Victor Hugo à vingt ans: Glanes romantiques
VII
L'Ode sur le Sacre.—Une promotion désirée: le lieutenant-général comte Hugo.—Une dette sacrée.—Ce bon M. de la Rivière.—Le voyage au Mont-Blanc et dans la vallée de Chamonix.—Naissance de Charles-Victor Hugo.
Ces vers firent plus sans doute pour la nomination du général Hugo au grade de lieutenant-général que les démarches répétées de jadis auprès de MM. de Chateaubriand et de Clermont-Tonnerre et du duc d'Angoulême lui-même.
Le sacre est du 29 mai. Le 5 juin, le Moniteur Universel nº 156, publiait cette promotion si ardemment désirée:
«M. le Maréchal-de-camp Hugo, vient d'être nommé lieutenant-général.»
Le fils s'en réjouit autant que le père. Il est de nouveau à Gentilly, chez un ami, cette fois, et de cette banlieue, il adresse ses félicitations au nouveau lieutenant-général, «M. le Lieutenant-général Comte Hugo», et ses excuses à Mme Hugo pour la négligence de Ladvocat.
Gentilly, 19 juin.
Mon cher papa,
C'est de ma campagne où je suis allé passer quelques jours chez un ami qui demeure à deux lieues de Paris, que je te réponds. Je regrette bien que tu y sois toi-même en ce moment. Les chaleurs excessives, la solitude et le dénuement de la Miltière me font trembler pour ta chère santé. Il me semble que tu aurais dû retarder ce voyage quelque important qu'il pût être, et ne pas t'aventurer tout seul dans cette saison au milieu des déserts de la Sologne. Tu sais comme moi combien les pays humides et sablonneux exhalent de miasmes morbifiques dans les grandes chaleurs, et mon Adèle te reproche tendrement de nous avoir donné l'inquiétude de te savoir là-bas.
Les journaux de Paris ont annoncé ta promotion de la manière la plus flatteuse. Que t'importe un oubli qu'ils font si fréquemment? Que t'importe la jalousie? Il suffit de ton nom et de ta réputation pour mériter l'envie. Résigne-toi, mon noble père, à cet inconvénient de toute position élevée.
J'ai rempli ta commission auprès d'Adolphe.
Tu ne m'étonnes pas en m'apprenant que ta femme n'a pas reçu son exemplaire. J'avais remis à Ladvocat le paquet à son adresse avec beaucoup d'autres, pour qu'il le mît à la poste. Tu connais la négligence de ce libraire. Partant pour la campagne j'ai dû me reposer sur lui de ce soin, et j'ai déjà reçu plusieurs plaintes comme la tienne. Le messager qui va porter cette lettre à la poste à Paris, va être chargé en même temps d'un petit mot sévère pour Ladvocat et de l'ordre de réparer sur-le-champ cet oubli. Si j'en avais ici un seul exemplaire je l'enverrais directement à ta femme, mais j'espère que Ladvocat sera soigneux cette fois.
Je suis heureux que mon ode t'ait fait quelque plaisir. Son succès ici passe mon espérance. Elle a été réimprimée par sept ou huit journaux. Je vais la présenter au Roi.
Adieu, mon excellent père, je n'ai que le temps de fermer cette lettre et de t'embrasser bien tendrement. Ma femme et Didine embrassent la tienne.
Didine nous a un peu inquiétés ces jours-ci: ses dents la tourmentent.
Je reçois à l'instant une lettre d'Émile Deschamps où je lis: «M. le Général Hugo nous a fait bien plaisir en devenant lieutenant-général. Y aurait-il quelque moyen de lui faire parvenir nos félicitations et l'hommage de mon respect?» Tout le monde applaudit.
Le 24 juin, en effet, l'auteur de l'Ode sur le Sacre avait l'honneur de présenter lui-même ses vers au roi.
Ce n'est point assez que sept ou huit journaux les aient déjà reproduits. La gloire des caractères des presses royales leur manquait. Charles X allait la leur accorder:
Nous avons annoncé que le roi avait accueilli avec bonté M. Victor Hugo, auteur d'une Ode sur le Sacre. M. le vicomte de la Rochefoucauld, chargé du département des Beaux-Arts, vient d'informer ce jeune poète que Sa Majesté, voulant témoigner la satisfaction que lui a causée la lecture de cette ode, avait ordonné qu'elle fût réimprimée avec tout le luxe typographique par les presses de l'Imprimerie royale[145].
[145] Moniteur Universel, 30 juin 1825.
Les titres du père sont énoncés désormais en toutes lettres et la correspondance est adressée à
Monsieur
Monsieur le lieutenant général Comte Hugo
A Blois.
quand ce n'est point à «Madame la Comtesse Hugo».
Précédant le départ pour la Suisse des Hugo et des Nodier, ce voyage littéraire dont Urbain Canel fit les frais, un geste qui précéda sa faillite, voici une lettre d'un tout autre ton.
Il s'agit bien d'une dette d'honneur; le prix, dû encore à M. de la Rivière, le vieil instituteur de la rue Saint-Jacques, des leçons données jadis à Victor[146]. Le brave homme, devenu, comme Biscarrat, un ami pour l'écolier de naguère, s'était contenté de présenter autrefois sa note. Mais au lendemain de la mort de Mme Hugo, la vraie, le piteux état de la succession n'avait point permis à sa délicatesse d'insister... puis, étaient venues la vieillesse et les infirmités.
[146] «Ils n'avaient pas, surtout Victor, l'âge du collège; elle (Mme Hugo) les envoya d'abord à une école de la rue Saint-Jacques où un brave homme et une brave femme enseignaient aux fils d'ouvriers la lecture, l'écriture et un peu d'arithmétique. Le père et la mère Larivière, comme les appelaient les écoliers, méritaient cette appellation par la paternité et la maternité de leur enseignement. Ça se passait en famille. La femme ne se gênait pas, la classe commencée, pour apporter au mari sa tasse de café au lait, pour lui prendre des mains le devoir qu'il était en train de dicter, et pour dicter à sa place pendant qu'il déjeunait.
Ce Larivière, du reste, était un homme instruit et qui eût pu être mieux que maître d'école. Il sut très bien, quand il le fallut, enseigner aux deux frères le latin et le grec. C'était un ancien prêtre de l'Oratoire. La Révolution l'avait épouvanté, et il s'était vu guillotiné s'il ne se mariait pas; il avait mieux aimé donner sa main que sa tête. Dans sa précipitation, il n'était pas allé chercher sa femme bien loin; il avait pris la première qu'il avait trouvée auprès de lui, sa servante.»
(Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, tome I, pp. 51-52.)
Le fils plaide joliment auprès du général la cause de son ancien maître. Il a fait, lui-même, le sacrifice d'une montre en or, dont il se proposait l'acquisition, pour éteindre en partie cette dette: le général n'aura plus qu'un reliquat de 286 francs et quelques centimes à payer... et tardera un peu à le faire.
Paris, 18 juillet 1825.
Mon cher Papa,
C'est avec un véritable regret que je me vois contraint de t'envoyer la lettre et la note ci-incluses. Ces deux pièces ont besoin d'une petite explication que voici. Ces jours passés, mon vieil et respectable maître, M. de la Rivière, se présenta chez moi: j'étais sorti. Il dit avoir quelque chose de pressant à me communiquer. Je m'empressai de me rendre chez lui, comme je le fais toujours chaque fois que je suppose qu'il peut avoir besoin de moi. Cet excellent homme m'exposa alors que sa position, que son âge et celui de sa femme rendaient plus gênée chaque jour l'obligeaient de me rappeler une dette sur laquelle il s'était tu jusqu'à présent, pensant que ta fortune ou la nôtre ne nous permettaient pas encore d'y faire honneur. Mais la nécessité l'emportant sur son excessive délicatesse, il s'est vu enfin forcé à cette démarche. Cette dette est celle de 486 fr. 80, qui se trouve expliquée dans la note ci-jointe. Je me suis parfaitement rappelé qu'à la mort de ma mère nous avions effectivement ce mémoire dans ses papiers, mais je pensais qu'Abel s'était chargé du soin de l'envoyer et depuis j'avais totalement oublié cette dette que je croyais éteinte avec le petit nombre d'autres modiques dettes que ma mère a laissées et dont la majeure partie fut dans le temps acquittée sur le produit de son argenterie et de ses robes. Je savais aussi que tu avais fait honneur aux autres créanciers, et je croyais M. de la Rivière de ce nombre. Comme le besoin était pressant, je pris l'avis de ma femme; et de son consentement je m'empressai d'envoyer à M. de la Rivière une somme de deux cents francs que j'avais disponible et que je réservais pour m'acheter une montre, cette somme, mon cher papa, servira à te décharger d'autant sur le total de la dette, c'est une fort légère privation que je m'impose en renonçant à cette montre, et je puis le faire sans me gêner. D'ailleurs, je sais, excellent père, que tu es loin d'être riche, et puisque je suis pour une part dans la dépense faite par M. de la Rivière, ces 200 francs seront ma cotisation personnelle. Ne songe donc plus qu'au reliquat de 286 fr. 80. Il est absolument inutile que je te dise, cher papa, combien une créance de ce genre est sacrée. Le peu que nous savons, le peu que nous valons, nous le devons en grande partie à cet homme vénérable et je ne doute pas que tu ne t'empresses de le satisfaire, d'autant plus qu'il en a besoin. Il ne subsiste que du produit d'une petite école primaire dont le modique revenu diminue de jour en jour, l'affaiblissement progressif de ses organes et de ses facultés lui faisant perdre par degrés tous ses élèves. Il a attendu dix ans avec une délicatesse admirable, et c'est le seul reproche qu'on lui puisse faire, car je suis sûr que tu aurais fait cesser l'objet de sa réclamation si tu l'avais connu plus tôt. C'est ce que (je) lui ai dit, en l'engageant à m'envoyer en hâte son compte pour te le faire parvenir. Tu le trouveras ci-inclus avec la lettre qu'il m'a écrite. Je vais m'occuper de chercher l'ancien mémoire détaillé et si je le trouve dans le peu qui nous reste des papiers de ma mère, je te l'enverrai sans perdre de tems. En attendant tu peux considérer sa note comme authentique.
Adieu, mon bon cher père, mon Adèle te prie d'embrasser pour elle ses deux mères et de leur dire que Juju et Didine se portent à merveille. Tout va bien ici, et tout est impatient de revoir maman Foucher. Mille hommages à Mmes Br...,[147] Pinlevé, etc., amitiés à tes amis.
[147] Femme du colonel Brousse, sous-directeur, puis directeur du haras à Blois, l'un des amis et des voisins du général Hugo; née Francesca Gazza, Mme Brousse est morte, centenaire, le 26 mars 1879.
M. de la Rivière, chef d'institution primaire, demeure rue Saint-Jacques, vis-à-vis l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas.
Je t'embrasse bien tendrement.
Ton fils respectueux et dévoué,
Victor.
Je m'occupe de toutes tes commissions. Le Roi m'a fait annoncer qu'il avait ordonné qu'on ajoutât à toutes les faveurs dont il m'honore un envoi de porcelaines. C'est me combler.
Suit le fameux voyage en Suisse, le Voyage poétique et pittoresque au Mont-Blanc et dans la vallée de Chamonix, dont Charles Nodier devait fournir le texte et dont Hugo, seul, a écrit le récit, de Sallences à Servoz, et de Servoz à Chamonix[148].
[148] Publiés d'abord dans la Revue de Paris (1829) et dans la Revue des Deux Mondes (1831), ces deux fragments ont pris place dans Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, t. II, pp. 108-126.
—Quel beau livre ce sera! avait dit Mme Nodier, à Sallences, où l'on déjeunait.
—S'il se fait[149], avait répondu la femme du poète, et Adèle Hugo avait raison.
[149] Victor Hugo raconté, tome II, p. 106.
Paris, 31 juillet.
Cher Papa,
Nous apprenons pour la première fois avec regret, que tu vas bientôt peut-être venir à Paris; c'est que nous en partons; et tu conviendras qu'il est dur d'en partir quand tu vas y arriver.
Notre excursion en Suisse s'exécute. Mardi, à 2 heures du matin, nous roulerons vers Fontainebleau. J'ai été horriblement souffrant toute la semaine d'un torticoli, mais je suis mieux, et le voyage achèvera de me remettre.
Les libraires paient notre voyage et au delà. Ils me donnent 2.250 francs pour quatre méchantes odes. C'est bien payé. Je ne crois pas que Lamartine puisse être de la partie, il vient d'être nommé secrétaire d'ambassade à Florence. Nodier est des nôtres.
Je te remercie pour M. de la Rivière. Je lui ai écrit tes bonnes intentions, j'aurais seulement désiré que tu puisses lui donner quelque chose avant le 1er janvier.
Nous avons vu M. Driollet. Il dit que l'affaire Lambert[150] va bien. Abel en dit autant.
[150] Lors de sa mort en 1828, le général Hugo figurait parmi les administrateurs de la «Banque Lambert».
Ta femme avait bien raison. Cette Augustine était pire qu'un mauvais sujet, c'était un petit monstre. Nous l'avons renvoyée. Elle est placée chez un herboriste. Je voudrais que tu en fisses prévenir sa mère.
Didine se porte à merveille. J'ai commandé des cartes séparées pour ta femme et pour toi. Il n'est plus de mode, à ce que m'a dit le graveur, d'en donner de collectives.
Adieu, mon excellent père, embrasse ta femme pour moi. Nous t'embrassons bien tendrement.
Ton fils respectueux et dévoué,
Victor.
Adolphe te remettra les cartes.
Le ménage a continué à vagabonder, et, c'est le retour à Paris, où il convie quelques amis à déjeuner. Mme Victor Hugo s'enquiert auprès de sa belle-mère, d'un beau poisson acheté à bon compte à la poissonnerie de Blois, qui pût arriver frais à Paris.
Ma chère maman, il y a bien longtemps que je voulais vous écrire, mais les embarras de domestique, joints à ceux du voyage, car nous venons encore d'aller passer quelques jours à dix lieues de Paris, ne m'ont pas laissé un moment. Joignez à cela l'inquiétude que ma fille m'a donnée pour percer les deux dents qu'elle vient de percer; mais tout cela ne m'a pas empêché (sic) de penser à vous et à mon bon père.
Malgré la peine que ma fille m'a donnée et qu'elle a eue pour ses dents: elle n'en marche pas moins seule et j'espère que la force qu'elle a l'aidera à percer toutes ses autres dents car à peine en a-t-elle six.
Mon mari s'est occupé de vous faire tirer des cartes de visites. Nous les donnerons à M. de Féraudy.
J'espère, chers bons parents, vous voir à Paris très incessamment. Si vous pouviez être à Paris samedi 31 de ce mois vous partageriez un déjeuner où nous réunissons quelques amis et où nos bons parents complèteraient si bien notre bonheur qui ne peut être entier sans eux. Si à Blois vous trouviez chère maman un beau poisson qui pût arriver frais à Paris vous seriez bien bonne de me l'envoyer pour ce jour, toutefois si le prix ajouté à celui du voyage ne le faisait pas monter plus haut que celui qu'on achèterait à Paris.
Écrivez-moi au juste quand vous serez à Paris, c'est le but que vous devez vous proposer si vous nous aimez.
Adieu chère maman, ma fille, mon Victor vous embrassent.
Votre respectueuse fille,
A. Hugo.
Victor, suivant son habitude, tient à conserver vierge pour les siens le crédit dont il peut jouir et refuse assez cavalièrement à son père sa protection pour un professeur, dont il l'avait prié de s'occuper:
Mon cher papa,
Nous voilà définitivement de retour à Paris. Nous n'avons fait que courir à droite et à gauche tout le mois de septembre, et nous avons terminé ces jours-ci nos promenades par une excursion à Montfort l'Amaury, charmante petite ville à dix lieues de Paris où il y a des ruines, des bois, un de mes amis[151] et un des tiens, le colonel Derivoire, qui a servi sous toi. J'ai beaucoup parlé de toi avec ce brave qui t'aime et te vénère et désire vivement te voir. Il compte faire le voyage de Paris la première fois que tu y viendras.
[151] Adolphe de Saint-Valry.
Nous désespérons presque, cher papa, d'avoir le bonheur de t'y voir cette année, puisque la saison s'avance sans t'amener. Cependant M. Lambert t'avait presque promis à tous tes amis de Paris.
Il est malheureusement impossible de rien faire pour le professeur dont tu m'envoies une lettre. J'ai beaucoup moins de crédit qu'on ne m'en suppose et j'ai dû dernièrement employer le peu d'influence que je puis avoir sur M. l'évêque d'Hermopolis[152] pour obtenir une bourse à l'un de nos cousins Trébuchet. Le succès n'est même pas encore décidé. Tu sens que toutes mes forces doivent être dirigées vers ce but, si important pour notre malheureux oncle Trébuchet, et que je ne pourrais occuper le ministre d'une autre affaire sans nuire à la sienne. Qui trop embrasse mal étreint.
[152] Denis, comte de Frayssinous, évêque in partibus d'Hermopolis, né à Curières (Aveyron) en 1765, mort en 1841. Après ses retentissantes conférences à la chapelle des Carmes et en l'église Saint-Sulpice, fut le 1er juin 1822 nommé grand maître de l'Université, puis, le 26 août 1824, ministre des affaires ecclésiastiques, portefeuille, créé pour lui, qu'il conserva, sous le ministère Martignac, jusqu'au 3 mars 1828.
Nous avons trouvé ici à mon retour les 200 cartes commandées pour toi: elles me paraissent fort belles. C'est un petit cadeau qu'Adèle veut faire à ta femme, indique-moi un moyen de le lui faire parvenir.
Adieu, cher papa, toute la famille Foucher, Abel, Adolphe, tous nos cousins embrassent ta femme et toi de tout cœur, et ne font en cela que se joindre à nous.
Ton fils tendre et respectueux,
Victor.
C'est, enfin, un an plus tard presque, la naissance d'un second fils,—ce sera Charles Hugo[153],—«qui vient remplacer le petit ange» dont les Odes et Ballades conservent le souvenir. Le jour même, Victor en fait part à son père:
[153] Charles-Victor Hugo, né à Paris le 3 novembre 1829, mort à Bordeaux d'une congestion le 13 mars 1871, trois jours après la séance de l'Assemblée nationale qui avait amené la démission de Victor Hugo. Outre sa collaboration à l'Événement et au Rappel, on doit au père de Georges et de Jeanne: Le Cochon de saint Antoine (1857), La Bohème dorée (1859), La Chaise de paille (1859), Une Famille tragique (1862). Il avait écrit une comédie: Je vous aime (1868) et, enfin, avait tiré des Misérables un drame souvent représenté.
Paris, le 3 novembre.
Mon cher papa,
Tu vois que la nouvelle ne se fait pas attendre. Mon Adèle est accouchée cette nuit à cinq heures moins vingt minutes du matin d'un garçon fort bien portant. Cette pauvre amie a cruellement souffert. Je t'écris en ce moment près de son lit; elle se trouve assez bien, cependant elle croit avoir quelque fièvre et je lui recommande de ne pas parler.
Nos bons parents recevront sans doute avec bien de la joie ce nouveau venu qui vient remplacer le petit ange que nous avons si douloureusement perdu il y a trois ans. Votre bonheur ajoute au nôtre.
Je ne t'en écris pas davantage aujourd'hui, cher papa, embrasse pour nous ta femme; fais part de la naissance de ton petit-fils à tous nos amis de Blois, MM. Brousse, de Féraudy, de Béthune, Driollet, etc., Mmes Brousse, etc., ma femme prie la tienne de dire à la jeune dame les choses les plus affectueuses en son nom.
Abel et Mélanie, femme de Pierre Foucher, seront les parrains du nouveau-né dont nous ignorons encore le nom. Il a déjà fort bien tété.
Ton fils tendre et respectueux,
Victor.
Est-ce que vous n'arriverez pas bientôt à Paris? Nous vous attendrions pour le baptême. Ce serait double fête.