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Comment on Prononce le Français: Traité complet de prononciation pratique avec le noms propres et les mots étrangers

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[790] Il faudrait y ajouter, pour être complet, les composés familiers du préfixe re-, que les dictionnaires n’enregistrent pas, comme re-saler, re-sabler, re-sauver, re-savonner, re-signer, re-sortir, etc., où l’on n’a pas coutume de doubler l’s, comme on le fait dans les mots de la langue littéraire.

[791] Ichtyosaure et plésiosaure devraient être dans le même cas; mais, comme les éléments n’y sont pas aussi nettement reconnus que dans les mots que nous avons cités, l’s s’y est adouci généralement.

[792] Le Dictionnaire général ne connaît pas le mot susurrer. Hélas! il y en a tant d’autres qu’il ne connaît pas. Mᵐᵉ Dupuis donnait aussi l’s dur pour gisant, gisait, etc.: c’est une prononciation que je n’ai jamais entendue.

[793] On écrit quelquefois impressario, qui est mauvais, car il conduirait à prononcer deux s. Ajoutons que parasol, tournesol et girasol, que nous venons de voir, sont aussi d’origine italienne. On cite encore volontiers l’italien risorgimento, l’espagnol peseta (piécette) et posada (auberge), où ne doit non plus sonner qu’un s dur.

[794] L’s est naturellement doux dans les noms propres français; mais il est resté dur à la suite de l’article le, la: Lasalle, Lesueur, Lesage, Lesurques; il est généralement doux après de: Desaix, Desault, Desèze (ou de Sèze); il est doux dans saugiers et Deshoulières, par liaison. Il est dur dans Dusaulx, dans des composés comme Beauséant ou Beauséjour, et dans Puységur. Il est dur dans Melchisédec, nom hébreu, mais non dans Jérusalem ou Mathusalem, qui sont plus complètement francisés, étant plus populaires; et encore la vieille plaisanterie de Mathieu salé rappelle que pendant longtemps on a prononcé Mathusalem, avec s dur, comme Melchisédec. On hésite pour quelques noms propres anciens comme Poseidon. Parmi les noms étrangers, il en est aussi que nous francisons en adoucissant l’s, comme Caserte, Cérisoles ou Wiseman, et aussi, mais à tort, Masaniello, Vasari, sale, Pesaro, voire Algésiras, qu’on écrit parfois Algéciras, et qu’on fera mieux de prononcer par s dur, comme Elisir d’amore, Fusi-Yama ou Ferguson.

[795] L’s est dur aussi dans Transylvanie, et il devrait y avoir deux s.

[796] Et dans Nansouty, mais jamais dans Fronsac, rarement et à tort dans Arkansas.

[797] Dans les composés commençant par des-, les étymologistes reconnaissent ordinairement le préfixe dis-: l’s y était donc naturellement double, et l’on n’a pas eu besoin de le doubler pour la prononciation; toutefois l’s paraît avoir été doublé (avec suppression de l’accent aigu) dans de(s)sécher, de(s)servir, de(s)sication, de(s)siner et de(s)sin, qui paraissent formés du préfixe dé- et non dis-.

[798] Voir l’énumération, page 171.

[799] On a vu que l’s avait été doublé aussi, bien inutilement après un i, dans di(s)syllabe et tri(s)syllabe. Peut-être faut-il y joindre a(s)sez et quelques mots commençant par as-, si leur préfixe est réellement a-, et non ad-, comme paraît l’indiquer l’orthographe primitive, asez, asesoner, aservir, etc.

[800] Quoique Michaëlis et Passy n’en admettent point. Il est vrai qu’ils admettent bis-sectrice, qui est plutôt rare.

[801] Et telles sont bien les indications du Dictionnaire général.

[802] Quoique le Dictionnaire général indique dis-soudre, sans doute à cause de dis-solution.

[803] Malgré le Dictionnaire général.

[804] Même observation.

[805] Je ne parle pas de di(s)syllabe, cité plus haut, et dont le préfixe est di- et non dis-. D’autre part, le Dictionnaire général indique di(s)section et dis-séquer: cette différence ne paraît guère justifiée, et di(s)séquer est très admissible, aussi bien d’ailleurs que dis-section.

[806] On notera ici que les deux s ont ouvert l’a de classique, même quand on n’en prononce qu’un, car il est fermé dans classe.

[807] Ajouter les noms propres anciens: Mas-sique, Cas-sius, et Cras-sus; Bes-sus, Nes-sus, Es-séniens et Mes-saline; Is-sus et Ilis-sus et Mis-si dominici; Atos-sa; et quelques noms plus récents, Orlando de Las-sus, Lhas-sa et Tas-soni; Bes-sarabie, Bes-sarion, Es-sequibo et Tennes-see; Lis-sa, Canos-sa, Os-sian, et fort peu d’autres, et surtout point ou presque point de mots français.

[808] De même Shakespeare, Sheffield, Shelley, Sheridan, Shetland, Cavendish, Marshall, Usher, etc., et aussi Shéhérazade, Shanghaï, Hiroshima, Shintoïsme, Shoguns, les transcriptions des noms orientaux étant dues aux Anglais.

[809] Voir plus haut, page 227.

[810] Mais nous francisons Buda-Pesth par s.

[811] De même Mara(t), Courbe(t), Carno(t), Escau(t), Maupassan(t), Mozar(t), Rober(t), etc., etc.

[812] Ajouter quelques noms propres étrangers, Touat, Laghouat, Rabat, Sobat, Midhat-Pacha, Josaphat, Ararat, Ghât, Cattégat, Djaggernat, Hérat, et les noms en -stadt, Cronstadt, Reichstadt, où le d cède généralement la place au t. Il faut y joindre la petite plage bretonne de Morgat, mais cette prononciation n’est pas proprement française. Ajoutons aussi à dieu vat.

[813] L’abbé Rousselot dit qu’on hésite entre net et ne(t): où a-t-il vu cela? Dans les rimes de V. Hugo peut-être, mais cela ne suffit pas.

[814] C’est la règle générale des adjectifs numéraux: voir plus haut, page 233, ce qui a été dit pour neuf.

[815] Dans Pierre Lièvre, Notes sur l’art poétique, ce vers de Heredia:

Ma flûte avec sept tiges de ciguë,

est donné comme ayant pour l’oreille une demi-syllabe de trop! Hélas! J’espère que Heredia prononçait le français plus correctement que son critique. Mais encore setti ne donnerait jamais qu’un t prolongé et non une demi-syllabe de plus: setti ferait le même effet que secti ou celli, sans plus.

[816] Où le peuple assimile ordinairement le t en prononçant ec-cetera, qu’on évitera avec soin.

[817] On entend aussi le t dans quelques noms propres bretons ou français, comme Plancoët ou Plouaret, Moët, Huet, Malouet, Alet (écrit plutôt Aleth), mais non Ane(t), ni (t). Un jour, à la Constituante, un député, faisant un discours, termina une phrase en disant: C’est ma loi, qu’il prononça à l’ancienne mode ma louè. Un loustic rectifia aussitôt: Malouète. On entend surtout le t dans des noms étrangers: Josabet, Japhet, Newmarket, Aben-Hamet, Méhémet-Ali, Médinet-el-Fayoum, Tiaret, etc. Hamle(t) est francisé, comme Mahome(t), Bajaze(t) et Jape(t). Nous avons dit que pour Auerstædt et Hochstedt on hésitait entre le d et le t.

[818] Voir plus haut, page 233, ce qui a été dit de neuf.

[819] Et dans Tanit, Nitocrit, Tilsit, Abauzit.

[820] En revanche le même sud-ouest prononce le t dans Lot. Cela peut-il passer dans le français du Nord? Je ne sais trop, car Lot mène à Gers, puis à Anvers: voir page 310. En tout cas, on fait toujours la liaison dans Lot-et-Garonne. Autrefois on prononçait le t de sot et mot devant un repos comme devant une voyelle; mais je m’étonne que l’usage ait encore pu être «partagé» pour so(t) au temps de Thurot. A dot, il faut encore ajouter quelques mots étrangers, black-rot, forget me not, avec George Eliot, Duns Scot et Thot, mais non Chevio(t).

[821] Sauf tout au plus dans Fomalhaut, et naturellement Connau(gh)t. Il ne sonne pas plus dans Hau(t)poul que dans le composé hau(t)bois ou hau(t)boïste.

[822] Et des marins dans vent debout. Il sonne naturellement dans les mois anglais en -oot (out) et aussi dans Siout.

[823] Voltaire, entre autres, a même écrit brute au masculin.

[824] Le féminin butte y est sans doute pour quelque chose, notamment l’expression être en butte, qui amène des confusions. Quoi qu’il en soit, les mots respectés ne sont plus très nombreux: bahu(t) et chahu(t), débu(t) et rebu(t), tribu(t) et attribu(t), (t), affû(t) et raffu(t), salu(t) et chalu(t), canu(t), statu(t), institu(t) et substitu(t). Le t sonne aussi dans les noms propres étrangers: Calicut, Connecticut, Farragut, Lilliput, et, le plus souvent, Canut.

[825] On notera en passant que et s’énonce devant un depuis vingt jusqu’à soixante, y compris les nombres et adverbes ordinaux, et aussi dans soixante et onze, mais pas au delà. On dit aussi les Mille et une nuits, et, en parlant des femmes de don Juan, mille et trois. L’emploi de et était autrefois plus étendu.

[826] Avec Kant, Grant ou Wundt; mais Rembran(dt) est complètement francisé.

[827] On francise volontiers les noms propres en -art: Marie Stuar(t) et les Stuar(t), Gebhar(t), Fischar(t), Stuttgar(t), Makar(t), Marquar(dt), Burckhar(dt), Mozar(t). Mais on prononce le t dans Stuart Mill ou Dugald Stewart, ainsi que dans l’allemand Erfurt, Kiepert, Ruckert ou Hardt, dans Gevaert et Touggourt.

[828] Voir page 215. On a coutume de prononcer sans t Utrech(t), Dordrech(t) et Maëstrich(t). Pour yacht, voir page 44.

[829] Nous savons que lt ne se prononce pas plus dans les mots en -ault et -oult que ld dans les mots en -auld et -ould, les uns et les autres étant français; de même Yseu(lt) est bien meilleur qu’Yseult. Mais on prononce intégralement Anhalt, Seingalt, Belt, Arcadelt, Tafilelt, Barnevelt (écrit aussi Barneveldt), Roosevelt et Soult, et aussi Delft; le t l’emporte sur le d dans Humbol(d)t.

[830] Avec la ville d’Apt.

[831] Et le fut longtemps dans o(st). Il l’est encore dans Saint-Wa(st), Saint-Gene(st), Cre(st), Charo(st), Prévo(st), Provo(st), Thibou(st), Saint-Ju(st), souvent altéré, et même Saint-Pri(est). Il se prononce dans Christ, qui, employé seul, est un mot savant, mais il est resté muet dans Jésu(s)-Chri(st), qui est populaire, et qui a gardé pour ce motif sa prononciation traditionnelle, sauf parfois chez les protestants: voir plus haut, page 307, ce qui est dit de Jésus. Quant à Antechrist, il a été longtemps populaire, et par conséquent st ne s’y prononçait pas, et même l’e y était muet; Littré tient absolument à cette prononciation; mais il est devenu un mot savant où tout se prononce, avec e fermé. Le groupe st se prononce aussi dans Proust et dans Marrast (peut-être pour éviter une confusion avec Marat), dans Ernest et dans Brest, et dans les noms d’origine étrangère: Renaud d’Ast, Belfast, Budapest, Bucharest, Liszt, Faust, Ernst, etc. On prononce l’s seul dans roas(t)-beef qui, d’ailleurs, s’écrit correctement rosbif, comme il se prononce.

[832] Et dans les noms propres: Goliath, Macbeth, Bayreuth, Judith, Naboth, Beyrouth, Belzébuth, etc. Go(th) fait exception, avec ses composés, Wisigo(ths) et Ostrogo(ths). Il faut excepter aussi le terme bizu(th), par lequel les élèves nouveaux sont désignés dans les classes qui préparent à des concours, par opposition aux carrés et aux cubes.

[833] Voir ci-dessus, page 156. On prononce à peu près exactement postcommunion et postscolaire, malgré la difficulté. Mais le t est encore muet dans Wes(t)phalie, Kam(t)schatka et Kam(t)schadales, et quelquefois Mol(t)ke. On prononce même Po(t)sdam, ce qui est plus bizarre: et c’est sans doute pour justifier cette prononciation irrégulière qu’on écrit souvent Postdam; mais c’est uniquement Potsdam qui est correct, et mieux vaudrait prononcer le t, puisque c’est l’s qui est médian.

Les Parisiens prononcent le t médian dans rue Taitbout. Nous savons qu’il est muet dans Me(t)z et Re(t)z. Il est également muet dans les composés de Font-, Mont-, Pont-, devant une consonne, comme Mon(t)béliard, Mon(t)fort, Mon(t)morency, Mon(t)pensier ou Pon(t)chartrain, même si la consonne qui suit est un l ou un r; Mon(t)lhéry, Mon(t)losier, Mon(t)luc, Mon(t)luçon, Mon(t)luet, Mon(t)réal, Mon(t)redon, Mon(t)réjeau, Mon(t)revel, Mon(t)rose, Mon(t)rouge, etc. Mais il arrive aussi que le t n’appartienne pas à la syllabe initiale, ou même qu’il s’en soit détaché: ainsi il se groupe avec l’r dans Fontrailles, Montrésor, Montreuil, Montreux, Montretout, Montrevault et même Montrichard, et Pontrieux, comme dans l’italien Pontremoli. On ne prononce pas le t dans Alfor(t)ville, mais on le prononce dans l’anglais Portland.

[834] Devant un i seulement, et non devant un y grec.

[835] Les noms propres venus à nous du latin ou par le latin font naturellement comme les autres mots: Croatie, Helvétie, Domitien, tion, Brutium, Hirtius, Miltiade, Martial, etc.; et les noms modernes ont fréquemment subi l’analogie des autres, comme Gratiolet ou La Boétie.

[836] «Dès le temps de Palsgrave, on écrivait par un t les mots en -tion appartenant à la langue savante, que l’on prononçait cion comme en latin, par une habitude que Péletier et Bèze attestent. Cette orthographe et cette prononciation s’étendirent à un certain nombre d’autres mots, tous de la langue savante, qui ont -ti- devant une voyelle, et comprirent les mots tirés de noms en -tia, -tialis, -tiosus, -tiens, -tientia, -tianus, -tio (tionem), et de verbes en -tiare.» (Thurot, Prononciation française, II, 244.)

[837] On verra que la règle s’applique seulement au t placé entre deux lettres, et non en tête des mots; tiare, tiers, tiède, tien, il tient, avec leurs familles, conservent tous le son normal du t: comme tous les mots latins qui commencent par ti. Au surplus, il y a, en outre, pour chaque cas, des raisons particulières d’étymologie, et nous allons retrouver tous ces mots.

[838] Avec Bastia, Bastiat, Sébastien, Héphestion, etc.

[839] De là deux séries de mots en -tions, d’orthographe identique, mais de prononciation différente, s pour les substantifs et t pour les verbes: voir la liste, p. 187, note 2.

[840] Qui était autrefois apprentive, d’apprentif. Tous ces mots sont naturellement de formation populaire. Au contraire, à côté des simples inepte et inerte, les substantifs ineptie ou inertie, mots savants, suivent la règle, parce qu’ils conservent la prononciation du latin. On verra encore dans un instant trois ou quatre mots en -tie qui gardent le son dental, avec quelques noms propres.

[841] Ces mots appartiennent à la même famille que les mots en -té, et ont seuls gardé l’i que beaucoup d’autres ont perdu; le moyen âge, d’ailleurs, disait tout aussi bien amité ou pité que amitié ou pitié; en tout cas le t latin était devant un a et non devant un i. Ces mots sont donc sans rapport avec le substantif initi-é, et son verbe, qui ont le son sifflant, comme en latin, de même que le verbe balbuti-er, qui a suivi l’analogie de l’autre, malgré son étymologie. Ces deux verbes sont, en effet, les seuls verbes en -tier qui aient le son sifflant. Amnistier ne peut pas l’avoir à cause de l’s; châtier ne l’a pas, parce qu’il était primitivement chastier; les autres qui auraient pu avoir un t ont pris un c: justicier, vicier, négocier, différencier, quintessencier, licencier, circonstancier, à cause du c de justice, vice, négoce, etc.

[842] C’est la même diphtongue que dans les mots en -tié, et là aussi le t latin était devant un a. A ces mots, il faut joindre naturellement, avec volontiers, les noms propres en -tier ou -tière, qui ont le même suffixe: Gautier, Poitiers, Chartier, Brunetière, etc.

[843] C’est toujours une diphtongue étymologique, mais cette fois le t latin était devant un e, l’e du suffixe latin -esimus (centesimus), suffixe qui, en français, est passé des dizaines aux unités. D’ailleurs il était bon que les nombres sept, huit, etc., demeurassent intacts; mais la raison n’aurait peut-être pas suffi, puisqu’une raison pareille n’a pas suffi à conserver le t dans ineptie et inertie.

[844] Ici c’est le radical latin ten-; d’ailleurs le t ne pouvait guère changer de son au cours de la conjugaison.

[845] Du latin tepidus, tertius, tuus, antiphona (on plutôt antephona, latin populaire), tous mots où le t ne pouvait s’altérer. Ajoutons Etienne, de Stephanus, outre que Etienne est pour Estienne, ce qui lui fait deux raisons pour conserver son t intact. Au contraire, la diphtongue de chrétien n’est pas étymologique puisqu’il vient de christi-anus; aussi son t n’est-il resté dental que parce que chrétien est pour chrestien; mais le t est sifflant, comme dans le latin, dans tous les autres mots en -tien: béotien, vénitien, égyptien, Domitien, et même capétien ou lilliputien, formés du même suffixe.

[846] Du latin urtica, où le t ne peut pas s’altérer.

[847] Ce mot vient de l’arabe. Au contraire, argutie garde le t sifflant qu’on donne au latin. Quelques noms propres, qui n’ont pas non plus le t sifflant: Sarmatie, Hypatie, Clytie, Titye, ont gardé sans doute la prononciation du grec (en opposition avec Croatie, Galatie ou Dalmatie, Vénétie ou Helvétie, Béotie, etc.). La Boétie lui-même a pris le t sifflant, par analogie, quoique la localité de ce nom ne l’ait pas. Mais le t est dental dans Claretie, comme dans partie, ortie et sortie: en fait, inertie est le seul mot en -tie où le t soit sifflant après un r. Il est vrai qu’il est sifflant après un r dans martial, partial et beaucoup d’autres; mais Claretie a, de plus, un e muet devant le t, cas unique. Pourtant la tendance est telle à prononcer le t en sifflant dans les mots en -tie, que ce nom est constamment altéré par ceux qui ne sont pas renseignés; mais quand on consultait sur ce point Jules Claretie, il répondait:

«Mon nom, bien cher monsieur, rime avec sympathie

[848] Il devrait garder le son normal, car il ne vient pas du latin; mais il subit partiellement l’analogie des autres, comme l’ont subie plus complètement primatie, presbytie ou onirocritie, qui ont le t sifflant. Suprématie nous est venu de l’anglais, où il a un c. Le t est sifflant aussi dans goétie et scotie, qui sont transcrits du latin, et sur lesquels on pourrait se tromper.

[849] De même dans Arimathie, Carinthie ou Scythie, aussi bien que dans Thiers ou Thierry, Mathias, Mathieu ou Ponthieu, quelle qu’en soit l’origine; sans parler de Thyades, qui a de plus un y grec, outre que le t est initial.

[850] Je rappelle qu’à côté d’étiole (et probablement aussi Etioles), tiole a, au contraire, le t sifflant du latin. Je n’ai pas cité ici étiage, qui est pour estiage: voir plus haut. Le t reste intact aussi dans Critias, qui est grec, dans quelques noms français qui se sont dérobés à l’analogie, comme tion, je ne sais pourquoi, enfin dans les noms étrangers, non seulement Tiaret, Tiepolo ou Tien-tsin, qui ont le t initial, mais même Ignatief ou Bagration, qu’on altère très souvent, ainsi que tion, en vertu de la tendance générale; naturellement aussi dans Montyon, qui a un y grec, comme Amphictyons ou Amphictyonie, qui d’ailleurs sont grecs eux-mêmes, ce qui leur fait deux raisons pour garder le t intact.

[851] D’ailleurs ce sont les exceptions qu’il faut énumérer, et non les mots qui suivent la règle générale. J’ajoute que la classification méthodique m’a permis de donner en outre, dans la mesure du possible, l’explication de tous les cas particuliers, ce qui n’est pas un résultat négligeable.

[852] Ce sont les seuls qu’indique le Dictionnaire général.

[853] De même assez généralement dans Gambe(t)ta, beaucoup moins dans Algarot-ti, Donizet-ti ou Viot-ti, Bet-tina ou Rigolet-to, ainsi que dans les noms anciens, At-tila ou Pit-tacus.

[854] Pour tz, voir plus loin, à z.

[855] De là certaines confusions dans les noms propres: Favre est devenu Faure, vre est devenu Feure, et Lefebvre a donné Lefébure.

[856] Toutes formes complaisamment accueillies par Michaëlis et Passy. Pourquoi pas aussi bien évu pour eu, et lavou pour là où, où le phénomène est inverse?

[857] Par exemple, Virchow, Vogel, Vogt, Voss, ou encore vergiss mein nicht, zoll verein, la particule nobiliaire: von; Sainte-Vehme est suffisamment francisé, et le v y sonne v.

[858] Comme dans Kharkow ou Rimski-Korsakow. Mais le plus simple est d’écrire ces mots avec un f: Stamboulof, Romanof, Dragomirof, Souvarof, Koutousof, Saratof, et aussi Iaroslaf, Skobelef, Tourguenef. On hésite pour le v de Kiev, mais il n’y a pas de raison pour le distinguer des autres.

[859] Ainsi Brunswick, Nerwinde, Ryswick, Sadowa, Schwarzwald, Schwitz, Swedenborg, van Swieten ou Thorwaldsen, et surtout en tête des mots: Wagner, Wagram, Walpurgis, Waldeck, Waldemar, Walhalla, Walkyries, Wallenstein, Wassy, Weber, Weimar, Weser, Westphalie, Wilhelm, Willis, Wimpffen, Wissembourg, Wolff, Worms, Wurtemberg, Wurtz, etc., tandis qu’à la fin des mots le w allemand ne sonne pas: Bülo(w), Floto(w), etc. Le w flamand a gardé le son ou, qui lui appartient, dans Lon(g)wy et Wissant; mais Wallon est francisé, aussi bien que Waterloo et Watteau, Wimereux et Witt, Wouwerman, et beaucoup d’autres.

[860] De même Bothwell, Cromwell, Darwin, Delaware et Edwards, Edgeworth et Wordsworth, Far-West et Westminster, Greenwich et Woolwich, Longwood, Sandwich, Swift, Swinburne, Wakefied, Walter Scot, Warwick, Washington, Watt, Wellington, Wiclef, Wight, Windsor, Wolseley, Worcester. Devant un r, le w ne se prononce pas: (W)right.

[861] On francise aussi en v le w de Wallace (fontaine), souvent aussi de Waddington, Warwick, Walter Scott et Wawerley, Berwick, Wisconsin et Wiseman, Fowler et quelques autres.

[862] Et aussi dans Lawrence ou Bradshaw. Mais Law se prononce lâce par tradition depuis le XVIIIᵉ siècle, le nom s’étant répandu d’après l’enseigne de la banque, où Law était au génitif: La(w)’s bank, de même qu’aujourd’hui on dit couramment chez Maxim’s. D’ailleurs, le fameux banquier avait accepté et presque adopté cette prononciation: voir sur ce point l’article de A. Beljame, dans les Études romanes dédiées à G. Paris. Brauwer se prononce brou-èr.

[863] Nous acceptons aussi nioucasl pour Newcastle, et de même pour New-haven, New-Jersey, Newman, New-Market, Newport; et encore dèlèniouse pour Daily News; mais Newton et New-York sont francisés depuis trop longtemps en neuton (eu fermé) et neu-york (eu ouvert), pour qu’on puisse imposer niout(e)n et niou-York. On prononce u dans Dugald Stewart, et ev dans Newski ou Walewski.

[864] On prononce également o fermé dans Glasco(w), Hudson Lo(we), Longfello(w), Marlo(we), Clarisse Harlo(we), Luckno(w), Beecher Sto(we) et Co(w)per; et ou pour aou dans Brown, Browning, Brown-Séquard, Cape Town; Gérard Dow se prononce et s’écrit mieux Dou. Nous prononçons également ou, par une fausse analogie avec l’anglais, dans quelques noms slaves en -owski: Dombrowski, Poniatowski, etc., ov dans d’autres moins connus; mais la vraie prononciation serait en oski, avec o ouvert.

[865] Voir page 262, note 1: l’x remplaça d’abord us, puis, quand l’u fut rétabli à côté, il remplaça abusivement l’s tout seul.

[866] De même Carmau(x), Carpeau(x), Cau(x), Bordeau(x), Meau(x) ou Saul(x)-Tavannes, Andrieu(x), des Grieu(x) ou Vieu(x)-Temps, Dreu(x), Évreu(x) ou Brizeu(x), Fallou(x), Barbarou(x), Bardou(x), Berchou(x), Châteaurou(x), Boutrou(x), Ventou(x), Trévou(x), Pelvou(x), etc. (sauf a Marseille).

[867] On évitera donc deusse, aussi bien que eusse et ceusse avec autant de soin que gensse ou moinsse!

[868] Ni dans Saint-Yriei(x) ou Champei(x), Carhai(x), Desai(x), Roubai(x) ou Morlai(x), Foi(x) ou Mirepoi(x). Il se prononce pourtant dans Aix (autrefois on disait ès, déjà vieilli au temps de Mᵐᵉ Dupuis), et dans Dupleix.

[869] Ni dans Chamoni(x), qui s’écrit aussi Chamouny, ni dans Saint-Geni(x), ni dans Chastellu(x). Il se prononce aujourd’hui dans Gex, mais il ne se prononce pas dans Be(x), Château d’Œ(x) et autres localités voisines appartenant à la Suisse romande: Ferney même, qui est tout à côté de Gex, s’écrivit par un x, Fernex, jusqu’au jour où Voltaire, seigneur du pays, en changea l’orthographe pour l’accommoder à la prononciation. Seul Gex a repris son x.

[870] Voir, page 233, ce qui a été dit pour neuf. C’est avec six et dix que l’erreur de prononciation se commet le plus fréquemment dans les dates: le si(x) mai, le di(x) mars; elle n’en est pas plus justifiée.

[871] Et cela fait trois manières de prononcer six et dix.

[872] Comme pour vingt, cette prononciation de dix devant sept, huit, neuf, remonte à plusieurs siècles.

[873] Pour Béatrix, c’est inutile, puisqu’il y a Béatrice. Cadix lui-même se prononce aujourd’hui par cs. Mais on prononce toujours par s Morcenx et Navarrenx.

[874] Voici les autres: smilax, contumax, opoponax, anthrax, borax, thorax, storax et income-tax; ex-, codex, culex, apex, carex, murex, latex, narthex et vertex; bombyx, préfix, hélix, phénix, onyx, pnyx, larix et tamarix; lynx, phorminx et syrinx, pharynx et larynx; box, phlox et cowpox; fiat lux. Il faut y joindre les noms propres anciens ou étrangers, et même les noms français qui ne sont pas en -aux, -eux, -oux, -aix et -oix: Dax, Sfax, Fairfax, Ajax ou Ganderax, Essex, Etex ou Gervex, Bruix, Félix, Eryx, Vercingétorix et Styx, Fox, Pollux et Carlux, etc., et aussi Marx. Pourtant, on prononcera plutôt: Coysevo(x), Oyonna(x). L’x se prononce même dans Aix et Dupleix, mais non dans Chamoni(x): voir page 344, notes 4 et 5.

[875] Le peuple intervertit volontiers les éléments de l’x dans ces mots, prononçant sesque pour sexe, comme Félisque pour Félix: ce défaut remonte à plusieurs siècles.

[876] L’x amui a revécu dans le vieux mot jouxte. L’x se prononce de même dans Axoum, Ixion, Ixelles, Maxime ou Vauxhall, comme dans Expilly ou Oxford. Dans E(x)mes, Di(x)mont, La Di(x)merie, l’x est encore muet, comme autrefois dans di(x)me, aujourd’hui dîme; mais il se prononce dans Dixmude.

[877] Je ne parle pas de au(x)quels, qui fait naturellement comme le(s)quels.

[878] C’est le même s qu’on entend dans Xerxès (ou Artaxerxès), écrit quelquefois Xercès, ainsi que dans Auxerre, Auxois, Auxonne, Sau(l)xures, Buxy et Bruxelles. A Paris on prononce cs dans Saint-Germain-l’Auxerrois; mais il ne s’ensuit pas qu’il faille dire Au-serre en Auc-serrois: en dehors de l’expression propre à Paris, on fera bien de prononcer Au-serrois comme Au-serre. En revanche on articule aujourd’hui cs dans Saint-Maixent: telle est du moins la prononciation de toute l’armée; et aussi dans Luxeuil, Luxembourg, Aix-les-Bains, Aix-la-Chapelle, malgré l’opinion de Kr. Nyrop. Il est certain que les autres noms suivront, à une échéance plus ou moins lointaine: on commence à prononcer beaucoup bruc-sel, et cela même à Bruxelles.

[879] Dizain a pris un z: pourquoi n’écrit-on pas aussi sizain, ou dizième?

[880] A l’époque où on prononçait acident, on prononçait aussi ecellent, et les personnes qui ont l’acent n’ont pas perdu cette prononciation.

[881] C’est le même phénomène que dans acident ou ecellent.

[882] Malgré les préférences de Michaëlis et Passy.

[883] Cette prononciation était déjà usitée au XVIIᵉ siècle. A-t-on voulu instinctivement distinguer dans la prononciation les mots tels qu’exécuter des mots comme excellent, qui s’écrivaient autrement? Ou cela vient-il de ce qu’à l’époque où l’x se réduisait toujours à un s devant une voyelle, on prononçait naturellement ezemple, ezercer? Cependant on prononçait ma-sime et non mazime, et Ale-sandre: alors? Et pourquoi Xavier se prononçait-il Zavier et non Savier, tandis que Xaintonge est devenu Saintonge? Qui expliquera ces bizarreries?

[884] L’x s’adoucit aussi dans Exupère, mais il reste intact dans Exelmans.

[885] Cf. glaude pour claude. Le même changement se produit presque toujours dans la plupart des noms propres, surtout les anciens: Xanthe, Xantippe, Xénocrate, Xénophane, Xénophon, Xerxès et Artaxerxès, et aussi Xavier, et même Xaintrailles. Mais la prononciation correcte de mot est Saintrailles, comme Saintonge, issu de Xaintonge; le c est tombé dans Sain-tonge et Xaintrailles, malgré l’orthographe: c’est toujours la répugnance qu’a le français pour deux consonnes initiales autres que bl, br, etc.

Dans Ximénès et Xérès, on prononce par tradition un k: en réalité, cet x espagnol est une gutturale aspirée, qu’on a transcrite autrefois par un simple ch chuintant, comme dans Chimène, et qu’on écrit aujourd’hui j; mais aucune tradition pareille ne s’est établie pour les autres mots, comme Xenil ou Jenil, Xucar ou Jucar, qu’on prononce pourtant plus généralement avec un x, comme Guadalaxara.

[886] Et en effet il se prononçait primitivement ts, comme en d’autres langues. D’autre part, il a servi longtemps dans l’orthographe, à défaut d’accent, à distinguer l’é fermé final de l’e muet: tu aimes, ils sont aimés, ce qui n’est pas plus extraordinaire que vous aimez.

[887] Ni dans les noms propres du Nord: Despre(z) ou Cherbulie(z), Saint-Genie(z) ou Dumourie(z), Mouche(z) ou Natche(z), Douarnene(z), Depre(z), Despre(z) ou Dupre(z), Géruse(z) ou Sée(z), aujourd’hui écrit Sées, et naturellement Gris-Ne(z) ou Blanc-Ne(z). On ne prononce pas non plus le z dans Fore(z), qui a l’e ouvert, ni dans la vieille préposition lez de Plessis-le(z)-Tours et autres lieux.

[888] On y prononce aussi Agassi(z).

[889] Le z final, quand il se prononçait, avait en dernier lieu le son d’un s dur, et non d’un s doux. Il a aujourd’hui le son de l’s doux dans les noms propres en -az, -iz, -oz, -uz, où on le prononce toujours: Diaz, Hedjaz, La Paz et Chiraz, Hafiz et Abdul-Aziz, Berlioz, Booz, Badajoz, Dalloz, Buloz et Droz, Saint-Jean-de-Luz, Santa-Cruz et Vera-Cruz, et aussi Elbourz ou Elbrouz, etc. Quant aux noms propres en -ez, nous venons de voir que ceux du Nord se prononçaient encore par é fermé sans z, mais ils commencent à s’altérer, notamment Natchez; ceux du Midi, Ambez, Barthez, Lombez, Orthez, Rodez ou Saint-Tropez, se prononçaient en ès par s dur, et se prononcent encore ainsi dans le Midi, mais dans le Nord on leur donne un s doux, ainsi qu’à Duez, Suez, Buchez; on le donne même souvent aux noms espagnols, où l’s dur est préférable: Aranjuez, Sanchez, Fernandez, Rodriguez, Lopez, Vélasquez, Diégo-Suarez, Alvarez, Perez ou Cortez, sans compter Fez. Méquinez s’écrit aussi Meknès, ce qui montre bien la vraie prononciation.

[890] Dans tz, c’est l’accommodation régressive du z au t, plus commode que celle du t au z. On prononce de même Batz, Galatz et Gratz, Fitz, Strélitz, Sedlitz, Austerlitz, Chemnitz, Biarritz, Goritz, Fritz et Schwitz, Freischütz et Olmutz, Hartz, Schwartz et Hertz, et aussi Diez, Seidliz, Leibniz, Brienz. Toutefois on prononce souvent Leibniz et même Austerlitz et Sedlitz par un s simple. Dans Lis(z)t, le z ne peut pas s’entendre.

[891] C’est encore le cas, même après une voyelle simple, dans Me(t)z, dont l’adjectif est messin, et Re(t)z, et aussi Féle(t)z ou Dujardin-Beaume(t)z. On n’entend ni t ni z dans Be(tz), qui a l’e ouvert, et Champcene(tz), qui a l’e fermé.

[892] De même Vénézuéla, Chimborazo ou Sforza, comme Mozart et Pou(z)zoles, Fe(z)zan ou Abru(z)zes, et surtout en tête des mots: Zara, Zermatt, Zimmermann, Zurich, Zuyderzée, Zug, et Zurbaran.

[893] Zollverein, Zwickau, Zwingle, Zwolle, Erzgebirge, Schwarzwald, Creuzer et aussi Guipuzcoa; mais on prononce d’ordinaire un s doux entre l et b: Salzbourg, Salzbach.

[894] De même Arezzo, Brazza, Custozza, Fogazzaro, la Gazza ladra, Gozzoli, Pestalozzi, Pozzo di Borgo, Manzoni, Mazzini, Ratazzi, Rizzio, Strozzi, Spezzia, et aussi Zeus ou Ouezzan. Il en est de même de tz dans Botzaris et autres. Pour cz, voir page 220. Le sz hongrois se prononce s, par exemple dans Szegedin; le sz polonais, ch, par exemple dans Kalisz.

[895] On trouve bien encore un d ou un t dans certains z: mezzo ou grazioso; du moins ceci est étranger.

[896] C’est un reliquat de cette prononciation que nous avons constaté dans les noms de nombre, de cinq à dix: on voit que cela remonte loin. Il y a aussi quelque chose de cela dans plus et tous. Il y a même pour quelques-uns de ces mots trois prononciations différentes: isolément, devant consonnes dans certains cas, et devant voyelles: dis, di et diz; plus, plu et pluz, tout comme au XVIᵉ siècle.

[897] Ce qui permet aux gens facétieux quelques calembours. Ch. Nyrop en cite quelques-uns, dus aux liaisons de en agent, il est ouvert, trop heureux, le premier homme du monde, etc. Et il ajoute très sérieusement: «A moins qu’on ne veuille plaisanter, on évite ces liaisons..., par exemple on s’abstiendra de faire entendre le p de trop dans une phrase comme celle-ci: Vous ne ferez jamais un bon marin: vous êtes trop homme de terre (et non trop pomme de terre!).» Voilà un rapprochement auquel on ne s’attendait pas.

[898] Je ne compte pas les ignorants qui s’étudient à «bien parler», et qui entassent les cuirs sur les velours et les pataquès. Le mot pataquès, dont on a vu l’origine plus haut, page 60, désigne naturellement les confusions de liaison: ce n’est poin(t) zà moi et ce n’est pa(s) tà moi. On appellera plutôt cuir, l’addition d’un t: va ten ville, et velours celle d’un s: j’ai zété, parce que le velours est plus doux que le cuir. D’ailleurs le cuir lui-même avait la prétention d’adoucir la prononciation, peut-être comme le cuir adoucit le rasoir. Notons qu’autrefois on za ou j’ai zété ont été admis par les personnes les plus distinguées, sans parler des quatre zéléments, ou il leur za dit; et tout cela n’était pas plus extraordinaire que a-il ou aime-il prononcés ati ou aimeti au XVIᵉ siècle, avant que le t ne fût introduit dans l’écriture, où il avait figuré déjà à une époque beaucoup plus ancienne. Aujourd’hui encore, entre quat’zyeux est admis par beaucoup de gens: nous reviendrons sur cette expression.

[899] Voir plus haut, pages 151 sqq., ce qui a été dit de l’élision.

[900] Comme on dit: de une heure à deux, sans élision. Il est vrai qu’on fait la liaison dans trois zun; mais c’est comme dans trois zhommes: un est pris ici comme substantif ordinaire. Théoriquement, on ferait aussi la liaison dans cent tun, c’est-à-dire cent fois le numéro 1, par opposition au nombre 101, qui représente cent et un.

[901] On dit pourtant: ils son(t) tun; mais ce n’est qu’une plaisanterie.

[902] Sauf à la Comédie-Française, où l’on peut entendre le jeune premier, dans le Jeu de l’amour et du hasard, articuler nettement dite(s) zoui ou non. On prétend avoir entendu, à la même Comédie-Française, mai(s) zoui: je n’ose le croire! En revanche on peut faire la liaison dans ce(s) zouates, ou trè(s) zouaté; et si on ne la fait guère avec ouistiti, on la fait toujours avec ouailles et les mots de la famille d’ouïr, quoi qu’en ait dit Mᵐᵉ Dupuis, qui prétendait faire prononcer sans liaison

Ces rois à vous ouïr, m’ont paré d’un vain titre:

ceci ferait simplement un vers faux, car l’absence de liaison ferait de ou-ïr un monosyllabe.

[903] Quoique dans ce cas on fasse assez facilement l’élision de la proposition de.

[904] L’abbé d’Olivet préférait déjà l’hiatus dans la prose: «On ne doit pas craindre ces hiatus, dit-il; la prose les souffre, pourvu qu’ils ne soient ni trop rudes, ni trop fréquents; ils contribuent même à donner au discours un certain air naturel.»

[905] Et cela depuis fort longtemps, malgré Domergue et beaucoup de grammairiens, qui voulaient à toute force maintenir l’e fermé. Il en résulte une différence entre le premier rhum (e fermé) et le premier homme (e moyen).

[906] Il n’est donc qu’à demi exact de dire que quand un mot est terminé par un e muet, il se lie par la consonne qui précède avec le mot suivant, s’il commence par une voyelle. Il y a bien là quelque chose de la liaison, en ce que la consonne sert aussi d’initiale au mot suivant; mais s’il y avait liaison proprement dite, la consonne pourrait s’altérer; or elle ne s’altère jamais: qu’il ren-d(e) aux hommes, la lan-g(ue) allemande, comme le lisest blanc. Il n’y a de liaison proprement dite, au sens où on l’entend dans ce chapitre, que pour les consonnes qui normalement ne se prononcent pas.

[907] La Fontaine, les Animaux malades de la peste.

[908] Molière, le Misanthrope, acte I, scène 2.

[909] Avec cette nuance qu’ici le c garde le son guttural qui appartient au c final, au lieu de s’altérer en s devant e. On disait de même autrefois de bro(c) ken bouche.

[910] Molière, les Femmes savantes, II, 7. En vers, on pourra lier aussi le c de banc, blanc ou flanc, de tabac ou d’estomac, et même d’instinct; mais si l’on peut éviter l’hiatus par une pause légère au lieu d’une liaison, cela vaudra mieux.

[911] La Fontaine, Fables, XI, 8.

[912] Ceci tient à ce qu’autrefois, quand les consonnes finales se prononçaient, les gutturales sonnaient toujours c, qui est d’une émission plus facile; et c’est pour cela que les mots à c ou g final ont pu si longtemps rimer ensemble, par tradition, sans pouvoir rimer avec les mots à d ou t final, qui, eux aussi, ne rimaient qu’ensemble, pour une raison pareille. Mais il y a beau temps que toutes ces finales auraient dû être assimilées pour la rime. Je dois avouer d’ailleurs que dans les liaisons qui ne se font qu’en vers, comme celle de long espoir, il y a déjà tendance à conserver au g le son doux.

[913] On disait autrefois de cler(c) cà maître; et nous savons qu’on dit encore por(c)-képic. Mais si le g sonne c dans Bourg-en-Bresse, ce n’est pas par liaison. Voir page 236, note 1.

[914] Le d se lie toujours avec le même son que le t, car autrefois, quand le d final se prononçait dans les mots proprement français, il se prononçait plus aisément comme un t, notamment après une nasale: voir ci-devant, note 3.

[915] Cette liaison des formes très usitées est si nécessaire que le peuple la fait parfois même où il n’y en a point à faire, notamment avec va. Le peuple ignore en effet que cette finale tonique de troisième personne se passe de t, sous prétexte qu’aller est de la première conjugaison; il dit donc va-t-et vient, coupe les chats et va-t-en ville, et Malbrough s’en va-t-en guerre. Au surplus quelques-uns de ces cuirs sont devenus corrects: va-t-en, a-t-il, aime-t-il, ne sont pas autre chose qu’une liaison faite, par analogie, là où il n’y a pas de t. De même ne voilà-t-il pas, par analogie avec les troisièmes personnes.—J’ajoute que est se distingue précisément de et par la liaison, car l’un se lie toujours et l’autre jamais, et cela depuis le XVIᵉ siècle au moins, puisque dès cette époque l’hiatus de et fut le seul hiatus avec consonne que les poètes commencèrent à s’interdire; les autres n’étaient pas encore des hiatus.

[916] On notera qu’il y a des adjectifs qu’on ne met guère devant le substantif qu’au féminin ou devant une consonne: chaude saison, blonde enfant, grossier personnage, précisément pour éviter une liaison désagréable ou impossible, comme serait celle de blon(d) tenfant ou grossie(r) ranimal.

[917] Si l’on dit ving(t) tet un, c’est peut-être par analogie avec trente et un: voir page 329; ou peut-être parce que c’est une sorte de mot composé.

[918] Dans j’ai chau(d) aux pieds, aux pieds n’est pas complément de chaud, mais de j’ai chaud.

[919] On dit assez souvent, à tort, avan(t)-hier sans liaison, et en trois syllabes; c’était même, malgré Ménage, la prononciation la plus usitée au XVIIᵉ et au XVIIIᵉ siècle; mais je crois qu’en ce cas on aspirait l’h, et je crois aussi qu’on avait tort. En tout cas, avant-hier a aujourd’hui quatre syllabes, et la liaison s’y impose.

[920] Molière, les Femmes savantes, acte IV, scène 3.

[921] Dans la marine, on dit en ouvrant l’o: le cano(t) test paré; mais c’est une façon de parler en quelque sorte technique ou dialectale.

[922] Mais po(t) à tabac, pour éviter la cacophonie, et même po(t) à beurre.

[923] (t) tou tard, étant un peu cacophonique, se remplace avantageusement par (t) ou tard.

[924] La liaison n’est indispensable ici que dans les noms composés, comme Pon(t)-tà-Mousson, Pon(t)-tAudemer, Pon(t)-tEuxin, aussi bien que celle de Saint devant une voyelle, ou celle de Lo(t)-tet-Garonne. On la fait aussi ordinairement, par tradition, dans le titre du Dépi(t) tamoureux.

[925] Il n’est pas possible d’accepter:

Blanc comme Eglé qui dor(t) tauprès d’un ami sien.

et cela par-dessus la césure, avec un lien médiocre entre les mots! Pourquoi pas à tor(t) tet à travers?

[926] On dit aussi généralement Por(t)-tau-Prince; mais Por(t)-Arthur, Por(t)-Élisabeth, etc., doivent se passer de liaison.

[927] Je rappelle qu’on disait autrefois vi(f) vargent, bœu(f) và la mode.

[928] C’est ainsi que le verbe suiver, de suif, est devenu suiffer: «Suiver: quelques-uns disent suiffer», dit l’Académie en 1845; et en 1878: «Suiffer: quelques-uns disent suiver.» En 19..., elle dira suiffer tout court, à moins qu’elle ne dise suifer, ce qui serait plus simple.

[929] Voir plus haut, page 345, si(x) zavril et entre si(x) zet sept.

[930] Et cela ne date pas d’aujourd’hui, s’il est vrai qu’un conseiller au Parlement ait chassé une femme qui, étant allée à la fenêtre, à sa prière, pour s’enquérir du temps qu’il faisait, lui avait répondu: «Le tem(ps) zest beau.» Mais dans la fameuse chanson où Nadaud fait parler un gendarme, il conviendra de lui faire dire, parce qu’il est tout fier de montrer qu’il sait l’orthographe:

Le tem(ps) zest beau pour la saison.

[931] Le peuple, qui n’aime guère les liaisons avec s, dira plutôt t’e(s)-t-une bête, par analogie avec la troisième personne, et, mieux encore, t’e(s) une bête.

[932] Le peuple dit volontiers donne-moi-zen: c’est la liaison de donnes, qui passe par-dessus le mot suivant, phénomène très fréquent, quand on ne s’observe pas.

[933] Et lez ou les, dans les noms de lieux.

[934] Molière, Misanthrope, acte III, scène 7. On ne peut cependant pas lier mais oui; voir page 358, note 3. La liaison de mais n’est d’ailleurs pas indispensable dans la conversation: et la preuve, c’est qu’on en vient parfois à dire, en parlant très vite, m(ais) enfin.

[935] Pour six et dix, voir plus haut, page 345.

[936] Quand ce mot était de création nouvelle, sans soudure entre les éléments, on le prononçait sans liaison.

[937] Toutefois on peut écrire matches, ce qui permet de lier.

[938] On dirait de même, sans liaison, un chauffe-pied(s) élégant, car l’s marque le pluriel de pied, mais non du composé, et d’autre part le d ne se lie pas; tandis qu’au pluriel, on pourra dire des chauffe-pied(s) zélégants, comme si l’s n’était pas le même.

[939] Je dis nécessairement, malgré Michaëlis et Passy.

[940] On voit qu’il faut se garder d’exagérer le rôle de la conjonction et, comme on le fait quelquefois.

[941] Par opposition à Champs-Elysées ou États-Unis.

[942] Le mot composé fait si bien un tout, qu’il y a tendance parfois à remplacer l’s intérieur par un s final incorrect: des che(fs)-d’œuvre zadmirables, les chemins de fer zalgériens. Ceci est à éviter; mais que n’écrit-on tout bonnement chédeuvre, avec un s au pluriel, puisque le sens de chef disparaît complètement dans le mot composé?

[943] On fait même souvent la liaison du t et non celle de l’s dans deux accen(ts) taigus, qu’on traite comme des gue(ts) tapens; mais je me demande vraiment si ceci peut passer, car ici les deux mots restent tout de même parfaitement distincts, et connus comme tels.

[944] Je ne parle pas des formes en âmes et âtes, et autres pareilles, qui ne s’emploient évidemment qu’avec liaison puisqu’elles appartiennent exclusivement à la langue écrite ou au style oratoire.

[945] Et, par suite, malgré Michaëlis et Passy, enfonceur de porte(s) zouvertes.

[946] Corneille, Polyeucte, acte I, scène 3. S’il y avait Persans, la liaison se ferait même en prose.

[947] Id., ibid., acte IV, scène 6.

[948] Racine, Britannicus, acte IV, scène 2.

[949] Voltaire, les Scythes, acte II, scène 1.

[950] V. Hugo, Légende des siècles, II, la Conscience. Le même dans ses Odes, I, 8, avait écrit d’abord: Les bronzes ont tonné; il a corrigé ensuite judicieusement, et mis: Les canons ont tonné.

[951] Dans Cromwell, les noms de Charles et Londres reviennent à toutes les pages, et une trentaine de fois devant une voyelle: l’s y est toujours supprimé. Delphes, Thèbes et Arles perdent leur s chacun huit ou dix fois au moins dans la Légende des siècles: Arles seul l’y conserve une fois, pour des raisons qu’on peut déterminer. Banville disait donc une sottise, quand il reprochait à V. Hugo, dans son Traité de Poésie, d’avoir écrit Versaille sans s, sous prétexte qu’ «il n’y a pas de licences poétiques». Il est vrai que M. Donnay a écrit dans le Ménage de Molière:

Versailles est vraiment un séjour enchanté;

mais d’abord ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux; et puis, il y a dans cette pièce tant de vers d’un rythme contestable, et qu’on doit apparemment dire comme de la prose, de l’aveu même de l’auteur, qu’on ne doit pas se gêner beaucoup pour supprimer l’s de celui-là, et en faire aussi de la prose.

[952] Il est certain qu’en 1789, avant la suture des deux mots, on ne faisait pas plus la liaison que dans États-Unis: voir plus haut; Mᵐᵉ Dupuis l’interdit encore.

[953] Étant donné qu’on évite déjà la liaison de l’s après l’r, il serait encore plus ridicule de dire des ver(s) zà soie, que de dire des moulin(s) zà vent ou des salle(s) zà manger.

[954] Les leçons de Legouvé n’ont d’ailleurs pas corrigé Messieurs les Sociétaires de la Comédie-Française: «L’univer(s) zébloui,» disait Mounet-Sully; et Paul Mounet parlait d’«oublier le corp(s) zen rajeunissant l’âme», quoiqu’il n’y ait même pas de lien grammatical entre les mots. Il aurait donc dit sans doute, a fortiori, prendre le mor(s) zaux dents! Quelle étrange erreur! Et les étrangers vont à la Comédie-Française pour apprendre à prononcer! J’y consens, sauf en matière de liaisons.

[955] Cela n’empêche pas Edmond Rostand d’écrire dans la Princesse lointaine:

Vous la montrera-t-on seulement cette oiselle?
—Le prince l’a promis de nous mener vers elle.

La richesse des rimes de Rostand ne permet pas de douter de la prononciation de celle-ci; et cela serait parfait si c’était une de ces scènes comiques, où la fantaisie justifie toutes les licences; mais les propos sont suffisamment sérieux, et c’est la prononciation qui ne l’est pas; ou si l’on prononce correctement, la rime sera très ordinaire. Mais peut-être que Rostand n’a fait cette rime que pour les acteurs, connaissant leurs habitudes incorrigibles.

[956] C’est bien pour cela que ces hiatus apparents sont si fréquents chez Corneille: pour lui ce n’étaient pas des hiatus. Voyez, par exemple, dans Polyeucte, acte II, scène 2, la seconde tirade de Pauline: on y trouve trois rencontres qui, pour nous, sont des hiatus, et pour lui n’en étaient pas:

Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments.
Votre mérite est grand, si ma raison est forte.
Plaignez-vous en encor, mais louez sa rigueur.

Nous ne faisons plus ces liaisons. Dans le premier vers, nous nous tirerons d’affaire par une pause; dans les autres, nous subirons l’hiatus, et il faut avouer que le dernier est bien désagréable. La tirade suivante de la même Pauline offre encore deux rencontres pareilles en douze vers, et la première est également désagréable pour nous, parce que nous ne pouvons plus faire la liaison:

Hélas! cette vertu, quoique enfin invincible...
Enfin épargnes-moi ces tristes souvenirs.

Ces liaisons des nasales se retrouvent dans le Midi, parfois même par-dessus une consonne: je tien(s) na dire... C’est probablement un reliquat d’une prononciation qui fut correcte à l’époque où l’on écrivait je tien.

[957] Racine, Britannicus, acte IV, scène 4.

[958] Ce phénomène de dénasalisation ressemble tout à fait au cas des adjectifs qui dévocalisent leur u devant une voyelle, bel homme, nouvel an, fol orgueil, mol édredon, vieil homme: ici aussi c’est le son du féminin qu’on entend.

[959] C’est ce qui condamne encore la dénasalisation au moyen de l’accent aigu de enamourer, enivrer et enorgueillir, où se rencontre le même phénomène de liaison (voir page 133); car ces mots devraient donner normalement, s’ils se dénasalisaient, a-namourer, a-nivrer, a-norgueillir, comme on prononce dans le Midi, très logiquement (cf. a-nuyer pour ennuyer).

[960] Ces traditions ont d’ailleurs des racines profondes dans le passé, car il y eut un temps où le féminin lui-même gardait le son nasal: vain, vain-ne, comme fem-me et ardent-ment: voir pages 64 et 131.

[961] Tout comme dans bo-nhomme, bo-nheur, bo-nhenri (sans compter boniment ou bonifier).

[962] C’est là probablement qu’il faut chercher une explication très naturelle de l’usage que nous faisons de mon, ton, son, au féminin, devant une voyelle. Car dire qu’on voulait éviter l’hiatus de ma âme, sa épée, c’est ne rien dire, et le moyen âge l’évitait tout aussi bien en disant m’âme ou s’épée, procédé dont il nous est resté ma mie, altération de m’amie. Mais la question est de savoir pourquoi on a préféré ce nouveau procédé; et la raison probable, c’est que mon, ton, son, en liaison, même devant des masculins, prennent une forme féminine, qui pouvait aussi bien servir pour les féminins: puisqu’on disait mo-nami comme bo-nami, on pouvait aussi bien dire mo-nâme, comme bonn(e) âme.

[963] La décomposition se fait pourtant dans les mots composés de vin: vinaigre, vinage, vinasse, vinaire, vinification, mais le latin y est pour quelque chose.

[964] La correspondance demanderait eune, qu’on entend dans les campagnes, et qui, au XVIᵉ siècle, était régulier.

[965] Mais si l’on ne dit pas u-nami, ce n’est pas une raison pour dire eu-nami.

[966] Peut-être dira-t-on encore: à eux trois, ils ont vingt et u-nenfants: je ne crois pas qu’on puisse décomposer un ailleurs.

[967] Cf. par exemple cin(q) francs et cinq mai.

[968] De même dans les noms propres comme Bienaimé. Dans le Midi, on pousse la dénasalisation jusqu’au bout: par exemple, on fait rimer de deux syllabes, les savants en us avec anus! On y dit de même a-neffet, a-noutre, et o-nest venu, que préconisait Domergue. On y dit même no-navenu ou no-nactivité; mais en français du Nord, la dénasalisation a les limites que nous avons dites; par exemple, non ne se lie jamais, malgré nonobstant, non plus que la préposition selon.

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