiques de son temps, mort en 1637.
Louis Cousin, président en la cour des monnoies, et de l'Académie françoise, mort en 1707.
Antoine Houdard de La Mothe, de l'Académie françoise, mort en 1731.
Claude Léger, curé de cette paroisse, personnage recommandable par sa charité et par ses vertus[530].
Joli de Fleuri, procureur-général du parlement.
L'abbé Le Batteux, littérateur distingué, mort en 1780[531].
Dans le cimetière:
Charles du Moulin, savant jurisconsulte, mort en 1566.
Henri d'Aguesseau, père du chancelier, mort en 1716.
CIRCONSCRIPTION.
Le territoire de la paroisse Saint-André commençoit dans la rue Hautefeuille, au coin de celle du Battoir. Il renfermoit tout le carré formé par un des côtés de cette rue et par la rue entière des Poitevins. Il continuoit ce même côté gauche de la rue Hautefeuille jusqu'à l'église. Au-delà il renfermoit tout le côté gauche de la rue Saint-André, depuis le chevet de l'église jusqu'à la place du Pont-Saint-Michel, le côté gauche de cette place et la moitié des maisons bâties sur le pont du même côté. De là, en revenant au quai des Augustins, cette paroisse avoit la rue de Hurepoix et tout le quai jusqu'au collége des Quatre-Nations exclusivement, espace dans lequel étoit comprise une grande partie de la rue Guénégaud. Elle avoit aussi les rues de Nevers et d'Anjou en entier, et presque toute la rue Dauphine.
Elle embrassoit en outre la rue Contrescarpe, partie de la rue Saint-André jusqu'au chevet de l'église, ce qui renfermoit, du côté de la rivière, les rues Christine, des Augustins, de Savoie, Pavée, Gilles-Cœur, de l'Hirondelle; de l'autre, celle de l'Éperon en entier, le cul-de-sac de la Cour-de-Rohan, et enfin la rue du Cimetière-Saint-André.
Parmi plusieurs chapelles fondées dans cette église, et dont l'abbé Lebeuf a donné le détail, il falloit remarquer celle de Saint-Nicolas, la plus grande et la plus riche de l'église, laquelle reconnoissoit pour fondateur le fameux Jacques Cottier, médecin de Louis XI.
Hospice de charité de la paroisse Saint-André-des-Arcs.
Cet hospice, fondé par le dernier curé de cette paroisse, M. Desbois de Rochefort, étoit situé dans la rue des Poitevins, et consacré au service des pauvres malades de son arrondissement. Ils y étoient reçus au nombre de huit, quatre hommes et quatre femmes. On y faisoit aussi travailler les petites filles indigentes de la paroisse, au nombre de vingt-cinq; et tous ces soins étoient remplis par quatre sœurs de la Charité, qui trouvoient encore le temps de visiter les malades du dehors et de faire les petites écoles.
ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-SÉVERIN.
Il n'est point de monument dont l'origine soit plus incertaine, et ait produit plus d'opinions diverses parmi nos historiens. Les uns prétendent que cette église occupe la place d'une chapelle dédiée sous le nom de saint Clément, pape; d'autres veulent qu'elle ait été, dès sa fondation, sous le nom de saint Séverin, abbé d'Agaune, que Clovis fit venir à Paris, afin d'obtenir par son intercession la guérison d'une maladie grave dont il étoit tourmenté depuis deux années. Ceux-ci croient, au contraire, que ce fut un pieux solitaire, lequel portoit le même nom, et s'étoit retiré, du temps de Childebert Ier, dans une cellule près de la porte méridionale, qui fit construire cette chapelle sous le titre déjà énoncé du pape saint Clément. Ceux-là conjecturent que cette église n'étoit qu'un baptistère ou chapelle de Saint-Jean-Baptiste, dépendante du monastère ou basilique de Saint-Julien-le-Pauvre. Enfin, il en est qui pensent que c'est à la place de cette église qu'existoit autrefois un monastère de Saint-Séverin, et qu'il y avoit un peu plus loin une chapelle de Saint-Martin. Nous avons déjà réfuté cette dernière opinion, en parlant, dans le dixième quartier, de la basilique de Saint-Laurent[532]. Parmi les autres, il en est plusieurs qui ne méritent aucune attention, parce qu'elles ne sont soutenues d'aucune autorité. Par exemple, le culte de saint Clément n'a été public en France que long-temps après la mort de saint Séverin le Solitaire; il n'y a pas un seul titre qui puisse faire seulement soupçonner que l'église Saint-Séverin ait été une dépendance de Saint-Julien-le-Pauvre, ni qu'elle lui ait servi de baptistère; et plusieurs actes, tels que le diplôme de Henri Ier, que nous avons plusieurs fois cité, semblent prouver le contraire, en parlant de ces deux églises dans des termes qui supposent une parfaite égalité. Enfin, s'il faut choisir entre les deux seules opinions vraisemblables, que le titulaire de cette église est ou saint Séverin d'Agaune, ou saint Séverin le Solitaire, le peu de séjour que fit le premier à Paris semble devoir faire pencher la balance en faveur du second, qui y demeura long-temps, édifiant ses habitants par l'exemple et le spectacle de ses vertus. La charte de Henri Ier, qui désigne cette église sous le nom de Saint-Séverin-le-Solitaire, vient à l'appui de cette opinion[533]; et, dans les dernières années de la monarchie, on en avoit été tellement frappé, que sa fête y étoit célébrée avec toutes les solennités usitées pour les Saints titulaires, quoique le nom plus fameux de l'abbé d'Agaune eût fait prévaloir depuis long-temps son culte dans cette église.
Jaillot, qui adopte cette idée, pense qu'après la mort de ce saint homme on aura bâti sur son tombeau une chapelle, dont la dévotion des fidèles rendit bientôt l'accroissement nécessaire. Elle aura ensuite éprouvé, comme beaucoup d'autres édifices, les fureurs des Normands dans le neuvième siècle. C'est alors que le corps du Saint fut levé, et qu'on transporta ses reliques à la cathédrale, où elles sont restées. Cependant il y a apparence que l'église, où jusque-là elles avoient été conservées, n'avoit point été entièrement détruite par ces barbares, puisqu'elle est énoncée dans la charte de Henri Ier au nombre de celles qu'il donne à l'église de Paris. Il est présumable qu'elle fut rebâtie après le décès du prêtre Girauld[534], auquel on en avoit laissé la jouissance sa vie durant, et que la population de ce quartier s'étant rapidement augmentée, l'église fut érigée en cure, avec le titre d'archiprêtre pour celui qui la desservoit, titre qui lui donnoit la prééminence sur tous les curés de son district[535]. Quoi qu'il en soit, l'acte le plus ancien qui fasse mention de la cure de Saint-Séverin est de 1210[536].
Cette église a été rebâtie et agrandie à différentes époques. Dès l'an 1347 le pape Clément VI avoit accordé des indulgences pour faciliter sa reconstruction. Elle fut augmentée en 1489, et le 12 mai de cette année on posa la première pierre de l'aile droite et des chapelles qui sont derrière le sanctuaire[537]. Les autres parties, telles que la tour, la nef et le chœur étoient plus anciennes d'un siècle environ, et d'un gothique assez délicat. L'abbé Lebeuf prétend que ses vitraux étoient les premiers où l'on eût dessiné des armoiries de famille[538].
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-SÉVERIN.
TABLEAUX.
Sur le maître-autel, une copie de la Cène; par Philippe de Champagne.
Dans une chapelle, un saint Joseph et une sainte Geneviève; par le même.
Dans la chapelle des Brinons, saint Pierre délivré de sa prison; par Bosse.
Dans la chapelle Saint-Michel, cet Archange; par Monnet.
Dans la chapelle des Fonts, le Baptême de Notre-Seigneur; sans nom d'auteur.
SCULPTURES.
Dans la chapelle du cimetière, le buste en marbre d'Étienne Pasquier.
Au sixième pilier du côté de la rue, une vierge en bois placée à mi-corps dans une chaire de prédicateur. Dans cet endroit étoit autrefois une chapelle de la Vierge[539].
La décoration du maître-autel, composée de huit colonnes de marbre, avec coupole, ornements en bronze doré, etc., avoit été exécutée par Baptiste Tuby, d'après les dessins de Le Brun.
TOMBEAUX ET SÉPULTURES.
Dans cette église ont été inhumés:
Étienne Pasquier, avocat-général de la chambre des comptes, connu par ses recherches sur l'histoire de France, mort en 1615.
Scévole et Louis de Sainte-Marthe, frères jumeaux, et tous les deux historiographes de France, morts, le premier en 1650, le second en 1656.
Louis Moréri, auteur du Dictionnaire qui porte ce nom, mort en 1680.
Eustache Le Noble, écrivain fécond, et plus célèbre par ses aventures que par ses écrits, mort en 1711.
Louis-Elie Dupin, docteur de Sorbonne, auteur de plusieurs ouvrages, mort en 1719.
Pierre Grassin, conseiller du roi, fondateur du collége des Grassins.
Dans la chapelle des Brinons, plusieurs membres de cette famille, à commencer par Yves Brinon, examinateur, de par le roi, au châtelet de Paris, et procureur au parlement, mort en 1529. La famille des Gilbert-de-Voisins avoit aussi sa sépulture dans cette chapelle, etc., etc.
Dans le cimetière avoit été inhumé le marquis de Ségur, gouverneur du pays de Foix, etc., mort en 1737.
Au milieu de ce cimetière, on voyoit autrefois un tombeau élevé, fermé par une grille de fer, sur lequel étoit la figure d'un homme couché, soutenant sa tête avec sa main, et le coude appuyé sur des livres. Ce tombeau renfermoit le corps d'un jeune seigneur allemand nommé Ennon, gouverneur de la ville de Emda, qui mourut à Paris, en 1545 pendant le cours de ses études[540].
CIRCONSCRIPTION.
L'étendue de cette paroisse présentoit une forme oblongue, accompagnée de quelques branches. Le corps principal se composoit du petit Châtelet, des rues du Petit-Pont, Saint-Julien-le-Pauvre, du Plâtre, de la Parcheminerie, des Prêtres, de Boute-Brie, du Foin, des Maçons, auxquelles il falloit ajouter la place de Sorbonne, la rue Neuve-de-Richelieu, les rues Serpente, Percée, Poupée, Mâcon, de la Bouclerie, de la Huchette, Zacharie et Saint-Séverin.
Les branches se formoient des rues qui n'entroient qu'en partie dans cette paroisse, et qui en marquoient les limites; savoir, partie du côté gauche et du côté droit de la rue de la Bûcherie et de la rue Galande; le côté droit de la rue des Anglois; partie de la rue des Noyers; les deux côtés de la rue Saint-Jacques dans une certaine étendue; le couvent des Mathurins et quelques maisons dans la rue du même nom; deux maisons dans la rue de Sorbonne; la rue de la Harpe à gauche, jusqu'à la rue Neuve-de-Richelieu, à droite jusqu'à la rue Serpente; partie des rues d'Enfer, de Hautefeuille et Saint-André-des-Arcs; une seule maison dans la rue Sarrasin.
Il y avoit dans cette église un assez grand nombre de chapelles fondées à diverses époques, et dont l'abbé Lebeuf a donné le détail. Ce même auteur prétend que c'est une des premières églises de Paris où l'on ait vu des orgues; il y en avoit dès le règne du roi Jean[541].
La maison et le presbytère de cette communauté, destinée à l'instruction des pauvres filles, avoit son entrée dans la rue des Prêtres-Saint-Séverin, où est aussi la principale entrée de l'église paroissiale dont nous venons de parler.
LES RELIGIEUX DE LA SAINTE-TRINITÉ
DE LA RÉDEMPTION DES CAPTIFS,
DITS
LES MATHURINS.
Cet ordre fut institué par Jean de Matha et par Félix de Valois, ainsi nommé du lieu de sa naissance ou de celui de sa demeure. La pieuse simplicité d'un ancien historien a voulu répandre sur l'origine de cette fondation quelque chose de miraculeux, l'appuyer sur des visions, sur des révélations dont nous croyons inutile de parler[542]. Il est plus vraisemblable qu'il dut son établissement à la pitié qu'inspira aux deux fondateurs l'état malheureux auquel étoient réduits les chrétiens que le mauvais succès des croisades avoit rendus esclaves des Sarrasins. Jean de Matha conçut le premier le projet de consacrer sa vie à chercher les moyens de racheter ces pauvres captifs; et Félix de Valois, à qui il le communiqua, s'associa avec joie à une aussi charitable entreprise. Une bulle du pape Innocent III autorisa, en 1198, le nouvel institut; une seconde le confirma en 1199; et, dix ans après, ce même pontife donna à Jean de Matha la maison et l'église de Saint-Thomas sur le mont Célius. Cet ordre, qui ne tarda pas à s'introduire en France, s'y étendit par la protection de Philippe-Auguste, et par les libéralités de plusieurs personnages d'une haute distinction. Gaucher III de Chastillon donna d'abord à ces religieux un terrain propre à bâtir un monastère; mais le nombre de ceux qui se présentoient pour embrasser la règle nouvelle devenant trop considérable pour qu'il leur fût possible de se loger dans un lieu aussi resserré, ce seigneur ajouta au don qu'il leur avoit déjà fait, celui du lieu même où les deux fondateurs avoient concerté ensemble pour la première fois le dessein de racheter les captifs. Cet endroit, nommé Cerfroid, est situé entre Gandelu et la Ferté-Milon, sur les confins du Valois.
On ne sait point précisément en quelle année les Trinitaires vinrent s'établir à Paris; mais on voit par un acte de l'année 1209 qu'à cette époque ils y avoient déjà une maison[543]. Ils occupoient un hôpital ou aumônerie, appelée de Saint-Benoît; et un acte capitulaire de leur chapitre général, tenu à Cerfroid, en 1230[544], semble prouver qu'ils devoient cette demeure à la libéralité de l'évêque et du chapitre de Paris. La chapelle de cette aumônerie étoit sous le titre de Saint-Mathurin, dont elle possédoit quelques reliques: c'est de là que les religieux de la Sainte-Trinité en prirent le nom, qu'ils communiquèrent ensuite à la rue dans laquelle ils demeuroient, et à toutes les maisons de leur ordre établies en France.
Les bâtiments de cette maison furent augmentés peu à peu par les libéralités de saint Louis et de Jeanne, fille du comte de Vendôme, ainsi que par les acquisitions successives que firent les religieux. Le cloître, construit en 1219, par les soins d'un de leurs ministres[545], fut rebâti vers la fin du quinzième siècle, par Robert Gaguin, qui étoit aussi ministre ou général de l'ordre. Il fut encore reconstruit vers la fin du dix-huitième siècle. Ce même général avoit aussi fait rebâtir, agrandir et décorer l'église, dont l'ancien portail, élevé en 1406, étoit tourné du côté de la rue Saint-Jacques. Il fut détruit en 1610 pour élargir la rue, et en 1613 on acheva les bâtiments qui jusqu'alors étoient restés imparfaits. On n'y entroit alors que par une petite porte qui a subsisté jusqu'aux derniers temps dans la rue des Mathurins. Enfin on construisit, en 1729, un nouveau portail et une cour fermée par une grille[546].
L'Université tenoit ses assemblées dans une salle de cette maison depuis le treizième siècle. Mais elle les transféra en 1764 au collége de Louis-le-Grand, dont la possession venoit de lui être accordée.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES MATHURINS.
TABLEAUX.
Sur le maître-autel, une Assomption; sans nom d'auteur. Sur les côtés, deux religieux de l'ordre, peints en grisaille, et sur les panneaux de menuiserie placés au-dessus des stalles du chœur, la vie de saint Jean de Matha et du B. Félix de Valois, en dix-neuf tableaux; par Théodore Van Tulden, élève de Rubens.
Plusieurs grands tableaux placés dans la nef; sans nom d'auteurs, et exécutés aux frais de Louis Petit, général de l'ordre.
SCULPTURES.
Sur le couronnement du tabernacle, lequel étoit richement décoré de pilastres et de bronzes dorés, un ange tenant les chaînes de deux captifs agenouillés sur les angles de l'entablement.
Sur l'entablement de la grille qui séparoit la nef du chœur, deux figures d'anges; par Guillain.
SÉPULTURES.
Dans cette église avoient été inhumés:
Robert Gaguin, historien du quinzième siècle, vingtième général de l'ordre, mort en 1501[547].
Jean de Sacro Bosco, célèbre mathématicien.
François Balduni, savant jurisconsulte.
Sur la droite du cloître de cette maison, à côté d'une petite statue de la Vierge, on trouvoit une tombe plate sur laquelle étoient représentés deux hommes enveloppés dans des suaires. Autour de la tombe étoit gravée l'épitaphe suivante:
Hìc subtùs Jacent Leodegarius du Moussel de Normaniâ, et Olivarius Bourgeois de Britanniâ oriundi, clerici scholares, quondam ducti ad justitiam sæcularem, ubi obierunt, restituti honorificè, et hìc sepulti. Anno Domini 1408 die 16 mensis maii[548].
La bibliothèque de ces chanoines réguliers étoit composée de cinq à six mille volumes, parmi lesquels il se trouvoit quelques manuscrits précieux[549].
PALAIS DES THERMES.
Dans la rue de la Harpe, et un peu en-deçà des Mathurins, au fond de la cour d'une vieille maison qui avoit autrefois pour enseigne une croix de fer, on trouve le monument le plus ancien de Paris, reste d'un vaste édifice élevé du temps des Romains, et connu sous le nom de palais des Thermes. On ne sait pas précisément par qui ni en quel temps il fut bâti; mais il est certain que Julien l'Apostat y a demeuré, et qu'il y faisoit son séjour lorsqu'il fut proclamé empereur. Ce fut aussi quelquefois l'habitation de nos rois de la première et de la seconde race; et sa dégradation ne commença sans doute que lorsqu'ils eurent transféré leur résidence dans la cité, et fait bâtir à la pointe de l'île le vaste bâtiment connu sous le nom de Palais[550].
Ce fragment d'édifice est presque carré, si l'on en excepte l'avant-salle qui précède la grande pièce. En face de l'entrée est une grande niche circulaire, accompagnée de deux autres, plus petites, moins profondes et quadrangulaires. De chaque côté les murs latéraux présentent un enfoncement dont on ignore l'objet. La salle, dont la hauteur est de quarante pieds au-dessus du sol actuel de la rue de la Harpe, se prolonge dans une dimension de cinquante-huit pieds de long sur cinquante-six de large. Elle est percée de quatre croisées, dont deux sont bouchées; la troisième ne l'est qu'à moitié; et la quatrième, ouverte en forme d'arcade, y introduit une belle lumière: celle-ci est pratiquée en face de l'entrée, au-dessus de la grande niche, et précisément sous le cintre de la voûte. Cette partie de l'édifice, comme dans presque tous les thermes de Rome, est faite en voûte d'arête, genre de couverture peu dispendieux et de la plus grande solidité, parce que toutes les poussées y sont divisées, et que par conséquent il ne s'y opère aucun travail[551]. Aux quatre angles on voit encore des débris de chapiteaux faits en forme de poupes de navire, lesquels servoient sans doute de couronnement à des pilastres qui ont été détruits[552].
La construction des murs de cet édifice se compose de six rangées de moellons, formant des bandes, que séparent les unes des autres quatre rangées de briques, qui chacune ont un pouce à quinze lignes seulement d'épaisseur. Les joints pratiqués entre ces briques sont également d'un pouce de largeur, de manière que les quatre briques forment avec eux une épaisseur de huit pouces. Deux rangs de briques avec les moellons placés au milieu occupent un espace d'environ quatre pieds six pouces. Les moellons ont de quatre à cinq pouces de hauteur.
Ce genre de construction étoit habituellement celui des Romains; et on le retrouve dans un grand nombre d'édifices, à Rome et dans toute l'Italie. Ce modèle, que le temps a respecté au milieu de Paris, y est malheureusement trop peu connu et mériteroit d'être imité. Il nous offre la solution de ce problème que s'étoient proposé les architectes de l'antiquité, de faire de grands et solides édifices avec des matériaux communs et de peu de valeur: c'est ce qu'on ne sait plus faire aujourd'hui.
Les murs de cette salle étoient recouverts d'une couche de stuc qui avoit trois, quatre et même cinq pouces d'épaisseur. On en voit encore quelques débris: le reste paroît avoir cédé plutôt à la main des hommes qu'aux ravages du temps.
Quelle place occupoit dans l'ensemble des Thermes de Julien cette belle salle que nous venons de décrire? c'est ce qu'il n'est pas facile de décider en la voyant ainsi séparée de l'immense édifice[553] dont elle faisoit partie. Les thermes des anciens se composoient d'une multitude de pièces qui toutes n'étoient point destinées à l'usage des bains; et, pour assigner à celle-ci son emploi précis, il faudroit la considérer dans son rapport avec de semblables pièces des thermes de Rome; il faudroit surtout rétablir, sur les indications des fondations et des ruines adjacentes, l'ensemble approximatif des salles contiguës. Le plan des Thermes n'existe dans aucun des grands ouvrages qui ont traité de cette partie des monuments antiques: la première restitution s'en trouve dans le deuxième volume des Antiquités de la France par M. Clérisseau; et l'idée qu'il en donne est assez satisfaisante, sans qu'on puisse toutefois s'assurer que c'en soit là le véritable plan.
Sous l'édifice que nous décrivons, on a découvert un double rang en hauteur de caves en berceaux, ou plutôt de larges conduits de neuf pieds dans toutes leurs dimensions. Il y avoit ainsi trois berceaux parallèles séparés par des murs de quatre pieds d'épaisseur et se communiquant par des portes de trois à quatre pieds de large. Le premier rang de ces voûtes se trouve à dix pieds au-dessous du sol; on y descend par quinze marches. Le second rang est dix pieds plus bas. Quant à la longueur de ces routes souterraines, elle est inconnue, et l'on ne pénètre pas au-delà de quatre-vingt-six pieds, à cause des décombres qui en interceptent l'issue. Les voûtes en sont composées de briques, de pierres plates et de blocages à bain de mortier; la construction des murs est en petits moellons durs de six pouces de long sur quatre pouces d'épaisseur; le mortier introduit dans les joints a depuis six lignes jusqu'à un pouce[554].
«Quand on pense, dit un habile architecte[555], avec quelle avidité on recueille les moindres renseignements sur des ruines lointaines, avec quel empressement on dessine de toutes parts des débris de constructions romaines, moins curieux et moins bien conservés que celui dont nous parlons, il y a lieu de s'étonner du peu de soin qu'on a apporté jusqu'à présent, soit à la conservation de ce monument, soit à sa publication. Plusieurs projets avoient été présentés à ce sujet avant la révolution: le gouvernement paroissoit disposé à faire un choix parmi ces projets[556], lorsque nos troubles civils vinrent tout arrêter. Il seroit à souhaiter que l'attention se portât de nouveau sur ce précieux débris, et qu'un édifice riche en souvenirs, fécond en leçons de tous genres pour l'art de bâtir, fût enfin désobstrué dans ses abords, fouillé dans ses fondations et soustrait aux agents destructeurs qui de toutes parts travaillent à sa ruine[557].»
LES PRÉMONTRÉS.
Personne n'ignore que l'institution de cet ordre de chanoines réguliers est due au zèle pieux de saint Norbert. Barthélemi, évêque de Laon, qui connoissoit les talents et les vertus de cet homme apostolique, l'avoit appelé près de lui pour l'aider à introduire la réforme parmi les chanoines de Saint-Martin, qui habitoient sa ville épiscopale. Le succès n'ayant pas répondu à ses efforts, saint Norbert, qui vouloit se livrer à la vie pénitente et contemplative, se retira dans un vallon de la forêt de Couci, que l'on nommoit Prémontré. Une chapelle de Saint-Jean-Baptiste qu'il trouva dans ce lieu, et que les religieux de Saint-Vincent-de-Laon, à qui elle appartenoit, avoient abandonnée, lui fit naître le projet de s'associer quelques personnes, et d'établir en cet endroit un monastère[558]. L'évêque Barthélemi, entrant dans ses vues, fit l'acquisition du vallon et de la chapelle, qu'il donna en 1120 à saint Norbert; et cette même année celui-ci jeta les fondements d'un ordre régulier, qu'il mit sous la règle de Saint-Augustin, et dont treize chanoines firent profession le jour de Noël en 1121[559]. L'ordre s'accrut assez rapidement; et dans le siècle suivant, Jean, abbé de Prémontré, voulant que ses religieux joignissent à la sainteté de leur vie une science suffisante pour instruire les fidèles qu'ils édifioient, prit la résolution de faire établir pour son ordre un collége à Paris. Il y acquit en conséquence plusieurs maisons dans les années 1252, 1255, 1256 et 1286[560]. On voit par une bulle d'Urbain IV, adressée à Renaud de Corbeil, évêque de Paris, que ces religieux obtinrent en 1263 la permission d'avoir un autel portatif[561]; mais on n'a pu découvrir dans quel temps on leur permit d'élever une chapelle. Celle qu'on leur avoit accordée fut démolie en 1618, et l'on bâtit alors à la place l'église qui a subsisté jusqu'à la fin du dernier siècle. Elle fut dédiée sous l'invocation de Saint-Jean-Baptiste et de Sainte-Anne. En 1672 on y fit plusieurs changements, et la nef fut agrandie par la suppression d'une maison située entre cette église et la rue Hautefeuille.
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES PRÉMONTRÉS.
SCULPTURES.
Sur le maître-autel, décoré de colonnes ioniques accouplées et chargées d'ornements d'assez mauvais goût, deux anges de grandeur naturelle, soutenant un petit temple placé au-dessus du tabernacle.
Dans deux niches et sur l'arrière-corps, deux autres statues également de grandeur naturelle; le tout sans nom d'auteur.
Dans l'église, qui n'avoit rien de remarquable sous le rapport de l'architecture, la menuiserie des orgues, des stalles et la grille du chœur passoient pour d'assez bons ouvrages.
La maison des Prémontrés à Paris portoit le titre de prieuré, et étoit destinée à servir de collége aux jeunes chanoines de leur ordre. Elle a produit un grand nombre de sujets distingués, qui ont été l'ornement et la lumière de l'église[562].
ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-CÔME ET SAINT-DAMIEN.
En parlant de l'église Saint-André-des-Arcs nous avons fait connoître l'origine de celle-ci. Ces deux églises furent érigées dans le même temps en paroisse, et cédées à l'Université en 1345. On ne sait si celle-ci fut reconstruite dans le siècle suivant, mais on trouve que la dédicace en fut faite en 1426.
L'église de Saint-Côme étoit petite, et néanmoins suffisante au très-petit nombre de ses paroissiens: elle n'avoit rien dans sa construction qui fût digne d'être remarqué[563].
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-CÔME.
Sur le maître-autel, décoré de colonnes corinthiennes, une Résurrection; par Houasse.
Dans la chapelle des fonts, un bas relief; sans nom d'auteur.
TOMBEAUX ET SÉPULTURES.
Dans cette église avoient été inhumés:
Nicoles de Beze, seigneur de la Selle, archidiacre d'Étampes, etc., etc., oncle du fameux Théodore de Beze, mort en 1543[564].
Charles Loiseau, savant jurisconsulte, mort en 1628.
Pierre Dupuy, conseiller au parlement et garde de la bibliothèque du roi, mort en 1651.
Jacques Dupuy son frère, prieur de Saint-Sauveur, et également garde de la bibliothèque, mort en 1656.
Jacques-Omer Talon, avocat-général au parlement, mort en 1648.
Omer Talon, aussi avocat-général au parlement dans le temps de la Fronde, mort en 1652.
Denis Talon, président à mortier au parlement, mort en 1698.
(Plusieurs autres membres de cette famille avoient leur sépulture dans la même église.)
Jacques Bazin, marquis de Bezons, maréchal de France, gouverneur de Cambrai, etc., mort en 1733.
Claude d'Espence, savant théologien, recteur de l'Université, etc., mort en 1571[565].
Denis Bouthilier, avocat célèbre.
François Bouthilier de Chavigny, évêque de Troyes, mort en 1731.
François de La Peyronie, premier chirurgien du roi, mort en 1747[566], etc., etc.
CIRCONSCRIPTION.
Les limites de cette paroisse ont excité, dans le dix-septième siècle, de vives contestations qu'il seroit fastidieux de rapporter. Il paroît qu'elle s'étendoit réellement d'un côté jusqu'aux confins de celle de Saint-Benoît; qu'elle avoit le terrain qui entouroit la porte Saint-Michel depuis le lieu dit anciennement le Parloir-aux-Bourgeois jusque vis-à-vis la rue de Vaugirard. Une transaction qu'elle fit avec l'abbaye Saint-Germain lui enleva quelques maisons dans les rues d'Enfer et Vaugirard, pour l'agrandir d'un autre côté, de manière que, dans les derniers temps, elle se renfermoit dans les rues suivantes:
À partir de l'église, elle avoit le côté droit de la rue de la Harpe, à l'exception du collége d'Harcourt; partie de la place Saint-Michel et de la rue Sainte-Hyacinthe, des deux côtés; la rue Saint-Thomas; la gauche de la rue d'Enfer jusqu'à celle de Saint-Dominique; le côté droit de la rue Sainte-Catherine; en revenant, le côté droit de la rue des Fossés-de-Monsieur-le-Prince jusqu'à celle de l'Observance, qu'elle renfermoit en entier avec le couvent des Cordeliers; partie de la rue qui portoit ce nom, des deux côtés; la rue du Paon tout entière avec son cul-de-sac; partie de la rue du Jardinet et de celle du Battoir; la rue Mignon tout entière.
L'ACADÉMIE ROYALE DE CHIRURGIE.
L'importance et la beauté du monument consacré aux travaux de cette société savante nous déterminent à intervertir ici l'ordre naturel de cet ouvrage, qui semble lui assigner sa place parmi les écoles et les colléges. Cette exception, que nous avons déjà faite pour plusieurs maisons religieuses, sera renouvelée encore dans ce même quartier, en faveur de l'église et de la maison de Sorbonne.
La chirurgie fut d'abord en honneur dans l'Europe entière lors de la renaissance des lettres, parce que, dans la pratique comme dans la théorie, ceux qui exerçoient l'art de guérir l'avoient d'abord réunie à la médecine; mais elle tomba bientôt dans un profond avilissement, lorsque, par un dédain absurde, les médecins jugèrent à propos de la séparer de leur art, et de l'abandonner comme une profession purement mécanique, à la main des barbiers, qu'ils se contentoient de diriger dans les opérations chirurgicales et dans l'application des remèdes extérieurs. Cet arrangement bizarre la perdit sans ressource en Allemagne et en Italie, où elle avoit d'abord brillé du plus grand éclat. Il n'en fut pas de même en France, parce que, long-temps avant l'époque qui ramena les sciences et les arts en Occident, les chirurgiens formoient déjà un corps savant, à la vérité uniquement occupé de l'art chirurgical, mais à qui l'on avoit du moins accordé le droit d'unir la théorie à la pratique. Ce fut Jean Pitard, chirurgien de Saint-Louis, qui le premier pensa à réunir une société de gens de sa profession, à laquelle pût s'attacher la confiance publique que le charlatanisme d'une foule d'empiriques avoit alors fort indisposée contre l'art de la chirurgie. Il obtint d'abord de ce prince, en sa qualité de chirurgien du roi au Châtelet, une charte qui lui donnoit le pouvoir d'examiner et d'approuver, dans toute l'étendue de la ville, prévôté et vicomté de Paris, tous ceux qui voudroient y exercer l'art de la chirurgie. Cette charte fut bientôt suivie d'une permission de former un corps de chirurgiens, pour lequel il fit des statuts et des réglements. Ce corps toutefois ne fut entièrement établi qu'en 1278, sous le titre de confrérie; on en confirma pour lors les priviléges, et la nouvelle confrérie fut mise sous l'invocation de Saint-Côme et de Saint-Damien. Cette compagnie n'étoit alors composée que de gens lettrés et d'une capacité éprouvée; et une suite d'ordonnances de nos rois, depuis Philippe-le-Bel jusqu'à Charles VI[567], a pour objet de maintenir une juste sévérité dans l'examen de ceux qui se destinoient à exercer la chirurgie. En 1436, on trouve que le corps des chirurgiens fut agrégé à l'Université: ils avoient déjà adopté la pieuse et ancienne coutume introduite depuis long-temps parmi les médecins, de donner des consultations gratuites à l'entrée des églises. Un des statuts de la confrérie portoit qu'ils s'assembleroient le premier lundi de chaque mois à Saint-Côme, pour examiner les pauvres malades qui se présenteroient, et leur fournir les médicaments qui leur seroient nécessaires. Ce fut en conséquence de cette disposition que les curé et marguilliers de cette paroisse firent construire, vers 1561, au bas de leur église, un bâtiment destiné à cette œuvre de charité.
Cependant, l'orgueil ou la jalousie des médecins pensa détruire une aussi sage institution; et il ne tint pas à eux que la chirurgie ne retombât parmi nous dans l'avilissement complet où elle étoit chez nos voisins: car, après de longues dissensions, dont l'objet étoit de soutenir des prétentions déraisonnables, la faculté de médecine, par une imitation honteuse des médecins étrangers, appela les barbiers à l'exercice de la chirurgie, les initia ensuite aux grandes opérations de l'art, et parvint enfin à les faire unir au corps des chirurgiens. Le mépris dans lequel cette indigne alliance le fit tomber fut tel, qu'un arrêt solennel le dépouilla, en 1660, de tous les honneurs littéraires. Cependant, par une espèce de prodige, la théorie s'y conserva; une suite d'hommes aussi habiles que courageux transmit fidèlement les traditions, l'art fit chaque jour de nouveaux progrès, et ces progrès devinrent si remarquables, que le gouvernement sentit enfin qu'il étoit aussi juste qu'honorable de rétablir la chirurgie dans son état primitif. Une loi rendue en 1724 ordonna d'abord l'établissement de cinq professeurs royaux pour enseigner la théorie et la pratique de l'art; en 1731, l'académie royale de chirurgie fut formée dans l'association de Saint-Côme; enfin, en 1743, cette agrégation humiliante des chirurgiens-barbiers fut entièrement supprimée; et l'arrêt qui ordonnoit leur suppression, mettant la chirurgie au nombre des arts libéraux, et lui en accordant tous les honneurs, droits et prérogatives, assimile le collége des chirurgiens au collége Royal, et à celui de Louis-le-Grand.
L'augmentation de la confrérie et l'association des barbiers avoient forcé d'accroître les bâtiments qui lui étoient destinés. On avoit acheté quelques maisons voisines, élevé en 1671 un amphithéâtre anatomique, ajouté en 1706 une salle et de nouveaux bâtiments; mais toutes ces additions n'empêchant pas ce local d'être incommode et insuffisant, La Martinière, premier chirurgien de Louis XV, demanda l'emplacement du collége de Bourgogne, situé dans la même rue, pour y élever un plus vaste bâtiment. Il l'obtint; le collége fut démoli, et sur ce terrain on construisit l'école de chirurgie dont il nous reste à parler. Le roi en posa la première pierre en 1769, et l'exécution en fut confiée à M. Gondouin, architecte qui ne s'étoit encore fait connoître par aucuns travaux importants.
Un style pur, noble, simple, et qui ne ressembloit en rien à tout ce qui se bâtissoit alors, attira tous les yeux, réunit tous les suffrages. Les gens de l'art y reconnurent la majesté de l'architecture romaine, dépouillée de ses riches superfluités, et rapprochée de la simplicité des monuments de la Grèce.
Cet édifice se compose de quatre corps de bâtiments, formant une cour de onze toises de profondeur sur seize de largeur; la façade sur la rue en a trente-trois; un péristyle de quatre rangs de colonnes réunit les deux ailes: le bâtiment du fond est un amphithéâtre éclairé par en haut, et qui peut contenir douze cents personnes. Dans les deux ailes sont placées les diverses salles de démonstration et d'administration: elles renferment en outre un grand cabinet d'anatomie humaine, un autre de pièces anatomiques modelées en cire, une bibliothèque publique, une collection de tous les instruments employés dans la chirurgie.
La décoration extérieure consiste, dans toute l'étendue de la façade et au pourtour de la cour, en un ordre ionique qui n'excède pas la hauteur du rez-de-chaussée; au fond est un péristyle de six colonnes corinthiennes d'un plus grand module, couronné d'un fronton, dans le tympan duquel un bas-relief offre la Théorie et la Pratique se donnant la main, et jurant sur l'autel d'Esculape de demeurer unies pour le soulagement de l'humanité. Sur le mur du fond, dans la partie la plus élevée, cinq médaillons offrent les portraits de cinq chirurgiens célèbres[568].
Le mérite de ce péristyle, bien supérieur à toutes les décorations de ce genre que peuvent offrir d'autres monuments de la capitale, consiste principalement dans le juste rapport des parties avec l'ensemble. Les colonnes posent seulement sur quelques marches élevées au-dessus du sol, et ne sont point anéanties dans leur effet, comme dans le fameux péristyle du Louvre, par un soubassement d'une hauteur excessive. La masse de l'entablement et du fronton qui le couronne ne présente pas, comme au péristyle de Sainte-Geneviève, dont les colonnes sont placées à de trop grands intervalles, un poids énorme qui fatigue l'œil. Rapprochées ici les unes des autres dans une juste proportion, on voit qu'elles supportent sans effort le couronnement de cet élégant édifice.
Le grand bas-relief placé au-dessus de la porte représente, dans une composition allégorique, le Gouvernement accordant des grâces et des priviléges à la chirurgie; il est accompagné de la Sagesse et de la Bienfaisance: le génie des arts lui présente le plan de l'école. Toutes ces sculptures, extrêmement médiocres, sont de Berruer.
Pour l'intérieur du monument, l'architecte a adopté un genre de décoration qui peut remplacer avantageusement la sculpture: c'est la peinture à fresque. On voit dans l'escalier la statue d'Hygie, déesse de la santé; dans une salle du rez-de-chaussée, six figures imitant le bas-relief; dans l'amphithéâtre un grand morceau en grisaille, offrant un sujet allégorique, le tout exécuté par Gibelin. Au-dessous de ce dernier tableau sont les bustes des deux fondateurs de l'académie de chirurgie, La Peyronie et La Martinière, tous les deux de la main de Le Moine. Cette école possédoit autrefois une statue de Louis XV par Tassaer.
Il est peu d'édifices conçus avec autant de goût et distribués aussi heureusement que celui-ci. La critique, réduite à ne pouvoir attaquer que certains détails de la décoration extérieure, est forcée de se taire en considérant l'ensemble élégant et majestueux du monument. Placé dans une rue étroite, il étoit impossible autrefois de jouir du développement de sa façade; la démolition de l'église des Cordeliers a formé devant lui une place vague qui en détruit également l'effet[569].
L'académie de chirurgie, dirigée par le ministre de Paris, se composoit d'un président, premier chirurgien du roi; d'un directeur, d'un vice-directeur et de plusieurs autres officiers tirés des quarante conseillers qui formoient le comité perpétuel de l'académie. Il y avoit vingt adjoints à ce comité; tous les autres maîtres en chirurgie du collége étoient académiciens libres.
Dix-sept professeurs donnant tous les jours des leçons sur les diverses parties de la chirurgie, étoient distribués de la manière suivante:
- Deux pour la physiologie.
- Deux pour la pathologie chirurgicale.
- Deux pour l'hygiène.
- Deux pour l'anatomie.
- Deux pour les opérations.
- Deux pour les maladies des yeux.
- Deux pour les accouchements.
- Un pour la chimie.
- Deux pour l'école pratique de dissection.
Cette compagnie avoit une assemblée publique, dans laquelle elle distribuoit des prix fondés par plusieurs de ses membres les plus célèbres[570].
LES CORDELIERS.
Cet ordre religieux, institué en 1208 par saint François, près d'Assise en Ombrie, et approuvé l'année suivante, fit des progrès si rapides, qu'au premier chapitre, tenu en 1219, on comptoit déjà plus de cinq mille députés. Ils avoient d'abord pris le nom de Prédicateurs de la Pénitence, mais leur instituteur voulut, par humilité, qu'ils s'appelassent Frères Mineurs; il ordonna même que le chef ou général de l'ordre ne prît que le simple titre de ministre. Nos historiens s'accordent à fixer leur arrivée à Paris de 1216 à 1217[571]; mais Jaillot présume qu'il y a ici quelque erreur: car il en résulteroit que ces religieux seroient restés treize à quatorze ans à Paris sans établissement fixe, puisque c'est seulement en 1230 qu'ils se fixèrent dans le lieu qu'ils ont occupé jusque dans les derniers temps. Cet emplacement leur fut cédé à titre de prêt par l'abbé et le couvent Saint-Germain, sous la condition qu'ils ne pourroient avoir ni chapelle publique, ni cimetière, ni cloches pour appeler les fidèles au service divin, et que si par la suite ils venoient à quitter cette demeure, le couvent de Saint-Germain rentreroit dans la propriété des lieux cédés, et des augmentations qu'on y auroit faites. Telle est la forme de l'acte de concession[572]; mais Jaillot prétend et prouve, ce nous semble, très-bien que ce prétendu prêt étoit une cession véritable que l'on avoit déguisée sous ce titre, pour ne pas violer en apparence le vœu de pauvreté absolue si rigoureusement ordonné par saint François à ses religieux; et qu'en effet ce fut saint Louis qui acheta de l'abbaye tout ce qu'elle paroissoit prêter aux Cordeliers. Plusieurs actes cités par lui viennent à l'appui de son opinion.
Les religieux de Saint-Germain ne tardèrent pas à se relâcher de ces conditions sévères qu'ils avoient imposées d'abord aux frères mineurs; et dès 1240 on voit que non-seulement ils leur permirent d'avoir une église, un cimetière et des cloches, mais encore qu'ils consentirent en leur faveur à l'aliénation de deux pièces de terre que des personnes pieuses vouloient acquérir pour eux, dont l'une étoit contiguë à leur couvent, et l'autre située au-delà des murs. Saint Louis se chargea de faire bâtir leur église, et y consacra une partie de l'amende de dix mille livres, à laquelle il avoit condamné Enguerrand de Couci[573]. Elle ne fut dédiée que le 6 juin 1262, sous le titre de Sainte-Magdeleine. Depuis, ces religieux firent encore, sur les terres de l'abbé de Saint-Germain, diverses acquisitions que celui-ci voulut bien leur amortir; et en 1298, Philippe-le-Hardi leur donna la rue qui régnoit le long des murs, depuis la porte d'Enfer jusqu'à celle de Saint-Germain. Mais dans le siècle suivant, la nécessité où l'on se trouva de fortifier la ville, lors de la prison du roi Jean, ayant forcé d'abattre les maisons qu'ils avoient bâties sur ce terrain, et de détruire une partie de leurs vignes pour creuser des fossés, Charles V crut devoir les en dédommager en leur donnant la propriété de deux maisons situées rue de la Harpe et de Saint-Côme, qu'il avoit achetées des religieux de Molême; et de ses propres deniers fit construire pour eux de grandes écoles et plusieurs autres bâtiments. Ils reçurent à différentes époques des marques non moins éclatantes de la générosité de plusieurs illustres personnages. Ce fut Anne de Bretagne qui fit rebâtir leur réfectoire, lequel avoit cent soixante-douze pieds de long sur quarante-trois de large. Un incendie, arrivé en 1580, ayant détruit leur église presque de fond en comble[574], elle fut reconstruite sur les mêmes fondements par les libéralités de Henri III, des chevaliers du Saint-Esprit et autres personnes de considération. On commença les travaux en 1582. En 1585 le chœur fut fini, et dédié sous l'invocation de Sainte-Magdeleine. Les largesses du président de Thou, de son fils Jacques-Auguste de Thou et de quelques autres, fournirent les moyens de continuer la nef, qui fut achevée en 1606. En 1672 on bâtit la chapelle du tiers-ordre de Saint-François, laquelle fut dédiée sous le nom de Sainte-Élisabeth; enfin, en 1673, ces religieux firent reconstruire leur cloître et élever au-dessus de vastes dortoirs. On mit alors sur la porte cette inscription: le grand couvent de l'observance de Saint-François, 1673[575]. Toutefois ces bâtiments ne furent achevés que dix ans après.
L'église des cordeliers passoit pour une des plus grandes de Paris: c'étoit un immense vaisseau de trois cent vingt pieds de long sur plus de quatre-vingt-dix de large, sans compter les chapelles des bas-côtés. Le bâtiment n'en étoit point voûté, mais seulement plafonné d'une charpente dont la couleur enfumée par le temps y répandoit une grande obscurité et la rendoit d'un aspect désagréable; mais elle contenoit un assez grand nombre d'illustres sépultures qui la rendoient digne de l'attention des curieux[576].
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS.
TABLEAUX.
Sur le maître-autel, décoré d'un très-beau tabernacle en marbre, la Nativité de Notre-Seigneur; par Franck.
Dans la chapelle des Gougenot, une Annonciation; par Vien.
Dans une frise qui régnoit autour de la salle du chapitre, des têtes de cardinaux, patriarches, généraux, saints et saintes de l'ordre de Saint-François, peintes dans de petits compartiments.
SCULPTURES.
Dans deux niches qui accompagnoient le jubé, les statues de saint Pierre et de saint Paul.
Dans la chapelle des Gougenot, sur le devant de l'autel, un bas-relief en pierre de liais représentant l'ensevelissement de Notre-Seigneur; par Jean Goujon. (Ce morceau de sculpture venoit de la démolition de l'ancien jubé de Saint-Germain-l'Auxerrois)[577].
Sur le portail de l'église, du côté de la rue de l'Observance, une statue de saint Louis, estimée des antiquaires, et que l'on disoit très-ressemblante.
TOMBEAUX ET SÉPULTURES.
Dans cette église ont été inhumés:
Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, connétable de France, décapité en place de Grève le 19 décembre 1475.
Derrière le chœur et à côté du grand autel, Pierre Filhol, archevêque d'Aix, lieutenant général du roi au gouvernement de Paris, mort en 1540. (Sa statue étoit couchée sur son tombeau)[578].
Albert Pio, prince de Carpi, mort à Paris en 1535. (Il étoit représenté en bronze, à demi couché sur son tombeau)[579].
Alexandre de Hales, religieux de cet ordre, dit le docteur irréfragable et maître de saint Thomas et de saint Bonaventure, mort en 1245.
Jean de La Haye, du même ordre, prédicateur ordinaire d'Anne d'Autriche, mort en 1661.
Bernard de Beon et du Massé, seigneur de Bouteville, conseiller et lieutenant du roi, etc., mort en 1607.
André Thevet, cosmographe de quatre rois, mort en 1590.
François de Belleforêt, écrivain du seizième siècle, mort en 1583.
Dans une chapelle, Gilles-le-Maître, premier président au parlement de Paris, mort en 1562. (On voyoit sa statue sur son tombeau)[580].
Dans la chapelle de Gondi, don Antoine, prétendu roi de Portugal, mort en 1595.
Don Diego Bothelh, seigneur portugais qui s'étoit attaché à sa fortune, mort en 1607.
Dans la chapelle des Longueil, plusieurs membres de cette famille, entre autres Antoine de Longueil, évêque de Saint-Pol-de-Léon, mort en 1500. (Sa statue étoit couchée sur une tombe placée dans l'épaisseur du mur)[581].
Dans la chapelle des Besançon, plusieurs magistrats de ce nom et des familles de Bullion et de Lamoignon, qui en descendent. (Dans cette chapelle on voyoit sur un tombeau de marbre noir le buste de M. de Bullion, surintendant des finances, mort en 1640)[582].
Dans la chapelle des Briçonnet, plusieurs membres de cette famille illustre dans la magistrature. (Quatre bustes chargés d'inscriptions offroient les images de quatre d'entre eux[583], et à l'un des piliers on voyoit un squelette qui tenoit entre ses mains l'épitaphe de Catherine Briçonnet, épouse d'Adrien du Drac, morte en 1680.)
Vis-à-vis la chapelle du Saint-Sépulcre, Jean de Rouen, savant professeur de langues anciennes, mort en 1615.
Dans la chapelle Sainte-Élisabeth, Claude-Françoise de Pouilly, marquise d'Esne, etc., femme d'Alexandre, marquis de Redon, etc., morte en 1672.
Dans la chapelle des Gougenot, plusieurs membres de cette famille, et entre autres l'abbé Gougenot, prieur de Maintenay, associé libre de l'académie de peinture et sculpture, mort en 1767[584].
Plusieurs autres familles distinguées, telles que celles des Aîmeret, des Riantz-Villeray, des Hardi-la-Trousse, des La Palu-Bouligneux, des Vertamon, des Faucon-de-Ris, etc., avoient leurs sépultures dans cette église.
Dans la salle du chapitre:
Sous une tombe plate, Nicolas de Lyre, docteur en théologie, religieux Cordelier, et l'un des plus savants hommes de son siècle, mort en 1340.
Le couvent des Cordeliers occupoit un très-vaste emplacement, mais se composoit d'un mélange de bâtiments anciens et sans symétrie, et de bâtiments modernes et réguliers. Le cloître étoit le plus vaste et le plus beau qu'il y eût à Paris. Le réfectoire, les dortoirs méritoient d'être vus. La bibliothèque, composée d'environ vingt-quatre mille volumes, étoit répartie en deux grandes pièces et trois cabinets. On y conservoit des manuscrits précieux donnés à cette maison par saint Louis, qui, comme on sait, légua ses livres, par égale portion, à ces pères et aux Jacobins de la rue Saint-Jacques. Ils possédoient aussi une collection de manuscrits grecs qui leur avoit été donnée par Marie de Médicis.
Deux confréries fameuses, celle du tiers ordre de Saint-François et celle du Saint-Sépulcre avoient été établies ou transportées dans l'église de ce couvent: saint Louis fut de la dernière, laquelle existoit avant l'arrivée des Cordeliers à Paris. C'étoit aussi dans une des salles de leur maison que se tenoient régulièrement, deux fois par an, les assemblées des chevaliers de l'ordre royal de Saint-Michel.
Ce monastère servoit de collége aux jeunes religieux de l'ordre qui venoient à Paris étudier la théologie. Parmi le grand nombre de ceux qui s'y sont illustrés, on distingue Alexandre de Hales, saint Bonaventure, Nicolas de Lyre, Jean Duns, dit Scot, surnommé le docteur subtil, etc. Cet ordre a aussi donné à l'église quelques papes et plusieurs cardinaux[585].
LA SORBONNE.
Cette belle institution devoit son origine à Robert, dit de Sorbon ou Sorbonne, lieu de sa naissance, situé dans le Rhételois. Né dans l'obscurité, il étoit parvenu par sa science et par ses vertus à mériter l'estime et les faveurs de saint Louis, dont il fut le chapelain et non le confesseur, comme quelques-uns l'ont avancé. Dans ce haut degré de fortune, Robert se ressouvint des obstacles que sa pauvreté avoit apportés à ses études, et surtout des difficultés qu'on éprouvoit à parvenir au doctorat quand on étoit né comme lui absolument sans biens. Ce fut pour aplanir ces difficultés qui pouvoient enlever à l'Église un grand nombre d'habiles défenseurs, qu'il forma le dessein d'établir une société d'ecclésiastiques séculiers qui, vivant en commun et dégagés de toute inquiétude sur les besoins de la vie, ne seroient occupés que du soin d'étudier et de donner gratuitement des leçons. Du Boulai et ceux qui l'ont suivi ne nous présentent ce collége que comme un établissement fondé en faveur de seize pauvres écoliers; mais le titre seul qu'il portoit prouve le contraire: on voit qu'il s'appeloit dès le principe la Communauté des pauvres maîtres, et que ses membres étoient, quelques années après, désignés ainsi: Pauperes magistri de vico ad portas[586]. «C'étoit, dit l'historien de l'Université[587], aux pauvres que Robert prétendoit fournir des secours. La pauvreté étoit l'attribut propre de la maison de Sorbonne; elle en a conservé long-temps la réalité avec le titre, et depuis même que les libéralités du cardinal de Richelieu l'ont enrichie, elle a toujours retenu l'épithète de Pauvre, comme son premier titre de noblesse.» Elle la conserva jusque dans les derniers temps, et les actes publics l'ont toujours qualifiée pauperrima domus, exemple rare et vraiment admirable d'humilité chrétienne, humilité dont son fondateur lui avoit du reste fourni le modèle: car on ne voit point qu'il ait voulu faire porter son nom à ce collége, et l'on sait qu'il se contenta du titre de Proviseur, plus simple alors qu'il ne l'est aujourd'hui.
Nos historiens ont extrêmement varié sur l'époque de la fondation de cet établissement; et la plupart, rapportant les lettres de concession accordées par saint Louis et datées de Paris l'an 1250, n'ont pas fait attention en adoptant cette date qu'alors saint Louis étoit en Afrique depuis deux ans, et par conséquent qu'elle ne pouvoit être qu'une erreur de copiste. L'abbé Ladvocat, docteur et bibliothécaire de ce collége, est tombé dans une erreur à peu près semblable, lorsque, d'après des inscriptions gravées dans la maison même de Sorbonne, il fixe cette fondation à l'année 1253, puisque saint Louis ne revint en France que l'année suivante. Il a du reste reconnu cette erreur; et en examinant avec attention tous les actes relatifs à la fondation de la Sorbonne, il faut, avec raison, la reculer jusqu'à l'année 1256.
Une erreur plus grave est celle de Piganiol[588], qui présente comme fondateur de cette maison Robert de Douai, chanoine de Senlis et médecin de la reine Marguerite de Provence. Il cite à ce sujet le testament de ce personnage; mais, s'il l'avoit lu avec attention, il eût reconnu d'abord que ce titre, daté de 1258, est postérieur à l'érection du collége, ensuite que le testateur n'a d'autre intention, en faisant un legs, que d'augmenter une fondation déjà faite. Robert de Douai fut le bienfaiteur de la nouvelle institution et non son fondateur; et ce titre il le partagea avec Guillaume de Chartres, chanoine de cette ville, Guillaume de Némont, chanoine de Melun, tous deux chapelains de saint Louis, et même avec ce prince, qui, malgré toutes les libéralités dont il combla ce collége, n'en fut jamais appelé le fondateur[589].
Si nous reprenons l'histoire de cette fondation, nous trouvons que Robert de Sorbonne, ayant acquis ou échangé avec saint Louis quelques maisons dans la rue Coupe-Gueule et dans la rue voisine[590], y fit bâtir les premiers édifices de son collége et une chapelle. Il acquit ensuite de Guillaume de Cambrai ce qui restoit de terrain et de maisons jusqu'à la rue des Poirées; et, considérant que l'établissement qu'il venoit de former n'étoit destiné que pour des théologiens, il imagina de faire élever sur une partie de l'emplacement qu'il venoit d'acquérir un collége dans lequel on enseigneroit les humanités et la philosophie, et où l'on prépareroit ainsi des élèves propres à entrer dans les écoles de Sorbonne. Ce collége, achevé en 1271, reçut le nom de Calvi ou la Petite-Sorbonne; la chapelle, dédiée d'abord à la sainte Vierge, fut rebâtie en 1326, et mise, en 1347, sous la même invocation et sous celle de sainte Ursule et de ses compagnes, dont l'église célébroit la fête le 21 octobre, jour de la dédicace.
Les choses restèrent en cet état jusqu'au ministère du cardinal de Richelieu. Ce ministre, qui aimoit tout ce qui avoit de l'éclat, pensa qu'il feroit une chose utile pour sa gloire s'il faisoit rebâtir avec une magnificence digne de lui le collége dans lequel il avoit étudié la théologie. L'architecte Le Mercier, qui avoit déjà bâti pour lui le Palais-Royal, fut chargé de lui présenter un plan, tant pour la construction d'une église que pour celle des bâtiments qui devoient l'accompagner. La première pierre de la maison[591] fut posée en 1627 par l'archevêque de Rouen; il posa lui-même celle de l'église en 1635. Cependant elle ne fut achevée que long-temps après sa mort, en 1653, comme le constatoit une inscription attachée au portail du côté de la cour.
Cette église, dont l'architecture a été présentée par tous les historiens de Paris comme un chef-d'œuvre digne de la plus grande admiration, se compose du côté de la place d'un portail décoré de deux ordres corinthien et composite élevés l'un sur l'autre, et assez semblable pour la masse à celui du Val-de-Grâce. Du côté de la cour, l'édifice est également terminé par un portail qui n'a qu'un seul ordre; il est élevé sur des marches, couronné d'un fronton, et, à quelques égards, conçu d'après le système du portique du Panthéon à Rome; mais l'espacement inégal des colonnes et leur accouplement aux angles de cette construction nuisent beaucoup à sa beauté. Le reste de cette façade, ouverte par deux étages de croisées, manque de caractère; la multiplicité des corps et des profils en détruit l'effet, et lui donne autant l'air d'un palais que d'une église. Au milieu de ces deux morceaux d'architecture s'élève un dôme dont les campanilles trop petites ne donnent point à l'ensemble cette forme pyramidale qui rend si agréable l'aspect de Saint-Pierre de Rome et de Saint-Paul de Londres. Au total, il y a plus de richesse et de prétention que de véritable beauté dans cette composition.
L'intérieur, décoré d'un ordre de pilastres couronné par une corniche, étoit remarquable par l'éclat des marbres qui brilloient dans le pavement et dans les deux autels placés en face de chaque portail, ainsi que par les belles peintures que Philippe de Champagne avoit exécutées dans quelques parties du dôme; mais les curieux y admiroient surtout le mausolée du cardinal de Richelieu, lequel passoit pour le chef-d'œuvre de Girardon[592].
CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE DE LA SORBONNE.
TABLEAUX.
Au-dessus du grand autel, le Père Éternel dans une gloire; par Le Brun.
Dans une des petites chapelles pratiquées dans l'épaisseur des piliers du dôme, la prédication de saint Antoine; par Noël-Nicolas Coypel.
Dans une autre, saint Hilaire, évêque de Poitiers; par le même.
Dans une troisième, saint Paul recouvrant la vue; par Brenet. Dans les pendentifs du dôme, les quatre Pères de l'église, peints à fresque par Philippe de Champagne.
Dans la grande salle des actes, les portraits des papes depuis Benoît XIV, donnés successivement à la Sorbonne par chacun des pontifes régnant; ceux de Louis XV, du roi Stanislas, de Louis XVI et de quelques proviseurs de la maison, depuis le cardinal de Richelieu.
Dans la bibliothèque, le portrait en pied du cardinal; celui de Michel Le Masle, son secrétaire; un portrait très-ressemblant du célèbre Érasme, et ceux de plusieurs autres hommes célèbres.
SCULPTURES.
Sur le grand autel, construit d'après les dessins de Bullet, et décoré de six colonnes corinthiennes avec bases et chapiteaux de bronze doré, un Christ de marbre blanc de six à sept pieds de proportion sur un fond de marbre noir; par Michel Anguier.
Sur le fronton qui couronnoit cette ordonnance, deux anges; par Tuby et Vancleve.
Entre les colonnes, une statue de la Vierge en marbre; par Louis Le Comte; un saint Jean l'Évangéliste; par Cadène.
Entre les pilastres de la nef, les statues des douze Apôtres et plusieurs anges de grandeur naturelle; par Berthelot et Guillain.
Dans la chapelle de la Vierge, une statue de cette mère du Sauveur tenant l'enfant Jésus entre ses bras; par Desjardins.
Dans la bibliothèque, le buste en bronze du cardinal de Richelieu; par Jean Varin[593].
SÉPULTURES.
Au milieu du chœur, le mausolée de ce fameux ministre, exécuté par Girardon[594]. Le corps du cardinal étoit déposé dans un caveau pratiqué au-dessous de ce monument.
La bibliothèque, l'une des plus nombreuses et des plus précieuses de Paris, contenoit près de soixante mille volumes et cinq mille manuscrits, parmi lesquels dominoient les ouvrages de théologie. On y comptoit environ huit cents bibles différentes, dont plusieurs étoient des premiers temps de l'imprimerie; plusieurs manuscrits sur vélin ornés de miniatures et de vignettes dorées; une collection d'estampes très-rares; des globes d'une grande dimension; une sphère armillaire en cuivre, etc., etc.
Quant au régime intérieur de cette maison, il paroît certain que, dès les premiers temps, on y admit des docteurs, des bacheliers, boursiers et non boursiers, de pauvres étudiants: il y en avoit même encore à la fin du siècle dernier. Ceux qui l'habitoient furent dès-lors distingués par les noms d'hôtes et d'associés, et on les recevoit de quelque pays qu'ils pussent être. Ce premier réglement n'a pas cessé un moment d'être en vigueur: les hôtes restoient dans la maison jusqu'à ce qu'ils eussent obtenu le bonnet de docteur, ou l'espace de deux années après avoir reçu la bénédiction de licence; seulement leur nom avoit été changé en celui de docteurs ou bacheliers de la maison de Sorbonne, tandis que les associés-boursiers portoient celui de docteurs ou bacheliers de la maison et société de Sorbonne. Du reste l'égalité la plus parfaite régnoit entre tous les membres; ils n'admettoient ni maîtres ni disciples, et cette sagesse de leurs réglements ne s'est pas démentie un seul instant[595].
Les écoles extérieures étoient situées sur la place de Sorbonne. C'étoit un vaste bâtiment dans lequel se faisoit la distribution des prix de l'Université, en présence du parlement[596].
COLLÉGES, ÉCOLES, etc.
Collége d'Autun (rue Saint-André-des-Arcs).
Ce collége avoit été fondé par Pierre Bertrand, d'abord évêque de Nevers, ensuite d'Autun, et depuis cardinal; c'est la raison pour laquelle dans plusieurs actes il est indiqué sous le nom de collége du cardinal Bertrand. Dès l'année 1336, ce prélat, dans l'intention de faire une fondation de ce genre, avoit acheté quelques bâtiments contigus à une maison qu'il possédoit dans la rue et vis-à-vis l'église Saint-André. Les formalités nécessaires pour consolider son entreprise ne lui permirent pas de la commencer avant l'année 1341; et c'est en effet en cette année et non en 1337, comme l'ont prétendu divers historiens, que fut passé l'acte de fondation pour un principal, un chapelain et quinze boursiers, dont cinq devoient étudier en théologie, cinq en droit et cinq en philosophie. Leur nombre s'augmenta depuis de trois boursiers, par les libéralités d'Oudard de Moulins, qui les fonda en 1398, et de trois autres fondés en 1644 par François de Sazéa, évêque de Bethléem et principal de ce collége. La réunion qu'on en fit en 1764 au collége de Louis-le-Grand fit naître l'idée de placer l'école de dessin dans ses bâtiments, ce qui fut exécuté quelques années après[597].
Collége de Boissi (rue du Cimetière-Saint-André).
La plupart de ceux qui ont écrit sur Paris ont également varié et sur la date et sur l'auteur et sur les clauses de cette fondation. En rétablissant les faits d'après les actes les plus authentiques, on trouve que Godefroi ou Geoffroi Vidé, prêtre, chanoine de l'église de Chartres, et clerc du roi, mort en 1354, avoit ordonné par son testament que ce qui resteroit de son bien, après les legs payés, fût distribué aux pauvres de Paris et à ceux de Boissi-le-Sec, lieu de sa naissance, si toutefois les exécuteurs testamentaires ne jugeoient pas à propos d'en disposer autrement. La fondation d'un collége leur parut une chose plus utile que cette distribution; et Étienne Vidé, l'un d'eux, neveu du testateur, chanoine de Laon et de Saint-Germain-l'Auxerrois, offrit à cet effet la maison qu'il occupoit rue Saint-André et des Deux-Portes, et deux autres maisons contiguës. Cette fondation fut faite pour six écoliers, dont le plus ancien devoit être appelé maître, et un chapelain, avec cette clause que tous seroient pris dans la famille de Geoffroi et d'Étienne; à leur défaut, parmi les pauvres du village de Boissi-le-Sec; enfin s'il ne s'en trouvoit point dans ceux-ci qui eussent la capacité suffisante, ces boursiers devoient être choisis sur la paroisse Saint-André par les exécuteurs testamentaires, et après eux par le chancelier de l'église de Paris et le prieur des Chartreux. Par le même acte, Étienne Vidé déclare expressément qu'il veut que ces boursiers soient pauvres, et de basse extraction, comme lui et ses ancêtres avoient été, quí non sint nobiles, sed de humili plebe, et pauperes, sicut nos et prædecessores nostri fuimus, ce qui détruit sans réplique l'opinion de quelques auteurs qui veulent que Geoffroi et Étienne fussent seigneurs de Boissi-le-Sec. Le fondateur désiroit aussi qu'après sa mort le nombre des boursiers fût porté à douze, si ses facultés le permettaient; mais ce vœu n'eut point son exécution, et l'on ne voit d'autre augmentation que celle d'une septième bourse dont ce collége fut redevable, en 1717, à Guillaume Hodei. En 1519, Michel Chartier, principal de ce collége, y avoit fait bâtir une chapelle sous l'invocation de la sainte Vierge, de saint Michel et de saint Jérôme.
Le collége de Boissi est un de ceux qui furent réunis à l'Université à la fin du siècle dernier[598].
Le Collége Mignon, dit depuis de Grandmont (rue Mignon).
Ce collége fut fondé, en 1343, par Jean Mignon, archidiacre de Blois dans l'église de Chartres[599], et maître des comptes à Paris. Il l'institua pour douze écoliers qui devoient être pris, autant qu'il seroit possible, dans sa famille, et acquit dans cette intention, rue de l'Écureuil et des Petits-Champs, quelques maisons qu'il fit amortir; mais la mort l'empêcha d'exécuter ce projet, dont l'entier achèvement fut confié à ses exécuteurs testamentaires. Ils y mirent assez de lenteur pour que l'Université se crût autorisée à en porter des plaintes au roi Jean, qui régnoit alors. Par un arrêt du conseil rendu en 1353[600], huit ans après la mort du testateur, il fut ordonné que Robert Mignon, exécuteur du testament de son frère, achèteroit avant Noël des rentes suffisantes pour l'entretien de douze écoliers, leur abandonnerait la maison qu'occupoit Jean Mignon, ou une autre de même valeur; y construiroit une chapelle, etc., etc. Par ce même arrêt le roi amortit les biens destinés à la fondation de cette chapelle, et s'en déclara le fondateur, se réservant tous les droits d'administration. La chapelle, bâtie par les soins de Michel Mignon, fils de Robert, fut dédiée sous l'invocation de saint Gilles et saint Leu[601].
Les choses restèrent en cet état jusqu'au règne de Henri III. Ce prince, voulant procurer un établissement aux Hiéronymites qu'il avoit amenés de Pologne, les plaça d'abord dans un logement qu'il avoit fait construire sur une partie de l'emplacement du palais des Tournelles, et, peu de temps après, jugea à propos de les transférer au bois de Vincennes à la place des religieux de Grandmont. Ceux-ci reçurent alors, en échange de l'habitation qu'on leur enlevoit, le collége de Mignon et 12000 livres de rente. Il fut convenu qu'on y mettroit un prieur et sept religieux, lesquels feroient les études convenables pour céder ensuite la place à d'autres, arrangement qui fut confirmé par des lettres-patentes données en 1584, et par des bulles du pape de 1585. Malgré les oppositions que l'Université crut mal à propos devoir y mettre[602], ce collége, connu depuis ce temps sous le nom de Grandmont, fut occupé par ces religieux jusqu'en 1769, époque à laquelle il fut réuni à celui de Louis-le-Grand. Vingt ans auparavant, en 1749, la chapelle avoit été agrandie et décorée d'un portail[603].
Collége de Vendôme (rue du Jardinet).
Ce collége, qui occupoit avec l'hôtel du même nom l'espace compris entre la rue du Jardinet et celle du Battoir, fut démoli en 1441. Le procès-verbal fait à l'occasion de cette démolition ne donne aucun renseignement au sujet de sa fondation.
Collége de Tours (rue Serpente).
Il doit sa fondation à Étienne de Bourgueil, archevêque de la ville dont il a pris le nom. Tous les historiens en fixent l'époque à l'année 1333. Jaillot seul prétend avoir lu un acte qui en fait remonter l'existence jusqu'en 1330. Ce collége avoit été fondé pour un principal et six boursiers dont l'archevêque de Tours s'étoit réservé la nomination pour lui et pour ses successeurs. La mauvaise administration de ceux qui le dirigeoient, et les dettes qu'ils avoient successivement contractées, avoient forcé de vendre une partie des biens destinés à la fondation et de suspendre les bourses, lorsque ce collége fut enfin réuni à celui de l'Université[604].
Collége de Suède (même rue).
Ce collége existoit en 1333, et il en est fait mention dans l'acte de fondation de celui des Lombards, daté de la même année. Nous n'avons pu découvrir ni quand il a été fondé, ni quand il a été détruit.
Collége de Notre-Dame de Bayeux (rue du Foin).
Ce collége, plus communément appelé collége de Maître Gervais, fut fondé par maître Gervais Chrétien, chanoine des églises de Bayeux et de Paris, physicien, c'est-à-dire médecin de Charles V. Les libéralités de ce prince l'avoient rendu propriétaire de trois maisons situées rue Erembourg-de-Brie, et de deux autres rue du Foin, qui étoient contiguës aux premières. Ce fut par leur réunion qu'il forma son collége, auquel il assigna des revenus pour l'entretien de vingt-quatre boursiers. Le contrat de fondation est, suivant Jaillot, du 20 février 1370. Charles V l'approuva par ses lettres données en 1378, augmenta la fondation de deux bourses destinées à des étudiants en mathématiques, y ajouta la concession des dîmes de Saineville et de Caenchi, etc., et voulut mettre le comble à ses bienfaits en honorant ce collége du titre de fondation royale.
L'année même de sa création, on avoit réuni aux écoliers du collége de Bayeux ceux d'un petit collége que Robert Clément avoit fondé, rue Hautefeuille, quelques années auparavant, et auxquels le fondateur n'avoit laissé que la maison qu'ils habitoient et 18 livres de rente, somme insuffisante pour les faire subsister. Le collége de Bayeux fut lui-même réuni, dans le siècle dernier, au collége de l'Université[605].
Collége de Bourgogne (rue des Cordeliers).
Ce collége s'honoroit d'avoir pour fondatrice Jeanne, comtesse de Bourgogne, épouse de Philippe-le-Long. Cette princesse avoit ordonné par son testament, fait en 1329, que son hôtel de Nesle seroit vendu, et que le prix qui en proviendroit serviroit à l'établissement d'un collége, dans lequel on recevroit vingt pauvres écoliers de la province de Bourgogne, auxquels elle léguoit en outre une somme de 200 livres. Ses exécuteurs testamentaires, ayant vendu l'hôtel de Nesle au duc de Berri, achetèrent en conséquence une maison vis-à-vis les Cordeliers, dans laquelle ils établirent, en 1331, un collége tel qu'elle l'avoit prescrit, sous le nom de Maison des écoliers de madame Jeanne de Bourgogne, reine de France. Cette fondation fut approuvée par le pape Jean XXII et par Guillaume de Chanac, évêque de Paris, en 1334 et 1335. Vers le même temps on érigea dans ce collége une chapelle sous l'invocation de la Vierge.
Cette fondation avoit été faite pour vingt boursiers étudiant en philosophie et non en d'autres facultés; et parmi eux devoient être choisis le principal et le chapelain. En 1340 on fonda un second chapelain. Par arrêt donné en 1536 il fut ordonné que les boursiers ne pourroient rester plus de cinq ans dans la maison; enfin, le 6 novembre 1607, le nombre des bourses fut réduit à dix, y compris le principal et les deux chapelains, par ordonnance du chancelier de l'église de Paris et du gardien des Cordeliers, proviseurs et administrateurs nés de ce collége; toutefois avec cette clause qu'on y donneroit le logement seulement à dix autres écoliers du comté de Bourgogne, lesquels seroient choisis de préférence pour remplir les places de boursiers qui viendroient à vaquer.
Le collége de Bourgogne avoit suivi le sort des autres petits colléges qui n'étoient pas de plein exercice, et sa réunion à l'Université avoit été faite en 1764. L'académie royale de chirurgie, placée dans la même rue entre l'église des Cordeliers et celle de Saint-Côme, se trouvant trop resserrée, et n'ayant pu jusqu'alors accroître ses bâtiments, profita de cette circonstance pour obtenir, en 1768, un arrêt du conseil qui nomma des commissaires et les autorisa à faire au nom du roi l'acquisition de ce collége et de quatre maisons qui en dépendoient, afin d'y placer les écoles de cette compagnie. Cette acquisition fut faite le 9 mars 1769.
Collége de Dainville (rue des Cordeliers).
Michel de Dainville, archidiacre d'Ostrevant, au diocèse d'Arras, fonda ce collége en 1380, tant en son propre nom que comme exécuteur testamentaire de Gérard et de Jean de Dainville ses frères. Cette fondation fut faite pour douze boursiers, parmi lesquels on devoit choisir le principal et le procureur, et dont six devoient être du diocèse d'Arras, six de celui de Noyon. Le fondateur les établit dans une maison qu'il possédoit à l'angle que forme la rue de la Harpe avec celle des Cordeliers; et sur le mur on plaça une sculpture qui représentoit les rois Jean et Charles V, avec les fondateurs, présentant à la sainte Vierge le principal et les boursiers de ce collége; il a été réuni en 1763 à celui de l'Université[606].
École gratuite de dessin (même rue).
Cette école, érigée par lettres-patentes du 20 octobre 1767, et placée d'abord dans les bâtiments du collége d'Autun, rue Saint-André-des-Arcs, fut ensuite transférée dans la rue des Cordeliers, à l'ancien amphithéâtre de Saint-Côme. Elle avoit été ouverte en faveur de cent cinquante jeunes gens que l'on y recevoit, quelle que fût leur profession, et même sans aucune profession, pourvu qu'ils eussent atteint l'âge de huit ans. Ils y apprenoient, suivant que leurs dispositions les y portoient, quelque branche de cet art, telles que l'architecture, la figure, les animaux, les fleurs, l'ornement, etc.; et, tous les ans, on y distribuoit de grands prix avec beaucoup de solennité.
Le roi étoit le protecteur de cette école, dont le lieutenant de police présidoit le bureau d'administration[607].
Collége de Séez (rue de la Harpe).
Ce collége fut fondé en 1427 par Jean Langlois, exécuteur testamentaire de Grégoire Langlois son oncle, évêque de Séez, pour huit boursiers, y compris le principal et le chapelain, dont quatre devoient être du diocèse de Séez et quatre de celui du Mans. La nomination de ces bourses se partageoit entre l'évêque de Séez et l'archidiacre de Passais. Jean Aubert, principal du collége de Laon, et commissaire député de l'évêque de Séez, y joignit depuis deux bourses nouvelles qui furent prises sur les sommes économisées par le principal de ce collége.
En 1737, le prélat qui tenoit alors le siége de cette ville donna par contrat une somme de 40,000 livres à rente à ce collége, sous la condition que la moitié du revenu seroit mise en réserve et accumulée jusqu'à ce qu'elle formât 10,000 livres pour chacune des trois bourses, à la fondation desquelles cette somme étoit réservée. Il paroît que la première somme avoit été fournie par le diocèse de Séez, et par conséquent que la rente lui en appartenoit.
La plus grande partie des bâtiments de ce collége, qui a été réuni à celui de l'Université, avoit été reconstruite en 1730, ainsi que le témoignoit une inscription placée au-dessus de la porte. On prétend que ces constructions nouvelles, dues aux libéralités de M. Charles-Alexandre Lallemand, évêque de Séez, avoient coûté près de 100,000 livres[608].
Collége de Bayeux (même rue).
Le nom de ce collége, et la qualité du fondateur qui étoit alors évêque de Bayeux, pourroient faire penser qu'il avoit été destiné pour des écoliers de ce diocèse; cependant ils n'y avoient aucun droit. Guillaume Bonnet, ce fondateur dont nous parlons, étoit né dans un lieu dépendant de l'archidiaconé de Passais, au diocèse du Mans; ce fut dans celui d'Angers qu'il fut élevé. Il y posséda des bénéfices et des dignités; et ce fut pour donner un témoignage éclatant de sa reconnoissance qu'il résolut, lorsqu'il fut monté sur le siége de Bayeux, de fonder à Paris un collége en faveur de douze boursiers, dont six seroient pris dans le diocèse du Mans et six dans l'évêché d'Angers. L'acte est daté de l'année 1308, et contient le détail des rentes et maisons qu'il affectoit à l'entretien de ce collége[609]. Robert Benoît, son exécuteur testamentaire, en dressa les statuts en 1315. D. Félibien dit qu'il ajouta quatre nouveaux boursiers aux douze anciens: cette nouvelle fondation est en effet ordonnée par le premier article des statuts; mais on ne trouve aucune preuve qu'elle ait été exécutée. Le collége de Bayeux a été réuni à l'Université[610].
Collége de Justice (même rue).
Ce collége a pris le nom de Jean de Justice, chantre de Bayeux, chanoine de Paris et conseiller du roi. Dans l'intention de faire cette fondation, il avoit acheté quelques maisons appartenant à l'Hôtel-Dieu et situées rue de la Harpe, entre l'hôtel de Clermont et les dépendances du collége de Bayeux[611]; mais sa mort, arrivée en 1353, l'ayant empêché de consommer son ouvrage, ses exécuteurs testamentaires se trouvèrent chargés de ce soin, qu'ils remplirent dès l'année suivante. Les historiens de Paris ne sont pas d'accord sur cette date, qui cependant doit être la bonne par plusieurs raisons, et principalement parce qu'elle est celle de l'acte d'amortissement qui se trouvoit autrefois dans les archives de Saint-Germain. Ce collége avoit été destiné pour douze boursiers, étudiant en médecine et en philosophie, parmi lesquels étoient choisis le principal, le chapelain et le procureur, et dont huit devoient être pris dans le diocèse de Rouen et quatre dans celui de Bayeux. Six nouvelles bourses furent fondées à diverses époques et par divers particuliers; et toutes furent suspendues en 1761, à l'exception de deux, pour fournir aux frais de la reconstruction des bâtiments. En 1764 ce collége fut réuni à l'Université.
Collége de Narbonne (même rue).
Ce collége avoit été fondé, en 1317, par Bernard de Farges, archevêque de Narbonne, dans une maison qu'il occupoit rue de la Harpe. Ce fut là qu'il voulut retirer neuf pauvres écoliers de son diocèse, à l'entretien desquels il assigna les revenus du prieuré rural de Sainte-Marie-Magdeleine, situé dans les environs de la ville archiépiscopale. Un jurisconsulte nommé Amblard Cérène, désira participer à cette bonne œuvre, et y fonda peu de temps après une bourse pour un chapelain. Mais sa plus grande illustration lui vint d'un pauvre écolier qu'on y avoit reçu par grâce, vu qu'il n'étoit pas du diocèse de Narbonne, et que par conséquent il n'avoit aucun droit d'y être admis. Cet écolier, nommé Pierre Roger, devenu pape sous le nom de Clément VI, après avoir passé par toutes les dignités de l'église, eut assez de grandeur d'âme pour ne point rougir de la bassesse de son premier état, et pour reconnoître hautement ce qu'il devoit à l'asile hospitalier où il avoit été élevé. Voulant laisser à ce collége un monument perpétuel de sa reconnoissance[612], il y fonda dix bourses, auxquelles il affecta pour dotation le prieuré de Notre-Dame de Marseille près de Limoux. Les premiers statuts n'y admettoient que des étudiants dans la faculté des arts et dans celle de théologie[613]; on y fit entrer depuis, en 1379, des élèves en médecine, et en droit civil et canon[614]. Ceux-ci en furent exclus en 1544 par les nouveaux réglements que donna le cardinal de Lorraine, archevêque de Narbonne[615]. Ce prélat fixa le nombre des boursiers à seize, y compris le principal, le procureur et le chapelain, et fit aussi quelques dispositions nouvelles dans les sommes assignées pour leur entretien.
La modicité du revenu de ces bourses et la caducité des bâtiments de ce collége l'avoient fait insensiblement abandonner au point qu'il n'y restoit que le principal, lorsqu'en 1760 on commença à le rebâtir. Il a été réuni à l'Université[616].
Collége de Harcour (même rue).
Ce collége, également fameux par son antiquité et par une suite non interrompue d'excellents professeurs, fut fondé en 1280 par Raoul de Harcour, chanoine de Paris. Issu d'une des plus illustres familles de la Normandie, et successivement élevé à plusieurs dignités ecclésiastiques dans les villes de Coutances, d'Évreux, de Bayeux et de Rouen, il résolut de procurer à de pauvres écoliers de sa province le moyen de s'instruire dans les arts et dans la théologie. Il acquit à cet effet quelques vieilles maisons situées dans la rue Saint-Côme, dite aujourd'hui de la Harpe, et y plaça aussitôt quelques écoliers. Son intention étoit de les faire abattre pour élever un collége sur leur emplacement; mais la mort vint le surprendre avant qu'il eût accompli son dessein. Son frère Robert de Harcour, évêque de Coutances, qu'il avoit chargé de remplir ses intentions, acheva ce qui étoit commencé, et augmenta les bâtiments par l'acquisition de trois maisons, situées vis-à-vis les premières[617], et qu'il fit rebâtir à neuf, ajoutant à ce don celui de 250 livres de rente amortie, pour l'entretien de vingt-quatre boursiers, seize artiens et huit théologiens, tous pris dans les diocèses nommés ci-dessus. Clément V accorda, en 1313, à ce collége, la permission d'avoir une chapelle et d'y faire célébrer l'office divin[618]. Les artiens occupoient alors les premiers bâtiments donnés par Raoul de Harcour, et les théologiens avoient été logés vis-à-vis dans ceux qu'avoit achetés son frère Robert. Comme la chapelle étoit située de ce côté, on pratiqua sous la rue un passage de communication d'une maison à l'autre.
Le cartulaire de ce collége et les historiens de Paris font mention de plusieurs autres bourses fondées dans ce collége par divers particuliers[619]. Elles subsistèrent jusqu'en 1701, que de nouveaux réglements en réduisirent le nombre, pour les mettre dans un juste rapport avec les revenus qui y étoient affectés. Long-temps auparavant l'introduction de l'exercice des classes, la réputation des professeurs et le nombre toujours croissant des pensionnaires avoient fait penser aux moyens de l'agrandir: on y parvint par l'acquisition des maisons contiguës qui appartenoient au collége de Bayeux, et de l'hôtel des évêques d'Auxerre, qui tenoit aux murs et à la porte d'Enfer. Cet espace fut encore augmenté en 1646 par le don que fit Louis XIII d'une place, d'une tour, du mur, du rempart, du fossé, de la contrescarpe et des matériaux provenant de la démolition des murailles, qui l'avoisinoient, à la charge d'y faire construire et édifier une chapelle sous l'invocation de la Vierge et de saint Louis. Lorsque les bâtiments élevés sur cet emplacement furent achevés, on loua à des particuliers ceux qui jusqu'alors avoient été occupés par des artiens. En 1675 on construisit de nouveaux bâtiments et l'on éleva un portail énorme, chargé d'ornements d'architecture du plus mauvais goût, pour servir d'entrée à ce collége.
Il étoit de plein exercice et s'est soutenu jusqu'à la fin avec une grande et juste réputation[620].
Collége du Trésorier (rue Neuve de Richelieu).
Il est redevable de son nom et de sa fondation à Guillaume de Saône, trésorier de l'église de Rouen. L'acte qui constate cette fondation est daté du mois de novembre 1268. Quelques auteurs la placent par erreur une année plus tard, et l'un d'entre eux, Le Maire, ajoute que ce collége ne fut formé que pour douze boursiers, six grands et six petits. Le fait est que cette fondation fut faite en faveur de vingt-quatre boursiers, douze dans la faculté de théologie et douze dans celle des arts, lesquels devoient être pris dans les archidiaconés du grand et du petit Caux, diocèse de Rouen. Il n'y restoit plus que quatre grands boursiers et quatre petits, lorsqu'il fut réuni en 1763 au collége de l'Université[621].
Collége de Cluni (place de Sorbonne).
Ce collége fut fondé en faveur des religieux de cet ordre qui viendroient étudier à Paris. Jusque là ils n'avoient point eu de maison, et demeuroient dans l'hôtel des évêques d'Auxerre, attenant à la porte dite depuis de Saint-Michel. Nos historiens varient sur l'époque de sa fondation, qu'il faut vraisemblablement fixer à l'année 1269, ainsi que le portoit une inscription gravée dans le cloître. Les annales de Cluni nomment Yves de Poyson comme fondateur de ce collége; il pourroit bien y avoir erreur dans ce nom, car tous les auteurs et l'inscription même que nous venons de citer en font honneur à Yves de Vergi, abbé de Cluni, et à Yves de Chassant, son neveu et son successeur, lequel fit achever ce que son oncle avoit commencé[622]. Vers l'an 1308 Henri de Fautières, aussi abbé de Cluni, mit la dernière main à cette fondation, en donnant à cette maison des statuts pleins de sagesse, et auxquels on se conformoit encore dans les derniers temps[623].
Le Collége Notre-Dame-des-Dix-Huit (rue des Poirées).
Dans le projet qu'il avoit d'agrandir l'emplacement de la Sorbonne, le cardinal de Richelieu avoit acheté un ancien hôtel jadis possédé par les abbés du Bec, ainsi que quelques maisons voisines, accompagnées de jardins. La rue des Poirées fut alors coupée, et vint tourner en équerre dans celle des Cordiers. Sur le terrain qui restoit entre ce retour et la rue de Cluni, terrain qui a servi depuis de jardin à la maison de Sorbonne, étoit le petit collége dont nous parlons. Aucun historien n'a donné sur son origine de renseignements satisfaisants, et nous n'aurions que des conjectures vagues sur ce point d'antiquité, si Jaillot n'eût découvert un mémoire manuscrit fait par Jean-Jacques de Barthes, docteur en droit et principal de ce collége[624], dans lequel il expose «qu'en 1171 Jocius de Londonna, de retour de Jérusalem, étant allé à l'Hôtel-Dieu, y vit une chambre dans laquelle, de toute ancienneté, logeoient de pauvres écoliers. Il l'acheta 52 livres du proviseur dudit Hôtel-Dieu, de l'avis, conseil et permission de Barbe d'or, doyen de Notre-Dame. Il la laissa audit Hôtel-Dieu, à la charge qu'il fourniroit des lits à ces pauvres écoliers, auxquels il assigna douze écus par mois, provenant des deniers qui se recevroient de la confrérie, et à la charge que lesdits clercs porteroient, chacun à leur tour, la croix et l'eau bénite devant les corps morts dudit Hôtel-Dieu, et qu'ils réciteroient chaque nuit les psaumes pénitentiaux et les oraisons pour les morts.» Dans ce même mémoire, il est fait mention de lettres du prévôt de Paris données en 1384, lesquelles rappellent une ordonnance du roi Charles VI, dont l'objet est de faire payer à ces écoliers une somme de 200 livres pour arrérages de celle de 20 livres qu'ils avoient le droit de prendre tous les ans sur le trésor du roi. Ils étoient redevables de cette rente à Gaucher de Chastillon, connétable de France, qui la leur avoit donnée en 1301.
Il paroît par quelques actes qu'ils furent d'abord logés dans une maison vis-à-vis l'Hôtel-Dieu. On les transféra ensuite rue des Poirées. Le chapitre Notre-Dame avoit l'inspection sur ce collége, auquel il avoit donné son nom; et les boursiers, réduits, dans les derniers temps, au nombre de huit, étoient à la nomination du chapitre. Depuis la destruction de leur collége, ils n'avoient plus de lieu affecté pour leur demeure.
Il avoit été fondé dans la rue des Poitevins, par Jean Mignon, pour y recevoir vingt-cinq bonnes femmes, et portoit son nom, ainsi que le collége dont il étoit fondateur.
HÔTELS.
Hôtel des Abbés de Saint-Denis (rue des Grands-Augustins).
Cet hôtel ou collége, bâti par Matthieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, couvroit tout l'espace renfermé entre les rues Contrescarpe et Saint-André, partie de la rue Dauphine, et le terrain sur lequel on a depuis ouvert les rues d'Anjou et Christine. Il avoit en outre pour dépendances, de l'autre côté de la rue des Grands-Augustins, une grande maison avec jardins que l'on a successivement appelée la maison des Trois Charités Saint-Denis, l'hôtel des Charités Saint-Denis, enfin l'hôtel Saint-Cyr, nom qu'elle portoit à la fin du siècle dernier. Une galerie couverte, et qui traversoit la rue, servoit de communication de l'un à l'autre bâtiment.
Hôtel de Savoie (rue de Savoie).
Cet hôtel s'étendoit en partie jusqu'à la rue des Grands-Augustins. Il fut vendu, en 1670, à divers particuliers par madame Marie-Jeanne-Baptiste, épouse de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, prince de Piémont, à laquelle il appartenoit, comme seule héritière de Charles-Amédée de Savoie son père, duc de Génevois, de Nemours et d'Aumale; et de Henri de Savoie son oncle, etc.
Hôtel de Gaucher de Châtillon et de l'évêque de Noyon (rue Pavée).
L'hôtel de Gaucher de Châtillon, connétable de France, étoit situé à droite en entrant par le quai. Il passa ensuite aux évêques d'Autun en 1331, à ceux de Laon en 1393; l'un d'eux le donna à son église en 1552; son successeur le céda à rente au duc de Nemours, qui le fit rebâtir. Ce fut dans cet hôtel que logea le duc de Savoie lorsqu'il vint à Paris en 1599 pour traiter avec Henri IV, qui demandoit la restitution du marquisat de Saluces.
Il paroît que l'évêque de Noyon avoit aussi son hôtel dans cette rue, et quelques actes en font mention; mais on ignore dans quel endroit il étoit situé[625].
Hôtels de la duchesse d'Étampes, et d'Hercule (quai des Augustins).
Le premier de ces deux hôtels étoit situé au coin de la rue Gilles-Cœur, et s'étendoit jusqu'à celle de l'Hirondelle, où étoit sa principale entrée. Il avoit appartenu à Louis de Sancerre, connétable, et il est probable qu'avant lui on y avoit réuni un hôtel des évêques de Chartres. Ceux-ci le possédèrent encore depuis, ainsi que les évêques de Clermont; enfin il appartenoit à M. Dauvet, maître des requêtes, lorsque Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes, vint y demeurer, et engagea François Ier à en faire l'acquisition. Ce prince en fit démolir une partie, qui fut rebâtie avec plus de luxe et d'élégance, et ornée de chiffres et de devises. Au commencement du dix-septième siècle, il s'appeloit l'hôtel d'O et appartenoit à M. Séguier. Le mariage de sa fille avec le duc de Luines lui fit prendre ce dernier nom. Il le conserva jusqu'en 1671, qu'on le démolit en grande partie, pour le vendre à des particuliers. C'est dans cet hôtel que le chancelier Séguier se réfugia le 7 août 1648, pour éviter la fureur de la populace lors des barricades.
Le nom d'Hercule que portoit le second hôtel lui avoit été donné parce qu'on avoit peint dans les appartements, et même à l'extérieur, les aventures de ce héros fabuleux. Ces peintures avoient été faites aux frais de Jean de La Driesche, président de la chambre des comptes, qui le vendit à M. Louis Hallevin, seigneur de Piennes et chambellan du roi. Auparavant il avoit été possédé par le comte de Sancerre. Charles VIII l'acheta ensuite de M. de Piennes, avec tous les meubles de fer et de bois qui s'y trouvoient, moyennant la somme de 10,000 livres.
Sous Louis XII, cet hôtel étoit occupé par Guillaume de Poitiers, seigneur de Clerieu, auquel ce prince l'avoit probablement abandonné. François Ier le donna ensuite au chancelier du Prat[626] et à ses descendants. Cet hôtel, qui étoit extrêmement vaste, puisqu'il s'étendoit depuis la rue des Augustins jusqu'à la seconde maison de la rue Pavée, et dans l'autre dimension jusqu'aux jardins de l'abbé de Saint-Denis, avoit été habité par des hôtes du rang le plus illustre. L'archiduc Philippe d'Autriche, allant de Flandres en Espagne, y logea en 1499; il servit de demeure à Jacques V, roi d'Écosse, lorsqu'il vint à Paris, en 1536, pour épouser Magdeleine de France; ce fut dans cet hôtel qu'on remit à Henri III l'ordre de la Jarretière; et Favier dit que, de son temps, tous les chapitres de l'ordre du Saint-Esprit s'y sont tenus.
Hôtel de Thouars (rue des Trois-Chandeliers).
Cet hôtel, nommé depuis la maison des Carneaux, faisoit le coin de la rue où il étoit situé, et appartenoit aux vicomtes de Thouars, depuis créés ducs de La Trémouille. Ils le laissèrent tomber en ruines, et l'abandonnèrent, en 1379, à la fabrique de Saint-Germain-le-Vieux.
Les abbés de Clairvaux avoient à côté, dans la rue de la Huchette, une maison avec jardins, qui fut appelée d'abord la maison de Pontigni: elle étoit située vis-à-vis celle d'Arnauld de Corbie, chancelier de France.
Hôtels divers (rue Saint-André-des-Arcs).
Cette rue renfermoit un assez grand nombre d'hôtels remarquables. Auprès de la rue Gilles-Cœur étoit celui d'Arras ou d'Artois; celui des comtes d'Eu étoit situé entre les rues Pavée et des Grands-Augustins; au coin de la première de ces deux rues on trouvoit la maison du chancelier Poyet. Enfin on y voyoit deux hôtels de Navarre: le premier, situé entre la rue de l'Éperon et la porte Buci, appartenoit à Philippe de France, duc d'Orléans, ce qui lui fit donner le nom de Séjour d'Orléans; on le voit successivement passer à Louis d'Orléans, son petit-neveu; à Charles VI, qui le donna, en 1400, au comte de Savoie; ensuite au duc de Berri; à Louis, duc de Guyenne, en 1411; il appartint depuis à Louis XI, qui en donna une partie à Jacques Coytier, son médecin; enfin à Louis XII, qui le vendit en 1489. Le second hôtel de Navarre étoit situé de l'autre côté: Jeanne, reine de France, le légua pour la fondation d'un collége, que ses exécuteurs testamentaires préférèrent transporter à la montagne Sainte-Geneviève[627]. L'hôtel fut alors vendu, et celui de Buci s'éleva sur son emplacement. Il a formé depuis les grand et petit hôtels de Lyon, situés rues Saint-André et Contrescarpe, dans lesquels étoient établies des messageries.
Hôtel de Besançon (rue Gilles-Cœur).
Les titres qui font mention de cet hôtel l'indiquent comme faisant le coin de cette rue et de la rue de l'Hirondelle.
Hôtel des comtes de Mâcon (rue de Mâcon).
Cet hôtel, situé dans cette rue, s'étendoit sur celle de la Vieille-Bouclerie. On ne dit point en quel temps il a été démoli.
Hôtels divers (rue Hautefeuille).
On y remarquoit, 1o l'hôtel de Forez, lequel s'étendoit depuis la rue Pierre-Sarrasin jusqu'à celle des Deux-Portes; 2o une maison au coin de cette rue, qui a été occupée par M. Joly de Fleury; 3o une troisième au coin de la rue Percée, où l'on voyoit une tourelle sur laquelle on avoit sculpté des fleurs-de-lis, les armes de France, et la salamandre, devise ordinaire de François Ier.
Maisons diverses (rues du Foin et Serpente).
Dans la première de ces deux rues étoit située la maison des religieux des Vaux de Cernai, laquelle s'étendoit jusqu'à celle de la Parcheminerie. On trouvoit dans la seconde une maison qui avoit appartenu, en 1330, à l'abbé et aux religieux de Fécamp.
Hôtel de Tours (rue du Paon).
Cet hôtel, changé depuis en une maison garnie, qui portoit pour enseigne l'hôtel de Tours, étoit situé vis-à-vis le cul-de-sac de la rue du Paon. Sauval dit que les archevêques de Tours avoient leur hôtel dans cette rue, sans indiquer en quel temps. Jaillot ne trouve aucune preuve qu'ils aient acquis ni vendu une maison dans ce quartier, mais il cite un rôle de 1640, dans lequel on indique, rue du Paon: «une maison appartenant à M. Boutillier, surintendant des finances; tenue par M. l'archevêque de Tours.» La demeure de ce prélat, et peut-être de quelqu'un de ses successeurs, aura pu faire donner à cet hôtel le nom qu'il a porté jusqu'au moment de la révolution.
Hôtel de l'archevêque de Rouen (cul-de-sac de la cour de Rouen).
Cet hôtel étoit situé à l'extrémité de ce cul-de-sac, qui en avoit reçu le nom, et qui le porte encore aujourd'hui.
Hôtel de Saint-Jean-en-Vallée (rue des Cordeliers).
Cet hôtel, appartenant à l'abbé et aux religieux du monastère que nous venons de nommer, étoit situé dans cette rue, et s'étendoit jusqu'à la rue du Paon; il avoit été bâti, ainsi que partie du collége de Bourgogne, sur un terrain assez étendu, appartenant à l'abbaye Saint-Germain, lequel s'appeloit, au quatorzième siècle, le fief du couvent.
Hôtel des comtes de Harcour (rue des Maçons).
À la fin du siècle dernier, on voyoit encore au coin de cette rue, du côté des Mathurins, les restes d'une chapelle qui avoit fait partie d'un grand hôtel appartenant aux comtes de Harcour. Il passa depuis à la maison de Lorraine, car il est indiqué, en 1574, dans le compte du receveur du domaine de la ville: «L'hôtel de Harcour, dit de Lorraine appartenant de présent à M. Gilles Le Maistre, président en la cour de parlement.» Il fut occupé depuis par M. Le Maistre de Ferrières.
Le Parloir aux Bourgeois (rue de la Harpe).
Nous avons déjà dit que c'étoit ainsi que l'on appeloit autrefois le lieu d'assemblée des officiers municipaux. Il fut établi successivement dans divers endroits de la ville, et notamment dans une salle construite au-dessus de la porte de la ville située à l'extrémité de cette rue.
HÔTELS EXISTANTS EN 1789.
Hôtel de Cluni (rue des Mathurins).
Le palais des Thermes, dont nous avons déjà décrit le beau débris que l'on voit encore dans la rue de La Harpe, s'étendoit aussi dans la rue des Mathurins. Au treizième siècle il fut détruit et divisé en plusieurs parties. Celle qui régnoit sur cette rue fut acquise en 1243, d'abord par Raoul de Meulent, ensuite par Robert de Courtenai. Au commencement du quatorzième siècle, un de ses descendants, Jean de Courtenai, la vendit à l'évêque de Bayeux. Elle fut ensuite acquise par Pierre de Chalus, évêque de Cluni, quoiqu'il eût déjà une maison à la porte Saint-Germain et un logement au collége de Cluni. Enfin cet hôtel fut entièrement rebâti, suivant Jaillot, en 1490[628], par les soins de Jacques d'Amboise[629], abbé du même monastère, évêque de Clermont, etc. Cet édifice, qui existe encore en entier, et qui est bien conservé, nous semble un des monuments gothiques les plus élégants de la capitale, et mérite d'être visité par les curieux. Le portail et les croisées en sont couverts de sculptures très-délicatement travaillées; la chapelle, située au premier étage sur le jardin, offre une construction remarquable et singulière: la voûte, très-chargée de sculptures, est soutenue par un seul pilier de forme octogone élevé au milieu, et auquel viennent aboutir toutes les arêtes. Sur les murs de cette chapelle, qui peut avoir vingt à vingt-deux pieds carrés, étoient placés, en forme de mausolées, les portraits de la famille de Jacques d'Amboise, entre autres celui du cardinal; ils étoient la plupart à genoux, habillés suivant le costume du temps. Le fond étoit décoré d'un groupe de quatre figures représentant saint Jean, Joseph d'Arimathie et la Vierge qui pleure sur le corps de son fils. Le piédestal de ce groupe servoit d'autel[630].
À droite, une tour octogone renferme un très-bel escalier à vis, bien appareillé, d'une coupe heureuse, qui conduit aux divers appartements. Sur les murailles de la cour, on montroit autrefois le diamètre de la fameuse cloche de Rouen appelée Georges d'Amboise, et l'on prétendoit même que c'étoit dans cette cour qu'elle avoit été jetée en fonte.
Hôtel de Henri de Marle (rue du Foin).
Dans cette rue, et au coin de celle de Bout-de-Brie, est un hôtel dont la façade n'annonce rien de remarquable, mais dont la porte offroit jadis un écusson qu'il est nécessaire de décrire: le champ en étoit d'azur, à deux faces d'or, accompagnées de six besants de même, trois en chef, deux en cœur et un en pointe. Ces mêmes armoiries se trouvoient répétées aux deux côtés d'un autre grand écusson sculpté sur la porte intérieure, lequel portoit trois C ou croissants entrelacés, surmontés d'une couronne royale. Enfin, au-dessus de cet écusson, on en voyoit un troisième offrant l'écu de France à trois fleurs de lis, soutenu par deux anges, et surmonté de la couronne royale. Une ancienne tradition, qui s'est perpétuée jusque dans le siècle dernier, présentoit cette maison «comme un ancien palais élevé par Henri II, et désigné dans le quartier sous le nom d'hôtel de la Reine-Blanche, parce qu'après la mort de ce prince il avoit appartenu à son épouse Catherine de Médicis, qui demeura veuve pendant trente ans, depuis l'an 1559 jusqu'à l'an 1589.»
Jaillot, qui combat cette tradition, convient en effet qu'indépendamment des divers hôtels qui ont reçu le nom de la Reine-Blanche, pour avoir appartenu à Blanche de Castille, veuve de Louis VIII, à Blanche de Bourgogne, femme de Charles-le-Bel, à Blanche d'Évreux, veuve de Philippe de Valois, l'usage étant de donner aussi le nom de Reines-Blanches à toutes les veuves de nos rois, parce qu'elles portoient le deuil en blanc, il ne seroit pas impossible qu'un hôtel eût tiré son nom de cette dénomination singulière; mais cet usage avoit été aboli par Anne de Bretagne, qui la première porta le deuil en noir à la mort de Charles VIII, et par conséquent ne peut trouver son application à l'occasion de Catherine de Médicis. Quant aux armes contenues dans le premier écusson, ce sont celles de Martin Fumée, fils du garde des sceaux, qui étoit propriétaire de cette maison en 1541. Si Henri II, qui ne commença à régner qu'en 1547, en eût fait l'acquisition, peut-on supposer qu'il y eût fait sculpter le chiffre de la duchesse de Valentinois sans y ajouter le sien? eût-il surmonté un pareil écusson de la couronne royale? ce prince ou Catherine de Médicis y auroient-ils laissé subsister les armes des sieur et dame Fumée? etc., etc. N'est-il pas plus probable que Martin Fumée, fils d'un garde des sceaux, occupoit à la cour quelque place distinguée, soit qu'il fût attaché au service de la reine Claude, première femme de François Ier, soit qu'il fût un des officiers de Catherine de Médicis, nouvellement mariée au Dauphin; et que dans la reconstruction de sa maison il aura voulu perpétuer le souvenir d'une situation honorable en faisant sculpter ces trois C en différents endroits et sur l'écusson même de ses armes? Ce sont là sans doute de simples conjectures; mais ce qui est sans réplique, c'est que M. Rousseau, ancien conseiller aux eaux et forêts, à qui cette maison appartenoit en 1772, communiqua à ce critique une liste suivie des anciens propriétaires depuis cinq cents ans, dans laquelle il n'y avoit ni rois ni reines.
Cet hôtel est désigné dans quelques titres sous le nom de Henri de Marle, maître des requêtes, qui le possédoit en 1540. Par la même raison il portoit, au dix-septième siècle, le nom d'hôtel de Bourlon[631].
Chambre royale et syndicale des Libraires et Imprimeurs (rue du Foin).
L'imprimerie, inventée et pratiquée en Allemagne vers le milieu du quinzième siècle, ne tarda pas à s'introduire en France. Dès 1470 Guillaume Ficher et Jean Heynlin de La Pierre, docteurs de Sorbonne, firent venir d'Allemagne Ulric Géring, imprimeur, et ses deux associés, Martin Krantz et Michel Friburger, et leur donnèrent dans la Sorbonne même un emplacement où ceux-ci établirent leurs presses. Ainsi la première imprimerie qui ait existé à Paris et dans la France a eu son berceau dans l'asile même des sciences dont elle devoit accroître le domaine et faciliter l'étude.
Les inconvénients de cet art nouveau, plus grands peut-être que ses avantages, ne tardèrent pas à se faire sentir. L'impiété et la débauche, qui jusqu'alors avoient été forcées de se cacher dans l'ombre, parce qu'elles n'auroient pu sans danger se montrer au grand jour, profitèrent bientôt des ressources qu'offroit l'imprimerie pour répandre dans la société leurs maximes empoisonnées. Le mal fut si rapide, et devint si extrême, que, dès le siècle suivant, le gouvernement jugea nécessaire d'exercer la police la plus rigoureuse non-seulement sur les livres qui s'imprimoient en France, mais encore sur tous ceux qu'on y faisoit venir de l'étranger. Une ordonnance de Henri II, datée du 27 juin 1551, «défend à tous libraires, imprimeurs et vendeurs de livres, d'ouvrir aucunes balles de livres qui leur seroient apportées de dehors, s'ils n'eussent été vus et visités.» On choisit d'abord pour cet examen des personnes hors du corps de la librairie; ensuite on en chargea les libraires eux-mêmes, ainsi qu'il est constaté par un arrêt du parlement du 15 février 1611, qui ordonne que «les livres apportés en la ville de Paris seroient vus et visités par les syndics et adjoints de la communauté en la manière accoutumée.»
La visite se faisoit d'abord chez les libraires mêmes qui avoient reçu les balles; mais, comme il n'étoit pas toujours possible de remplir cette formalité à l'instant même de la réception, et que le moindre délai pouvoit amener des inconvénients, on résolut d'établir un lieu de dépôt où les balles seroient d'abord apportées et visitées avant d'être remises à leurs propriétaires. Ce dépôt fut d'abord placé, en 1617, dans les bâtiments du collége royal. On le voit ensuite transféré successivement au collége de Cambrai jusqu'en 1679; dans des bâtiments qui touchoient le couvent des Mathurins jusqu'en 1726; enfin dans une maison appartenant à ces religieux, et située rue du Foin, vis-à-vis l'hôtel dont nous avons parlé dans l'article précédent[632].
C'étoit dans cette chambre que, deux fois par an, on apportoit de la douane toutes les balles de livres et estampes qui arrivoient à Paris. Elles y étoient ouvertes et visitées gratuitement par les syndics et adjoints, en présence de deux inspecteurs de la librairie. La communauté y tenoit aussi ses assemblées pour les élections, réceptions de sujets, etc.
Porte de Buci.
Cette porte, située à l'extrémité occidentale de la rue Saint-André-des-Arcs, n'étoit pas encore entièrement achevée lorsque Philippe-Auguste en fit don à l'abbaye Saint-Germain par sa charte de 1209. Ces religieux la vendirent, en 1350, à M. Simon de Buci, premier président au parlement, et le premier qui ait pris ce titre[633]; elle reçut alors le nom de son nouveau propriétaire. C'est par cette porte qu'en 1418 Périnet Le Clerc introduisit dans Paris les gens de la faction du duc de Bourgogne; depuis elle fut murée. François Ier la fit rouvrir en 1539; enfin on l'abattit en 1672, et pour en conserver la mémoire on grava une inscription sur une table de marbre placée à l'endroit où elle avoit été située. Cette inscription existoit encore à la fin du siècle dernier, un peu plus haut et du même côté que l'égout[634].
Porte Saint-Germain.
Cette porte, nommée successivement porte des Cordèles, des Frères Mineurs, Saint-Germain, étoit située à l'extrémité de la rue des Cordeliers, un peu au-dessus de la rue du Paon. On voit dans les registres de la ville qu'en 1586 il y eut ordre de la faire fermer, et d'ouvrir celle de Buci. Elle fut abattue en 1672[635].
Cette autre porte de l'enceinte de Philippe-Auguste étoit située à l'extrémité de la rue de la Harpe, précisément à l'endroit où l'on a depuis construit une fontaine. Elle est nommée, dans quelques actes du quatorzième siècle, Gilbert et Gibert, mais plus communément Gibard, qui étoit le véritable nom du territoire où est aujourd'hui la place Saint-Michel.
Dès cette même époque on l'appeloit aussi porte d'Enfer. Quelques auteurs ont pensé que ce nom lui avoit été donné parce qu'elle étoit placée vis-à-vis d'un chemin qui conduisoit au château de Vauverd, qu'on supposoit habité par des démons[636]; Jaillot n'est pas de cet avis, et s'appuyant sur plusieurs actes authentiques du treizième siècle, dans lesquels on trouve hostium Ferri, il pense que ce nom de porte d'Enfer n'est qu'une altération de celui de porte de Fer qu'on lui avoit donné, soit que la ferrure en fût plus considérable que celle des autres, soit qu'elle fût garnie de plaques de ce métal, ce qui semble plus vraisemblable. Il l'a trouvée, pour la première fois, sous le nom de porta Inferni (porte d'Enfer) dans l'acte de fondation du collége de Harcour, passé en 1311[637].
FONTAINES.
Fontaine Saint-Séverin.
Elle est située à l'angle que fait la rue Saint-Jacques avec celle de Saint-Séverin, et fournit de l'eau de la Seine. On y lit ces deux vers de Santeuil:
Dùm scandunt juga montis anhelo pectore nymphæ,
Hìc una è sociis, vallis amore, sedet.
Fontaine Saint-Côme.
Elle est située rue des Cordeliers[638], près de l'église dont elle porte le nom.
Fontaine des Cordeliers.
Cette fontaine fut bâtie en 1672 dans la rue dont elle a pris le nom, et aussitôt qu'on eut abattu la porte Saint-Germain. On la reconstruisit en 1717: elle n'avoit rien de remarquable que cette inscription de Santeuil:
Urnam nympha gerens dominam properabat in urbem:
Dùm tamen hìc celsas suspicit illa domus,
Fervere tot populos, quæsitam credidit urbem,
Constitit, et largas læta profudit aquas.
Fontaine Saint-Michel.
Cette fontaine fut élevée en 1684 sur les dessins de Bullet, architecte, à la place de la porte Saint-Michel, qu'on venoit d'abattre; elle se compose d'une niche surmontée d'un arc assez élevé, et accompagnée de deux colonnes doriques. Au-dessus est gravée cette inscription de Santeuil:
Hoc in monte suos reserat sapientia fontes;
Ne tamen hanc puri respue fontis aquam.
RUES ET PLACES DU QUARTIER SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS.
Rue Saint-André-des-Arcs. Elle aboutit d'un côté à la place du Pont-Saint-Michel et aux rues de la Huchette et de la Vieille-Bouclerie; de l'autre, au carrefour des rues Dauphine, Mazarine, de Buci et des Fossés-Saint-Germain-des-Prés. Les anciens titres offrent une grande variété, tant sur le nom de cette rue que sur la manière de l'écrire. On l'appeloit dans le principe rue de Laas, et ce nom lui étoit commun avec celle de la Huchette, dont elle fait la continuation, parce que c'étoit celui du territoire sur lequel elles sont situées. Il étoit encore planté de vignes lorsqu'en 1179, Hugues, abbé de Saint-Germain-des-Prés, le donna à cens, à la charge d'y bâtir et de payer 3 sous de redevance pour chaque maison. Ce fut alors qu'on perça les rues Saint-Germain, du Serpent, des Petits-Champs et des Sachettes, aujourd'hui nommées Saint-André, Serpente, Mignon et du Cimetière-Saint-André.
Lorsque l'enceinte méridionale de Philippe-Auguste eut été achevée, ce prince ayant accordé aux religieux de Saint-Germain-des-Prés la porte par laquelle on passoit pour aller à leur couvent, cette porte reçut le nom de Saint-Germain, et on le donna également à la rue de Laas, parce qu'elle y conduisoit. Vers le même temps on construisit l'église Saint-André, et la rue prit tantôt le nom de Saint-Germain, tantôt celui de Saint-André; mais le premier ayant été donné depuis à la rue des Cordeliers et à celle des Boucheries, il en est résulté que souvent les trois rues ont été confondues ensemble. Jaillot pense que l'abbé Lebeuf se trompe lorsqu'il conjecture que la rue dont nous parlons a porté à la fois ces deux noms; celui de Saint-André jusqu'à la rue de l'Éperon, celui de Saint-Germain depuis cet endroit jusqu'à la porte[639]. Ce dernier espace formoit alors une place vide, et resta ainsi jusqu'en 1350, qu'il fut vendu en partie à Simon de Buci. On donna pour lors le nom de porte de Buci à celle qu'on avoit fait construire au bout de la rue Saint-André, et de porte Saint-Germain à celle de la rue des Cordeliers[640].
Quant au nom de Saint-André, que cette rue doit à l'église à laquelle elle conduit, nous avons déjà dit qu'il avoit varié suivant les temps: on lit dans différents titres, Saint-Andri, Saint-Andrieu, Saint-Andrieu-des-Ars, Saint-André-des-Arts et des Arcs. Ces derniers noms semblent n'être qu'une altération de celui de Laas.
Rue du Cimetière-Saint-André. Elle aboutit d'un côté à la rue Hautefeuille, de l'autre à celle de l'Éperon. Sous le règne de saint Louis, on l'appeloit rue des Sachettes, à cause de certaines femmes dévotes, vivant ensemble proche le monastère Saint-André; elles-mêmes avoient reçu ce nom de leur vêtement, fait en forme de sac: Pauperes mulieres de saccis, saccitæ. Cette congrégation, qui n'étoit pas autorisée, ayant été détruite peu de temps après, la rue fut appelée des Deux-Portes, parce qu'il y en avoit une à chacune de ses extrémités: elle portoit ce nom en 1356, et l'a conservé encore pendant deux siècles avec celui qu'elle porte aujourd'hui, lequel provient du cimetière qu'on y plaça dans cette même année 1356.
Rue des Grands-Augustins. Elle commence sur le quai des Augustins, et aboutit à la rue Saint-André-des-Arcs. Matthieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, ayant acquis plusieurs maisons et jardins, dans l'intention d'y bâtir un collége pour ses religieux, le chemin qui traversoit ce terrain prit aussitôt le nom de son nouveau propriétaire. Dès 1269, on l'appeloit rue à l'Abbé-Saint-Denys, et successivement rue du Collége-Saint-Denys, des Écoles et des Écoliers-Saint-Denys. Elle prit ensuite le nom de rue de la Barre du côté de celle de Saint-André; et Jaillot pense qu'elle le dut à la galerie couverte qui joignoit ensemble l'hôtel de Saint-Cyr et le collége Saint-Denis, dont il étoit une dépendance. Elle conserva long-temps ce nom, car on le trouve encore dans un acte de 1546. Cette rue étoit alors distinguée en deux parties: du côté du quai on la nommoit rue des Augustins, quelquefois rue de l'hôtel de Nemours; dans l'autre partie, elle s'appeloit, en 1523, rue des Écoles-Saint-Denys, autrement dite de la Barre. Elle est aussi énoncée rue des Charités-Saint-Denys dans un acte de 1672[641].
Rue du Battoir. Elle aboutit d'un côté à la rue Hautefeuille, de l'autre à celle de l'Éperon. Guillot la nomme rue de la Platrière. Un terrier de Saint-Germain-des-Prés de 1523[642] la désigne sous le nom de Haute-Rue, dite rue du Battouer, autrement la Vieille-Platrière. Plusieurs autres titres lui donnent la même dénomination; et du reste tout ce qu'en a dit Sauval est erroné, comme Jaillot l'a très-bien prouvé.
Rue de la Vieille-Bouclerie. Elle commence au bout de la place du Pont-Saint-Michel, et finit à la rue de la Harpe, au coin de celle de Saint-Séverin, et il en est fait mention dès 1236[643], sous le nom de vicus Boclearia. Sauval prétend qu'en 1272 on l'appeloit l'abreuvoir Maçon[644]. Elle y conduisoit effectivement: du reste, ce qu'il en dit, et ce qu'en disent ceux qui l'ont copié ou critiqué est tellement embrouillé, qu'il est difficile de les suivre dans ces minutieuses discussions; ce qu'on peut en conclure, c'est qu'il existoit en ce quartier deux rues de la Bouclerie, ainsi qu'il est prouvé par les vers de Guillot:
Assès tôt trouva Sacalie,
Et la petite Bouclerie,
Et la grand Bouclerie après,
Et Hérondale tout emprès.
La marche du poëte, ainsi que les titres, prouvent que la rue de la Petite-Bouclerie est celle dont il s'agit ici, et que la grande est la rue Mâcon, qui aboutissoit alors à la boucherie, située au coin de la rue de l'Hirondelle.
On trouve la petite Boucherie désignée encore sous le nom de la vieille Bouclerie. Jaillot pense que ce n'est point une faute d'impression, mais que cette dénomination vient de ce que la boucherie de Saint-Germain étoit établie, au douzième siècle, à la place dite depuis du Pont-Saint-Michel, laquelle n'existoit point encore. Quant à l'opinion de quelques historiens qui veulent que le nom de Bouclerie vienne de ce qu'on y faisoit de petits boucliers, elle n'est appuyée sur aucune preuve.
Rue Bout-de-Brie. Elle aboutit d'un côté à la rue du Foin, de l'autre à celle de la Parcheminerie. On lit dans plusieurs actes, Bourg-de-Brie, Bout-de-Brye, Bouttebrie, du Bourc-de-Brie, Boudebrie, et ce sont autant d'altérations du nom primitif qui étoit Erembourg ou Eremburge de Brie, vicus Eremburgis de Briâ et de Bratâ en 1284 et 1288, ainsi qu'on le lit dans un cartulaire de la Sorbonne. Avant la fin du quatorzième siècle on lui donnoit le nom de rue des Enlumineurs, sans doute à cause de ceux qui s'y étoient établis. On la trouve en 1371 et 1373 sous l'un et l'autre de ces deux derniers noms[645].
Rue des Trois-Chandeliers. On nomme ainsi une des descentes de la rue de la Huchette à la rivière, en face de la rue Zacharie. Sauval[646], confondant cette rue avec une autre, qui lui est parallèle, lui donne en conséquence plusieurs noms qu'elle n'a point portés. Elle est nommée, dans le quatorzième siècle, rue Berthe, et rue et port aux Bouticles. Ce dernier nom lui venoit des boutiques ou bateaux placés à son extrémité, dans lesquels on conservoit le poisson. On l'appela ensuite Bertret par corruption. Depuis ce temps, quelques chandeliers s'y étant établis, la firent nommer rue Chandelière[647]. Enfin elle prit le nom des Trois-Chandeliers, de l'enseigne d'une maison qui en faisoit le coin[648].
Rue du Chat-qui-Pêche. Elle commence à la rue de la Huchette, et aboutit à la rivière. Le censier de Sainte-Geneviève l'appelle, en 1540, ruelle des Étuves; on la trouve aussi désignée sous le nom de rue de Renard[649].
Rue Christine. Elle traverse de la rue Dauphine dans celle des Grands-Augustins. On l'ouvrit, en 1607, sur une partie de l'emplacement de l'hôtel et des jardins du collége Saint-Denis. Le nom qu'elle porte lui fut donné en l'honneur de Christine de France, seconde fille de Henri IV.
Rue du Cloître-Saint-Benoît. Elle donne d'un bout dans la rue des Mathurins, et de l'autre vient tourner par un passage voûté dans la rue Saint-Jacques. (Voyez rue des Mathurins.)
Rue de Cluni. Elle commence à la place de Sorbonne, et finit à la rue des Cordiers. Son nom lui vient du collége de Cluni, qu'elle avoisine: elle le portoit dès la fin du treizième siècle. Guillot l'appelle rue à l'abbé de Cluni.
Rue Contrescarpe. Elle traverse de la rue Dauphine dans celle de Saint-André-des-Arcs, et tire son nom de son ancienne situation, le long des murs de l'enceinte de Philippe-Auguste. Dans le procès-verbal de 1636, on la trouve sous la dénomination de rue de Basoche.
Rue des Cordeliers. Cette rue, ainsi nommée des religieux qui s'y sont établis, aboutit d'un côté à la rue de la Harpe, et de l'autre à celle de Condé, vis-à-vis la rue des Boucheries. Guillot l'appelle rue des Cordèles, et elle prit le nom de rue Saint-Germain lorsque la rue Saint-André-des-Arcs cessa de le porter[650]. En 1304, un acte la présente sous celui de rue Saint-Cosme et Saint Damian. Elle finissoit anciennement au-dessus de la rue du Paon, à la place où étoit une des portes de l'enceinte de Philippe-Auguste.
Rue des Cordiers. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Jacques, et de l'autre à celle de Cluni. On ne peut guère douter, dit Jaillot, qu'elle ne doive ce nom à des cordiers auxquels on avoit permis d'y filer du chanvre. Guillot l'appelle rue as Cordiers. Il y a quelque apparence qu'anciennement elle se prolongeoit jusqu'à la rue de la Harpe, et que le passage des Jacobins en a occupé depuis une partie.
Rue Dauphine. Elle commence au bout du Pont-Neuf, et aboutit au carrefour que forment les rues Saint-André-des-Arcs, de la Comédie, Mazarine et de Buci. Henri IV ayant fait achever le Pont-Neuf, et voulant en faciliter la communication avec le faubourg Saint-Germain, fit ouvrir cette rue, en 1607, sur le jardin des Augustins, et sur les bâtiments du collége Saint-Denis. Le nom qu'elle portoit lui fut donné en l'honneur du Dauphin. On le donna également à une porte que l'on fit bâtir à son extrémité. Cette porte, située presque vis-à-vis la rue Contrescarpe, fut abattue en 1672.
Rue de l'Éperon. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-André-des-Arcs, de l'autre à celle du Jardinet. Le plus ancien nom sous lequel on la trouve désignée est celui de rue Gaugain, vicus Galgani. Elle le portoit en 1269[651], et l'a conservé jusqu'au commencement du quinzième siècle; Guillot l'appelle rue Cauvain. Ce nom est également dans plusieurs titres de l'abbaye, dans lesquels on lit Gongan, Gongain, Gongaud, Gorigand, etc. Ce sont des fautes de copistes. Au quinzième siècle on la trouve désignée rue Chapron, de Chaperon et Chapon; enfin, dans le procès-verbal de 1636, on lit rue de l'Éperon. Ces derniers noms viennent de plusieurs enseignes.
Rue du Foin. Elle traverse de la rue de la Harpe à la rue Saint-Jacques. On ignore à quelle occasion elle a reçu ce nom; mais dès la fin du treizième siècle elle étoit appelée rue O Fain; de la Fennerie en 1332; au Foin en 1383 et 1386[652]. Cependant, en 1383, on la trouve aussi sous la dénomination de rue aux Moines de Cernai, parce que les abbés des Vaux de Cernai y avoient leur hôtel. Depuis elle a repris son premier nom, qu'elle conserve encore aujourd'hui.
Rue Gilles-Cœur. Elle commence à la rue Saint-André-des-Arcs, et aboutit au quai des Augustins. Les titres de Saint-Germain du quatorzième siècle l'indiquent sous les noms de Gilles-Queux, Gui-le-Queux, et, peut-être, par faute de copiste, Gui-le-Preux. Jaillot observe que ce nom de Gui-le-Queux a été aussi donné à la rue des Poitevins, et cherchant son étymologie, il pense qu'il vient de quelqu'un de ses plus notables habitans[653]. Un acte de 1397, cité par Sauval, lui donne le nom de Gui-le-Comte. Ceux de Gilles-le-Cœur et de Gist-le-Cœur sont évidemment des fautes de copistes.
Rue de la Harpe. Elle commence au bout de la rue de la Vieille-Bouclerie, au coin des rues Mâcon et Saint-Séverin, et aboutit à la place Saint-Michel. Un titre de 1247 lui donne déjà ce nom, vicus Cithare[654]. Dix ans après on la trouve sous celui de la Juiverie; la rue des Juifs, domus in Judearia ante domum Cithare, vicus Judeorum[655]; en 1262, vetus Judearia[656]. On l'appeloit ainsi parce que les juifs y avoient leurs écoles. En 1270 le cartulaire de Sorbonne fait mention de la rue du Harpeur; toutefois d'autres actes du même cartulaire l'indiquent à cette époque sous le nom de la Harpe: in vico de Citharâ en 1270, et vicus Harpe en 1281. Elle doit ce nom à l'enseigne de la seconde maison à droite, au-dessus de la rue Mâcon.
Cette rue, divisée autrefois en deux parties, s'appeloit rue de la Harpe ou de la Herpe depuis la rue Saint-Séverin jusqu'à celle des Cordeliers; et depuis cet endroit jusqu'à la porte Saint-Michel, on la nommoit tantôt rue Saint-Côme, tantôt rue aux Hoirs d'Harecour[657]. Jaillot, qui cite les actes où elle porte cette dénomination, dit que la distinction des deux parties de la rue de la Harpe subsistoit encore dans le procès-verbal de 1636[658].
Rue Hautefeuille. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-André-des-Arcs, et de l'autre à celle des Cordeliers. Nous ne nous arrêterons point à cette tradition ridicule, qui veut que cette rue doive son nom à un château de Hautefeuille, lequel appartenoit, dit-on, à un petit-neveu de Charlemagne, véritable personnage de roman[659]. En supposant même, dit Jaillot, que le vieux château mentionné par nos historiens[660], et dont on trouva des vestiges en 1358, lorsqu'on creusa les fossés qui bordoient l'enceinte de Philippe-Auguste, fût appelé de Hautefeuille, ce qui n'est qu'une simple conjecture, sa situation vis-à-vis les Jacobins, entre les portes Saint-Michel et Saint-Jacques eût fait naturellement donner son nom aux rues qui y conduisoient directement, comme celles de la Harpe et de Saint-Jacques ou autres rues intermédiaires qui en étoient plus proches que la rue de Hautefeuille, éloignée de cet endroit d'environ dix-huit cents toises. Du reste elle portoit ce nom dès 1252, et se prolongeoit alors jusqu'aux murs. Il en restoit encore des traces sensibles, à la fin du siècle dernier, dans le jardin des Cordeliers. Quant à l'étymologie de cette dénomination, Jaillot pense qu'elle pourroit venir des arbres hauts et touffus dont cette rue ou chemin pouvoit être bordé, et cette conjecture il l'appuie sur un passage des premiers statuts faits pour les Cordeliers, dans lesquels on défend aux religieux de jouer à la paume sous la Haute-Feuillé.
Il faut observer qu'au treizième siècle elle n'étoit pas appelée rue de Hautefeuille dans toute son étendue actuelle: du côté de la rue Saint-André, et jusqu'aux rues Percée et des Poitevins on la nommoit rue Saint-André et du Chevet-Saint-André. Au commencement du quinzième, une foule d'actes la désignent dans cette partie sous le nom de la Barre[661]: on suppose qu'elle le devoit à Jean de La Barre, avocat, qui demeuroit dans le voisinage[662].
Rue de l'Hirondelle. Elle aboutit d'un côté à la rue Gilles-Cœur, de l'autre à la place du pont Saint-Michel. On trouve ce nom écrit de diverses manières dans différents actes; en 1200, rue d'Arrondale en Laas, et d'Arondelle en Laas en 1222; en 1263, d'Hirondale; dans Guillot, d'Hérondale; enfin on a dit rue de l'Hirondelle. Il est probable que ce nom provenoit de quelque enseigne.
Rue de la Huchette. Cette rue commence au carrefour que forment la place du pont Saint-Michel et les rues Saint-André-des-Arcs et de la Vieille-Bouclerie, pour venir aboutir à la rue du Petit-Pont. Elle faisoit partie du territoire de Laas, lequel appartenoit à l'abbaye Saint-Germain. En 1179 l'abbé Hugues ayant aliéné la plus grande partie de ce territoire à la charge d'y bâtir, on construisit, des deux côtés du chemin, des maisons qui formèrent une rue, nommée d'abord rue de Laas; c'est ainsi qu'elle est indiquée en l'année 1210. Mais dès 1284 plusieurs titres lui donnent le nom de rue de la Huchette, qui probablement venoit de quelque enseigne.
Rue de Hurepoix. Elle aboutissoit d'un côté au quai des Augustins, et de l'autre à la place du pont Saint-Michel. On ne la distinguoit pas anciennement du quai, et elle étoit nommée rue de Seine-allant-aux-Augustins. En 1636 on l'appeloit rue du Quai-des-Augustins. Vers ce temps-là elle prit le nom qu'elle porte aujourd'hui d'un hôtel garni situé à l'extrémité du quai, où venoient loger les marchands du Hurepoix[663].
Rue du Jardinet. Cette rue donne d'un côté dans la rue Mignon, de l'autre dans le cul-de-sac de la cour de Rouen, au coin des rues du Paon et de l'Éperon. Elle se prolongeoit anciennement jusqu'à la rue Hautefeuille, et de ce côté portoit le nom des Petits-Champs; ce nom fut ensuite donné à la rue entière. Depuis on l'appela rue de l'Escureul et des Escureux; enfin rue du Jardinet; peut-être, dit Jaillot, à cause du jardin de l'hôtel et collége de Vendôme, compris entre cette rue et celle du Battoir[664].
Rue Mâcon. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-André-des-Arcs, et de l'autre à la rue de la Harpe, au coin de celle de la Vieille-Bouclerie, laquelle a porté le même nom. Toutes les deux le devoient à l'hôtel des comtes de Mâcon, dont nous avons déjà parlé.
Rue de l'Abreuvoir-Mâcon. C'est une descente du carrefour des rues Saint-André-des-Arcs, de la Vieille-Bouclerie et de la Huchette, à la rivière. C'étoit par ce passage que l'on menoit abreuver les chevaux des comtes de Mâcon, et son nom a la même origine que celui de la rue. Il est fait mention de cet abreuvoir dès 1272[665].
Rue des Maçons. Elle donne d'un côté dans la rue des Mathurins, et aboutit de l'autre à la place de Sorbonne. Corrozet l'appelle rue du Palais-au-Terme, autrement des Maçons. Le premier de ces noms appartenoit d'abord à la rue des Mathurins, et ne fut donné à celle des Maçons que lorsque l'autre eut pris le nom des religieux qui s'y sont établis. Piganiol l'appelle seul rue aux Bains et aux Étuves.
Celui qu'elle porte aujourd'hui lui vient, selon Jaillot, d'un bourgeois nommé Le Masson, lequel y demeuroit au commencement du treizième siècle. On trouve, en 1254, vicus Cementariorum[666], et dans plusieurs actes subséquents jusqu'en 1296, vicus Lathomorum. Cette rue se prolongeoit autrefois jusqu'à celle des Poitevins; on en a retranché une partie pour faire la place de Sorbonne.
Rue des Mathurins. Elle traverse de la rue de la Harpe à la rue Saint-Jacques. Elle avoit pris, dans l'origine, des Thermes de Julien qui y sont situés, le nom de rue du Palais-du-Therme, du Palais-des-Thermes; en 1220, vicus de Termis, de Terminis. Piganiol lui donne encore, mais mal à propos, le nom de rue des Bains ou des Étuves. Il paroît que l'abbé Lebeuf s'est aussi trompé en la désignant sous celui de rue Saint-Mathelin, qui alors étoit effectivement synonyme de Mathurin. C'est à la partie de la rue Saint-Jacques qui l'avoisine que ce nom appartenoit; celle dont nous parlons est encore nommée rue du Palais-du-Therme et rue du Palaix dans des titres de 1421 et 1450. Il n'y a guère que trois siècles qu'on lui a donné sa dernière dénomination[667]. Vis-à-vis des Mathurins est une rue qui conduit au cloître Saint-Benoît: Jaillot croit le reconnoître, dans le cartulaire de Sorbonne et à l'année 1243, sous le nom de vicus Andriæ de Macolis; elle est indiquée rue d'André-Machel dans un acte de 1254. Aujourd'hui elle se confond avec l'ancien cloître sous le nom commun de rue du Cloître-Saint-Benoît.
Rue Mignon. Elle traverse de la rue du Battoir dans celle du Jardinet, qui, comme nous l'avons remarqué, a porté le nom de rue des Petits-Champs. Il fut aussi donné à la rue Mignon, qui fait équerre avec l'autre. Quant à sa dernière dénomination, elle la doit au collége du même nom dont nous avons déjà parlé.
Rue de l'Observance. Cette rue, qui aboutit d'un côté à la rue des Cordeliers, de l'autre à celle des Fossés-de-Monsieur-le-Prince, fut percée en 1672. Elle a pris le nom qu'elle porte de l'église et de la principale porte des Cordeliers, dits de l'Observance, qui y étoient situées.
Rue du Paon. Elle aboutit d'un côté à la rue des Cordiers, de l'autre à celle du Jardinet. Ce nom lui vient d'une enseigne, et elle le portoit dès 1246[668]. Sauval s'est trompé en lui donnant celui de rue de l'Archevêque-de-Reims[669], lequel ne convient qu'au cul-de-sac situé dans cette rue, comme Jaillot l'a démontré[670].
Rue de la Parcheminerie. Elle traverse de la rue Saint-Jacques à celle de la Harpe. Suivant le cartulaire de Sorbonne, on la nommoit rue des Écrivains, vicus Scriptorum en 1273[671]. Guillot l'appelle rue as Écrivains. Comme le parchemin étoit la seule matière sur laquelle on écrivît, elle en prit son dernier nom; et l'on trouve en 1387 vicus Pergamenorum[672], et dans tous les titres du siècle suivant, rue des Parcheminiers et de la Parcheminerie.
Rue Pavée. Cette rue, qui traverse du quai des Augustins à la rue Saint-André-des-Arcs, étoit ainsi nommée dès le treizième siècle. Au seizième on l'appeloit rue Pavée-d'Andouilles, dénomination dont l'origine est entièrement inconnue.
Rue Percée. Elle aboutit d'un côté à la rue Hautefeuille, de l'autre à celle de la Harpe. Guillot ne nomme pas cette rue; elle existoit cependant au temps où il écrivoit. On la trouve indiquée, en 1262, 1266 et 1277, sous le nom de vicus Perforatus. Dans plusieurs actes du siècle suivant, elle est nommée rue Percée, dite des Deux-Portes.
Rue Pierre-Sarrasin. Cette rue, qui traverse de la rue Hautefeuille à celle de la Harpe, doit son nom à un bourgeois, lequel possédoit, au treizième siècle, plusieurs maisons en cet endroit. Dans un compte de 1511[673] elle est appelée rue Jean-Sarrasin; mais elle ne tarda pas à reprendre son premier nom, qu'elle a conservé jusqu'à présent.
Rue des Poirées. Elle commence à la rue Saint-Jacques; et faisant un retour d'équerre, sous le nom de rue Neuve-des-Poirées, elle vient aboutir à la rue des Cordiers. L'ancien nom de cette rue étoit Thomas et ensuite Guillaume-d'Argenteuil; c'est ainsi qu'elle est indiquée, en 1236, dans le cartulaire de Sorbonne[674]. On trouve ensuite vicus ad Poretas en 1264, et vicus Poretarum en 1271. Cette rue se prolongeoit autrefois jusqu'à celle des Maçons, et avoit reçu populairement le nom de rue aux Écoliers-de-Rhétel, à cause du collége de ce nom qui y étoit situé; mais dans tous les actes on la trouve désignée sous celui de rue Porée, des Porées et des Poirées.
Rue des Poitevins. Elle forme un équerre, et aboutit d'un côté à la rue Hautefeuille, de l'autre à celle du Battoir. On la nommoit, en 1253, rue Gui-le-Gueux, ensuite Gui-le-Queux dite des Poitevins, enfin simplement des Poitevins en 1288. Plusieurs auteurs tels que Sauval, Dom Bouillart, Dom Félibien la nomment Ginart-aux-Poitevins et Gerard-aux-Poitevins; deux titres de 1356 l'appellent Guiard-aux-Poitevins[675].
Place du Pont-Saint-Michel. Elle est située à l'extrémité du quai des Augustins. L'abbaye Saint-Germain y avoit autrefois un pressoir pour faire vin et verjus; et c'étoit sur cette place que se faisoient les ventes par ordonnance de justice; depuis elles ont été transportés sur la place du Châtelet.
Rue des Deux-Portes. Elle traverse de la rue Hautefeuille à celle de la Harpe, et doit ce nom aux portes qui la fermoient à ses extrémités. Elle le portoit des 1450.
Rue Poupée. Elle aboutit d'un côté à la rue de la Harpe, de l'autre à celle de Hautefeuille. Dans le douzième siècle, elle est désignée sous le nom de Popée[676]; en 1300 on l'appeloit Poupée, et depuis, par altération ou par faute de copiste, Poinpée et Pompée.
Rue Neuve-de-Richelieu. Elle conduit de la rue de la Harpe à la place et à l'église de Sorbonne. Ce fut pour donner un point de vue à ce monument que, dès 1637, on projeta de faire une place vis-à-vis, et d'ouvrir une rue qui donneroit dans celle de la Harpe. Cette rue fut effectivement ouverte en 1639 sur un terrain formé de quelques dépendances des colléges de Cluni et du Trésorier. Elle a été quelquefois désignée sous les noms de rue des Thrésoriers et de Sorbonne.
Rue de Savoie. Elle traverse de la rue des Grands-Augustins dans la rue Pavée, et doit son nom à l'hôtel de Savoie situé dans cette dernière rue, lequel en occupoit tout l'espace jusqu'à celle des Grands-Augustins.
Rue Serpente. Elle aboutit d'un côté à la rue Hautefeuille, de l'autre à celle de la Harpe. Elle devoit ce nom aux sinuosités qu'elle formoit avant d'avoir été redressée. Dès 1250 on l'appeloit rue de la Serpente et vicus Serpentis. Guillot écrit, pour la rime, de la Serpent.
Rue Saint-Séverin. Cette rue, qui aboutit d'un côté à la rue de la Harpe, et de l'autre à la rue Saint-Jacques, est fort ancienne et doit son nom à l'église que nous y voyons. On la trouve, on ne sait pourquoi, indiquée, dans un compte du domaine de 1574, rue Colin-Pochet, autrement dite Saint-Séverin[677].
Rue des Prêtres-Saint-Séverin. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Séverin, de l'autre à celle de la Parcheminerie. On l'appeloit, en 1244, ruelle devant ou près Saint-Séverin. En 1260 et 1264, les titres de Sorbonne la nomment strictus vicus sancti Severini; les actes du temps, ruelle et ruellette Saint-Séverin, ruelle de l'archiprêtre. En 1489, on disoit ruelle Saint-Séverin dite au Prêtre, et simplement ruelle au Prêtre en 1508.
Rue de Sorbonne. Elle commence à la rue des Mathurins, et aboutit à la place de Sorbonne. Le nom le plus connu que cette rue ait porté est celui des Portes et des Deux-Portes; on le lui donnoit encore en 1283, quoique, suivant le cartulaire de Sorbonne, on l'appelât, dès 1281, vicus de Sorboniâ et de Sorbonio. Guillot la nomme rue as Hoirs de Sabonnes; Du Breul l'a confondue avec la rue de Coupegueule.
Place de Sorbonne. Elle fut formée du retranchement d'une partie de la rue des Poirées, qui, comme nous l'avons dit, se prolongeoit alors jusqu'à la rue des Maçons.
Rue de Touraine. Elle aboutit d'un côté à la rue des Cordeliers, de l'autre à celle des Fossés-de-Monsieur-le-Prince. C'est mal à propos que sur les plans modernes elle est nommée rue de Turenne. On l'ouvrit, vers la fin du dix-septième siècle, presque sur le même alignement que la rue du Paon, et comme elle sembloit en faire la continuation, on lui donna le nom de Touraine, à cause de l'hôtel de Tours situé dans cette dernière rue.
Rue Zacharie. Elle traverse de la rue Saint-Séverin à celle de la Huchette. Ce nom est altéré; on disoit en 1219 rue Saqualie, vicus qui dicitur Sachalia[678]; les cartulaires de Sorbonne et de Saint-Germain lui donnent le même nom en 1262 et 1276. Ce nom étoit celui d'une maison qui y étoit située. La négligence des copistes en a altéré l'orthographe, et ils écrivirent successivement sac-alie, saccalie, sac-à-lie, sac-alis, saccalit. Cette rue est nommée Zacharie dans le procès-verbal de 1636, et depuis a toujours conservé cette dernière dénomination[679].
QUAIS.
Quai des Augustins. Il aboutit d'un côté au Pont-Neuf, de l'autre à la rue du Hurepoix. Jusqu'au règne de Philippe-le-Bel il n'y avoit entre les Augustins et la rivière qu'un terrain en pente douce, planté de saules, et qui servoit de promenade aux habitants du voisinage; toutefois la moindre inondation rendoit le passage difficile, souvent même impraticable, et ruinoit les maisons qu'on y avoit bâties. Ces inconvénients devinrent si graves que ce prince donna ordre au prévôt des marchands de détruire cette saussaie, et de faire construire un quai depuis l'hôtel de Nesle jusqu'à la maison de l'évêque de Chartres. Cet ordre fut exécuté en 1313[680]; en 1389 on l'appeloit rue de Seine par où l'on va aux Augustins, et depuis rue du Pont-Neuf (Saint-Michel) qui va aux Augustins; en 1444 rue des Augustins. Ce quai, ainsi que la rue des Augustins, doit le nom qu'il porte aux religieux qui s'y sont établis. Les marchés à la volaille et au pain y avoient été établis par arrêt du conseil de 1676, et une inscription placée au coin de la rue témoignoit qu'il avoit été entièrement reconstruit en 1708[681].
MONUMENTS NOUVEAUX
Et réparations faites aux anciens monuments depuis 1789.
Église Saint-Séverin. Cette église est décorée de deux nouveaux tableaux qui lui ont été donnés par la ville en 1819. L'un représente la mort d'Ananie et Saphire; l'autre, saint Pierre guérissant un boiteux. Ces deux tableaux sont de feu Pallière, et font honneur à son pinceau.
Le Marché à la Volaille. Ce marché, bâti en 1810 par M. Happe, sur l'emplacement qu'occupoient auparavant l'église et le couvent des Grands-Augustins, présente, entre quatre murs percés d'arcades, trois nefs parallèles, dont celle du milieu est plus large et plus élevée que les deux autres. L'aspect de ce monument a de la grandeur, et les dispositions intérieures sont aussi commodes qu'il étoit possible de le désirer.
Fontaine de l'École de Chirurgie. Cette fontaine, située en face de l'école de chirurgie, doit former le centre d'un ensemble de constructions destinées à circonscrire et à décorer la place que la démolition de l'église des Cordeliers a ouverte devant ce monument.
Elle se compose de quatre colonnes d'ordre dorique, de proportion très-élégante, qui supportent un entablement mutulaire, dont la composition, bien qu'elle soit peu correcte, a de la grâce et de la légèreté. Au-dessus s'élève un attique orné d'une grande table renfoncée sur laquelle doit être gravée une inscription. Entre les colonnes on aperçoit une vaste niche cintrée, du sommet de laquelle s'échappe et tombe en cascade un volume d'eau considérable: il remplit un bassin demi-circulaire, et se divise ensuite d'une manière commode pour l'usage au moyen d'un mécanisme ingénieux.
Les constructions latérales déjà commencées, et propres à former des habitations particulières, rappellent les proportions de masses et les principales lignes de la façade de l'école. L'auteur de ce bel édifice, chargé d'en coordonner les accessoires, avoit conçu à cet effet un plan très-heureux: il est à souhaiter que ce plan soit suivi, et que ce qu'il avoit commencé soit achevé.
Collége Saint-Louis. Il est établi dans les anciens bâtiments du collége de Harcour, auxquels on a fait des augmentations considérables.
Les Thermes. La maison de la rue de la Harpe qui masquoit cette ruine antique a été démolie; on l'a couverte d'un toit, et encadrée dans des constructions qui l'entourent de toutes parts et la mettent désormais à l'abri des injures du temps et des dégradations nouvelles qu'elle auroit pu éprouver. L'emplacement qu'occupoit la maison formera au-devant une espèce de cour. Ces travaux, interrompus depuis quelque temps, ne sont point encore achevés.
La Sorbonne. Ce vaste édifice, rendu à l'université, est devenu le chef-lieu de l'académie de Paris. On achève en ce moment d'en réparer l'église, dans laquelle le tombeau du cardinal de Richelieu sera remis à la place qu'il occupoit avant la révolution. Cette église sera sans doute consacrée aux solennités religieuses de cette compagnie.
RUES ET PLACES NOUVELLES.
Rue du Cloître-Saint-Benoît. Voy. Cloître-Saint-Benoît.
Rue de l'École-de-Médecine. C'est le nom que porte aujourd'hui la rue des Cordeliers.
Rue du Pont-de-Lodi. Cette rue nouvelle communique de la rue Dauphine à celle des Grands-Augustins.
Place du Pont-Saint-Michel. Elle a été agrandie de la rue de l'Abreuvoir, qui a été détruite et dont le terrain a été nivelé.
Quai Saint-Michel. Il s'étend du pont Saint-Michel au Petit-Pont, et a été construit sur l'emplacement des maisons qui couvroient ce terrain et que l'on a abattues.
FIN DE LA SECONDE PARTIE DU TROISIÈME VOLUME.