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Dictionnaire critique et raisonné du langage vicieux ou réputé vicieux

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La gent qui porte crète au spectacle accourut.
(La Fontaine, fab. liv. I.)

Gente n’est français que comme féminin de gent, (joli.)

Gente de corps et de façon.
(Marot.)

Il y a donc une faute dans cette phrase: «mais la gente dévote ne veut y croire, etc.» pour dire: mais les dévots ne veulent y croire. (Gaz. des Trib. 31 janv. 1834.) Cette phrase serait bonne si l’on avait voulu dire la gentille dévote, ce qui ne peut pas être, d’après le sens de la phrase entière.


GÉROMÉ.

Locut. vic. Du fromage de Géromé.
Locut. corr. Du fromage de Gérardmer.

Gérardmer est un bourg des Vosges (arrondissement de St-Dié), renommé pour ses fromages.


GÉROMIUM.

Locut. vic. J’aime l’odeur du géromium.
Locut. corr. J’aime l’odeur du géranium.

On prononce géraniome.


GESTION (Voy. DIGESTION).


GIBELOTTE (Voy. CIVET).


GIFFLE (Voy. CALOTTE).


GIGIER, GÉGIER.

Locut. vic. Un gigier, un gégier de poulet.
Locut. corr. Un gésier de poulet.

Gésier est, selon Ménage, une corruption de gigier. Ce mot, ajoute-t-il, vient de gigerium. Gigeria, intestina gallinarum. (Nonius Marcellus.) L’usage veut maintenant qu’on dise gésier, en dépit de l’étymologie.


GISSANT.

Orth. vic. On le trouva gissant sur la terre.
Orth. corr. On le trouva gisant sur la terre.

Le vieux verbe gir ou gésir n’est plus employé maintenant que dans les temps et personnes qui suivent: il gît, nous gisons, ils gisent, il gisait, gisant, qu’on écrit avec un seul s, mais qu’on prononce, dit la Grammaire des Grammaires, comme s’il y en avait deux.


GLISSADE.

Locut. vic. Un ruisseau gelé leur fournit une glissade.
Locut. corr. Un ruisseau gelé leur fournit une glissoire.

L’action de glisser est une glissade; un chemin frayé sur la glace, pour y faire des glissades, est une glissoire.


GLISSER.

Locut. vic. Comme le pavé glisse aujourd’hui!
Locut. corr. Comme le pavé est glissant aujourd’hui!

Le pavé est certainement trop bien retenu dans son encaissement pour qu’il puisse glisser; c’est donc nous qui glissons.


GODRON.

Locut. vic. Cela sent le godron.
Locut. corr. Cela sent le goudron.

Des godrons sont des plis ronds qu’on fait aux jabots, aux manchettes, aux coiffures des femmes, ou des façons qu’on fait aux bords de la vaisselle d’argent, vaisselle à gros godrons, à petits godrons, et aux ouvrages de menuiserie et de sculpture.

Du goudron est une espèce de poix, servant principalement à calfater les vaisseaux.

Il y a, comme on voit, assez de différence entre ces deux mots pour qu’on ne doive pas les confondre.


GRACE.

Locut. vic. Vous l’avez obtenu, grâces à moi.
Locut. corr. Vous l’avez obtenu, grâce à moi.

L’Académie, dans ces locutions grâce à Dieu, grâce à vos soins, etc., ne met point de s; elle en met un lorsque le substantif grâce est précédé du verbe rendre, rendre grâces. Nous croyons qu’on peut fort bien s’en dispenser.

Rendez grâce au seul nœud qui retient ma colère.
(Racine, Iph.)

GRAINIER, GRENETIER.

Un grainier est un marchand de grains; un grainetier, un marchand de graines.

L’Académie ne donne pas le premier mot, et écrit mal le second, grenetier.


GRAMMAIRE.

Prononc. vic. Gran-maire.
Prononc. corr. Gram’-maire.

Le grammairien Beauzée, répondant à un descendant de d’Aguesseau qui disait humblement n’avoir été reçu dans une société littéraire qu’en considération de son grand-père: «cela ne m’étonne pas, Monsieur, je l’ai bien été à cause de ma grand’mère,» Beauzée, disons-nous, ne faisait qu’un mauvais calembour. Qui respectera les lois grammaticales, si les grammairiens sont les premiers à les méconnaître?


GRAVAS.

Locut. vic. Enlevez ces gravois.
Locut. corr. Enlevez ces gravas.

La langue n’ayant nullement besoin de deux mots parfaitement synonymes, il faut faire un choix entre gravois et gravas. Selon les dictionnaires de Furetière et de Trévoux, «les maçons disent gravas, mais les autres disent gravois.» Les maçons nous ont bien l’air de l’emporter sur les autres, car ils ont l’usage pour eux, et ce qui nous semble le prouver, c’est la formation du mot gravatier, donné par l’Académie et tous les autres dictionnaires.


GRAVIR.

Locut. vic. Il a gravi contre ce roc.
Locut. corr. Il a gravi ce roc.

Laveaux, dans ses additions au dictionnaire de l’Académie (1802), est d’avis qu’on peut employer gravir activement, et dire gravir un roc, une montagne, etc. Plusieurs de nos bons auteurs ont partagé cette opinion, comme on pourrait le prouver par de nombreuses citations.


GRIPPE (PRENDRE EN).

Quelques grammairiens prétendent, en s’appuyant sur l’autorité de l’Académie, qu’on doit dire: se prendre de grippe contre quelqu’un; contre quelque chose, et non: prendre quelqu’un, quelque chose en grippe. Si ces grammairiens avaient lu attentivement tout le dictionnaire de l’illustre compagnie, ils auraient vu que ces deux locutions y sont également autorisées. Nous pensons aussi qu’elles doivent l’être, puisque l’on dit également prendre en haine, prendre en aversion, prendre en amitié, etc., et se prendre de haine, se prendre d’aversion, se prendre d’amitié, etc.


GROGNER.

Locut. vic. Vous me grognez sans cesse.
Locut. corr. Vous grognez sans cesse contre moi.

Grogner étant un verbe neutre ne peut pas avoir un régime direct.


GROSSE.

Locut. vic. Cette femme est grosse de vous.
Locut. corr. Cette femme est grosse de votre fait.

Rabelais se moque ainsi de cette manière de parler:

«Le secund dict: Ma femme engroissera, mais non de moy. Cor Dieu ie le croy. Ce sera d’ung beau petit enfantelet que elle sera grosse. Aultrement, vouldriez-vous que ma femme dedans ses flancz me pourtast? me conceut? me enfantast? et que on dist, Panurge est ung secund Bacchus. Il est deux foys nay. Il est renay, comme feut Hippolytus, etc., sa femme était grosse de luy. Erreur; ne m’en parlez jamais.»

(Pantagruel, Liv. III. Ch. XVIII.)

Ce que nous disons ici de l’adjectif grosse, doit s’appliquer également à l’adjectif enceinte.


GROUIN.

Locut. vic. Oh! le vilain grouin!
Locut. corr. Oh! le vilain groin!

Prononcez aussi gro-ein et non grou-in.


GUÈRES.

Locut. et orth. vic. Il ne s’en faut de guères.
Locut. et orth. corr. Il ne s’en faut guère.

«M. de Balzac dit toujours il ne s’en faut de guères. Dans une de ses lettres à madame Desloges (Liv. 7. lett. 19): Votre lettre m’est si précieuse, Madame, qu’il ne s’en faut de guères, que je ne m’en fasse un collier ou un bracelet, etc. C’est un gasconisme. Il faut dire, pour parler français, il ne s’en faut guères. De guères, comme l’a fort bien observé l’auteur des Remarques, ne se dit que lorsqu’il est question d’une quantité comparée avec une autre: elle ne la passe de guères

(Ménage, Observ. sur la lang. fr.)

Le s de guères étant inutile, nous pensons qu’il vaut mieux le supprimer, comme l’a fait l’Académie.


GUET-A-PENS.

Orth. vic. Il fut victime d’un guet-à-pens.
Orth. corr. Il fut victime d’un guet-apens.

Quoique certains auteurs, M. Chapsal entr’autres, (Dict. grammatical) aient cru devoir écrire à-pens en deux mots, il est hors de doute pour quiconque veut se donner la peine de feuilleter nos anciens auteurs, que cette orthographe n’est pas tolérable. Apenser, en vieux français, signifie réfléchir, méditer.

Liétart l’a véu, si s’apense
De la promesse que li fist.
(Roman du Renard. V. 16422.)

Guet-apens est donc une abréviation de guet apensé c’est-à-dire guet médité.


GUETTE.

Locut. vic. Ce chien est de bonne guette.
Locut. corr. Ce chien est de bon guet.

Guette, dans le sens qu’il reçoit ici, est un barbarisme.


GUEUX, MISÉRABLE.

Locut. vic. Il a agi comme un gueux, comme un misérable.
Locut. corr. Il a agi comme un vaurien.

«Au sens propre, ces adjectifs se disent d’un homme très-pauvre; au sens figuré d’un scélérat. Il paraît que cette extension est de la langue des riches, et non pas de celle de l’humanité. Chez les anciens, res sacra erat miser. Chez nous, pour marquer qu’un homme est à fuir, on dit qu’il est malheureux.» (Ch. Nodier.) Nous ferons remarquer, après ce blâme sévère et mérité de l’acception plus qu’inconvenante donnée par certaines gens aux mots gueux et misérable, qu’il ne faut jamais les employer que dans le sens de pauvre, lequel est certainement le seul qu’ait eu en vue notre immortel Béranger dans sa jolie chanson des Gueux. N’est-ce pas en effet assez de laisser tomber son dédain sur les malheureux, sans leur jeter encore des injures? Honneur au grammairien philosophe qui a si bien flétri deux mauvaises expressions que repoussent également et la langue et la morale.


GUIANE, GUIENNE.

Prononc. vic. La Gü-i-iane, la Gü-i-ienne.
Prononc. corr. La Ghi-ane, la Ghi-enne.

GUIGNONANT.

Locut. vic. C’est vraiment guignonant.
Locut. corr. C’est vraiment malheureux.

Guignonant est un barbarisme.


GUILLAUME.

Prononc. vic. Gü-illaume.
Prononc. corr. Ghillaume.

GUISE.

Prononc. vic. La famille des Ghise.
Prononc. corr. La famille des Gü-ise.

H.

Locut. vic. Une h aspirée, une h muette.
Locut. corr. Un h aspiré, un h muet.

La lettre h, comme toutes les autres lettres, est du genre masculin. (Voyez LETTRES.)


HABILETÉ.

Locut. vic. On a reconnu son habileté à succéder.
Locut. corr. On a reconnu son habilité à succéder.

Celui qui est habile à recueillir une succession, a de l’habilité. La légitimation habilite un bâtard à succéder. On pourrait, en jouant sur les mots, dire d’une personne qui soufflerait à une autre un héritage, qu’au défaut d’habilité à succéder, elle a fait preuve d’habileté.


HAÏR.

Prononc. vic. Je ha-ïs, tu ha-ïs, il ha-ït.
Prononc. corr. Je hès, tu hès, il hèt.

Dans ses autres temps et personnes, le verbe haïr conserve l’orthographe et la prononciation de l’infinitif.


HALBRAN.

Orth. vic. C’est un ragoût de halebrans.
Orth. corr. C’est un ragoût d’albrans.

Par suite d’une inattention assez singulière, l’Académie écrit ce mot, dans son dictionnaire, de deux façons différentes; d’abord sans h et ensuite avec un h, et un h aspiré, qui plus est. Feydel fait sur ce mot la remarque que ni l’une ni l’autre de ces deux orthographes n’est bonne, et que l’on doit écrire alebrand. Feydel ne donne malheureusement pas la raison sur laquelle s’appuie son opinion; la nôtre est fondée sur l’étymologie (gr. alibrentos) donnée par Ménage, qui cependant a écrit halbran, contrairement à cette étymologie, par respect sans doute pour l’usage de son temps; et profitant de la latitude que nous donne ici l’Académie, nous nous déclarons pour albran.


HANOVRE.

Prononc. vic. Rue d’Hanovre.
Prononc. corr. Rue de Hanovre.

Le h de Hanovre est aspiré, conformément à l’étymologie. On ne dit pas: l’Hanovre est sous la domination anglaise, mais le Hanovre etc.


HARIA.

Locut. vic. Dieu! quel haria!
Locut. corr. Dieu! quel casse-tête!

Haria est un barbarisme.


HARNOIS.

Orth. vic. Ces harnois sont beaux.
Orth. corr. Ces harnais sont beaux.

M. Ch. Nodier est certainement dans l’erreur lorsqu’il prétend que ce mot a été reconquis par l’ancienne prononciation, qui donnait à la diphthongue oi le son qu’elle a retenu dans le mot loi. Qu’il consulte l’usage; en grammaire, a-t-il dit, l’usage a toujours raison.


HASARD.

Prononc. vic. C’est un jeu d’hasard.
Prononc. corr. C’est un jeu de hasard.

Le h est aspiré dans toute la famille de ce mot.


HÉBREU.

Locut. vic. La langue hébreuse, hébreue.
Locut. corr. La langue hébraïque.

Hébreu ne fait, au féminin, ni hébreuse, ni hébreue; il est invariable, quant au genre. On est obligé, pour avoir un féminin, d’employer l’adjectif hébraïque, des deux genres, et l’on dit alors également la grammaire hébraïque, la Bible hébraïque, le rit hébraïque.


HÉMISPHÈRE.

Locut. vic. L’une et l’autre hémisphère.
Locut. corr. L’un et l’autre hémisphère.

Le prépositif hémi, joint à sphère, n’avait aucun droit de changer le genre de ce dernier substantif; il y a ici pur caprice de la part de l’usage mais ce caprice est consacré. L’auteur des Omnibus du langage attribue donc à tort au mot hémisphère le genre féminin, surtout quand il s’autorise de l’Académie qui le fait masculin.


HÉMORRHAGIE.

Orth. et Locut. vic. C’est une hémorrhagie de sang.
Orth. et Locut. corr. C’est une hémorragie.

Une hémorragie étant une perte de sang, l’adjonction de ces deux derniers mots à hémorragie forme un véritable pléonasme.

L’Académie a supprimé le h de ce mot. Comme le dit Féraud, cette lettre était inutile.


HENNIR, HENNISSEMENT.

Prononc. vic. Il hanit de plaisir.
Prononc. corr. Il hennit de plaisir.

Wailly, Boiste, Laveaux disent de prononcer hanir, hanissement. L’usage veut qu’on prononce hennir, hennissement. M. Ch. Nodier (Examen Crit. des diction.) qui s’attache ici à l’usage, fait la remarque que cette prononciation est à-la-fois étymologique, euphonique et pittoresque. Nous sommes tout-à-fait de son avis.


HENRI.

Locut. vic. La vie d’Henri IV.
Locut. corr. La vie de Henri IV.

On lit dans Mercier (Hist. de France, t. III): Cet Henri VIII, chef de la confédération contre Louis XII. Ce t a quelque chose qui choque l’usage reçu. Voltaire a-t-il dit l’Henriade?


HERMITE.

Orth. vic. Un hermite.
Orth. corr. Un ermite.

L’Académie (1802) a préféré l’orthographe hermite, hermitage; et nous ne savons pourquoi. L’étymologie (eremita) la repousse. Il est aussi peu raisonnable, abstraction faite de l’usage, d’écrire hermite, qu’il le serait d’écrire hanachorète.


HÉSITER.

Locut. vic. N’hésitez pas de partir.
Locut. corr. N’hésitez pas à partir.

Devant un nom, hésiter demande la préposition sur; devant un verbe, il régit à. De, ajoute Laveaux, serait une faute.


HEURE (A BONNE). Voy. BONNE.


HEURE.

Locut. vic. Je l’ai attendu une heure d’horloge.
Locut. corr. Je l’ai attendu une heure entière.

On joint souvent à ce mot des modificatifs que le bon sens condamne. Que signifient par exemple ces locutions: une heure d’horloge, une heure de temps, une grande, une petite heure? Toutes les heures ne sont-elles pas égales? Une heure d’horloge, comme une heure de montre, comme une heure de temps, comme une grande, comme une petite heure, ne vaut toujours que soixante minutes. S’il y a plus ou moins de soixante minutes, ce n’est plus une heure; c’est une heure plus une fraction ou moins une fraction. Les expressions que nous signalons ici sont au reste si ridicules qu’on ne les trouvera jamais employées par les gens, nous ne dirons pas ayant une teinture de grammaire, mais pourvus de quelque justesse d’esprit, qualité essentielle en grammaire, comme en toutes choses, et qui peut quelquefois balancer avec avantage le savoir.


HIATUS.

Prononc. vic. Évitez le hiatus.
Prononc. corr. Évitez l’hiatus.

L’usage est assez généralement en contradiction avec les dictionnaires pour la prononciation de ce mot. Comme l’aspiration du h est plutôt une tache qu’un ornement de la langue, nous pensons qu’il vaut beaucoup mieux s’en rapporter en cette circonstance aux dictionnaires.


HIDEUX.

Prononc. vic. C’est t’ideux.
Prononc. corr. Cé hideux.

M. de Pradt a méconnu l’aspiration du h dans ce mot. «Une populace..... assouvit son hideuse faim à bon marché.»


HIER. (Voy. AVANT-HIER).


HIER AU MATIN, HIER SOIR.

Locut. vic. Je l’ai vu hier au matin, hier soir.
Locut. corr. Je l’ai vu hier matin, hier au soir.

Pourquoi, dira sans doute quelque raisonneur, intercaler entre les mots hier et soir l’article contracté au, que vous refusez à la première locution? L’analogie n’exige-t-elle pas que la construction de ces deux expressions soit la même? Épouvanté par le bon sens du maraud, nous lui répondrons: l’usage le veut ainsi; et franchement nous ne voyons pas qu’on puisse lui faire d’autre réponse sensée, en admettant que celle-ci le soit.

Notre syntaxe veut aussi qu’on dise demain matin, demain au soir.


HOLLANDE.

Locut. vic. On a reçu des nouvelles d’Hollande.
Locut. corr. On a reçu des nouvelles de Hollande.

Ne dites pas, avec les agens de change, des ducats d’Hollande; ni avec les épiciers, du fromage d’Hollande; ni avec les marchands de toile, de la toile d’Hollande. Quelques grammairiens autorisent, il est vrai, cette prononciation; mais ces grammairiens n’ont certainement pas pesé leur opinion, ou bien peut-être ont-ils voulu, dans ce cas, déférer à l’usage, qui, comme nous venons de le faire voir, est un peu en faveur de ces exceptions. Le principe est excellent, et ce n’est certes pas nous qui le combattrons. Notre observation n’a pour but que d’en blâmer ici l’application, parce qu’elle est absurde, et que l’absurde doit être attaqué partout où il se trouve. MM. Laveaux et Ch. Nodier veulent l’aspiration du h dans ce mot. Comme personne ne dit l’Hollande, nous pensons qu’il serait ridicule de vouloir que ce mot, qui n’a jamais qu’une seule signification, pût, selon les phrases, avoir deux prononciations. Soyons conséquens dans nos opinions, c’est le meilleur moyen de leur donner du poids.


HONNEUR.

Locut. vic. J’ai l’honneur d’être, avec respect, votre très-humble, etc.
Locut. corr. Je suis avec respect, votre très-humble, etc.

L’emploi abusif que l’on fait souvent de ce mot en style épistolaire, a donné lieu à plus d’une juste critique. Cette phrase par exemple: j’ai l’honneur d’être avec respect votre très-humble et très-obéissant serviteur, qui termine tant de lettres, est-elle bien correcte? Nous ne le pensons pas. Qu’on dise: j’ai l’honneur d’être votre très-humble, etc.; ou je suis avec respect votre serviteur, d’accord. Quant à la première phrase, elle est évidemment entachée de pléonasme. Est-il possible en effet d’être le très-humble et très-obéissant serviteur de quelqu’un sans avoir pour lui du respect? Et puis comment dire à un homme, sans le connaître parfaitement, qu’en le respectant on se fait de l’honneur à soi-même? N’est-ce pas se montrer à peu près aussi obséquieux que ce provincial à qui un homme de qualité demandait: Avez-vous vu mes chevaux? et qui répondit: Oui, Monsieur, j’ai eu cet honneur-là? Nous savons qu’il y a certains hommes à qui des témoignages de respect de notre part font peut-être moins d’honneur qu’ils ne nous en font à nous-mêmes; mais ces hommes-là sont si rares que nous ne craignons pas d’avancer que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des formules: j’ai l’honneur d’être avec respect votre très-humble, etc., sont tout-à-fait déplacées, et ne peuvent être regardées que comme le produit de l’irréflexion, de l’habitude ou de l’adulation.

On ne manquera pas, nous le savons, pour réfuter notre opinion, de nous dire que ces formules sont de vains complimens qui ne tirent nullement à conséquence. Nous répondrons que l’homme franc et réfléchi n’écrit jamais que ce qu’il pense, et que lorsqu’il témoigne, même en paroles, à un autre homme, de quelque rang qu’il soit, un respect qui touche aux bornes qu’il doit avoir entre hommes, il veut au moins être sûr que ce respect est bien mérité.


HORLOGE.

Locut. vic. Un bel horloge.
Locut. corr. Une belle horloge.

«Les méridionaux disent un bel horloge; ils pèchent contre l’usage. Horologium, neutre, donne le masculin; mais les horlogers n’ont pas fait attention à l’étymologie; ils n’ont vu dans l’horloge qu’une grosse montre, et ils ont fait horloge du féminin.» (Domergue, Manuel des étrangers, etc.)


HOROSCOPE.

Locut. vic. Faites une horoscope.
Locut. corr. Faites un horoscope.

HUGUENOT.

Prononc. vic. On chassa l’huguenot.
Prononc. corr. On chassa le huguenot.

Le h est aspiré dans ce mot. L’auteur de l’Essai historique sur Clément Marot s’est trompé en écrivant: «Mais, rappelé dans sa patrie, purifié par une abjuration solennelle de cette doctrine diabolique qui ordonnait de prier Dieu en français (la doctrine de Calvin) et de ne pas partager ses biens avec le pape, ce monstre, cet huguenot abominable, lorsqu’il fut rentré en faveur à la cour, redevint un bon chrétien, un homme estimable, un poète distingué.» (Œuv. de Clém. Marot; Paris, Dondey-Dupré. 3 v. in-8o.)


HUSSARD, HUZARD, HOUSSARD, HOUZARD.

Locut. vic. Le 1er régiment de hussards, de huzards, de houssards.
Locut. corr. Le 1er régiment de houzards.

De ces quatre orthographes la première et la dernière sont les seules qui soient bien usitées. Nous ferons remarquer que la dernière semble devoir être préférée, par la raison qu’elle est adoptée par les militaires, surtout par ceux qu’elle désigne spécialement, et qu’elle a de plus l’avantage de conserver les traces de son étymologie. La houze, en vieux français, était la guêtre, selon quelques auteurs, et la botte, selon d’autres, que mettait l’homme de guerre. Se houzer signifiait donc se chausser. On disait aussi houzeau pour houze, comme on peut le voir par ce vers de La Fontaine:

Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux.
(Fable 23, liv. XII.)

Le mot hussard a pour lui l’autorité de l’usage écrit; l’Académie dit hussard, et tous les dictionnaires l’imitent. L’usage parlé est pour houzard; or ce dernier usage est évidemment le plus ancien: c’est donc au premier de céder; et nous croyons réellement qu’il en viendra là un jour.


HUSTUBERLU.

Locut. vic. Vous êtes un hustuberlu.
Locut. corr. Vous êtes un hurluberlu.

L’Académie donne ce mot comme adverbe, comme adjectif, et comme substantif. Ce n’est guère que comme adjectif et surtout comme substantif, qu’on l’emploie ordinairement. Trévoux écrit hurlubrelu.


HYMEN.

Prononc. vic. Le jour de l’hymenne.
Prononc. corr. Le jour de l’hymein.

(Voy. EXAMEN.)


HYMNE.

Locut. vic.   De belles hymnes républicaines.
Les beaux hymnes de Santeuil.
 
Locut. corr.   De beaux hymnes républicains.
Les belles hymnes de Santeuil.

Hymne est féminin en parlant des hymnes de l’église; partout ailleurs il est masculin.


ICI.

Locut. vic. Cette maison ici.
Locut. corr. Cette maison-ci.

Du temps de Vaugelas, ici se joignait correctement à un substantif.

Aujourd’hui c’est une faute assez grossière de parler ainsi.


IDEM, IBIDEM, ITEM.

Prononc. vic. Idin, ibidin, itin.
Prononc. corr. Idemme, ibidemme, itemme.

Idem signifie le même, la même chose, ibidem, dans le même lieu, item, de plus.


IDOLE.

Locut. vic. Votre idole est détruit.
Locut. corr. Votre idole est détruite.

Idole est féminin, malgré La Fontaine:

Jamais idole quel qu’il fût.....
(Fables, liv. IV, f. VIII.)

et malgré Corneille:

Et Pison ne sera qu’un idole sacré.
(Othon, act. III, sc. 1.)

«L’étymologie, dit Ménage (Rem. sur Malherbe), favorise l’opinion de M. Corneille; mais l’usage, qui est l’arbitre souverain des langues, est contraire à son opinion.»


IGNOMINIE.

Prononc. vic. L’ignomignie de l’esclavage.
Prononc. corr. L’ignominie de l’esclavage.

Les personnes qui prononcent mal le mot ignominie, et elles sont assez nombreuses, n’ont probablement jamais remarqué avec quels mots nos poètes le font rimer. Voici quelques vers que nous citons pour leur en faire connaître et retenir la véritable prononciation.

L’innocente équité, honteusement bannie,
Trouve à peine un désert où fuir l’ignominie.
(Boileau.)
Ennemi des Romains et de leur tyrannie,
Je n’ai point de leur joug subi l’ignominie.
(Racine.)

ILLISIBLE, INLISIBLE.

Locut. vic.   Ce manuscrit est inlisible.
Un auteur de romans illisibles.
 
Locut. corr.   Ce manuscrit est illisible.
Un auteur de romans inlisibles.

Ce qui n’est pas lisible peut être illisible ou inlisible. S’il est question de caractères d’écriture qu’on ne puisse pas déchiffrer, on doit dire: cette lettre est illisible; mais s’il s’agit d’un ouvrage dont on ne peut supporter la lecture à cause des défauts qu’on y remarque, on dira: ce livre est inlisible. Tel est, sur ce point, le sentiment de nos meilleurs grammairiens, au nombre desquels nous citerons M. Ch. Nodier. Cependant Laveaux (Dict. des diff.), rapporte les deux exemples suivans, où chacun de ces adjectifs est employé dans une signification toute contraire à celle que nous venons d’établir. «Sa main ne forma que des caractères inlisibles. (Volt. Histoire de Russie). Pourquoi ces hommes n’ont-ils fait que d’illisibles ouvrages? (Laharpe, Cours de litt.).» Cette double autorité embarrasse quelque peu la solution de la question; mais sans examiner si l’on ne pourrait pas y voir aussi une double distraction, reconnaissons la nécessité d’établir une différence de valeur entre les deux mots illisible et inlisible, et tenons-nous-en à celle que nos grammairiens ont établie, savoir: qu’illisible s’applique exclusivement à l’écriture, et inlisible au style. Illisible étant d’une formation régulière et parfaitement en analogie avec nos privatifs illégal, illicite, illégitime, illettré, etc., doit être préféré dans la signification directe d’impossible à lire; inlisible, au contraire, de formation bâtarde et détournée, convient mieux dans la signification d’ennuyeux à lire, qui n’a pu être donnée que par extension au privatif de l’adjectif lisible.


IMITER.

Locut. vic. Imitez ce sublime exemple.
Locut. corr. Suivez ce sublime exemple.

On imite une exemple d’écriture; on suit un exemple de conduite.

On imite une exemple d’écriture, parce qu’en la copiant on tâche d’en reproduire, le plus exactement possible, tous les traits; on suit un exemple de courage, de vertu, etc., parce qu’on ne peut chercher à copier toutes les circonstances de l’action de courage, de vertu, etc. Il n’y a réellement pas ici imitation, mais émulation.

Nous savons que plusieurs de nos bons auteurs ont employé cette locution, mais cela ne change absolument rien à sa valeur, et ne peut prouver autre chose sinon qu’ils ne l’avaient pas bien examinée avant de s’en servir.


IMMANQUABLE.

Prononc. vic. C’est in-manquable.
Prononc. corr. C’est im-manquable.

Faites sentir les deux m, par analogie avec tous les mots commençant par imm: immaculé, immatérialité, immatriculer, immédiat, etc.


IMMINENT (Voy. ÉMINENT.)


IMPARDONNABLE.

Locut. vic. Cet homme est impardonnable.
Locut. corr. Cet homme est inexcusable.

Nous pensons, comme la Grammaire des grammaires, que l’adjectif impardonnable ne doit pas plus s’appliquer aux personnes que les adjectifs pardonnable, reprochable, et irréprochable, par la raison qu’on ne dit pas pardonner quelqu’un ni reprocher quelqu’un. Laveaux, qui convient qu’on ne peut pas dire un homme pardonnable, un homme reprochable, autorise cependant les locutions homme impardonnable, homme irréprochable. Cette inconséquence manifeste nous surprend beaucoup de la part d’un grammairien si judicieux. C’est qu’il n’a consulté que l’usage, où il aurait dû consulter la raison.


IMPERSONNEL.

Locut. vic. Pleuvoir est un verbe impersonnel.
Locut. corr. Pleuvoir est un verbe unipersonnel.

Lorsqu’on veut désigner un verbe qui n’a qu’une personne, c’est unipersonnel qu’on doit dire. Impersonnel signifie: sans aucune personne; unipersonnel signifie: qui n’a qu’une personne. Ainsi, pour faire voir la différence qui existe entre impersonnel et unipersonnel, nous ajouterons que falloir est un verbe unipersonnel, puisqu’il n’a que la troisième personne de chaque temps, et que sourdre est un verbe impersonnel puisqu’il n’a aucune personne, ne pouvant être employé qu’à l’infinitif, selon toutes les grammaires et tous les dictionnaires modernes. Nous remarquerons ici que sourdre est peut-être le seul verbe impersonnel qui existe maintenant dans notre langue.


IMPOSER.

Locut. vic.   Son air vénérable en impose.
Parlez franchement; n’imposez pas.
 
Locut. corr.   Son air vénérable impose.
Parlez franchement; n’en imposez pas.

Imposer à quelqu’un, c’est lui inspirer de la crainte, du respect; en imposer c’est tromper, faire croire, mentir. «On craindra de vous imposer, quand l’imposture n’aura plus à attendre que votre colère.» (Massillon, Petit Carême, sermon VIII).

Lisez: de vous en imposer.

Elle rendait l’essor à la timidité,
En imposait à la témérité.
(Delille.)

Lisez: imposait.


INCENDIE.

Locut. vic. L’incendie est éteinte.
Locut. corr. L’incendie est éteint.

«Dans les provinces méridionales, dit Féraud, plusieurs font incendie féminin, et disent une grande incendie, au lieu de dire un grand incendie.» (Dict. crit.)


INCLUS (CI).

Locut. vic.   Vous trouverez ci-inclus la copie de leur lettre.
Vous trouverez ci-incluse copie de leur lettre.
 
Locut. corr.   Vous trouverez ci-incluse la copie de leur lettre.
Vous trouverez ci-inclus copie de leur lettre.

«Inclus, placé avant un nom dont le sens est vague, est invariable; vous trouverez ci-inclus copie, etc. Mais quand le sens est précis, inclus prend le genre et le nombre du substantif: vous trouverez ci-incluse la copie, etc. Inclus, placé après un nom, quel qu’il soit, se rapporte nécessairement à ce nom, et doit en adopter le genre et le nombre; une copie de ma lettre, une promesse de mariage est ci-incluse.» (Laveaux, Dict. des diff.)


INCOGNITO.

Prononc. vic. Il voyage incog-nito.
Prononc. corr. Il voyage inco-gnito.

Il est fort heureux, pour notre langue, que ce mot se prononce en italien comme en français, car il est plus que probable que, dans le cas contraire, certains grammairiens auraient encore, selon leur pédantesque habitude, essayé de nous imposer un petit joug étranger. Si nous leur échappons cette fois-ci, rendons-en grâces au hasard.


INDEMNITÉ.

Prononc. vic. Il a reçu une indem-nité.
Prononc. corr. Il a reçu une indamnité.

Prononcez aussi indemniser, comme s’il était écrit indame-niser. Em dans indemne, terme de jurisprudence, doit, selon l’Académie, se prononcer comme dans Jérusalem. Rien de plus sensé; c’est la règle générale, et nous regrettons vivement qu’on s’en soit mal à propos écarté pour les mots indemnité et indemniser. Des mots d’une même famille devraient assurément avoir une prononciation uniforme.


INDIEN.

Locut. vic. Ils commercèrent à la Guiane avec les Indiens.
Locut. corr. Ils commercèrent à la Guiane avec les naturels.

Un nom pour chaque chose, et chaque chose désignée par son nom. Tant que ce principe d’ordre ne sera pas observé avec le plus grand soin par nos écrivains, il ne sera réellement possible d’empêcher le chaos de s’introduire dans la langue qu’à force de résistance de la part des grammairiens.

Un Indien est un naturel de l’Inde, et l’on conviendra qu’il y a quelque ridicule à vouloir en faire un Guianais, un Brésilien, etc. Nous savons qu’on donne généralement le nom d’Indes occidentales aux Amériques, mais nous savons aussi que la justesse de cette dénomination a déjà été attaquée. Le fleuve Indus, après avoir arrosé l’Asie, ne va point sans doute, à travers la mer des Indes et celle du Sud, continuer son cours dans le Nouveau-Monde. Pourquoi donc donnerait-il son nom à cette partie de la terre? La sotte puérilité des Espagnols qui, maîtres de l’Amérique, ne crurent pouvoir balancer complètement la puissance des Portugais qu’en donnant à leur conquête le nom que leurs rivaux avaient donné à la leur; cette puérilité, disons-nous, pourrait-elle être raisonnablement pour nous une loi? Non certainement; aussi l’usage abandonne-t-il cette manière de parler, que la routine seule emploie maintenant.


INDIGESTION (Voy. DIGESTION).


INDOMPTABLE (Voy. DOMPTER).


INFESTER, INFECTER.

Locut. vic.   Des voleurs infectent cette forêt.
Cette odeur infeste l’air.
 
Locut. corr.   Des voleurs infestent cette forêt.
Cette odeur infecte l’air.

Infester, c’est piller, ravager, dévaster, etc. Infecter, c’est rendre infect, empuantir, corrompre par le venin, etc.


INGRÉDIENT.

Prononc. vic. Prenez ces ingrédi-ins.
Prononc. corr. Prenez ces ingrédi-ans.

INHABILETÉ, INHABILITÉ (V. HABILETÉ, HABILITÉ).


INHÉRENT.

Prononc. vic. C’est in-hérent à son sexe.
Prononc. corr. C’est i-nérent à son sexe.

INTERSTICES.

Prononc. vic. Intertices.
Prononc. corr. Interstices.

INTERVALLE.

Locut. vic. Une longue intervalle.
Locut. corr. Un long intervalle.

J. J. Rousseau a fait intervalle féminin: «Il y a une intervalle de dix ans. (Nouv. Héloïse, liv. III.)» Lisez un intervalle.


INVECTIVER.

Locut. vic. Vous les avez invectivés.
Locut. corr. Vous avez invectivé contre eux.

L’usage fait assez généralement invectiver verbe actif, et quelques dictionnaires récens lui ont même donné cette qualification; mais nos meilleurs grammairiens la lui refusent positivement.


IRRÉPROCHABLE.

Locut. vic. Cet homme est irréprochable.
Locut. corr. Cet homme est irrépréhensible.

Le verbe reprocher, ne pouvant avoir pour régime direct qu’un nom de chose, l’adjectif irréprochable ne doit en conséquence s’appliquer aussi qu’à un nom de chose. Nous savons que, sur ce point, presque tous les grammairiens sont contre nous, mais nous persistons à croire que nous avons raison, et que notre remarque ne sera pas dédaignée par les gens de goût. Il ne s’agit pas d’ailleurs de priver la langue d’un mot utile, car ce serait là ce qu’on pourrait nommer du purisme ridicule, purisme dont nous avons malheureusement déjà assez d’exemples: nous ne voulons qu’enlever à un adjectif la qualification de certains substantifs, qualification que la grammaire lui refuse évidemment.


IRRUPTION, ÉRUPTION.

Locut. vic.   Le Vésuve vient de faire une irruption.
Les barbares firent alors une éruption à Rome.
 
Locut. corr.   Le Vésuve vient de faire une éruption.
Les barbares firent alors une irruption à Rome.

Ce qui va du dedans au dehors, fait éruption; ce qui va du dehors au dedans, fait irruption.


JAIS.

Locut. vic. C’est noir comme un jais.
Locut. corr. C’est noir comme du jais, comme jais.

On ne peut pas dire noir comme un jais, par la raison que le jais n’est pas un nom de choses qui se comptent. Le jais est une substance bitumineuse, solide et d’un noir luisant.


JANVIER.

Locut. vic. Le trois de janvier.
Locut. corr. Le trois janvier.

A quoi sert la préposition de dans cette locution: le trois de janvier, approuvée par l’Académie et quelques grammairiens? Cette locution, dira-t-on, est elliptique; la construction pleine est: le trois (ou plutôt le troisième jour du mois) de janvier. Mais dès qu’on supprime tant de mots dans cette locution, qui peut empêcher d’en supprimer un de plus? Le trois janvier sera toujours, si l’on veut, une expression elliptique, mais plus courte, non moins claire, et surtout plus conforme à l’usage bien constaté de nos bons écrivains modernes. De, enfin, est un mot inutile; et tout mot inutile est une faute en grammaire. Laveaux (Dict. des Diff., art. Mois) est aussi d’avis qu’on doit dire le trois janvier ou le troisième jour de janvier.

«Les noms de mois, précédés des noms de nombres cardinaux, s’emploient sans préposition: le trois janvier, le six mai, le quinze avril; mais avec des noms de nombres ordinaux, la préposition de doit les précéder: le troisième jour de janvier, le sixième de mai ou du mois de mai, etc. La première manière est plus du style familier; la seconde du style relevé.» (Féraud, Dict. crit.)

On trouve dans J. J. Rousseau le quatorze de mars (Trad. de Tacite, liv. I), le treizième d’octobre (Trad. de l’Apocolokintosis), et enfin le treize octobre (Ibid.). Voilà des autorités pour tous les goûts, si des contradictions peuvent rien autoriser.


JEU D’EAU.

Locut. vic. Ce jeu d’eau est très-beau.
Locut. corr. Ce jet d’eau est très-beau.

Un jet d’eau est certainement un jeu; mais ce n’est pas ce qu’on a considéré dans la formation de ce mot; on n’y a vu que le jet de l’eau.


JEUNESSE.

Locut. vic. Il a épousé une jeunesse.
Locut. corr. Il a épousé une jeune personne.

L’extension de signification donnée au mot jeunesse, dans notre phrase d’exemple, ne méritait pas, selon nous, d’être accueillie dans un dictionnaire. Les éditeurs de celui de Rivarol ont pensé différemment. Il est certain que cette nouvelle acception peut donner lieu à des équivoques. Dans cette phrase: il avait chez lui une jeunesse que je n’avais jamais vue, comment saurez-vous s’il est question d’un certain nombre de jeunes gens ou seulement d’une jeune fille? Donnons le moins possible aux mots, dans l’intérêt de la clarté du langage, des sens détournés; et comme jeunesse en a déjà un dans sa valeur de jeunes gens, de grâce, tenons-nous-en là.


JOINT (CI-).

Locut. vic.   Je vous envoie ci-joint ma procuration.
Je vous envoie ci-jointe procurat. pour toucher.
 
Locut. corr.   Je vous envoie ci-jointe ma procuration.
Je vous envoie ci-joint procurat. pour toucher.

«L’usage veut qu’on écrive: vous trouverez ci-joint copie de ce que vous me demandez; et vous trouverez ci-jointe la copie de ce que vous me demandez. Joint, placé devant un nom dont le sens est vague, comme copie, une copie, etc., paraît s’accorder avec ceci sous-entendu. Mais quand l’énonciation est précise, comme la copie, ma promesse, etc., l’esprit plus attentif voit mieux le rapport qui est entre joint et le nom, et l’accord a lieu. Le vague de l’énonciation n’empêche pas d’écrire une copie de ma lettre, une promesse de mariage est ci-jointe. Joint, placé après un nom, quel qu’il soit, se rapporte nécessairement à ce nom, et doit en adopter le genre et les inflexions.» (Laveaux, Dict. des diff.)


JOUG.

Prononc. vic. Nous sommes sous le jou.
Prononc. corr. Nous sommes sous le jougue.

JOUIR.

Locut. vic. Il jouit d’une mauvaise réputation, d’une mauvaise santé.
Locut. corr. Il a une mauvaise réputation, une mauvaise santé.

Chaque sorte de jouissance a ses amateurs; mais où trouverait-on des êtres, ayant jouissance de raison, qui pourraient se délecter d’une mauvaise réputation et surtout d’une mauvaise santé?


JOUR (AU JOUR LE).

Locut. vic. Ces gens-là vivent au jour le jour.
Locut. corr. Ces gens-là vivent au jour la journée.

«On dit qu’un homme vit au jour la journée quand il dépense chaque jour ce qu’il a gagné, quand il n’épargne rien.» (Furetière, Dict. universel.)

Cet exemple et le suivant, que nous trouvons dans Regnier:

Toutefois je suis de ces gens,
De toutes choses négligens,
Qui, vivant au jour la journée,
Ne contrôlent leur destinée;

prouveront qu’autrefois on disait: vivre au jour la journée. L’Académie adopte aussi cette leçon. Il n’y a que quelques dictionnaires modernes qui se soient avisés d’écrire vivre au jour le jour, et nous ne savons en vérité ce qui a pu les engager à le faire. Vivre au jour la journée, c’est employer à la dépense du jour ce qu’on a reçu pour sa journée; et tout le monde sait que ce dernier mot s’emploie pour travail d’un jour, salaire d’un jour de travail: cet ouvrier n’a fait que deux journées, qu’une demi-journée, cette ouvrière va en journée. Vivre au jour le jour ne nous paraît pas offrir de sens, et nous sommes un peu étonné que Laveaux permette l’emploi de cette vicieuse locution.


JUGER A MORT.

Locut. vic. Ce malfaiteur a été jugé à mort.
Locut. corr. Ce malfaiteur a été condamné à mort.

Juger à mort est une locution qui n’est plus employée aujourd’hui que par les personnes qui parlent mal. C’est un archaïsme dont les vers suivans nous fournissent un exemple:

Si fut mys devant ce cadés
Pour estre jugé à mourir.
(Villon, Grand Testament, huit. XVII.)

Juger et condamner doivent être deux choses tout-à-fait distinctes, à moins que celui qui juge ne soit un Jefferys ou un Laubardemont. En bonne justice, on commence par juger; on condamne ensuite, s’il y a lieu. Pourquoi donc confondre ces deux actions, et n’en faire qu’une seule par cette monstrueuse locution de juger à mort? Il y a là quelque chose qui doit révolter tout homme qui pèse un peu la valeur des mots. Et il est si essentiel, en matière légale surtout, de parler clairement! Il est des gens qui eussent peut-être été bien heureux, dans l’intérêt de leur fortune, de leur liberté et même de leur existence, que la grammaire eût été mieux observée dans la rédaction de telle ou telle loi. Les plus graves résultats tiennent quelquefois à fort peu de chose!


JUIF.

Locut. vic. C’est un juif; il prête à trente pour cent.
Locut. corr. C’est un usurier; il prête à trente pour cent.

Selon la grammaire et la raison, et l’une et l’autre sont inséparables, comme l’a dit Dumarsais (Encycl. méth., art. Grammaire), un Juif est un Français, un Allemand, un Anglais, etc., professant la religion juive, et rien autre chose; et désormais tout dictionnaire qui saura se mettre à la hauteur de l’époque de tolérance où nous vivons, répudiera les définitions suivantes: juif, usurier, trompeur, fripon, etc., qui étaient tout au plus à leur place dans le dictionnaire de Trévoux, qui étaient déjà ridicules dans le dictionnaire de l’Académie de 1798, et qui sont tout-à-fait inconvenantes dans le dictionnaire de M. Raymond (1832), si l’on ne considère que l’esprit des époques où ces différens ouvrages ont paru, et qui sont toutes détestables, en se plaçant au point de vue de la raison. Rien n’est plus absurde, et quelquefois plus méchant, que de faire un objet de ridicule d’une classe entière de citoyens. Les railleurs, qui ne sont pas toujours les gens qui ont le plus de portée dans l’esprit, s’imaginent n’avoir jeté en avant qu’une plaisanterie, et c’est souvent un germe de haine qu’ils ont semé. Le devoir des honnêtes gens est donc de s’opposer à la propagation d’une locution qui tend à consacrer l’insulte gratuite, et de refuser au mot juif l’extension de signification que nous blâmons ici.


JUIN.

Prononc. vic. Le mois de ju-un.
Prononc. corr. Le mois de ju-in.

JUSQU’A TANT QUE.

Locut. vic. Attendez jusqu’à tant qu’il arrive.
Locut. corr. Attendez jusqu’à ce qu’il arrive.

Le dictionnaire de l’Académie donne jusqu’à tant que, mais il est certain que nos bons écrivains modernes évitent de se servir de cette expression irrégulière, depuis long-temps hors d’usage.


JUSQU’ICI.

Locut. vic. Si vous n’avez pas été payé jusqu’ici, etc.
Locut. corr. Si vous n’avez pas été payé jusqu’à présent, etc.

Jusqu’ici ne peut désigner le temps, cette locution ne s’applique qu’au lieu. La balle a porté jusqu’ici.

La première phrase pourrait cependant être employée, mais elle aurait alors une signification autre que celle qu’on vient de lui donner. Si vous n’avez pas été payé jusqu’ici signifierait, si vous n’avez pas reçu de frais de route jusqu’à cet endroit-ci.


JUSTE (COMME DE).

Locut. vic. Je vous le donnerai, comme de juste.
Locut. corr. Je vous le donnerai, comme je le dois.

«Comme de juste est une expression aussi vicieuse que le seraient comme de vrai, comme de faux; dites: comme il est juste.» (Marle, Précis d’orthologie.)


LABOUR.

Locut. vic. Voyez ces chevaux de labourage.
Locut. corr. Voyez ces chevaux de labour.

Le labour est la façon qu’on donne aux terres en les labourant; le labourage est plus particulièrement l’art de labourer la terre.


LAIDERONNE.

Locut. vic. C’est une laideronne.
Locut. corr. C’est une laideron.

«L’Académie donne pour exemple, une jolie laideron. Il nous semble au contraire que laideron ajoute à l’idée de laide quelque chose de bas et de méprisable; et nous ne pensons pas qu’on puisse dire, une jolie laideron.» (Laveaux, Dict. des diff.)


LAIR (DORMIR COMME UN).

Prononc. vic. Dormir comme un lair.
Prononc. corr. Dormir comme un loir.

La vicieuse prononciation de lair pour loir paraît être au reste fort ancienne, car on lit dans Villon:

Les bourses des dix-et-huit clercs
Auront, je my veuil employer.
Pas ilz ne dorment comme loirs
Qui trois mois sont sans resveiller.
(Grant Testament, huit. CXXIII.)

LAISSER.

Locut. vic. Laissez-le-moi de vingt francs.
Locut. corr. Laissez-le-moi à vingt francs.

Laisser, dans le sens de vendre, doit être suivi de la préposition à ou pour.


LAISSER DIRE (SE).

Locut. vic. Je me suis laissé dire que vous ne le vouliez pas.
Locut. corr. On m’a dit que vous ne le vouliez pas.

«Il y a beaucoup de gens qui disent, je me suis laissé dire, pour signifier on m’a dit, j’ai ouï dire. Cette expression est tout-à-fait mauvaise, dit Th. Corneille; et La Touche était surpris que l’Académie ne la condamnât pas dans les nouvelles éditions, et qu’elle se contentât de dire que cette expression est du style familier.» (Féraud, Dict. critique.)


LAISSER QUE DE (NE PAS).

Locut. vic. Cela ne laisse pas que de le fâcher.
Locut. corr. Cela ne laisse pas de le fâcher.

«Thomas Corneille pensait que ce que est inutile, et tout le monde est aujourd’hui de cet avis.» (Laveaux, Dict. des Diff.)


LAIT.

Locut. vic. Blanc comme un lait.
Locut. corr. Blanc comme du lait, comme lait.

On ne dit pas: un lait, deux laits, trois laits, etc.; il est donc absurde de dire: blanc comme un lait. Mais on dirait fort bien blanc comme un cygne, blanc comme un linge, parce qu’on peut au moins compter des cygnes, des linges, etc.


LANCER, LANCEMENT.

Locut. vic. Le doigt me lance, j’ai des lancemens dans l’oreille.
Locut. corr. Le doigt m’élance, j’ai des élancemens dans l’oreille.

LANTERNE MAGIE.

Locut. vic. Voulez-vous voir la lanterne-magie?
Locut. corr. Voulez-vous voir la lanterne magique?

Magique est un adjectif qui qualifie le substantif lanterne.


LARRONNE.

Locut. vic. Vous êtes une larronne.
Locut. corr. Vous êtes une larronnesse.

LE, LA, LES.

Locut. vic.   Êtes-vous la marchande?—Oui, je le suis.
Vous êtes malade, madame?—Je la suis depuis hier.
 
Locut. corr.   Êtes-vous la marchande?—Oui, je la suis.
Vous êtes malade, madame?—Je le suis depuis hier.

Le relatif le s’accorde en genre et en nombre avec le nom qu’il représente, quand ce nom est un substantif: Êtes-vous la marchande?—Oui, je la suis, c’est-à-dire: je suis elle; si ce nom était un adjectif ou un substantif employé adjectivement, le pronom resterait invariable: Vous êtes malade, Madame?—Je le suis depuis hier, c’est-à-dire, je suis cela, malade. Madame de Sévigné n’a jamais voulu observer cette dernière règle qui la choquait beaucoup. Je croirais, disait-elle, avoir de la barbe au menton si je disais: je le suis.

Il y a aussi une distinction à faire dans l’emploi du pronom relatif le, au pluriel. Avec un substantif il faut les: Vous paraissez être les camarades de mon fils.—Oui, nous les sommes; avec un adjectif, il faut le: Seriez-vous choqués, Messieurs, de mes paroles?—Oui, nous le sommes. Dans la première phrase les est mis pour eux, dans la seconde le est mis pour cela.

D’après ce que nous venons de dire il y a un solécisme dans ce vers de Piron:

J’étais indifférente, et je ne la suis plus,

et dans cette phrase de Marivaux:

Moins gênée! Madame, il ne faut pas que vous la soyez du tout.

C’est le qu’il faut dans ces deux exemples.


LEDIT, LADITE, etc.; AUXDITS, AUXDITES, etc.

Orth. vic. J’ai vu ledit sieur N...; j’ai parlé audit sieur N...
Orth. corr. J’ai vu le dit sieur N...; j’ai parlé au dit sieur N...

L’article doit toujours être séparé du participe dit, au masculin comme au féminin, au singulier comme au pluriel.


LEGS.

Prononc. vic. On lui a fait un lègue.
Prononc. corr. On lui a fait un .

LÉGUME.

Locut. vic. Ces légumes sont excellentes.
Locut. corr. Ces légumes sont excellens.

Quelques anciens auteurs ont fait légume féminin; ce mot est aujourd’hui masculin pour tous ceux qui connaissent tant soit peu le français.


LE MOINS, LE PLUS.

Locut. vic. C’est ici que l’histoire devient la plus intéressante.
Locut. corr. C’est ici que l’histoire devient le plus intéressante.

«Le ne prend ni genre ni nombre, lorsque, joint avec plus, moins ou mieux, il forme avec eux un superlatif adverbe. C’est la chose que j’aime le plus et non la plus. Ce sont les biens que je désire le moins et non les moins. Nous devons parler le plus sagement, et nous énoncer le plus clairement qu’il est possible. Il en est de même lorsque ces adverbes sont suivis d’un adjectif, et qu’il n’y a pas dans la phrase une idée de comparaison. Nous ne pleurons pas toujours lorsque nous sommes le plus affligés. Dans cet exemple, on ne veut point comparer son affliction à celle de quelques autres personnes. Mais si une comparaison était indiquée dans la phrase, le pronom reprendrait sa fonction ordinaire, et s’accorderait avec le substantif. Ainsi l’on dirait: la personne qui pleure moins que les autres n’est pas la moins affligée.» (Laveaux, Dict. des Diff.)


LENDE.

Locut. vic. Sa tête est couverte de lendes.
Locut. corr. Sa tête est couverte de lentes.

Quelques dictionnaires modernes écrivent lende qui serait plus selon l’étymologie que lente; mais ils renvoient à lente que l’usage paraît effectivement avoir préféré.


LETTRES.

Locut. vic. Une h, une l, une m, une n, une s, etc.
Locut. corr. Un h, un l, un m, un n, un s, etc.

Toutes les lettres sont maintenant du genre masculin. Cette réforme grammaticale est d’autant plus juste que la plupart des lettres étaient déjà de ce genre. C’est un hommage rendu au principe de l’analogie.


LEVÉ.

Locut. vic. J’ai le premier levé de la seconde partie.
Locut. corr. J’ai la première levée de la seconde partie.

LÉVIER, LAVIER.

Locut. vic. Mettez cette assiette sur le lévier, sur le lavier.
Locut. corr. Mettez cette assiette sur l’évier.

Un Évier est un conduit par où s’écoulent les eaux, les lavures d’une cuisine. Ce mot vient du vieux substantif eve ou esve, eau.

Descendoit l’esve claire et roide.
(Roman de la Rose.)

L’auteur du Manuel de la pureté du langage autorise l’emploi de lévier. Où a-t-il été prendre ce mot?


LÈZE.

Locut. vic. Cette étoffe est à grande lèze.
Locut. corr. Cette étoffe est à grand .

L’Académie donne et lèze. Nous croyons ce dernier mot inutile, puisque l’usage a fait choix du mot , qui est d’ailleurs fort ancien.

Quel a-il? de Brucelle.
(La Farce de Pathelin.)

LICÉ, LISSÉ.

Locut. vic. Son front est licé, lissé.
Locut. corr. Son front est lisse.

Ce qui est lisse l’est naturellement; ce qui est lissé l’est artificiellement. Lisse est un adjectif qui signifie uni, poli; lissé est le participe passé du verbe lisser, et signifie rendu lisse. Quant à licé, c’est une orthographe surannée que nous trouvons dans l’épigramme suivante du grammairien Furetière:

A UN JUGE.
Conseiller, qui vantez vos mains
D’être blanches et fort licées,
Vos discours ne sont pas trop vains:
On vous les a souvent graissées.

Lisses était ici le mot propre.


LICHEFRITE.

Locut. vic. Nettoyez cette lichefrite.
Locut. corr. Nettoyez cette lèchefrite.

LICHER.

Locut. vic. Le chien a liché le plat.
Locut. corr. Le chien a léché le plat.

LIERRE.

Locut. vic. C’est une pierre de lierre.
Locut. corr. C’est une pierre de liais.

La pierre de liais est une pierre dure et d’un grain très-fin.


LINCEUIL.

Orth. vic. Le funèbre linceuil.
Orth. corr. Le funèbre linceul.

On écrivait autrefois linceuil.

Un linceuil tout saigneux à son dos s’estendoit,
Qui jusques aux talons déchiré lui pendoit.
(Garnier, Cornélie, trag.)

Nos poètes modernes suivent souvent cette orthographe, mais les meilleurs dictionnaires ne l’admettent pas.


LINTEAU.

Locut. vic. Vos serviettes sont à linteaux.
Locut. corr. Vos serviettes sont à liteaux.

Des linteaux sont des pièces de bois qu’on met en travers au-dessus d’une porte ou d’une fenêtre, pour soutenir la maçonnerie; des liteaux sont des raies colorées qui sont à quelque distance des extrémités de certaines serviettes.


LIQUEUREUX.

Locut. vic. Ce vin est liqueureux.
Locut. corr. Ce vin est liquoreux.

L’étymologie l’a emporté sur l’analogie dans la formation des mots liquoreux, liquoriste. Le contraire aurait dû avoir lieu. Si vous laissez violer le principe de l’étymologie, c’est très-fâcheux; mais vous n’en devez pas moins agir ensuite dans le même sens. Ne serait-il pas plus rationnel de dire liqueureux, liqueuriste que liquoreux, liquoriste?


LOIN A LOIN (DE).

Locut. vic. Je le vois de loin à loin.
Locut. corr. Je le vois de loin en loin.

«L’Académie dit loin à loin, de loin à loin, et donne pour exemples de ces phrases adverbiales, planter des arbres loin à loin. Les hameaux, les maisons y sont semés loin à loin. On est surpris de trouver dans le Dictionnaire de l’Académie cette ancienne locution que l’on n’emploie plus aujourd’hui, et de n’y pas trouver de loin en loin, qui est celle dont les bons auteurs se servent généralement.» (Laveaux, Dict. des Diff.) M. Girault-Duvivier préfère aussi de loin en loin.


L’ORIENT.

Orth. vic. L’escadre arriva à L’Orient.
Orth. corr. L’escadre arriva à Lorient.

Lorient est le nom d’un port de France sur l’Océan, qui n’a rien de commun, par rapport à la France du moins, avec l’orient, l’un des quatre points cardinaux, et que l’on a tort d’écrire en deux mots avec une apostrophe.


LORS.

Locut. vic. Depuis lors on n’en a plus eu de nouvelles.—Je le vis lors de mon départ.
Locut. corr. Depuis cette époque on n’en a plus eu de nouvelles.—Je le vis à l’époque de mon départ.

«Depuis lors, dit Domergue (solut. gramm.), est une expression proscrite du beau langage; on n’en a pas besoin, et elle ne communique aucune grâce. Jean-Baptiste Rousseau est tombé dans cette faute.» Dites toujours: depuis, depuis cette époque, au lieu de: depuis lors.

«Lors, avec un génitif, par exemple, lors de son élection, pour dire quand il fut élu, n’est guère bon ou du moins guère élégant.» (Vaugelas, Rem. 121.)

Il ne faut pas dire non plus pour lors. Cette locution, quoique admise par l’Académie, est très-incorrecte, et nos bons écrivains modernes ne s’en servent presque jamais.


LOSANGE.

Locut. vic. Son champ a la forme d’un losange.
Locut. corr. Son champ a la forme d’une losange.

Ce mot est féminin, selon tous les dictionnaires.


LOUIS D’OR, NAPOLÉON EN OR.

Locut. vic. Prenez vingt louis d’or, vingt napoléons en or.
Locut. corr. Prenez vingt louis, vingt napoléons.

Les complémens d’or, en or, donnés aux mots louis et napoléon, sont tout-à-fait inutiles, car on ne connaît pas en France de monnaie à laquelle on donne le nom de louis d’argent, ni de napoléon d’argent. Quand on comprend parfaitement une idée, pourquoi ajouter des mots qui ne modifient absolument en rien cette idée, pour nous Français, du moins, et qui pourraient induire en erreur des étrangers tant soit peu logiciens, en leur donnant à entendre que nous avons une monnaie qui n’existe pas.


LUI.

Locut. vic.   Gardez ce bâton, je n’ai pas besoin de lui.
Cet ouvrage est important, ajoutez-lui des notes.
Chacun doit prendre garde à lui.
 
Locut. corr.   Gardez ce bâton; je n’en ai pas besoin.
Cet ouvrage est important, ajoutez-y des notes.
Chacun doit prendre garde à soi.

«Lui ne se dit ordinairement que des personnes. Quoiqu’un homme dise fort bien d’un autre qu’il se repose sur lui, qu’il s’appuie sur lui, on ne dira pas pour cela d’un lit ou d’un bâton, reposez-vous sur lui, appuyez-vous sur lui; mais on se servira de la préposition elliptique dessus; reposez-vous dessus, appuyez-vous dessus.

«En parlant des choses, on emploie le pronom en au lieu de de lui, et le pronom y au lieu de à lui. On ne dit pas d’un mur n’approchez pas de lui, on dit, n’en approchez pas; ni d’un village, allez à lui, il faut dire, allez-y.

«Lorsque le pronom lui est précédé des prépositions avec ou après, il peut se dire des choses même inanimées. Ce torrent entraîne avec lui tout ce qu’il rencontre, il ne laisse après lui que du sable et des cailloux.

«On ne doit pas se servir indifféremment de lui et de soi. Quand on parle en général, et sans indiquer une personne qui est le sujet de la phrase, il faut se servir de soi. Il faut que chacun prenne garde à soi. Mais lorsqu’une personne en particulier est désignée dans la phrase, il faut mettre lui. Cet homme ne prend pas garde à lui.» (Laveaux, Dict. des Diff.) Ce qu’on vient de dire de lui s’applique également à elle.


LUNÉTIER.

Prononc. vic. Vous êtes lunétier.
Prononc. corr. Vous êtes lunetier.

Féraud veut que le premier e de ce mot soit fermé; c’est contre l’usage. Lunetier vient bien de lunette, mais buvetier, charretier, gazetier, tabletier, etc., viennent aussi de buvette, charrette, etc., et le premier e de ces mots n’est pas fermé.


LUTHÉRIANISME.

Locut. vic. Le luthérianisme a pénétré dans ce pays.
Locut. corr. Le luthéranisme a pénétré dans ce pays.

MACHIN.

Ce mot ne figure dans aucun dictionnaire, et n’est jamais employé par les personnes qui parlent bien.


MAIRERIE.

Prononc. vic. Voici la mairerie.
Prononc. corr. Voici la mairie.

On a écrit et prononcé autrefois mairerie, comme on le voit dans Nicod; l’usage actuel veut qu’on écrive et qu’on prononce mairie.


MAJOR.

Locut. vic. J’ai une tierce major, un quinte major, etc.
Locut. corr. J’ai une tierce majeure, une quinte majeure, etc.

L’Académie regarde la première de ces expressions comme surannée; M. Blondin (Manuel de la pureté du langage) regarde la seconde comme vicieuse. Nous croyons que la raison est ici du côté de l’Académie. Il est bien certain, du moins, que cet adjectif latin major accolé à un substantif français est d’un effet assez ridicule, ailleurs que dans les mots composés tambour-major, chirurgien-major, adjudant-major, etc., qui sont trop répandus et d’une formation trop ancienne pour qu’on puisse songer à y rien changer; et il n’est pas moins certain que l’usage général est en faveur de tierce majeure. Tierce major n’est plus guère employé aujourd’hui que par les joueurs de piquet des corps-de-garde et des guinguettes.


MAL.

Locut. vic. Vous aurez du mal à l’entendre.
Locut. corr. Vous aurez de la peine à l’entendre.

«Beaucoup de personnes disent: j’ai cherché long-temps ce livre, j’ai eu bien du mal à le trouver; il a eu bien du mal à se procurer votre adresse; ces façons de parler sont de véritables solécismes. On doit employer le mot peine dans ces phrases: j’ai cherché long-temps ce livre, j’ai eu bien de la peine à le trouver; il a eu bien de la peine à se procurer votre adresse.

«Mal éveille une idée de souffrance physique, et par conséquent ne saurait convenir à des phrases où l’on ne veut exprimer qu’une idée d’embarras, de difficulté.» (Chapsal. Nouv. dict. grammatical.)

On trouve les exemples suivans dans le Dict. de l’Académie: Il a eu bien du mal à l’armée. On a trop de mal chez ce maître-là. Il a bien du mal à gagner sa vie. Nous ne croyons pas que ces exemples détruisent ce qu’établit M. Chapsal, car il est facile de voir que le mot de mal y réveille toujours jusqu’à un certain point l’idée de souffrance physique.


MALADIE (FAIRE UNE). Voyez FAIRE.


MALGRÉ.

Locut. vic. Je fus forcé de sortir malgré moi.
Locut. corr. Je fus forcé de sortir.

Le pléonasme que produit l’expression malgré moi dans notre phrase d’exemple, est trop évident pour que nous fassions là-dessus la moindre réflexion.


MALGRÉ QUE.

Locut. vic. Il le fera malgré qu’on le défende.
Locut. corr. Il le fera quoiqu’on le défende.

«Malgré que n’est plus d’usage qu’avec le verbe avoir, précédé de la préposition en; en effet malgré que veut dire mauvais gré que; quelque mauvais gré que; ainsi malgré que j’en aie, malgré que j’en eusse, veut dire mauvais gré que j’en aie, quelque mauvais gré que j’en eusse; construction qui ne peut avoir lieu avec tout autre verbe.

«Malgré que je fasse, malgré que je sois ne doivent donc pas se dire. Il faut remplacer malgré par quoique, bien que et dire: quoique je fasse, bien que je sois.» (Grammaire des gramm. t. 2.)


MALHEUREUX (Voyez GUEUX, MISÉRABLE.)


MALINE.

Locut. vic. Fièvre maline.
Locut. corr. Fièvre maligne.

On lit dans Ronsard:

Telle fièvre maline
Ne se pourroit garir par nulle médecine.
(Remonstrance au peuple de Fr.)

On trouve encore cette orthographe dans La Fontaine:

Elle sent son ongle maline.
(Liv. VI, fab. 15.)

L’usage et la raison ont lutté ensemble pour ce féminin d’adjectif: l’usage l’a emporté. Et cela ne devait pas être.


MANES.

Locut. vic. Ils croyaient entendre les mânes plaintives de leurs aïeux.
Locut. corr. Ils croyaient entendre les mânes plaintifs de leurs aïeux.
Et mes mânes contens, aux bords de l’onde noire,
Se feront de ta peur une agréable histoire.
(Boileau.)

MANGER.

Locut. vic. J’ai tous les jours six personnes à manger chez moi.
Locut. corr. J’ai tous les jours six personnes à nourrir chez moi.

La première de ces phrases ne pourrait être évidemment correcte que dans un pays d’ogres. Dans le nôtre elle n’est pas tolérable.


MANGER.

Locut. vic. Cette fourrure a été mangée aux vers.
Locut. corr. Cette fourrure a été mangée par les vers.

Une chose n’est pas mangée aux vers, aux souris,mais par les vers, par les souris. Comment se fait-il qu’une faute dont une minute de réflexion suffit pour démontrer toute l’absurdité, se reproduise si fréquemment?


MANIÈRE (DE).

Locut. vic. Arrangez l’affaire de manière à ce qu’il soit content.
Locut. corr. Arrangez l’affaire de manière qu’il soit content, ou de manière à le contenter.

De manière à ce que ne se trouve pas dans nos bons écrivains, par la raison que nos bons écrivains repoussent toujours avec soin les mots oiseux, comme à ce dans la locution précitée.


MANQUER.

Locut. vic. Il a manqué de tomber.
Locut. corr. Il a manqué tomber.

L’usage veut aujourd’hui que l’on emploie le verbe manquer sans le joindre par la préposition de au verbe qui le suit. Des grammairiens ont attaqué cet usage, d’autres l’ont défendu: nous sommes du côté de ces derniers. Manquer ayant la signification de faillir, penser, être sur le point de doit être immédiatement suivi du verbe qu’il régit. Dit-on vous avez failli de tomber, il a pensé de mourir, elle a été sur le point de de partir? Ces manières de parler seraient ridicules; les deux dernières surtout.


MANQUER A TOUCHER.

Locut. vic. Vous avez manqué à toucher; c’est un manque à toucher.
Locut. corr. Vous avez manqué de touche; c’est un manque de touche.

Expressions du jeu de billard.


MARCHE.

Locut. vic. Soyez sans inquiétude, nous avons de la marche.
Locut. corr. Soyez sans inquiétude, nous avons de la marge.

La marge, au figuré, est ce qui est au-delà du nécessaire. Au propre, le sens est à peu près le même.

Le mot marche dans notre phrase d’exemple fait un véritable non-sens. Ce n’est certainement pas le cas d’être sans inquiétude lorsqu’on a beaucoup de marche à faire.


MARCHE.

Locut. vic. Vous le reconnaîtrez à sa marche.
Locut. corr. Vous le reconnaîtrez à son marcher.

La marche est le mouvement de celui qui marche; le marcher est la manière dont il marche. On a la marche lente, rapide, assurée, chancelante, etc. On a le marcher gracieux, élégant, ignoble, etc.


MARCHÉ (BON).

Locut. vic. J’ai acheté ce livre bon marché.
Locut. corr. J’ai acheté ce livre à bon marché.

M. Blondin (Manuel de la pureté du langage) prétend que cette locution acheter à bon marché est vicieuse, et qu’il faut dire acheter bon marché. Nous croyons, nous, le contraire. L’usage et l’Académie, autorités qui, malgré leurs erreurs, sont encore les premières en fait de langage, veulent également qu’on dise acheter à bon marché. On dit et l’on doit dire: acheter à bon compte, acheter à vil prix, et l’on ne pourrait pas dire acheter à bon marché? Ce serait là un pur caprice; ne cherchons pas à en entacher notre langue.


MARDELLE.

Locut. vic. Changez la mardelle de ce puits.
Locut. corr. Changez la margelle de ce puits.

On a dit autrefois margeole, marelle, mardelle et margelle. On ne dit plus aujourd’hui que mardelle et margelle, et nous ajouterons que l’on ne devrait dire que margelle, parce que ce mot est le seul conforme à l’étymologie (margella, diminutif de margo, marginis) donnée par Ménage, Furetière, Ducange, et le Dict. de Trévoux.

L’Académie et presque tous les autres dictionnaristes paraissent préférer margelle à mardelle, en renvoyant de ce dernier mot au premier.

Margelle appartient à la famille du mot marge. L’idée de bord se trouve dans l’un comme dans l’autre.


MARÉE EN CARÊME, MARS EN CARÊME.

Locut. vic.   Il vient tous les ans dans ce mois-ci: il est comme marée en carême.
Vous arrivez à propos, comme mars en carême.
 
Locut. corr.   Il vient tous les ans dans ce mois-ci: il est comme mars en carême.
Vous arrivez à propos, comme marée en carême.

Il est aisé de voir que, dans la première phrase, marée ne signifie rien, car la marée peut ne pas toujours arriver en carême, tandis que mars ne manque jamais à cette époque. Aussi faut-il mars dans cette phrase. Dans la seconde, mars n’est pas mieux placé, car il importe certainement fort peu au carême que mars se trouve compris dans la quarantaine; c’est la marée qui seule est d’une grande importance pour ce temps de nourriture maigre. Mettez donc marée dans le second cas.

Comment se fait-il que presque tous nos grammairiens confondent ces deux expressions, et regardent la seconde comme une corruption de la première? N’y a-t-il pas deux idées bien distinctes exprimées par ces deux locutions proverbiales, l’une de périodicité, l’autre d’à-propos, et n’a-t-on pas lieu de s’étonner de la distraction des modernes lexicographes, qui, en cette qualité, devaient compulser avec la plus grande attention les ouvrages de leurs devanciers, et qui n’ont pas su voir, nous ne dirons pas apprécier, la judicieuse distinction établie déjà entre ces deux expressions par l’Académie, Féraud, etc.?

«On dit proverbialement d’une chose qui arrive à propos, qu’elle arrive comme marée en carême

«On dit proverbialement d’une chose qui ne manque jamais d’arriver en certain temps, cela vient comme mars en carême.» (Académie, Féraud, etc.)

Rien est-il en effet plus agréable, plus à propos enfin pour des gens qui observent rigoureusement le carême qu’un envoi de marée bien fraîche? Rien est-il encore plus susceptible d’un retour certain que le mois de mars dans le carême, puisque ce temps de pénitence le comprend toujours en totalité ou en partie?

M. Raymond, qui a fait l’article Carême comme l’a fait l’Académie, passe sous silence, au mot marée, l’expression marée en carême, et traite plus loin mars en carême de corruption de marée en carême. Voilà deux fautes graves. A quoi sert-il de venir après le Dict. de l’Académie si, au lieu de profiter de ses erreurs, on fait plus mal que lui?

«Il y a une considération qui me refroidirait, dit M. Jacquemont (Correspondance, t. I) c’est le sort incertain de mes lettres, et la crainte de voir celles-là se perdre comme les autres, ou n’arriver que comme mars en carême.» M. Jacquemont s’est étrangement mépris sur la valeur de cette expression proverbiale. Il en a retourné le sens, et au lieu de lui attribuer une signification d’à-propos, c’est une signification toute contraire qu’il lui donne.


MARGOTTE.

Locut. vic. Avez-vous planté vos margottes?
Locut. corr. Avez-vous planté vos marcottes?

Une marcotte est une branche de plante qu’on met en terre pour qu’elle y prenne racine.

Dites aussi marcotter des vignes, des chèvrefeuilles, des œillets, et non margotter.


MARIAGE, NOCE.

Locut. vic. On a fait hier six noces à la mairie, à l’église.
Locut. corr. On a fait hier six mariages à la mairie, à l’église.

Il existe entre ces deux mots une différence très grande, et dont assez généralement on tient fort peu de compte. Le mariage est la cérémonie civile ou religieuse qui unit les époux, la noce est la petite fête qui suit ordinairement cette cérémonie. Un maire fait un mariage, un traiteur fait une noce; témoin cette vieille inscription: Un tel, traiteur, fait nopces et festins. On ne fait pas de noce sans mariage, mais on peut faire un mariage sans noce. Il s’ensuit donc que l’on pourrait dire: j’ai assisté au mariage de M. un tel, mais je n’étais pas à sa noce; ou bien: j’étais à sa noce, mais non à son mariage.

Noce ne peut être employé pour mariage qu’au pluriel. Il a épousé en secondes noces une sœur de sa première femme.


MARIER AVEC.

Locut. vic. Il a marié sa nièce avec un vieillard.
Locut. corr. Il a marié sa nièce à un vieillard.

MM. Laveaux et Girault-Duvivier pensent qu’on peut dire marier à et marier avec. Marier à quand il est question de deux choses qui se confondent ensemble, et dont l’union forme un tout: marier le luth à la voix; marier avec quand il est question de choses qui ne sont que jointes ensemble, et restent distinctes après leur jonction: marier la vigne avec l’ormeau.

On lit cependant dans Delille:

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