← Retour

Comment on Prononce le Français: Traité complet de prononciation pratique avec le noms propres et les mots étrangers

16px
100%

[576] Voir au chapitre des liaisons.

[577] Autrefois on écrivait, très mal à propos d’ailleurs, mais sans prononcer l’f, car ç’eût été impossible, brie(f)ve, brie(f)vement, veu(f)ve ou ve(f)ve, et tre(f)ve, tous mots où l’f étymologique était en réalité représenté deux fois.

[578] Michaëlis et Passy n’admettent l’f double que dans le latin af-fidavit!

[579] De même Cherbour(g), Strasbour(g), et tous les noms francisés en -bourg, Hambour(g), Edimbour(g), Pétersbour(g), etc., et aussi Bour(g)neuf ou Bour(g)théroulde. Toutefois Bourg, chef-lieu de l’Ain, a gardé l’ancienne prononciation bourc, même isolément, et non pas seulement dans Bourg-en-Bresse; car si l’on prononçait bour isolément, on dirait tout aussi bien Bour(g)-en-Bresse. D’autre part, le g se prononce tel quel dans bourgmestre, qui désigne une magistrature étrangère (cf. Francfort); mais on fera bien d’éviter bourguemestre, qui est pourtant écrit ainsi par M. Verhæren, dans les Villes à pignons, pages 112 et 114. A l’inverse des noms francisés en -bourg, le g se prononce toutes les fois que la finale garde la forme germanique burg (toujours avec le son ou): Terburg, ainsi que dans le mot burg lui-même. En revanche, nous avons francisé aussi, par l’amuissement du g, quelques finales germaniques en -berg: Gutenber(g), Nurember(g), Furstember(g), Wurtember(g), et si, l’on veut, Spitzber(g), mais non Berg, Heidelberg et les autres.

[580] De même Bussan(g), Capestan(g), Castain(g), Estain(g), Serain(g), Loin(g), Bourgoin(g), Jean de Meun(g) et Neun(g), et aussi Lon(g)jumeau, Lon(g)champ, Lon(g)périer ou Lon(g)wy.

[581] Le Dictionnaire général ne prononce pas le g, mais Michaëlis et Passy l’acceptent. Ce g, qui avait disparu, même de l’écriture, est dû à la réaction orthographique.

[582] Le Dictionnaire général n’admet pas plus le g de legs que celui de joug.

[583] On ne devrait pas non plus prononcer le g dans les noms chinois en -ang, -eng et -ong, où les Anglais ont mis un g, en transcrivant les noms, uniquement pour conserver à la finale le son nasal. C’est une méthode que le XVIᵉ siècle avait pratiquée en France même, et dont il nous reste plus d’une trace. Comment donc une telle orthographe a-t-elle pu nous tromper, nous qui écrivons encore rang, sang, long, etc., sans parler des graphies anciennes, soing, loing, témoing, etc.? Le mal vient de ce que nous avons l’habitude de prononcer toutes les consonnes dans les mots étrangers, par principe; on s’est donc mis en France, même les professeurs, à prononcer les g de tous ces mots en -ong, -eng, -ang, surtout -ang, oubliant qu’autrefois Tonkin s’écrivait Tong-King, sans se prononcer autrement, et que Kouang-Toung a donné Canton. Correctement, on devrait prononcer uniquement Kouan(g)-Toun(g); et de même Kouan(g)-Si, Yan(g)-tsé-Kian(g), Si-Kian(g), Kian(g)-si, Kian(g)-sou, Li- Hun(g)-Tchan(g), Louan(g)-Praban(g) et Samaran(g), aussi bien que Timour-Len(g) et Auren(g)-Zeyb, qu’on respecte davantage, et aussi bien Sou-Chon(g), Hon(g)-Kon(g), Mékon(g), Haïphon(g), etc. Les marins ne prononcent pas autrement, ni les marchands de thé Souchon(g). On ne devrait même pas prononcer le g dans Hoan(g)-Ho ou Shan(g)-Haï; toutefois, comme ici le second mot commence par une aspiration, comme, d’autre part, on écrit même aujourd’hui Shanghaï ou Changhaï, en un seul mot, il est naturel que le g s’y prononce, ne fût-ce que pour remplacer l’aspiration. Le g est aussi bien établi dans Lang-son. On pourrait au moins s’en tenir là.

[584] Le g se prononce de même dans la plupart des noms propres: Agag, Zadig, Rig-Véda, Liebig, Schleswig, Grieg, Herzog (avec o fermé), Magog (avec o ouvert), Flameng, Canning, Fielding, Lessing, Long-Island, Young et Yung, Astorg, Swedenborg et Viborg, etc., avec les noms géographiques en-burg, et la plupart des noms en -berg, Berg, Lemberg et Schomberg, Heidelberg, Johannisberg, Lænsberg, Scanderberg, etc., et même Altenbourg, quoique on l’écrive par ourg. Toutefois Leipzig et Dantzig qui se sont longtemps écrits Dantzick et Leipsick, se francisent encore le plus souvent par c au lieu de g.

[585] Et devant les diphtongues latines æ et œ. De plus, aux noms propres français, Angers, Béranger, Gilles, etc. (y compris Gerle ou Murger), s’ajoutent les noms propres anciens ou bibliques: Géla, Gélase, Gelboé, Gélon, Génésareth, Géta, Gethsémani, Phlégéton, geste, gée, Sergius, Gygès, Gyptis, et quelques noms modernes francisés, comme Clésinger, Kruger, Niger, Scaliger, Gérando, Magellan, Scager-Rack ou Urgel, Gibraltar ou Giralda. Mais le g garde le son guttural en tête des mots germaniques, Gemmi, Gerolstein, Gervinus, Gessler, Gessner ou Gewaert, et aussi Gebhart, quoique le t ne s’y prononce pas, et encore Gœttingue, Peer Gynt, ou Gibbon; de même dans d’autres mots non francisés, Engelmann, Hegel, Schlegel ou Vogel, Meiningen, Niebelungen, Bergen ou Rœntgen, Dœllinger ou Minnesinger, Erzgebirge, Szegedin ou Djaggernat, et Rigi, écrit aussi Righi, avec vergiss mein nicht.

[586] On a vu déjà que gangrène s’est longtemps prononcé cangrène, ce qui est le contraire de second prononcé segond; les médecins ont fini par imposer gan, mais l’Académie ne s’est inclinée qu’en 1878. D’autre part, frangipane s’est longtemps prononcé franchipane.

[587] De même Fig(e)ac, G(e)orges, Albig(e)ois, Clos-Voug(e)ot, et même Karag(e)orgewitch.

[588] On aurait pu écrire jôle, puisqu’on écrit enjôler.

[589] L’e étant nécessaire pour donner au g le son chuintant devant un u, il en résulte que gu ne saurait en aucune façon se prononcer ju, comme on l’entend parfois dans envergure, mot qui vient de vergue et non de verge.

[590] Même dans les noms propres étrangers, dans Gueldre, Guelfes, Guelma, Guerchin, Guernesey, Guerrero, Guevara, comme dans Guébriant, Guéménée, Guénégaud, ou Guérande, et même dans Figueras ou San Miguel, comme dans Vauvenargues ou Aiguesmortes, Kerguélen ou Linguet. Il n’y a d’exception que pour les mots latins ex ungue leonem, lapsus linguæ, et dans Vogüé, qui a un tréma sur l’u, faute de pouvoir en prendre sur l’é, qui a déjà un accent. En outre l’u se prononce ou dans Finiguerra.

[591] Il en est du nom propre Aiguillon comme du nom commun: il maintient son u, mais il a de la peine. De même Figuig, que les Allemands eux-mêmes écrivent à tort Figig (fighig).

[592] Y compris Guines, Guinegatte ou Guiscard et Guy de Maupassant, Guy Patin ou Guyton de Morveau, et même les ducs de Guise, quoique la localité d’origine ait la diphtongue ui: le nom commun guise a aidé à l’altération de ce mot. L’usage de M. Guizot n’a pas non plus sauvé l’u de son nom. Certains noms étrangers eux-mêmes ont cédé: Guichardin, d’ailleurs francisé, Guido Reni ou le Guide, Guildhall; mais l’u résiste dans Guipuzcoa. Pour Guyau, Guyot, etc., voir page 192, note 2.

[593] Ceci est tout à fait correct, l’étymologie étant aigue (eau) et non aigu (cf. évier). Aussi le mot a-t-il naturellement trois syllabes, et non quatre:

Est-ce qu’elle a laissé, d’un esprit négligent,
Dérober quelque aiguière ou quelque plat d’argent?

On prononce de même Falguière, Laromiguière ou Lesdiguières, guier ou Tréguier, et aussi Guieysse, Laguiole ou Manguio.

[594] On prononce également ghi dans Draguignan, et ghin nasal dans banc d’Arguin (et non Argouine), comme dans Gaguin ou Guingamp.

[595] Gua se prononce goua dans les noms italiens ou espagnols: Aconcagua, Managua et Nicaragua, Aguado, Guadalaxara, Guadalquivir, Guadarrama, Guadiana, Guaranis, Guardafui, Guarini, Guarnerius, Guastalla, Guatemala, Guatimozin, Guayaquil, La Guayra, etc., et même Guadeloupe, qui est pourtant francisé. Toutefois le son ghè a prévalu en France, au lieu de gouè, pour Paraguay et Uruguay, sauf dans les départements qui fournissent des immigrants à ces pays. Je ne parle pas de Lauraguais, qui devrait s’écrire Lauragais: c’est un nom français dont la prononciation ne saurait être douteuse. Guadet et Guay se prononcent avec ou sans u, mais pas avec le son ou. Liguori se prononce par go.

[596] Dans les noms propres, surtout étrangers, il se trouve devant d’autres consonnes, et s’y prononce: Longfellow, Mengs, Longwood, et même Augsbourg. On sait que dans Lon(g)wy il ne se prononce pas.

[597] De même Pygmalion, Agde ou Bagdad.

[598] Nous retrouverons l’n mouillé à la suite de l’N.

[599] Igname a toujours été mouillé, venant de l’espagnol: ig-name, indiqué par quelques dictionnaires, sans doute parce que ce mot n’est pas populaire, est une erreur. Le g s’isole encore dans Gnathon et Gnide, Ag-ni et aussi Anag-ni (quoique à tort), Ig-natief, Mag-nus et Mag-nence, mais non dans Agnès, prénom populaire. Dans Prog-, il peut d’autant moins se mouiller que la meilleure forme est Procné.

[600] Pour signet et quelques autres mots, voir au chapitre de l’N.

[601] De même Ag-gée, Eg-ger, Fug-ger, Eg-gis. Les noms propres offrent parfois deux g devant d’autres voyelles, et ils s’y prononcent tous les deux: Hog-gar, Toug-gourt, et aussi Djag-gernat.

[602] On prononce de préférence dj dans Giacomelli, Giacomo, Giordiano, Giorgione, Giotto, Giovanni, et aussi Chioggia, Reggio, ou Ruggieri, où les deux g ne font qu’un. Borgia a toujours été francisé complètement en gi comme Scaliger en jèr.

[603] De même Borghèse, Alighieri, Arrighi, Ghiberti, Ghirlandajo, Missolonghi, Righi; de même Birmingham, Enghien, Ghika, Oubanghi, etc.

[604] Prononcez drèdnot. De même dans Wi(gh)t ou Wri(gh)t, Castlerea(gh) ou Ralei(gh) ou Connau(gh)t.

[605] On trouve pourtant imbroglio en trois syllabes dans Musset. Nous francisons également, à tort ou à raison, les noms propres les plus connus, Castigli-one, Cagli-ostro, Cagli-ari, moins peut-être Bentivoglio ou Tagliamento. Quant à Broglie, de l’italien Broglio, il se prononce broille et, quelquefois brog-lie. Vintimiglia s’est francisé en Vintimille mouillé, afin de garder son accent.

[606] Voir page 43, note 1.

[607] Et surtout des noms propres: Kehl, hm, Ohnet, Frohsdorf, Spohr: voir aussi page 39, note 1. Après i et u, qui ne peuvent guère se fermer, l’effet de h ne se sent plus que fort peu: Schlemihl, Eckmühl.

[608] Pour sch, voir au CH, page 227; pour sh, voir à l’S, page 323.

[609] Voir ci-contre. Ranelagh se francise nécessairement à Paris. Malbrou(gh) se prononce quelquefois malbrouk, à tort.

[610] On peut ajouter que, même à l’intérieur des mots, l’h, évidemment inutile dans rhéteur ou Athènes, comme dans malheur ou inhabile, peut encore jouer son rôle, soit en empêchant aussi la liaison comme dans enhardir, soit en maintenant séparées des voyelles qui se fondraient sans cela, comme dans ahuri, cohue, dehors, rehausser, Rohan, Villehardouin. Il a même été ajouté pour ce motif dans un certain nombre de mots: cahoter et Cahors, ébahir, envahir, et surtout trahison, qui devient souvent au XVIᵉ siècle traï-son, en deux syllabes. Ce n’est pas une raison cependant pour prononcer bayut ou cayoutchouc, comme on fait quelquefois: c’est assez que la sauce mahonnaise soit devenue définitivement mayonnaise.

Ce n’est pas tout; si, après une voyelle, l’hiatus est tout ce qui reste de l’aspiration, il n’en est pas tout à fait de même de la consonne articulée. Par hasard se prononce bien comme par amour, sans doute à cause du grand usage qu’on fait de l’expression: ne dit-on pas, dans le peuple, à l’hasard de la fourchette? Mais par hauteur ne se confond pas avec par auteur, et avoir honte s’articule un peu autrement que fanfaron: il semble qu’après la consonne il y ait comme une espèce d’arrêt ou d’hésitation, une espèce d’hiatus, au sens de lacune. Cela est si vrai, qu’on entend parfois avoir honte, ce qui, évidemment, est excessif.

[611] On vient de voir que ceux même qui avaient un h en latin l’avaient perdu au moyen âge; ils l’ont repris depuis par réaction étymologique.

[612] C’est pourtant ce que fait malencontreusement Musset dans la Coupe et les Lèvres:

Capable de huiler une porte secrète.

[613] Hiéroglyphe n’est pas aspiré dans La Fontaine, Fables, IX, 8:

Ce sont ici hiéroglyphes tout purs;

on prononçait alors jéroglyphes, tout comme Racine prononçait Jérôme en écrivant Hiérosme, dans les Plaideurs, II, 4.

[614] Le mot hyène n’est pas dans le même cas que yacht, yak, yatagan, yole, yucca, youyou: nous avons vu plus haut, page 152 et suivantes, que ces mots, où l’y est semi-voyelle, sont toujours traités comme s’ils avaient un h aspiré, de même que oui dans certains cas, et quelques autres, particulièrement uhlan.

[615] Notamment dans ces mots sur lesquels on se trompe quelquefois: halle, hameau, hanche, hanneton, hanter, harasser, hardi, hareng, haricot, harnais, hasard, hibou, hideux, hoche, hochet, homard, honnir, honte, honteux, houe, houx, houblon. On se rappelle encore la «scie» du Moulin-Rouge: En voulez-vous de(s) zhomards? Ces erreurs ne sont pas nouvelles. Ainsi Scarron fait plusieurs fois l’h muet dans hallebarde, hardi, hasarder, haïr ou haine, sans compter une dizaine d’autres, et Voltaire dans harassé. V. Hugo, dans les Gueux, a encore fait l’h muet dans haridelle. Tous ces mots ont l’h aspiré. Pourtant, quand nous avons adopté récemment en géographie le mot hinterland, nous lui avons fait l’h muet.

[616] Quelques h aspirés nous viennent aussi d’ailleurs. Ainsi l’italien nous a donné halte; l’espagnol, hâbler et hamac (mais l’h est muet dans (h)idalgo, malgré Rostand, Cyrano, IV, 5, et dans (h)ombre); l’arabe, haschisch, haras, harem, henné, houri, housse; le hongrois, hongre, housard et hussard (mais heiduque a l’h muet); le tartare, horde; le valaque, hospodar. L’hébreu hosanna a l’h muet au moins au singulier, et la liaison s’impose dans un hosanna; mais j’avoue que le pluriel serait gênant.

[617] Dans exhausser (egzôcé), l’h est forcément devenu muet. On disait aussi la maison d’Hautefort, et on dit encore, à Paris, rue d’Hauteville, rue d’Hautpoul.

[618] Mais il n’a pas été toujours aspiré: Scarron le fait toujours muet.

[619] De même dans hoc et même hile: pouvait-on dire l’hile?

[620] Notamment celles de haste, hâtier, hernie, herse et hercheur. Pour certains mots, l’usage a varié. Ainsi Corneille aspire hésiter dans les premières éditions du Menteur, et il n’est pas le seul; Molière aspire hier, et d’autres poètes aussi, jusqu’à Banville (il s’agit naturellement de hier, monosyllabe: voir sur ce point notre article sur les Innovations prosodiques chez Corneille, dans la Revue d’histoire littéraire, 1913).

[621] Car il vient d’octo. Cet h a été mis devant uit, ainsi que devant uile (oléum), uis (ostium) et uître (ostrea), afin de distinguer ces mots de vit, vile, vis, vitre, à l’époque où l’u et le v n’avaient qu’un seul caractère dans l’impression, comme i et j; l’h marquait donc le caractère vocalique de l’u, et n’aspirait nullement ces mots.

[622] On prononce naturellement quatre-vingt-huit comme quatre-vingt-deux, et aussi cent-huit, sans liaison. Mais Scarron dit fort bien, dans Don Japhet d’Arménie:

Mon cousin aux deux mille huitantième degré;

et Mendès fait un vers faux, en même temps qu’une faute d’orthographe, quand il dit à la fin d’Hespérus:

C’était le seize avril mille huit cent soixante.

[623] Le Dictionnaire général oublie l’h aspiré de héraut, comme celui de hersé et hersage; en revanche, il aspire mal à propos celui d’(h)anséatique, d’(h)umus et d’(h)urluberlu.

Il en est des noms propres comme des autres. Ceux qui sont d’origine latine ou grecque ont l’h muet: (H)arpagon, (H)ébé, (H)ébreux, (H)écate, (H)ippolyte, (H)orace, etc. Ceux qui sont d’origine germanique, et ce sont les plus nombreux, sont aspirés la plupart du temps: Habsbourg, Hainaut, Hampshire, Hanovre, Herder, Hollande, etc., etc., et aussi Hottentots, Huns, Hurons, Hurepoix. Il y a cependant une certaine tendance à supprimer leur aspiration. Ainsi l’h est muet dans (H)alifax, (H)amilton, (H)amlet, (H)astings, (H)ausmann, (H)ébrides, (H)écla, (H)ermann, (H)udson; a fortiori dans (H)arcourt, (H)arfleur et (H)onfleur, (H)autpoul, (H)éloïse, (H)enri, (H)érault, (H)ortense (et par suite hortensia), (H)yères, etc., et aussi dans (H)aïti. Il l’a été autrefois dans les expressions: toile d’(H)ollande ou fromage d’(H)ollande, point d’(H)ongrie et eau de la reine d’(H)ongrie; et Corneille écrit même, en prose, guerre d’(H)ollande, campagne d’(H)ollande. Mais cela n’a jamais passé pour nécessaire, et cela serait incorrect aujourd’hui. On ne saurait dire non plus, avec V. Hugo, dans la Marquise Zabeth:

C’est un de ces bouquets qu’on a pour trente sous
Chez la fleuriste, au coin du pavillon d’Hanovre.

Je pense que les noms géographiques, comme Hanovre et Hollande, subissent moins facilement ce traitement que les noms de personne, même Jeanne (H)achette ou (H)amlet, déjà cité. C’est pourquoi on critiquera encore ce vers de V. Hugo, dans le Prélude des Quatre Vents de l’Esprit:

Il est l’âcre Archiloque et le Hamlet amer.

Henri a été longtemps aspiré, et Voltaire l’aspire régulièrement dans la Henriade. Henriade est toujours aspiré, mais Henri ne l’est plus guère, et l’on dit avec élision: vive (H)enri IV! avec liaison: un (H)enri, deux (H)enri, c’est (H)enri. Pourtant le règne de Henri IV n’est pas encore inusité. L’h d’(H)enriette est encore plus muet que celui d’(H)enri et depuis plus longtemps. On a autrefois repris Molière, au témoignage de Richelet, pour avoir dit:

Clitandre auprès de vous me fait son interprète,
Et son cœur est épris des grâces d’Henriette.
Les Femmes savantes, acte II, scène 3.

Aujourd’hui rien n’est plus naturel. Pour Hugo, l’usage n’est pas fixé.

[624] Dans les anciens textes, il ne se distingue pas typographiquement de l’i, mais il se prononce j tout de même.

[625] Aux noms propres français s’ajoutent naturellement les noms bibliques et anciens: Jacob, Japhet, Jéhu, Jephté, Jourdain, etc., y compris Joachim; Japet (quelques-uns disent yapè), Jason et Jocaste; Janus, Jugurtha, Juvénal, etc., et aussi Jansénius ou Jornandès.

[626] De même dans l’italien Bojardo, Porto-Ferrajo, Ghirlandajo, etc.; en tête des mots, dans l’allemand Jahn, Johannesburg, Johannisberg, Jungfrau, etc. (mais Juliers est français); dans Janina, Jassy et Sarajevo, qu’on peut écrire aussi par un i; dans Prjevalski, Nordenskjœld, Bjœrnstierne-Bjœrnson, Jonkœping, Solvejg, etc. Dans Ajaccio, Joconde et Majorque, le j est francisé, quoiqu’on prononce aussi Mayorque, à l’espagnole, dans le Midi (esp. Mallorca). On prononce aussi j dans Jagellons, Java, Jordaëns, Jutland.

[627] Ou James, Jefferson, John Bull, Jones, Johnson, etc. Mais Jenner et Jersey sont francisés aussi bien que Jamaïque. Le d s’écrit devant la chuintante dans les noms arabes: Djerba, Djérid, Djibouti, Djinns, Djidjelli, Djurdjura (écrit quelquefois Jurjura), Al-Djézireh, etc., et aussi quelquefois dans Djaggernat. Le j espagnol a un son guttural que nous n’avons pas l’habitude de conserver, notamment dans Juan, qui est francisé, et dans Juarez. On sait que ce j est la même lettre que l’x de Xérès ou Ximénès, que nous prononçons k.

[628] De même York, Cork: et même après une nasale: Monk.

[629] Dekkan s’écrit aussi Deccan, et les deux k s’y prononcent.

[630] Beaucoup de noms bretons commencent par Ker, qui signifie maison.

En anglais, au commencement des mots, kn se prononce n: (k)night, (k)nox, (k)nock-out.

[631] Pendant longtemps pluriel s’est écrit et prononcé plurier, par une fausse analogie avec singulier; mais cette orthographe a disparu depuis Vaugelas, et la prononciation en é, qui a continué quelque temps, s’est accommodée par la suite à l’écriture.

[632] Au XVIᵉ siècle, les mots col, fol, sol, n’étaient déjà plus que des graphies conventionnelles pour cou, fou, sou, et se prononçaient par ou, même devant les voyelles. On conte qu’un jour un instituteur reprit un écolier qui prononçait col, en l’invitant à prononcer comme s’il y avait un u, et l’écolier, docile, mit un u à la place de l’o. La prononciation par ol a été reprise depuis dans certains cas, pour des raisons d’euphonie, et même il est arrivé que col et cou ont fait deux substantifs différents. Pour -eul, il y a eu des exceptions, mais elles ont disparu: par exemple, on a dit long-temps linceu(l), filleu(l), tilleu(l), sans parler des l qu’on ajoutait à cheveu(l) ou moyeu(l). D’autre part, la finale -eul a été souvent mouillée comme dans Choiseul, et l’est encore dans Santeul; dans les noms communs elle est devenue -euil en pareil cas: ainsi chevreuil et écureuil, venus de chevreul (qui est resté comme nom propre) et d’écureul. D’autre part, linceul tend aujourd’hui encore à devenir linceuil. Dans Voltaire (Henriade, IV, 449-450), Bayeul rime avec Longueil, et Delille fait rimer chèvrefeuil avec tilleul (Paradis perdu, IV).

[633] Tapecu s’écrit même sans l. Mais l’l se prononce dans culbute, qui ne fait qu’un mot, autrefois culebute. Dans les noms propres, l’l final se prononce toujours, y compris les mots en -oul, Arnoul, Fortoul, Hautpoul, Mâchecoul, Mossoul.

[634] De même Du Barrail, Du Fail, Gail, Montmirail (le Montmirail de la Marne se prononce rèle, et celui de la Sarthe ral), Corbeil, Verceil, Foucher de Careil, Verneuil, Auteuil, Bourgueil; voir aussi page 92, note 4.

[635] Mais à quoi bon, puisqu’on ne dit pas rèler?

[636] Et quelques noms propres, comme Nil, Anquetil, Myrtil, Daumesnil, Brésil, etc.

[637] L’l final se mouillait tout seul, même après d’autres voyelles que l’i: on vient de le voir pour la finale -eul. Rueil aussi est issu de Ruel.

[638] Ce changement a dû être aidé par le fait que le son mouillé semblait à tort nécessiter deux l.

[639] Il y en a même un qui a perdu complètement son l: c’est émeri. Le même phénomène s’est produit dans pou(il), genou(il), verrou(il), malgré pouilleux, agenouiller, verrouiller, à côté de fenouil, qui a repris et gardé le sien.

[640] Domergue distingue encore entre genti(l) garçon sans l et les gentil(s) avec l mouillé.

[641] Ménil avait aussi amui son l, qui revit ordinairement dans Ménilmontant, comme dans Daumesnil ou Dumesnil.

[642] Le pédantisme qui a essayé de ressusciter moult n’a pas manqué d’y prononcer aussi toutes les consonnes, et cela par pure ignorance.

[643] L’l ne se prononce pas non plus dans beaucoup de noms propres, notamment dans les noms en -auld et -ault, -ould et -oult, comme La Rochefoucau(ld), Châtellerau(lt), Arnou(ld), Guérou(lt), avec Yseu(lt); de plus, Chau(l)ne, Au(l)nay, Au(l)noy, Pau(l)mier, Pau(l)my, Fau(l)quemont, Gau(l)tier, de Sau(l)cy, et autres pareils, où cet l a été rétabli abusivement par les étymologistes du XVIᵉ siècle, qui ne le reconnaissaient pas dans l’u. On prononce également Be(l)fort, au moins dans l’Est. Mais on prononce l’l dans Foulques et dans Montgolfier. Pour Sainte-Menehould, les avis sont très partagés: mene-ou et mene-oul ont des partisans, même locaux, à côté de menou, qui est la vraie tradition: seul le d paraît n’être encore jamais admis.

[644] On sait que, dans un mot comme faulx, l’l du latin est représenté trois fois: une première fois dans l’x, qui n’est un x que par une confusion d’écriture due au moyen âge, où x remplaçait us; une seconde fois par l’u, qui n’est qu’un l vocalisé; une troisième fois par l’l. Ainsi chevals est devenu chevax pour chevaus, puis chevaux, puis même pendant quelque temps chevaulx. Dans aulne et faulx, et aussi dans Chaulne et autres, cet l a la même valeur que dans chevaulx.

[645] Ni rou-lier avec rouiller, fourmi-lier avec fourmiller, fusi-lier avec fusiller, pi-lier avec piller, ou même rallier avec railler. Mais on dit indifféremment arcade sourci-lière ou sourci-yère: cette exception est justifiée par le voisinage de sourcilleux ou sourciller, qui ont les ll mouillés, sans compter que celui de sourci(l) le fut aussi jadis. D’autre part, il y avait autrefois un verbe rouiller, sans rapport avec rouille: on disait rouiller les yeux; ce verbe s’est confondu avec rou-ler.

[646] Que Michaëlis et Passy mettent consciencieusement sur le même pied que celui, de même qu’ils acceptent mi-lieu et mi-yeu, fami-lier et fami-yer, etc.

[647] Enregistré aussi par Michaëlis et Passy.

[648] On a vu plus haut des cas analogues, à propos de l’e muet: voir pages 182 et 183.

[649] On évitera aussi le changement de l en n, comme dans caneçon et nentilles, qui sont fort anciens tous les deux; ou encore l’agglutination de l’article avec le mot, phénomène qui nous a donné landier, lendemain, lendit, lierre, lingot, loriot, luette, mais non lévier: ce serait assurément tout aussi naturel, mais le mot évier a été jusqu’à présent plus heureux que les autres, et on fera bien de laisser le lévier à la cuisinière.

[650] De même dans les noms propres: Noailles, Versailles, Corneille, Marseille, etc., Baillet, Bailly, Neuilly, etc., avec Pauillac.

[651] Autrefois il y en avait bien davantage, par exemple genti(l)le avec genti(l)lesse, angui(l)le et pasti(l)le, qu’on ne connaît plus du tout, avec camomi(l)le et Cami(l)le, qu’on n’entend plus que très rarement.

[652] Avec les noms en -ylle, également savants, siby(l)le, idy(l)le, chlorophy(l)le et psy(l)le.

[653] Il y avait aussi imbéci(l)le qu’on a réduit à imbécile: pourquoi pas aussi bien tranquile?

[654] La prononciation non mouillée de ville s’est naturellement transmise à tous les noms propres dont il fait partie, et à d’autres aussi par analogie: Chavi(l)le, Navi(l)le, Grévi(l)le, Latouche-Trévi(l)le, Bellevi(l)le, Tocquevi(l)le, Boutevi(l)le, Calvi(l)le, Chervi(l)le, etc., comme Vi(l)lefranche, Vi(l)ledieu, Vi(l)lehardouin, Vi(l)leneuve, etc. Il s’est même produit ici un phénomène inverse de celui qui se produit d’ordinaire: un mot à finale mouillée qui a cessé de se mouiller. C’est assurément la prononciation de ville, qui a fait altérer celle de Séville, quoiqu’il n’y ait aucun rapport entre eux. L’espagnol mouille Sevilla, et Corneille, dans le Cid, ne s’y trompe pas: il fait rimer Séville avec Castille et non avec vi(l)le (voir acte II, scène 6). Or aujourd’hui les chanteurs parlent du Barbier de Sévi(l)le, et la Comédie-Française en fait autant. C’est, en somme, une grave erreur, et tant que l’espagnol sera là pour maintenir le son véritable, j’estime qu’on doit essayer de faire prévaloir la prononciation correcte, qui est mouillée. Je pense qu’il faut mouiller de même Surville. Le son mouillé s’est d’ailleurs maintenu dans deux mots de la langue en -ville: cheville et recroqueville.

Aux noms propres en -ville, il faut joindre I(l)le-et-Vilaine, Achi(l)le, Cyri(l)le, Deli(l)le, Gi(l)le, pris souvent comme nom commun, Li(l)le, qui est mis pour l’île, et Li(l)lebonne, Mabi(l)le, Régi(l)le, Exi(l)les, avec Trasy(l)le et Bathy(l)le. Faucilles est confondu à tort avec le nom commun faucille, et devrait s’écrire Fauciles, mais il est difficile de réagir, étant donnée l’orthographe.

[655] Ajouter la plupart des noms propres: Aurillac, Billaut, Billot, Billy ou Debilly, Bobillot, Chantilly, Condillac, Gentilly, Guillaume, Guillaumet, Guilleragues, Guillot, Guillotière, Guillotin (et guillotine), Marillac, Millot, Milly, Sillé, Sillery, Tilly, Varillas, Villeurbanne, et tous les noms en -illon, sauf Di(l)lon, qui n’est pas français, mais y compris Villon. Il est vrai que Vi(l)lon est, en fait, beaucoup plus répandu aujourd’hui, toujours à cause de ville, comme pour Séville; mais Villon est sans rapport avec ville, et d’autre part ce poète fait toujours rimer son nom, non pas avec des mots en -lon, mais avec des mots en -illon (i-yon). Il y a donc là une erreur qu’on doit corriger, puisqu’il s’agit d’un nom propre dont le son est toujours vivant dans les vers du poète, et que, d’ailleurs, ce nom suit tout simplement la règle générale. C’était aussi l’avis de Gaston Pâris.

[656] J’en puis dire autant pour Santillane et Melilla, qu’on ne mouille guère, sous prétexte que ce sont des noms étrangers, et qu’on devrait mouiller. Pourtant on mouille ordinairement Zorilla et Murillo.

[657] Voir plus haut, page 190, ce qui a été dit de fuyions, fuyiez.

[658] Pourtant cu-iller et cu-illerée prononcés par u ne sont pas très rares; quelques-uns même prononcent keu-yèr, mais ceci est détestable.

[659] De même qu’on prononce Ju-illy et non Jui-lly. Sans l’i, on prononcerait ju-let et ju-ly. Ainsi les ll de Sully sont mouillés dans la prononciation locale (Bourgogne), et Domergue les mouille encore; mais faute d’i, Su-ly a prévalu en histoire, comme dans le prénom. D’autre part Boilly se prononce boi-yi.

L’exemple de Sully montre que l’i n’était pas plus nécessaire autrefois pour mouiller l’l double que pour mouiller l’l final; et Bernoulli se prononce en mouillant, comme olla podrida, qui a donné oille (o-ye) en français. Oille est d’ailleurs le seul mot de cette finale, car La Trémoille se prononce et peut s’écrire La Trémouille, et Maroi(l)les n’est pas mouillé. En espagnol, l’l double est aussi mouillé sans i, et beaucoup de personnes, même en France, mouillent correctement Valladolid, comme s’il y avait un yod: cf. Mallorca, qui est Majorque, prononcé mayorque dans le Midi.

[660] C’est probablement le voisinage de mille et ville, qui a permis à Mi(l)lais, Mi(l)let, Mi(l)lerand, Mi(l)levoye, Mi(l)lin, à Vi(l)lars, Vi(l)laret-Joyeuse, Vi(l)lèle, Vi(l)lemain, Vi(l)lette, Vi(l)loison, Vi(l)lemessant, Vi(l)lers, Vi(l)lers-Cotterets, Vi(l)lersexel, etc., de se maintenir sans se mouiller. De même Li(l)lers. On ne mouille pas non plus les noms en -viller à r sonore: Bischvi(l)ler, Bouxvi(l)ler, Frœschvi(l)ler, Guebvi(l)ler; et on a tort trop souvent de mouiller les noms en -villier (vilié et non vi-yé): Vi(l)liers, Aubervi(l)liers, Beauvi(l)liers, Brinvi(l)liers, Cuvi(l)lier, etc., auxquels se joignent I(l)liers et Baraguay d’Hi(l)liers, avec Largi(l)lière ou La Vri(l)lière. Dans Mil-lesimo, Vil-lafranca, Vil-laréal ou Vil-laviciosa, on prononce les deux l.

[661] De même dans Il-lyrie ou Il-linois, comme dans Amaryl-lis ou Syl-la, l’l double ne se mouillant pas après un y. On ne mouille pas non plus Pi(l)lnitz ou Gri(l)lparzer.

[662] C’est cette analogie même qui a contribué à réduire à un les deux l, qu’on prononce en italien; c’est à tort que le Dictionnaire général maintient les deux l en français, sans doute au nom de l’étymologie.

[663] Michaëlis et Passy eux-mêmes sont obligés de faire de graves concessions. Nous irons plus loin: au lieu d’examiner les cas où la lettre se prononce double, nous énumérerons ceux où elle se prononce simple, qui sont les moins nombreux.

[664] On dit aussi avec un seul l: A(l)lainval, A(l)lard, A(l)lier, Ca(l)lot, Ga(l)let, Ga(l)lifet, Ga(l)li-Marié, et, en général, les noms propres français et allemands, et aussi Wa(l)lons; on dit même le plus souvent Sa(l)luste, quoique cette réduction soit rare dans les noms propres anciens, et aussi Walha(l)la.

[665] Et aussi dans Be(l)ley, Du Be(l)lay, que beaucoup de gens écorchent, sans compter les dictionnaires, dans Be(l)leau, Be(l)lone, Be(l)lune, De(l)lys, Ke(l)lermann, Pe(l)lisson, Le Te(l)lier, et, par suite, papier te(l)lière. L’l reste double dans les noms italiens: Bel-lini, Paësiel-lo, Zingarel-li. Je rappelle que l’e reste muet, et par conséquent l’l simple dans Chaste(l)lain, Eve(l)lin, Ge(l)lée, More(l)let et Montpe(l)lier.

[666] Avec Bertho(l)let, Co(l)lé, Co(l)lot d’Herbois, Ho(l)lande, Mio(l)lis, Ro(l)lin, Ro(l)lon, et ordinairement Champo(l)lion, parfois même Po(l)lux, quoique ancien.

[667] Et aussi Lu(l)ly ou Su(l)ly.

[668] Le pronom de la troisième personne est, en effet, i tout court, pour le peuple: i(l) vient, sauf devant un l; donc, à i ll’a, correspond tu ll’as.

[669] Tandis que Llorente se prononce liorante.

Il convient de distinguer ll anglais, qui se prononce l, de ll catalan (y compris les Basses-Pyrénées), qui fait li.

[670] Ni L(h)éritier ou L(h)omond ou L(h)uillier; mais on mouille les noms méridionaux. Et il faut noter que, là encore, après a, e, u, un i s’intercale entre la voyelle et l’l: à côté de Paladilhe, Milhau, Marilhat, Jumilhac, on a Cailhava, Gailhard, Pardailhac, Pardailhan, Meilhac, Meilhan, Treilhan, Bouilhet, Genouilhac. Toutefois, là non plus, l’i n’était pas nécessaire, et il est souvent ajouté: Pardailhac, par exemple, s’écrivait Pardalhac; seulement jamais les Parisiens ne mouilleront lh sans i, et on ne prononce pas Nolhac autrement que nolac. Je pense que Greffulhe est dans le même cas. Pour le groupe -gli-mouillé, voir plus haut, page 246.

[671] Voir pages 129-130, et pour Joachim, page 225, note 2.

[672] De même Ham, Abraham ou Priam, Ozanam ou Annam, Jérusalem ou Château-Yquem, Ephraïm ou Arnim, Herculanum ou Epsom. A fortiori Malcolm.

[673] Voir encore page 129, note 2. Le b ou le p ne font pas forcément nasaliser certains mots étrangers, comme Bembo, Lemberg, Pembroke, Schomberg et Schaumbourg, Kimberley, et autres moins connus. Voir les noms nasalisés, pages 135, note 1, 144, note 2, 146, note 3, 148, note 4, et 149, note 1.

[674] Ce sont presque tous des mots latins, ou des noms propres étrangers: Flamsteed, Kamtschatka et Kamtschadales, Ramsay, Ramsès, Ramsgate; Emden, Ems, Kremlin, Memling, Nemrod, Potemkin, Semlin, Tlemcen; Himly, Timgad; Cromwell, Omsk et Tomsk, etc.

[675] Hymne rimait avec -ine ou -inne, et Ronsard écrit volontiers hynne ou hinne. Il en était de même de di(g)ne ou si(g)ne: voir plus loin, au chapitre de l’N.

[676] Sur ce mot, voir page 75.

[677] De même dans Agamem-non, Clytem-nestre, Com-nène, Vertum-ne.

[678] Ch. Nyrop cite l’anecdote suivante: «On demandait à une dame comment elle se portait.—Oh! répondit-elle, je souffre beaucoup d’un rhumatisse.—En ce cas-là, Madame, lui répondit-on, faites beaucoup d’exercisme

[679] Voir plus haut, page 132.

[680] Naturellement on dit Em-ma ou Em-maüs, mais plutôt E(m)manuel, comme E(m)melines et Je(m)mapes.

[681] Le Dictionnaire général indique l’m double dans tous et même dans gram-maire, ce qui est un peu surprenant. On ne prononce généralement qu’un m dans Gra(m)mont ou La(m)mermoor, mais deux dans Am-mien, Am-mon, Am-monites, Cim-mériens, Sym-maque.

[682] D’ailleurs, pour conserver la nasale, on devrait écrire plutôt in-mangeable, comme on écrit inlassable (exemple unique et déplorable, encore inconnu des dictionnaires), à côté de il-lisible et il-logique, qui pourtant ont été formés directement, eux aussi, sur des mots français. Puisque l’occasion s’en présente, je voudrais joindre ma protestation à celle d’Émile Faguet contre l’intrusion extraordinaire de ce barbarisme inutile, à la place d’infatigable, qui était excellent. Mais c’est un fait qu’on ne peut plus, aujourd’hui, ouvrir un livre ou un journal sans y trouver inlassable ou inlassablement, et qu’infatigable a complètement disparu. Qui nous dira pourquoi?

[683] Le Dictionnaire général, qui admettait les deux m dans gram-maire, les refuse dans ces deux mots. Ajoutons que, dans les cafés, on entend souvent consom-mation, ce qui est fort prétentieux.

[684] Et aussi dans Co(m)mines, Co(m)mentry, Co(m)mercy, Co(m)minges.

[685] Voir au chapitre des nasales, page 138, note 1.

[686] Aden, Andersen, Backhuysen, Baden, Barmen, Baylen, Beethoven, Bergen, Brocken, Carmen, Chephren, Cobden, van Diemen, Dryden, Gretchen, Hohenstauffen, Ibsen, Mommsen, Niebelungen, Niemen, Posen, Reischoffen, Thorwaldsen, Tlemcen, Yémen, etc., avec Anne de Boleyn. On peut y joindre au besoin Haydn, qu’on prononce quelquefois Hayden: il paraît qu’Haydn a signé une fois Hayden; mais cette prononciation est aujourd’hui surannée. Les moins connus de ces noms propres en -en doivent se prononcer de préférence à l’allemande, c’est-à-dire en faisant à peine entendre l’e: Meining(e)n et même, Niebelung(e)n. Dans Wi(e)sbade(n), l’n ne se prononce pas.

[687] Ahriman, Flaxman, et surtout les noms en -mann, bien entendu.

[688] Voir au chapitre des nasales, page 146, note 1.

[689] Voir au chapitre des nasales, page 148. A l’époque où la consonne finale se prononçait dans tous les noms de nombre, y compris deux et trois, elle se prononçait aussi dans un, sous la forme eune, d’abord; aujourd’hui encore, on marque la mesure par une, deux, ce qui est certainement un reliquat de l’ancienne prononciation de un.

[690] L’n n’est final après consonne que dans quelques noms propres. Or il est muet dans la prononciation locale de Tar(n) et Béar(n). Mais cette prononciation ne s’est pas imposée au reste de la France, et les personnes instruites, originaires de la région où coule le Tarn, prononcent couramment Tarne, et surtout Tar-net-Garonne. De même Elorn, et, a fortiori, les noms étrangers, Horn, Paderborn, Severn ou Lincoln. Cependant les maisons nobles de Béar(n) et d’Isar(n) continuent à omettre l’n.

[691] Voir encore au chapitre des nasales, pages 138 et 139.

[692] Et encore pas toujours: voir page 132. Mais il est distinct dans beaucoup de noms étrangers, comme Stanley, Bentivoglio, Appenzell: voir au chapitre des nasales, pages 135, 145, 146, 149.

[693] De même Logroño ou Angra-Pequeña. En portugais, le même son est représenté par nh, et señor s’écrit senhor; il faut donc mouiller Minho ou Tristan da Cunha.

[694] On ne saura jamais pourquoi tel verbe est en -onner et tel autre en -oner.

[695] Et aussi dans les noms anciens: Han-non, Pan-nonie, Perpen-na, Porsen-na, Sen-naar, Sen-nachérib, Apen-nins, En-nius, Bren-nus, Cin-na, Cincin-natus, Erin-nye, etc. Toutefois A(n)nibal est tellement connu qu’on y prononce généralement l’n simple. L’n est encore double assez souvent dans An-na, An-naam, An-napolis, San-nazar, Lin-né, Con-necticut, Yun-nan, etc. L’n est simple dans A(n)nonay, A(n)nunzio, Je(n)ner, Je(n)ny, Te(n)nyson, Fi(n)nois, Co(n)naught.

[696] Voir pages 244-245. On mouille donc par exemple dans Borgnis-Desbordes, Ignace, Lusignan, Marignan, Magnésie, Magny, Marigny, etc., et dans les noms italiens comme Agnadel, Foligno, Legnano, Mantegna, Mascagni, Orcagna, Signorelli, etc., et Pugno.

[697] Voir pages 48 et 87. La graphie de gn mouillé a été aussi ngn: c’est ainsi qu’on écrivait ivro-ngne; on sait que gagner s’écrivait aussi bien ga-ngner que gai-gner, voir même gai-ngner. Le groupe ngn s’est conservé dans Boullo-ngne, sans nasaliser l’o; mais on prononce aujourd’hui Bron-gnart.

[698] Quoique les poètes fassent très bien rimer ce mot avec les mots en nie.

[699] Ceci reste d’un temps où l’on prononçait si(g)ne et di(g)ne, mali(g)ne et béni(g)ne, et même cy(g)ne, qui rimaient avec -ine, ainsi que hy(m)ne. On sait que dans les armes parlantes de Racine, il y avait un rat et un cygne, et l’on se rappelle sans doute qu’il eût préféré un sanglier! Jusqu’au XVIIIᵉ siècle, on prononça si(g)ner et assi(g)ner. On prononça de même Re(g)nard jusqu’au XIXᵉ siècle, et Re(g)naud, comme co(g)noistre. Mais tandis que le g de cognoistre disparaissait de l’écriture, les noms propres gardaient le leur; aussi leur est-il arrivé le même accident qu’à Montaigne: l’orthographe a altéré leur prononciation. Aujourd’hui Re(g)nard ne se comprendrait plus; encore n’est-ce pas un motif pour changer l’e muet en e fermé, et dire Régnard pour Regnard, comme il arrive trop souvent: nous avons déjà vu cela, page 170.

[700] Malgré le Dictionnaire général.

[701] De même Fécam(p), Decam(ps), Guingam(p), Loncham(p), Descham(ps), Cham(p)cenetz, Cham(p)fleuri, et aussi Cham(p)meslé et autres pareils, et encore Dupanlou(p) et Tro(p)long. Mais le p se prononce dans Champlain.

[702] Et Gap. Mais il n’y a pas si longtemps qu’on disait encore un ce(p) de vigne, à cause de la consonne qui suit.

[703] Avec Alep ou Tromp, a fortiori Rapp ou Krupp, sans compter Le Cap, bien entendu.

[704] Il a été muet même dans Égy(p)te ou sce(p)tre, et on a prononcé quelque temps conce(pt), ra(pt) et abru(pt): cf. succin(ct), exa(ct), respe(ct), etc. Il était muet aussi dans nie(p)ce et no(p)ce, dans e(s)cri(p)ture et aussi dans a(p)vril et ne(p)veu, où il n’avait que faire, ce qui ne l’a pas empêché de se maintenir dans Lene(p)veu. Le p initial a aussi été longtemps muet dans (p)saume et (p)sautier (cf. tisane et Phalsbourg, où il est tombé): on disait surtout, et même on écrivait les Sept Seaumes, si bien que quelques-uns, au témoignage de Henri Estienne, en vinrent à dire un sesseaume, ce qui en somme n’est pas plus extraordinaire que de dire un cent-garde. Aujourd’hui le p initial tombe parfois, mais très familièrement, dans un (p)’tit gars et autres expressions pareilles.

[705] Y compris Saint Jean-Ba(p)tiste et Anaba(p)tiste.

[706] Je ne sais où Michaëlis et Passy ont entendu ces mots sans p. Ajouter, naturellement, Septimanie et Septime-Sévère.

[707] Malgré Michaëlis et Passy.

[708] Ces mots sont peut-être les seuls qu’indique le Dictionnaire général. Notons pourtant qu’on prononce fort bien hi(p)podrome, hi(p)popotame et Hi(p)polyte avec un seul p.

[709] Le p se double ordinairement dans Ap-pien, Ap-pius, Philip-piques, dans Mazep-pa, dans les mots italiens comme Bep-po, jamais dans Co(p)pée, ni par suite dans Co(p)pélia, ni dans Co(p)pet.

[710] Pourquoi pas filosofie aussi bien que fantaisie?

[711] Notamment dans co(q) d’Inde, aujourd’hui remplacé par dinde ou plutôt par dindon; mais on a presque toujours dit coq de bruyère. Au pluriel, on disait des cô.

[712] Voir ce qui est dit de neuf, page 233: cinque francs, très répandu, est particulièrement désobligeant pour une oreille délicate. On distingue aujourd’hui cinq mars, qui est la date, et Cin(q)-Mar(s), nom propre, qui a conservé la prononciation traditionnelle. Dans Lecocq, Lestocq, Vicq-d’Azyr, Ourcq, et autres, le q ne change rien au c, et dans Lecler(cq), ils ne se prononcent ni l’un ni l’autre.

[713] Dans piqûre, sous prétexte de pas mettre deux u de suite, on a fondu ensemble celui du groupe qu et celui du suffixe -ure.

[714] Voir plus haut, p. 241. On évitera plus encore de prononcer t ou ti pour q, surtout dans qui suivi d’une voyelle, comme dans cintième!

[715] Outre les mots latins, quinquennium, tu quoque, in utroque jure, cuique suum, etc.

[716] On prononce dans tous les noms propres français et la plupart des étrangers, comme Québec ou Albuquerque. Il y a pourtant un nom français où l’on prononce très souvent l’u: c’est Quercy; or il est fort rare qu’on le prononce dans Q(u)ercinois, même quand on le fait dans Quercy: n’est-ce pas kerci qu’on devrait dire, et que vient faire ici cette prononciation savante ou étrangère? On prononce encore l’u dans Queretaro, Susquehannah, Torquemada, mais plus guère dans Angra-Pequeña ou Antequera. L’u se prononce ou dans Queensland et tous les composés de queen, et aussi dans quetsche, qui est plus allemand que français.

[717] Que Michaëlis et Passy consentent à réduire à trois syllabes: ob-sé-kyeu!

[718] On prononce sans u tous les noms français: Aq(u)itaine, Créq(u)i, Esq(u)irol, Forcalq(u)ier, Montesq(u)ieu, Q(u)iberon; tous les noms en quin, y compris Tarq(u)in, Thomas d’Aq(u)in ou le Dominiq(u)in; tous les noms commençant par Quin- (sauf La Quintinie), etc., et aussi Esq(u)imaux, et même Chuq(u)isaca, ou Q(u)ito. On fait entendre l’u dans les noms latins: Esquilin, Quintus, Quirinal, Quirinus et Quirites, Tanaquil et Tarquinies, malgré Tarq(u)in, et aussi Quinte-Curce et Quintilien, qui ont été longtemps francisés; mais on prononce généralement Aq(u)ilée sans u. On prononce encore l’u dans les noms étrangers, Aquila, Aréquipa, Essequibo, Esquiros, Iquique.

[719] Parce que, même en latin, nous le prononçons ainsi, de même que quum s’articule come. Il est vrai que quelques-uns le prononcent depuis quelque temps cuo ou couo, je ne sais pourquoi: tant que notre manière détestable de prononcer le latin se maintiendra, c’est co qui existe seul, notamment dans Q(u)o vadis.

[720] Malgré Michaëlis et Passy.

[721] Du temps où florissait la loterie, q(u)aterne était trop populaire pour se prononcer avec ou. D’autre part, dans les mots qui commencent par quinqua, l’u ne peut guère se prononcer dans la seconde syllabe autrement que dans la première: il y faudrait un effort qu’on ne fait pas, et c’est deux fois u qu’on entend le plus souvent.

[722] L’u se prononce également ou dans les mots latins Quades, Quadrifrons, Séquanes ou Séquanaise, Torquatus, et aussi dans Brown-Séquard, Griqualand, don Pasquale ou Quarterly-Review.

[723] Pendant très longtemps l’r a été muet dans les mots en -ir, -oir et -eur à féminin -euse (probablement par confusion entre -eur et -eux). Etienne Tabourot, sieur des Accords, raconte, dans ses Bigarrures et Touches, qu’il a vu une enseigne, d’opticien sans doute, représentant des chats qui sciaient du bois, ce qui signifiait clairement: Aux chats scieux. Ce sont probablement les infinitifs en -ire et -oire qui ont provoqué la reviviscence de l’r dans ceux en -ir et -oir: seul sortir, pris substantivement, a résisté quelque temps. Quant aux mots en -eur, ce sont les grammairiens qui ont rétabli l’r, en distinguant le langage familier du langage soutenu, où ils exigeaient l’r partout; mais l’ancienne prononciation n’avait pas encore disparu du bon usage après la Révolution: «Un porteu, un porteu d’eau, le procureu du roi, c’est, dit Domergue, la prononciation de l’afféterie ou de l’ignorance.» Elle ne subsiste plus aujourd’hui que dans monsieu(r) et messieu(rs); mais péteux et oublieux ne sont qu’un reliquat de l’ancienne prononciation, ainsi que faucheux, doublet de faucheur. Pour piqueur, voir plus haut, p. 94. Dans les mots en -ar, -air, -or, -ur et -our, l’r s’est toujours prononcé. Cependant on a dit o(r) ça; on a aussi supprimé l’r dans pour: Tabourot, dans ses Bigarrures, assimile poulets trépassés à pou(r) les trépassés; et le peuple fait encore volontiers cette suppression, ainsi que dans bonjou’ M’sieu. Quant à su(r), qu’on entend encore dans le peuple devant un l (su l’ banc, su l’ journal), il est possible qu’il vienne de sus plutôt que de sur.

[724] Il s’y est longtemps prononcé, et avec é fermé: aimér. Et même l’r était tombé dans les autres infinitifs, comme dans les mots en -oir et -eur, avant de tomber dans les infinitifs en -er. Et justement il a revécu partout, tandis qu’il achevait de tomber dans les infinitifs en -er, sauf à la rime, où on ouvrait l’e.

[725] Où l’s n’est que la marque du pluriel. On y ajoute poulaille(r) et oreille(r), qui ont perdu leur i dans l’orthographe, tandis que quincaillie(r), joaillie(r) et les autres le gardaient: la prononciation est d’ailleurs la même. Au contraire cuiller, qui avait aussi le suffixe -ier à l’origine (d’où la prononciation ancienne cui-yé), est passé, sans doute à cause du genre féminin, à la catégorie des mots où l’r se prononce. On ne prononce pas non plus l’r dans les noms propres français en -ier ou -iers, qui ont apparemment le même suffixe: Fléchie(r), Pradie(r), Forcalquie(r), Poitie(rs), etc., etc., et aussi Ténie(rs); les monosyllabes Fier et Thiers n’appartiennent pas à cette catégorie, non plus que l’adjectif fier, dont nous allons parler.

[726] Le XVIIᵉ siècle faisait ordinairement sonner l’r dans l’adjectif léger, et l’Académie le maintint jusqu’en 1762. De même dans les adjectifs entier, altier, etc., sauf premie(r) et dernie(r), mais y compris plurier lui-même, au moins pendant quelque temps. Cela était particulièrement naturel pour entier et altier, qui n’avaient pas le suffixe -ier, l’un venant d’integrum, l’autre de l’italien altiero. L’Académie maintient encore en 1762 l’r d’altier qu’elle ne laisse disparaître qu’en 1835. Ainsi tous les adjectifs en -ier ont fini par suivre l’analogie des substantifs, à l’exception de fier et cher. Mais quand on rencontrera chez les classiques ou chez Voltaire la rime de cher avec léger, ou celle de fier avec altier, on devra se rappeler que ces rimes étaient parfaitement correctes dans la prononciation normale, tandis que les rimes dites normandes, comme celle de cher avec arrache(r), n’étaient correctes qu’au moyen d’une prononciation spéciale adoptée ou conservée pour les vers: arrachèr, avec r sonore, prononciation toujours discutée, mais encore admise au début du XVIIIᵉ siècle. Je n’ai pas besoin de dire que dans V. Hugo ces rimes ne sont plus des rimes:

..... Que j’ai pu blasphémer,
Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette
   Une pierre à la mer.
Contempl., IV, 15, A Villequier.

Ç’a été le tort de tous les poètes du XIXᵉ siècle de s’imaginer que tout ce qui était bon chez les classiques devait être bon chez eux, comme si la prononciation était la même.

Les noms propres français en -cher et -ger font naturellement comme les noms communs: Bouche(r), Fouche(r), Rouche(r), Ange(rs), Bérange(r), Roge(r), etc., avec Suge(r), sur lequel on se trompe trop souvent. Alge(r) s’y est ajouté, après quelque hésitation, ce qui a probablement entraîné Tange(r), sur lequel on a hésité plus longtemps. On prononce l’r dans Murger, qui n’était pas du tout un nom allemand; mais l’auteur lui-même y a consenti, pour donner à son nom une allure plus romantique. On prononce aussi l’r dans les monosyllabes Cher et Gers, et dans Saint-Eucher.

[727] On vient de voir dans la note précédente que entier et altier s’étaient détachés du groupe.

[728] Dans ces mots et les précédents, l’e s’est ouvert dès le XVIᵉ siècle, et l’r s’y est toujours prononcé. On prononce aussi l’r dans les noms propres français qui ne sont pas en -ier, -cher ou -ger: Rouher, Auber, Antifer, Lillers, Frœschwiller et tous les noms en -viller, Boufflers, Locmariaquer, Saint-Omer, Quimper, Prosper, Nevers, etc., ainsi que Fier, Thiers, Reyer, Cher, Saint-Eucher et Gers, comme les adjectifs fier et cher, et apparemment pour la même raison. Quant à Gier on prononce Gier pour la rivière et Rive-de-Gie(r) pour la ville! Contrairement à la règle, on ne prononce pas l’r dans Gérar(d)me(r) ni dans Rambervi(l)le(rs), ni, croyons-nous, dans Saint-Seve(r) comme dans Tasche(r).

[729] La différence entre les mots étrangers francisés et ceux qui ne le sont pas porte seulement sur la manière de prononcer l’e: voir pages 66 et 67. On prononce l’r naturellement dans tous les noms propres anciens, bibliques ou étrangers, même s’ils sont en -cher et -ger, comme Pulcher et Blücher ou Clésinger, Egger, Fugger, Kruger, Scaliger, etc., sauf Alge(r) et Tange(r).

[730] Nous avons vu aussi que les finales en -ier où l’r ne se prononce pas, pouvaient, elles aussi, être suivies à l’occasion d’une s, qui est alors la marque d’un pluriel, et par suite ne change rien à la prononciation: c’est le cas par exemple de volontie(rs) ou de Poitie(rs); de même Ange(rs). Dans les autres cas, l’r suivi d’s se prononce, comme on l’a vu, notamment dans les monosyllabes tier(s), Thier(s), Ger(s).

[731] Voir ci-dessus, page 159. Ajoutons qu’il faut éviter aussi de remplacer corridor par colidor.

[732] On disait aussi a(r)bre et ma(r)bre, que Vaugelas n’approuvait pas.

[733] On sait que l’r tombe aussi dans Ma(r)lb(o)rou(gh).

[734] Ils s’y sont toujours prononcés, et on sait qu’autrefois ils se prononçaient même à l’infinitif: quer-re, cour-re.

[735] Cf. a(r)ranger, a(r)rêt, a(r)rière ou de(r)rière, a(r)river, a(r)rondir, a(r)roser, etc., et ba(r)rer, ca(r), ja(r)ret, ga(r)rotter, cha(r)rue, cha(r)ron, la(r)ron, ma(r)ron, pa(r)rain, pa(r)ricide, sa(r)rasin, sa(r)rau, etc., et même dia(r)rhée, mot savant, mais très ancien.

[736] Il en résulte que j’er-rais, nous er-rons, diffèrent bien peu de j’errerai, nous errerons, où l’e est nécessairement muet; on fera bien de ne pas employer ce verbe au futur ni au conditionnel, de même que le verbe abhor-rer.

[737] Pourtant le Dictionnaire général donne seulement te(r)reur et te(r)rible, et d’autre part il admet uniquement er-reur. Des mots comme pe(r)ron, pe(r)roquet, pe(r)ruche, pe(r)ruque, se(r)rer, se(r)rure, ve(r)rat, ve(r)rier, ve(r)roterie, ve(r)rou, sont restés intacts. De même la plupart des noms commençant par Fer- ou Per- comme Clermont-Fe(r)rand ou Pe(r)rault.

[738] Je ne parle pas de courrai, exception signalée plus haut: voir page 297.

[739] L’r se prononce volontiers double dans les noms anciens: Par-rhasius, Var-ron, Ver-rès et Ver-rines, Pyr-rha, Pyr-rhon, Pyr-rhus et Tyr-rhéniens, et Bur-rhus, dans Guer-rero ou Her-rero, peut-être dans Sor-rente et Sur-rey, mais pas plus dans Ga(r)rick, Bo(r)rhomées ou Co(r)rège, que dans Guillaume de Lo(r)ris ou Co(r)rèze.

[740] Domergue note que de son temps quelques actrices, «fidèles aux mauvaises traditions», prononçaient encore l’s de Grecs et de Romains. On ne prononce l’s du pluriel qu’en liaison; nous en parlerons ailleurs. Ajoutons que l’s du pluriel, quand on cessa de le prononcer, eut longtemps pour effet d’allonger la voyelle finale; cet allongement, qui a disparu de la prononciation courante depuis le XVIIIᵉ siècle, se conserve encore dans certaines provinces.

[741] Alcarazas est un pluriel espagnol devenu singulier; le phénomène n’est pas unique: nous allons le retrouver avec albinos et mérinos, sans compter les noms de cigares.

[742] Dans les noms propres anciens ou étrangers, l’s final se prononce toujours: Barabbas, Jonas et Jonathas, Phidias et Cinéas, Stanislas et Wenceslas, Gil Blas, Ruy Blas, Micromégas et Chactas, Caracas, Damas, Madras et Texas, etc., etc. Il faut excepter les Duka(s) et naturellement les pluriels: Papoua(s), Wyndhia(s), Maya(s), Arya(s), Inca(s), Véda(s), Saga(s), Galla(s), Foulah(s), Pourana(s), Damara(s), Soutra(s), Hova(s). On prononce l’s dans Visayas. L’s se prononce aussi le plus souvent dans les noms français; mais il y a des exceptions, notamment les prénoms qui, par leur popularité, sont assimilés aux noms communs: Luca(s), Cola(s), Nicola(s), Thoma(s), ainsi que Juda(s). On y joint naturellement Le Ba(s) ou Pays-Ba(s) et Félix Gra(s), et aussi Vaugela(s), Duma(s), Maupa(s) et Maurepa(s), Dura(s), quelquefois Cala(s), Cuja(s); en outre, les noms de l’Ardèche, Priva(s), Aubena(s), etc., avec une ville du comtat, Carpentra(s): c’est à tort qu’on prononce parfois l’s dans Carpentra(s). En revanche on prononce régulièrement l’s dans Mathias, qui l’a repris, n’étant prénom qu’à demi, dans Alcofribas, d’Assas, Barras, Blacas, Calas, Cujas, Du Bartas, Escarbagnas, Rabagas, etc., etc., dans Las Cases et dans Daoulas, Arras ou Coutras, aussi bien que dans Pézenas, Valréas ou Mas d’Azil, ou autres Mas, et en général les noms du Midi, y compris le Comtat, mais excepté Carpentra(s): on ne sait pas pourquoi, car Valréas est au nord de cette ville. Pour Carabas, les avis sont partagés: il est certain que l’auteur des Contes prononçait sans s, et c’est assurément la bonne prononciation; mais j’avoue que la sonorité méridionale de l’s convient assez bien au personnage, et il n’est pas impossible qu’elle finisse par prévaloir.

[743] Voir plus haut, pages 60 et 61, note 1.

[744] On prononce aussi et on peut écrire cacatoi(s): le plus simple est de prononcer comme on écrit.

[745] Et dans tous les noms propres: Agnès, Périclès, Sieyès (que l’on prononce Siès), Uzès, etc. Decrè(s) fait exception.

[746] Mais non pourtant dans Saint-Pierre-ès-liens, où l’e semble s’être fermé. Je rappelle que l’anglais prononce l’s même après un e muet qui, d’ailleurs, ne s’entend pas, comme dans Hobbes, Cecil Rhodes, James, Times, Jones, Serlock Holmes. Voir aussi page 60, note 2.

[747] De même, par exemple, La Ferronay(s). L’s se prononce pourtant dans Alais, cas unique. C’était là une orthographe que rien ne justifiait, et beaucoup de gens du pays voulaient fort justement écrire Alès, comme on faisait souvent jadis, car l’orthographe adoptée faisait que les non-indigènes prononçaient le plus souvent Alè, aussi écrit-on maintenant Alès. On prononce aussi l’s dans les mots étrangers, reis et milreis, et dans Brueys (bruis).

[748] Mais non dans pali(s), comme le veulent Michaëlis et Passy.

[749] Cela ne convient guère qu’à fleur de li(s), qui prend ainsi un air plus oratoire et en quelque sorte plus héraldique. V. Hugo fait souvent rimer maïs avec pays, et cela était encore admissible de son temps; mais on sait que V. Hugo faisait constamment rimer des finales à consonnes sonores avec des finales à consonnes muettes. Quant à fi(l)s, on sait que Littré tenait toujours pour fi(ls), et Thurot affirme que l’usage était encore partagé de son temps. Partage fort inégal, sans doute.

[750] Avec beaucoup de mots savants: unguis, pubis, rachis et rachitis, orchis, anagallis, hamamélis, amaryllis, syphilis, lychnis, propolis, anthémis, pénis, lapis (lazuli), berbéris, hespéris, ophrys, épistaxis, galeopsis, coréopsis, arsis, thésis, satyriasis, pityasis, éléphantiasis, phymosis, paréatis, isatis, oarystis, etc.

[751] Après i comme après a, l’s final se prononce toujours dans les noms propres anciens ou étrangers: Adonis, Anubis, Apis, Briséis, Cypris, Daphnis, Isis, Laïs, Memphis, Pâris, Sémiramis, Thétis ou Tircis; Davis, Dellys, Lascaris, Tauris, Tunis, Walpurgis, Willis, etc., et même Médicis, quoique l’italien soit Médici; toutefois Deny(s) a subi l’analogie du prénom français, Deni(s). L’s se prononce aussi le plus souvent dans les noms français autres que les prénoms: Amadis, Aramis, Azaïs, Bernis, Cabanis, Clovis, Damis, Ducis, Fétis, Genlis, Grisélidis, Léris, Nangis, Puvis, Raminagrobis, Sourdis, Vestris, avec Aunis, Lorris, Senlis, le roi d’Ys, etc., et peut-être aussi Cambrésis et Beauvaisis, avec le prénom Francis. L’s est muet dans les autres prénoms: Loui(s), Deni(s) ou Deny(s) et Alexi(s); dans Dupui(s), Empi(s), Maupertui(s) et Duplessi(s); dans Arci(s)-sur-Aube, Chabli(s), Montargi(s), Mont-Ceni(s), Néri(s)-les-Bains, Pari(s) ville, Plessi(s)-les-Tours. Dans Abénaki(s), Achanli(s), Alleghany(s), Andely(s), Guarani(s), Kimri(s), Maori(s), Osmanli(s), Parsi(s), Somali(s), l’s ne se prononce pas non plus, étant seulement la marque du pluriel.

[752] De même Orpheus, Zeus, etc., qu’il ne faut pas décomposer en Orphé-us ou Zé-us, comme l’a fait parfois V. Hugo: voir plus haut, page 92, note 2.

[753] Voir plus haut, page 102. L’s ne se prononce donc pas dans campo(s).

[754] Cf. alcarazas. L’s de trabucos n’est aussi que la marque du pluriel; mais ce mot paraît devoir faire en français comme albinos. On prononce aussi l’s dans le pluriel fueros, qui n’est connu que comme pluriel.

[755] Et une foule de noms propres également grecs, auxquels se joignent, par analogie ou autrement, Calvados, Chandos, Burgos, Dubos, Carlos, Molinos, Esquiros, Hycsos, Cathos, Athos et Porthos. Pour la prononciation de l’o dans tous ces mots, voir pages 102 et 103. Ajouter blockaus. L’s est muet dans Duclo(s), Duco(s), Salomon de Cau(s) et Wattrelo(s); dans Aïno(s), Botocudo(s), Chiquito(s), Gaucho(s), l’s n’est que la marque du pluriel, et nous considérons ces mots comme assez connus pour les prononcer à la française.

[756] Ajouter Péipous, Bonafous, Frayssinous. Papou(s) est un pluriel comme Andalou(s).

[757] Comme détritus ne s’emploie guère qu’au pluriel, beaucoup de personnes prennent probablement son s pour le signe du pluriel et prononcent détritu(s); cela est tout à fait injustifié. D’autre part, quand Carolus était populaire, l’s y était muet.

[758] Abu(s) et cabu(s), refu(s), diffu(s), infu(s) et confu(s), ju(s) et verju(s), talu(s), reclu(s), inclu(s) et perclu(s), plu(s) et surplu(s), camu(s), pu(s), intru(s) et abstru(s), dessu(s), jésu(s), obtu(s) et contu(s), et les prétérits eu(s), fu(s), couru(s), aperçu(s), etc.

[759] Naturellement on ne parle pas des liaisons, dont il sera question ailleurs.

[760] Pourtant on dit quelquefois tantôt plus, tantôt moins.

[761] On prononce naturellement l’s dans les noms propres latins, ou simplement latinisés, ou formés sur le modèle des noms latins, comme Jansénius, Stradivarius et Confucius, Nostradamus et Ramus, Morus et Diafoirus, etc.; et aussi dans beaucoup de noms propres méridionaux ou étrangers: Artus, Cabarrus, Caylus, Cheverus, Malthus et Picpus, Fleurus et Fréjus, etc., avec Eviradnus. Ceux où l’s ne se prononce pas sont moins connus: Châlu(s) et Châtelu(s), Camu(s), Tournu(s), Vertu(s). Mais il faut y joindre un autre nom où l’s ne se prononce pas, précisément parce qu’il est très populaire, et traité comme les prénoms: c’est Jésu(s). Encore les protestants affectent-ils de rétablir l’s, par respect, pour que le nom ressemble moins à un mot de l’usage commun, et peut-être aussi pour se distinguer des catholiques; et cette prononciation de Jésus a été adoptée par un grand nombre de savants, ou simplement de libres penseurs, avec l’arrière-pensée d’assimiler le personnage à tous les autres personnages de l’histoire, ce qui n’est plus tout à fait du respect. On parlera de Jésus-Christ au chapitre du T.

[762] Que j’ai entendu à la Comédie-Française, dans la bouche d’André Brunot, si je ne me trompe. Michaëlis et Passy ne paraissent pas savoir que cette prononciation est tournée en ridicule.

[763] L’s de bon sens est particulièrement utile pour distinguer cette expression de se faire du bon sang.

[764] C’est tout simplement une altération de c’en devant derrière et c’en dessus dessous.

[765] Dans les noms propres en -ans ou -ens, prononcés par an, l’s est normalement muet: Conflan(s), Louhan(s), Le Man(s), Orléan(s), Jouffroy d’Abban(s), Constan(s), etc., avec Decam(ps), Descham(ps), Confolen(s), Doullen(s), Furen(s), et Saint-Saën(s), de la Seine-Inférieure, enfin Claren(s), Mᵐᵉ de Waren(s); on prononce néanmoins l’s dans Huysmans, Exelmans, Paixhans, noms étrangers ou méridionaux, et, d’autre part, dans Argens, Lens et Sens, Jean-Paul Laurens, Dulaurens, Saint-Saëns, le musicien, et Jordaens: voir page 133, note 3. Quand -ens se prononce par in, mais seulement après une consonne, ce qui élimine Amien(s) et Damien(s), l’s se prononce toujours: voir page 139, note 2. Les noms en -ins font comme les noms en ans: Salin(s), Moulin(s), des Ursin(s), Provin(s), Vervin(s), Norvin(s), etc.; mais on prononce l’s dans Tonneins et Lérins, et même dans Reims, qui n’est pourtant pas du Midi, mais qui est un monosyllabe. L’s est encore muet dans Amonton(s), Nyon(s), Pon(s), et Saint-Pon(s), Saint-Giron(s), Soisson(s); il s’entend dans Mons et le prénom Pons, et aussi dans Aruns, qu’on prononce par on, et Laruns, qu’on prononce par un. Pour Lons-le-Saunier, les habitants du pays, qui emploient Lons seul, y font toujours sonner l’s; sur le nom complet, les avis sont partagés, mais l’s ne devrait pas sonner. Je ne parle pas des pluriels, Grampian(s), Mohican(s), Turcoman(s), Pahouin(s) et Patarin(s), Mormon(s), Huron(s), Hun(s), etc.

[766] De même Nui(ts), Dou(bs), Pierrefon(ds), Le Hor(ps).

[767] On prononce de même les deux consonnes dans Lesseps, dans Ops, Chéops, Pélops, Cécrops et Aups, et aussi dans Vals, Pils, Douls, Banyuls, mais non dans Marvéjol(s) ou Barjol(s), ni dans Tagal(s), Oural(s), Peul(s) et Tamoul(s), qui sont des pluriels. On prononce encore l’s avec d’autres consonnes dans les noms étrangers: Adams, Ems, Worms, Huyghens, Dickens, Hans Sachs, Massachusetts, Aramits, Cloots, Thierry Bouts, Wynants, Roberts, etc.; Wiking(s) et Taïping(s) sont des pluriels.

[768] Sauf, comme on l’a vu plus haut, dans ga(rs); sauf aussi dans volontie(rs) et les noms propres en -iers, qui sont apparemment des pluriels, ainsi qu’Ange(rs): voir pages 293 et 299.

[769] Même comme nom propre, sauf dans Cin(q)-Mar(s) ou Saint-Mar(s). Diver(s) aussi a prononcé son s pendant quelque temps, mais il y a longtemps qu’il suit la règle.

[770] Les noms propres français se prononcent aussi sans s: Thouar(s), Dupetit-Thouar(s) et Cin(q)-Mar(s), Thier(s), Ger(s), Fler(s), Bouffler(s), Mamer(s) et Anver(s), Vaucouleur(s), Cahor(s), Vercor(s) et Givor(s), Bouhour(s) et Tour(s), etc. Il est vrai que la prononciation locale de Gers et Anvers conserve l’s, et on a bien le droit de la suivre, surtout quand on est du pays; mais le français répugne tellement à cette prononciation de la finale -ers qu’elle n’a aucune chance de se répandre et de s’imposer, surtout pour Anver(s): comment Anver(s), nom français, puisque l’autre est Antwerpen, se prononcerait-il autrement en France que tous les mots en -vers, qui sont assez nombreux? Ces mots à part, l’s ne se prononce que dans le monosyllabe Ars, et dans les noms étrangers, comme Kars, Flatters ou Milne-Edwar(d)s.

[771] Sauf dans la forme verbale e(st) et dans quelques noms propres: pour ce groupe final -st, voir plus loin, au chapitre du T.

[772] En effet, l’s était devenu muet partout devant une consonne au cours du moyen âge. L’introduction des mots savants dans la langue rétablit l’habitude de prononcer l’s, et fit même revivre des s muets de la langue populaire. Il devint bientôt très difficile de savoir quels s se prononçaient, quels s ne se prononçaient pas devant une consonne; car on en comptait des milliers où l’s servait seulement, soit à allonger la voyelle précédente (comme l’s du pluriel), par exemple dans ba(s)tir, fe(s)te, di(s)ne, soit simplement à marquer l’étymologie, par exemple en tête des mots commençant par es-, des-, mes-, res-, comme e(s)cu, e(s)chelle, de(s)brouiller, me(s)chant, me(s)pris, re(s)pondre, où l’e était devenu bref. Cela dura jusqu’au jour où l’Académie prit enfin le parti, dans la troisième édition de son Dictionnaire (1740), de remplacer partout ces s muets par des accents aigus ou circonflexes. Mais les mots qui avaient été altérés sont restés altérés: ainsi satisfaction, restreindre, presbytère, cataplasme, etc., etc., et aussi festoyer, après de longues hésitations (fêtoyer est encore dans le Dictionnaire de l’Académie): voir sur ce point le livre de Thurot, tome II, pages 320-326.

[773] De même Le(s)diguières, De(s)bordes, De(s)cartes, De(s)champs, De(s)combes, De(s)fontaines, De(s)forges, De(s)genettes, De(s)jardins, De(s)mahis, De(s)marets, De(s)moulins, De(s)noyers, De(s)périers, De(s)pois, De(s)portes, De(s)prez, De(s)préaux, De(s)roches, De(s)rousseaux, De(s)touches, Se(s)maisons, etc., et même De(s)chanel, De(s)pautère et Dele(s)cluze, quoiqu’ils n’aient pas d’s final. De même aussi les noms qui commencent par Bois-: Boi(s)lile, Boi(s)gelin, Boi(s)robert, Boi(s)guillebert, Boi(s)mont, et encore Gro(s)bois, Pa(s)deloup et Pa(s)-de-Calais. Mais on prononce l’s dans Lescar, Lescaut, Lescot, Lescun et Lescure, dans Lesparre, Lespès et Lespinasse, comme dans les noms anciens, Lesbie, Lesbos et Lestrygons, le breton Lesneven ou l’anglais Leslie; de même dans Desdémone ou Destutt de Tracy. Dans Mal(e)sherbes, on n’a pas non plus affaire à l’article, mais à un adjectif pluriel, qui s’accorde avec le substantif; c’est pourquoi l’e est muet, et l’s se lie.

[774] Registre a aussi fait exception pendant quelque temps, et pouvait s’écrire regître; l’s y est rétabli définitivement. Il se prononce dans maistrance, malgré maître. On ne prononce pas l’s de beef(s)teack, mais ce mot s’écrit beaucoup mieux bifteck.

Le cas de cheve(s)ne, unique dans les mots de la langue, est au contraire très fréquent dans les noms propres, sur qui l’Académie n’avait point autorité, et qui ont conservé malheureusement cet s inutile. Devant l et n surtout, les exemples en sont très nombreux, et jamais ou presque jamais l’s ne se prononce dans les noms français: ainsi Cha(s)les, Pra(s)lins, Ne(s)le, Pre(s)le, Champme(s), l’I(s)le-Adam, Rouget de Li(s)le, et tous les noms où figurent I(s)le ou Li(s)le, A(s)nières, Duque(s)ne, Sure(s)nes, Que(s)ne, Fre(s)nel, Daume(s)nil et tous les noms en -mesnil, Ai(s)ne, Hui(s)ne, Co(s)ne, Do(s)ne, Ro(s)ny, etc., etc. Les mots qui font exception sont très rares: je ne vois guère qu’Isnard. Devant les autres consonnes, surtout devant le t, l’s se prononce ordinairement aujourd’hui pour des raisons diverses, ou simplement par altération analogique; ainsi l’s ne se prononçait pas dans Pasquier ou Estienne, de Maistre et Lemaistre, Testu et Testelin, et d’autres, et s’y prononce aujourd’hui généralement, tout comme dans Astrée, Coustou, Crespin, Demoustier, Espeuilles, Esquirol, Estaing, Esterel, Estrées, Lespinasse, Mesmer, Mistral, Monistrol, Montespan, Montesquieu, Pascal, Restaut, Restif (pas toujours), Robespierre, Sylvestre, etc., outre les noms cités dans la note précédente. Il y a pourtant un assez grand nombre d’exceptions qui se sont conservées tant mal que bien, devant des consonnes diverses, surtout m: Cha(s)te(l)lain, et les noms commençant par Cha(s)t-, Chre(s)tien de Troyes, d’E(s)préménil, duc d’E(s)cars, écrit aussi Des Cars, Du Gue(s)clin, Duhe(s)me, Fi(s)mes, He(s)din, l’E(s)toile, l’Ho(s)pital, Male(s)troit, Mene(s)trier, Me(s)mes, Me(s)vres, Pe(s)mes, Rai(s)mes, Saint-Me(s)min, Sole(s)mes, Vo(s)ges, etc. Dans les noms anciens, l’s se prononce, naturellement: Ascagne, Asdrubal, Asmodée, Aspasie, Avesta, Démosthène, Esculape, Esdras, Espagne (quoique épagneul n’ait pas d’s), Ismène, Israël, Istrie, Nestor, Thémistocle, etc., et même Eschine, et Eschyle, malgré la difficulté, et même devant un n ou un l, comme dans Misnie; Péla(s)ges seul fait exception, par la difficulté qu’il y aurait à prononcer l’s devant la syllabe muette ge, comme dans Vo(s)ges, mais l’s reparaît dans pélasgique, où la difficulté n’est qu’amoindrie. L’s se prononce également dans les noms étrangers, comme Asmodée, Disraéli, Dresde, Espartero, Erasme, Escobar, Escurial, Ismaël, Ispahan, Lisbonne, Mansfeld, Mesmer, Pasquin, Presbourg, Sleswig, Sobieski, Tasmanie, Toscane, Van Ostade, Velasquez, etc., et même devant un l, comme dans Islam, Islande, Isly ou Venceslas.

[775] Mais il ne faut pas se dissimuler que l’e ajouté ainsi dans escandale, escrupule ou esquelette, espécial ou estatue, est absolument le même que celui d’escabeau, escadre, escadron, escalade, escarcelle, escarmouche, escopette, escorte ou esquif, d’espace, espadon, espalier, espèce, espérer, espion ou esprit, d’estampe, estomac ou estropier, etc., sans compter celui des mots qui ont perdu leurs s: échelle, écrire ou écu, épars, épée, épais ou époux, étable, établir, éternuer, étouppe, étrennes ou étroit, etc., pour e(s)chelle, e(s)crire, etc. Tous ces e sont des intrus qui ont réussi à s’imposer; les autres auraient pu réussir tout aussi bien: ce sont des cousins pauvres.

[776] Michaëlis et Passy ne l’admettent pas une seule fois: ils prononcent ascétique comme acétique. On entend aussi deux s dans Brescia, un seul ou un c dans Ko(s)ciusko.

[777] De même S(c)évola, S(c)eaux, S(c)ipion, S(c)ylla, identique à Sylla, S(c)yros, S(c)ythie.

[778] Fa(s)ce, ve(s)ce, acquie(s)ce, immi(s)ce, rentrent naturellement dans le cas des consonnes doubles devant un e muet; on ne peut en prononcer qu’une.

[779] Voir plus haut, page 202. Il en est de même dans les noms propres: Lisbonne, Asdrubal ou Brisgau. On prononce même souvent Bedzabé pour Betsabée, ce qui est plus extraordinaire.

[780] L’Académie avait accepté un temps que asthme se prononçât azme; mais elle y a renoncé. Le son du z apparaît aussi dans Israël, rarement dans Islam.

[781] Malgré l’opinion du Dictionnaire général. Peut-être est-ce en partie par analogie avec Guernesey et Anglesey. Il est doux aussi dans Arsace et Arsacides, dans Kiersy, écrit aujourd’hui Quierzy, dans Farsistan, mais non dans Arsène, Persépolis ou Arsinoé, pas plus que dans Marseille ou Versailles.

[782] Ainsi que dans Alsace et alsacien; également dans Belsunce et Elsevier, qui s’écrit couramment Elzévir, sans parler de Mal(e)sherbes, où il y a un simple fait de liaison (voir page 312, note 1).

[783] Le Dictionnaire général et Michaëlis et Passy sont d’un avis contraire.

[784] Même observation.

[785] Comme dans substance, substitut, etc.: le Dictionnaire général n’indique pas ces accommodations.

[786] Il ne faut donc pas prononcer gymnâce.

[787] C’est un phénomène analogue que l’on constate dans Buenos-Ayres, où l’s dur est changé en s doux par le voisinage de la voyelle suivante, comme si c’était un mot unique; de même parfois dans les quatre fils Aymon ou nec plus ultra, tellement la tendance est forte, voire même dans sub judice lis est, d’où le calembour sub judice Lisette.

[788] Que l’Académie écrivait par deux s jusqu’en 1878, pour empêcher le son doux.

[789] On a doublé l’s, par une prudence excessive, dans dissyllabe et trissyllabe.

Chargement de la publicité...