← Retour

Comment on Prononce le Français: Traité complet de prononciation pratique avec le noms propres et les mots étrangers

16px
100%

H

1º L’H final ou intérieur.

Après une voyelle finale, l’h allongeait la voyelle dans quelques mots étrangers; mais nous avons vu que le phénomène n’est plus guère sensible chez nous[606]. Il l’est davantage dans le corps des mots, où l’h peut encore parfois fermer et allonger la voyelle qui précède; mais ce sont aussi des mots étrangers: ohm, hn[607].

Après une consonne, sauf le groupe français ch, étudié plus haut, l’h ne change rien généralement au son de cette consonne: ainsi kh égale k partout; quant au g, l’h ne fait que lui rendre le son guttural devant e et i; th égale t pour nous, rh égale r.

Dans le Midi, lh et nh représentent l et n mouillés.

D’autre part, sch allemand et sh anglais ou russe ont le son du ch français[608].

Tous ces groupes se prononcent à la fin des mots, sauf ch final dans almana(ch), et gh final ou devant t en anglais[609].

2º L’H initial, muet ou aspiré.

Mais ce n’est pas après une autre lettre, voyelle ou consonne, c’est en tête des mots que l’h joue un rôle intéressant en français. Il est vrai que ce rôle a été contesté. Et assurément l’h dit muet ne sert absolument à rien et aurait dû disparaître depuis longtemps de l’orthographe, ou plutôt n’aurait jamais dû y être introduit sous prétexte d’étymologie.

Mais quoi qu’on en dise, il n’en est pas de même, de l’h aspiré. J’avoue que, d’aspiration proprement dite, il n’y en a plus guère depuis plus d’un siècle. Pourtant il y en a certainement une dans quelques onomatopées ou exclamations comme ha, hé, hola, hom, hue; il y a aussi aspiration entre oh! oh! et ah! ah! quoique ici l’h soit final et non initial, et aussi, par emphase, quand on exprime un sentiment violent: je le hais, c’est une honte. Mais ce n’est pas tout: même sans accent oratoire, il y a toujours l’interdiction absolue de l’élision et de la liaison, et par suite l’obligation de l’hiatus, qui est une caractéristique assez remarquable.

Il est parfaitement vrai qu’on prononce il est hardi ou des homards sans plus d’aspiration que dans il est allé à Paris ou alvéole; mais tout de même, tant qu’on dira il est hardi ou des homards sans liaison, et par suite avec hiatus, tant qu’on dira le hameau ou la hotte sans élision, et par suite encore avec hiatus, et cela en vers comme en prose, par nécessité, tant qu’on distinguera, par la liaison, en eau de en haut, les auteurs de les hauteurs, etc., aussi longtemps l’h jouera son rôle, à moins qu’on ne le remplace par un autre signe diacritique, ce qui est parfaitement inutile[610].

Je sais bien que ces finesses n’appartiennent pas à la langue populaire, et que même les erreurs nombreuses que fait le peuple en cette matière montrent bien la répugnance instinctive qu’il a pour l’h aspiré: si la langue était livrée à elle-même, l’h aspiré deviendrait promptement identique à l’h muet. Mais ces erreurs, les gens instruits ne les font pas, et c’est la langue des gens instruits qu’on enseigne ici.

Il y a donc en français un h aspiré. Toutefois nous sortirions de notre sujet pour entrer dans le domaine de la grammaire ou de la lexicographie, si nous énumérions ici les mots dont l’h est aspiré. D’ailleurs, les dictionnaires sont là pour renseigner sur ce point, s’il en est besoin. Il convient toutefois d’énoncer la loi générale qui domine ici les faits, en indiquant les exceptions essentielles.

3º La loi de l’H initial.

La loi est celle-ci: l’h est muet quand il est d’origine latine ou grecque, aspiré ailleurs, et surtout quand il est d’origine germanique.

I.—L’h est muet quand il vient du latin: (h)abile, (h)abit, (h)erbe, (h)omme et (h)umain, (h)ospice, (h)ôtel, (h)umeur, etc.; à fortiori dans quelques mots qui ne devraient point avoir d’h, n’en ayant point en latin: (h)eur, (h)ermine, (h)ièble, (h)uile, (h)uis, (h)uître[611].

Il n’y a donc pas lieu d’aspirer (h)ameçon, (h)allucination ou (h)altères, ni (h)iatus, malgré le sens, ni (h)irsute, ni (h)oir et (h)oirie, ni enfin les dérivés d’(h)uile[612].

L’h est tout aussi muet quand il remplace, très inutilement, l’esprit rude du grec, notamment dans tous les mots qui commencent par hecto-, hélio-, hémi-, hémo-, hepta-, hétéro-, hexa-, hiéro-, hippo-, homo-, etc., et tous ceux qui commencent par hy-[613].

Il y a aujourd’hui une tendance très marquée à aspirer l’h dans (h)y-ène; mais il n’y a à cela aucune raison; et si l’(h)yène paraît dur avec diphtongue, il est assez simple de dire l’(h)y-ène, comme Victor Hugo, conformément à l’étymologie grecque, tout comme on dit l’(h)y-acinthe et non le hyacinthe; cela vaut certainement mieux que la hyène, ou des hyènes sans liaison[614].

 

II. L’h qui n’est pas latin ou grec est presque toujours aspiré.

Il l’est d’abord dans nombre d’exclamations ou d’onomatopées sûres ou probables, ou même simplement prises pour telles, haleter, han, hennir, hisser, hola, hoquet (qui a peut-être altéré hoqueton), houp, hourra, huer, etc. L’h n’est pas aspiré dans hallali.

Il l’est surtout dans un grand nombre de mots (une centaine de racines) d’origine germanique. On y voit figurer en majorité le haut et le bas allemand[615].

On y trouve aussi l’anglais, avec handicap ou héler; les dialectes scandinaves, avec hauban, hisser et hune; le néerlandais avec happer, hêtre, hie, hobereau, houblon et houille, et vingt ou trente racines d’origine inconnue, qui ont toutes les chances d’être germaniques, ne pouvant être latines ou grecques[616].

4º Les exceptions.

Il y a, avons-nous dit, des exceptions. Cette distinction entre ces deux catégories de mots, mots latins et mots germaniques, est si certaine et si caractéristique que c’est précisément et uniquement l’influence des mots germaniques qui a fait aspirer l’h de certains mots d’origine latine, par l’effet d’une fausse analogie: ainsi harpon a été altéré probablement par harpe, huguenot par Hugues, huppe par l’allemand aussi, et surtout tous les mots de la famille de haut, qui ne devraient point avoir d’h, par l’allemand hoch, quoique l’origine latine de haut ne soit pas douteuse[617].

Il y a encore d’autres aspirations irrégulières qui s’expliquent plus ou moins bien. Ainsi, parmi les mots qui viennent du grec, on trouve halo, peut-être par euphonie pour éviter l’(h)alo, comme on dit le hulan; et encore halurgie et harpye, quoique (H)arpagon ait l’h muet.

On dit aussi, sans doute par euphonie, la hiérarchie; mais l’h de ce mot est muet par ailleurs, et généralement aussi dans (h)iérarchique, toujours dans (h)iérophante, (h)iéroglyphe ou (h)iératique.

On s’explique assez bien l’aspiration dans hors qui vient du latin, parce que l’h remplace un f[618]; et aussi dans voilà le hic[619].

Dans harceler et hargneux, il y a peut-être une espèce d’onomatopée. Hérisser ou hérisson ont pu s’aspirer aussi à cause du sens. D’autres aspirations s’expliquent difficilement[620].

Enfin il y a des racines qui ont pris un caractère hybride, tantôt aspirées, tantôt non.

Huit n’a même pas d’h en latin[621]. Il s’est aspiré pourtant, mais seulement en qualité de nom de nombre, comme un et onze, afin de s’isoler nettement des mots voisins, comme tous les noms de nombre: le un, le deux, le sept, le huit, le onze, le huitième, la huitaine; de même chapitre huit et livre huit, quoiqu’on dise page (h)uit; de même encore trois huit sans liaison. Toutefois huit n’est plus aspiré quand il n’est pas initial; ainsi on fait la liaison dans dix-(h)uit par s doux comme dans dix hommes et l’on prononce vingt-(h)uit comme quarant(e)-(h)uit où l’e s’élide; de même mill(e)-(h)uit cents[622].

2º L’h de héros s’est aspiré aussi par une sorte d’euphonie, et sans doute pour éviter la confusion ou plutôt le calembour que la liaison aurait faite au pluriel avec les zéros. Mais tous les autres mots de la même racine, (h)éroïque, (h)éroïsme, (h)éroïne, (h)éroïde, ont gardé l’h muet qu’ils tenaient du latin.

3º Le mot (h)uis, qui a l’h muet, comme son dérivé (h)uissier, s’aspire dans l’expression huis clos.

4º Inversement, hanse, de l’ancien haut allemand, a gardé son h aspiré, car on ne saurait dire l’(h)anse; mais on dit, avec élision ou liaison, la ligue (h)anséatique, les villes (h)anséatiques.

5º De même héraut, probablement de même origine que hanse, a gardé aussi son h aspiré; mais (h)éraldique et (h)éraldiste ont l’h muet, parce qu’ils nous sont venus par l’intermédiaire de formes latines[623].

J

Le j, qui n’est autre que i consonne, transformé en chuintante douce ou sonore, ne se trouve jamais à la fin des mots[624].

Dans le corps des mots et surtout en tête, il est toujours devant une voyelle et se prononce devant toutes comme g devant e et i[625].

Le j étranger n’est non plus que l’i consonne, mais il se prononce le plus généralement comme un yod; ainsi dans l’italien jettatura ou dans le hongrois el jen[626].

En anglais et dans quelques autres langues, il se prononce comme dj: ainsi dans banjo[627].

K

Le k n’est pas autre chose qu’un c guttural, dont le son ne change pas. Mais ce n’est pas une lettre proprement française, pas plus que latine d’ailleurs, le français ayant adopté, après le latin, c et qu pour noter le même son.

Le k intérieur ou final est toujours étranger: moka.

A la fin des mots, le k se prononce toujours, comme ailleurs: ainsi mark[628]; mais il s’ajoute presque toujours au c, au moins après une voyelle, sans d’ailleurs modifier le son; ainsi de beefsteak nous avons fait bifteck, avec addition d’un c.

On trouve exceptionnellement un k devant un e muet dans coke[629].

Les mots qui commencent par k sont d’origine étrangère ou tirés du grec, comme képi, knout ou kilogramme[630].

L

1º L’L final et les mots en il.

La lettre l est une de celles qui se prononcent en français à la fin des mots.

Les finales en -al et en -el notamment sont très nombreuses et n’offrent point d’exceptions[631].

Les finales en -eul, -ol et -oil n’en ont pas davantage[632].

Parmi les finales en -oul et -ul, il faut excepter pou(ls) et soû(l), qu’on écrit aussi saoul très mal à propos, et cu(l), avec ses composés gratte-cu(l), torche-cu(l), cu(l)-blanc, cu(l)-de-jatte, cu(l)-de-bouteille, cu(l)-de-sac, cu(l)-de-lampe, cu(l)-de-poule, etc.[633].

Les finales en -ail, -eil, -euil, et -ouil (y compris œil et les mots en -cueil et -gueil) ont un l mouillé par l’i: émail, corail, soleil, pareil, deuil, fauteuil, accueil, orgueil, fenouil, etc.[634]. Rail seul se prononce quelquefois rèl à l’anglaise[635].

Restent les finales en -il après une consonne, qui appellent quelques observations.

D’abord le pronom il. Ce mot avait amui son l depuis le XVIᵉ siècle, sauf en liaison, bien entendu. C’est un phénomène assez curieux qu’à cette époque on écrivait a-il et on prononçait ati.

Ni le XVIIᵉ siècle, ni le XVIIIᵉ n’ont rétabli cet l dans la prononciation courante, et le XVIIIᵉ siècle n’a cherché à le rétablir que dans le discours soutenu. Restaut reconnaît qu’il ne se prononce pas ailleurs. Depuis Domergue, les grammairiens veulent qu’on le prononce partout; mais dans l’usage courant et familier: où va-t-i(l), i(l) vient s’entendent presque uniquement à côté de il a. L’enseignement seul maintient cet l dans la lecture et dans le langage soigné.

Les autres mots en -il se divisaient autrefois en deux catégories: les mots à l simple et les mots à l mouillé.

I.—Les mots à l simple ont gardé leur l dans la prononciation ou l’ont repris s’ils l’avaient perdu. Ce sont: l’adjectif numéral mil; des adjectifs venus d’adjectifs latins en -ilis, puéril, viril, volatil, subtil, bissextil, vil, civil; le vieux pronom cil; des substantifs également venus du latin: fil (avec profil et morfil), sil, exil, pistil; et quelques mots étrangers, anil, toril, alguazil, avec béryl[636].

II.—Les mots à l mouillé, d’origines variées ou inconnues, se sont au contraire tous altérés. Car autrefois l’l final unique se mouillait fort bien[637]; mais cette prononciation a disparu progressivement, soit par l’affaiblissement du son mouillé, qui a amené la chute de la consonne, soit par changement de l’l mouillé en l simple[638]. Cette seconde catégorie se divise donc elle-même en deux groupes:

1º Dans la plupart des mots, on ne prononce plus l’l depuis longtemps: ce sont bari(l), charti(l), cheni(l), courbari(l), courti(l), couti(l), douzi(l) ou doisi(l), feni(l), fourni(l), fraisi(l), fusi(l), genti(l), nombri(l), outi(l), sourci(l), et plus récemment persi(l), malgré le voisinage de formes mouillées toujours usitées, comme barillet, outiller, fusiller, sourciller, etc.[639].

Genti(l), qui appartenait d’abord à la première catégorie, à l sonore (latin gentilis), est passé ensuite à la seconde, avec l mouillé, après quoi il a également amui son l[640]; toutefois, au singulier de gentilhomme, un yod est demeuré nécessairement entre l’i et l’o (gentiyom).

2º Au contraire, cil, pénil, brésil, tortil (pour tortis, sous l’influence de tortiller), ont passé au groupe des mots à l non mouillé; péril aussi, quoiqu’il y ait encore quelques exceptions; avril de même, après s’être prononcé avri au XVIIᵉ siècle, et avriy au commencement du XIXᵉ.

Il n’y a plus d’hésitation que pour quatre substantifs: babil, grésil, gril et mil (avec grémil). Non qu’on puisse y conserver le son mouillé, ou plutôt le yod, car il s’y entend de moins en moins, et ne saurait tarder à disparaître, malgré le voisinage de formes mouillées, comme babiller, grésiller, griller: la seule question est de savoir s’ils se prononceront définitivement avec ou sans l, car les deux coexistent. Il est probable que le son il l’emportera dans mil et babil, comme dans péril et avril. Mais grési(l), et surtout gri(l), sans l, paraissent avoir des chances sérieuses[641].

2º L’L intérieur.

Dans le corps des mots, l’l se prononce aujourd’hui partout, notamment dans poulpe, soulte et indult, où il a revécu, grâce à l’orthographe, après une éclipse plus ou moins longue[642]. Il faut excepter fi(l)s et au(l)x, pluriel de ail[643]. Je ne parle pas de au(l)ne, qui a cédé la place à aune, ni de fau(l)x, graphie assez ridicule pour faux, adoptée néanmoins par V. Hugo et quelques poètes, de ceux qui prétendent aussi écrire lys pour lis[644].

Dans le parler populaire ou simplement rapide, l’l intérieur tombe souvent, mais il sera bon de faire un petit effort pour le conserver. Ainsi, dans les mots en -lier, le peuple fait souvent tomber l’l, et prononce par exemple escayer, et surtout souyer, et cela depuis des siècles; de même bi-yeux et mi-yeu, pour bi-lieux et mi-lieu, un yard pour un liard. Il faut éviter avec soin cette prononciation, et ne pas confondre sou-lier avec souiller (souyé), quoique ces mots puissent parfaitement rimer ensemble[645].

Il n’en est pas tout à fait de même de que(l)qu’un, et surtout que(l)qu(e)s-uns, que(l)qu’ chose, et que(l)qu’ fois, qu’on entend le plus ordinairement dans la conversation courante, et cela depuis des siècles. Cette prononciation, parfaitement conforme au génie de la langue, qui admet mal le groupe lq, ne saurait être condamnée rigoureusement; mais ce n’est tout de même pas une raison pour la conseiller à l’exclusion de toute autre, comme le font les phonéticiens purs?

Où ira-t-on, si l’on entre dans cette voie? On dit aussi, dans la conversation, capab(le), impossib(le), discip(le), muf(le), au moins quand on parle vite, et surtout devant une consonne, nous l’avons vu à propos de l’e muet, et même quelquefois sans cela. Mais que ne dit-on pas? On dit non seulement c(el)a, qui est admis, mais c(el)ui qui et c(el)ui-ci[646]; et aussi j(e l)ui ai dit, et même j(e lu)i ai dit; et non seulement i(l) vient, ou ainsi soit-i(l), mais aussi e(lle) vient ou e(lle) n’ vient pas (voire a vient!); et aussi que(l) sale métier, et (il) y a du bon, et (il n’)y en a plus (ou pus); et non seulement s’i(l) vous plaît, mais s’i(l v)ous plaît[647], et s’(il v)ous plaît, et même s’(il) te plaît et s’(il vous) plaît. Tout cela est admissible, ou du moins tolérable, à la grande rigueur. Mais va-t-on le conseiller aussi[648]?

Assurément, si l’on disait toujours que(l)qu’ fois, il faudrait bien en passer par là, et nos phonéticiens auraient raison; mais il s’en faut bien qu’on le dise toujours, pas plus qu’on ne dit toujours çà pour cela: ces choses-là dépendent des lieux et des personnes à qui l’on parle. De telles formes sont donc simplement tolérables dans la conversation familière, mais nullement à proposer comme modèles[649].

3º L’L double après un i.

L’l double se prononce, suivant les cas, de trois manières, comme un l simple, comme deux l, et comme l’l mouillé: c’est-à-dire bien entendu le yod.

Quand l’l double est final, il se prononce simple, comme les autres consonnes, même après i: bil(l) et mandril(l), comme footbal(l) ou atol(l). C’est donc une erreur de mouiller mandril(l).

Quand l’l double n’est pas final, sa prononciation dépend d’abord de la voyelle qui précède, suivant que cette voyelle est ou n’est pas un i, car si c’est un i, l’l double est généralement mouillé.

 

L’l double est d’abord mouillé, sans exception, dans les groupes -aill-, -eill-, -euill-, -ouill-, à commencer par les finales muettes en -aille, -eille, -euille et -ouille, qui correspondent aux finales masculines en -ail, -eil, -euil, -ouil: écaille et bataille, abeille et oseille, feuille et cueille, grenouille, etc. Il en est de même dans le corps des mots, aussi bien qu’à la fin, d’autant plus que le groupe -ill- intérieur dérive presque toujours d’une finale mouillée[650].

Ainsi l’addition de l’i entre l’une des voyelles a, e, ou et l’l double supprime toute hésitation. C’est pourquoi la prononciation de nouille, autrefois écrit noule, a pu se fixer au son mouillé, tandis que semoule, longtemps mouillé, est retourné au son oule non mouillé, par réaction orthographique et faute d’i.

 

Le cas est moins simple quand le groupe -ill- n’est pas précédé d’une voyelle, car alors l’i se prononce, et la question de savoir si l’l double est mouillé reste entière.

 

I. Les finales muettes en ILLE.—Ces finales sont presque toutes mouillées, comme les finales en -aille, -eille, -euille et -ouille, étant donné que les finales non mouillées sont presque toutes en -ile avec un seul l. Pourtant il y a des exceptions, quoiqu’elles tendent progressivement à disparaître, par l’effet de l’analogie[651].

 

1º Commençons par les verbes. On peut dire que scinti(l)le non mouillé ne se défend plus guère; mais il n’y a pas si longtemps qu’il a mouillé ses l, et l’on conserve toujours à côté de lui scintil-lation, où les deux l sont distincts.

Nous assistons actuellement à la transformation de osci(l)le et vaci(l)le en osciye et vaciye, qui est bien près d’être achevée, surtout pour vaci(l)le, quoique oscil-lation et vacil-lation soient aussi à peu près intacts. On doit encore conseiller osci(l)le; on peut même conseiller vaci(l)le, mais il ne faut pas se dissimuler que ce seront bientôt des archaïsmes. Et naturellement la conjugaison entière de ces verbes se trouve altérée de la même manière par réaction analogique.

Il y a encore un autre verbe qui est déjà touché légèrement, c’est titi(l)le.

Le seul verbe qui résiste absolument, parce qu’il est d’usage très courant, et même populaire, et appris par l’oreille autant que par l’œil, c’est disti(l)le; on ne prononce même généralement qu’un l dans disti(l)ler, et, par suite, disti(l)lerie et disti(l)lation.

2º En dehors des verbes, la prononciation non mouillée n’est guère plus répandue dans les finales en -ille. Cette prononciation ne se maintient que dans trois ou quatre mots extrêmement usités, ou, au contraire, dans un certain nombre de noms plus ou moins savants.

Les mots savants sont protégés précisément par un emploi assez restreint, ou du moins peu populaire: papi(l)le, pupi(l)le, si(l)le, sci(l)le, baci(l)le, vertici(l)le, codici(l)le et myrti(l)le[652]. Les dictionnaires y ajoutent encore fibri(l)le, mais ils feront bien de se corriger sur ce point. Pupi(l)le lui-même est déjà très atteint, et myrti(l)le n’est pas assez rare pour se défendre encore bien longtemps.

Mais, d’autre part, les mots d’usage tout à fait général et très courant se conservent plus sûrement encore que les mots savants, étant appris par l’oreille et non par l’œil; seulement ici ils sont tout juste trois, à savoir: deux adjectifs, mi(l)le et tranqui(l)le[653], et un substantif, vi(l)le, avec vaudevi(l)le, dont l’étymologie est toujours contestée[654].

 

II. Le groupe ILL intérieur.—La finale en -ille étant mouillée presque partout, toutes celles qui se rattachent plus ou moins à celle-là le sont également: fusillade et outillage, sémillant ou brillanter (avec castillan et sévillan), corbillard ou babillarde, gaspiller, habillement et artillerie, billet ou fillette, torpilleur et périlleux, pavillon, etc., et tous leurs dérivés.

Ont encore l’l double mouillé quelques mots à finales plus rares: tillac, cabillaud, gentillesse, tilleul et filleul, grillot, tous les mots qui commencent par quill-, ou encore des dérivés comme billebaude, et aussi billevesée, sur qui les avis se partagent, bien à tort[655].

On peut y joindre l’l double espagnol, notamment la finale -illa; malheureusement, à côté de manzanilla, guérilla, cuadrilla ou banderillero, qu’on prononce d’ordinaire correctement, on a trouvé plus savant et plus distingué de séparer les consonnes dans chinchil-la (qui devient souvent chinchi-la) et camaril-la: c’est une grave erreur, dont on pourrait bien aussi se corriger, puisque l’espagnol est toujours là[656].

On remarquera que la finale -ier, qu’on trouve dans un assez grand nombre de mots à la suite de l’l double mouillé, ne change plus rien à la prononciation, qui est la même que si la finale était -er, de même qu’après gn: ainsi quincaillier, écaillière, vanillier, mancenillier, cornouillier, à côté de oreiller, et poulailler, qui avaient aussi un i, et l’ont perdu, tandis que les autres gardaient le leur. Au contraire, les finales verbales -ions et -iez ajoutent un yod aux ll mouillés, sans quoi il pourrait y avoir confusion de temps: nous travaillions se prononce donc nous travay-yons, à côté du présent trava-yons[657].

D’autre part, on a pu voir qu’il n’y avait point de finales mouillées après la voyelle u. Mais en -uille, cas particulier de -ille, nous connaissons déjà aiguille. On retrouve le même groupe ui suivi de l’l double mouillé dans cuiller, et il est surprenant que l’i ne se soit pas détaché de l’u dans ce mot[658].

Au contraire, c’est u qui se change en ui, très malencontreusement, et depuis bien longtemps, dans ju-illet, où l’i ne devrait servir qu’à mouiller les ll, comme dans les finales en -euille et -ouille. Ce qui le prouve bien, c’est que beaucoup de personnes prononcent encore juliet, qui est le faux mouillage: ce sont les mêmes qui prononcent alieurs. Mais la vraie prononciation est ju-yet[659].

 

En somme, le groupe -ill- est mouillé à peu près partout à l’intérieur des mots; les exceptions sont les suivantes:

1º Les dérivés de vi(l)le, tranqui(l)le et mi(l)le, à savoir: vi(l)lage, vi(l)lette, avec vil-la et vil-légiature, où sonnent deux l, comme dans les mots latins; tranqui(l)lité, tranqui(l)liser, tranqui(l)lement; mi(l)lier, mi(l)liard, mi(l)lième, mi(l)lion, et aussi, par analogie, bi(l)lion, tri(l)lion, etc., avec mil-lénaire, mil-lésime, mil-limètre, etc., où sonnent aussi deux l[660].

2º D’autre part, deux l sonnent aussi, par conséquent sans mouillure, dans pénicil-lé, verticil-lé, sigil-lé, et les mots en -illation et -illaire: scintil-lation, capil-laire (et capil-larité), ancil-laire, etc.; dans pusil-lanime, dans achil-lée et achil-léide[661].

3º De plus, en tête des mots, le préfixe il- reste distinct devant un l: il-luminé, il-légitime, etc.; tout au plus peut-on réduire les deux l à un, si l’on veut, dans illustration, mais, en tout cas, on ne mouille jamais.

4º On ne prononce qu’un l simple dans li(l)liputien, qui a peu de chances de se mouiller, et dans vi(l)lanelle, qui est évidemment protégé par l’analogie de vi(l)le et vi(l)lage[662].

4º L’L double ailleurs qu’après un i.

Après une voyelle autre que i, l’l double fait comme les autres consonnes, et se prononce comme un seul ou comme deux, suivant que le mot est plus ou moins usité. C’est le principe général, déjà vu ailleurs. Mais ici, la prononciation double l’emporte de beaucoup, et de nos jours plus qu’autrefois, soit que les mots soient plus savants, soit que l’habitude plus répandue du latin fasse conserver les ll, comme nous les conservons en latin[663]. Il n’y a rien d’ailleurs d’absolu, nous l’avons dit, et l’on prononce un l ou deux dans beaucoup de mots, suivant qu’on parle plus ou moins vite.

C’est après un a que l’l double se réduit encore le plus souvent à un. Cela est indispensable dans a(l)ler, a(l)leu, a(l)liance, a(l)lo, a(l)longer, a(l)lotir, a(l)lumer, ba(l)let, ba(l)lot, ba(l)lant, ba(l)lon, ca(l)leux (à côté de cal-losité); da(l)ler, fa(l)loir, ga(l)lon, ha(l)lali, insta(l)ler, va(l)lée, va(l)lon, et leurs familles. Il n’y a aucun inconvénient à en faire autant dans des mots aussi usités que a(l)laiter, a(l)lécher, a(l)louer, et même a(l)legro ou a(l)legretto, voire a(l)légresse, a(l)léguer, a(l)léger, ha(l)lucination, et quelques autres, encore que les deux l s’y prononcent le plus souvent[664].

Après e, o, u, y, les deux l se maintiennent mieux qu’après a.

Après e, ils ne se réduisent guère que dans ce(l)lier, ce(l)lule, exce(l)lent, et, si l’on veut, dans pe(l)licule, rebe(l)lion et libe(l)lé[665].

Dans les mots commençant par col-, les deux l ne se réduisent régulièrement que dans co(l)ler, co(l)lège, co(l)let, co(l)lier, co(l)line, co(l)lation, et leurs parents, mais non pas dans les expressions savantes col-lation des grades ou col-lationner des registres. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à y joindre co(l)lègue, co(l)lodion ou co(l)lyre, et quelques autres. On prononce aussi uniquement do(l)lar, fo(l)let, mo(l)let, mo(l)lir et mo(l)lusque, et même, si l’on veut, so(l)licitude[666].

Après u, ils ne se réduisent pas, sauf tout au plus dans pu(l)luler, si l’on veut, ou ébu(l)lition[667].

Après y, notamment, pour le préfixe syl-, la réduction est aussi rare que pour le préfixe il-.

*
* *

Si la tendance populaire, fort naturelle, était ici de réduire les deux l à un seul, en revanche, il y a une autre tendance, également populaire, mais très fâcheuse, qui consiste au contraire à doubler l’l après un pronom: je ll’ai vu, tu ll’as dit, j’ te ll’ai dit. C’est sans doute par analogie avec il l’a vu, il l’a dit[668]. C’est un des plus anciens et des plus graves défauts de la prononciation parisienne, d’autant plus grave qu’il est extrêmement difficile à corriger.

En tête des mots, on trouve aussi l’l double dans certaines langues, et c’est l’l mouillé; mais lloyd se francise avec l simple, non mouillé[669].

*
* *

On a vu, plus haut, que lh représentait dans le Midi l’l mouillé. Ce groupe n’est pas passé dans le français; c’est donc le hasard seul qui a rapproché ces deux lettres dans phil-(h)ellène ou phil-(h)armonique, où ils appartiennent à des éléments différents et ne sauraient se mouiller. On ne mouille pas non plus sil(h)ouette, qui vient d’un nom propre[670].

Note complémentaire.—On a vu que il se prononçait partout i autrefois, sauf devant une voyelle. C’est ce qui explique une faute d’orthographe qui était très fréquente alors (on la trouve dans Bossuet), et qui consistait à écrire qui pour qu’il. On ne répétera jamais assez que c’est précisément à cette faute qu’est due la fortune d’une phrase fameuse de La Bruyère, qui nous paraît toujours surprenante et qu’on imite perpétuellement: depuis plus de six mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. La Bruyère voulait dire et qu’ils pensent, pas autre chose: sa syntaxe, comme celle de tous ses contemporains, démontre sans contradiction possible que, pour justifier et qui, il eût fallu au moins une épithète à hommes.

M

1º L’M simple.

On a vu, au chapitre des nasales, qu’à la fin des mots l’m ne faisait jadis que nasaliser la voyelle précédente. Cette prononciation, purement française, a disparu progressivement. A part un petit nombre de mots[671], la prononciation étrangère ou latine a prévalu, les mots terminés en m étant en effet presque tous étrangers ou latins: l’m final y est donc séparé de la voyelle, et, par suite, s’y prononce: madapolam, harem, intérim, album[672].

 

Dans le corps des mots, l’m ne nasalise la voyelle qui précède que quand il est suivi lui-même d’une labiale b ou p, ou dans le préfixe em- (pour en-), suivi d’un m: ambition, em-mener, simple, nymphe, compte, etc., et aussi comte et ses dérivés[673].

Devant toute autre consonne, l’m se prononce à part: hamster, décemvir, triumvirat[674].

D’autre part, dans le groupe mn intérieur, l’m avait cessé autrefois de se faire sentir, par assimilation de l’m avec l’n[675]. Cette prononciation, qui a disparu dans la plupart des cas, s’est maintenue dans da(m)ner et ses dérivés, ainsi que dans auto(m)ne, parce que le groupe am ou om s’est d’abord nasalisé: on entend parfois encore dan-ner. Mais on prononce aujourd’hui l’m et l’n dans indem-ne, indem-niser ou indem-nité[676], ainsi que dans autom-nal, mot savant, aussi bien que dans calom-nie, am-nistie, om-nibus et tous les mots récents[677].

Le peuple laisse volontiers tomber l’m dans les mots en -asme et -isme: cataplasme, catéchisme, rhumatisme; c’est une paresse dont il faut se garder avec soin[678].

2º L’M double.

L’m double, entre voyelles non caduques, subit toujours la distinction des mots très usités et des mots plus ou moins savants. Mais ici, plus qu’ailleurs, il y a lieu de faire attention à la voyelle qui précède.

On sait déjà qu’après e initial (même devant un e muet), le premier m ne fait que nasaliser la voyelle: c’est le préfixe en qui se maintient en assimilant son n à l’m qui suit: em-mancher, em-ménager, emmener, etc., et par suite rem-mener, etc.[679]. Mais on prononce deux m dans em-ménagogue, mot savant et récent. On n’en prononce qu’un dans les adverbes en -emment (aman), mais deux dans gem-mation et pem-mican[680].

Après a, i et u, à part les adverbes en -amment, il est très rare qu’on ne prononce pas les deux m, sans doute parce que la plupart des mots sont des mots savants. Épigra(m)me même n’empêche pas épigram-matique. Ga(m)ma est devenu gam-ma. Il n’y a plus guère que enfla(m)mer, qui résiste absolument, et gra(m)maire, qui résiste encore à moitié, mais on dit plutôt gram-mairien, et à fortiori gram-matical, sans parler d’inflam-mation. C’est à peine si on réduit encore parfois, quand on parle vite, les deux m d’im-mense, im-mobile, im-moler, im-mortel; mais pour tous les autres mots en im-, à peu près jamais[681].

 

Cas particulier: beaucoup de personnes nasalisent le préfixe im- dans im-mangeable et im-manquable. Assurément cela est soutenable, mais je ne crois pas que cette prononciation puisse prévaloir, par la raison qu’on ne nasalise pas le préfixe im- dans im-mobile ou im-modéré, ni aucun autre de même formation. Sans doute il y a une différence, en ce que les autres mots sont tirés la plupart de formes latines et gardent la prononciation latine, tandis que ces deux-là sont formés directement sur des mots français, devant lesquels on met le préfixe. Mais inébranlable, ineffaçable, et beaucoup d’autres, sont dans le même cas, sans qu’on ait jamais songé à maintenir la nasale, comme on la maintient par exemple avec liaison dans enorgueillir. Il n’y a pas plus de raison pour prononcer in-mangeable que pour prononcer in-neffaçable, et il est très naturel que ces deux mots suivent l’analogie, comme tous les autres[682].

Reste la voyelle o, dont le cas est tout différent. Il y a en effet un certain nombre de mots en -omme très usités, dont les dérivés et composés, très usités aussi, ont dû conserver le son de l’m unique: co(m)ment, ho(m)mage, po(m)mier, po(m)made, so(m)met, so(m)mier, so(m)mmeil, etc., et les verbes no(m)mer, so(m)mer, asso(m)mer, conso(m)mer, avec asso(m)moir. Mais déjà som-mité ne se réduit plus guère; on dit souvent aussi som-maire et plus encore som-mation[683].

Il reste encore, outre do(m)mage, les mots composés avec com-. Ici, il y a un peu plus de mots d’usage général que de mots plus ou moins savants: on prononce un m dans co(m)mander, co(m)mencer, co(m)mère, co(m)merce, co(m)mettre, co(m)mis, co(m)mode, co(m)mun et même co(m)mende et tous leurs dérivés[684]; on en prononce deux dans com-mémorer et ses dérivés, incom-mensurable, com-minatoire, com-modat, com-modore, com-motion, com-mittimus, com-muer, com-mutateur; de plus en plus aussi, malgré l’usage antérieur, dans com-mensal, com-menter, com-mentaire, com-misération, souvent même dans com-mandite, malgré co(m)mander.

Toutefois les musiciens prononcent co(m)ma et non com-ma. Pour commissure et commissoire, comme on ne peut pas doubler à la fois l’m et l’s, il y a hésitation, mais on double plutôt l’s: co(m)mis-sure.

N

1º L’N simple.

L’n est la consonne nasale par excellence.

 

A la fin des mots, elle continue à n’être en français que le signe orthographique de la voyelle nasale: -an, -en, -in (-ain, -ein-, -oin) -on, -un.

Il n’y a d’exceptions à peu près françaises que les finales en -en après consonne, finales autrefois nasales comme les autres, et même en an, puis en in, mais où l’n s’est séparé de la voyelle sous l’influence de l’enseignement du latin, ces mots ayant un aspect latin: lichen, éden, pollen, cyclamen, hymen (sauf parfois à la rime), spécimen, abdomen, dolmen, etc. De tous les mots de cette finale, français ou étrangers, examen est le seul qui ait conservé ou plutôt repris chez nous uniquement le son nasal[685].

En dehors des mots français en -en après consonne, l’n final précédé d’une voyelle ne se prononce que dans des mots et dans des noms propres étrangers: en -en aussi d’abord[686]; puis en -man[687]; en -in, avec des noms allemands en -ain et -ein[688]; enfin quelques mots savants et beaucoup de noms étrangers en -on[689]. La finale -oun ne peut pas être nasale[690].

Les finales en n suivi de c ou g, de t ou d ou d’s, prononcés ou non, sont également nasales, sauf les troisièmes personnes du pluriel, dont la finale est muette, sauf aussi la plupart des mots anglais en -ing et quelques noms étrangers en -ens ou -ent[691].

 

Dans le corps des mots, l’n n’est distinct en français que devant une voyelle[692].

Dans doña, señor, señora, malagueña, même sans le tilde qui le surmonte, il faut mouiller l’n: dogna, segnor. De même dans cañon[693].

2º L’N double.

On a vu que l’n double conserve le son nasal suivi d’n simple dans les composés du préfixe en-, comme en-noblir, et dans les mots de la famille d’en-nui. Ailleurs, entre voyelles non caduques, l’n double a le son de l’n simple sans nasale, notamment après o dans les finales en -onner[694] ou -onnaire, et toutes celles qui se rattachent aux mots en -on et -onne, aussi bien que celles qui se rattachent aux mots en -en, comme doye(n), moye(n)nant, chie(n)ner.

 

L’n double ne se prononce double que dans des mots plus ou moins savants, à savoir:

1º Dans les mots commençant par ann-, sauf a(n)neau, a(n)née, a(n)niversaire, a(n)noncer et ses dérivés, et, si l’on veut, a(n)nuel, a(n)nuaire, a(n)noter et a(n)nuler; dans can-nibale, tyran-nique et tyran-niser, hosan-na, tan-nique et britan-nique;

2º Dans en-néagone, bien-nal, décen-nal ou septen-nat et autres de même famille; dans pen-non, pen-nage et empen-né, fescen-nin ou anten-nule, mais non dans he(n) ni dans te(n)nis;

3º Dans les mots commençant par inn-, sauf i(n)nocent et sa famille, et, si l’on veut, i(n)nombrable; dans cin-name et cin-namome, min-nesænger et pin-nule;

4º Dans con-nexe et ses dérivés, con-nivence et prima don-na; dans sun-nite[695].

L’N mouillé.

On sait que l’n mouillé est représenté en français par gn (ny à peu de chose près). On a vu au chapitre du G dans quels cas le g faisait une consonne distincte[696]. On a vu aussi aux chapitres de OI et AI comment l’i s’était détaché du groupe ign, signe primitif de l’n mouillé, pour se joindre à l’a ou à l’o qui précédait, remplaçant Monta-ign-e par Montai-gn-e et po-ign-ard par poi-gn-ard[697].

La prononciation de gni mouillé est assez difficile, étant à peu près nyi: il faut éviter cependant de faire entendre compa(g)nie[698], si(g)nifier, et surtout ma(g)nifique.

Les livres maintiennent encore si(g)net non mouillé; mais ce résidu d’une prononciation désuète ne peut manquer de disparaître par l’effet de l’analogie, le mot étant de ceux qu’on apprend plutôt par l’œil[699].

Si le groupe gn est suivi du suffixe ier, le son est le même que si le suffixe était seulement er: guign-ier, gn-ier.

Nous ajouterons que gn mouillé n’est jamais initial en français, sauf dans quelques mots de la langue populaire: gnaf (que quelques-uns écrivent gniaf), gnon ou gniole, gnangnan, gnognote et gnouf.

P

A la fin des mots, dans les mots français ou entièrement francisés, le p, qui d’ailleurs y est assez rare, est ordinairement muet: dra(p), et aussi sparadra(p)[700], cam(p) et cham(p), galo(p), siro(p) et tro(p), cou(p) et beaucou(p), lou(p) et cantalou(p)[701].

Il n’y a d’exceptions que dans cap et cep[702]; naturellement aussi les interjections hop, hip, houp.

Le p se prononce naturellement dans les mots d’origine étrangère, handicap, jalap, hanap, salep, julep, midship, bishop, stop, croup et group[703].

Le p est encore muet dans tem(ps) et printem(ps), dans exem(pt), dans rom(ps) ou rom(pt) et leurs composés, dans prom(pt) et dans cor(ps).

 

Dans le corps des mots, devant une consonne, le p se prononce aujourd’hui. Il était muet autrefois dans les mots les plus usités, surtout devant un t[704]. Il est encore muet devant t dans un grand nombre de mots:

Ba(p)tême et tous les mots de la famille[705]. Peut-être dit-on quelquefois baptismal, non sans une nuance de pédantisme, mais on dit toujours les fonts ba(p)tismaux;

Se(p)t, se(p)tième et se(p)tièmement, mais non les autres dérivés, qui sont tirés directement du latin, et gardent le p comme en latin, y compris septembre, septante et septentrion, par réaction étymologique[706];

Exem(p)ter, mais non exemption;

Com(p)te et tous ses dérivés, avec ceux de prom(pt), y compris com(p)tabilité et prom(p)titude;

Scul(p)ter et sa famille, malgré Domergue;

Dans che(p)tel (che et non ché), on commence à prononcer le p même dans les facultés de droit, et cela fait ché et non plus che.

Pour dompter et indomptable, la pratique et les opinions sont fort partagées. Depuis longtemps la tradition est pour imdom(p)table et surtout dom(p)ter, mais je crains fort que le p, admis mal à propos par l’Académie, ne finisse par prévaloir.

On ne supprime plus le p dans présomption, présomptif, présomptueux, consomption, symptôme, ni devant aucun autre t.

 

C’est le p qui conserve le mieux, quand il est double, la prononciation de la consonne simple. Il fut un temps où il n’y avait pas d’exceptions, mais nous n’en sommes plus là[707].

Il y a d’abord ap-pendice et ap-pendicite, ap-pétence et ap-pétition, ap-pogiature et lip-pitude, et les composés commençant par hipp-[708].

De plus, les mots très nombreux qui commencent par ap-, op- et sup-, si peu savants qu’ils soient, sont déjà très touchés. Des mots comme a(p)pliqué ou a(p)porter sont actuellement intangibles; mais on double fréquemment le p dans ap-pâter, sinon dans a(p)pât, dans ap-préhender, dans ap-préciable et ap-proprier (moins dans a(p)proprié), et surtout dans op-probre, par emphase, et dans sup-puter, qui a l’air savant. On le double parfois même, et ceci est plutôt à éviter, dans ap-parier, ap-pauvrir, ap-pointer, ap-pontement, ap-préhension, op-portunité, voire, par emphase toujours, dans op-primer ou op-presser, parfois même dans sup-planter, sup-pléer ou sup-plique[709].

 

On sait que ph a partout le son de l’f: ce n’est qu’une graphie prétentieuse, à laquelle d’autres langues ont renoncé fort judicieusement[710].

Q

1º Le Q final.

Le q n’est final que dans coq et cinq.

Dans coq, il ne s’est pas toujours prononcé[711]; il n’y a plus d’exceptions aujourd’hui.

Dans cinq, au contraire, on l’a toujours prononcé (c’est la règle générale des noms de nombre), sauf, bien entendu, devant un pluriel commençant par une consonne: j’en ai cinq, le cinq mai, page cinq, cinq pour cent, cinq sur cinq, et aussi, par liaison, cinq amis, mais cin(q) francs, cin(q) cents, cin(q) mille, les cin(q) derniers[712].

2º Le groupe QU.

Dans le corps des mots, le q est toujours séparé de la voyelle qui sonne par un u, qui, en principe, ne s’entend pas[713]. Devant e et i, notamment, le c étant devenu sifflant devant ces voyelles, le rôle de la gutturale est régulièrement dévolu au groupe qu, la lettre k étant peu française: éq(u)erre, q(u)estion, q(u)itter, et toutes les finales en -que.

Autrefois on adoucissait cette gutturale, comme le g, devant e et i, au point qu’on arrivait à le mouiller, et Domergue distingue nettement entre qu’il et tranquille. Cet usage n’est plus apprécié aujourd’hui, et on fera bien de l’éviter, comme pour le g[714].

De toute façon, l’u qui suit le q ne se prononce pas plus en français devant e et i que devant a et o. Toutefois, il y a encore un certain nombre de mots plus ou moins savants tirés du latin, et le plus souvent d’origine récente, où il se prononce (jamais pourtant devant un e muet); il fait alors fonction de semi-voyelle.

 

I. Devant E.—L’u se conserve devant e dans déliquescence, liquéfier et liquéfaction—à côté de liq(u)ide et liq(u)eur—, questeur et questure, et équestre[715].

Mais ce dernier mot est bien près de passer à ékestre, comme ont fait avant lui éq(u)erre et q(u)estre, et tant d’autres, y compris q(u)érimonie et q(u)ercitron. D’autre part, likéfier est employé plus ou moins depuis deux siècles, et même, à l’origine, l’Académie ne connaissait pas d’autre prononciation. Enfin kesteur est loin d’être rare.

Opposons-nous à ces prononciations fautives, mais soyons bien convaincus que qué est destiné à devenir partout, un jour ou l’autre[716].

 

II. Devant I.—L’u se conserve mieux dans -qui- et -quin- que dans -que-, sans doute parce que les exemples en sont restés plus nombreux.

Il est vrai qu’il ne se prononce pas non plus dans quelques mots plus ou moins savants, comme q(u)iproquo, jusq(u)iame ou aq(u)ilon, ni même dans aq(u)ilin ou sq(u)irre, ni dans une partie des mots commençant par équi-, ni dans les finales -quin et -quine, qui sont francisées jusque dans basq(u)ine ou race éq(u)ine.

En revanche, on prononce l’u:

1º Dans le latin quid, a quia, requiem, etc., avec quibus, quitus et même quidam (autrefois kidan);

2º Dans équiangle, équidistant, équimultiple, mots savants, et même équilatéral, à côté d’éq(u)ilibre, éq(u)inoxe, éq(u)ité, éq(u)ivaloir, éq(u)ivalent—autrefois éq(u)ipollent—et éq(u)ivoque;

3º Dans équisétique et équitant: quant à équitation, ce mot est dans le même cas qu’équestre, étant déjà à peu près passé à éq(u)itation;

4º Dans quiet, quiescent, quiétisme et quelquefois encore quiétude, à côté de inq(u)iétude; mais il est difficile que inkiétude n’entraîne pas définitivement kiétude;

5º Dans une partie des dérivés du latin quinque, car ne prononce pas l’u dans q(u)ine, q(u)inaire et q(u)inola, dans q(u)inconce et q(u)inquenove, dans q(u)int, q(u)inte et q(u)inze et leurs dérivés naturels, y compris q(u)intessence—et autrefois le populaire henriq(u)inq(u)iste—; mais on le prononce dans quinquagénaire et tous les mots commençant par quinque—sauf q(u)inq(u)enove—, dans quintette, quintidi, quintil, quinto et même quintuple, qui est souvent écorché;

6º Dans obséquiosité et obséquieux[717]; dans obliquité et ubiquité; dans sesquialtère et quiddité;

7º Dans l’espagnol conquistador, qui a gardé l’u, à côté de q(u)ipos, liq(u)idambar et basq(u)ine, qui l’ont perdu, sans compter q(u)ina, q(u)inine ou q(u)inquina[718]. Ajoutons esquire, quand on le prononce à l’anglaise (eskouay’r).

 

III. Devant O et A.—Quoique le groupe qu ne soit proprement utile dans les mots français que devant e et i, on le trouve aussi devant o et a, où il s’est conservé du latin, dans des mots plus ou moins savants, comme q(u)alité, q(u)otient, à côté de carré, casser, carême, qui sont d’origine populaire. Mais du moins -quo- se prononce toujours co[719]. Au contraire, -qua- se prononce coua (kwa) dans un certain nombre de ces mots, incomplètement francisés:

1º Dans le latin quater ou quatuor, sine qua non, exequatur, à côté de q(u)asi, q(u)asiment, q(u)asimodo, francisés depuis le moyen âge le plus reculé; à côté de partie aliq(u)ante, francisé lui-même aussi comme q(u)ant et ses dérivés;

2º Dans aquafortiste (et aqua-tinte, de l’italien), aquarelle, aquarium et aquatile, qui ont réagi sur aquatique, francisé autrefois;

3º Dans adéquat, équateur, équation, équatorial, mais non dans reliq(u)at;

4º Dans une partie des dérivés du latin quatuor, car nous ne prononçons pas l’u dans des mots aussi complètement francisés que q(u)adrille, q(u)art, q(u)artaut, q(u)atre, q(u)atorze, q(u)arante, et leurs dérivés naturels, y compris éq(u)arrir; mais nous le prononçons ou dans quadragénaire, et tous les mots commençant par quadr-[720], y compris quadrige, mais non q(u)adrille, dans quartette (de l’italien), quartidi, quartil et in-quarto, dans quaterne et quaternaire[721];

5º Dans loquace et loquacité, qu’on écorche parfois; dans quassier et quassia amara, colliquatif et colliquation; dans squameux et desquamation;

6º Enfin, dans quelques mots étrangers, squale, square, quaker et quakeresse, quartz et quartzeux, quattrocento, quattrocentiste et tutti quanti[722].

R

1º L’R simple.

L’r, comme l’l, se prononce aujourd’hui régulièrement à la fin des mots. On l’articule partout, sauf dans monsieu(r) et messieu(rs), et dans la plupart des mots en -er. Ainsi char, cauchemar, boudoir, asseoir, clair, offrir, désir, zéphir, chaleur, amour, trésor, obscur, etc.[723].

Pour les mots en -er, il faut distinguer les cas avec précision.

L’r final est muet:

1º Dans les innombrables infinitifs en -er[724];

2º Dans les innombrables substantifs et adjectifs terminés par le suffixe -ier: premie(r), menuisie(r), régulie(r), foye(r), etc., etc., et l’adverbe volontie(rs)[725];

3º Dans les substantifs et adjectifs en -cher et -ger, parce qu’en réalité ils appartiennent à la même catégorie que les précédents, ayant été autrefois en -chier et -gier: ils sont une trentaine environ, comme arche(r), dange(r), lége(r)[726].

L’r final est au contraire sonore en principe dans les mots en -er (infinitifs à part) qui n’ont pas le suffixe -ier, et ne l’ont jamais eu, ce qui veut dire qu’ils ne sont non plus ni en -cher ni en -ger. Mais ici, les mots proprement français sont en petit nombre. Ce sont des mots où -er appartient au radical même du mot:

1º L’adverbe hier, et les adjectifs fier, tiers et cher, malgré l’i et le ch[727];

Fer et enfer, mer et amer, ver et hiver;

3º Les formes de quérir et de ses composés: j’acquiers, tu acquiers, requiers, conquiers, etc.[728];

4º Le mot cuiller, autrefois cuillie(r), qui s’est joint à ce groupe après beaucoup d’hésitation;

5º Les mots qui sont proprement latins, quoique francisés: liber, cancer, pater, éther, magister, auster, etc., et tous les mots étrangers, francisés ou non: bitter, chester, eider, kreutzer, messer, placer, etc.[729].

*
* *

Quand le groupe er est suivi d’une consonne, même muette, et notamment d’un t, l’r n’est plus final, mais intérieur, et s’y prononce comme partout: dans haubert, offert, clerc, nerf, perd ou perds, comme dans bavard, part, je pars, corps, bourg, etc. Il n’y a d’exception que pour ga(rs)[730].

*
* *

On a vu au chapitre de l’e muet, que l’r final suivi d’un e muet tombe facilement avec l’e devant une consonne dans la prononciation rapide, quand il est précédé d’une muette ou d’une des spirantes f et v: maît(re) d’hôtel. C’est une prononciation dont il ne faut pas abuser. Elle est certainement admissible dans la conversation familière, entre deux mots comme ceux-là; elle est surtout fréquente avec notre, votre et quatre: vot(re) cheval, quat(re) sous; encore faut-il excepter, comme on l’a vu, Notre-Dame, le Notre Père, où le respect a maintenu l’r, et quatre-vingts, où le besoin de clarté a joué le même rôle. Mais, dans la lecture, il vaut mieux conserver l’r partout.

La chute de l’r est particulièrement incorrecte quand la finale muette n’est pas suivie d’une consonne: du suc(re), du vinaig(re), encore qu’ils datent de fort loin, sont certainement à éviter[731].

Me(r)credi a été autrefois très correct, et Vaugelas l’approuvait[732]. Les grammairiens se sont longtemps battus là-dessus, mais la diffusion de l’instruction primaire a rétabli définitivement l’r, sans pourtant faire disparaître entièrement me(r)credi. Je ne saurais trop vivement déconseiller aujourd’hui cette prononciation, car on a une tendance à la tourner en ridicule, ainsi que celle qui double l’r dans mairerie, pour mairie[733].

2º L’R double.

Les deux r se prononcent toujours dans les futurs et conditionnels de trois verbes en -rir: quérir, courir et mourir, et leurs composés[734]. Ce qui a dû contribuer tout au moins à les maintenir, c’est qu’ils empêchent la confusion du futur avec l’imparfait: je cou-rais, je cour-rai. En revanche, c’est une faute très grave que de ne pas laisser l’r simple dans les futurs ve(r)rai, enve(r)rai, pou(r)rai, et leurs conditionnels, et aussi, la bobinette che(r)ra, toutes formes pour lesquelles il n’y a pas de confusion possible: on se contente d’allonger la voyelle qui précède.

 

Ce cas spécial étant mis à part, l’r double se prononce assez généralement comme un seul, beaucoup mieux que ne font l ou m.

1º Cela est particulièrement sensible après un a. Les composés qui commencent par ar-, notamment, ne font entendre qu’un r, sauf quelquefois, par exemple, dans ar-racher, ar-rogance, ou ar-roger[735]. On n’y peut guère ajouter que des mots comme far-rago ou mar-rube, qui sont à peine français, et, trop souvent, nar-ration, nar-rateur, inénar-rable, et même nar-rer, qui auraient pu être respectés.

2º Après e, l’r double est un peu plus atteint qu’après a. Ainsi, quoique fe(r)rer, fe(r)raille et tous les autres ne laissent entendre qu’un r, on en prononce quelquefois deux dans fer-rugineux, qui a un air plus savant. Dans tous les dérivés de terre, et ils sont nombreux, on n’entend qu’un r, et pourtant on en prononce parfois deux dans ter-restre, et même dans le vieux mot ter-raqué. Malgré ve(r)rue, ve(r)ruqueux reste douteux. Inte(r)roger et inte(r)rompre sont à peu près intacts; mais on entend souvent inter-rogation, inter-ruption, inter-rupteur, à côté d’inter-règne. Des mots d’usage très courant, et qui n’ont aucune apparence savante, sont parfois atteints. Ainsi les deux r d’aber-ration, er-rata ou er-ratique, ont réagi sur er-roné, er-rer et même er-reur[736]. De même ter-roriser, ter-roriste, ter-rifier, ont réagi sur ter-rible et même ter-reur, où l’emphase d’ailleurs explique ou excuse le double r[737].

3º Nous savons que les mots commençant par ir- font entendre les deux r, même ir-riguer et ir-riter, qui n’ont pas le sens privatif. Toutefois, i(r)riter ou i(r)ritation sont encore parfaitement corrects. On dit naturellement cir-rus, cir-ripède et pyr-rhique.

4º Parmi les mots commençant par cor-, on ne prononce qu’un r dans co(r)ridor, co(r)riger ou inco(r)rigible, co(r)royer et co(r)roi, ordinairement aussi dans co(r)respondre et ses dérivés et dans co(r)rompre. Mais ces derniers mots sont déjà atteints depuis longtemps, surtout dans le participe cor-rompu, et l’on entend généralement deux r dans tous les mots où figure le radical corrupt-; de même dans ceux où figure le radical correct- (avec cor-régidor), en outre dans cor-rélatif, cor-roborer, cor-roder ou cor-rosif. D’autre part, on dit fréquemment hor-reur, hor-rible et abhor-rer, par emphase, comme ter-reur et ter-rible, et toujours hor-ripiler. On dit aussi tor-réfier et tor-ride; et tor-rentiel réagit parfois même sur tor-rent. Je ne parle pas de mots tels que bor-raginées ou por-rection. On notera que l’r reste pourtant simple, même dans des mots savants comme hémo(r)ragie ou hémo(r)roïdes.

5º Après ou, l’r simple se maintient: cou(r)roie, cou(r)rier, cou(r)roux, pou(r)rir. Encore cou(r)roucé n’est-il pas intact[738].

6º L’r simple se maintient aussi tant bien que mal, plus mal que bien, dans résu(r)rection; plus mal encore dans insu(r)rection, presque plus dans concur-rent et ses dérivés. On dit naturellement scur-rile, sur-rénal et vase mur-rhin[739].

S

1º L’S final.

A la fin des mots, en principe, l’s ne se prononce plus en français depuis fort longtemps. Pour l’s du pluriel, notamment, il n’y a pas d’exceptions[740].

Les exceptions sont, au contraire, assez nombreuses pour l’s qui n’est pas la marque du pluriel, et alors il a toujours le son dur ou sourd.

 

1º Après un a, il y a très peu d’exceptions dans les mots proprement français. Je n’en vois même que deux: l’une pour le monosyllabe as, terme de jeu, et par suite ambesas: la prononciation a(s) est purement dialectale; l’autre pour les interjections las, hélas, qui n’en font qu’une. Quant à atlas, stras, hypocras, ce sont en réalité des noms propres.

Les autres exceptions sont des mots grecs, latins ou étrangers: Deo gratias, per fas et nefas, habeas corpus, pancréas, lias et trias, flint glas, christmas, papas, lépas, upas, lampas (s’humecter le), madras, abraxas, alcarazas, vasistas, ou le provençal mas[741].

On hésite aujourd’hui pour vindas, autrefois guindas, d’ailleurs peu usité; mais on ne prononce plus l’s, ni dans les noms d’étoffes, jacona(s), lampa(s), ginga(s) ou dama(s), celui-ci malgré l’étymologie; ni dans balandra(s), sassafra(s), matra(s) ou tétra(s), ni enfin dans pampa(s), où l’s n’est que la marque du pluriel, dans un mot d’ailleurs francisé[742].

 

Après oi, l’s ne se prononce jamais: boi(s), parfoi(s), courtoi(s), etc. L’s même de troi(s), longtemps sonore, comme la consonne finale de tous les noms de nombre, a fini par s’amuir.

2º Après un e, l’s ne se prononce que dans pataquès, altération de pat-à-qu’est-ce[743]; dans des mots latins ou grecs: facies, aspergès, hermès, palmarès, herpès, faire florès, népenthès; dans les mots étrangers: aloès et cacatoès[744], kermès, xérès, londrès, cortès[745].

On ne doit donc pas plus prononcer l’s dans profè(s) que dans progrè(s), succè(s) ou prè(s). Il se prononce aujourd’hui, à grand tort d’ailleurs, dans ès lettres, ès sciences et autres expressions analogues, où figure un pluriel[746].

Après ai, comme après oi, l’s ne se prononce jamais: jamai(s), j’aimai(s), etc.[747].

 

3º Après un i, les exceptions sont plus nombreuses qu’après a ou e.

L’s s’est maintenu ou définitivement rétabli depuis plus ou moins longtemps dans maïs, jadis, fi(l)s et lis (y compris fleur de lis le plus souvent, malgré l’Académie); dans métis, cassis, vis (substantif) et tournevis[748]. La prononciation de ces mots sans s est tout à fait surannée; on ne peut plus la conserver que pour les nécessités de la rime, et encore![749].

Les autres mots où l’s se prononce sont des mots grecs ou latins: bis (ne pas confondre avec l’adjectif), ibis, de profundis, volubilis, in extremis, tamaris, iris, ex libris, corylopsis, oasis, mitis, gratis, myosotis; ou des mots étrangers: maravédis (et encore pas toujours), tennis, et les vieux jurons gascons cadédis ou sandis[750].

On peut y joindre spahis. Les dictionnaires ont conservé spahi, qui est assurément plus correct, étant un doublet de cipaye, et Loti s’en est contenté; mais l’armée d’Afrique a souvent dit spahis; c’est un fait, et comme il convient d’appeler les gens comme ils s’appellent eux-mêmes, je crois qu’on peut dire spahis plutôt que spahi, malgré l’autorité de Pierre Loti[751].

 

4º Après eu, l’s final ne se rencontre que dans des mots grecs et il s’y prononce; mais il n’y a de nom commun employé parfois que basileus[752].

 

5º Après o, le seul mot de la langue vulgaire où l’s se prononce est os; encore n’est-ce tout à fait correct qu’au singulier[753].

Les autres mots où l’s se prononce sont parfois d’origine latine, comme salva nos ou nescio vos, ou étrangère: albatros, puis albinos et mérinos, pluriels devenus singuliers, ainsi que le gascon escampativos[754].

Presque tous sont d’origine grecque: atropos, paros, cosmos, tétanos, rhinocéros, ithos et pathos, lotos et autres mots savants[755].

 

6º Après ou, l’s se prononce dans le monosyllabe tous, non suivi de l’article ou d’un substantif devant lequel l’article est sous-entendu, autrement dit quand tous est accentué: ils viendront tous, tous viendront, un pour tous et tous pour un, tous debout et même tous soldats, soldats étant ici une apposition; on dira au contraire tou(s) les hommes, ou tou(s) soldats qui...

Cette distinction très nette empêche toute confusion entre ils ont tous dit et ils ont tou(t) dit, ils sont tous fiers et ils sont tou(t) fiers, ils savent tous ce qu’on a dit et ils savent tou(t) ce qu’on a dit; mieux encore, entre nous connaissons tous les livres de... et nous connaissons tou(s) les livres de...

L’s se prononce aussi dans les mots arabes burnous et couscous, et dans négous, écrit aussi négus[756].

 

7º Après un u, l’s final se prononce surtout dans un très grand nombre de mots latins ou qui peuvent passer pour tels: angelus, cactus, calus, carolus, chorus, convolvulus, crocus, détritus[757], eucalyptus, fœtus, hiatus, humus, in manus, in partibus, lapsus, mordicus, omnibus, papyrus, orémus, prospectus, rébus, rictus, sénatus-consulte, sinus et cosinus, typhus, virus, etc., dans blocus et négus, mots étrangers, sans parler des mots familiers qui se sont formés sur l’analogie des mots latins, comme laïus, motus, olibrius, quitus ou rasibus, avec gibus.

Dans les mots proprement français, l’s ne se prononce pas[758]. Obus lui-même, où l’s se prononce régulièrement avec le son doux (obuse), peut-être par l’analogie d’obusier, s’est si bien francisé que dans l’armée on prononce régulièrement obu, qui est donc devenu la meilleure prononciation. La seule prononciation qui ne vaille rien du tout, c’est obusse.

 

Pourtant l’s se retrouve dans deux ou trois mots.

Quoique l’s d’abu(s) ne se prononce pas, le monosyllabe us paraît avoir repris assez généralement le sien, sans doute en qualité de monosyllabe réduit à une voyelle, et pour s’élargir un peu; mais ce mot ne s’emploie guère que dans l’expression us et coutumes, où la liaison se fait tout aussi bien avec un s doux: u(s) zet coutumes.

D’autre part, la prononciation de plus est assez délicate et assez variable.

On ne prononce jamais l’s dans la négation ne... plu(s): je n’en veux plu(s) et de même sans plu(s)[759]; ni dans les comparatifs ou superlatifs: plu(s) grand, le plu(s) grand, plu(s) justement, j’ai plu(s) fait que vous ne pensez, une plu(s)-value; ni devant de, dans tous les sens: plu(s) de monde, plu(s) d’amour; ni quand il est répété: plu(s) j’en ai, plu(s) j’en veux, ou opposé à moins: plu(s) j’en ai, moins j’en veux, ou ni plu(s) ni moins[760].

Mais quand plus est suivi immédiatement de que, on prononce volontiers l’s, sauf après pas ou d’autant: pas plu(s) que vous, d’autant plu(s) que je ne sais si..., mais j’ai fait plu(s) ou plus que vous ne pensez, j’ai cinq ans de plu(s) ou de plus que lui.

On le prononce aussi quand plus est séparé par que d’un adjectif ou d’un adverbe: plus que content, à côté de plu(s) content; plus qu’à moitié, à côté de plu(s) d’à moitié; mais surtout on prononce régulièrement et nécessairement l’s de plus-que-parfait, malgré la résistance de beaucoup d’instituteurs et d’institutrices: plu(s)-que-parfait est tout à fait suranné.

On prononce également l’s dans les opérations de l’arithmétique ou de l’algèbre: le signe plus, deux plus deux égalent quatre, plus par plus donne plus.

Enfin, d’une façon générale, sauf dans ne... plu(s) et de plus en plu(s), il y a une tendance à prononcer l’s quand plus est final. A vrai dire, rien de plu(s) vaut mieux que rien de plus, sans doute à cause de la négation; et dans le style tragique, je te dirai bien plu(s), il y va de bien plu(s), semblent encore s’imposer; mais on dira très bien, surtout dans le langage familier, il y a plus ou trois jours au plus; on dira même nécessairement: plus... un lit, et même, quoique moins bien, de plus... un lit, ou de plus, je n’en crois rien, ou encore après mille ans et plus, sauf en vers, s’il y a une suite:

Après mille ans et plu(s) de guerre déclarée

L’analogie de plus s’est exercée sur sus, dont on prononce souvent l’s dans en sus, comme dans en plus. Mais à part l’expression en sus, le mot est généralement suivi de a, ce qui amène une liaison; il en résulte que beaucoup de personnes prononcent courir sus avec l’s, mais c’est une prononciation discutable[761].

 

8º Après les voyelles nasales, l’s final n’est pas moins muet qu’après les voyelles orales: dan(s), céan(s), san(s), gen(s), repen(s), consen(s), plain(s), étein(s), tien(s), vien(s), moin(s), aimon(s), etc. Il faut donc éviter moinsse avec le plus grand soin, et aussi gensse[762].

Pourtant le mot sens a repris peu à peu son s dans presque tous les cas: bon sen(s) ou contresen(s), qui ont résisté longtemps, ont à peu près disparu[763]; sen(s) commun lui-même, qui s’est conservé plus longtemps et tient encore, sans doute parce que la prononciation de l’s y est entravée par la consonne qui suit, est déjà néanmoins fort atteint, et sans doute destiné à disparaître. Il ne restera bientôt plus que sen(s) dessus dessous et sen(s) devant derrière, qui justement sont sans rapport avec sens[764].

On prononce également l’s dans mons pour monsieur, dans le mot savant cens, dans le vieux mot ains, et dans les mots latins où en sonne in: gens, delirium tremens, sempervirens, etc., sur l’analogie desquels Labiche a formé labadens[765].

 

9º Après les consonnes, il faut distinguer, suivant la consonne qui précède.

Quand l’s est séparé de la voyelle par une consonne non articulée, il ne se prononce pas non plus: ga(rs), la(cs) et entrela(cs), poi(ds), le(gs) et me(ts), pui(ts), pou(ls), tem(ps) et défen(ds), rom(ps) et fon(ds), cor(ps) et remor(ds)[766].

Ceux même qui prononcent à tort le g de le(gs) ne vont pas jusqu’à prononcer l’s. La seule exception est fi(l)s, que nous avons vu à l’i.

En revanche, à part cor(ps), le groupe final ps se prononce toujours entier, parce qu’il n’appartient pas à des mots proprement français: laps et relaps, schnaps, reps, seps, biceps, princeps, forceps, éthiops et anchilops.

On articule aussi intégralement rams et aurochs (aurox). On notera seulement la tendance qui se manifeste, notamment chez Victor Hugo, à remplacer aurochs par auroch: en ce cas, le pluriel se prononce comme le singulier; mais c’est aurochs qui est le vrai mot[767].

D’autre part, quand l’s est séparé de la voyelle par un r, l’r se prononce toujours[768]; mais l’s ne se prononce pas: univer(s), alor(s), toujour(s), ailleur(s), etc. Il faut éviter avec grand soin de prononcer alorsse, quoiqu’on prononce l’s dans le composé lorsque. Le substantif cour(s) se prononce de même sans s.

Il y a pourtant trois exceptions: le mot mars a repris son s depuis longtemps[769]; les mots mœurs et ours ont repris le leur au dernier siècle, et il n’est plus possible de le supprimer qu’en vers, pour l’harmonie, et surtout quand la rime l’exige[770].

2º L’S intérieur.

Dans le corps des mots, l’s se prononce presque toujours, mais quand il se prononce, il est tantôt dur ou sourd, ce qui est le son normal, tantôt doux ou sonore.

 

I.—Devant une consonne, l’s se prononce partout en principe, et toujours ou presque toujours avec le son dur: les s qui ne se prononçaient pas ont en effet disparu de l’orthographe. Il se prononce ainsi même à la fin des mots: fisc, busc, musc et les mots en -st[771].

Mais tous ces mots où l’s se prononce devant une consonne sont en réalité des mots d’emprunt, ou bien des mots que l’orthographe a altérés en y restaurant un s autrefois muet[772].

Par analogie, l’s se prononce depuis longtemps même dans lorsque, presque, puisque, malgré l’étymologie lor(s), prè(s), pui(s), parce que les éléments se sont fondus en un mot unique, comme dans jusque; mais tandi(s) que n’est pas dans le même cas, les composants étant encore distincts: il vaut donc mieux éviter d’y prononcer l’s.

L’s se prononce aussi dans susdit, qui s’écrit en un seul mot, mais non dans sus-tonique et sus-dominante, qui s’écrivent en deux. Il me paraît choquant dans susnommé et susmentionné, qui pourraient bien se prononcer comme les précédents.

 

Dans les mots composés commençant par les articles les et des ou l’adjectif possessif mes, ces monosyllabes sont demeurés distincts, et l’s ne s’y prononce pas: le(s)quels, de(s)quels, me(s)dames[773].

Il y a aussi un mot simple où l’s intérieur, muet devant une consonne, a été conservé dans l’écriture, probablement par oubli, tous ceux qui étaient dans le même cas ayant été éliminés: c’est cheve(s)ne, résidu singulier d’une orthographe disparue[774].

Aux mots commençant par un s suivi d’une sourde, c, p, t, le peuple, surtout dans le Midi, ajoute volontiers l’e prosthétique des grammairiens: estatue. Cela n’est sans doute point à imiter[775].

 

Dans le groupe sc, qu’on ne trouve que dans les mots relativement récents ou qui ont repris des lettres abolies, les deux consonnes se prononcent sans difficulté devant a, o, u: es-cargot, es-compte, scolaire, sculpture.

Devant e et i, on entend généralement deux s: as-cète, trans-cendant, las-cif, res-cinder[776].

Toutefois on ne peut entendre qu’un s en tête des mots: un s(c)eau, une s(c)ie[777]. On n’entend qu’un s aussi (ou un c) à l’intérieur d’un certain nombre de mots: d’abord ob(s)cène et ob(s)cénité, où il est difficile de faire autrement; puis fa(s), de fa(s)ce, terme de blason[778]; de(s)cendre et ses dérivés; con(s)cience et ses dérivés, quoiqu’on entende généralement deux s dans es-cient, pres-cience et cons-cient; enfin di(s)ciple et di(s)cipline avec ses dérivés; et l’on peut encore y joindre, si l’on veut, a(s)censeur et a(s)cension (surtout la fête), di(s)cerner et di(s)cernement, su(s)ceptible et su(s)citer.

 

Nous avons vu déjà que l’s prenait naturellement le son doux du z, par accommodation, devant une douce, b, d, g, v et j: sbire et presbyte, pélasgique et disjoindre, transgresser, svelte ou transversal. C’est là un phénomène spontané pour lequel il ne faut aucun effort, aucune étude[779]. L’s prend souvent aussi le même son dans les mots en -isme comme rhumatisme (izme) ou même en -asme; mais ceci s’impose beaucoup moins[780].

 

II. Entre consonne et voyelle, l’s est encore dur en principe.

Il est dur notamment après un r: sur-seoir et sur-sis (et non surzis), traver-sin, subver-sif, etc.; mais il est doux dans jersey[781].

Il est doux entre l et a, dans balsamique et les mots de cette famille[782].

On a vu que l’accommodation changeait le b en p dans les mots qui commencent par abs- et obs-, et aussi subs-, mais sauf devant i. En effet, dans subsister, l’accommodation paraît être plus souvent régressive, c’est-à-dire que c’est la seconde consonne qui s’accommode à la première: subzister plutôt que supsister, et de même subzistance, sans doute par l’analogie de sister, exister et sister, dont nous allons parler dans un instant[783].

Il en est de même le plus souvent dans subside et subsidiaire[784].

Au contraire, c’est le b qui se change normalement en p dans abside et dans subséquent[785].

 

III. Entre deux voyelles dont la première n’est pas nasale, l’s prend régulièrement le son doux, quelle que soit l’étymologie: rose, vase, cytise, basilique, vasistas, philosophe, misanthrope, etc.[786]. Il prend le son doux même dans les préfixes à s final dés- et més-, et cela peut passer pour une liaison naturelle: s-unir, s-armer, s-user, s-intelligence, etc.[787]. Pourtant l’s est resté dur dans dys-enterie et dys-entérique[788].

L’s prend encore le son doux, et ceci pourrait surprendre, dans -signer et se dé-sister (sans parler de soler), et généralement après les préfixes ré- et pré-: -server et pré-server, -sider et pré-sider, -solution, -sonance, -sumer et pré-sumer, présage, pré-somption, etc. Cela tient à ce que, dans ces mots, le simple a disparu, ou bien il est resté avec un sens très différent: dans les deux cas, le composé est traité comme un mot simple.

Il en est de même du mot abasourdir, où l’élément sourd a pu être méconnu, et par l’absence d’un préfixe usité, et à cause du sens abstrait qu’a pris le mot.

 

Néanmoins, l’s reste dur dans certains cas, avec ou sans préfixe, et beaucoup plus souvent qu’on ne croit:

1º Après les préfixes pré-, ré- et dé- eux-mêmes, dans pré-séance et pré-supposer, sans doute parce qu’ici le simple est trop connu pour s’altérer; dans pré-su (le mot est dans Pascal); dans -section et -séquer, -suet et -suétude, qui gardent la prononciation du latin.

2º Et cette fois sans exception, à la suite de toute une série de préfixes qui restent toujours distincts du mot principal: a-, dans a-septique, a-symétrie ou a-symptote; para-, dans para-sélène et para-sol (malgré l’s doux de para-site, vieux mot dont le simple n’existe pas); contre- et entre-, dans contre-sens, contre-seing, contre-signer et contre-sol, s’entre-secourir ou s’entre-suivre, et entre-sol; anti-, dans anti-social ou anti-septique; co- et pro-, dans co-seigneur, co-signataire, co-sinus ou co-sécante, et pro-secteur; uni-, bi- et tri-, proto- et deuto-, etc., dans uni-sexuel et une foule de composés chimiques, botaniques ou même mathématiques[789]; plusieurs autres encore, qui marquent également le nombre, surtout dans le vocabulaire grammatical: mono-syllabe et mono-syllabique, tétra-syllabe, déca-syllabe, etc., poly-syllabe et poly-synodie, pari-syllabique et impari-syllabique[790].

3º Dans quelques mots composés à éléments mal soudés, quoique liés dans l’écriture: tournesol et girasol, soubresaut, havresac, vraisemblable et vraisemblance, présalé, vivisection, gymnosophiste, idiosyncrasie, petrosilex, sanguisorbe, etc.[791].

4º Dans quelques mots simples, exclusivement savants et techniques, où l’on conserve la prononciation d’origine, comme thésis ou basileus.

5º Dans une onomatopée comme susurrer, susurrement, que les dictionnaires altèrent fort mal à propos[792].

6º Enfin dans quelques mots étrangers plus ou moins employés, l’adoucissement de l’s entre deux voyelles étant propre au français: ainsi le grec kyrie eleison, ou l’italien impresario, à demi francisé d’ailleurs, puisqu’on nasalise im[793]. Pourtant l’s s’est adouci dans l’espagnol brasero et l’italien risoluto ou fantasia, apparemment par l’analogie de brasier, solution, fantaisie[794].

IV. Entre une voyelle nasale et une autre voyelle, l’s reste dur, parce qu’autrefois l’n se prononçait: anse, penser, pension, encenser, insigne, considérer, etc., et même insister, malgré l’s doux de sister et des autres.

Toutefois, avec le préfixe trans-, on a encore un phénomène de liaison, comme avec dés- et més-, et c’est un z qu’on entend, sans exception, dans transalpin, transaction, transatlantique, transiger, transit, transitaire, transitif, transition, transitoire, transhumer et transhumance.

Mais l’s du substantif transe est nécessairement dur, comme dans toutes les finales en -anse, et il se maintient encore dur tant bien que mal dans transi et transir, très fréquemment altérés par le voisinage de transit. Transept a aussi l’s dur, étant pour transsept[795].

On entend quelquefois, mais à tort, l’s doux dans in-surrection, par analogie avec surrection.

Enfin l’s est doux dans nansouk[796].

3º L’S double.

L’s double final se prononce comme l’s dur, mais il abrège la voyelle qui précède: ray-grass, mess, express, miss, etc.

L’s double intérieur, qui n’a jamais le son doux, représente d’abord assez souvent un s simple, qu’on a doublé après un e dans certains composés, uniquement pour empêcher que le son doux ne remplace mal à propos le son dur, entre deux voyelles.

Nous avons vu tout à l’heure qu’après é fermé on se contentait souvent d’un seul s en pareil cas, malgré le danger d’adoucissement: pré-séance, dé-suet; mais on écrit avec deux s, et peu de logique, pre(s)sentir et pre(s)sentiment[797].

Après un e muet, un seul s a suffi encore, dans quelques composés cités plus haut, comme entresol, havresac ou soubresaut; mais on met deux s à re(s)saut et à re(s)sauter, et partout après le préfixe re-, dans les mots de la langue écrite: re(s)sembler, re(s)sentir, re(s)sort, re(s)source, etc.[798], ainsi que dans de(s)sus et de(s)sous, sans compter re(s)susciter, dont l’e est fermé. Je ne sais si cet emploi de l’s double après le préfixe re- est très heureux, car s’il fait respecter le son de l’s, en revanche il fait altérer malencontreusement à beaucoup de personnes la prononciation de l’e muet lui-même, et le mal n’est guère moindre[799].

Il va sans dire que dans tous ces mots, que l’e soit fermé ou muet, on ne peut prononcer qu’un seul s, puisque l’s ajouté n’y est en quelque sorte qu’un signe orthographique conventionnel, destiné à maintenir le son dur ou sourd.

Mais on peut aller plus loin, et dire qu’en français, d’une façon générale, entre deux voyelles, l’s simple est un s doux et l’s double un s dur.

Cette distinction très nette a peut-être contribué à maintenir généralement la prononciation d’un s simple quand il y en a deux. Toujours est-il que l’s double se prononce simple beaucoup plus souvent que les liquides l, m, n, r, malgré la tendance générale que nous avons signalée si souvent. Il est rare qu’on prononce deux s dans les mots d’usage courant, qui sont très nombreux, et peut-être même ne l’a-t-on jamais fait dans les mots tels que a(s)seoir, pa(s)sage, va(s)sal, ma(s)sacre, e(s)sai, e(s)suyer, me(s)sie, me(s)sage, i(s)su, bo(s)su, fau(s)saire, bou(s)sole, hu(s)sard, etc. L’s reste simple notamment dans tous les composés de des-, comme de(s)saler, de(s)serrer, de(s)souder, et dans tous les mots en -seur, -sion, -soir ou -soire, quelle que soit la voyelle précédente: embra(s)seur, oppre(s)seur, régi(s)seur ou endo(s)seur, pa(s)sion, pre(s)sion, commi(s)sion ou percu(s)sion, pre(s)soir ou acce(s)soire.

Il y a pourtant des exceptions, cela va sans dire aussi notamment pour les préfices as- et dis-[800].

1º Le préfixe as- étant plus populaire que savant, dans tous les composés, sauf as-similer et ses dérivés, on devrait ne prononcer qu’un s[801]. Toutefois, je ne vois guère que a(s)saut, a(s)sembler et a(s)semblage, a(s)seoir, a(s)siéger, a(s)siette et a(s)sise, a(s)sez, a(s)surer et ses dérivés, qui soient à peu près intacts. Les plus atteints sont as-sagir, as-sainir, as-sécher, as-séner (pour a(s)sener), as-sentiment, as-sermenté, assertion, as-servir, as-sidu et as-siduité, as-signer et as-signation, as-sombrir, as-somption, as-sonance, as-sourdir, as-souvir et as-sumer. Mais pas plus dans ceux-là que dans les autres, il n’est indispensable de prononcer deux s.

2º Au contraire, le préfixe dis- étant expressément un préfixe savant, les composés font entendre généralement deux s. Il n’y a d’exception incontestable que pour di(s)siper et ses dérivés et di(s)soudre[802]; mais on fera bien de prononcer aussi avec un seul s di(s)solu[803], di(s)serter et di(s)sertation, di(s)simuler et di(s)simulation[804], voire même di(s)séminer, di(s)sension ou di(s)sentiment, ces mots étant d’un usage fort général[805].

3º Aux préfixes as- et dis- on peut ajouter intus- et trans-, dans intus-susception, trans-sudation ou trans-substantiation.

4º Il n’y a plus qu’un certain nombre de mots plus ou moins savants où l’on prononce deux s: as-sa fœtida, pas-sible et impas-sible, pas-sif et ses dérivés (sauf en grammaire) et pas-siflore, clas-sification et quelquefois clas-sique, et aussi juras-sique[806];—tes-sère et pes-saire, es-sence (au sens figuré) et ses dérivés, inces-sible et immarces-sible, et les composés en pres-sible; congres-siste et progres-siste, qui, avec proces-sus, réagissent sur progres-sif, proces-sif et quelques mots en-essif; mes-sidor, ses-sile, pes-simiste et pes-simisme, et au besoin es-souflé ou es-saimer;—les mots en is-sible et leurs dérivés, et, si l’on veut, les mots en is-sime et is-simo, avec commis-soire, fis-sipare et fis-sipède, et bys-sus, auxquels on joint quelquefois fis-sure et bis-sextile;—enfin glos-saire, os-sature, os-sification, os-suaire et quelquefois os-seux, avec fos-sile et opos-sum[807].

*
* *

Nous savons que le groupe anglais sh équivaut au ch français à toute place: shelling, shocking ou shampoing, english, mackintosh ou stockfish[808]. A la vérité fashion se prononçait aussi bien fazion à la française, que facheune, à l’anglaise, et de même fashionable; mais ces deux mots sont tout à fait tombés en désuétude.

C’est aussi au ch français que correspondent le groupe germanique sch[809], le danois sj, le polonais sz et l’s hongrois[810].

T

1º Le T final.

A la fin des mots, le t, comme l’s, en principe ne se prononce pas: acha(t), avoca(t), étroi(t), bonne(t), livre(t), tombai(t), crédi(t), peti(t), calico(t), tripo(t), prévô(t), défau(t), ragou(t), institu(t), cha(t)-huan(t), vacan(t), accen(t), événemen(t), sain(t), poin(t), fron(t), défun(t), dépar(t), concer(t), transpor(t), meur(t), accour(t), etc., etc.[811]. Les exceptions sont même beaucoup plus rares que pour l’s parmi les mots proprement français. Naturellement elles affectent surtout des monosyllabes, qui sont en quelque sorte renforcés ou élargis par cette prononciation.

 

1º Après a, il n’y a que les adjectifs fat et mat, avec les termes d’échecs mat et pat; adéqua(t) et immédia(t) n’en sont plus, ni opia(t), quoique l’Académie ait encore maintenu le t en 1878.

Il faut ajouter cependant les mots latins, exeat, fiat, stabat, magnificat, vivat, qui ne sont pas en voie de se franciser dans la prononciation; on entend bien parfois des viva(ts), mais c’est une fâcheuse analogie, amenée sans doute par le pluriel[812].

Après oi, il n’y a rien, pas plus doi(gt) que adroi(t) ou pourvoi(t). Toutefois, quand soit est employé seul, on fait volontiers sonner le t, pour renforcer le mot, comme on l’a déjà vu ailleurs.

 

2º Après e, il n’y a que net, fret et se(p)t.

Pour net, il ne saurait y avoir de discussion[813].

Pour fret, tous les dictionnaires maintiennent fre(t). Ils pourraient peut-être se corriger, parce que la marine marchande ignore absolument cette prononciation: or quel est l’usage qui doit prévaloir ici, sinon précisément celui de la marine marchande?

Enfin, pour se(p)t, il faut naturellement dire devant un pluriel commençant par une consonne: se(pt) sous, se(pt) cents, se(pt) mille[814]. Malheureusement nos cuisinières, marchands et comptables ne connaissent guère d’autre prononciation que se(p)t, en toute circonstance, sous le fallacieux prétexte que l’on pourrait confondre se(pt) sous et se(pt) cents avec seize sous et seize cents! Et leur prononciation a passé peu à peu de la cuisine à la salle à manger, du comptoir au salon. Essayons encore de réagir si nous pouvons, mais je crains fort qu’il ne faille bientôt céder sur ce point[815].

A net, fret et se(p)t on fera bien de ne pas ajouter juillet, pas plus qu’alphabet, la prononciation du t dans ces mots étant surannée ou dialectale. Quant à cet, il ne s’écrit que devant une voyelle, et nécessairement il se lie.

On prononce naturellement le t dans quelques mots latins ou étrangers: et cetera[816], hic et nunc, hic jacet, licet, tacet, claret, et water-closet; mais débe(t) et place(t) sont francisés depuis fort longtemps; croque(t), cricke(t), ticke(t) le sont aussi, et même pick-pocke(t), et souvent water-close(t)[817].

Après ai, il n’y a pas d’exceptions, sauf une tendance très marquée à faire sentir le t du substantif fait, au singulier, surtout quand il est final ou accentué: en fait, au fait, par le fait, voie de fait, voici le fait, il est de fait, je mets en fait, je l’ai pris sur le fait, c’est un fait, et même c’est un fait constant, c’est le fait d’un honnête homme, le fait de mentir, le fait du prince; mais on ne doit jamais faire sentir le t au pluriel, ni dans fait divers, singulier identique au pluriel, ni dans en fait de ou tout à fait.

 

3º Après i, le t sonne encore presque toujours dans les mots qui viennent de mots latins en -itus et -itum: coït, introït, obit, bardit, aconit, rit (même mot que rite), prétérit, prurit et transit; mais on a cessé généralement de le prononcer dans subi(t) aussi bien que dans gratui(t). Il en est de même dans ci-gî(t). On le prononce encore le plus souvent dans granit, mais grani(t) se répand.

On le prononce aussi, naturellement, dans huit, avec la seule restriction, toujours la même, des pluriels commençant par des consonnes: page huit, in-dix-huit, le huit mai, et aussi, par liaison, huit hommes, mais hui(t) sous, hui(t) cents, hui(t) mille[818].

Enfin il doit toujours sonner dans les mots latins, francisés ou non, dans accessit, satisfecit et même déficit, malgré l’usage de quelques personnes, aussi bien que dans incipit, sufficit, explicit, exit et affidavit, ainsi que dans vooruit et dead-heat[819].

 

4º Après o, le t ne sonne plus aujourd’hui que dans dot, où il ouvre l’o, bien entendu. Cette exception paraît venir de ce que le mot avait autrefois deux formes, un masculin do(t) et un féminin dote (cf. aubépin et aubépine); le féminin se serait ici conservé avec l’orthographe du masculin. C’est d’ailleurs le seul mot en -ot qui soit féminin. Quoi qu’il en soit, la prononciation do(t) est aujourd’hui particulière au sud-ouest[820].

 

5º Dans les finales -aut et -ault, le t ne sonne jamais[821]; pas davantage dans -eut, ni dans -out et -oult, les mots étrangers, lock-out, vermout, knout, raout et stout, mais non racahou(t).

Surtout il ne doit pas plus sonner dans (a)(t) que dans debou(t), malgré l’usage de quelques provinces[822].

 

6º Après u, le t final sonne toujours dans un certain nombre de mots savants: azimut, cajeput, occiput, sinciput et comput, avec ut et caput; quelquefois aussi, mais à tort, dans scorbu(t) et précipu(t); de plus, dans les interjections chut et zut, et dans les monosyllabes lut, rut et brut[823]. La province y ajoute généralement un autre monosyllabe, but, malgré débu(t), mais à Paris on prononce toujours bu(t)[824].

 

7º Après les voyelles nasales (les mots en -ant et -ent sont particulièrement innombrables), le t ne sonne pas plus en français qu’après les voyelles orales, même si une autre consonne s’intercale, comme dans exem(pt), vin(gt), prom(pt), rom(pt), corrom(pt), interrom(pt).

Il a longtemps sonné dans ving(t), comme sonnaient l’s et l’x de trois et deux, conformément à l’usage de tous les noms de nombre; c’est aussi incorrect aujourd’hui que le serait cente pour cen(t), qui ne semble pas avoir jamais été dit. Toutefois le t de vingt sonne encore dans vin(g)t et un, par liaison, et aussi dans vin(g)t-deux, vin(g)t-trois, etc., malgré la consonne qui suit, soit par un souvenir de vin(g)t et deux, vin(g)t et trois, où se faisait la liaison, soit plutôt par analogie avec trente-deux, quarante-quatre, cinquante-sept, etc. Mais il ne sonne pas dans quatre-vin(gt)-un, -deux, -trois, etc., et cela se comprend: s’il sonnait par exemple dans quatre-vingt-trois, ce serait quatre fois vingt-trois, et non quatre fois vingt plus trois; il y a des siècles que cette distinction a été faite inconsciemment. Il est vrai que tous ces t, devant deux, deviennent nécessairement des d: vind deux; ce n’est pas une raison cependant pour prononcer vin(g)te-deux[825].

Le t sonne encore dans quelques mots étrangers, comme cant ou pippermint[826].

 

8º Restent les consonnes. Le t ne sonne pas après un r: écar(t), exper(t), ressor(t), cour(t), et aussi heur(t), où il a longtemps sonné; spor(t) lui même est francisé, et dog-car(t) à peu près; mais flirt garde son t, même quand on le francise[827]. En revanche, le t sonne après et avec les consonnes c, l, p, s.

Pour les mots en -ct, nous avons vu plus haut qu’il ne fallait plus excepter que les mots en -spect, ami(ct) et instin(ct), mais non exact, abject, verdict, district, succinct et distinct, ni aucun autre[828].

Les mots en lt ne sont pas des mots français: cobalt, malt, smalt, spalt, veldt, volt, sauf le vieux mot moult, et indult, où l’orthographe a rétabli la prononciation disparue de lt[829].

Si des mots en pt nous éliminons se(p)t, examiné tout à l’heure, où le p ne sonne pas, et les mots en -empt et -ompt, où ne sonnent ni p ni t, il reste trois ou quatre mots savants où les deux consonnes se prononcent: rapt, qui a longtemps flotté, concept, transept et abrupt[830].

Le groupe final st se prononce dans quelques mots, la plupart étrangers: hast (armes d’), ballast, to(a)st, est et ouest, lest, zist et zest, whist, ost et souvent compost. Il est muet dans le verbe e(st)[831].

Ajoutons pour terminer que l’h après le t final, qui d’ailleurs est toujours d’origine étrangère, ne change rien en français au son du t; mais naturellement le t suivi d’un h se prononce toujours: feldspath, aneth, zénith, mammouth, luth et bismuth[832].

2º Le T intérieur et le groupe TI.

Dans le corps des mots, le t se maintient difficilement entre deux consonnes, si la dernière n’est pas un r, comme dans astral. Aussi est-il devenu muet dans as(th)me et as(th)matique, is(th)me et is(th)mique, et même pos(t-s)criptum et parfois pos(t)dater: c’est toujours la répugnance du français à prononcer trois consonnes consécutives qui ne s’accommodent pas ensemble, et c’est ordinairement celle du milieu qui est alors écrasée entre les autres, à moins qu’elle ne soit un s[833].

Dans les mots en -iste, comme dans les mots en isme, le peuple laisse volontiers tomber la syllabe finale: artis(te), anarchis(te). Il dit de même prétex(te) ou insec(te): paresse de langage, qu’il faut éviter.

L’h ne change rien au t, bien entendu: t(h)éâtre, t(h)on, t(h)ym, at(h)ée, got(h)ique, etc.

*
* *

Mais la question la plus intéressante concernant le t intérieur est celle de son traitement devant l’i suivi d’une voyelle.

La règle générale n’est pas douteuse: Devant un i suivi d’une autre voyelle, le t prend le son de l’s dur[834].

Cette règle s’applique notamment à la plupart des mots en -tie et -tien, à presque tous les mots en -tiaire, -tiel, -tieux, -tion, avec tous leurs dérivés, et à une foule d’autres mots: suprématie, inertie, béotien, tertiaire, torrentiel, ambitieux, nation, national, etc., et aussi bien nuptial, gentiane, spartiate, patient, patience, satiété, tiole, etc., etc.[835]

En réalité cette prononciation nous vient tout simplement de la prononciation adoptée depuis des siècles, à tort ou à raison, pour le latin[836]. Aussi appartient-elle essentiellement à des mots d’origine savante, tandis que les mots d’origine populaire conservent en principe le son normal du t, notamment quand l’i fait diphtongue étymologiquement avec un e, comme dans pit.

On peut dire pourtant que la prononciation sifflante est la règle générale, d’abord parce que les mots de formation savante sont les plus nombreux, ensuite parce que les mots nouveaux ont ordinairement suivi l’analogie des précédents, et que les mots isolés qui sont restés en dehors de la règle tendent souvent à s’y soumettre. On constate même ce phénomène curieux d’une prononciation d’origine savante devenant populaire, et altérant par cela même d’autres mots savants, faute de pouvoir altérer les mots les plus usités.

J’ajoute qu’il est plus facile d’énumérer les exceptions que les cas où la règle s’applique, ainsi qu’on le fait parfois, non sans beaucoup d’omissions.

Les exceptions sont d’ailleurs nombreuses, et il y en a de toutes les sortes. On se rappelle la réponse de Nodier à Dupaty, qui prétendait qu’entre deux i le t avait toujours le son de l’s: «La règle est sans exceptions,» répondait-il à Nodier. Et Nodier de répliquer, du tac au tac: «Mon cher confrère, prenez picié de mon ignorance, et faites-moi l’amicié de me répéter seulement la moicié de ce que vous venez de dire.» Ceci se passait à l’Académie, où l’on peut croire que les rieurs ne furent pas pour Dupaty. Mais ce n’était là qu’un exemple, et il y a d’autres exceptions même entre deux i, sans compter les autres combinaisons, qui sont multiples[837].

 

I.—Il y a d’abord deux catégories de mots qu’il faut éliminer, parce que la prononciation sifflante est impossible ou à peu près. Ce sont:

 

Tous les mots dans lesquels le t est déjà précédé d’une sifflante, s ou x, ce qui empêche absolument le t de s’altérer, aussi bien en latin qu’en français: bastion, question, immixtion (une douzaine de mots en -tion); dynastie, modestie, amnistie (une douzaine de mots en -tie); bestial, bestiole, vestiaire, etc., etc.[838].

A cette catégorie appartiennent aussi étiage, châtier et chrétien avec sa famille, autrefois estiage, chastier et chrestien.

 

Tous les imparfaits et subjonctifs présents, où le t ne peut pas changer le son qu’il a dans les autres formes: étais, étions, étiez, portais, portions, portiez, que nous mentions, que vous mentiez, etc.[839].

De plus, pour le même motif, les participes féminins des verbes en tir: sorti, sortie, anéanti, anéantie, etc., avec les substantifs de formation française dérivés des mêmes verbes: tie, garantie, partie, sortie, et le féminin d’apprenti[840].

II.—Voici maintenant toute la collection des mots d’origine populaire où -ti- est suivi d’un e, et où le groupe ie est une diphtongue étymologique, le latin ayant à la place une voyelle unique, devant laquelle le t n’a pas pu s’altérer. Ce sont:

 

1º Les trois substantifs en -tié: pit, moit, amit, avec inimit[841];

 

2º Les adjectifs et substantifs en -tier ou -tière, à suffixe -ier, féminin -ière, comme entier ou héritier, jarretière ou tabatière: ils sont près de deux cents[842];

 

3º Les mots qui ont le suffixe -ième, à savoir septième, huitième, vingtième, etc., avec quantième ou pénultième[843];

 

4º Les formes verbales de tenir et ses composés, tient ou contient, tiendra on maintiendrait, avec les dérivés entretien, maintien, soutien[844];

 

5º Enfin les mots tiède, tiers et tien, où le t est initial, et antienne, où il ne l’est pas[845].

 

III.—Il y a encore un certain nombre de mots d’origines diverses.

1º Voici d’abord trois mots en -tie: ortie, d’origine populaire[846]; sotie, dérivé populaire de sot, qui avait deux t autrefois comme sottise, et qui a gardé sa prononciation en devenant savant; enfin tutie, qui ne vient pas du latin[847].

Épizootie est encore flottant[848].

2º Voici quelques mots plus ou moins savants, où ti- a résisté à l’analogie et a gardé la prononciation du grec: d’abord éléphantiasis ou étiologie, sans compter tiare; d’autre part tous les mots où le t est séparé de l’i par un h, ce th étant grec: sympat(h)ie, pyt(h)ie, corint(h)ien; de sorte qu’ici non seulement l’h ne change rien au t, mais aide à le conserver intact[849].

Pourtant la tendance générale est telle que le mot chrestomat(h)ie a été fortement altéré et l’est encore assez généralement; mais la prononciation correcte de ce mot savant, qui n’est pas latin, est tie et non cie, et les jeunes professeurs commencent à la restaurer.

3º Il y a encore les mots qui ont un préfixe en -ti, à savoir: d’une part le mot centiare, qui a gardé devant le mot are la prononciation uniforme du préfixe centi-, quoiqu’une diphtongue s’y soit formée dès le principe; d’autre part les mots commençant par le préfixe anti-, comme antialcoolisme, où il n’y a point de diphtongue.

4º Restent quelques mots populaires d’origine inconnue: galimatias, qu’une étymologie fantaisiste a rattaché à Mathias; étioler, étiolement, qui se rattachent peut-être à éteule; et aussi l’espagnol patio[850].

Cette énumération, qu’on trouvera ici pour la première fois, fut longue sans doute, mais celle des mots où le t est sifflant l’eût été davantage, et peut-être même impossible, en tout cas beaucoup plus difficile à classer méthodiquement[851].

3º Le T double.

Le t double se prononce encore simple assez généralement, et autrefois il n’y avait point d’exception.

Parmi les mots commençant par att-, qui sont fort nombreux, il n’y a guère qu’at-tique et at-ticisme où l’on soit à peu près obligé de prononcer deux t[852]; mais il faut avouer que cette prononciation commence à atteindre fortement beaucoup d’autres mots où elle ne s’impose nullement, comme at-tenter, at-tentif, at-ténuer, at-terrer, at-tester, at-tiédir, at-titré, at-titude, at-touchement, at-traction, at-tributif, at-trister, at-trition.

Cette prononciation est plus correcte dans bat-tologie, intermit-tent et intermit-tence, commit-timus et commit-titur, gut-tural et gut-ta-percha; mais elle atteint aussi depuis plus d’un siècle d’autres mots, comme sagit-taire, lit-téraire, lit-téral, lit-térature, lit-toral et pit-toresque.

Elle est d’ailleurs légitime dans les mots qui viennent de l’italien, où les deux consonnes se prononcent régulièrement: concet-ti, vendet-ta, jet-tatura, dilet-tante, libret-to et libret-tiste, grupet-to, tut-ti et sot-to voce, et aussi dans gut-ta-percha. Mais on ne prononce plus qu’un t généralement dans ghe(t)to et confe(t)ti, qui se sont popularisés, souvent aussi dans larghe(t)to[853].

On ne prononce jamais qu’un t dans sco(t)tish[854].

V et W.

Le v s’appelait autrefois u consonne, et ne se distinguait pas typographiquement de l’u[855].

Du v simple il n’y a rien à dire, sinon qu’il faut éviter de le supprimer devant oi, et de dire (v)oiture, (v)oilà, la(v)oir, au r(ev)oir[856].

Le v allemand se prononce f; mais cela ne nous intéresse guère que pour les noms propres non francisés[857].

Le v a aussi le son de l’f à la fin des noms slaves, surtout après un o, où il est souvent double[858].

Le w n’est pas français. Mais le w germanique se prononce comme le v français, ainsi que celui du polonais redowa[859].

Le w anglais demande plus d’attention.

En principe, devant une voyelle, il a le son de la semi-voyelle ou: water-closet ou waterproo373 , wattman, warf, whist, whig, wisky, wigwam, workhouse, swell, tramway, railway, sandwich[860]. Mais quand il se francise, c’est presque toujours en v; ainsi il est complètement francisé en v dans wagon et ses dérivés, à peu près dans warrant et ses dérivés, souvent aussi dans waterproof, quoiqu’on ne francise pas oo, et dans water-closet ou wattman. S’il s’est francisé définitivement en ou dans whist, c’est parce que le mot ne s’est pas répandu dans le peuple; mais tramway a beaucoup de peine à se franciser tout à fait avec le son ou, qui pourtant semble l’emporter[861].

Nous avons réduit aw à au dans outlaw, lawn-tennis, tomahawk, drawback[862].

Nous avons accepté pour l’anglais ew la prononciation iou; ainsi pour mildew, qui eut la chance d’être appris par l’oreille et non par l’œil; mais nous l’écrivons beaucoup mieux mildiou, comme il convient. Interview se prononce indifféremment viev ou viou, et le premier finira sans doute par s’imposer, ne fût-ce qu’à cause du dérivé interviewer, pour lequel la prononciation viou-ver est assez ridicule[863].

L’anglais ow se prononce comme o fermé dans bo(w)-windo(w), ro(w)ing, arro(w)-root, sno(w)-boot, et quelquefois co(w)-boy (pour caouboï); d’autre part nous réduisons facilement ow à ou dans clown, teagown, cowpox ou browning[864].

X et Z

1º L’X final.

A la fin des mots français, l’x n’est plus généralement qu’un signe orthographique qui tient simplement la place d’un s[865]. Aussi ne se prononce-t-il pas plus que l’s du pluriel, notamment après u, dans tous les mots en -aux, -eux, -oux, au singulier comme au pluriel: fau(x), veau(x), aïeu(x), heureu(x), dou(x), genou(x), etc., etc.[866]. Il n’y a même pour ceux-là aucune exception, pas même pour deu(x), dont l’x s’est amui, comme l’s de troi(s), quoiqu’il se soit conservé dans six et dix, dont nous allons parler[867].

L’x final ne se prononce pas davantage dans pai(x), fai(x) et ses composés, ni dans les mots en -oix[868].

Il ne se prononce pas non plus dans pri(x), perdri(x) et crucifi(x), ni dans flu(x), reflu(x), influ(x)[869].

On vient de voir que l’x final se prononce par exception dans les noms de nombre six et dix, comme se prononcent les consonnes finales de cinq, sept, huit, neuf; mais ceci demande des explications.

D’abord cet x devrait s’écrire s, comme autrefois, car il a conservé ici le son de la langue vulgaire, où il a toujours sonné comme un s: j’en ai six, page dix, Charles dix, le six mai, le dix août.

En second lieu, il faut excepter, bien entendu, suivant la règle des adjectifs numéraux, les cas où six et dix sont suivis d’un pluriel commençant par une consonne: di(x) francs, si(x) sous, si(x) cents, di(x) mille[870].

Mais d’autre part, si le pluriel commence par une voyelle, ce n’est encore pas le son normal de l’s qu’on entend; car il se produit alors simplement un phénomène de liaison, d’où il résulte que l’s est doux[871]. De là la différence qu’il y a entre six hommes (si-zom) et six avril (si-savril): le nom du mois n’étant pas multiplié, dix et six se prononcent dis et sis devant avril, août, octobre, comme devant mai, juin ou septembre. A vrai dire, on prononce souvent si zavril comme si zhommes, comme on dit aussi entre si zet huit, mais ce sont des abus de liaison; au pis aller, pour six et huit, on peut choisir entre le son dur et le son doux, tandis que pour six hommes on n’a pas le choix: l’s est nécessairement doux.

On fait aussi la liaison par analogie, et quoiqu’il n’y ait pas multiplication, dans dix-huit (dizuite) et ses dérivés.

Par analogie avec dix-huit, on prononce également un s doux dans dix-neuf, comme on prononce le t dans vingt-quatre ou vingt-neuf.

Dans dix-sept, l’x garde le son de l’s dur à cause de l’autre s qui suit: dis-sète; d’ailleurs, quand on parle vite, on dit facilement di-sète, l’s double se réduisant à un, comme dans tous les mots populaires[872].

On prononce de même avec un s dur les termes de musique six-quatre ou six-huit, quoiqu’il y ait multiplication, parce qu’en réalité ce n’est pas quatre et huit qui sont multipliés, mais seulement les notes représentées par ces chiffres, de sorte que les deux chiffres qui indiquent la mesure restent toujours distincts; sizuit est donc encore un abus de liaison, d’ailleurs très tolérable.

 

Comme six et dix, coccyx se prononce avec un s simple, au moins par euphonie[873].

 

En dehors de six, dix et coccyx, quand l’x final se prononce, il se prononce cs. Mais cela n’a lieu que dans des mots grecs, latins ou étrangers, comme index, silex ou sphinx[874].

2º L’X intérieur.

Dans le corps des mots, l’x se prononce en principe cs devant une voyelle comme devant une consonne: d’abord dans les finales muettes, axe, rixe, sexe[875]; et aussi bien dans laxatif, axiome ou maxime, lexique ou sexuel, fixer ou luxure, comme dans textuel, bissextil ou mixture[876].

Mais en réalité tous ces mots sont des mots d’emprunt, et il en reste beaucoup d’autres où l’x ne se prononce pas ou pas toujours cs[877].

D’abord nous retrouvons l’s dur simple de la prononciation populaire dans soixante et ses dérivés, où l’x étymologique a été rétabli après coup, comme dans six et dix[878].

Nous retrouvons aussi l’s doux de la simple liaison dans les dérivés de deux, six et dix: deuxième, dixième, sixième, sixain se prononcent comme deu(x) hommes ou si(x) hommes[879].

 

Mais surtout les mots qui commencent par ex ou x demandent un examen spécial.

On notera en premier lieu que devant une consonne sifflante, c’est-à-dire devant ce ou ci ou devant un s, la seconde partie de l’x se confondant nécessairement avec le son qui suit, le son ecs se trouve réduit à ec: ec-cellent, ec-centrique ou ec-sangue[880].

Au contraire, devant une consonne non sifflante, on a une tendance naturelle, quand on parle vite, et même sans cela chez le peuple, à réduire ecs, non à ec, mais à es: estrême, escuse, espress[881].

Cette tendance doit être combattue en général, notamment quand il n’y a qu’une consonne, comme dans escuse, autrefois correct. Elle est plus admissible dans les mots commençant par excl- ou excr-, comme exclamation ou excrément, mais là même elle est familière et médiocrement correcte[882].

 

D’autre part et surtout, devant une voyelle, ex- initial (ou hex-) s’adoucit régulièrement en egz. Par exemple: exalter, exhaler, exécuter, exiger, exotique, exubérant, hexamètre, etc., et, par suite, inexigible ou inexact; il faut y ajouter sexagénaire et sexagésime, et peut-être aussi sexennal[883]. Seuls exécration et exécrable sont très souvent prononcés avec cs, par emphase.

Cette tendance à adoucir l’x après l’e initial est si forte qu’elle atteint chez nous jusqu’à la prononciation du latin. On croit même qu’elle a commencé par le latin. En tout cas, il ne nous suffit même pas de dire exeat ou exercitus avec gz: même une expression latine composée comme ex æquo, qui ne peut guère s’altérer en latin, s’altère en français, où nous la traitons comme un substantif: un ex æquo, des ex æquo, et par suite comme un mot simple. Ex abrupto s’altère beaucoup moins souvent[884].

En tête des mots, l’x ne garde le son de cs que parce que les mots, d’ailleurs en très petit nombre, sont savants et d’un usage restreint: xérasie, xérophagie, xiphoïde, xylographie; encore devient-il gz très souvent dans xylophone, qui est un peu plus connu[885].

3º Le Z

Le z final, dans les mots proprement français, est dans le même cas que l’x: il remplace simplement un s, même quand il représente étymologiquement ts[886]. Aussi ne se prononce-t-il pas plus que l’s ou l’x, notamment dans toutes les secondes personnes du pluriel: aime(z), aimie(z), aimerie(z), etc.

Il ne se prononce pas davantage dans le mot sonne(z), qui est en réalité un impératif, ni dans les substantifs ne(z) et bie(z), disparu devant bief, ni dans l’adverbe asse(z) et les prépositions che(z) et re(z), de re(z)-de-chaussée[887].

On voit que le z final muet suit généralement un e; mais le z ne se prononce pas davantage dans ra(z) de marée, ni dans ri(z); et si, en France, on le prononce ordinairement dans ranz des vaches, en Suisse on prononce ran, et on doit y savoir comment ce mot se prononce[888].

Le z final se prononce dans gaz et dans fez; mais ce sont des mots étrangers[889].

Le z final allemand, avec ou sans t devant, se prononce ts: quartz, kronprinz[890].

Et même tz après l se réduisent le plus souvent à un s: eau de sel(t)z[891].

On n’entend également qu’un s dans ruolz.

Dans le corps ou en tête des mots, le z français a toujours le son d’un s doux devant une voyelle: zèle, zone, bronzé, topaze, rizière, etc.

Il en est de même du z, simple ou double, des mots étrangers, quand nous les francisons: lazarone, scherzo, pou(z)zolane, mue(z)zin, souvent aussi ra(z)zia ou la(z)zi[892].

Quand nous ne francisons pas les mots étrangers, le z allemand se prononce ts[893].

Le z italien, simple ou double, se prononce quelquefois aussi ts, comme dans grazioso, plus souvent dz: piazza, piazzetta, lazzi, mezzo, mezzanine, pizzicati[894].

L’espagnol plaza se prononce plaça.

RÉCAPITULATION DES CONSONNES

On vient de voir de quelles manières différentes peuvent se prononcer à l’occasion les mêmes lettres, sans compter les cas où elles ne se prononcent pas du tout. Nous allons, pour récapituler ce chapitre, faire rapidement l’inverse, et montrer de combien de manières s’écrit chez nous chacun des sons que nous employons.

On a déjà vu les innombrables graphies des voyelles nasales; ceci achèvera de faire admirer comme il convient la logique de notre orthographe. Cette fois nous suivrons l’ordre rationnel qui est sans inconvénients.

Parmi les explosives, les labiales b et p et les dentales d et t se bornent à pouvoir s’écrire simples ou doubles, tout en se prononçant simples: habit et abbé, per et appel, adieu et addition, tir et battre. Elles peuvent aussi s’interchanger: absent devient apsent et decine devient metsine. Tout cela est peu de chose et, si le reste y ressemblait, notre orthographe serait une pure merveille[895].

Mais pour les gutturales, c’est une autre affaire: la gutturale forte ou sourde s’écrit c dans raconter, cc dans accord, ch dans chrétien, k dans képi, ck dans bock, kh dans khédive, q dans coq, qu dans quatre, cq dans Jacques, cqu dans becqueter, x dans excès ou Xérès, et même g dans Bourg, sans compter qu’elle fait ordinairement la moitié de l’x; la gutturale douce ou sonore s’écrit g dans grave, gg dans aggraver, gu dans gueule, gh dans ghetto, c dans second, parfois même ch dans drachme, ou qu dans aqueduc, et fait la moitié de l’x dans exemple.

De même, parmi les spirantes, nous retrouvons un peu plus de simplicité dans les fricatives et les chuintantes: les fortes s’écrivent seulement de quatre manières: f, ff, ph ou v, et ch, sh, sch ou j: fait, effet, phare, crè(v)e-cœur, et chat, shako, schisme, rej(e)ter; les douces n’en ont que trois: v, w ou f, et j, g ou ge: vague, wagon, neuf ans, et enjôler, rougir, geôle, sans compter tach(e) de vin.

Mais les sifflantes se rattrapent: la forte s’écrit s dans sel, ss dans assez, c dans ceci, ç dans reçu, sc dans scie, t dans patience, x dans soixante, z dans quartz, sans compter qu’elle fait presque toujours la seconde moitié de l’x, quand l’x se prononce, et aussi la seconde moitié du z, quand on le prononce ts; la douce s’écrit z dans zèle, zz dans pouzzolane, s dans raison, x dans deuxième, et fait la seconde moitié de l’x dans exemple.

Les sons de l, m, n, r se bornent à s’écrire par une lettre ou par deux; r devient aussi rh dans rhum.

Enfin l mouillé s’écrit ll dans bille, ill dans paille, l simple dans gentilhomme, lh dans Milhau, gli dans Broglie. L’n mouillé se contente de gn dans agneau ou ign dans oignon, et au besoin ni dans panier, sans parler de ñ dans doña.

Assurément, dans cette multiplicité de signes employés un peu partout pour les mêmes sons (et j’en ai peut-être oublié), il y en a beaucoup qui ne peuvent pas être évités. D’autres ne sont pas gênants. Mais on conviendra qu’une certaine simplification ne ferait de mal à personne et que la langue surtout s’en porterait beaucoup mieux, étant soustraite ainsi à de graves dangers d’altération.

Les langues doivent s’altérer, ou, si l’on aime mieux, évoluer avec les siècles, c’est fatal; mais en vérité est-ce le rôle des meilleurs écrivains de les y aider en s’obstinant à défendre une prétendue orthographe, qui serait la plus ridicule du monde, si la primauté sur ce point n’appartenait à l’anglaise?

Chargement de la publicité...