Voyage musical au pays du passé
AVANT-PROPOS
Le recueil que voici[1] fait suite à ma première série de Musiciens d'autrefois. La plupart des articles sont consacrés à un âge de transition, où s'élaborent la sensibilité, l'esthétique, les formes de notre musique moderne. Par un phénomène assez commun dans l'histoire, ce ne sont pas les plus grandes personnalités artistiques qui se font, à l'ordinaire, les pionniers de l'avenir. Les J.-S. Bach dominent de trop haut leur temps, pour exercer sur lui d'influence directe; ils sont en dehors du siècle; leur rayonnement ne se fait sentir qu'à distance. Ce sont les Telemann, les Hasse, les symphonistes de Mannheim, qui lancent les courants nouveaux. J'ai tâché de faire revivre ici Telemann. Je dirai plus tard l'admiration et l'amour que j'ai pour Hasse.
[1] La plupart de ces études ont paru dans la Revue de Paris (1er juillet 1900, 15 août 1905, 15 février 1906, 15 avril 1910). L'article sur le Journal de Pepys a fait partie d'un volume de Mélanges Hugo Riemann, en 1909. Le «Telemann» est inédit.
On a été extrêmement injuste envers ces maîtres. De leur vivant, leur gloire fut peut-être excessive. Mais l'oubli où ils sont tombés, depuis, l'est sûrement beaucoup plus. Les éveilleurs d'idées, comme Telemann et les «Mannheimer», ont rarement le temps d'être profonds. Ils sèment à tous les vents. Sachons-leur gré des fruits que nous cueillons aujourd'hui. Ne leur demandons pas la plénitude parfaite de l'automne, quand ils étaient le printemps capricieux et fécond. A chacun son lot! Celui des musiciens novateurs de la première moitié du XVIIIe siècle a été assez beau, puisqu'ils ont frayé le chemin aux Mozart et aux Beethoven.
R. R.
Juin 1919.