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Comment on Prononce le Français: Traité complet de prononciation pratique avec le noms propres et les mots étrangers

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LES LIAISONS

Quelques considérations préliminaires.

Au début du XVIᵉ siècle, toutes les consonnes finales se prononçaient partout, sauf devant un mot commençant par une consonne, quand les deux mots étaient liés par le sens[896].

Au contraire, à partir du XVIIᵉ siècle, les consonnes ont généralement cessé peu à peu de se prononcer dans l’usage ordinaire, sauf devant une voyelle (ou un h muet), quand les mots étaient intimement liés par le sens. Je dis dans l’usage ordinaire, parce que les consonnes sont tombées beaucoup moins vite dans la prononciation oratoire et dans celle des vers, surtout à la rime. D’ailleurs, même dans l’usage courant, les consonnes ne sont pas tombées dans tous les mots. D’autre part, beaucoup de consonnes tombées ont reparu et reparaissent encore grâce à l’orthographe: ne faut-il pas parler comme on écrit? Mais alors c’est tout ou rien: ou bien la consonne se prononce toujours, ou bien elle ne se prononce jamais.

Il y a pourtant des consonnes qui ont continué a se prononcer seulement devant une voyelle, dans certains cas: ce qui reste de cette prononciation, c’est ce qu’on appelle communément liaison. La consonne finale ainsi prononcée sert phonétiquement d’initiale au mot suivant[897].

Les liaisons sont encore très usitées en vers, d’abord parce que la poésie est essentiellement traditionnaliste, ensuite parce qu’en vers elles ont pour but et pour effet d’empêcher l’hiatus, que la plupart des poètes évitent encore avec soin. Aussi n’est-il pas impossible que la poésie devienne un jour comme le Conservatoire ou le Musée des liaisons; elle les conserverait comme elle conserve tant d’autres choses surannées, en prosodie, en vocabulaire, en syntaxe.

Dans la prose, et surtout dans la conversation ordinaire, on en fait infiniment moins. Un certain nombre pourtant sont encore obligatoires. D’autres seraient ridicules ailleurs qu’en vers.

D’ailleurs un grand nombre de liaisons sont facultatives et dépendent souvent du goût de chacun. Mais elles dépendent encore davantage des circonstances: il est évident qu’on en fait plus en lisant qu’en parlant, parce qu’en lisant on recherche la correction du langage, tandis qu’en parlant on ne cherche qu’à se faire comprendre avec le moins d’effort possible; on en fait plus aussi dans un discours suivi, pour le même motif, que dans une conversation familière.

D’une façon générale, les professeurs en font plus que les gens du monde, à cause de l’habitude qu’ils en ont; les instituteurs en font trop, non pas tant peut-être en parlant qu’en enseignant à lire, car ils ne savent pas toujours que, même en lisant, il y en a qu’on ne fait pas.

Mais les acteurs surtout en abusent étrangement, soit sous prétexte de correction, soit parce qu’ils s’imaginent qu’ils se font mieux comprendre, et cela à la Comédie-Française comme ailleurs, plus qu’ailleurs, hélas! et dans la comédie en prose aussi bien que dans la tragédie. Pourtant ils devraient comprendre que, dans la comédie, un personnage qui ne parle pas comme tout le monde est ridicule; et la tragédie même, comme tout théâtre en vers, est assez artificielle par elle-même pour qu’on n’y ajoute pas encore des artifices surannés, quand il n’y a pas nécessité[898].

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Avant d’entrer dans le détail des liaisons, nous indiquerons quelques règles générales.

On sait déjà que la liaison est interdite (aussi bien que l’élision, car les deux vont presque toujours ensemble) devant un h aspiré. Elle l’est également dans d’autres cas dont voici l’énumération[899]:

1º Devant les noms de nombre un et onze: les numéro(s) un et deux, sur le(s) une heure[900]; no(s) onze enfants, aprè(s) onze heures, Loui(s) onze; et, quoiqu’on dise régulièrement il es(t) tonze heures, avec liaison, cas spécial, on dira pourtant ils étai(ent) onze ou ils son(t) onze[901];

2º Devant l’adverbe oui: je di(s) oui; pour un oui, pour un non[902];

3º Devant les interjections: ce(s) ah! ce(s) oh! et en général quand on cite un mot isolé, qu’on isole précisément en ne liant pas[903];

4º Devant uhlan, et devant les mots commençant par un y grec suivi d’une voyelle, parce que cet y fait alors fonction de semi-voyelle: de(s) uhlans, de(s) yachts, de(s) youyous.

De plus il ne peut y avoir de liaison qu’entre des mots liés par le sens, parfois même très étroitement. Il ne saurait donc y avoir de liaison, en principe, même dans la lecture, par-dessus un signe de ponctuation.

Il va sans dire aussi que les liaisons, étant conservées, en principe, dans une intention d’harmonie, et notamment pour éviter les hiatus, ne sauraient être maintenues dans les cas où elles produisent à l’oreille un son plus désagréable que ne serait l’absence de liaison.

En outre, il n’y a plus aujourd’hui de liaison proprement dite pour les quatre liquides grecques, l, m, n, r, sauf d’une part le cas des nasales, qui sera étudié spécialement, et d’autre part trois ou quatre adjectifs en -ier, surtout premier et dernier, quand ils sont devant un substantif, suivant une loi que nous étudierons plus loin: premie(r) racte, dernie(r) racte. Il y a bien encore les infinitifs en -er, mais ils se lient de moins en moins en prose, sauf la prose oratoire, et cette liaison sera bientôt réservée exclusivement à la poésie[904]. Même laisse(r)-aller ne se lie pas.

On se rappelle qu’ici, en cas de liaison, l’e s’ouvre à demi, comme dans premier et dernier: mangè(r) ravec plaisir, donnè(r) raux pauvres, etc.[905].

Ces cas étant éliminés, il ne reste plus que les muettes et les spirantes.

Enfin, tandis que les consonnes finales qui se prononcent toujours gardent aujourd’hui devant une voyelle le même son que devant une consonne (le lis est blanc), au contraire celles qui ne se prononcent qu’en liaison, ou dans des cas limités, peuvent s’altérer, les muettes ne se liant qu’avec le son de la forte, p, k, t, tandis que les spirantes ne se lient en principe qu’avec le son de la douce, v et z[906].

LIAISONS DES MUETTES

1º Les labiales et les gutturales.

Les labiales ne se lient pas, sauf le p des adverbes beaucoup et trop devant un participe ou un adjectif, ou devant la préposition à. Il y conserve son articulation normale, étant une forte: il a beaucou(p) pappris, il y a beaucou(p) pà faire, tandis qu’on ne fait pas de liaison dans il y a un cou(p) à faire; de même j’ai tro(p) pà dire, je suis tro(p) pému. Encore ces liaisons ne sont-elles pas tout à fait obligatoires dans la conversation, sauf peut-être la dernière, à cause du lien étroit qui est entre les mots.

On dit aussi: qui tro(p) pembrasse mal étreint, à cause de l’inversion qui appuie trop sur embrasse; mais on ne peut plus dire tro(p) pest trop, et ce n’est guère qu’en vers qu’on peut prononcer c’est dire beaucou(p) pen peu de mots, ou encore beaucou(p) pont cru.

En vers, on peut même encore lier coup: par un cou(p) pimprévu, mais seulement avec un adjectif, et cela prend un air assez archaïque. On ne saurait aller plus loin, et l’on dira toujours, même en vers, un plom(b) assassin, un cham(p) immense, le cam(p) ennemi, un dra(p) usé, voire même un lou(p) affamé, et à fortiori du plom(b) et du fer.

 

Les gutturales ne se lient pas beaucoup plus: le cri(c) est lourd, fran(c) et net, blan(c) et noir, et aussi bien du blan(c) au noir, de flan(c) en flanc, l’étan(g) est vide, et aussi bien un étan(g) immense, n’admettent plus la liaison, même en vers.

Les jugements de cour vous rendront blan(c) ou noir[907].

Toutefois on peut encore lier, même en prose, le c de l’adjectif franc devant un substantif: un fran(c) kétourdi, et on lie toujours les expressions composées fran(c) karcher, fran(c) kalleu] et à fran(c) kétrier. Ceci permettra peut-être de lier en vers:

Être fran(c) ket sincère est mon plus grand talent[908];

mais c’est tout juste, et taba(c) kà priser ne saurait plus guère passer aujourd’hui, et moins encore il me convain(c) kassez.

Quoique le c de croc isolé ne se lie jamais, on le lie nécessairement dans cro(c)-ken-jambe (avec ouverture de l’o), les mots composés étant généralement traités comme des mots simples, où toutes les consonnes se prononceraient normalement[909].

 

Dans les mots en -spect, c’est le c qui se lie, mais on ne le lie en prose que dans l’expression inséparable respe(ct) khumain, tandis qu’en vers la liaison est encore acceptable partout:

Et cent brimborions dont l’aspe(ct) kimportune[910].

Le g ne se lie plus dans l’usage courant que dans l’expression composée san(g) ket eau. Dans la lecture, on y ajoute san(g) khumain, san(g) kartériel, en vers seulement san(g) kimpur.

On peut aussi lier en vers ou dans le style oratoire le g de ran(g): ran(g) kélevé, mais non pas cependant ran(g) kauquel! De même celui de lon(g):

Quittez le lon(g) kespoir et les vaines pensées[911].

Mais en prose on prononce sans liaison même une expression composée comme de lon(g) en large.

On voit qu’en liaison, comme nous l’avons dit, la gutturale douce devient forte[912].

On fait aussi entendre le g de jou(g) et celui de le(gs) devant une voyelle, cette fois sans le changer en c, mais ceci est plutôt un fait de prononciation qu’un phénomène de liaison.

A l’intérieur d’oran(g)-outan(g), malgré la règle générale, il n’y a pas de liaison.

D’autre part, avec cler(c) et por(c), et les mots en er(g) et our(g), la liaison est inutile, puisqu’il n’y a pas d’hiatus à éviter[913].

2º Les dentales, D et T.

Les dentales, d et t, se lient infiniment plus que les autres muettes, et ceci va nous permettre d’énoncer quelques principes généraux[914]. Naturellement, vu le nombre des liaisons, c’est ici surtout qu’intervient le goût personnel, et beaucoup de liaisons qui sont nécessaires en vers sont facultatives dans le langage courant, où l’hiatus est fréquent; mais il y a aussi des liaisons qui sont interdites partout ou obligatoires partout.

 

I. Les verbes.—Il y a d’abord l’innombrable catégorie des formes verbales, troisièmes personnes et participes.

Pour les troisièmes personnes autres que celles en -ent, et même pour aient ou soient, traités comme ait et soit, la liaison est encore très souvent obligatoire. Plus les formes sont usitées, plus la liaison est nécessaire: par exemple l’emploi de formes comme est ou sont, avait ou ont, sans liaison, est certainement incorrect, surtout si ce sont des auxiliaires, comme dans ils on(t) taimé[915]. De même devant l’infinitif: il veu(t) taller, il vi(t) tentrer, ou encore il veu(t) ty aller, il veu(t) ten avoir. On lie également, et plus nécessairement encore, quand il y a inversion du verbe et du sujet: di(t)-til, que per(d)-ton?

Hors ces cas, la liaison est moins nécessaire: il pein(t) tavec feu, ou il pren(d) tun livre, ou ils mangeaien(t) tet buvaient, ne sont pas aussi indispensables que il e(st) tà Paris; pourtant ce sont encore les seules formes qui soient admissibles, quand on veut parler correctement.

Il en est de même pour les finales muettes en -ent: on dit assez facilement et de plus en plus, ils mange(nt) un morceau et recommence(nt) à travailler; mais ils mange(nt) tun morceau, ils aime(nt) tà rire, deux noires vale(nt) tune blanche sont encore des façons de parler beaucoup plus correctes, sans qu’on y puisse relever le moindre pédantisme.

Il n’y en a aucun non plus à lier les participes, surtout les plus employés: ceci est fai(t) tavec soin, est encore fort usité, et d’une diction plus soignée que fai(t) avec soin; de même ils étaient là mangean(t) tet buvant, encore que ce ne soit pas indispensable.

 

II. Adjectifs et adverbes.—Il y a ensuite la catégorie également innombrable des adjectifs et des adverbes. Mais ici encore il faut distinguer.

Dans le langage parlé, l’adjectif se lie à peu près uniquement, mais obligatoirement, avec le substantif qui le suit; seulement on ne peut mettre devant le substantif, dans la langue courante, qu’un très petit nombre d’adjectifs généralement courts. C’est d’abord cet et tout, qui se lient toujours, étant toujours devant le substantif: ce(t) thomme ou tou(t) thomme; puis quelques autres, dont la place peut varier: gran(d) thomme, sain(t) thomme, parfai(t) thonnête homme, secon(d) tacte; de même encore ving(t) thommes ou cen(t) thommes. Cette liaison est donc en somme assez restreinte, car une expression comme froi(d) thiver appartient déjà au langage écrit; en parlant, on dit plutôt hiver froid. En tout cas, la liaison est nécessaire dans cette construction, parce que le lien y est plus étroit entre les mots ainsi placés, l’adjectif étant en quelque sorte proclitique et s’appuyant sur le substantif[916].

 

Si l’adjectif n’est pas devant son substantif, il ne se lie plus guère qu’en vers, pour éviter l’hiatus, ou tout au plus dans la lecture. Dans le langage parlé, on dira bien encore, si l’on veut, j’ai froi(d) taux pieds, parce qu’il y a là comme une expression toute faite où froid devient substantif, puisqu’on dit de même le froi(d) taux pieds. Mais on ne dit pas le chau(d) taux pieds; on dira donc j’ai chau(d) aux pieds, malgré l’hiatus de deux voyelles identiques; on dit même sans liaison chau(d) et froid, qui est pourtant une expression composée, mais composée de deux substantifs; on dira donc à fortiori alternativement chau(d) et froid; et de même presque uniquement il est gran(d) et fort, un sain(t) a pu seul..., le secon(d) est venu[917].

En revanche la préposition à requiert ordinairement la liaison de l’adjectif devant son complément, à cause du lien étroit qui les joint: tou(t) tà vous, prê(t) tà sortir[918].

 

De même que l’adjectif se lie au substantif, l’adverbe de manière se lie nécessairement à l’adjectif. C’est d’abord tout, bien entendu; par exemple il est tou(t) tautre; de même vraimen(t) taimable, tendremen(t) taimé, tout à fai(t) textraordinaire.

On dit de même encore commen(t) tallez-vous? à cause du lien intime qui unit les mots; et la liaison n’est pas moins indispensable dans quan(t) tà, comme elle se faisait autrefois dans quan(d) tet quand.

Quand le lien est moins intime, l’adverbe se lie encore, mais moins nécessairement: partou(t) toù vous serez, tan(t) til est beau, tellemen(t) ton est serré; de même pour autant ou tantôt répétés, pour aussitôt, bientôt, souvent, cependant; mais on lie nécessairement dans aussitô(t) taprès ou bientô(t) taprès.

La négation point se lie toujours, étant inséparable de ce qui la suit: je ne t’ai poin(t) taimé!

De même le pronom relatif dont et la conjonction quand: quan(d) til viendra, don(t) til est. De même ou à peu près les prépositions avant, pendant, devant et autres, avec leurs régimes: avan(t) tun jour, pendan(t) tun jour, devan(t) tune femme[919].

 

III. Les substantifs.—Les liaisons que nous venons d’examiner sont à peu près les seules. Par conséquent les substantifs en principe ne se lient plus, sauf en vers, bien entendu. Et encore, même en vers, le d ne se lie guère: un nœu(d) assorti, le ni(d) est vide, blon(d) ardent s’imposent partout et toujours. Que dis-je? Le petit cha(t) test mort, si cher aux ingénues de la Comédie-Française, a bien de la peine à passer. Sans doute c’est ainsi que Molière prononçait; mais aujourd’hui on se demande s’il ne vaudrait pas mieux éviter l’hiatus avec une pause, ou simplement laisser l’hiatus.

Quant au langage courant, il ne lie plus guère ni d ni t, même quand le substantif est suivi de son adjectif. Ceci permet de distinguer par exemple un savan(t) tAllemand, où savant est adjectif, et un savan(t) allemand, où savant est substantif, distinction qu’on ne fait pas en vers, quand on dit:

Un sot savan(t) test sot plus qu’un so(t) tignorant[920].

En prose on évitera tout au plus l’hiatus de deux voyelles identiques: en quel endroi(t) tavez-vous vu; encore cette liaison convient-elle mieux à la lecture qu’à la conversation[921].

 

Tout lui-même, qui se lie si facilement, et même si nécessairement, ne se lie plus dans le langage courant, quand il est substantif: le tou(t) et la partie, le tou(t) est de savoir, tandis que le pronom indéfini sujet se lie toujours: tou(t) test fini.

Toutefois, ici encore, la préposition à, je ne dis plus requiert, mais admet régulièrement la liaison, nous avons droi(t) tà cette faveur.

De plus la liaison reste nécessaire, comme partout, dans les mots ou expressions composés: d’abord, naturellement, celles où entre le mot tout; puis d’autres, comme gue(t)-tapens, pon(t) taux ânes, mo(t) tà mot, po(t) tà eau, po(t) tau lait, po(t) tau feu, po(t) tau noir, po(t) taux roses[922]; et aussi peti(t) tà petit, de hau(t) ten bas, d’un bou(t) tà l’autre, bou(t) tà bout, bu(t) tà but, de bou(t) ten bout, de bu(t) ten blanc, de fon(d) ten comble, de momen(t) ten moment, de poin(t) ten point[923]; et même accen(t) taigu, et c’est un droi(t) tacquis. Et ainsi pied, qui avait perdu son d, et pour lequel Malherbe et Ménage n’acceptaient aucune liaison, a repris celles de pie(d) tà terre, de pie(d) ten cap, et même pie(d) tà pied; et l’on distingue avoir un pie(d) tà terre (logement) et avoir un pie(d) à terre (sens littéral).

En revanche, cha(t) échaudé ou cha(t) en poche ne sauraient passer pour des mots composés, et la liaison ne s’y fait plus guère, malgré Littré. Elle n’est même plus indispensable dans au doi(gt) et à l’œil, pas plus que dans mon(t) Etna, mon(t) Hécla ou mon(t) Œta, où elle est seulement possible[924].

 

IV. Après un R.—Mais il y a surtout une catégorie de liaisons qu’il importe absolument d’éviter, en vers aussi bien qu’en prose: c’est celle des finales où le t est précédé d’un r; ou plutôt la liaison s’y fait si naturellement par l’r, qu’on n’a nul besoin d’en chercher une autre, qui est depuis longtemps condamnée.

C’est une chose dont on ne convaincra pas facilement la plupart des comédiens! Et je ne parle pas seulement des chanteurs, qui ne croiraient pas vibrer suffisamment s’ils ne criaient pas Mor(t) tà l’impie! La tradition est pareille à la Comédie-Française, mais elle n’en est pas meilleure, et prendre par(t) tà, qu’on y entend, ne saurait pas plus passer que par(t) tà deux, qui serait grotesque.

De même, avec un d, bavar(d) impudent, regar(d) effaré, abor(d) aimable, sour(d) et muet, et aussi bien avec un t, art exquis ou même ar(t) oratoire, un quar(t) au moins, un rempar(t) infranchissable, déser(t) immense, por(t) ouvert, ver(t) et bleu, et à fortiori le sor(t) en est jeté, ne sauraient admettre de liaison en aucune circonstance et sous aucun prétexte.

Même si l’adjectif est devant le substantif, mieux vaut ne pas lier: un for(t) avantage, un cour(t) espace de temps. Il en est de même des verbes: il par(t) au matin, il conquier(t) un empire, il est mor(t) avant l’âge.

Ainsi la règle est presque absolue aujourd’hui et on n’y fait plus que fort peu d’exceptions.

L’usage s’est généralisé peu à peu de lier le t de l’adverbe fort, par analogie avec trop, tant et les autres; on dit donc aujourd’hui généralement for(t) thabile ou for(t) taimable, mais jamais le for(t) tet le faible, ni le plus for(t) ten est fait, ni même for(t) ten gueule[925].

On lie aussi le t, bien entendu, dans les formes interrogatives, qui d’ailleurs sont de moins en moins usitées: par(t)-til? d’où sor(t)-til? On peut même dire cela ne ser(t) tà rien, pour éviter la cacophonie de rarien, mais jamais qui ser(t) tà table.

Enfin on dit généralement de la mor(t) taux rats, pour le même motif[926].

C’est à peu près tout. Je ne conseille même pas plus par rappor(t) tà et de par(t) tet d’autre, qui se disent très souvent, que de par(t) ten par(t), qui est devenu fort rare, ou bor(d) tà bord, mor(t) tou vif, souffrir mor(t) tet passion, à tor(t) tet à travers, qui ne se disent jamais.

On ne dit pas non plus du nor(d) tau midi; mais beaucoup de personnes disent nor(d)-dest et nor(d)-douest, sans doute par analogie avec sud-est et sud-ouest. Cette assimilation, d’ailleurs fort ancienne, est extrêmement contestable, car le d de sud se prononce toujours, et celui de nor(d) jamais; aussi le d de sud reste-t-il d dans sud-ouest, fort légitimement; mais à quel titre le d de nord peut-il se prononcer d dans nor(d)-ouest ou nor(d)-est? Sans doute il est possible de traiter le mot composé comme un mot simple, et il est vrai que les marins disent aussi nordet, par analogie avec sudet; mais en revanche ils disent noroit, et même suroit, ce qui est remarquable. Je conclus qu’il vaut mieux prononcer nor(d)-ouest, ce qui entraîne à peu près nécessairement nor(d)-est.

LIAISONS DES SPIRANTES

1º Les chuintantes et les fricatives.

Les chuintantes, n’étant jamais muettes à la fin d’un mot, n’ont pas de liaisons.

Les fricatives n’en ont pas davantage. Pourtant il y a une exception, reste de l’ancienne liaison de l’f avec changement en v[927]. Voici dans quel cas. Nous avons vu que neuf se prononçait neu fermé sans f devant un pluriel, ce qui doit amener régulièrement une liaison si ce pluriel commence par une voyelle. Or, dans cette liaison, l’f devrait se changer en v, comme dans neuvaine et neuvième. Mais ce phénomène ne se retrouve guère en réalité que dans deux expressions, d’ailleurs extrêmement usitées, et qui pour ce motif se conservent intactes: d’une part, neu(f) vans, dix-neu(f) vans, etc., d’autre part, neu(f) vheures. C’est à peu près tout: à peine peut-on dire neu(f) vhommes; en tout cas il est bien difficile aujourd’hui de dire neu(f) vœufs ou neu(f) venfants; c’est pourquoi, devant la plupart des pluriels commençant par une voyelle, la liaison, si c’est une liaison, se fait généralement par f; plus exactement, on prononce neuf, comme si le mot qui suit n’était pas un pluriel: neuf amis, et même neuf années, à côté de neu(f) vans[928].

2º Les sifflantes, S, X, Z.

Restent les sifflantes, s et z, et aussi x, partout où il remplace l’s, c’est-à-dire partout où il ne se prononce pas.

Le cas des sifflantes est au moins aussi important que celui des dentales, et demande à être aussi étudié de près.

Là encore il y a beaucoup de liaisons qui, nécessaires en vers, sont facultatives en prose, d’autres qui sont encore obligatoires partout ou interdites partout.

De plus, les principes généraux sont sur beaucoup de points les mêmes que pour les dentales, ce qui nous permettra de passer plus rapidement sur ces points.

J’ajoute que la liaison se fait toujours en s doux ou z: c’est un cas particulier de la prononciation de l’s entre deux voyelles. Le phénomène est si général et si nécessaire, que l’s dur qui sonne à la fin des mots s’adoucit couramment devant une voyelle, quand les mots sont liés par le sens: on dit beaucoup moins fi(ls) sunique que fi(ls) zunique[929].

 

I. Les différentes espèces de mots.—Comme pour le t, les substantifs en principe ne se lient guère qu’en vers ou dans la lecture; je parle bien entendu des substantifs singuliers, le pluriel étant l’objet d’un examen spécial.

Même des expressions aussi courantes que la voix humaine, le temps est beau, ou même un avis important, qu’on peut encore lier si l’on veut, s’emploieront plutôt sans liaison dans la conversation courante[930].

La liaison n’est plus guère nécessaire que dans les expressions toutes faites, comme pa(s) zà pas, au pi(s) zaller, de temp(s) zen temp(s), de temp(s) zà autre, en temp(s) zet lieu, do(s) zà dos, do(s) zau feu et ventre à table, ou encore la pai(x) zet la guerre, pour éviter un hiatus désagréable. En revanche, il y a des substantifs qui n’admettent jamais aucune liaison, comme noix, nez ou riz: ne(z) aquilin, ne(z) au vent, nez à ne(z), ri(z) au lait.

On peut même dire que tous les noms propres sont dans ce cas: c’est à peine si l’on pourrait dire, dans la conversation, Pari(s) zest grand.

 

Les adjectifs se lient aussi dans les mêmes conditions que pour le t, mais il y en a beaucoup moins. On dira donc bas zétage toujours, ou encore gras zà lard; mais ba(s) zet profond dans la lecture seulement, ba(s) et profond dans la langue parlée.

 

Il en est de même encore pour les verbes. Dans les formes les plus courantes, la liaison est indispensable, et l’on ne conçoit guère les formes des verbes être et avoir sans liaison. Et pourtant elle est déjà moins indispensable dans l’usage à la suite de nous avons et vous avez qu’avec les monosyllabes du singulier, je suis, tu es, tu as, et aussi nous sommes, vous êtes; elle est même moins indispensable après tu as qu’après tu es[931].

Elle est encore évidemment nécessaire devant y et en toniques: va(s)-zy, alle(z)-zy, et même avec e muet: songe(s)-zy bien, donne(s)-zen[932].

La liaison est un peu moins nécessaire, mais c’est encore la prononciation correcte, comme pour le t, devant y et en atones, et devant un infinitif: je veu(x) zaller, je veu(x) zy aller ou vous aime(z) zà rire; moins encore dans tu va(s) zen Suisse, ou en est préposition. Pourtant beaucoup de personnes diront très naturellement si tu va(s) zà Paris, pour éviter l’hiatus désagréable de deux voyelles identiques, mais ce n’est point indispensable; pas davantage dans je rend(s) à César ou rende(z) à César. On parlera plus loin des formes à e muet suivi d’un s.

 

La liaison est encore nécessaire avec les prépositions monosyllabiques, dans, dès, sans, chez, sous, devant leurs régimes[933]: dan(s) zun jour, san(s) zamour, che(z) zelle, sou(s) zun arbre; elle est un peu moins indispensable avec après ou depuis. Elle est réservée à la lecture avec ci-inclus, non compris ou même hormis, tout à fait inusitée avec hors, vers, envers, à travers, dont nous parlerons tout à l’heure.

La liaison doit se faire aussi correctement avec les mots négatifs pas, plus, jamais, si peu qu’ils soient liés au mot suivant: je n’aime pa(s) zà boire, nous n’irons plu(s) zau bois, jamai(s) zon a vu; de même avec les adverbes de quantité plus, moins, très, assez, portant sur le mot qui suit: plu(s) zaimable, moin(s) zil en fait, et même, en vers, asse(z) zet trop longtemps.

Elle se fait naturellement dans des expressions composées, comme de mieu(x) zen mieux, de plu(s) zen plus, de moin(s) zen moins, voire même, si l’on veut, d’ore(s) zet déjà, sans parler de vi(s)-zà-vis.

D’autres adverbes, comme autrefois, parfois, quelquefois, désormais, longtemps, puis, se lient encore très correctement, mais plutôt dans la lecture.

La conjonction mais se lie fort bien aussi, même par-dessus une virgule, car les conjonctions monosyllabiques, à moins qu’on ne veuille produire un effet spécial, ne se séparent guère des mots qui les suivent:

Mai(s), zen disant cela, songez-vous, je vous prie...[934].

 

II. Les pluriels.—Mais le rôle principal de la liaison ici, celui qu’elle paraît devoir jouer pendant longtemps encore, c’est de marquer le pluriel. Sur ce point, elle ne fléchit guère.

C’est pour cela que les articles pluriels, les, des, aux, ainsi que ces, les adjectifs possessifs ou indéfinis, mes, les, ses, nos, vos, leurs, certains, plusieurs, etc., les adjectifs numéraux, deux, trois, six, dix, quatre-vingt, se lient encore sans exception, devant un substantif, bien entendu, même précédé de son adjectif: le(s) zamis, ce(s) zhommes, certain(s) zauteurs, plusieur(s) zautres personnes, deu(x) zaimables personnes, et même deu(x) zix(x) ou troi(s) zem (m), et aussi, avec double liaison, ce(s) zaimable(s) zenfants.

Ces liaisons sont si nécessaires que le peuple ajoute volontiers quatre à deux, trois, six et dix: le bal des Quat(re) zArts et même par quatre zofficiers.

Que dis-je? L’expression entre quat(re) zyeux a été l’objet de nombreuses discussions, beaucoup de grammairiens, et notamment Littré, l’ayant admise. Et il est certain que entre quatre yeux est difficile à prononcer, mais entre quat’yeux serait encore plus facile que entre quat’zyeux; ce n’est donc pas pour son euphonie que cette expression s’est répandue. En réalité, ce n’est même pas une question de liaison: l’expression vient tout simplement de ce que pour le peuple le mot œil n’a pas d’autre pluriel que zyeux, et non yeux, qu’il ignore[935].

Si ces mots ne sont pas suivis d’un substantif, la liaison ne se fait plus dans la conversation: ainsi plusieur(s) ont prétendu, où plusieurs devient pronom; de même deu(x) et deux quatre, troi(s) et trois six, ceu(x) et celles, toutes liaisons qui se font fort bien dans la lecture. On peut bien lier aussi troi(s) zavril, quoique ce soit tout autre chose que troi(s) zans; mais ce sera uniquement pour éviter un hiatus désagréable; et l’on dira plus naturellement deu(x) avril, sans liaison.

 

Les pronoms personnels nous, vous, ils, elles, et même les, devant les verbes ou devant en et y, sont à peu près dans la même situation que les adjectifs devant les substantifs. Aussi lie-t-on nécessairement: nou(s) zavons dit, je vou(s) zai vu, elle(s) zont fait, elle(s) zen ont, elle(s) zy vont, je le(s) zattends.

Mais quand ces mots ne sont pas dans cette position, ils ne se lient plus dans la conversation: pour vou(s) et pour nous, donne-le(s) à mon père; donne-le(s) zà mon père semble tout à fait prétentieux. Eux lui-même ne se lie pas devant le verbe, parce qu’il n’est pas proclitique comme ils: eu(x) ont été à Paris. Toutes ces liaisons se font naturellement dans la lecture.

 

Il va sans dire que l’adjectif se lie avec le substantif qui le suit, puisque cette liaison se fait déjà au singulier; mais même les mots qui ne se lient pas au singulier, adjectifs ou substantifs, peuvent se lier au pluriel: grand(s) zet forts, les saint(s) zont dit, les second(s) zont fait, et aussi des gen(s) zâgés.

Et ceci pourra servir à l’occasion à marquer une différence de sens, car on distinguera correctement un marchand de drap(s) zanglais, où anglais est l’épithète de draps, et un marchand de drap(s) anglais, où anglais est l’épithète de marchand.

Cette liaison est particulièrement nécessaire dans les mots ou expressions composées qui n’ont pas de singulier comme Cham(ps)-zÉlysées ou Éta(ts)-zUnis[936].

Il y a toutefois des mots qui ne pourraient pas supporter la liaison: on a vu des match(s) admirables[937]. Mais la tendance générale est si forte qu’on ajoute parfois l’s doux même à l’s dur: les mœurs zantiques, ce qui mène à mœurse zantiques.

En pareil cas, c’est l’s dur qui doit prévaloir, bien entendu: puisque l’s final sonne partout, il doit sonner devant une voyelle comme devant une consonne. On dira donc de préférence des our(s) saffamés, puisqu’on ne dit plus des our(s), et de même des fil(s) saimables.

On préfère cependant tou(s) zensemble, pour éviter la cacophonie de sansan. L’s de tous a d’ailleurs une tendance à s’adoucir devant une voyelle, ne fût-ce que par analogie avec celui de tou(s) atone et proclitique, qui est forcément doux: à tou(s) zégards, ceci étant un cas ordinaire de liaison.

Et voici encore une remarque curieuse. De ce que les substantifs et adjectifs qui ne se lient pas au singulier peuvent se lier au pluriel, il résulte cette conséquence inattendue, que les mots qui ont déjà un s final au singulier, et qui, au singulier, ne se lient pas dans la conversation, peuvent le faire au pluriel: un ca(s) intéressant, des ca(s) zintéressants, un repa(s) excellent, des repa(s) zexcellents[938].

On voit même l’s s’intercaler et se lier nécessairement dans genti(ls)zhommes, soit parce qu’il ne fait qu’un mot, soit par analogie avec grand(s) zhommes[939].

 

La liaison est également nécessaire quand une des conjonctions et, ou, unit deux substantifs sans article entre eux; et cela non seulement dans les expressions toutes faites qui ont un article en tête, comme les pont(s) zet chaussées, les voie(s) zet moyens, les voie(s) zet communications, mais même entre deux substantifs quelconques sans aucun article, comme vertu(s) zet vices, leçon(s) zou devoirs, vin(s) zet liqueurs: outre que le lien est ainsi plus étroit, la liaison est nécessaire pour marquer le pluriel en l’absence d’article.

Quand il y a deux articles, la liaison avec la conjonction reste correcte, mais n’est plus nécessaire. On peut donc dire les messieur(s) zet les dames, ou plus simplement les messieur(s) et les dames, tout comme messieur(s) un tel et un tel[940].

 

Au contraire, les mots composés ordinaires, j’entends ceux qui ont un singulier[941], sont traités comme les mots simples, et ne peuvent marquer leur pluriel qu’à la fin. Ainsi l’s intérieur du pluriel, quand il y en a un, et même s’il n’y en a pas d’autre, ne s’y prononce jamais, le pluriel se prononçant alors comme le singulier. On dira donc, sans exception, des orang(s)-outangs, des char(s)-à-bancs, et tout aussi bien des ar(cs)-ken-ciel, des cro(cs)-kenjambe, des por(cs)-képics, des gue(ts)-tapens, des po(ts)-tau-feu, la consonne c ou t de ces mots, qui en fait sert d’initiale à la seconde syllabe, ne permettant pas l’introduction de l’s[942].

On dira même de préférence les du(cs) ket pairs, parce que duc(s) zet pairs ferait supposer qu’il s’agit de deux catégories distinctes. On dira de même sans liaison des moulin(s) à vent, des ciseau(x) à froid, des salle(s) à manger[943]. Dans l’exemple de salle(s) à manger, nous retrouvons encore la question de l’e muet, qu’il faut traiter à part.

 

III. L’S après l’E muet.—En principe, l’e muet a une tendance naturelle à s’élider sans liaison, quand il est suivi d’un s. Il est même assez rare que le peuple fasse la liaison de l’s après un e muet; il va jusqu’à dire elle(s) ont fait ou vous ête(s) un brave homme.

Pourtant l’s du pronom elles ne peut pas correctement ne pas se lier. Il en est de même, nous l’avons dit, des impératifs devant en et y: donne(s)-zen, songe(s)-zy bien; et aussi des formes verbales monosyllabiques si usitées, sommes et êtes: nous somm(es) zamis, vous ête(s) zun brave homme.

Il y a encore deux formes verbales pareilles, dites et faites, qui sont dans le même cas: dite(s) zun mot, vous faite(s) zun beau travail; on est peutêtre un peu moins exigeant pour dites que pour faites, mais ce n’est qu’une nuance[944].

On ne peut pas non plus ne pas lier l’adjectif pluriel placé devant le substantif: jeune(s) zannées. On liera même très bien le substantif pluriel avec l’adjectif qui suit: les Inde(s) zoccidentales, les Pyrénée(s)-zOrientales, qui sont d’ailleurs un mot composé, les femme(s) zanglaises[945]; et l’on pourra distinguer aussi une fabrique d’arme(s) zanglaises, où l’épithète qualifie armes, et une fabrique d’arme(s) anglaise, où l’épithète qualifie fabrique.

On dira aussi, sans article, homme(s) zet femmes, femme(s) zou enfants, sage(s) zet fous, et la liaison restera possible avec l’article, sans être nécessaire.

De même, on peut dire à la rigueur deux livre(s) zet demie. Pourtant il n’est guère admis de dire deux heure(s) zet demie: cette prononciation a un air prétentieux, ou témoigne du moins d’une certaine recherche, qui n’est pas exempte d’un pédantisme inconscient, et l’on fera mieux de dire deux heures et demie, comme une heure et demie; quant à dire deux heure(s) zet quart ou deux heure(s) zun quart, je ne crois pas qu’on s’y risque beaucoup, non plus qu’à dire entre onze heure(s) zet midi ou trois heure(s) zaprès: ce serait presque ridicule, alors qu’on dit correctement trois an(s) zaprès. On ne dit pas davantage des pompe(s) zà vapeur, sans parler des maître(s) zès arts, qui est imprononçable.

On dira même moins souvent ou moins facilement dans la conversation: ces homme(s) zont fait leur devoir que: ces gen(s) zont fait leur devoir.

On voit que la liaison de la syllabe muette avec s, au pluriel, est plus restreinte dans la langue parlée que celle de la syllabe tonique. Même dans la lecture ou le discours, elle est souvent évitée comme désagréable à l’oreille, et il y a une foule de cas où elle ne peut se faire qu’en vers. Mais là elle est naturellement indispensable, sans quoi les vers seraient faux:

Et fit tourner le sort des Perse(s) zaux Romains[946].
Nos prince(s) zont-ils eu des soldats plus fidèles?[947].

A vrai dire, les poètes mettent quelquefois le lecteur à de rudes épreuves, jusqu’à Racine lui-même:

Mes promesse(s) zau(x) zun(s) zéblouirent les yeux[948].

Encore peut-on se tirer d’affaire ici par une pause après promesses; mais alors le vers paraît clocher, parce que l’e muet a l’air de s’élider. Ce sont des pauses qu’il faut éviter autant que possible, et l’on n’hésitera pas à dire, par exemple:

Quels reproche(s), zhélas! auriez-vous à vous faire?[949].

car le mot hélas! se lie assez bien à ce qui précède. Il y a d’ailleurs des pauses qui ne sont guère possibles, comme dans

Et le soir on lançait des flèche(s) zau(x) zétoiles,

où la liaison de flèches demande de la délicatesse[950].

Si l’s même du pluriel ne se prononce pas toujours volontiers dans l’usage courant après un e muet, il en est de même à fortiori pour celui de la seconde personne du singulier, à part l’impératif suivi de en ou y. Car on est bien obligé de dire songe(s)-zy ou donne(z)-en, puisque l’s a été mis là exprès pour cela. Ou plutôt l’s a été prononcé là avant qu’on ne l’écrivît; mais on dit de préférence sans liaison: tu aime(s) à rire, tu chante(s) à ravir.

Sans doute, tu chante(s) zà ravir irait encore assez bien en vers; mais que dire de Tu lâche(s) zOscar, que Victor Hugo a mis dans la Forêt mouillée?

D’autre part, quand Lamartine écrit dans la Mort de Socrate:

Toi qui, m’accompagnant comme un oiseau fidèle,
Caresse encor mon front au doux vent de ton aile,

il fait une faute d’orthographe, c’est certain, et il en a fait beaucoup de pareilles; mais peut-être a-t-il mieux aimé la faire que d’écrire Me caresse(s) zencore, qui était facile. On se demande lequel des deux valait le mieux. Tout bien considéré, je crois que les poètes auraient mieux fait d’élider franchement et par principe, malgré l’s, toutes ces secondes personnes de première conjugaison.

 

Quant à l’s des noms propres, il est vraiment impossible de le prononcer, même dans la lecture ou le discours; si on ne le prononce pas après une consonne ou une voyelle simple, ce n’est pas pour le prononcer après un e muet: imagine-t-on Versaille(s) zest superbe, George(s) zOhnet ou Charle(s)-zAlbert?

Ces liaisons étaient sans doute possibles autrefois, mais il y a longtemps, et aujourd’hui les poètes eux-mêmes préfèrent supprimer l’s. Voici par exemple deux vers d’Aymerillot, où Victor Hugo avait le choix:

Le bon roi Charle est plein de douleur et d’ennui.
Charle, en voyant ces tours, tressaille sur les monts.

Ni bon, ni en n’étaient indispensables; mais dans le premier vers, le poète n’a pas voulu d’une liaison qui contredisait si catégoriquement l’usage universel, et peut-être a-t-il ajouté bon uniquement pour l’éviter; dans le second, il a mieux aimé, ayant le choix, supprimer l’s que de supprimer en[951].

Victor Hugo, Edmond Rostand font généralement de même pour l’adverbe certes. Suivant les besoins du vers, Molière écrit certe ou certes, et grâce ou grâces.

 

IV. L’S après un R.—Enfin, de même que pour le t, il importe particulièrement d’éviter la liaison de l’s précédé d’un r, sauf deux cas: d’une part, dans un mot composé, comme tier(s)-zétat, traité comme un mot simple[952]; d’autre part, au pluriel.

Et encore, au pluriel, il faut distinguer.

On dira uniquement plusieur(s) zenfants et diver(s) zauteurs, parce que l’adjectif est devant le substantif, et aussi des jour(s) zheureux, pour éviter une cacophonie. Mais déjà on pourra dire au choix des part(s) zégales, à cause du lien qui existe entre les mots, ou des part(s) égales, comme au singulier; de même des ver(s) zadmirables ou des ver(s) admirables.

Et l’on dira plutôt des cor(s) anglais, parce que cor anglais est presque un mot composé, qui se prononce au pluriel comme au singulier; de même, à fortiori, des cuiller(s) à café, des fer(s) à repasser, des ver(s) à soie[953].

Si l’usage a fait prévaloir, du moins parmi les spécialistes, art(s) zet métiers, art(s) zet manufactures, c’est que ce sont là comme des mots composés dont le singulier n’existe pas, ce qui rappelle le cas de Cham(ps)-zÉlysées.

On dira encore fort bien: aveugles, sourd(s) zet muets, tous guérissaient, parce qu’il s’agit de catégories différentes, mais on dira les sour(ds) et muets, comme au singulier, et aussi les sour(ds) et les muets, les bavar(ds) aiment à..., ses discour(s) ont quelque chose de...

 

Telles sont les distinctions qu’on peut faire au pluriel. Au singulier, c’est plus simple: il n’y a pas de distinctions à faire. On dira uniquement un ver(s) admirable, comme une par(t) égale, et de même à fortiori l’univer(s) est immense, et cela où que ce soit, en vers comme en prose, puisqu’il n’y a pas d’hiatus à éviter, ni de vers qui fussent faux sans cela. La liaison ici est non seulement inutile, puisque l’r se lie naturellement avec la voyelle qui suit, mais de plus prétentieuse, n’étant plus employée nulle part. Il y a beau temps déjà que Legouvé, dans son Art de la lecture, raillait le corp(s) zensanglanté d’un certain avocat.

On ne fait même pas de liaisons dans des expressions qui pourraient passer pour composées, comme corp(s) et âme ou corp(s) à corps ou prendre le mor(s) aux dents[954].

On n’en fait pas davantage dans les verbes: je par(s) aujourd’hui, tu sor(s) avec moi.

Avec l’adverbe toujours, la liaison, de moins en moins fréquente, est encore admise ou tolérée, même en parlant, sans doute en souvenir du pluriel qui est dans le mot. Mais les prépositions hors, vers, envers, à travers ne doivent pas plus se lier que les autres mots, même dans une expression toute faite, comme enver(s) et contre tous. Il y a peu de liaisons plus désagréables, je dirais presque plus désobligeantes, que celle de ver(s) zelle[955].

Je rappelle, pour terminer, que les liaisons les plus correctes, si elles ne sont pas absolument indispensables, doivent être évitées, même dans la lecture, si elles produisent une cacophonie. Or, c’est avec l’s que le cas se produit le plus facilement. Ainsi tu a(s) zôté est parfaitement correct: tu le(s) zas est indispensable; mais tu le(s) za(s) zôtés est inadmissible; on dira donc tu le(s) a(s) ôtés, la seconde liaison n’étant pas indispensable comme la première.

LIAISONS DES NASALES

En résumé, nous n’avons trouvé jusqu’ici de liaisons importantes et vivantes qu’avec le son du t ou de l’s doux. Il y en a encore une, moins importante, mais très curieuse, c’est celle de l’n dans les finales nasales, l’m ne se liant jamais.

Les finales nasales se liaient autrefois, comme toutes les consonnes, et par suite ne faisaient pas en vers les hiatus qu’elles font aujourd’hui pour nous[956].

Aujourd’hui la liaison des nasales est réduite presque uniquement aux adjectifs placés devant le substantif, cas essentiel, comme on l’a vu, en matière de liaison. Or les adjectifs qui peuvent être à cette place sont en somme assez peu nombreux, surtout en prose.

La plupart des adjectifs qui peuvent se lier sont en -ain: certain, hautain, lointain, humain, prochain, soudain, souverain, vain et vilain, avec plein, ancien et moyen. Mais la liaison offre ici un phénomène très remarquable, car la nasale se décompose, et c’est le son du féminin qu’on entend: certai-nauteur, un vai-nespoir, un vilai-nenfant, en plei-nair, le moye-nâge, un ancie-nami, et même au prochai-navertissement; et en vers, ou dans le style oratoire, un certai-nespoir, un soudai-nespoir, ou encore:

Agrippine, Seigneur, se l’était bien promis:
Elle a repris sur vous son souverai-nempire[957].

On dit de même un mie-nami, un sie-nami, expressions d’ailleurs assez rares[958].

On conçoit que l’existence du féminin a singulièrement facilité, ou peut-être, pour mieux dire, a seule permis cette décomposition. On se rappelle d’ailleurs que la voyelle orale qui correspond phonétiquement au son in n’est pas i, mais bien è, ce qui facilite encore la décomposition: in devient è très naturellement[959].

Il est vrai que quelques personnes lient sans décomposer: plein nair; mais c’est encore une erreur, qui provient uniquement du fétichisme de l’orthographe, et du besoin de prononcer les mots comme ils sont écrits. Ou peut-être est-ce un respect scrupuleux d’anciennes traditions: l’abbé Rousselot a remarqué que cette prononciation se rencontre de préférence dans certains milieux traditionalistes et réactionnaires.

En tout cas, elle est presque aussi surannée que an-née, solen-nel ou ardem-ment prononcés avec des nasales[960].

Naturellement on dira sans liaison: vain et faux, ancien et démodé, etc., l’adjectif n’étant pas devant un substantif.

 

Il y a encore quelques autres adjectifs qui sont dans le même cas que les adjectifs en -ain.

Il n’y en a point en -an, et cette finale ne doit jamais se lier.

En -on, il y a bon, et le phénomène est exactement le même: un bo-nélève, et non un bon nélève[961]; alors qu’on dit bon à rien, bon à tirer, sans liaison.

L’exemple de bon est suivi par mon, ton, son, qui sont aussi des adjectifs, et sont traités comme si leurs féminins étaient monne, tonne, sonne: mo-nhabit, to-namour, so-nesprit[962].

Le cas des adjectifs en -in est plus délicat, car -in fait au féminin -ine, qui ne correspond pas phonétiquement au masculin. Pourtant la grande diffusion des cantiques de Noël a répandu et imposé l’expression divi-nenfant. Par analogie, on dira très correctement divi-nAchille, divi-nUlysse, divi-nHomère; mais ici la décomposition de la nasale s’impose moins absolument, quoique la liaison soit également indispensable. C’est d’ailleurs le seul adjectif en -in qui puisse se décomposer: malin esprit ou fin esprit se lieront donc au besoin sans décomposition; mais je pense qu’esprit malin et surtout esprit fin vaudraient beaucoup mieux[963].

 

On peut dire de -un la même chose que de -in: le féminin ne correspond pas phonétiquement au masculin[964]. Néanmoins l’adjectif un s’est longtemps décomposé comme les autres, et Littré disait encore u-nhomme. Cette prononciation a disparu à peu près complètement, à Paris du moins, chez les personnes instruites. Cela tient sans doute à ce que des confusions de genre se sont produites. Par exemple le peuple faisait u-nomnibus du féminin. Dès lors les personnes instruites ont craint peut-être qu’on ne les accusât de faire féminins des noms masculins, et l’usage s’est établi de faire la liaison sans décomposer: un nhomme, un nami, un nun[965].

On dit aussi un nà un, et même, si l’on veut, l’un net l’autre[966]; mais on dit sans liaison un ou deux, et même un et un font deux, l’un est venu, l’autre est resté; et à ving et un nans, où ans est multiplié par ving et un, on opposera vingt et un avril, où avril n’est pas multiplié[967].

Aucun a fait exactement comme un, dont il est composé, et conserve aujourd’hui le son nasal en se liant devant un substantif: un nhomme, aucun nhomme. On dit aussi d’un commun naccord, ou encore chacun nun, qui évite un hiatus désagréable, et même, en géométrie, chacun nà chacun; mais, à part ces expressions, on lie très rarement chacun et quelqu’un, et seulement dans la lecture.

Outre les adjectifs, il y a encore cinq ou six mots invariables qui se lient: les pronoms indéfinis en (pronom ou adverbe), on et rien, l’adverbe bien et la préposition en, parfois même l’adverbe combien. Ces mots-là aussi se lient sans se dénasaliser, tout simplement sans doute parce qu’ils n’ont pas et ne peuvent pas avoir de féminin: ainsi je n’en nai pas, s’en naller, on na dit, je n’ai rien naccepté, rien nà dire, rien nautre, vous êtes bien naimable, ou bien nà plaindre, bien nentendu, c’est bien nà vous de..., en nAsie, en nargent, en nétourdi, en naimant; et aussi, mais moins nécessairement, combien navez-vous de...?[968].

Naturellement, pour que la liaison puisse se faire, il faut que le lien entre les mots soit suffisant, car on dira sans liaison donnez-m’en un peu, parlez-en à votre père, a-t-on été, je n’ai rien aujourd’hui, rien ou peu de chose, nous sommes bien ici, bien et vite, combien y a-t-il d’habitants à Paris? et cela même en vers, au moins dans les premiers exemples.

Mieux encore: il arrive que on est traité comme une sorte de nom propre, et en ce cas il ne se lie pas. Ainsi, à une phrase telle que on na prétendu que..., il sera répondu, sans liaison: On est un sot, comme on dirait Caton est un grand homme.

*
* *

CONCLUSION

En somme, et tout bien considéré, on a pu voir que même en prose, même dans la conversation la plus courante, il se fait encore un assez grand nombre de liaisons, dont certaines sont absolument indispensables. Il est même à noter que, pour quelques liaisons qu’on faisait autrefois et que nous ne faisons plus, en revanche la diffusion de l’enseignement a rétabli dans l’usage courant de la conversation beaucoup de liaisons que le XVIIᵉ siècle et le XVIIIᵉ n’y faisaient déjà plus. Au XVIIᵉ siècle, les personnes les plus instruites disaient couramment sans liaison, d’après le témoignage des meilleurs grammairiens, cités par Thurot: vene(z) ici, je sui(s) assez bien, voyon(s) un peu, avez-vou(s) appris, des cruauté(s) inouïes, des tromperie(s) inutiles, et même d’inutile(s) adresses; et encore commen(t) avez-vous dit, i(ls) doive(nt) arriver, nous somme(s) allés; toutes façons de parler qui subsistent plus ou moins dans le langage de la bonne compagnie, celle qui, par tradition, garde, dans la conversation comme dans les manières, cette simplicité qui est une de ses élégances.

Il nous faut répéter, pour conclure, ce que nous avons dit maintes fois dans cet ouvrage: le parler des gens du monde n’est pas celui des professeurs, des acteurs, et, en général, des gens qui font profession de la parole, avocats, hommes politiques, etc.

Molière avait bien remarqué ces nuances, comme il se voit par les recommandations qu’il adresse à l’un des comédiens de l’Impromptu de Versailles: «Vous faites le poète, vous, et vous devez vous remplir de ce personnage, marquer cet air pédant qui se conserve parmi le commerce du beau monde, ce ton de voix sentencieux, et cette exactitude de prononciation qui appuie sur toutes les syllabes, et ne laisse échapper aucune lettre de la plus sévère orthographe.»

Depuis le temps de Molière, et pour diverses raisons, les façons de parler prétentieuses qu’il raillait si bien ont gagné du terrain, et elles ont atteint des classes sociales qui, jusqu’à présent, en étaient exemptes. Mais, aujourd’hui comme autrefois, le dire de l’abbé d’Olivet reste vrai: «La conversation des honnêtes gens est pleine d’hiatus volontaires qui sont tellement autorisés par l’usage que, si l’on parlait autrement, cela serait d’un pédant ou d’un provincial.»

INDEX ALPHABÉTIQUE

DES FINALES

a, b, c, e, f, g, i, l, m, o, p, q, s, t, u, v, y.

-a, 18.
-ab, -abe, 23.
-able, -âble, 30.
-abre, 32.
-ac, 21, 212.
-ace, -âce, 22.
-ache,-âche, 22.
-acle, -âcle, 30.
-acre, -âcre, 31.
-act, 215.
-ad, -ade, 24.
-adre, 31-32.
-af, -afe, 22.
-afle, 30.
-afre, -âfre, 31.
-ag, 24.
-age, 29.
-agne, 26.
-agre, 31.
-ague, 24.
-ah, 19.
-ai, 79.
-aï, 119.
-aid, 81, 229.
-aide, 83.
-aie, 56, 81.
-aigne, 83.
-ail, 26, 259.
-aile, 83.
-aille, 26, 28, 264.
-ailler, -ailleur, etc., 35-36.
-aime, 83-84.
-ain, 344.
-ainc, 213.
-aine, 84.
-aing, 236-37.
-ains, 308.
-air, -aire, 84, 292.
-airie, 85.
-ais, 81, 302.
-aise, 84.
-aisse, 83.
-ait, 81, 327.
-aite, 82.
-aître, 85.
-aix, 344.
-ak, 45.
-al, 24, 258.
-ale, -âle, -alle, 24.
-am, 24, 129-131, 274.
-ame, -âme, -amme, 24.
-amment, 276.
-an, 25, 134.
-anc, 213.
-and, 135, 228.
-ane, -âne, -anne, 25-26.
-ang, 236-238.
-ans, 303-309.
-ant, 135, 228, 329.
-ap, 21, 284.
-ape, -âpe, -appe, 21.
-aphe, 22.
-aple, 31.
-apre, -âpre, 31.
-aque, -âque, 21.
-ar, 28, 292.
-ard, 28, 228.
-are, -arre, 28, 29.
-archat, 222.
-archie, 224.
-aron, -arron, 36.
-art, 28, 330.
-as, 19-20, 23, 300-301.
-ase, 29.
-aser, -asif, etc., 34, 36.
-asme, 275, 315.
-ass, -asse, -âsse, 22.
-asser, 34.
-assion, 38.
-at, 19, 45, 325.
-ate, -âte, -atte, 19, 45.
-ateur, -ation, -atif, 38.
-atre, -âtre, 31.
-atrice, -ature, 38.
-au, 113, 116.
-aube, -auce, etc., 114.
-aud, 113, 229.
-aude, -auffe, etc., 114.
-auld, 229, 261.
-ault, 268, 328.
-aur, -aure, 114-15.
-aut, -aute, 113-14, 328.
-auté, 115.
-aux, 344.
-ave, 29.
-avre, 32.
-ay, 80.
-aye, 28, 83, 191.
-ayer, 163, 191, 193.
-az, -aze, 29, 350-51.

-berg, 67, 236, 238.
-bourg, -burg, 236, 238.
-burn, -burns, -bury, 126.

-chée, -chéen, 223.
-cher, 293-94.
-chi, 226.
-chin, 224.
-chine, -chique, -chisme, -chiste, 225.
-chite, 225.
-cueil, 93, 259.

-é, 52.
-e latin ou étranger, 52, 75-76.
-è, 54.
-eb, -èbe, 61.
-èble, -èbre, 68.
-ec, -ecq, -ecque, 57, 212.
-èce, 59-60.
-èche, -êche, 59.
-ècle, -ècre, 68.
-ect, 215-16.
-ed, -ède, 61.
-èdre, 68.
-ée, -ées, 56.
-éen, 137.
-ef, -effe, 59, 231.
-èfle, -effre, 68.
-eg, 61.
-ège, 65.
-ègle, 68.
-ègne, 64.
-ègre, 68.
-ègue, 61.
-eiche, -eige, etc., 82-85.
-eil, 65, 259.
-eille, 65, 83, 264.
-é-je, 65.
-el, 61, 258.
-èle, -ête, -elle, 61.
-elier, -elions, -eliez, 166.
-em, 62, 129, 131, 274.
-emble, -embre, 140.
-ème, -ême, -emme, 62-63.
-emment, 74, 131, 276.
-empe, -emple, 140.
-en, 64, 136-38, 279.
-enc, 140.
-ence, 140.
-end, 138.
-ende, -endre, 140.
-ène, -êne, -enne, 61.
-eng, 140, 237-38.
-ennal, -ennat, etc., 281.
-enné, -ennant, etc., 281.
-ens, 139-140, 308-309.
-ense, 140.
-ent, 138, 161, 329.
-ente, 140.
-entiel, -ention, 141.
-ep, -èpe, -êpe, -eppe, 57-58.
-eph, -èphe, 59.
-èpre, -êpre, 68.
-eps, 309-10.
-èque, -êque, 57.
-er, 53-54, 66-67, 292 sqq.
-erd, 228.
-ère, -erre, 66.
-èrement, 73.
-ers, 295, 310.
-ès, 55, 60, 301-302.
-esce, 59.
-èse, 68.
-esle, -esme, -esne, etc., 313.
-esse, 59-60.
-essible, -essif, etc., 323.
-et, 55, 58, 326-27.
-êt, 55.
-ète, -ête, -ette, 58.
-ètre, -être, -ettre, 69.
-etti, -etto, etc., 340.
-eu, -eue, 90.
-euble, 93.
-eude, 92.
-euf, 91, 93, 231.
-euil, 93, 259.
-euille, 93, 264.
-eul, 93, 258.
-eule, 92, 93.
-eumatique, 96.
-eume, 92.
-eune, -eûne, 92, 93.
-euple, 93.
-eur, 93-94, 292.
-eure, -eurre, 93-94.
-eurer, 96.
-eus, 92, 304.
-euse, 91.
-eusement, 95.
-eut, 91.
-eute, -eutre, 92.
-eutique, 96.
-euve, -euvre, 94.
-eux, 90, 91, 344.
-ève, êve, 67.
-èvre, 69-70.
-ey, 345.
-ey, 80.
-eyer, 163, 193.
-ez, 53, 68, 350-51.
-èze, 68.

-field, 78, 229.
-ford, 228.

-ger, 293-94.
-gua, 241.
-guë, 244.
-gueil, 93, 259.
-guier, -guière, 243.

-i, -ie, 117, 118.
-ibe, 118.
-ic, 118, 212.
-ict, 217.
-iez, 220, 352.
-ide, 118.
-ien, 136-37.
-iens, 308.
-ient, 138.
-ier, -iers, 53, 268, 293, 295.
-if, 118, 231.
-ig, igue, 118, 238, 241.
-iions, -iiez, 119, 189, 190.
-il, 259-60.
-ille, 265-67.
-illa, 268.
-illade, -illage, etc.,
267, 270.
-im, -ime, 118, 274.
-in, 145, 279.
-inck, 146.
-inct, 217.
-ing, 120, 145-46, 237-38.
-ins, 309.
-ions, -iez, 268.
-ip, -ique, 118.
-ir, -ire, 118, 292.
-is, 117, 302-303
-ise, isse, 118.
-iser, 119.
-isme, 275, 315.
-issible, -issime, etc., 323.
-iste, 333.
-it, -ite, 117-18, 327-28.
-itz, 351.
-ix, 117, 344-46.
-iz, 350-51.

-land, 135, 228.
-lier, 262.

-machie, 224.
-man, -mann, 131, 279.
-mesnil, 313.

-o, 98.
-ob, -obe, 104.
-oble, obre, 108.
-oc, 100, 102, 212.
-oce, -oche, 102.
-ocle, -ocre, 108.
-od, 100, 229.
-ode, 104.
-oë anglais, 53.
-of, -ofe, 102.
-ofle, -ofre, 108.
-oge, -ogue, 104.
-ogre, 108.
-ogue, 104.
-oi, oie, 46.
-oï, 119.
-oide, -oif, -oile, etc., 47-48.
-oing, 236-37.
-oir, oire, 47, 292.
-ois, 46, 301.
-oit, oite, 40-47, 325-26.
-oix, 47, 344.
-ol, -ole, -olle, 104.
-ome, -omme, 104-6.
-ompt, 329.
-on, 148, 388.
-onc , 213.
-ond, 288.
-one, -onne, 106.
-ong, 236-38.
-onner, -onnaire, etc., 281.
-ons, 302.
-ont, 325.
-op, -ope, 100, 102.
-ophe, 102.
-ople, -opre, 108.
-ops, 309-10.
-ogue, 102.
-or, 108, 292.
-ord, 108, 228.
-ore, -orre, 108.
-orer, 111.
-ors, 108.
-ort, 108, 330.
-os, 98, 102, 304.
-ose, 101.
-oser, -oisif, -osion, 110.
-osité, -osition, 110.
-osse, 102.
-ost, 331.
-ot, 98-99, 327-28.
-ote, -otte, 102.
-oter, -otif, 111.
-otion, 110.
-otre, 108.
-ou, 121.
-oud, 121, 228.
-ouil, 259.
-ouille, 122, 264.
-ouiller, 122.
-oul, 258-59.
-ould, 229, 261.
-oult, 261, 328.
-oup, 284.
-our, -oure, 121, 292.
-ourd, 228.
-ourer, 122.
-ous, 121, 304-5.
-ouser, 122.
-out, 121, 328-29.
-oux, 344.
-ove, 104.
-ow, 341, 343.
-own, -owski, 343.
-oyau, 191.
-oyer, 163, 193-94.
-oz, 107, 351.

-put, 329.

-quin, -quine, 289.

-schi, 226.
-seur, -sion, -soir(e), 321.
-son anglais, 148.
-spect, 216, 330, 361-62.
-stadt, 325.

-tiaire, -tial, 333.
-tie, 333, 335, 337.
-tié, 334, 336.
-tiel et dér., 333.
-tième, 336.
-tien, -tienne, 333, 337.
-tier, tière, 336.
-tieux et dér., 333.
-tion et dér., 187, 333, 335.
-ton anglais, 148.

-u, ude, etc., 121-22
-ueil, 93.
-uite, 242.
-um, 123, 125.
-un, 149, 389.
-ur, -ure, 121, 292.
-urer, -urie, 122.
-us, 305-307.
-user, 122.
-ut, 329.
-ux, 344.
-uyer, 193.
-uz, 351.

-ville, 266-67.
-viller, villier, 270, 291.

-yen, 137.

INDEX ALPHABÉTIQUE

DES PRINCIPAUX MOTS ET NOMS PROPRES

N. B. Cet index eût été plus que doublé, si on y avait introduit tous les mots du texte et tous les noms propres. Mais c’eût été parfaitement inutile. D’abord une foule de mots sont cités comme exemples de prononciation normale pour les finales principales, et pour ceux-là l’index qui précède doit évidemment suffire. On peut même dire que cet index, qui est très étendu, en y joignant la Table des matières qui est fort développée, suffirait aisément pour trouver n’importe quel mot. On n’a pas voulu cependant refuser au lecteur un index alphabétique, qui dans certains cas peut être commode; mais on n’y a mis que l’utile, c’est-à-dire les mots sur la prononciation desquels on peut hésiter, ceux qui sont cités plus d’une fois, ceux qui sont l’objet de remarques spéciales, enfin tous ceux qui ont quelques chances d’y être cherchés. Par exemple certains mots techniques et rares ne sont employés que par les spécialistes, qui connaissent leur prononciation: à quoi bon en encombrer un index où personne ne les cherchera? D’autre part beaucoup de noms propres sont insérés dans des listes plus ou moins longues, où on les trouvera aussi facilement ou aussi rapidement avec la Table des matières qu’à l’aide d’un index alphabétique. A quoi bon répéter par exemple au W les listes qui sont déjà au chapitre du W? De même pour beaucoup de mots étrangers. Il suffit que le lecteur soit bien averti qu’un mot qui est absent de la liste n’est pas pour ce motif absent du livre. J’ajoute que les abréviations imprimées en italique représentent plusieurs mots qui sont dans la même page, ou même des séries nombreuses, comme les finales.

 

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z

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