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Aloisiæ Sigeæ Toletanæ Satyra Sotadica de arcanis Amoris et Veneris

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 NOTICE

SUR
 
NICOLAS CHORIER
 
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L'auteur de l'Aloisia, Nicolas Chorier, né à Vienne (Dauphiné) en 1612, reçu docteur en droit en 1639, exerçait la profession d'avocat à la Cour des Aides de sa ville natale. D'un esprit cultivé, ami passionné des lettres, Latiniste de premier ordre, il ne consacrait aux affaires du barreau qu'une assez faible partie de son temps. Au sortir de l'Académie des Jésuites et pendant le cours de ses études de droit, il s'était déjà essayé dans les genres les plus divers, tant en Français qu'en Latin: sylves, élégies, odes, épopées, tragédies, tragi-comédies. La composition de l'Aloisia, le premier jet du moins, car il dut retoucher souvent cette œuvre [pg VI] capitale, remonte très probablement à cette époque. «J'écrivais alors,» nous dit-il dans ses Mémoires1, c'est-à-dire avant d'être avocat, «des Epîtres, des Discours, la Vie de Pierre de Villars, évêque de Vienne, une dissertation politique sur l'Alliance de la France avec l'Empire Ottoman; l'Eucharisticon, l'Alithium, et deux Satires, l'une Ménippée, l'autre Sotadique.»

En 1640, il publia sous le titre de Doremation son premier livre, un Éloge de quatre archevêques de Vienne, de la maison de Villars, bientôt suivi d'un traité moral: Sentiments de l'honnête homme (1641), du Magistratus causarumque patroni veri ac perfecti icon absolutissima (Type absolu du magistrat et du véritable et parfait avocat), qui était un portrait idéalisé de Pierre de Boissat, bailli de Vienne (1646), et de la Philosophie de l'honnête homme, autre traité moral, dédié au chancelier Séguier (1647). Chorier méditait dès lors sa grande Histoire du Dauphiné et il en rassemblait de toutes parts les matériaux; il la fit précéder d'un ouvrage plein d'érudition: les Recherches du sieur Chorier sur les Antiquités de la ville de Vienne, métropole des Allobroges (1658), qui accrut sa réputation de [pg VII] savant. Il était entouré de la considération générale, ses travaux l'avaient mis en relation avec presque tous les lettrés de l'époque, son cabinet d'avocat lui rapportait des émoluments considérables, lorsque la suppression de la Cour des Aides de Vienne vint menacer sa fortune. Réduit aux maigres affaires d'un bailliage, il n'aurait pu gagner sa vie; il résolut donc de se transporter à Grenoble avec toute sa famille, et de s'y créer une nouvelle patrie. C'est à cette époque même (1659-1660) qu'il fit imprimer, à quelques exemplaires seulement, pour ses amis, la première édition de l'Aloisia. Le livre fut imprimé à Lyon2.

A Grenoble, Chorier ne tarda pas à conquérir une situation tout au moins équivalente à celle qu'il venait de quitter. Son Histoire générale du Dauphiné, dont il publia le premier volume en 1661, fut si bien accueillie, que les États, réunis cette année même, lui votèrent un don de cinq cents louis, somme qu'il ne reçut pas, à la vérité, le Parlement ayant refusé de l'ordonnancer, mais qui n'en témoigne pas moins de la [pg VIII] bonne volonté de ses concitoyens à son égard. En 1666, Du Gué de Bagnols fut nommé intendant de Lyon; c'était un haut et puissant personnage. Beau-frère du chancelier Le Tellier3, oncle de Louvois, père de Mme de Coulanges, l'aimable correspondante de Mme de Sévigné et l'amie de Mme de Maintenon, Du Gué avait de grands appuis à la Cour; il devint l'ami et le protecteur de Chorier dans des circonstances fort honorables pour le jurisconsulte Dauphinois. L'intendant de Lyon avait ordre de poursuivre dans sa Généralité, composée des quatre provinces de Lyonnais, Beaujolais, Forez et Dauphiné, la grande enquête commencée par toute la France, dès 1661, sur les usurpations de titres de noblesse; il choisit Chorier pour remplir l'office de Procureur du Roi près de la commission qu'il présidait. En cette qualité, Chorier était chargé de faire les informations, d'examiner les dossiers et de requérir; un grand nombre de nobles durent comparaître. L'enquête ne se termina qu'en 1670, après que les assises se furent tenues successivement à Grenoble, à Vienne et à Lyon. Cette recherche des usurpations de titres nobiliaires était délicate; [pg IX] bien des amours-propres se trouvaient froissés par cette sorte d'inquisition royale; on cherchait à y échapper par tous les moyens, dont le plus simple était de corrompre les juges. Guy-Allard, secrétaire de la commission, et quelques autres agents inférieurs, en furent ignominieusement chassés pour s'être laissé séduire et avoir prêté la main à la falsification de certains dossiers. Chorier suivit partout le commissaire et déploya près de lui un zèle et une intégrité que Du Gué de Bagnols se plut à reconnaître: telle fut l'origine de leur étroite intimité, de la protection constante accordée par l'intendant de Lyon à l'homme qui l'avait le mieux secondé dans ces longues et difficiles investigations.

Chorier n'en poursuivait pas moins la composition des ouvrages qu'il avait entrepris; en 1669 il fit imprimer l'Histoire de la maison de Sassenage; en 1671, l'État politique du Dauphiné; en 1672, la seconde partie de l'Histoire générale du Dauphiné; en 1680, la Vie de Boissat (en Latin), qu'il dédia à Du Gué de Bagnols. C'était au même personnage, mais sans le nommer expressément, qu'il avait dédié deux ans auparavant (1678) une seconde édition, plus complète, de l'Aloisia. La première, celle de Lyon, 1660, ne contenait que six dialogues: Velitatio, Tribadicon, Fabrica, [pg X] Duellum, Libidines, Veneres; il en ajouta un septième, intitulé Fescennini, qui affecte de n'être qu'une suite de fragments, soit que l'auteur l'ait ainsi voulu, soit que l'imprimeur n'ait eu en sa possession qu'un manuscrit plein de lacunes. Chorier n'en a pas moins mis sa marque à cette édition, tant par sa longue épître: Summo viro Aloisia ex Elysiis hortis, où il parle beaucoup de lui-même et de son protecteur Du Gué, que par l'adjonction de deux pièces de vers Latins dont il a toujours avoué la paternité4. Par une bizarrerie qu'on ne s'explique pas bien au premier abord, la scène qui, dans les six premiers dialogues, est placée à Rome, se trouve, dans le septième, transportée en Espagne, et les interlocutrices, Tullia et Octavia, tout en restant les mêmes, sont devenues Espagnoles, d'Italiennes qu'elles étaient. Ce changement est une conséquence de l'attribution que Chorier avait fait de l'ouvrage à Luisa Sigea, de Tolède (Aloisia Hispanice scripsit, Latinitate donavit Joannes Meursius), attribution à laquelle [pg XI] il ne songeait sans doute aucunement en composant cette satire Sotadique, et que plus tard il entreprit de justifier.

Chorier mourut en 1692; il laissait manuscrits une grande quantité d'ouvrages, parmi lesquels on a imprimé depuis son Nobiliaire du Dauphiné (1697, 4 vol. in-4º); ses Mémoires, en Latin (Nicolai Chorerii, Viennensis jurisconsulti, Adversariorum de Vita et rebus suis libri III) dont le texte a paru dans le Bulletin de la Société de statistique du département de l'Isère (1844); sa Vie d'Artus Prunier de Saint-André (Paris, Alph. Picard, 1880, in-8º).

En réimprimant l'Aloisia, on s'est proposé de donner de ce chef-d'œuvre le texte le plus soigné qui ait paru jusqu'ici. La première édition faite par Chorier en 1660 est elle-même très fautive: encore les éditeurs du XVIIIe siècle ne l'ont-ils pas connue, et n'ont-ils pas pu profiter de l'Errata où Chorier avait corrigé bon nombre de fautes d'impression. Ils ont altéré beaucoup d'endroits, qu'ils comprenaient mal, et au Latin de Chorier substitué le leur; une ponctuation défectueuse, le manque de guillemets, etc., rendent, de plus, ces diverses éditions d'une lecture assez malaisée. Les amateurs seront heureux d'avoir enfin de ce livre de chevet un [pg XII] texte correct, clarifié, et d'une belle exécution typographique. Ils y trouveront l'œuvre tout entière, telle que l'auteur l'a donnée lui-même, c'est-à-dire les six dialogues de l'édition originale, complétés par le septième de l'édition de 1678, et les trois pièces qui l'accompagnaient: l'épître Summo viro et les deux petits poèmes Latins, De Laudibus Aloisiæ et Tuberonis Genethliacon. Quant aux autres morceaux de prose ou de vers, insérés généralement à la suite de l'Aloisia dans les éditions modernes: le Fututor effœtus, la Formica de Giovanni della Casa, les Diversorum veterum Poetarum in Priapum lusus, les Lettres d'Antoine à Soranus et de Soranus à Antoine sur les dérèglements de Cléopâtre, le Discours d'Héliogabale aux courtisanes Romaines, les fragments de Sénèque, de Procope et d'Arnobe, ils sont entièrement étrangers à Chorier et nous n'avions pas à en tenir compte5.

Paris, Mars 1885.

Notes

[1]

V. la Curiosité littéraire et bibliographique, IIIe et IVe Séries (Paris, Liseux, 1880-83).

[2]

Sur cette édition originale, ignorée de Brunet et que les auteurs du Supplément au Manuel du Libraire ont mentionnée sans en reconnaître l'importance, voir une Notice dans la IIe Série de la Curiosité littéraire et bibliographique.

[3]

Le Tellier et Du Gué de Bagnols avaient épousé les deux sœurs.

[4]

Sur l'énigmatique Épître: Summo viro et les pièces de vers Latins: De laudibus Aloisiæ et Tuberonis Genethliacon, dont la dernière renferme de curieuses allusions à un épisode de la vie de Chorier, voir dans la IIIe Série de la Curiosité littéraire l'article intitulé: Eclaircissements sur le «Satyre Sotadique de Nicolas Chorier, connue sous le noms d'Aloysia, de Meursius.»

[5]

De très médiocres imitations Françaises de l'Aloisia ont été faites sous divers titres dès la fin du XVIIe siècle, et fréquemment réimprimées depuis; il n'en existe qu'une seule bonne traduction: les Dialogues de Luisa Sigea, ou Satire Sotadique de Nicolas Chorier (Paris, Liseux, 1881, édition mixte, 4 vol. petit in-18), et les Dialogues de Luisa Sigea sur les arcanes de l'Amour et de Vénus (texte Latin et traduction complète, Paris, Liseux, 1882, 4 vol. in-8º, imprimés à cent exemplaires).

[pg XIII]

ALOISIÆ SIGEÆ
 
TOLETANÆ
 
SATYRA SOTADICA
 
DE
 
ARCANIS AMORIS
ET VENERIS

~~~~~~

Aloisia Hispanice scripsit
 
Latinitate donavit Ioannes
 
MEVRSIVS
 
V. C.

[pg!XIV]

[pg XV]

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