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Histoire du Bas-Empire. Tome 01

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[Soz. l. 2, c. 9-14.]
Cod. Th. lib. 11, t. 7, leg. 5.
Aug. de Civ. l. 18, c. 52, t. 7, p. 535.
Baron. an. 344.
[Themist. or. 4, p. 58.
Chron. Alex. vel. Pasch. p. 289.
Ducange, Const. chr. p. 91 et 92.]

Constance n'assista pas à ce synode: il marchait alors vers la Perse, d'où l'on craignait sans cesse une irruption. La haine de Sapor contre les Romains croissait de plus en plus. Tant que la religion chrétienne avait été persécutée dans l'empire, la Perse avait ouvert les bras aux chrétiens qui venaient y chercher un asyle. Mais depuis la conversion de Constantin, Sapor les regardait comme autant d'espions et de traîtres: il les accusait de favoriser les Romains, avec lesquels ils s'accordaient dans le culte. Sous ce prétexte il les livrait aux plus affreux supplices. Les tables ecclésiastiques donnaient les noms de seize mille martyrs, tant hommes que femmes[146]. Le reste était innombrable. Ces cruels traitements contribuaient à fortifier les soupçons de Sapor: un grand nombre de fidèles se réfugiaient dans les villes romaines, et par une sorte de reflux la persécution les ramenait dans les mêmes contrées, d'où la persécution les avait chassés. Constance s'avança jusqu'à Nisibe[147], où se rendait sans doute une partie de ces pieux fugitifs. Mais on ne voit pas que les Perses aient cette année passé le Tigre, et l'empereur revint à Antioche sans avoir tiré l'épée. On avait commencé le 17 d'avril à construire à Constantinople des thermes magnifiques, qui portèrent le nom de Constance. Il y fit transporter d'Antioche les statues de Persée et d'Andromède.

[146] Voyez les additions au livre V, § 22.—S.-M.

[147] Il était dans cette ville le 12 mai 345.—S.-M.

An 346.
XL. Port de Séleucie.
Jul. or. 1, p. 40 et 41. ed. Spanh.
Liban. or. 11. p. 386, t. 2, ed. Morel.
Hier. chron.
Theoph. p. 31.
Cedr. t. 1, p. 299.
Till. art. 10.

Un ouvrage bien plus important s'exécutait près d'Antioche. La côte voisine de cette ville était d'un accès difficile. Des roches cachées sous les eaux et d'autres qui bordaient le rivage en défendaient l'approche. Tout le commerce se faisait au port de Séleucie, situé à quarante stades de l'embouchure de l'Oronte. Constance fit ouvrir ce port, et lui donna une face toute nouvelle pour le rendre plus spacieux et plus commode. Cette entreprise coûta beaucoup de travail et de dépense. Il fallut couper une montagne et creuser un bassin dans le roc. Séleucie fut augmentée de nouveaux édifices, et Antioche ornée de portiques et de fontaines. En reconnaissance, cette dernière ville voulut prendre le nom de Constance; mais son ancien nom, célèbre depuis plusieurs siècles, ne céda pas à ce goût de flatterie, qui eut plus de succès à l'égard d'une ville moins illustre: c'était Antaradus, en Phénicie; Constance la fit rebâtir; elle porta dans la suite indifféremment son premier nom, et celui de son restaurateur.

XLI. Sédition à C. P.
Lib. vit. t. 2, p. 17 et 18, ed. Morel.
Hier. chron.
Cod. Th. lib. 11 tit. 16. leg. 6.
Theoph. p. 31.
Till. art. 10.

Les deux empereurs étaient consuls cette année, Constance pour la quatrième fois, et Constant pour la troisième. Il est remarquable qu'ils ne prirent point le consulat au commencement de l'année: l'histoire n'en donne point la raison. Le premier monument où ils soient nommés consuls, est une loi du 7 de mai. Constance était alors à Constantinople, et il paraît qu'il y séjourna le reste de cette année[148], et jusqu'au mois de mars de la suivante. Il s'y était apparemment rendu, afin d'arrêter les suites d'une sédition. Le peuple révolté, on ne sait à quelle occasion, avait blessé un magistrat considérable nommé Alexandre, qui fut obligé de se sauver à Héraclée. Les séditieux se saisirent de ceux qui leur étaient suspects; et se flattant d'être toujours les maîtres, ils les mirent en prison en attendant qu'on instruisît leur procès. Bientôt ils se calmèrent, peut-être avec aussi peu de raison qu'ils s'étaient soulevés. Le magistrat offensé rentra dans la ville, et se mit en devoir de punir les mutins. Mais il survint dès la nuit suivante un ordre de l'empereur, qui destituait Alexandre, et qui mettait en sa place Liménius, que Libanius dépeint comme un homme sans mérite, et d'une vanité ridicule. Cependant Sapor, rentré en Mésopotamie, assiégeait Nisibe pour la seconde fois. Toutes les forces de la Perse échouèrent encore devant cette ville; quoiqu'elle ne fût défendue que par sa garnison; et Sapor fut obligé d'en lever le siége au bout de soixante-dix-huit jours.

[148] Il existe des lois de Constance datées de cette ville des 26 mai et 23 août de la même année.—S.-M.

XLII. Concile de Milan.
Ath. Apol. ad Const. t. I, p. 297.
Socr. l. 1, c. 19 et 20.
Soz. l. 3, c. 11.
[Theoph. p. 34.]
Phot. vit. Ath. cod. 257.
Pagi, in Baron.

Dans le même temps que Constance était venu à Constantinople, Constant avait passé en Italie. Il était à Milan au mois de juin. Il y manda Athanase et plusieurs évêques d'Occident qui s'assemblèrent en synode. Les députés orientaux leur ayant présenté cette longue formule dont j'ai parlé, leur demandèrent d'y souscrire. Les évêques répondirent qu'ils s'en tenaient à la profession de Nicée, et qu'ils rejetaient toutes les autres, comme des productions d'une curiosité dangereuse: ils proposèrent à leur tour de condamner la doctrine d'Arius. Cette proposition irrita les députés; ils partirent brusquement; et les évêques prirent cette occasion pour conjurer l'empereur de renouveler ses instances auprès de son frère, et d'obtenir de lui qu'il voulût bien concourir à terminer par un concile œcuménique les contestations qui déchiraient le sein de l'église. Constant avait plusieurs fois écrit à son frère des lettres pressantes en faveur d'Athanase et des autres évêques bannis: mais Constance toujours obsédé par les Ariens était sourd à de si justes remontrances. Constant, à la sollicitation du synode, lui proposa un concile général, où se rassembleraient les prélats des deux partis. Constance y consentit. Les empereurs choisirent la ville de Sardique, comme la plus commode pour les évêques d'Orient et d'Occident, parce qu'elle était sur la frontière des deux empires. Constant ayant fait un voyage dans ses états d'Illyrie et de Macédoine, et s'étant avancé jusqu'à Thessalonique[149], retourna en Gaule et fit venir à Trèves Athanase, qui partit peu après avec le célèbre Osius, pour se rendre à Sardique.

[149] Constant était à Césène le 23 mai, à Milan le 21 juin, et à Thessalonique le 6 décembre.—S.-M.

XLIII. Concile de Sardique.
Ath. Apol. contr. Arian. t. I, p. 154 et 155; et epist. ad monach. p. 352 et ad Antioch. p. 770-777.
Conc. t. 3, p. 623-712.
Socr. l. 2, p. 20 et 22.
Theod. l. 2, c. 7 et 8.
Soz. l. 3, c. 11.
Theoph. p. 39.
Phot. Vit. Ath. cod. 257.
Baron. an. 347.
Hermant, vit. d'Ath. l. 6, c. 4, 5, 6, 7 et 8.
Vit. Ath. in edit. Bened. t. I, p. 40, 41 et 42 et seq.
Till. Arian. art. 38, 39. et vie de Jules, art. 9.
Fleury, Hist. eccles. l. 12.

Le concile s'assembla au commencement de l'année suivante, sous le consulat de Rufin et d'Eusèbe. Jamais depuis le concile de Nicée l'église n'avait vu un si grand nombre de prélats réunis. Cent évêques d'Occident et soixante-treize d'Orient[150], allaient combattre comme en bataille rangée, les uns pour la foi de Nicée, les autres pour la doctrine d'Arius, dont la plupart cependant n'osaient se déclarer les partisans. Ce fut en cette rencontre qu'on vit naître entre l'église d'Orient et celle d'Occident ces premières étincelles de division qui ayant paru s'éteindre ensuite, mais n'étant qu'assoupies, ont sous d'autres prétextes éclaté plusieurs siècles après par un embrasement funeste, dont les suites durent encore de nos jours. Entre les occidentaux on compte cinq transfuges qui se joignirent aux Ariens: les deux plus renommés sont Ursacius de Singidunum, et Valens de Mursa. Deux prélats se détachèrent aussi du parti des orientaux, et vinrent instruire leurs adversaires des complots tramés contre eux. Il y en avait d'autres encore qui étaient orthodoxes dans le cœur; mais la crainte de Constance et la violence de leurs collègues les tenaient comme enchaînés. Le pape Jules, qui avait été invité, s'excusa sur les maux que son absence pourrait causer à son troupeau; il envoya deux légats prêtres et un diacre. Plusieurs prélats qui s'étaient vingt-deux ans auparavant signalés à Nicée, donnaient à cette illustre assemblée un nouvel éclat, et y apportaient le même courage. Osius âgé de plus de quatre-vingt-dix ans était le plus célèbre; il fut l'oracle de ce concile: c'était lui qui proposait et qui demandait les avis; et son nom se lit en tête de toutes les signatures. Outre Athanase, Marcel et Asclépas, on y vit paraître Lucius d'Andrinople, présentant au concile les fers dont il avait été chargé par les Ariens; et plusieurs autres évêques décharnés par la faim, et meurtris de coups, portaient les marques d'une persécution barbare. Du côté des Ariens c'étaient les plus hardis qui venaient avec confiance s'offrir au choc; et pour assurer leur victoire, ils s'étaient fait accompagner du comte Musonianus et du chambellan Hésychius. Théognis était mort depuis peu; mais fidèle à son parti et livré au mensonge jusqu'au dernier soupir, il avait en mourant supposé des lettres dans la vue d'irriter l'empereur contre Athanase. Valens était encore tout échauffé d'une sédition qu'il venait d'exciter à Aquilée, dont il avait voulu usurper le siége, et il avait vu fouler aux pieds un évêque nommé Viator, qui en était mort trois jours après. Théodore d'Héraclée, Étienne nouvel évêque d'Antioche, Ursacius de Singidunum ne montraient pas moins d'ardeur. Cependant se sentant encore trop faibles contre la vérité et la justice, ils convinrent ensemble de ne pas entrer au concile, si les choses ne paraissaient pas disposées à leur avantage.

[150] Il y a quelque dissentiment entre les auteurs, sur le nombre des évêques qui assistèrent à ce concile.—S.-M.

XLIV. Les Ariens se séparent.

En effet, lorsqu'à leur arrivée, ils virent qu'on allait procéder régulièrement, que les officiers militaires ne seraient pas admis à l'assemblée, qu'Athanase et les autres bannis y seraient reçus, qu'on était disposé à écouter leurs défenses, et qu'ils allaient eux-mêmes être convaincus de tant d'horribles violences, ils s'enfermèrent dans le palais; et ayant tenu conseil entre eux, ils prirent le parti de se retirer: ils envoyèrent signifier au concile leur refus d'y assister, sous pretexte que, les accusés étant déja frappés d'anathème, on ne pouvait sans crime communiquer avec eux. Ils s'autorisaient encore d'une prétendue lettre de l'empereur, qui les rappelait, disaient-ils, pour célébrer une victoire qu'il venait de remporter sur les Perses[151]. Des raisons si frivoles n'excitèrent que l'indignation. Osius employa tous ses efforts pour vaincre ces esprits opiniâtres; il s'avança, de l'aveu du concile, jusqu'à leur proposer de comparaître devant lui seul: que s'ils réussissaient à convaincre Athanase, celui-ci serait déposé; si au contraire ils étaient confondus et qu'ils persistassent cependant à le rejeter, il renoncerait à l'évêché d'Alexandrie et se retirerait en Espagne avec Osius. Athanase acceptait ces conditions quelque injustes qu'elles fussent; mais les Ariens refusaient tout. Enfin s'embarrassant peu d'être condamnés par le concile, parce qu'ils étaient bien assurés que l'empereur ne permettrait pas l'exécution de la sentence, ils se retirèrent sur les confins de la Thrace, à Philippopolis, ville qui appartenait à Constance, et qui n'était séparée du territoire de Sardique, que par le pas de Sucques.

[151] Constance à cette époque était effectivement en Orient, sans doute à cause de la guerre qu'il soutenait contre les Perses. Parti d'Ancyre en Galatie, où il se trouvait le 8 mars 347, il était à Hiérapolis le 11 mai suivant; il ne quitta point l'Orient jusqu'en l'an 348.—S.-M.

XLV. Jugement du concile.

Le concile, ayant perdu toute espérance de les ramener, forma sa décision. Il ne dressa point de nouvelle profession de foi, déclarant qu'il s'en tenait à celle de Nicée. On remit à l'examen le jugement de Jules en faveur d'Athanase. On fit la révision de toutes les pièces du procès à charge et à décharge: on entendit les accusés. La sentence de Jules fut confirmée: Athanase et les autres furent de nouveau absous: on ordonna qu'ils rentreraient en possession de leurs siéges; on cassa les ordinations de Grégoire; et loin de le reconnaître pour évêque, on déclara qu'il ne méritait même pas le nom de chrétien. On prononça la déposition des principaux chefs de la faction arienne. Le concile écrivit quatre lettres synodales: l'une aux empereurs pour les prier de rétablir dans leur premier état les catholiques persécutés, et de réprimer les attentats des magistrats séculiers; il demandait que la foi fût libre, et qu'on n'employât plus les chaînes, les bourreaux, et les tortures pour gêner les consciences. Une autre lettre était adressée à tous les évêques; on les informait de ce qui s'était passé à Sardique, et on les priait d'y souscrire: la lettre écrite à Jules contenait en peu de mots le même récit, et reconnaissait le pape pour chef de l'église. Enfin dans celle qu'on écrivit à l'église d'Alexandrie, on faisait part aux fidèles de la pleine justification d'Athanase; on les exhortait à demeurer constamment attachés à sa communion, et on leur prouvait la nullité de l'ordination de Grégoire. On fit plusieurs canons de discipline, dont quelques-uns sont des titres respectables de la primauté du saint-siége. Ce concile était général dans sa convocation: mais la séparation des orientaux lui ôte la qualité de concile œcuménique.

XLVI. Faux concile de Sardique.

Les évêques retirés à Philippopolis donnèrent à leur assemblée le nom de concile de Sardique, pour en imposer par cette supercherie. L'église d'Afrique n'était pas encore détrompée du temps de saint Augustin, qui, ne connaissant pas le vrai concile de Sardique, ne regardait l'assemblée qui portait le nom de cette ville que comme un conciliabule d'Ariens. Ils dressèrent une profession de foi, captieuse selon leur coutume. Ils envoyèrent leur lettre synodale aux évêques de leur parti. Tous ceux qui avaient été absous par les occidentaux, y sont condamnés; toutes les anciennes calomnies contre Athanase y sont renouvelées; ils excommunient Osius, les principaux évêques catholiques et même le pape Jules. Cette lettre fut aussi adressée aux Donatistes d'Afrique; mais ceux-ci n'adhérèrent point aux erreurs des Ariens, et restèrent attachés à la foi de la consubstantialité. Le concile de Sardique sépara pour quelque-temps l'Orient de l'Occident. Le pas de Sucques fut la borne des deux communions, comme celle des deux empires. Il restait cependant en Orient des orthodoxes; mais ceux-ci, quoique fermes dans la foi de Nicée, évitaient les disputes et communiquaient même avec les Ariens, qui se divisèrent bientôt en plusieurs branches. Les uns prétendaient que le fils de Dieu était d'une substance absolument différente de celle de son père; c'étaient les purs Ariens; on les appela Anoméens; les autres reconnaissaient que le fils était en tout semblable au père, mais ils ne voulaient point qu'on parlât de substance; d'autres admettaient dans le fils une substance semblable, mais non pas la même; ils ne rejetaient que la consubstantialité; ils sont nommés Semi-Ariens; le plus grand nombre voltigeaient sans cesse d'un parti à l'autre, et réglaient leur profession de foi sur les circonstances.

XLVII. Concile de Milan.

C'était la coutume de notifier dans des synodes particuliers les décrets des conciles généraux. L'équivoque du prétendu concile de Sardique rendait dans l'occasion présente cet usage plus indispensable. Constant résidait alors à Milan. Il s'y assembla un concile nombreux, composé des évêques d'Illyrie et d'Italie. Le pape Jules y envoya des légats. On y accepta les décrets du vrai concile de Sardique. Ursacius et Valens retournés à leurs églises, se voyant environnés de prélats orthodoxes, et craignant les suites de l'anathème, dont un prince catholique ne les sauverait pas, vinrent se présenter aux évêques; et plus attachés à leur dignité qu'à leur sentiment, ils abjurèrent l'arianisme par un acte signé de leur main. On leur pardonna, et on les admit à la communion. Deux évêques furent envoyés à Constance pour demander l'exécution du jugement rendu à Sardique, et le rétablissement des prélats bannis. Constant les fit accompagner d'un officier de ses armées, nommé Salianus, recommandable par sa piété et par son amour pour la justice. Il le chargea d'une lettre par laquelle il faisait les mêmes demandes; il menaçait son frère d'employer, s'il en était besoin, la force des armes, pour soutenir une cause si juste.

XLVIII. Députés envoyés à Constance.
Cod. Th. lib. 11, tit. 30, leg. 8.
Themist. or. 2, p. 1.
Idat. chron.
Till. art. 11.
An 348.

Constance était à Antioche. Il avait quitté Constantinople dès les premiers mois de cette année. En passant par Ancyre[152] il y entendit son panégyrique prononcé par le fameux sophiste Thémistius, qui, après avoir selon l'usage protesté de la vérité de ses éloges, débita beaucoup de mensonges à la louange de l'empereur. Les députés du concile de Sardique s'étaient rendus à Antioche avant Pâques; et ceux du concile de Milan dûrent y arriver avec Salianus au commencement de l'année suivante. Quelques auteurs prétendent que Salia alors consul avec Philippe, est le même que ce Salianus[153]. Mais la dignité consulaire ne paraît guère s'accorder avec cette députation. Philippe, l'autre consul, était d'une famille très-obscure. Un génie souple et intrigant l'avait élevé jusqu'à la charge de préfet d'Orient, qu'il posséda pendant plusieurs années. Il était vendu aux Ariens, et nous le verrons bientôt signaler son zèle en leur faveur par des crimes dont il fut mal récompensé. Constance, naturellement timide, ne reçut pas sans inquiétude les lettres menaçantes de son frère. Mais les Perses lui donnaient alors de plus vives alarmes.

[152] Constance était dans cette ville le 8 mars 347.—S.-M.

[153] Cette opinion est celle de Henri Valois dans une note sur Théodoret, l. 2, c. 8.—S.-M.

XLIX. Guerre de Perse.
Liban. Basil, t. 2, p. 123 et 128-133.
Amm. l. 18, c. 9.

Après le siége de Nisibe, ils étaient convenus d'une trève avec les Romains. Cependant Sapor, dont l'humeur guerrière n'était gênée par aucun scrupule, employait ce temps à faire de nouveaux efforts. Il enrôle tout ce qu'il a de sujets propres à porter les armes; les plus jeunes, pour peu qu'ils paraissent vigoureux, n'en sont pas dispensés. Les villes restent presque désertes. Il n'épargne pas même les femmes, qu'il oblige de suivre l'armée, et de porter le bagage. Il épuise de soldats les nations voisines, qu'il engage par prières, par argent, par force. Tout l'Orient s'ébranle et marche vers le Tigre. Constance de son côté rassemble les forces romaines, se met à leur tête et s'avance pour arrêter ce torrent. Il campe à six lieues[154] du fleuve, et porte des corps de troupes jusque sur les rives. Bientôt la poussière qui s'élève au-delà annonce l'approche des Perses; on entend le bruit des armes et le hennissement des chevaux. Constance, averti par ses coureurs, va lui-même reconnaître l'ennemi; il ordonne aux postes avancés de se replier, et de laisser le passage libre: N'empêchez pas même les Perses, leur dit-il, de prendre un terrain avantageux et de s'y retrancher: tout ce que je souhaite, c'est de les attirer au combat; et tout ce que je crains, c'est qu'ils ne prennent la fuite avant que d'en venir aux mains. Les Perses profitent de cette confiance; ils jettent trois ponts; ils mettent plusieurs jours et plusieurs nuits à passer le fleuve sans aucune inquiétude; et se retranchent près de Singara[155]. Dans cette ville se trouvait alors un officier de la garde nommé Elien; il n'avait avec lui qu'une troupe de nouvelles milices. Mais il sut leur inspirer tant de courage, qu'étant sortis pendant la nuit ils osèrent sous sa conduite pénétrer jusque dans le camp des Perses; ils les surprirent endormis sous leurs tentes, en égorgèrent un grand nombre, et se retirèrent sans perte avant que d'être reconnus. Cette action rendit ces soldats célèbres; on en composa deux cohortes sous les noms de Superventores et de Prœventores, qui rappelaient leur hardiesse. Elien fut honoré du titre de comte.

[154] A 150 stades selon Libanius, or. 3, t. 2, p. 131. ed. Morel.—S.-M.

[155] Ville au milieu de la Mésopotamie sur les bords du Chaboras, actuellement le Khabour. On la nomme à présent Sindjar.—S.-M.

L. Bataille de Singara.
Liban. Basil. t. 2, p. 130-134.
Jul. or. 1, p. 23 et 24. ed. Spanch.
Eutr. l. 10.
Rufus.
Hier. Chron.
Amm. l. 25, c. 9.
Oros. l. 7, c. 29.
[Socr. l. 2, c. 25.]

Les deux armées se rangèrent en bataille: celle des Perses paraissait innombrable. Elle était composée de soldats de toute espèce; archers à pied et à cheval, frondeurs, fantassins et cavaliers armés de toutes pièces. Les rives, la plaine, la pente des montagnes n'offraient aux yeux qu'une forêt de lances et de javelots. Les gens de trait couvraient les coteaux et bordaient le retranchement: au-devant était rangée la cavalerie; l'infanterie formait l'avant-garde; elle se mit en marche et fit halte hors de la portée du trait; les deux armées restèrent long-temps en présence. On était déja à l'heure de midi, dans les plus grandes chaleurs du mois d'août; et les Romains, sous les armes dès le point du jour, n'étaient pas accoutumés comme les Perses au soleil brûlant de ces climats. Enfin Sapor, s'étant fait élever sur un bouclier pour considérer l'armée ennemie, fut frappé du bel ordre de leur bataille; elle lui parut invincible. C'était un reste de cette ancienne tactique, qui jointe à la sévérité de la discipline avait rendu les Romains maîtres du monde. Sapor savait assez la guerre pour admirer leur ordonnance; mais non pas pour la rompre de vive force, ni pour la rendre inutile par la disposition de ses troupes. Soit crainte, soit stratagème, il fait sonner la retraite, et fuyant lui-même à toute bride avec un gros de cavalerie, il repasse le Tigre et laisse la conduite de l'armée à son fils Narsès, et au plus habile de ses généraux. Les Perses prennent la fuite vers leur camp, pour attirer l'ennemi à la portée des traits prêts à partir de dessus la muraille et les coteaux. Les Romains, au désespoir de les voir échapper, demandent à grands cris le signal du combat. En vain Constance veut les arrêter; ils n'estimaient ni sa capacité ni sa valeur; et malgré ses ordres, ils courent de toutes leurs forces, et arrivent au camp sur le soir, lorsque les Perses y rentraient en désordre. Constance voyant les siens fatigués d'une course de quatre lieues, épuisés par la chaleur et par la soif, fait de nouveaux efforts pour les retenir. La nuit approchait; les archers sur les éminences d'alentour, les cavaliers au pied de la muraille faisaient bonne contenance. Rien n'arrête la fougue du soldat romain; il fond sur cette cavalerie, renverse hommes et chevaux, les assomme à coups de masses d'armes. En un moment le fossé est comblé, les palissades sont arrachées. Ils s'attachent ensuite à la muraille; elle s'écroule jusqu'aux fondements. Les uns pillent les tentes et massacrent tous ceux qui ne peuvent fuir; Narsès est fait prisonnier: les autres courent vers les hauteurs; mais à découvert de toutes parts, ils sont accablés d'une grêle de traits; l'obscurité fait égarer leurs coups; leurs épées déja rompues dans les corps des ennemis refusent de les servir: après avoir perdu leurs meilleurs soldats ils se rejettent dans le camp; là se croyant victorieux, ils allument des feux; et accablés de fatigue, brûlants de soif, ils cherchent de l'eau et ne songent qu'à se désaltérer. Les vaincus, profitant du désordre et favorisés des ténèbres de la nuit, fondent sur eux; ils les percent de traits à la lueur de leurs feux, et les chassent de leur camp. Dans cette affreuse confusion, quelques soldats furieux se jettent sur Narsès; il est fouetté, percé d'aiguillons, et coupé en pièces. Constance, fuyant avec quelques cavaliers, arriva à une méchante bourgade nommée Hibite ou Thébite, à six lieues de Nisibe, où mourant de faim il fut trop heureux de se rassasier d'un morceau de pain qu'il reçut d'une pauvre femme. Le lendemain les Perses, ne sentant que leur perte, repassent le fleuve et rompent les ponts. Sapor, saisi de douleur et de rage, quitta les bords du Tigre, s'arrachant les cheveux, se frappant la tête et pleurant amèrement son fils. Dans l'excès de son désespoir, il fit trancher la tête à plusieurs seigneurs qui lui avaient conseillé la guerre. Telle fut la bataille de Singara, où les rives du Tigre furent tour à tour abreuvées du sang des Perses et des Romains, et où la mauvaise discipline fit perdre aux vainqueurs tout l'avantage que leur avait procuré une bravoure téméraire.

LI. Nouveaux troubles des Donatistes apaisés en Afrique.
Optat. l. 3. de schis. Donat. c. 3-9.
[Athan. apol. ad Const. t. I, p. 297.]
Baronius.
Till. Hist. des Donat. art. 46 et suiv.

En Occident, les Francs étaient tranquilles; et Constant profitait du calme de ses états, pour travailler à rendre la paix à l'église. Étant allé de Milan[156] à Aquilée, il y manda Athanase, et l'engagea ensuite à passer à Trèves. Gratus évêque de Carthage, en allant au concile de Sardique, avait représenté à l'empereur les violences que les Circoncellions ne cessaient de commettre en Afrique. Le prince y envoya deux personnages considérables, nommés Paul et Macarius. Ils étaient chargés de distribuer des aumônes, et de donner leurs soins à ramener les esprits. Donat, faux évêque de Carthage, les rebuta avec insolence, et défendit à ceux de sa communion de recevoir leurs aumônes. Un autre Donat, évêque de Bagaï en Numidie, assembla les Circoncellions; les envoyés de l'empereur, pour se mettre à couvert de leurs insultes, furent obligés de se faire escorter par des soldats que leur donna le comte Silvestre. Quelques-uns de ces soldats ayant été maltraités, leurs camarades malgré les commandants en tirèrent vengeance: ils tuèrent plusieurs Donatistes, entre autres Donat de Bagaï. On employa contre ces sectaires des rigueurs qui furent blâmées des évêques catholiques. Cette conduite trop dure de Paul et de Macarius donna occasion à la secte de les rendre odieux comme persécuteurs, et d'honorer comme martyrs ceux qui perdirent la vie. Mais les commissaires n'excédèrent pas les bornes d'une sévérité légitime en chassant de Carthage le faux évêque Donat, et en traitant de même plusieurs autres évêques obstinés. Une grande partie du peuple rentra dans la communion catholique. Gratus cimenta cette heureuse union par un concile tenu à Carthage; et la tranquillité rétablie dans l'église d'Afrique subsista jusqu'à la mort de Constance.

[156] Il était en cette ville le 17 juin 348.—S.-M.

LII. Violences des Ariens.
Ath. ad monach. t. I, p. 354.

Il était temps que les menaces de Constant arrêtassent en Orient la persécution qui avait redoublé de violence après le concile de Sardique. Les Ariens de Philippopolis, irrités contre les habitants d'Andrinople qui rejetaient leur communion, s'en étaient plaints à Constance; et par les ordres de ce prince le comte Philagrius avait fait trancher la tête à dix laïcs des plus considérables de la ville. L'évêque Lucius fut de nouveau chargé de chaînes, et envoyé en exil, où il mourut. Des diacres, des prêtres, des évêques avaient été les uns proscrits, les autres rélégués dans les montagnes de l'Arménie, ou dans les déserts de la Libye. On gardait les portes des villes, pour en interdire l'entrée aux prélats rétablis par le vrai concile. On envoya de la part de l'empereur aux magistrats d'Alexandrie un ordre de faire mourir Athanase, s'il osait se présenter pour rentrer en possession de son siége. On redoublait les fouets, les chaînes, les tortures. Les catholiques fuyaient au désert; quelques-uns feignaient d'apostasier. Ce fut au milieu de ce désordre, que les lettres de Constant vinrent suspendre les coups que son frère portait à l'église.

LIII. Lettre de Constance à S. Athanase.
Socr. l. 2, c. 23.
Soz. l. 3, c. 20.
Philost. l. 3, c. 12.

Constance ne se rendit pas d'abord. Son incertitude lui attira une seconde lettre plus forte que la précédente. Il connaissait le caractère vif et bouillant de son frère; il ne doutait pas que ces menaces réitérées ne fussent bientôt suivies de l'exécution. Dans cet embarras, il assemble plusieurs évêques du parti, et leur demande conseil. Ils sont d'avis de céder, plutôt que de courir les risques d'une guerre civile. L'empereur feint de s'adoucir. Il permet à Paul de retourner à Constantinople. Il invite par lettre Athanase à le venir trouver, lui promettant non-seulement une sûreté entière et le rétablissement dans son église, mais encore les effets les plus réels de sa bienveillance. Il lui témoigne beaucoup de compassion sur ses malheurs, et lui fait des reproches de ce qu'il n'a pas préféré de recourir à lui pour obtenir justice. Cette feinte douceur n'était capable que d'inspirer de nouveaux soupçons. Aussi Athanase ne se pressa pas d'y répondre. Dans ces circonstances on découvrit un horrible complot qui déshonora les Ariens, et qui fit pour quelques moments ouvrir les yeux à leur aveugle protecteur.

LIV. Insigne fourberie d'Étienne, évêque d'Antioche.
Ath. ad monach. t. I, p. 355 et 356.
Theod. l. 2, c. 9-10.

Les deux évêques envoyés avec Salianus à Constance, étaient Vincent de Capoue et Euphratas de Cologne. Étienne évêque d'Antioche résolut de leur ôter tout crédit auprès de l'empereur, et de les perdre d'honneur à la face de toute la terre. Dans ce dessein il trama l'intrigue la plus noire et la plus honteuse. Il avait à ses ordres un jeune homme de la ville, dont il se servait pour maltraiter les catholiques. C'était un scélérat sans pitié et sans pudeur. On lui avait donné le surnom d'Onagre, mot qui signifie âne sauvage, à cause de sa pétulante férocité. L'évêque lui fait part de son dessein, et n'a pas besoin de l'exciter à le remplir. Onagre va trouver une femme publique; il lui dit qu'il est arrivé deux étrangers qui veulent passer la nuit avec elle. Il convient avec quinze brigands semblables à lui, qu'ils se placeront en embuscade autour de la maison où logeaient les deux évêques. La nuit suivante Onagre conduit la courtisane: un domestique qu'il avait corrompu par argent, tenait la porte ouverte. Cette femme se glisse dans la chambre d'Euphratas: c'était un vieillard vénérable; il s'éveille au bruit; et ayant demandé qui c'était, comme il entend la voix d'une femme, il ne doute pas que ce ne soit une illusion du diable, et se recommande à J.-C. Aussitôt Onagre entre avec des flambeaux à la tête de sa troupe. La courtisane, frappée de la vue d'un homme si respectable, et qu'elle reconnaît pour un évêque, s'écrie qu'elle est trompée: on veut lui imposer silence; elle crie plus fort: tous les valets accourent; Vincent qui couchait dans une chambre voisine vient au secours de son collègue: on ferme les portes; on arrête sept de ces misérables: Onagre s'échappe avec les autres. Dès le point du jour les évêques instruisent Salianus de cet attentat; ils vont ensemble au palais; les prélats requièrent un jugement ecclésiastique: Salianus soutient qu'un fait de cette nature est du ressort des tribunaux séculiers; il demande une information juridique: il offre les domestiques des deux évêques pour être appliqués à la question; et comme tout le soupçon tombait sur Étienne dont Onagre était le ministre ordinaire, il exige qu'Étienne représente aussi les siens. Celui-ci le refuse, sous prétexte que ses domestiques étant clercs ne peuvent être mis à la question. L'empereur est d'avis que l'information se fasse dans l'intérieur du palais. On interroge d'abord la courtisane, qui déclare la vérité: on s'adresse ensuite au plus jeune de ceux qui avaient été arrêtés, il découvre tout le complot: Onagre est amené, et proteste qu'il n'a rien fait que par les ordres d'Étienne: cet indigne prélat est aussitôt déposé par les évêques qui se trouvent à Antioche.

LV. Constance invite de nouveau Athanase.
[Athan. apol. cont. Arian. t. I, p. 170.]
Socr. l. 2, c. 23.
Theod. l. 2, c. 10, 11.
Soz. l. 3, c. 19.

L'empereur, irrité d'une si affreuse imposture, rappelle d'exil les prêtres et les diacres d'Alexandrie; il défend d'inquiéter ni les clercs ni les laïcs attachés à l'évêque Athanase. La guerre des Perses qui commença alors à l'occuper tout entier, ne lui fit pas perdre de vue le retour du prélat. Dans sa marche même, étant à Edesse, il lui écrivit une seconde lettre[157], dont il chargea un prêtre d'Alexandrie: c'était apparemment un des exilés qui revenait d'Arménie, et qui s'était présenté à l'empereur. Constance pressait de nouveau le saint évêque; il lui permettait de prendre des voitures publiques pour se faire conduire à la cour. Mais il était de retour à Antioche avant qu'Athanase se fût déterminé à le venir trouver.

[157] Selon Socrate (l. 2, c. 23), Athanase était alors à Aquilée.—S.-M.

An 349.
LVI. Athanase à Antioche.
Idat. Chron.
Ath. ad. monach. t. I, p. 356 et 357. et apol. contr. Arian. t. I, p. 171-174.
Socr. l. 2, c. 23.
Theod. l. 2, c. 12.
Soz. l. 3, c. 20 et 21.
Phot. vit. Ath. cod. 257.

Grégoire était mort à Alexandrie, et l'empereur n'avait pas permis aux Ariens de lui nommer un successeur. Enfin l'année suivante, sous le consulat de Liménius et de Catulinus, Athanase, pressé par une troisième lettre de Constance, et par celles de plusieurs comtes, dont la bonne foi lui était moins suspecte, se rend à tant de sollicitations. Il va d'abord à Rome trouver le pape Jules qui, transporté d'une sainte joie, écrit à l'église d'Alexandrie pour la féliciter du retour de son évêque. De là il prend la route d'Antioche, où l'empereur affecta de réparer ses injustices passées par l'accueil le plus honorable. La seule grace qui lui fut refusée, ce fut celle de confondre en face ses calomniateurs qui étaient à la cour. Mais le prince lui promit avec serment de ne les plus écouter en son absence. Constance écrit aux Alexandrins, pour les exhorter à la concorde; il leur recommande l'obéissance à leur évêque; il ordonne aux magistrats de punir les réfractaires; il déclare que l'union avec Athanase sera à ses yeux le caractère du bon parti; il enjoint, par un ordre exprès, aux commandants de la ville et de la province, d'annuler et d'effacer des registres publics tous les actes et toutes les procédures faites contre l'évêque et contre ceux de sa communion, et de rétablir le clergé d'Athanase dans tous ses priviléges. On ne peut concevoir comment Constance a pu sans rougir donner à la doctrine et aux mœurs du saint prélat les éloges dont ces lettres sont remplies. Il entrait dans cette conduite plus de crainte de Constant, que de sincérité et de véritable repentir. Aussi voit-on ici ce prince se démentir lui-même. Il était alors, autant que jamais, le jouet des Ariens, qui l'avaient tant de fois trompé. Ce fut à leurs instances qu'ayant un jour fait appeler Athanase: Vous voyez, lui dit-il, tout ce que je fais pour vous; faites à votre tour quelque chose pour moi; je l'attends de votre reconnaissance: de toutes les églises d'Alexandrie, je vous en demande une pour ceux qui ne sont pas de votre communion. Prince, lui répond Athanase sans se déconcerter, vous avez le pouvoir d'exécuter ce que vous désirez; mais accordez-moi aussi une grace. Je vous l'accorde, lui dit aussitôt Constance. Il y a ici à Antioche, répliqua Athanase, beaucoup d'habitants séparés de la communion de l'évêque; il est de votre justice que tout soit égal: donnez-leur une église, comme vous en demandez une pour ceux d'Alexandrie. Depuis la déposition d'Étienne, l'église d'Antioche était gouvernée par Léonce, qui n'était pas moins livré à l'arianisme; et les catholiques, appelés Eustathiens, étaient en grand nombre. Constance, frappé de la présence d'esprit d'Athanase, ne put lui répondre sans avoir consulté ses oracles ordinaires. Ceux-ci jugèrent que par cette concession mutuelle leur parti perdrait beaucoup plus à Antioche, qu'il ne gagnerait à Alexandrie, tant que leur doctrine y trouverait un si puissant adversaire; et l'empereur se désista de sa demande.

LVII. Retour d'Athanase à Alexandrie.
Ath. apol. contr. Arian. t. I, p. 175-177. ad monach. p. 357-359.
Socr. l. 2, c. 24.
Soz. l. 3, c. 20 et seq.
Phot. vit. Ath. cod. 257.
Pagi, ad Baron.

Dans le voyage d'Antioche à Alexandrie, Athanase fut partout reçu avec honneur. Les évêques, excepté quelques Ariens, s'empressaient à lui témoigner leur respect. La plupart même de ceux qui l'avaient auparavant condamné ou abandonné, revenaient à sa communion. Les prélats de Palestine s'assemblèrent à Jérusalem; ils écrivirent une lettre aux églises d'Égypte, de Libye, d'Alexandrie, pour les assurer qu'ils partageaient leur joie. A son arrivée ce fut une fête par toute l'Égypte, mais une fête vraiment chrétienne. C'était par l'imitation d'Athanase qu'on solennisait son retour. On versait des aumônes abondantes dans le sein des pauvres; les ennemis se réconciliaient; chaque maison semblait une église; Alexandrie tout entière était devenue un temple consacré aux actions de graces, et à la pratique des vertus. Tous les évêques catholiques envoyaient à Athanase et recevaient de lui des lettres de paix. Ursacius et Valens eux-mêmes lui écrivirent d'Aquilée, et lui demandèrent sa communion. Ils venaient de confirmer à Rome, en présence de Jules et de plusieurs évêques, par une nouvelle protestation signée de leur main, l'anathème qu'ils avaient prononcé à Milan contre la doctrine d'Arius; ils avaient de plus, par ce même acte, déclaré fausses et calomnieuses toutes les accusations formées contre Athanase: c'était confesser leur propre crime. L'Église respirait après un orage de plus de sept années. Les évêques exilés étaient rétablis; les Ariens quittaient en tumulte les siéges usurpés; Macédonius, obligé de céder à Paul, ne conserva dans Constantinople qu'une seule église. Cette paix qui était l'ouvrage de Constant, fut bientôt troublée. Elle ne survécut pas à ce prince, dont la mort fut l'effet d'une révolution soudaine, et la cause des plus violentes agitations.

FIN DU LIVRE SIXIÈME ET DU TOME PREMIER.

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