← Retour

Comment on Prononce le Français: Traité complet de prononciation pratique avec le noms propres et les mots étrangers

16px
100%

[355] Dont le son se reconnaît et se conserve dans chienlit, malgré la diphtongue: ce mot est en effet sans rapport avec chiendent, composé de chien. A la préposition en il faut ajouter trois ou quatre noms de villes: Caen (et Decaen), Ecouen, Rouen, et Saint-Ouen, que les Parisiens prononcent volontiers saintouin, on ne sait pourquoi.

[356] En 1878, l’Académie prétendait encore que la prononciation examène n’avait pas tout à fait disparu: elle ne peut être que méridionale.

[357] On trouve aussi éden rimant avec jardin, rime particulièrement fréquente dans Delille; mais dans les Juifves, Robert Garnier faisait rimer éden avec Adam. Émile Goudeau, dans sa fameuse Revanche des Bêtes, a fait rimer abdomen avec carmin: je n’en connais pas d’autre exemple. Quant à spécimen prononcé par in, qui est admis par Michaëlis et Passy, je ne crois pas qu’on le rencontre bien souvent. Le son nasal in s’est maintenu dans quelques noms propres, Agen, Ruben, Sirven, et aussi Boën (boin) et Cahen, et surtout dans les noms bretons: Chatelaudren, Dupuytren, Elven, Guichen, Kerguélen, Lesneven, Pleyben, Pont-Aven, Rosporden, Suffren, etc. Il est vrai qu’on prononce fréquemment sufrène ou kerguélène, mais c’est une erreur, et les marins, qu’on doit apparemment suivre sur ce point, ignorent complètement cette prononciation.

[358] On notera par suite la différence de prononciation entre comédien (yin) et ingrédient (yan), draconien (yin) et inconvénient (yan), historien (yin) et Orient (yan), etc. C’est aussi an qu’on entend dans Hersent, Sargent ou Bénévent.

[359] Il va sans dire qu’il n’est pas question non plus des finales des troisièmes personnes du pluriel, qui, après s’être longtemps prononcées ont ou ant, ont fini par devenir aussi muettes que l’e simple: aim(ent) ou aim(e), aimai(ent), aimèr(ent). Enfin quelques mots étrangers ne se nasalisent pas, et articulent le t, comme pschent, privat-docent, great-event, Kent, Taschkent; zend se nasalise en in, et on articule la consonne, comme dans le latin bis repetita placent.

[360] Je parle de -ens après consonne, bien entendu: nous savons déjà que tiens et viens et leurs dérivés, et les pluriels en -éens et en -iens, avec Amiens ou Damiens, ont toujours le son in.

[361] C’est aussi le son latin (ince) qu’on entend dans presque tous les noms propres, qui sont pour la plupart méridionaux ou étrangers: Camoëns, Dickens, Flourens, Huyghens, Martens, Perrens, Pougens, Puylaurens, Rabastens, Rubens, Saint-Gaudens, Thorens, Valens, etc. (avec Morcenx ou Navarrenx). Ajoutons que des noms comme Dickens et Huyghens peuvent aussi ne pas se nasaliser, de même que Stevens. Toutefois quelques noms propres français ont réussi à garder le son an tout en faisant sonner l’s: Argens, Dulaurens, J.-P. Laurens, Lens, Sens, et aussi Jord(a)ëns (dance), avec Saint-S(a)ëns. Coblentz se prononçait naguère encore Coblance; aujourd’hui on ne nasalise plus guère ce mot. On voit qu’après en l’s se prononce toujours ou à peu près dans les noms propres. Il y en a pourtant quelques-uns où on a tort de le prononcer; et dans ceux-là, à part Samoëns, qui se prononce Samoin, c’est le son an qui se maintient, comme dans les mots proprement français, gen(s) ou dépen(s). Ce sont d’une part Furen(s), Confolen(s) et Doullen(s), d’où Confolennais et Doullennais prononcés par a, avec Saint-S(a)en(s), localité de la Seine-Inférieure; d’autre part une héroïne et une localité vaudoises, Claren(s) et Mᵐᵉ de Waren(s). Malheureusement notre habitude de prononcer les noms propres par ince, comme les mots latins, fait altérer constamment la prononciation de ces noms, qui est pourtant conforme aux plus pures traditions françaises. Peu de gens en France la respectent ou même la connaissent; et si elle se maintient en Suisse, on prétend qu’à Confolens même la prononciation confolince commence à se répandre: ce serait donc la prononciation méridionale qui monterait vers le nord; mais est-ce bien sûr?

[362] Et aussi dans Timour-Leng (d’où Tamerlan) et Aureng-Zeyb, noms anciens; mais le moderne Flameng se prononce par ingue, comme on prononce inque dans Mézenc, Teisserenc de Bort ou Dehodenc, noms méridionaux.

[363] Ceci entraîne naturellement la prononciation de tous les noms propres qui ont ces finales, même les noms étrangers: Clarence, Mayence et Valence (d’Espagne), aussi bien que Prudence, Fulgence, Térence, Jouvence, Valence (de France), Vence et Provence (Lawrence fait exception et se prononce Lôrèns’); de même Wendes et Ostende, comme Mende, Tende ou Port-Vendres; Tarente, Sorrente et Trente, comme Salente; Nouvelle-Zemble, comme Gartempe et même Gardonnenque.

[364] Même dans les noms propres anciens: on prononce Empédocle, Encelade, Endor, Endymion, comme Embrun ou Entragues; toutefois on prononce Emporium par in, parce que sa forme est purement latine.

[365] Ce qui a entraîné centumvir, que quelques-uns prononcent par in. Dans quattrocento, on ne doit pas nasaliser en, le mot restant italien; mais quattrocentiste, qui est francisé, se nasalise par in.

[366] De même dans les noms propres: Argenson, Argentan, Argenteuil, Armentières, Beaugency, Bérenger, Besenval (il paraît qu’on devrait prononcer bézval), Carentan, Carpentras, Caventou, Charenton, Clemenceau, Cotentin, Daubenton, Fromentin, Genlis, Gensonné, Hendaye (autrefois écrit Andaye), Lenglet-Dufresnoy, Menton, Montmorency, Montpensier, Porrentruy, Saint-Quentin, Senlis, Tarentaise, Tencin, Lally-Tollendal, Valençay, Valenciennes, Valentinois, Vendée, Vendôme, Ventoux, Ysengrin, etc., etc.

[367] Avec les expressions latines castigat ridendo mores, festina lente, habemus confitentem reum, intelligenti pauca, nunc est bibendum, o tempora, panem et circenses.

[368] Et aussi Pentateuque ou Penthésilée; mais Pentecôte, qui est ancien et populaire, a gardé le son an; Penthée aussi, généralement. Pour Pentélique, il y a doute.

[369] On l’a fait pourtant dès l’origine, et l’abbé Barthélemy écrivait même vindémiaire, au témoignage de Domergue.

[370] Mentor n’est répandu que depuis le Télémaque de Fénelon, et l’on prononça d’abord Mén-tor, qui naturellement s’est nasalisé en in.

[371] Il y a aussi quelques noms propres français qui ont le son in, sans qu’on sache pourquoi, comme Benserade (attesté dès 1711), Buzenval (à côté de Besenval par an), Magendie, Penthièvre (que quelques-uns prononcent par an, mais qui est attesté depuis 1761). Ces noms sont rares, sauf dans le Midi. On prononce encore par in Emporium, quoique em soit initial, et surtout Benjamin et Memphis, Lentulus, Sempronius et Sempronia, et Terentia. Hortensius semblerait devoir aussi se prononcer par in: il a probablement subi l’analogie de Hortense et hortensia, qui en dérive; Aventin a dû subir celle du français avent, d’autant plus que intin était désagréable; enfin Tem, sur lequel on hésite, suit aisément celle de temps. Nous avons vu que la finale -en se prononçait in dans les noms propres bretons; à fortiori -en- intérieur: Penmarch se prononce peut-être pèn(e)mark en breton, mais en français de Bretagne on nasalise, et on prononce pin-mar, comme dans Lesneven ou Suffren.

[372] Crescendo se francise certainement en cressindo, et on en a même fait un substantif. Pourtant les musiciens le prononcent volontiers à l’italienne, créchèndo; et on doit le prononcer ainsi dans la grande tirade de la calomnie du Barbier de Séville, où ce mot vient après rinforzando, qui ne tolérerait pas les nasales. Crechin-do seul est à éviter.

[373] Il en est de même pour les noms propres que pour les autres. Très peu de noms étrangers nasalisent en par an: Engadine, où en est initial, Carpentarie, quelquefois Grenville (mais à tort), Gengis-Khan et Genséric, qui sont fort anciens, Hottentots et Mazendéran, qui s’écrit aussi Mazandéran, Luxembourg, Rembrandt. Presque tous les noms qui nasalisent en le font naturellement en in: Abencérages, Altenbourg, A Kempis, Appenzel, Bender, Benda, Benfey, Bengale, Benguela, Bentivoglio, Bentley, Benvenuto Cellini, Brenta, Brentano, Cavendish, Cenci, Clementi, Cosenza, Daremberg, Emmenthal, Faënza, Flensbourg, Folengo, Formentera, Furstemberg, Gassendi, Girgenti, Groënland, Guttemberg, Lorenzaccio, Lowendal, Mackenzie, Magenta, Marengo, Mecklembourg, Mencius, Mendelssohn, Mendoza, Mentana, Nuremberg, Odensée, Offenbach, Oldenbourg, Pendjab, Pensylvanie, Sacramento, Semendria, Smolensk, Struensée, Tagliamento, Tolentino, Valentia et Valencia, Wenceslas, Wissembourg, Wurtemberg, et aussi Mendès et Stendhal. Plusieurs de ces noms peuvent aussi se prononcer sans se nasaliser comme Daremberg, Wissembourg. Doivent être prononcés sans nasale la plupart de ceux qui ne sont pas cités ici: d’abord ceux qui ont em suivi d’une consonne autre que b ou p, comme Emden, et même Bembo, Lemberg et Pembroke, malgré le b qui suit; et d’autre part Encke, Engelman, Hohenlohe, Kentucky, Mentchikoff, Rienzi, Rodenbach, Stephenson, Swedenborg, Sienkiewicz, Siem-Reap, Tien-tsin, Tuyen-Quan, et tous les autres, moins connus, dans lesquels l’e est ordinairement presque muet, quand il n’est pas tonique ou initial, comme dans Wall(e)nstein, Liecht(e)nstein ou Tug(e)ndbund.

[374] Le groupe final in (avec ain et ein) étant toujours nasal dans les mots proprement français, il ne faut pas le décomposer dans Ysengrin, Lohengrin (sauf en musique), Caïn, Ebroïn, Méchain, Tain, Etain, Sein ou Cain (ne pas confondre avec Caïn), pas plus que dans Hincmar, Maimbourg, Paimbœuf ou Paimpol, ou dans Cymbalum mundi. L’y ne change rien non plus à la nasale finale de Jocelyn et Jamyn, qu’on décompose quelquefois très mal à propos, surtout pour Jamyn, qui était certainement nasal au XVIᵉ siècle.

[375] Pour les noms propres, les finales de Berlin, Dublin, Eliacin, Ficin, Franklin, Guerchin, Kremlin, Pékin, Pérugin, Tessin, Tonkin, Wisconsin, Witikin(d), sont françaises depuis longtemps; on peut y ajouter Arg(u)in, Kœchlin, Vielé-Griffin, Yersin, Zeppelin, etc. A l’intérieur, outre Edimbourg, Fingal, Finlande, Irminsul, Minturnes, Simplon, Thuringe ou Vercingétorix, qui sont anciens, outre Robinson, Gœttingue, Tubingue et Zwingle, on nasalise aussi Chimborazo, Cintra, Damoreau-Cinti, Mincio et Vinci, Birmingham, Cincinnati, Lincoln, Lingard, Lynch et Singer. On nasalise également Champlain et Chamberlain (mais non Gainsborough), ainsi que Mein, Heinsius, Hussein-Dey, Seingalt et Steinkerque. On hésite pour certains mots, comme Stettin et Behring. On ne nasalise pas la finale de Boecklin, Brooklin, Darwin, Elgin, Emin-pacha, Erin, Erwin, Robin-Hood, Kazbin, Sakhalin (écrit aussi Sakhaline), Schwerin (quoique Mecklembourg soit francisé), Szegedin, Tien-tsin, Widdin, ni même Lohengrin, du moins en musique, car ce nom, qui sans doute nous appartient par l’origine, étant frère de notre national Ysengrin, nous est revenu par Wagner, qui l’a fait allemand. Si on nasalise certains noms flamands en -inck, comme Edelinck, Maeterlinck, il ne paraît guère possible de nasaliser les noms en -ing ou -ings, Essling, Kipling, Memling ou Hastings, ni Semipalatinsk; pas davantage le groupe intérieur ou initial de Kimberley, Himly, Timgad ou Wimpffen, de Berlichingen, Bolingbroke, Bonington, Buckingham, Elchingen, Finmark, Glinka, Grindelwald, In-salah, Interlaken, Inverness, Livingstone, Mac-Kinley, Mackintosh, Meiningen, Minnesinger, Pinturicchio, Strindberg, Swinburne, rio Tinto, Tyndall, Vinhlong, Waddington, Washington, Wellington, Westminster, Windsor, Zinder, etc., etc. Le groupe ein qui termine beaucoup de noms propres allemands, et qui se prononce aïn, en une syllabe, ne saurait se franciser en in, sauf dans Mein; mais il se francise parfois à moitié en èn: toujours la demi-francisation. Ainsi prenons Rubinstein (roubin’staïn): on nasalise in sans difficulté pour le franciser, parce qu’il est à l’intérieur du mot; mais quand il s’agit de la finale, tout le monde sait que les finales nasales sont propres au français: on tient donc à respecter l’n, comme on le fait dans Ibsen ou Beethoven, ou dans policeman, et c’est ei tout seul qui se francise comme dans Leibniz; on a ainsi Rubinstèn. Il n’y a pas grand’chose à dire à cela: on n’est pas obligé de savoir l’allemand, et tout vaut mieux que d’affecter de savoir ce qu’on ne sait pas. On fera bien cependant de prononcer à l’allemande Holbein et aussi Gérolstein.

[376] Contemplations, XIII: le morceau date de 1855, et non de 1835. Cf. l’Ane, VI, et Toute la Lyre, IV, XXV.

[377] En revanche, c’est o-in qu’il faut prononcer dans les composés de co-, comme co-ïncidence, ou co-intéressé, où la diphtongue oin n’a rien à faire.

[378] Châtiments, IV, XIII, pour rimer avec Drouyn, dont la finale est nasale, comme celle de Gédoyn.

[379] Le cas n’est pas du tout le même que celui de meur-trier ou en-crier, qui ont dû nécessairement se décomposer.

[380] Sauf tout au plus dans Drouyn el Duguay-Trouin. Si Ébro-ïn a trois syllabes, c’est à cause du tréma.

[381] Nous avons déjà rapproché m’sieur de m’man: voir page 39.

[382] Voir page 133. A-on s’est maintenu dans Phara-on et Lyca-on, comme o-on dans Démopho-on ou Laoco-on.

[383] On ne nasalise pas non plus l’allemand kronprinz. On final est naturellement nasal dans les noms propres anciens, français depuis longtemps, Aaron, Platon, Solon, etc., etc., mais non dans quelques noms savants en -eion, ni dans Poseidôn, ni dans Organon ou Satyricon. On final anglais, qui s’est nasalisé et francisé dans singleton et Robinson, le héros de Daniel de Foë, se nasalise encore sans difficulté dans Bacon, Byron, Casaubon, Dominion, Eton, Fulton, Gibbon, Gordon, Mélanchton, Newton, et au besoin Nelson et Milton; mais la plupart des noms propres en -son et -ton se prononcent sans nasale, avec un o faible: Addison, Ben Johnson, Edison, Emerson, Hudson, Mac-Pherson, Robertson, Stephenson, Tennyson, Thomson, et aussi Bergson; de même Chatterton, Fulton, Hamilton, Palmerston, Preston, Southampton, Washington, Wellington, etc. On nasalise Apchéron, Bagration, Balaton, Fouta-Djallon, Kherson, mais non Lang-Son. Quant à on non final, il se nasalise généralement comme en français: Bombay, Concini, Cronstadt, Dombrowski, Gongora, Klondyke, Lombroso, Missolonghi, Monck, Monmouth, Ontario, Sebastien del Piombo, Pombal, Spontini, Tombouctou, Tonga, Tongouses, Toronto, Wisconsin, etc.; plus rarement dans Schomberg ou Sonderbund, ou dans Heautontimoroumenos; jamais dans om suivi d’une consonne autre que b ou p (malgré le français Domfront et Dommartin).

[384] Avec acupuncture, avunculaire, becabunga, infundibuliforme, nuncupatif, opuntia, tungstène ou unguis; mais il se prononce un dans hic et nunc. Umble (poisson) est devenu ombre. Quant aux noms propres, on prononce on dans Annunzio, Aruns (que Voltaire écrit Arons), Columbus, Dunciade, Dundee, Duns Scot, Dunstan, Funchal, Humboldt, Northumberland et Cumberland, et même Bunsen; on hésite entre on et un pour Duncan ou Majunga, Lund et Sund, et par suite Stralsund et Bomarsund; mais on prononce un quand le groupe est final, dans Irun, Lescun, Ossun, et même Falun, comme dans Loudun, Melun ou Châteaudun (et Dunkerque); on prononce encore un dans Belsunce ou Humbert, dans Cunctator, dans Brunswick, Gunther et Munster. Quand un ou um n’est pas nasal, u se prononce ou (voir page 125, note 1).

[385] Ce chapitre a paru à peu près textuellement dans la Revue de philologie française, 1912, 2ᵉ trimestre; on y a fait ici quelques additions.

[386] C’est une bizarrerie de la langue: pourquoi est-il tonique dans dis-le, et muet dans dis-je? Tonique à l’origine dans l’un et l’autre, il tendit à devenir muet dans les deux, comme partout ailleurs; mais le résista. Au XVIIᵉ siècle, la prononciation n’est pas encore fixée, et Molière a le droit d’écrire par exemple:

Mais, mon petit Monsieur, prenez-l(e) un peu moins haut,

l’e est muet. Mais cette prosodie, encore fréquente dans Voltaire, était ridicule au XIXᵉ siècle chez V. Hugo, et chez beaucoup d’autres, qui se crurent autorisés par son exemple. V. Hugo est même allé jusqu’à l’extrême en élidant cet e devant un point dans Cromwell:

Chassons-l(e). Arrière, tous!

[387] L’e est cependant muet, ou du moins il sonne comme l’e muet, devant deux consonnes, dans le préfixe re- (ressembler, ressortir), dans dessus et dessous et quelques noms propres commençant par de- ou le-, la seconde consonne étant l ou r: Debraux, Debry, Decrès, Deprez, etc., Leblanc, Lebrun, Leclerc, Ledru-Rollin, Lefranc, Legrand, Leprince, Letronne, Levroux, etc.; de même dans levraut, levrette et levron. Nous reviendrons sur le préfixe re-.

[388] Il arrive même souvent que l’élision de l’e muet se fait par-dessus s ou nt pour éviter la liaison: tu aim(es) à rire, ils aim(ent) à rire; mais que la liaison se fasse on non, c’est tout un pour l’e muet, qui ne se prononce pas plus dans un cas que dans l’autre. Cette question n’est donc intéressante qu’au point de vue de la liaison; elle sera étudiée au dernier chapitre.

[389] De même le Yalou, le Yang-tsé-kiang, le Yémen, le Yucatan, le Yunnan, etc., quoiqu’on dise souvent, à tort, l’Yémen. L’i initial lui-même, placé devant une voyelle, ne peut être que consonne dans les mots allemands, même si on l’écrit i ainsi dans Iéna, aussi bien que dans Johannisberg; et les matelots qui parlaient naguère de la catastrophe du Iéna, parlaient, en réalité, plus correctement que leurs officiers ou les journalistes, qui disaient l’Iéna, en trois syllabes sans doute, comme V. Hugo. Néanmoins tout le monde dit le pont d’Iéna, mais cela tient à ce que, après un d, reste plus facilement diphtongue qu’après un l.

[390] Molière, les Femmes savantes, acte I, scène 1. On dirait de même, le cas échéant, ce ouais, et aussi bien ce ah, ce oh: en général, il n’y a pas d’élision devant un mot qu’on cite, sauf tout au plus celle de la préposition de.

[391] Après d’autres mots que le, de, ce, que, l’élision se fait couramment, surtout en vers. Pourtant Molière n’a pas hésité à conserver l’hiatus apparent, même entre deux interlocuteurs:

Quoi! de ma fille?—Oui; Clitandre en est charmé.
Moi, ma mère?—Oui, vous. Faites la sotte un peu.
Femmes savantes, II, 3, et III, 6.

Il a fait la même chose devant ouais (ibid., V, 2).

[392] On respecte davantage la semi-voyelle des noms propres qui commencent par oua-, comme le Ouadaï, plus usité que l’Ouadaï.

[393] Nous reviendrons sur huit, au chapitre de l’H.

[394] Quoiqu’il entrevît les raisons de ce fait, Vaugelas exigeait l’onzième; mais si Corneille aussi disait l’onzième (Cinna, acte II, scène 1), peut-être était-ce simplement de peur de faire un hiatus, comme V. Hugo disait l’y-ole. Leconte de Lisle aussi, pour le même motif, n’osant pas d’ailleurs aller jusqu’à dire l’onzième siècle, dit, du moins, dans les Deux Glaives, IV:

Le siècl(e) onzième est mort...

Ponsard, dans Ulysse, II, 4, a judicieusement accepté l’hiatus:

Et le onzième jour, la tempête calmée
Lui permit de partir, suivi de son armée.

[395] Mᵐᵉ de Noailles, Éblouissements, La douceur du matin.

[396] Corneille, Au roi, Sur sa campagne de 1676.

[397] Dans les cafés ou restaurants, on dit: servez à l’as, voyez à l’as, pour dire à la table 1. C’est très probablement parce que servez au un serait désagréable, l’un étant d’ailleurs évité instinctivement. Certains, comme les journalistes, disent la une, pour la première page.

[398] Légende des siècles, XXI, II.

[399] Voir M. Grammont, Mémoires de la Société de linguistique, tome VIII, pages 53-57.

[400] Ou éch’vèlé, qu’enregistrent Michaëlis et Passy: mais où diable prononce-t-on ainsi?

[401] C’est ainsi que certains mots étrangers ne se sont francisés complètement que par la chute d’une consonne: sauerkraut est devenu choucroute en perdant un r, roatsbeef et beefsteack ont perdu un t ou un s. D’autres ont intercalé un e muet après la seconde consonne, comme partenaire, de l’anglais partner, ou lansquenet, de l’allemand landsknecht. Voir sur ce point Léonce Roudet, Remarques sur la phonétique des mots français d’emprunt, dans la Revue de philologie française de 1908.

[402] Domergue l’entendait encore, mais on ne l’entend plus aujourd’hui que dans le Midi, et aussi dans le chant, où on entend même beaucoup trop de chanteurs le prononcer comme eu fermé. Cette prononciation de l’e final est particulièrement grotesque au café-concert, où on appuie d’une façon invraisemblable:

Mariet’teu,
Ma mignonet’teu,
Tu m’as quitté, ça, c’est pas chouet’teu.

Il paraît que cela fait partie intégrante du genre!

[403] Il y a encore des gens à l’esprit prévenu qui ne veulent pas en convenir: des raisons littéraires ou purement subjectives leur font contester même des phénomènes constatés par des instruments enregistreurs. C’est à peu près comme s’ils disaient qu’il ne fait pas froid quand le thermomètre est à dix degrés au-dessous de zéro. Mais leurs dénégations obstinées n’empêchent pas les faits d’être les faits.

[404] Voir surtout pages 56 et 117.

[405] Pour l’e final des mots latins ou italiens, voir page 52. On se rappelle que l’e final anglais atone ne s’entend pas non plus.

[406] Le peuple conserve volontiers l’e final de cette au détriment du premier: c(et)te femme; mais cette prononciation, autorisée autrefois, est aujourd’hui expressément évitée par les gens qui veulent parler correctement.

[407] En ce cas, on ne peut prononcer en réalité qu’une seule consonne; mais on prolonge l’occlusion totale ou partielle de la bouche, qui paraît ainsi précédée d’une consonne et suivie d’une autre. Quelques personnes se croient obligées de prononcer l’e muet dans une rencontre comme celle de onze sous, afin de maintenir la distinction de la douce et de la forte; mais ons’ sous est plus fréquent et parfaitement naturel. J’ajoute que dans ce cas, comme dans tous les cas pareils, il est indispensable de prononcer la consonne double, sans quoi on confondrait, par exemple, une noix avec une oie.

[408] Sans quoi rien se décomposerait. Nous reviendrons plus loin sur ce phénomène. Mais on notera ici qu’on dit fort bien une petit’ lieue, sans que lieue soit décomposé, l’influence de l’l étant moins forte que celle de l’r.

[409] Pour que la liquide soit troisième dans un tel groupe, il faut qu’elle soit précédée d’une explosive ou d’une fricative, précédée elle-même d’une spirante, comme ici j: le tout peut alors être suivi de ou ou u consonnes.

[410] Et cela ne date pas d’aujourd’hui: au XVIᵉ siècle, plusieurs écrivains, notamment Du Bellay, écrivaient de préférence à l’imparfait tomboint: oient a prévalu, sans doute pour éviter la confusion avec la nasale de point, et plus tard celle de saint. Cette finale muette -ent nous a conservé toute une série de formes verbales dont l’orthographe est identique (sauf parfois l’accent) à celle de mots en -ent tonique: expédient, affluent et influent, coïncident, résident et président, négligent, émergent, détergent et abstergent, divergent et convergent, équivalent, excellent, violent, somnolent, pressent, content et couvent, et d’autre part convient (avec précèdent et excèdent, different et adhèrent, et dévient).

Il va sans dire que la liaison de l’s ou du t devant une voyelle produit le même résultat que quand l’e muet final est suivi d’un mot commençant par une consonne: tristes événements, pauvres hommes, ils ressemblent à leur père, à moins qu’on ne dise familièrement pauv(re)s hommes ou i(ls) ressemb(len)t à leur père.

[411] Gré(e)ment a pourtant l’e plus fermé et plus long qu’agrément. Bien d’autres e sont tombés au moyen âge, sans laisser aucune trace: (e)gueule, di(e)manche, écu(e)ler, li(e)cou, li(e)mier, mi(e)nuit, rou(e)lette, etc.

[412] Rou(e)rie et flou(e)rie ont cependant ou plus long que sourie ou souris, et (e)rie a l’e plus fermé que série.

[413] En vers, l’e, qui ne compte pas dans pai(e)rai, compte dans payerai, comme dans sommeillerai, précisément parce qu’il s’appuie sur une consonne. Molière comptait encore l’e muet de gaye. Sur ce point, voir plus loin, page 193.

[414] C’est dans le Lévrier de Magnus. Ailleurs, dans les Paraboles de don Guy, il écrit flamboyement en quatre syllabes, ce qui est encore pis. C’est tout au plus si on peut admettre balayeront, qui est dans la Paix des dieux.

[415] Ou voye, ou même soye ou aye, pour soit ou ait.

[416] Et dans quelques noms propres: J(e)an, J(e)anne, J(e)annot, J(e)annin, etc., Dej(e)an, Maup(e)ou, Jean de M(e)ung, etc., et même Sainte-Men(eh)ou(ld), qu’on tend à remplacer par Sainte-Menehoul(d). É-u (eu) s’est maintenu très longtemps dans certaines provinces, témoin l’anecdote contée encore par Domergue: Un homme disait un jour à M. de Boufflers: «Vous avez é-u ma sœur dans votre société.—Pourquoi pas? répondit gaiement M. de Boufflers. Jupiter à é-u I-o dans la sienne.»

[417] De même M(e)aux, Carp(e)aux, etc. Mais la diphtongue ne s’est pas faite dans E-auze, quoiqu’il n’y ait point d’accent.

[418] Voir plus loin page 240. On essaya quelque temps du même procédé pour donner au c le son sifflant devant a, o, u: commenc(e)a; puis on adopta la cédille, sauf pour le seul et unique mot douc(e)âtre: pourquoi pas douçâtre aussi bien que commençâmes? Il est regrettable que les typographes n’aient pas adopté aussi un signe analogue pour le g: cela épargnerait quelques confusions.

[419] L’e est ici précédé de trois consonnes en apparence; mais an est une voyelle simple, et ch une consonne simple; plus loin, dans longuement et craquement, l’u n’est qu’un signe orthographique.

[420] On s’explique mal que le peuple prononce quelquefois trouvérai. Dangéreux n’est pas meilleur, ni cuillèrée; et aquéduc, qui fut longtemps correct, ne se dit plus. Mais ass(e)ner a cédé la place à asséner, malgré les dictionnaires. Il faut également se garder de déformer, comme il arrive trop souvent, l’e muet de Saint-Val(e)ry, Saint-Sév(e)rin ou Sév(e)rine, Ag(e)nais, et surtout Mal(e)sherbes ou Fén(e)lon, que Delille, et aussi Domergue, écrivaient Fénélon, je ne sais pourquoi. Pézenas même ne se prononce Pézénas que dans le Midi; mais le second e n’a point d’accent. En revanche appétit en a un: il ne faut donc pas prononcer ap’tit.

[421] Ici encore, quand il y a suffisante affinité entre les consonnes, il est arrivé souvent que l’e muet est tombé dans l’orthographe, sans qu’on sache toujours pourquoi il est resté à côté, dans les mêmes conditions. Car il est tombé non seulement dans les mots comme esp(e)rit, chaud(e)ron ou rég(ue)lisse, où la muette et la liquide s’attiraient, mais aussi bien dans des mots comme soup(e)çon, der(re)nier, lar(re)cin, pendant que dur(e) et sûr(e), longtemps écrits comme fierté, reprenaient leur e, par un caprice des grammairiens. Au surplus, l’orthographe de ces deux mots et de beaucoup d’autres a été longtemps flottante: on trouve encore carfour dans Corneille et dans Molière, épouster dans Molière et dans La Fontaine, laidron dans Voltaire, que dis-je? dans Béranger, avec bourlet.

[422] Et même, par l’effet de la liaison, ils se batt(en)t avec fureur. Ici encore, bien entendu, on prononce les deux consonnes, pour ne pas confondre là-dedans avec la dent, et ne pas créer de barbarisme comme honnêté. D’autre part, il faut éviter aussi avec grand soin de donner deux r à mairie ou à seigneurie, comme si c’était mair(e)rie ou seigneur(e)rie. Dans Rochechouart, on se croit souvent obligé de prononcer l’e, comme dans onze sous, mais ce n’est pas absolument indispensable.

[423] Et Richelieu. Deux mots qui auraient dû être aussi en -elier, sont à tort en -ellier: prunellier et dentellière. Dans ceux-là on ne se borne pas à prononcer l’e: on le ferme le plus souvent; mais on prononce aussi très bien dentelière, et peut-être cela pourra-t-il amener l’Académie à changer l’orthographe défectueuse de ce mot. Le seul substantif qui fut jadis en -erier, cellerier (de cellier), a fait mieux encore; il a pris l’accent: cellérier.—Notons en passant que les dictionnaires mettent aussi un accent à sorbétière; mais le mot était mal formé, et l’usage a refait sorbetière, comme de gilet, gil(e)tière, de même qu’on dit souvent, non sans raison, gen(e)vrier, au lieu de g(e)névrier. De même les médecins prononcent cur’ter, cur’tage, et écrivent curetter, curettage: c’est la prononciation qui est bonne et l’orthographe qui ne vaut rien, car les deux t de curette n’ont pas plus de raisons de se conserver dans cur(e)ter que les deux l de chandelle dans chandelier.

[424] Autrefois, tous ces mots avaient deux syllabes, ayant les mêmes finales monosyllabiques que poir-ier, atel-ier, aimer-ions, aimer-iez. Les nécessités de la prononciation ont amené la diérèse dès le XVIᵉ siècle ou avant; mais les poètes ne se sont conformés à l’usage qu’à partir de Corneille. Dans les deux premières pièces de Molière, on trouve encore voudr-ions, voudr-iez, et même ouvr-ier en deux syllabes, sans parler de sanglier, dont le cas est spécial. Sur cette question, voir mon article, les Innovations prosodiques chez Corneille, dans la Revue d’histoire littéraire de la France, 1913.

[425] Ce phénomène est si marqué que, dans ouvri-er, le peuple refait parfois la diphtongue primitive par l’addition d’un e muet: ouve-rier; de même voude-riez.

[426] Pour que la diérèse s’impose, il faut que la seconde consonne seule soit une liquide; le groupe rl s’accommode donc de la diphtongue.

[427] C’est uniquement à cause de la discordance de tn ou dn, car on prononce facilement diz’nier, et derrenier est devenu sans peine dernier. On prononce également l’e muet, par nécessité, dans nous pesions, ou nous faisions. Dans relier ou renier, on ne devrait pas avoir à craindre de séparer i-er, puisqu’en effet ce sont étymologiquement des syllabes distinctes; mais comme l’usage n’en fait qu’une, aussi bien que dans les substantifs, on dit plus fréquemment à relier ou à renier que à r’lier ou à r’nier.

[428] Toutefois une rencontre telle que il rest’ debout est un peu dure, et il arrive qu’on dit il reste d’bout, par exception à la règle générale; mais on prononce aussi bien les deux e: il reste debout; de même le maître venait ou v’nait de partir. Je dois ajouter que le peuple paraît dire volontiers elle v’nait ou elle r’vient; mais en réalité les deux e tombent ici par parti pris; seulement les nécessités de la prononciation font renaître un e factice devant la consonne initiale: ell’ er’vient, comme dans l’infinitif er’venir. Nous allons retrouver ce phénomène avec les monosyllabes.—Ajoutons que l’e de serein se maintient généralement, par opposition à celui de serin.

[429] Ici encore le peuple évite l’inconvénient en supprimant la liquide avec l’e muet (voir page 182); mais ici la liquide est après l’e: c(el)ui-là. Cette prononciation, qui est triviale, est à rapprocher de celle de d’jà pour déjà.

[430] Inversement premier avait autrefois un accent, et cette prononciation n’a pas complètement disparu, quoique l’Académie ait ôté l’accent depuis 1740.

[431] Quoique l’Académie ne l’ait pas encore enregistré pour ces mots. Au contraire, on commence à dire tenacité, par analogie avec tenace; mais ténacité, qui vient du latin, est encore seul considéré comme correct. On écrit et on prononce chéneau, au sens de gouttière; mais cheneau, qui se rattache à canal, se dit encore dans certaines provinces; et en tout cas chêneau vaudrait mieux que chéneau, car chéneau remplace en réalité chesneau, qui se rattache peut-être à chêne (chesne).

[432] Le Dictionnaire général dit déjà: Retable, et mieux rétable. Cet et mieux est discutable.

[433] Celui-là a des raisons particulières que nous allons voir dans un instant.

[434] De même que réfugier ne change rien à refuge, ni irréligion à religion, l’é fermé étant réservé au mot savant. Je rappelle en outre la différence de sens que l’accent établit entre répartir, récréer ou réformer, et les verbes à préfixe populaire, repartir, recréer, reformer, etc.

[435] Malgré Michaëlis et Passy. On altère aussi assez souvent l’e muet de Re, Rethel, Sedan, Sedaine, Segrais, Segré, Senef, Velay, Vevey, et surtout Regnard. On est fort partagé entre Remi et Rémi: ce qui est sûr, c’est que saint Remi et Domremy ont l’e muet, quoiqu’on prononce plus souvent et qu’on écrive même Domrémy. Mᵐᵉ Dupuis fermait aussi l’e de Mont-Cenis, sans doute comme italien.

[436] On prononce aussi un e muet, avec une seule consonne, ou plutôt l’e muet tombe aussi dans un certain nombre de noms propres qui ont conservé une consonne double, car autrefois la consonne double n’empêchait pas l’e de rester muet. Ainsi Cha(s)t(el)lain et Cha(s)t(el)lux, Ev(el)lin, Mor(el)let—témoin le calembour de Voltaire, mords-les—, et La M(en)nais, dont on a fait l’adjectif menaisien, qui n’a qu’un n. C’est aussi un e muet, mais un e muet prononcé, qu’on a dans Claude Ge(l)lée, dit le Lorrain, ou le parfumeur Ge(l), ou dans Montpe(l)lier, qu’on a souvent écrit jadis avec un seul l: cf. chapelier, page 166.

[437] Cf. vil(e)brequin, dont le premier e ne s’explique d’ailleurs pas du tout.

[438] Pourquoi ces quatre mots n’ont-ils pas pris deux t, aussi bien que les autres? C’eût été plus simple. Tous les substantifs en -erie, dérivés des mots en -elier, ont fini par prendre deux l: chapell’rie, tonnell’rie, batell’rie, etc.

[439] On voit que l’r est encore troisième. Cette prononciation est accueillie par le Dictionnaire général; mais je ne crois pas, malgré son autorité, qu’on puisse aussi prononcer panèt’rie, pellèt’rie, on grénèt’rie; il donne même exclusivement louvèt’rie: ce sont des prononciations purement théoriques, et qu’on n’entend nulle part.

[440] Nous en reparlerons dans un instant.

[441] Pourquoi papèt’rie et pas louvèt’rie? C’est un fait, voilà tout. D’ailleurs on entend aussi, surtout dans le peuple, non pas peut-être caqu’t’rie, mais en tout cas briqu’t’rie et bonn’t’rie, parfois même pap’t’rie.

[442] On dit aussi Gen’vois, bien plus souvent que G’nevois, mais ici, le plus généralement, on ne ferme pas l’e; jamais dans Gen’viève. On sait que dans la conjugaison, comme dans les substantifs en -ment, il y a mieux: on met un accent grave sur le premier e, quand on ne double pas la consonne: j’achèt’rai, formé sur j’achète (et non j’ach’t’rai, qu’on entend trop souvent), et par suite éch’vèl’ra, formé sur éch’vèle, comme achèvement sur achève. C’est ce qu’on aurait dû faire pour papet’rie, et les autres.—Nous rappelons ici que le français n’admet pas deux e muets de suite à la fin d’un mot: tant qu’on écrira fureter, décolleter ou épousseter, avec un e muet, les personnes instruites se croiront obligées de dire je furète, j’époussette ou je décollète, et non je fur’te, j’épous’te, ou je décol’te. Il est vrai que les futurs ou conditionnels épouss’terai(s) ou décoll’terai(s) sont généralement admis, ainsi que d’autres pareils, comme étiqu’terai: cela tient à ce que leurs e muets sont intérieurs, et que le second peut se prononcer, ce qui n’a pas lieu dans décollète. Cela n’empêche pas d’ailleurs qu’on ne prononce le plus souvent décolte d’après l’analogie de récolte, décoll(e)ter étant pareil à récolter. Le mieux serait que l’Académie acceptât épouster, décolter et furter, et aussi filter, car qui peut dire qu’on filète une vis, quand tous les gens du métier disent qu’on la fil’te?

[443] Receler est devenu recéler, mais receleur est demeuré; receper est devenu aussi recéper.

[444] Le peuple s’obstine parfois dans ce cas à laisser tomber l’e du monosyllabe, mais alors il le remplace involontairement, et de toute nécessité, par un autre, et aboutit à car ej’ dis ou à bec ed gaz, et même, en tête de phrase, ej’ dis pas: il ne faut pas perdre de vue que c’est uniquement le parti pris, d’ailleurs inconscient, de ne pas prononcer l’e muet qui aboutit à ce résultat, de même que dans une er’mise, où ce n’est pas du tout l’e de une qui se prononce, comme on pourrait croire: voir plus haut, page 168, note 1.

[445] On peut choisir, dans la conversation, entre pas de dieu et pas d’dieu, pas de lien et pas d’lien: voir ci-dessus page 160 et note 1. On peut même dire pas d’scrupules, à cause de l’s médian (voir ci-dessus, page 157).

[446] Cela est si vrai qu’on dira entend’ le discours, et pac’ que tu es venu, plutôt que de dire entendre l’discours et parce qu’ tu es venu; mais d’ailleurs il est possible de prononcer parc’ que, aussi bien que lorsque, et c’est ce qu’on fait d’ordinaire. Nous allons retrouver le groupe ce que.

[447] Pourvu que le même son ne soit pas répété: je jette, ce signe. On notera qu’avec je et ce initiaux, on va familièrement par l’élision jusqu’à trois et quatre consonnes initiales, dans j’ crève de faim, j’ crois bien, c’ train là; mais il est impossible de dire c’ rien, c’ ruisseau, ni c’ roi, le groupe sr n’admettant pas après lui d’autre consonne, ni même de semi-voyelle: la liquide doit être ici finale et non médiane (voir plus haut, page 160 et note 1).

[448] Mais naturellement on est bien obligé de dire les pas d’ celui qui vient, sans quoi il y aurait quatre consonnes, qui ne s’accommodent pas. On prononcera aussi nécessairement les deux e dans pour l’amour de celui, l’e de de étant maintenu par rd, et la sifflante qui suit étant initiale du groupe et non médiane.

[449] On dit naturellement: il croit qu’ tu viens, parce qu’il n’y a qu’un seul e muet.

[450] A fortiori, ça n’ me fait rien (chute du premier e), et non ça ne m’ fait rien.

[451] On évitera cependant d’aller, surtout en tête de phrase, jusqu’à j’ ne d’mande rien; on préférera je n’ demande rien: de- initial est sans doute moins faible que re-.

[452] Ou je n’ te l’remets pas, moins bien, parce que, si le est subordonné à te, la muette initiale de remets est subordonnée à le.

[453] On n’a pas oublié le président de la République que le peuple appelait généralement Félixe Faure, à moins que ce ne fût Felisque.

[454] Nous reviendrons sur ce point au chapitre de l’S. C’est pour le même motif que le p est tombé dans (p)tisane ou (P)falsbourg, et aussi, au XVIᵉ et au XVIIᵉ siècle, dans psaume.

[455] Rotrou, Laure persécutée, acte I, scène 10.

[456] De même, à fortiori, Plutôt que d’ lever tes voiles, et non plutôt qu’ de lever (V. Hugo, Contemplations, IV, III).

[457]Les Burgraves, acte I, scène 3.

[458] Par exemple, avec cet hémistiche de V. Hugo ou d’Edmond Rostand: Qu’est-ce que c’est que ça, où le second que ne peut pas rester tout à fait muet, même entre deux toniques.

[459] De même Bo-ieldieu. Mais il ne faut pas confondre ces cas, qui d’ailleurs ne sont pas fréquents, avec celui des voyelles suivies d’un e muet final, qui ne s’entend plus, mais qui a toujours été distinct: hai-e, haï-e, joi-e, obéi-e.

[460] Pourtant Edmond Rostand consent à la diphtongue dans ruine, et cela régulièrement, chose extraordinaire. Il est à souhaiter qu’on l’imite.

[461] Ceux-là se distinguent aussi par la prononciation du t, et la liste est assez longue: dations, relations, délations, translations, rations, complétions, éditions, reéditions, notions, exécutions, persécutions, mentions, exemptions, attentions, intentions, contentions, inventions, réfractions, rétractions, contractions, affections, désaffections, infections, désinfections, injections, objections, inspections, dictions, acceptions, exceptions, options, adoptions, désertions, portions.

[462] Auxquels il faut joindre gri-ef, bri-èveté et quatri-ème. On est stupéfait de voir Michaëlis et Passy indiquer deux prononciations différentes, avec ou sans diphtongue, pour meurtrier, encrier, tablier, et tous les substantifs de ce groupe, sauf ouvrier!

[463] Nous avons conseillé d’éviter cette prononciation. De même, et plus encore, dans les mots où les poètes maintiennent, par tradition, une diérèse que l’usage ne connaît plus, il faut éviter le yod: passion ne doit se prononcer en vers ni pass-yon, comme en prose, ni passi-yon, qui serait ridicule, mais simplement passi-on, qui est entre les deux. D’ailleurs, certains mots savants du type meurtrier, comme pri-orité, à pri-ori, ne développent pas non plus de yod entre l’i et la voyelle.

[464] Voir plus haut, page 119.

[465] D’autres disent moi-lien!

[466] Dans certains endroits, on dit encore pè-san; mais quand on trouve paysan en deux syllabes chez nos vieux poètes (il y en a encore un exemple dans l’École des Femmes), c’est qu’ils prononçaient pay’san, avec diphtongue initiale: ils écrivaient même parfois païsan. Fays-Billot se prononce comme pays. Je ne sais pourquoi Baïse se prononce comme payse; cette prononciation est d’ailleurs peu répandue en France.

[467] Il y en avait bien davantage autrefois; mais leur y grec a été changé en ï, précisément pour ce motif: ainsi pa-ïen, ba-ïonnette, a-ïeul, gla-ïeul, qu’on eût pu sans cela prononcer par è; ou bien ils ont été ramenés à la règle, comme alo-yau, ho-yau, mo-yen, prononcés autrefois par o, aujourd’hui par oi.

[468] Au contraire, aigayer devrait se prononcer par a, venant d’aiguail, et même s’écrire aiguailler: mais il semble qu’on le prononce plutôt par è.

[469] Sans parler des mots étrangers, comme a-yuntamiento. Il en est de même dans la plupart des noms propres, même français: Bisca-ye, Bla-ye, Fa-ye, Henda-ye et Uba-ye, comme Ka-yes ou Luca-yes; A-yen, Ba-yard, Ba-yeux, Ba-yonne, Ca-yenne, Ca-yeux, Le Fa-yet, La Fa-yette, La-ya, Ma-yence, Ma-yenne, Ma-yeux, Pa-yerne, Ra-yet, Le Va-yer, aussi bien que Fa-youm, Gua-yaquil, Himala-ya, Ma-yer, Ma-yotte ou Rama-yana. Il est vrai aussi que Claye, La Haye, Saint-Germain-en-Laye, Laboulaye, La Fresnaye, Houssaye, Puisaye, se prononcent par è: cela tient à ce que ces mots ont gardé la prononciation des primitifs, clai-e, hai-e, lai-e, boulai-e, frênai-e, houssai-e, puisai-e, qui sont ou furent des noms communs. On prononce de même La Curne de Sainte-Palaye, les rochers de Naye et Laveleye. Au contraire, on prononce Ysa-ye en trois syllabes (isaï), comme s’il y avait un tréma: cf. Ay, qui s’écrit mieux , et aussi l’Hay. J’ajoute qu’on prononce aussi Merlin Cocca-ie comme Bisca-ye.

[470] Contrairement à ce qui se passe pour l’a, o devient généralement oi dans les noms propres français, comme dans les autres mots: Boyer, Giboyer, Doyen, Joyeuse, Noyon, Royan, Royat, Royer-Collard, Troyon, Vaudoyer, aussi bien que Roye, Bridoye, Troyes (prononcé comme Troie) et même Loyalty, probablement sous l’influence de loyal. L’o reste séparé seulement dans les noms étrangers: Go-ya, Van Go-yen, Lo-yola, O-yama, Samo-yèdes, et aussi Go-yon et quelques autres. Soyecourt se prononce, sôcour.

[471] Le mauvais calembour, comment vas-tu, yau de poêle? en est un témoignage irrécusable.

[472] L’u reste distinct régulièrement dans Berru-yer ou Tu-yen-Quan, comme dans Gru-yère et La Bru-yère. Au contraire, et quoique le prénom Guy se prononce ghi, ui l’emporte dans les noms commençant par Guy-; on doit donc prononcer ui correctement dans Guyane, Guyenne, Guyau, Guyot, Guyon, avec Chatel-Guyon, La Vauguyon, Longuyon. A vrai dire, beaucoup de personnes prononcent Gu-yot, voire même Ghi-yot, sans parler de l’algérien Guyotville, réduit à ghyo-vil, en deux syllabes; mais tout cela est très incorrect. Dans les premières éditions du Poème de Fontenoy, Voltaire avait fait aussi Vauguyon de deux syllabes, comme si c’était écrit Vaughyon; mais il s’est corrigé dans les suivantes. Il a réduit aussi Guyon à une syllabe et Guyenne à deux, mais en écrivant Guion et Guienne, ce qui ne pourrait plus se faire.

[473] On a déjà parlé de ce phénomène, page 163.

[474] Les poètes ne s’en privent pas, et il n’y a pas lieu de les en blâmer. Ch. Nyrop, rencontrant paye en deux syllabes dans Cyrano de Bergerac, admire «la belle intrépidité de Rostand» qui fait «revivre cette prosodie médiévale». Mais cette prosodie n’a jamais disparu, et Ch. Nyrop confond paye avec les finales en -ée, -aie, -ue, -oue, qui sont fort différentes. Il va sans dire qu’en pareil cas, il faut nettement distinguer les deux syllabes au moyen du yod. Quand Mᵐᵉ Sorel prononce dans Molière:

Mais elle bat ses gens et ne les pai(e) point
(Misanthr., acte II, scène 3).

elle se conforme sans doute à l’usage le plus répandu aujourd’hui, mais elle devrait bien s’apercevoir qu’elle fait un vers faux! Et il est bien possible que pai-ye point la choque, mais c’est pai-ye point qu’il faut dire.

[475] Voir encore p. 163, note 2.

[476] Voir plus haut, page 152 et la note.

[477] Sans parler de ya tout court, qui n’en a qu’une: ya des gens qui..., mais ceci est un peu familier!

[478] Si bien que les poètes eux-mêmes, quand ils acceptent ce double hiatus, sont obligés, pour peu qu’ils aient de logique ou d’oreille, de compter les trois mots pour deux syllabes, d’autant plus que l’expression est toujours de style familier. On peut citer Richepin, Don Quichotte, acte VII, scène 20:

Au premier choc... Ça y est! patratas! la culbute!

et la Route d’émeraude, vers final:

Fais des chefs-d’œuvre... Moi, ça y est, j’ai fait le mien.

Jean Aicard a compté le groupe pour trois syllabes, mais il n’y a pas lieu de l’en féliciter.

[479] C’est Corneille qui a rénové en poésie l’usage de compter hier pour une syllabe, usage déjà suranné de son temps, et son autorité a malheureusement justifié les poètes qui l’ont suivi. Pourtant le XVIIIᵉ siècle avait repris les saines traditions, et Voltaire fait toujours hier de deux syllabes (et même avant-hier de quatre). Malheureusement, V. Hugo a cru pouvoir le faire presque indifféremment de deux ou de trois, et la plupart des poètes du XIXᵉ siècle l’ont suivi; mais c’est une erreur certaine: voir sur ce point notre article sur les Innovations prosodiques dans Corneille, dans la Revue d’histoire littéraire de 1913.

[480] Au XVIIᵉ siècle, on trouvait ce groupe initial dans Hiérome, Hiérusalem et Hiéricho, mais hi s’y prononçait déjà j, comme on l’écrit aujourd’hui: hi ou hy se prononçait alors j, même dans Hyacinthe (devenu jacinthe comme nom de fleur), même dans hiérarchie et hiéroglyphe, et c’est ce qui explique la prosodie de certains vers classiques, où il faut lire jérarchie et jéroglyphe: voir page 250, note 3.

[481] Si les ll mouillés sont suivis d’un i, les deux yods primitifs se confondent aujourd’hui: bailliage se prononce comme pillage, voyage ou mariage, joaillier comme fouailler, médaillier comme médaillé. Il peut cependant y avoir deux yods dans une même finale, mais séparés par une voyelle: ainsi dans vieille (vyeye) ou piaille (pyaye) ou qu’il y aille.

[482] Nous avons vu aussi que l’i final faisait fonction de consonne dans certains noms propres étrangers: Pompéi, Hanoï, Shanghaï: voir page 119, note 2.

[483] L’u a la même fonction devant y dans Cuyp, Hay, Le Puy, Lhuys, Luynes, Porrentruy, Ruyter.

[484] Je ne parle pas de fabriq(u)-ions ou navig(u)-ions, où l’u n’est qu’un signe orthographique.

[485] Les groupes brui ou trui sont, en effet, beaucoup plus faciles à prononcer sans décomposition que bryer ou tryer. C’est pourquoi la diphtongue a pu se conserver là où elle existait; mais elle n’a jamais existé dans dru-ide et flu-ide, et ne s’y est point formée.

[486] Voir plus loin, aux chapitres du G et du Q.

[487] Éviter seulement de prononcer voui pour oui, ou de la vouate pour de la ouate.

[488] Souhait lui-même, malgré l’h, ne fait qu’une syllabe dans l’usage courant, et nous savons que quelques-uns prononcent encore soiter, mais ceci est suranné: voir page 87.

[489] Et encore tramway pas toujours: voir au chapitre du W.

[490] La diérèse de oi est d’ailleurs impossible dans l’écriture; quant à celle de groin, elle aboutit à gro-in, où la prononciation du mot est évidemment altérée. Nous avons déjà vu cela.

[491] Je ne pense cependant pas qu’on aille jusqu’à clouaque, parce que le groupe cl maintient l’o séparé de l’a.

[492] Avant Boileau, quelques poètes hésitaient, quoique la majorité fût pour po-ète: ainsi Corneille ne connaît que la synérèse, et La Fontaine l’a faite trois fois sur quatre dans ses Fables. Le XVIIᵉ siècle faisait encore la synérèse jusque dans Moïse (écrit Moyse), Bohême, Noailles ou Noël, et l’on trouverait encore des endroits où l’on prononce Mouise ou Nouel, ou même Noil (nwal), qui est encore donné par Mᵐᵉ Dupuis, concurremment avec poite, poisie et Boime, prononcés par ouè.

Mais ces prononciations sont depuis longtemps purement locales. Cependant Roanne se prononce roine. Coëffeteau ou Boësset se prononcent aussi par oi. Poey, Espoey se prononcent par oueye dans le Midi.

[493] Voir page 62. Pour les groupes anglais oa et oo, voir pages 45 et 112.

[494] Le phénomène avait déjà été observé par Dangeau, en 1694.

[495] A l’intérieur des mots, l’assimilation proprement dite est généralement réalisée par l’écriture. De là les consonnes doubles, généralement héritées du latin: accomplir, affecter, collaborer, immerger, etc., etc.

[496] Il arrive quelquefois, mais rarement, que l’accommodation, au lieu d’être progressive, est régressive, c’est-à-dire que c’est la seconde consonne qui s’accommode à la précédente, par exemple dans subsister (ubz au lieu de ups); mais ceci tient souvent à d’autres causes, comme on verra.

[497] Ici encore, exceptionnellement et par accommodation régressive, à cheval peut devenir achfal, jamais ajval.

[498] Exceptionnellement aussi, une douce devient forte même devant un m, dans tout de même (tout t’ même).

[499] L’abbé Rousselot, qui a constaté le fait, l’explique en disant (Précis, page 86) que c’est la voyelle qui transforme en douce la consonne forte; mais on ne voit pas du tout pourquoi ou changerait s en z. Il en est de cet exemple comme des autres: dans un débit rapide, les organes se préparent d’avance à l’émission des sons qui vont suivre, ici l’s doux de liaison, et c’est ce qui adoucit le premier. Comme dit M. Paul Passy, tout son subit, dans une certaine mesure, l’influence des sons voisins: c’est ainsi que la prononciation rapide aboutit encore facilement à ton-mneuve pour tombe neuve ou lan-nmain pour lendemain.

[500] Voir page 182. C’est exactement le principe opposé qu’on applique sans s’en douter, quand on se fonde uniquement sur l’étymologie: cela doit être, donc cela est. Le principe des phonéticiens est certainement le bon, mais il ne faut pas l’appliquer sans distinction ni restriction.

[501] Voir plus haut, page 10.

[502] Sauf en liaison, bien entendu: mais ceci sera l’objet d’un chapitre spécial.

[503] Ces exceptions s’appliquent généralement aux lettres dites étymologiques (souvent fausses d’ailleurs, comme d de poids, ou le g de legs), que les érudits du XVIᵉ siècle ont introduites dans l’écriture, en guise d’ornements! Le malheur est que, dès le XVIIᵉ siècle, on s’est mis à prononcer, mal à propos, quelques-unes de ces lettres. Mais c’est surtout au XIXᵉ siècle que le développement de l’enseignement primaire, et l’ignorance de beaucoup d’instituteurs, à qui manquait la tradition orale, ont profondément altéré la langue, en faisant revivre ces consonnes, tombées depuis des siècles.

[504] Cette prononciation de la consonne double est exactement la même que celle qui se produit entre deux mots, la première étant finale, la seconde initiale, notamment quand un e muet tombe; et nous avons vu qu’en ce cas la consonne n’est double qu’en apparence. Voir au chapitre de l’e muet, page 159, note 4.

[505] Il n’en a pas toujours été ainsi: si aujourd’hui nous ne distinguons plus entre les finales tère, taire et terre, autrefois on prononçait parfaitement les deux r de terre, et peut-être trouverait-on un reste de cette prononciation dans le Midi, qui a conservé l’habitude et la faculté de vibrer!

[506] C’est en effet par le latin que la prononciation des lettres doubles a commencé, au XVIᵉ siècle, pour s’introduire de là dans la langue savante, mais plus tard; pendant longtemps on n’a guère doublé que les r, mais on les doublait beaucoup plus souvent qu’aujourd’hui, et même devant l’e muet, comme on vient de le voir.

[507] J’ai un jour entendu articuler don-ner, et cela est ridicule, assurément; toutefois ce n’est pas une raison pour aller contre l’usage, et le Dictionnaire phonétique de Michaëlis et Passy, aussi bien que le Manuel phonétique de Ch. Nyrop, qui n’admettent presque point de consonnes prononcées doubles, sont certainement en contradiction avec l’usage général pour des centaines de mots.

[508] Pourtant Michaëlis et Passy donnent le choix presque partout.

[509] De même dans Christophe Colom(b), qui est complètement francisé, et dans Dou(bs) ou Dussou(bs).

[510] De même dans le latin ab, et dans les noms propres Moab, Achab, Mab, Caleb, Horeb, Aureng-Zeyb, Sennachérib, Job, Jacob. Même dans ces mots, le b ne se prononçait pas toujours autrefois, ou il se prononçait p, surtout devant une voyelle. Nous verrons en effet, au cours des chapitres suivants, que les muettes sonores finales se sont d’abord assourdies régulièrement, avant de cesser de se prononcer: c’était l’étape naturelle; et nous retrouverons la trace de ce phénomène dans les liaisons.

[511] Quoique cette prononciation ait été correcte jusqu’au milieu du XVIIᵉ siècle, dans tous les mots commençant par abs-, obs-, subs-, où les grammairiens avaient rétabli récemment le b; car, au moyen âge, on écrivait ostiner, oscur, astenir, etc. Le b a toujours été muet dans de(bvoir, où il était absurde, et aussi dans de(b)te, dou(b)ter, pre(bs)tre et d’autres. Il l’est encore dans certains noms propres, devant un v: Fa(b)vier, Lefe(b)vre; mais il tend naturellement à y revivre.

[512] Davantage dans quelques noms propres, Ab-bas et Ab-bassides, Ab-batucci, Ab-bon.

[513] De même Aurillac, Caudebec, Pornic ou Pernambouc.

[514] Les composés bec-d’âne et bec-jaune ont conservé la prononciation sans c, qui était de règle devant une consonne, mais ils s’écrivent plutôt bédâne et béjaune. Le c a revécu dans bec-de-corbin, bec-de-cane, bec-de-lièvre; il s’est toujours prononcé dans bec fin, becfigue (qui est pour bèquefigue) et bec-cornu. Dans pi(c)vert, le c a disparu aussi de l’écriture.

[515] Naturellement, quand Boileau fait rimer estomac avec Sidrac, le c doit sonner.

[516] Mais non dans cric, onomatopée, ni même dans cric crac, ou de bric et de broc, où tous les c se prononcent. L’Académie prétend que tabac est familier, comme si le peuple ne disait pas taba(c). Le c est également muet dans Saint-Brieu(c).

[517] Et plus encore celui de lombric, malgré Michaëlis et Passy, aussi bien que celui de porc-épic.

[518] Il n’en était pas ainsi autrefois. De là la confusion qui a changé la rue Saint-André-dès-Arcs en rue Saint-André-des-Arts. Toutefois d’autres prétendent que arts a remplacé dans ce nom ars, brûlé, c’est-à-dire atteint du mal des ardents.

[519] De même Gobsec(k), Brunswic(k), Van Dyc(k), Gluc(k), etc., et aussi Lecoc(q), Lestoc(q), Vic(q) d’Azyr.

[520] Il faut excepter quelques noms propres comme Ranc.

[521] Le Dictionnaire général trouve encore cette prononciation «familière». Familière ou non, il n’y en a pas d’autre qui soit usitée, quoi qu’il en dise, et malgré Michaëlis et Passy; et je ne sache pas qu’on dise non plus zinquer, ni zinqueur. On devrait tout simplement écrire zing, comme on écrit zingueur.

[522] Pourtant le c sonne très rarement dans porc (voir page 363).

[523] Ce dernier mot vient pourtant du germanique mark; mais il est francisé sous la forme marc, tandis que dans mark, monnaie allemande, le k sonne naturellement. Dans Marc, nom propre, le c avait cessé de se prononcer, et l’on dit de préférence: le lion de Saint-Mar(c), à Venise, ou Saint-Mar(c), nom propre; mais on dit l’Évangile de Marc ou de saint Marc, et surtout on fait sonner le c de Marc prénom. De même a fortiori dans Marc-Aurèle ou Marc-Antoine, et même Saint-Marc-Girardin.

[524] Ni dans Lecler(c) ou Lecler(cq) ou Maucler(c) pas plus que dans l’expression de cler(c) à maître, qui n’est plus usitée que dans l’administration militaire. Il sonne dans Ourc(q).

[525] Contra(ct) a au contraire perdu son c dans l’écriture, ce qui l’a mis à l’abri.

[526] Au XVIᵉ siècle, infect et abject s’écrivaient souvent infet et abjet, et rimaient avec effet et projet, dont l’étymologie est la même. C’est la prononciation dite emphatique qui a dû rétablir ct d’abord dans infect, puis dans abject, à cause du sens. Mais Corneille fait toujours rimer régulièrement abject, ou plutôt abjet, avec projet ou sujet:

Et dans les plus bas rangs les noms les plus abjets
Ont voulu s’ennoblir par de si hauts projets.
(Cinna, acte IV, scène 3.)

Il n’y avait là aucune «licence poétique», malgré le reproche que lui faisait déjà Aimé Martin.

[527] Voir livre X, fables 8 et 12, et livre XII, fable 2.

[528] Je ne sais comment il peut se faire que le Dictionnaire général admette uniquement—et simultanément—aspe(ct) sans c ni t, circonspec(t) et respec(t) avec c seul, et suspect avec c et t! Toutes ces variétés de prononciation ne se seraient pas produites si l’on avait pris le sage parti d’écrire tous ces mots comme effet, qui est, lui aussi, pour effect. Le c est également muet dans les frères Parfai(ct).

[529] Il serait si simple de lui ôter son c, comme on a fait à défunt, pour défunct.

[530] Et aussi devant les diphtongues latines œ et æ: Cæsar, comme César.

[531] Autrefois on écrivait aussi cueur, où le premier u n’était qu’un signe orthographique, qu’on ne prononçait pas.

[532] On trouve d’ailleurs ck devant une voyelle quelconque: blockaus ou gecko comme jockey, Stockholm comme Necker.

[533] Où donc Michaëlis et Passy ont-il entendu prononcer ces mots sans c? C’était la prononciation du XVIIᵉ siècle, ainsi que pon(c)tuel; di(c)ton et antar(c)tique ont duré plus longtemps. Aujourd’hui que la plupart des c étymologiques inutiles ont disparu, comme dans bienfai(c)teur, je(c)ter, etc., il n’y a plus d’exceptions. On prononce le c même dans Francfort, sous prétexte que le k allemand de Frankfurt se prononce: à la vérité, puisque le mot est francisé, rien n’empêcherait de prononcer Fran(c)fort, mais ce n’est pas l’habitude.

[534] On sait qu’églogue et cigogne étaient autrefois éclogue et cicogne; égale, migraine, église, et depuis bien plus longtemps, n’ont-ils pas remplacé aussi un c par un g? De même on a prononcé segret et segrétaire jusqu’au XIXᵉ siècle: Domergue ne prononce pas autrement; ce n’est qu’au siècle dernier que le c s’est rétabli dans ces mots. Pendant longtemps on a non seulement prononcé, mais écrit gromant et gromancie. C’est naturellement aussi un g qu’on entend dans Jean Second ou Secondat de Montesquieu. C’est le contraire de gangrène, qui s’est prononcée cangrène jusqu’au siècle dernier.

[535] Parce qu’il l’avait aussi dans Claude et Claudine.

[536] Le Dictionnaire général joint à ces mots ac-clamer, mais cela s’impose encore moins. Michaëlis et Passy n’admettent le c double que dans gecko, alors que précisément ck se prononce partout comme un seul c. On peut encore prononcer deux c dans les noms latins: Bac-chus, Boc-choris, Boc-chus, Flac-cus, Grac-chus, et quelques noms étrangers: Bec-caria, Boc-cador, Boc-cherini, Civita-Vec-chia, Pic-colomini, Sac-chini, Sec-chi, Veroc-chio, mais plus dans Bo(c)cace, complètement francisé avec un seul c.

[537] Au XVIᵉ siècle, on prononçait les deux c comme un seul, même dans ce cas: a(c)cident; et cette prononciation s’entend encore dans les pays qui ont l’acent. Aja(c)cio se prononce toujours avec un seul c.

[538] Voir plus loin, an chapitre de l’S.

[539] Le cas de cqu est le même que celui de ck.

[540] De même Cellini et Forcellini, Cenci et Cérisoles, Bonifacio, Ajaccio, avec un seul c, Cialdini, Cimabué, Civita-Vecchia, Concini, Garcia, Mancini, Mincio, Terracine, et même Vinci, et peut-être Cimarosa et Botticelli. On prononce le c de même dans Cecil, Cellamare, Cervantès et Ceuta, Cincinnati, Cintra, Ciudad-Real.

[541] De même Abatucci, Bacchiochi, Carducci, Carpaccio, Lecce, Lorenzaccio, Picciola, Piccinni, Pulci, Ricci, Vecellio. Vermicelle et violoncelle ont connu longtemps une étape intermédiaire, en se prononçant vermichelle et violonchelle, admis par Domergue et Mᵐᵉ Dupuis, et dont on trouve encore des traces, mais fort rares.

[542] Le cz polonais se prononce tch, mais nous ne le prononçons guère ainsi qu’à la fin des noms, comme dans Mickiewicz ou Sienkiewicz: partout ailleurs on le prononce généralement gz, et c’est un tort. Notons en passant que le premier c de Mickiewicz doit se prononcer à part, comme ts. Le cz hongrois, qui s’écrit aujourd’hui c, doit se prononcer ts, et non gz, dans Czerny, Munkaczy, Ra-koczy.

[543] Pour ce mot, voir p. 49. De même Lamec(h), Metternic(h), Munic(h), Zuric(h), Koc(h), Moloc(h), Enoc(h), Saint-Roc(h), Sacher-Masoc(h), Baruc(h), etc., et aussi Utrec(ht) ou Maëstric(ht).

[544] Et dans quelques noms propres du Midi, comme Auch, Foch, Buch, Tech, Puech, Delpech, avec Monjuich, sans compter Sidi-Ferruch, Marrakech et Nich.

[545] Il est muet aussi dans Penmar(ch) francisé.

[546] Ceci vient tout simplement d’une confusion inconsciente entre acheter et jeter. En effet, jeter se prononce nécessairement comme acheter, quand l’e muet tombe; dès lors, on a la proportion fatale: j’ajète est à acheter comme je jette à chter.

[547] De même dans tous les noms propres anciens: Macc(h)abée, C(h)am, C(h)anaan, Zac(h)arie, Néc(h)ao, C(h)aldée, Epic(h)aris, C(h)arybde, C(h)aron, Anac(h)arsis, Calc(h)as, etc., etc., avec quelques noms modernes étrangers: Buc(h)anan, Buc(h)arest, C(h)andos.

[548] Et autrefois métempsyc(h)ose, qui n’a plus d’h; pourquoi psyc(h)ologie en a-t-il un?

[549] On prononce co dans Jéric(h)o, Jéc(h)onias et Nabuc(h)odonosor, Terpsic(h)ore, Stésic(h)ore, C(h)oéphores, Orc(h)omêne et Colc(h)os, Sanc(h)oniaton, C(h)osroès, C(h)oa et Tyc(h)o-Brahé, et même La Péric(h)ole, Picroc(h)ole; mais non dans Michol, Sancho ou don Quichotte (francisé de l’espagnol Quijote à j guttural).

[550] Et dans les noms propres anciens en -chus, comme Antioc(h)us, Malc(h)us, etc., mais non dans Chuquisaca.

[551] De même Michée, Zachée, Sichée, aussi bien que Mardochée, et aussi bien Psyché. Cependant on a longtemps dit trokée.

[552] Je n’ai pas, dans ces mots et les suivants, devant e et devant i, mis l’h entre parenthèses, à cause du son sifflant que prend le c devant ces voyelles; j’espère néanmoins que le lecteur ne s’y trompera pas.

[553] De même dans Michel et Rachel, deux prénoms trop populaires pour s’altérer, et aussi, le plus souvent, dans Pulchérie et Sichem. Mais on prononce dans la plupart des noms propres anciens: Achéloüs, Achéménides, Achéron, Carchémis Chéronée, Chéronèse, Chérusques, Lachésis, Pulcher (rarement Pulchérie) et Sennachérib. Autrefois le ch d’Achéron était francisé ainsi que beaucoup d’autres. C’est à la fin du XVIIᵉ siècle que les divergences se produisirent. La Comédie, avec Racine, tenait pour Achéron (La Fontaine aussi); l’Opéra, avec Lulli et Quinault, tenait pour Aron, qui prévaut aujourd’hui. On prononce aussi dans les noms italiens, Chérubini, Michel-Ange. A la vérité, Mikel-Ange paraît bizarre, car on francise le second mot (pour Angelo) et pas le premier, alors que nous avons pourtant Michel en français; mais, en réalité, le nom italien s’est francisé en bloc avec la prononciation originelle et en conservant son accent sur la même syllabe an: c’est ainsi que sont traités les noms des plus grands hommes, appris par l’oreille et non par l’œil, comme Shakespeare et Gœthe. On prononce encore dans Chemnitz et Sacher-Masoch, mais ché dans Blücher ou Schœlcher.

[554] Excepté lysimachie (kie). Malachie est flottant, tandis que Valachie est toujours resté chuintant, malgré Valaques.

[555] Pourtant on dit souvent monakisme, toujours masokisme.

[556] Surtout à côté d’architectonique ou architriclin, qui ne sont pas moins savants qu’archiépiscopal, et qui pourtant chuintent comme les autres. Arkiépiscopal a d’ailleurs l’air prétentieux, à côté d’archevêque.

[557] On chuinte même dans quelques noms propres anciens, comme Colchide, Achille, Eschine, Eschyle, Chypre, Archiloque et Joachim. Il est vrai que ce mot est bien maltraité: beaucoup de personnes prononcent Joakin, d’autres Joakime, ou plutôt Yoakime, surtout en parlant de Du Bellay; mais précisément Du Bellay prononçait sans aucun doute son prénom en chuintant; et c’est la vraie prononciation, notamment celle de l’Église.

[558] Ajouter les noms propres anciens: Ezéchias et Ezéchiel, Melchior et Melchisédec, Chio et Sperchius, Bacchylide et Archytas, Trachiniennes, Echidna, Achillas, et même Achilléide (malgré Achille); le plus souvent aussi aujourd’hui Chiites, Chilon, Chiron et Anchise; et surtout les noms italiens: Brunelleschi, Cernuschi, Bacciochi, Fieschi, Monaldeschi, Machiavel (d’où machiavélique et machiavélisme), Sacchini, Chianti, Chioggia, Ischia, Civita-Vecchia, Porto-Vecchio, Secchi, Verocchio, etc., avec chi va sano, chi lo sa? ou anch’io. Machiavel (avec ses dérivés) est de ceux qui furent longtemps francisés, ainsi que Chiron, Chilon, Anchise, et bien d’autres, même Ezéchias ou Ezéchiel: de tous ces noms, je ne vois guère qu’Anchise qu’on fasse encore chuinter quelquefois.

[559] D’où Ac(h)met, Roc(h)dale et Mélanc(h)ton, comme C(h)loé, Ménec(h)mes, C(h)ristophe, Arac(h), Erec(h)tée, Erésic(h)ton; tous ces h devraient disparaître. Drac(h)me se prononçait naguère encore dragme; mais cette prononciation est surannée. On chuinte dans Fechner ou Richter, comme dans Metchnikoff.

[560] De même dans Lynch, d’où le verbe lyncher, et aussi dans Chaucer, Chesterfield, Chicago, Manchester, Michigan, tandis qu’on prononce de préférence tch dans Sandwich ou Greenwich, dans Channing, Charleston, Chatterton, Childe-Harold, et en général dans les noms moins connus, ainsi que dans Pacheco ou Echegaray. Dans les noms arabes ou asiatiques, ch a le son français, comme on l’a vu déjà dans chaouch ou Marrakech: ainsi cha, Krichna et Vichnou, avec Chandernagor et Pondichéry; Chan-si, Chan-toung, Thian-Chan, Sou-chong, Petchili, Mandchourie et Chemulpo; Chatt-el-Arab, Chiraz, Apchéron, Recht, Meched et Kachgar; Skouptchina, Prichtina, Choumla et Chodzko. Ajoutons les noms américains: Chili, Chihuahua, Chiquitos, Chimborazo, le Grand Chaco, avec Chactas; et aussi Achantis, Achem, Funchal, etc. Pourtant on prononce ordinairement ki dans Chiloë, et cela est assez bizarre.

[561] Ajouter presque tous les noms propres commençant par Sch-: (S)chaffouse, (S)chehérazade, (S)chelling, (S)chiller, (S)chlegel, (S)chlestadt, (S)chliemann, (S)chmid, (S)chneider, (S)chœlcher, (S)choll, (S)chomberg, (S)chopenhauer, (S)chubert, (S)chumann, (S)chwartz, etc., etc., et aussi Fe(s)ch, E(s)chenbach, Her(s)chell, Frei(s)chütz, Frœ(s)chwiller, Haroun-al-Ra(s)chid, Kamt(s)chatka ou Kamt(s)chadales, et même Ta(s)cher. Mais il ne faut pas confondre le groupe sch avec l’s suivi du ch guttural dans les noms flamands ou italiens, comme Hondschoote ou Schiedam, Monaldeschi, Cernuschi ou Peschiera.

[562] On dit bien quelquefois skéma, mais c’est fort rare. Saint-Anschaire se prononce pourtant par sk. Scholastique a gardé son h en qualité de nom propre; mais scolaire, scolie, scoliaste, et scolastique adjectif, ont perdu le leur. D’autre part, l’s s’est mis inutilement dans (s)chah; schako s’écrit mieux shako (voir le groupe sh à la lettre s); schall est depuis longtemps remplacé par châle; scheik est devenu cheik.

[563] De même Chateaubrian(d), Edmon(d), Bugeau(d), Saint-Clou(d), Ronsar(d), Chambor(d), etc.

[564] Cette prononciation de quan(d) est d’ailleurs très ancienne, et quand le d final se prononçait au XVIᵉ siècle, c’est toujours t qu’il se prononçait, la sonore s’assourdissant d’abord avant de s’amuir.

[565] Avec Shetland et Christiansand, Samarkand et Yarkand, Cleveland et Wieland, auxquels il faut joindre George Sand, et les noms géographiques en -land. Mais plusieurs noms en -land peuvent ou doivent se prononcer à la française aussi bien que Gan(d), à savoir Falklan(d), Marylan(d), Cumberlan(d), Northumberlan(d), Jutlan(d), Groënlan(d) en trois syllabes, et Friedlan(d) également en trois syllabes, au moins à Paris (voir plus haut page 78); de plus, Kokan(d), sans compter Rembran(dt), et aussi Witikin(d). On prononce encore le d dans Mahmoud et Laud, mais non dans Bedfor(d), Bradfor(d), Oxfor(d) ou Straffor(d), pas plus que dans lor(d).

[566] Et naturellement dans la plupart des noms propres: Joad, Bagdad, Timgad, Mourad, Alfred, Port-Saïd, le Cid, David, Nemrod et Robin-Hood; Sind, et même Sund et ses composés (soun, en danois); Romuald, Bonald, Brunehild, Rothschild, et les mots en -field; Harold, Hérold et aussi Fould. Mais le d est muet dans Gouno(d), Courajo(d), Grimo(d) de la Reynière, Perno(d), les noms en -auld et -ould, comme La Rochefoucau(ld) ou Arnou(ld), et même Léopol(d). On notera que l’l qui ne se prononce pas dans Arnou(ld) se prononce dans Arnoul. Le d de Madrid peut se prononcer d ou t, ou pas du tout; toutefois Madri(d) paraît tomber en désuétude, comme l’a fait Davi(d), qui fut aussi usité.

[567] C’était presque toujours à la suite de a initial, devant j ou v, où on l’avait rétabli sous prétexte d’étymologie, vraie ou fausse: a(d)journer, a(d)jouter, a(d)veu, a(d)vouer, a(d)vocat, a(d)venture, a(d)vis, etc., et même a(d)miral! Ces d n’ont disparu qu’en 1740, dans la troisième édition du Dictionnaire de l’Académie, sauf ceux que la prononciation avait adoptés mal à propos.

[568] Il est resté à peu près muet dans La(d)vocat et dans Gérar(d)mer, sans parler des mots composés, comme Gran(d)mesnil ou Gran(d)pré. Il sonne dans Mandchourie ou Richardson, Cambodge, Cambridge ou Hudson, mais non dans Milne-Edwar(d)s, ni dans wel(d)t et Barnevel(d)t, ni dans les noms en -dt, comme Cronsta(d)t, Golschmi(d)t ou Humbol(d)t; pour Auerstædt et Hochstedt, on hésite entre le d et le t. On prononce aussi le d dans Madgyar, mais nous écrivons généralement ce mot sans d.

[569] Et dans Ad-da ou Ed-da, Djed-da, et, si l’on veut, Boud-dha, ainsi que dans Ad-dison et Maged-do.

[570] Ce sont précisément les mots en -if, presque tous savants, et où l’f se prononçait, qui ont fait revivre l’f dans les autres mots où il était tombé: d’abord dans les mots en -if non savants, comme jui(f) et sui(f), puis dans les autres, à moins qu’ils n’eussent déjà perdu leur f dans l’écriture, comme apprenti, bailli et clé. Toutefois le rétablissement de cet f final n’est pas encore complètement achevé, comme on va voir. Je ne parle pas des noms propres, où l’f final sonne toujours.

[571] L’f a revécu même dans bief, autrefois bié, et même biez. L’Académie prononce encore éteuf sans f, en 1878! Le mot ne s’emploie plus guère, mais quand on l’emploie, c’est certainement avec un f, puisque c’est par l’œil qu’on le connaît.

[572] Mᵐᵉ Dupuis trouvait déjà dans bœu(fs) et œu(fs) prononcés sans f «une sorte de trivialité qui convient plutôt au langage du peuple». Pourtant ces mots tiennent encore bon, quoi qu’en dise Ch. Nyrop.

[573] Voir ci-dessus, page 91.

[574] C’est la règle générale des noms de nombre. On énumère ordinairement les cas où se prononce la consonne finale des noms de nombre, et naturellement l’énumération n’est jamais complète. C’est le contraire qu’il fallait faire, c’est-à-dire énoncer les cas où elle ne se prononce pas, et la formule est si simple, qu’il est très surprenant que personne ne l’ait encore donnée.

[575] On prononçait vi(f) vou mort, du bœu(f) và la mode, et surtout on a dit longtemps vi(f) vargent et neu(f) vet demi.

Chargement de la publicité...