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Histoire du Bas-Empire. Tome 01

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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

L'Histoire romaine, commencée par Rollin et achevée par Crevier; l'Histoire des Empereurs, composée par ce dernier, et qui n'est réellement qu'une continuation du travail entrepris par Rollin; et l'Histoire du Bas-Empire, de Lebeau, terminée par Ameilhon, seront toujours, malgré les jugements très-divers qu'on a pu en porter, trois ouvrages recommandables et propres à honorer la littérature française. Ils ne brillent pas toujours et partout par les mêmes qualités, mais on ne peut leur refuser un mérite assez rare dans les grandes compilations: c'est d'offrir le recueil le plus complet, et en même temps le plus clair et le plus méthodique, de tous les renseignements que les auteurs anciens nous ont transmis sur l'histoire du peuple-roi, dont le nom et les souvenirs remplissaient encore le monde à l'époque même où son empire avait depuis long-temps cessé d'être redoutable.

L'Histoire romaine et celle des Empereurs sont encore parmi nous les seuls livres que l'on puisse consulter pour ce qui concerne cette partie de l'histoire ancienne jusqu'au temps de Constantin. Il n'est guère probable que de nouveaux ouvrages les fassent oublier. On y trouve tout ce que l'antiquité nous a laissé, et on y prend une idée plus juste de la liaison des faits et de la succession des événements, qu'on ne pourrait le faire en lisant les auteurs originaux eux-mêmes. Rollin et Crevier ont mis à profit toutes les observations publiées avant eux par les savants modernes; les découvertes plus récentes et les travaux scientifiques publiés de nos jours ajouteraient peu de choses à leurs recherches.

Il n'en est pas de même pour l'Histoire du Bas-Empire, de Lebeau; on le concevra sans peine. L'histoire de la République et celle du Haut-Empire est tout entière dans les écrits des Grecs et des Romains, ou dans les monuments que le temps a épargnés. Les puissantes nations qui luttèrent contre la fortune de Rome ont été anéanties avec toutes leurs productions littéraires, et il n'est pas présumable que de nouvelles découvertes nous révèlent encore des faits d'une grande importance. Depuis Constantin, au contraire, l'empire romain et celui de Constantinople furent toujours en relation avec des peuples qui ont raconté eux-mêmes, dans une multitude d'ouvrages encore inédits et dans des langues très-diverses, l'histoire de leurs rapports et de leurs démêlés avec les Romains et les Grecs du Bas-Empire. Les livres écrits en arménien, en syriaque, en arabe, en persan et en turc, doivent donc contenir et contiennent effectivement beaucoup de renseignements précieux, propres à compléter, à modifier ou même à changer entièrement ce que nous savons déja.

Lebeau est le premier et même le seul qui ait songé à classer, dans un ordre facile à saisir, tous les faits contenus dans la vaste collection des auteurs byzantins; il y a joint tout ce que les écrivains grecs et latins, les ouvrages des jurisconsultes et les chroniques du moyen âge ont pu lui fournir; et il est résulté du tout, un corps d'annales aussi complet qu'il était possible de le faire de son temps. Si d'autres, comme Gibbon, par exemple, sont parvenus à donner à leur récit une forme quelquefois plus agréable, ils n'ont aucun avantage sur Lebeau pour la connaissance des sources originales; ils n'eurent pas d'autres moyens à leur disposition: on doit donc leur reprocher les mêmes défauts. Si Lebeau avait pu joindre à ses autres connaissances celle des langues orientales, ou si un plus grand nombre d'auteurs orientaux avaient été publiés à l'époque où il écrivait, il aurait fait sans doute à son ouvrage des additions considérables, et il lui aurait donné dans plusieurs parties un plus haut degré de perfection.

Il a bien cherché, il est vrai, à profiter de quelques ouvrages orientaux traduits en latin; mais comme il était dépourvu de notions personnelles sur les langues et la littérature orientales, il n'a su comment combiner les renseignements qu'il trouvait dans ces ouvrages avec ceux qui sont consignés dans les auteurs byzantins. Ces derniers écrivains sont pour la plupart assez obscurs dans leurs narrations, et extrêmement concis sur ce qui concerne les relations de leurs empereurs avec les princes de l'Asie. Ils défigurent étrangement les noms d'hommes ou de lieux. Ils furent aussi toujours très-mal instruits des révolutions arrivées chez les peuples de l'Asie. Les confondant tous sous les noms de Sarrasins, d'Ismaélites ou d'Agaréniens, ils attribuent souvent aux califes, successeurs de Mahomet, ou aux musulmans de l'Asie, des faits militaires ou politiques qui appartiennent aux souverains particuliers de la Syrie, de l'Égypte, de l'Afrique, ou même de l'Espagne. Il devait résulter, et il est résulté effectivement de toutes ces imperfections, une multitude de petites erreurs de détail qui affectent sensiblement l'ensemble de la narration, et donnent de fausses idées des choses.

Il est facile d'y remédier. La forme de rédaction qui a été adoptée par Lebeau, et qui est peut-être la meilleure qu'on puisse suivre pour un vaste corps d'annales, le soin qu'il a pris de raconter les événements sans anticiper jamais sur l'ordre des temps, fournissent les moyens d'améliorer sans peine son ouvrage. Il suffit de faire ce qu'il aurait certainement fait lui-même s'il l'avait pu, c'est-à-dire qu'il faut intercaler dans sa narration, selon leur ordre chronologique, les faits et les indications nouvelles que fournissent les auteurs orientaux. Quant à ceux des récits de cet historien qui seraient inexacts ou susceptibles d'être considérablement augmentés, changés ou modifiés, ils doivent être retranchés, ou soumis à une rédaction plus conforme au résultat que présentent les ouvrages originaux. Partout il faut rétablir les noms altérés, et joindre au texte les notes et les éclaircissements nécessaires à l'instruction du lecteur.

Pour les temps qui précédèrent l'avénement d'Héraclius au trône impérial, ces additions et ces rectifications ne sont pas à beaucoup près aussi nombreuses que pour la relation des événements postérieurs. Les auteurs arabes et persans nous apprennent peu de choses de ces époques anciennes: heureusement les écrivains arméniens suppléent à leur silence. Placés entre les deux grands empires de Perse et de Constantinople, et compromis dans tous les démêlés de ces puissances, ils connurent mieux la plupart des faits; et leurs récits éclaircissent souvent les narrations imparfaites et confuses des écrivains de Byzance, généralement mal informés de l'histoire des Orientaux.

Ainsi, par exemple, deux siècles avant Héraclius, l'empire romain reçut un accroissement de territoire dont on chercherait vainement l'indication dans les auteurs que nous possédons. Le royaume d'Arménie, qui, depuis quatre cents ans, était le rempart de l'empire du côté de l'Orient, cessa d'exister par l'imprudente politique de Théodose le Jeune, qui souscrivit avec le roi de Perse un traité de partage, dont tout l'avantage fut pour les Persans. Ce grand événement fut précédé et suivi de guerres et de révolutions qui nous sont restées inconnues, mais qui doivent se retrouver dans une histoire complète du Bas-Empire. C'est par le secours seul des auteurs arméniens qu'il est possible de suppléer à cette lacune. Il serait facile d'indiquer un grand nombre d'autres faits aussi importants et également ignorés, mais qui se retrouveront dans cette nouvelle édition.

Depuis l'époque d'Héraclius jusqu'à la destruction de l'empire, les modifications qu'il faut apporter à l'ouvrage de Lebeau sont continuelles. Dès lors, les empereurs furent toujours en relation avec les puissances de l'Orient; et c'est justement au point le plus intéressant de cette période, du VIIe au XIIe siècle, que les annales byzantines présentent la plus grande disette d'écrivains. Il faut nécessairement substituer les Arabes et les Arméniens, aux maigres et ineptes annalistes que Lebeau a été obligé de consulter. Leurs récits doivent donc trouver place dans cette édition. Les exploits des conquérants arabes, qui chassèrent de l'Orient les successeurs d'Héraclius; la formation d'une nouvelle monarchie arménienne; les expéditions glorieuses entreprises par Théophile, Nicéphore Phocas et Jean Zimiscès; les guerres opiniâtres que l'empire soutint contre les Arabes, maîtres de la Sicile et de l'île de Crète; les règnes si brillants et cependant si désastreux de Basile II et de Constantin Monomaque: tous ces événements, dont il est facile d'apprécier l'importance, sont à peine indiqués dans l'histoire de Lebeau. Les renseignements que les auteurs arabes et arméniens fournissent pour cette époque, augmenteront du double cette partie de l'histoire du Bas-Empire. Après les croisades, on trouve les écrivains turcs qui ont raconté les victoires de leurs souverains sur les derniers successeurs de Constantin: les ouvrages qu'ils ont composés, et les lettres originales des sultans othomans, dont il existe plusieurs copies manuscrites dans nos bibliothèques, doivent être aussi consultés, et ils fourniront des indications souvent plus exactes et plus authentiques que les narrations passionnées des derniers auteurs byzantins.

Il est hors de doute que, depuis le temps où Lebeau a écrit, beaucoup de savantes recherches, et la publication de plusieurs ouvrages estimables, nous ont mieux fait connaître l'histoire de plusieurs états et de divers peuples de l'Europe qui eurent des rapports avec l'empire de Constantinople. Le grand nombre de faits qu'ils contiennent devront donc être ajoutés à l'histoire du Bas-Empire, surtout pour ce qui concerne les relations des Grecs avec les Russes, la république de Venise, et les princes croisés.

Ce court exposé suffira pour faire voir que ce n'est pas seulement une nouvelle édition de l'Histoire du Bas-Empire par Lebeau que nous annonçons, mais qu'il s'agit d'un ouvrage nouveau dont l'importance ne saurait être contestée par aucune des personnes qui s'intéressent au progrès des études historiques.

La géographie fut toujours la compagne inséparable de l'histoire. Dans les ouvrages où les récits sont un peu détaillés, les lecteurs aiment à pouvoir les suivre sur la carte: sans un tel secours, un livre ne serait trop souvent qu'un amas de faits incohérents et inintelligibles. C'est surtout pour l'histoire du Bas-Empire qu'on sent à chaque instant le besoin d'un pareil secours. Pour l'histoire ancienne de Rome on pourrait, à la rigueur, s'en passer; les recueils de cartes, les traités de géographie, qui font connaître l'état du monde ancien, sont assez nombreux et suffisamment exacts pour qu'ils puissent suffire. Tout avait changé et changea plusieurs fois pendant la longue période du Bas-Empire: les divisions géographiques et politiques de l'antiquité furent détruites; les dénominations classiques disparurent, et furent remplacées par des noms barbares de toute espèce: aucun livre, aucune carte ne les indique; cependant sans ces connaissances diverses l'histoire serait un chaos inextricable, et on ne peut les acquérir que par un travail considérable et très-pénible.

Il faut donc, pour compléter l'Histoire du Bas-Empire par Lebeau, y joindre un certain nombre de cartes et de dissertations destinées à faire connaître tous les changements survenus dans la géographie et les divisions civiles, politiques, militaires, ecclésiastiques et administratives de l'empire de Constantinople pendant toute sa durée.

INDICATION DES CARTES.

1. Carte destinée à faire connaître l'empire d'Occident sous le règne de Constantin. 2. Une autre pour l'empire d'Orient à la même époque. 3. Une pour l'expédition de Julien contre les Perses. 4. Une pour l'empire d'Occident après l'invasion des Barbares.

DEPUIS THÉODOSE JUSQU'A HÉRACLIUS:

5. Carte particulière de la Grèce. 6. Carte particulière de l'Italie. 7. Illyrie et provinces sur le Danube jusqu'à la mer Noire. 8. Asie-Mineure. 9. Syrie et provinces orientales. 10. Égypte. 11. Carte pour l'expédition d'Héraclius en Perse.

Pour faire connaître les divisions militaires en usage au Xe siècle dans l'empire de Constantinople, et les états qui étaient alors dans la dépendance de cet empire, ou en relation avec lui, il faudra six cartes particulières:

12. L'Italie et la Sicile. 13. La Grèce proprement dite. 14. L'Illyrie et les rives du Danube. 15. L'Asie-Mineure. 16. L'Arménie et les régions orientales. 17. La Syrie.

Pour bien comprendre la dernière période de l'Histoire du Bas-Empire après la conquête de Constantinople par les Français, il faut encore ajouter trois cartes à ce recueil:

18. L'Asie-Mineure au XIIIe siècle, après les conquêtes des Turcs Seldjoukides. 19. La Grèce et la mer Egée, après l'établissement de l'empire des Latins. 20. La Thrace, l'Illyrie, et les régions limitrophes du Danube, pour les derniers temps de l'empire.

On joindra à ces cartes un plan de Constantinople telle qu'elle était sous les empereurs.

Tous les passages intercalés dans la narration de Lebeau, ou rajustés en note, seront placés entre crochets [ ] précédés d'un tiret, et suivis de cette signature [S.-M.]

J. S.-M.

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