Histoire Sainte; ou, Histoire des Israélites: Depuis La Création, Jusqu'a La Dernière Destruction De Jérusalem
CHAPITRE III.
Israël en esclavage.
Après la mort de Joseph et celle de tous ses frères, et de toute cette première génération, les enfants d'Israël s'accrurent et se multiplièrent extraordinairement; et étant devenus extrêmement nombreux, ils remplirent le pays où ils étaient. Cependant il s'éleva dans l'Égypte un roi nouveau, à qui Joseph était inconnu; et il dit à son peuple: Vous voyez que le peuple des enfants d'Israël est devenu très-nombreux, et il est plus fort que nous. Opprimons-le donc prudemment, de peur qu'il ne se multiplie encore davantage; et que si nous nous trouvions surpris par quelque guerre, il ne se joigne à nos ennemis, et qu'après nous avoir vaincus, il ne sorte de l'Égypte. Il [pg 79] établit donc des intendants des travaux, afin qu'ils accablassent les Hébreux d'ouvrages insupportables. Et ils bâtirent à Pharaon, pour servir de magasins, des villes telles que Phitom et Ramessès. Mais plus on les opprimait, plus leur nombre se multipliait et croissait visiblement. Les Égyptiens haïssaient les enfants d'Israël, ils les affligeaient, les insultaient, et leur rendaient la vie pénible, en les employant à de lourds travaux de mortier et de brique, et à toutes sortes d'ouvrages de terre dont ils étaient accablés.
Le roi d'Égypte parla aussi aux sages-femmes qui accouchaient les femmes des Hébreux, l'une d'elles se nommait Sephora et une autre Phua, et il leur fit ce commandement: Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux, au moment que l'enfant naîtra, si c'est un enfant mâle, tuez-le; si c'est une fille, laissez-la vivre. Mais les sages-femmes furent touchées de la crainte de Dieu, et ne firent point ce que le roi d'Égypte leur avait commandé; elles conservèrent les enfants mâles. Dieu récompensa ces sages-femmes; et le peuple s'accrut et se fortifia extraordinairement. Alors Pharaon fit ce commandement à tout son peuple: Jetez dans le fleuve tous les enfants mâles qui naîtront, et ne réservez que les filles.
Naissance de Moïse.
Quelque temps après, un homme de la maison de Lévi ayant épousé une femme de sa tribu, sa femme enfanta un fils; et voyant qu'il était beau, elle le cacha pendant trois mois. Mais comme elle vit qu'elle ne pouvait plus tenir la chose secrète, elle prit un panier de jonc; et [pg 80] l'ayant enduit de bitume et de poix, elle mit dedans le petit enfant, l'exposa parmi les roseaux sur le bord du fleuve, et fit tenir la sœur de l'enfant loin de là, pour voir ce qui en arriverait. En ce même temps la fille de Pharaon vint au fleuve pour se baigner, accompagnée de ses filles, qui marchaient le long du bord de l'eau. Et ayant aperçu ce panier parmi les roseaux, elle envoya une de ses filles qui le lui apporta. Elle l'ouvrit; et trouvant dedans ce petit enfant qui criait, elle fut touchée de compassion, et elle dit: C'est un des enfants des Hébreux. La sœur de l'enfant s'étant approchée, lui dit: Vous plaît-il que j'aille querir une femme des Hébreux qui puisse nourrir ce petit enfant? Elle lui répondit: Allez. La fille s'en alla donc, et fit venir sa mère. La fille de Pharaon lui dit: Prenez cet enfant et me le nourrissez, et je vous en récompenserai. La mère prit l'enfant et le nourrit; et lorsqu'il fut assez fort, elle le donna à la fille de Pharaon, qui l'adopta pour son fils, et le nomma Moïse (Mosché), c'est-à-dire, tiré de l'eau, parce que, disait-elle, je l'ai tiré de l'eau.
La fuite de Moïse.
Lorsque Moïse fut devenu grand, il sortait pour aller voir ses frères, et voyait l'affliction où ils étaient. Un jour, trouvant que l'un d'eux était outragé par un Egyptien, il regarda de tous côtés, et ne voyant personne près de lui, il tua l'Egyptien, et le cacha dans le sable. Le lendemain il trouva deux Hébreux qui se querellaient, et il dit à celui qui outrageait l'autre: Pourquoi frappez-vous votre frère? Cet homme lui répondit: Qui vous a établi sur nous pour [pg 81] prince et pour juge? Est-ce que vous voulez me tuer comme vous tuâtes hier un Egyptien? Moïse eut peur, et il dit: Comment cela s'est-il découvert? Pharaon, en ayant été averti, cherchait à faire mourir Moïse. Mais il s'enfuit de devant lui, et se retira au pays de Midian, où il s'assit près d'un puits. Or le prêtre de Midian, nommé Jéthro, avait sept filles, qui étant venues pour puiser de l'eau, et en ayant rempli les canaux, voulaient faire boire les troupeaux de leur père. Mais les pasteurs étant survenus, les chassèrent. Alors Moïse se levant, et prenant la défense de ces filles, fit boire leurs brebis. Lorsqu'elles furent retournées chez leur père, il leur dit: Pourquoi êtes-vous revenues plus tôt qu'à l'ordinaire? Elles lui répondirent: Un Egyptien nous a délivrées de la violence des pasteurs; et il a même tiré de l'eau avec nous, et a donné à boire à nos brebis. Où est-il? dit leur père: pourquoi avez-vous laissé aller cet homme? Appelez-le, afin que nous le fassions manger. Moïse résolut alors de demeurer avec lui. Il épousa ensuite sa fille, qui s'appelait Sephora. Et elle lui enfanta un fils qu'il nomma Gerscham, car, disait-il: J'ai été étranger dans une terre étrangère. Sephora lui enfanta un second fils qu'il nomma Eliezer, c'est-à-dire, Dieu est mon secours.
Cependant les enfants d'Israël gémissant sous le poids des ouvrages qui les accablaient, crièrent vers le ciel, et les cris que tirait d'eux l'excès de leurs travaux, s'élevèrent jusqu'à Dieu. Il entendit leurs gémissements, il se souvint de l'alliance qu'il avait faite avec Abraham, Isaac et Jacob, et il les reçut en grâce.
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Moïse est appelé de Dieu pour délivrer les Israélites.
Cependant Moïse conduisait les brebis de Jéthro son beau-père, et ayant mené son troupeau au fond du désert, il vint à la montagne de Dieu, nommée Horeb. Alors un ange de l'Eternel lui apparut dans une flamme de feu qui sortait du milieu d'un buisson; et il voyait brûler le buisson sans qu'il se consumât. Moïse dit donc: Il faut que j'aille reconnaître quelle est cette merveille que je vois, et pourquoi ce buisson ne se consume point. Mais l'Eternel le voyant venir pour considérer ce qu'il voyait, l'appela du milieu du buisson, et lui dit: Moïse, Moïse. Il lui répondit: Me voici: Et l'Eternel ajouta: N'approchez pas d'ici: ôtez les souliers de vos pieds, parce que le lieu où vous êtes, est une terre sainte. Il dit encore: Je suis le Dieu de votre père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, parce qu'il n'osait regarder la face de Dieu. L'Eternel lui dit: J'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte, j'ai entendu le cri qu'il jette à cause de la dureté de ceux qui ont l'intendance des travaux. Et sachant quelle est sa douleur, je suis venu pour le délivrer des mains des Egyptiens, et pour les faire passer de cette terre en une terre bonne et spacieuse, en une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel, au pays des Chananéens, des Amorrhéens, des Phérézéens, des Gergésiens, des Héthéens, des Hévéens et des Jébuséens. Le cri des enfants d'Israël est donc venu jusqu'à moi; j'ai vu leur affliction et de quelle manière ils sont opprimés par les Egyptiens. Mais venez, et je vous [pg 83] enverrai vers Pharaon, afin que vous fassiez sortir de l'Egypte les enfants d'Israël, qui sont mon peuple...
Moïse obéit au commandement de l'Eternel. Mais ce n'étaient que l'obéissance et l'humilité dues à une volonté suprême, qui pussent l'engager à se charger de cette haute et sainte mission. Il fit alors ses adieux chez Jéthro, son beau-père, quitta le pays de Midian et se dirigea vers l'Egypte. Il rencontra dans le désert Aaron, son frère. Il lui fit part de sa mission; et, étant venus en Egypte, ils firent rassembler tous les anciens d'entre les enfants d'Israël. Aaron rapporta tout ce que l'Eternel avait dit à Moïse, il fit des miracles devant le peuple, le peuple le crut et comprit que l'Eternel regardait leur affliction, et se prosternant en terre, ils l'adorèrent.
Moïse et Aaron déclarent à Pharaon les ordres de Dieu.
Moïse et Aaron allèrent ensuite trouver Pharaon et lui parlèrent en ces termes: Voici ce que dit l'Eternel, le Dieu d'Israël: Laissez aller mon peuple, afin qu'il me sacrifie dans le désert. Mais Pharaon répondit: Qui est l'Eternel, pour que je sois obligé d'écouter sa voix et de laisser sortir Israël? Je ne connais point l'Eternel, et je ne laisserai point sortir Israël. Moïse, pour faire voir que c'était au nom de l'Eternel qu'il parlait, fit alors plusieurs miracles en présence de Pharaon. Il jeta sa verge par terre, et elle fut changée en serpent. Mais le roi n'en tint pas grand compte, et tourmentait le peuple encore plus qu'auparavant. Moïse élevant sa verge, frappa l'eau du fleuve devant Pharaon et ses serviteurs, et l'eau fut changée en sang. Les [pg 84] poissons qui étaient dans le fleuve moururent, le fleuve se corrompit, et les Egyptiens ne pouvaient boire de ses eaux. Cependant le roi se retira et ne se laissa point fléchir le cœur pour cette fois. Toutes sortes de plaies couvrirent alors, par une punition du ciel, la terre d'Egypte, il y avait des grenouilles, des moucherons et des mouches partout, à la campagne, dans les maisons, et même le palais du roi en était rempli. Une peste terrible dévasta le pays; des ulcères et des tumeurs se formèrent sur les hommes et sur les animaux par toute l'Egypte. Un orage épouvantable, mêlé de grêle et de feu, éclata sur l'Egypte; la grêle frappa de mort tout ce qui se trouvait dans les champs, depuis les hommes jusqu'aux bêtes, elle fit mourir toute l'herbe de la campagne, et rompit tous les arbres. C'est ainsi que des plaies de différentes sortes se succédèrent jusqu'au nombre de neuf et devinrent toujours plus grandes et plus terribles. Toutefois le cœur de Pharaon s'endurcit, il n'écouta point Moïse et Aaron, et quoiqu'il promît, à diverses reprises dans les moments de détresse, d'accorder la liberté au peuple israélite, il ne tenait jamais parole, lorsque la plaie avait cessé. C'est alors que Moïse et Aaron se présentèrent pour la dernière fois devant Pharaon et le menacèrent d'une dixième plaie en disant: Voici ce que dit l'Eternel: Sur le minuit tous les premiers-nés mourront dans les terres des Egyptiens. Mais parmi tous les enfants d'Israël, depuis les hommes jusqu'aux bêtes, on n'entendra pas seulement le cri d'un chien. Alors tous vos serviteurs viendront à moi, et ils se prosterneront devant moi en disant: Sortez, vous et tout le peuple qui vous est soumis. Et après cela nous sortirons. Moïse et Aaron se retirèrent de devant Pharaon dont le cœur s'endurcit néanmoins, et ne permit point aux Israélites de sortir de ses terres.
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Préceptes touchant la fête de la Pâque.
L'Eternel dit alors à Moïse et à Aaron: Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois: ce sera le premier des mois de l'année. Parlez à toute l'assemblée des enfants d'Israël, et dites-leur: Qu'au dixième jour de ce mois chacun prenne un agneau pour sa famille et pour sa maison. Vous le garderez jusqu'au quatorzième jour de ce mois; et voici comment vous le mangerez; vous vous ceindrez les reins, vous aurez des souliers aux pieds, et un bâton à la main, et vous mangerez à la hâte: car c'est la Pâque (c'est-à-dire, le passage) de l'Eternel. Je passerai cette nuit-là par l'Egypte; je frapperai dans les terres des Egyptiens tous les premiers-nés depuis l'homme jusqu'aux bêtes, moi qui suis l'Eternel. Je passerai alors au delà de vos maisons, et la plaie de mort ne vous touchera point lorsque j'en frapperai toute l'Egypte. Ce jour vous sera un monument éternel; et vous le célébrerez dans vos générations futures par une fête à l'Eternel. Vous mangerez des pains sans levain pendant sept jours. Dès le premier jour il ne se trouvera point de levain dans vos maisons. Quiconque mangera du pain avec du levain depuis le premier jour jusqu'au septième, sera retranché d'Israël. Le premier jour sera saint et solennel, et le septième une fête également vénérable. Vous ne ferez aucune œuvre servile durant ces deux jours, excepté ce qui regarde le manger. Vous garderez donc cette fête du pain sans levain; car en ce même jour je ferai sortir toute votre armée de l'Egypte, et vous observerez ce jour à l'avenir comme statut perpétuel. Depuis le quatorzième jour du premier mois, sur le [pg 86] soir, vous mangerez du pain sans levain jusqu'au soir du vingt et unième jour de ce mois.
Sortie de l'Égypte.
Vers le milieu de la nuit, l'Éternel frappa tous les premiers-nés de l'Egypte, depuis le premier-né de Pharaon qui était assis sur son trône, jusqu'au premier-né de la femme esclave qui était en prison, et jusqu'au premier-né de toutes les bêtes. Pharaon s'étant donc levé la nuit, aussi bien que tous ses serviteurs et tous les Egyptiens, un grand cri se fit entendre dans toute l'Egypte, parce qu'il n'y avait aucune maison où il n'y eût un mort. Et Pharaon ayant fait venir cette même nuit Moïse et Aaron, il leur dit: Retirez-vous promptement d'avec mon peuple, vous et les enfants d'Israël; allez adorer l'Eternel, comme vous le dites. Menez avec vous vos brebis et vos troupeaux, selon que vous l'avez demandé, et en vous en allant priez pour moi. Les Egyptiens pressaient aussi le peuple de sortir promptement de leur pays, en disant: Nous mourrons tous. Le peuple prit donc la farine qu'il avait pétrie avant qu'elle fût levée; et la liant en des manteaux, la mit sur ses épaules. (Moïse emporta aussi avec lui les os de Joseph, selon que Joseph l'avait fait promettre avec serment aux enfants d'Israël, en leur disant: Dieu se souviendra de vous, alors vous emporterez d'ici mes os avec vous.) Les enfants d'Israël partirent donc de Ramessès et vinrent à Sucoth, au nombre de près de six cent mille hommes de pied, sans les enfants. Ils furent suivis d'une multitude innombrable de petit peuple, et ils avaient avec eux une infinité de brebis, de troupeaux, et de bêtes de toutes sortes. [pg 87] Ils firent cuire la pâte qu'ils avaient emportée d'Egypte, en gâteaux non levés, car ils ne l'avaient point fait lever, parce que, chassés par les Egyptiens, ils n'avaient pu se retarder, ni faire de provisions.
Le séjour que les enfants d'Israël avaient fait en Egypte était de quatre cent trente ans. La nuit dans laquelle l'Eternel les tira de l'Egypte, fut consacrée en l'honneur de l'Eternel, et tous les enfants d'Israël doivent l'observer et l'honorer dans la suite de tous les âges.
Passage de la mer Rouge.
L'Eternel parla à Moïse, et lui dit: Dites aux enfants d'Israël, qu'ils se détournent, et qu'ils campent devant Phihahiroth, qui est entre Migdal et la mer, vis-à-vis de Baalsephon. Vous camperez vis-à-vis de ce lieu sur le bord de la mer. Car Pharaon va dire des enfants d'Israël: Ils sont embarrassés en des lieux étroits, et renfermés par le désert. Je lui endurcirai le cœur, et il vous poursuivra: je serai glorifié dans Pharaon et dans toute son armée, et les Egyptiens sauront que je suis l'Eternel. Les enfants d'Israël firent donc ce que l'Eternel avait ordonné. Et l'on vint dire au roi des Egyptiens, que le peuple avait pris la fuite. En même temps le cœur de Pharaon et de ses serviteurs fut changé à l'égard de ce peuple, et ils dirent: A quoi avons-nous pensé, de laisser ainsi aller les Israélites, pour qu'ils ne nous fussent plus assujettis? Il fit donc préparer son chariot de guerre, et prit avec lui tout son peuple. Il emmena aussi six cents chariots choisis, et tout ce qui se trouva de chariots de guerre dans l'Egypte, avec les chefs de toute l'armée. L'Eternel endurcit le cœur de Pharaon, [pg 88] roi d'Egypte, et il se mit à poursuivre les enfants d'Israël; mais ils étaient sortis sous la conduite d'une main puissante. Les Egyptiens poursuivant donc les Israélites qui étaient devant, et marchant sur leurs traces, les trouvèrent dans leur camp sur le bord de la mer. Toute la cavalerie et les chariots de Pharaon, avec toute son armée, étaient à Phihahiroth, vis-à-vis de Baalsephon. Lorsque Pharaon était déjà proche, les enfants d'Israël levant les yeux, et ayant aperçu les Egyptiens derrière eux, furent saisis d'une grande crainte. Ils crièrent à l'Eternel, et ils dirent à Moïse: Est-ce parce qu'il n'y a pas de sépulcres en Egypte que vous nous avez pris pour mourir dans le désert? Que nous avez-vous fait en nous faisant sortir de l'Egypte? N'est-ce pas ce que nous vous avons dit en Egypte: Laissez-nous, nous voulons servir l'Egypte; car il vaut mieux pour nous servir l'Egypte que de mourir dans le désert. Moïse dit au peuple: Ne craignez rien, restez tranquilles, et voyez le secours que l'Eternel vous donnera aujourd'hui; car tels que vous avez vu les Egyptiens aujourd'hui, vous ne les verrez plus jamais. L'Eternel combattra pour vous, et vous, taisez-vous! Et Moïse implora Dieu, le pria de l'assister dans cette détresse. L'Eternel lui dit: Pourquoi criez-vous vers moi? parlez aux enfants d'Israël; qu'ils marchent. Et vous, élevez votre verge, et étendez votre main sur la mer, fendez-la, et que les enfants d'Israël marchent à sec au milieu de la mer. Les Egyptiens vous poursuivront, et je serai glorifié dans Pharaon et dans toute son armée, dans ses chariots et dans sa cavalerie. Toute la nuit se passa sans que les deux armées s'approchassent. Moïse étendit sa main sur la mer; l'Eternel poussa la mer toute la nuit par un violent vent de l'orient, et il mit la mer à sec; ainsi les eaux furent séparées. Les enfants [pg 89] d'Israël marchèrent à sec au milieu de la mer, ayant l'eau à droite et à gauche, qui leur servait comme de mur. Et les Egyptiens marchant après eux, se mirent à les poursuivre au milieu de la mer avec toute la cavalerie de Pharaon, ses chariots et ses chevaux. Mais lorsque la veille du matin fut venue, l'Eternel jeta un regard sur le camp des Egyptiens à travers une colonne de feu et de nuées et mit en désordre le camp des Egyptiens; il renversa les roues des chariots, et ils furent entraînés dans le fond de la mer. Alors les Egyptiens s'entre-dirent: Fuyons les Israélites, parce que l'Eternel combat pour eux contre nous. En même temps l'Eternel dit à Moïse: Etendez votre main sur la mer, afin que les eaux retournent sur les Egyptiens, sur leurs chariots et sur leur cavalerie. Moïse étendit donc la main sur la mer; et aussitôt la mer reprit la place qu'elle avait auparavant. Ainsi lorsque les Egyptiens s'enfuyaient, les eaux vinrent au-devant d'eux, les couvrirent, et il n'en échappa pas un seul. Mais les enfants d'Israël passèrent à sec au milieu de la mer, ayant les eaux à droite et à gauche, qui leur tenaient lieu de mur. En ce jour-là l'Eternel délivra Israël de la main des Egyptiens. Et ils virent les corps morts des Egyptiens sur le bord de la mer, et les effets de la main puissante qui s'était appesantie sur eux. Alors le peuple craignit l'Eternel, il crut à l'Eternel, et à Moïse son serviteur. Moïse alors et les enfants d'Israël chantèrent un cantique à l'Eternel. Miriame (Marie) la prophétesse, sœur de Moïse et d'Aaron prit en main le tambour, et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins en formant des danses et des chœurs de musique; elles mêlaient leur voix au chant de victoire: «Chantez des hymnes à l'Eternel, parce qu'il a signalé sa grandeur et sa gloire!»
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Voyage vers le mont Sinaï. Murmures des Israélites. La manne.
Après donc que Moïse eût fait sortir les Israélites de la mer Rouge, ils entrèrent dans le désert de Sur; et ayant marché trois jours dans la solitude, ils ne trouvaient point d'eau. Ils arrivèrent à Mara, et ils ne pouvaient boire des eaux de Mara, parce qu'elles étaient amères. C'est pourquoi on lui donna un nom qui lui était propre, en l'appelant Mara, c'est-à-dire, amertume. Alors le peuple murmura contre Moïse, en disant: Que boirons-nous? Mais Moïse pria Dieu, qui lui montra un certain bois qu'il jeta dans les eaux; et les eaux, d'amères qu'elles étaient, devinrent douces. Dieu leur donna en ces lieux des préceptes et des ordonnances, et il y éprouva son peuple, en disant: Si vous écoutez la voix de l'Eternel, votre Dieu, et que vous fassiez ce qui est juste devant ses yeux, si vous obéissez à ses commandements, si vous gardez tous ses préceptes, je ne vous frapperai point de toutes les langueurs dont j'ai frappé l'Egypte: parce que je suis l'Eternel qui vous guéris. Les enfants d'Israël vinrent ensuite à Elim, où il y avait douze fontaines et soixante et dix palmiers; et ils campèrent auprès des eaux. Etant partis d'Elim, ils vinrent au désert de Sin, qui est entre Elim et Sinaï, le quinzième jour du second mois depuis leur sortie d'Egypte. Et les enfants d'Israël étant dans ce désert, murmurèrent tous contre Moïse et Aaron, en leur disant: Plût à Dieu que nous fussions morts dans l'Egypte par la main de l'Eternel, où nous étions assis près de marmites pleines de viande, et où nous mangions du pain tant que nous voulions! Pourquoi nous avez-vous amenés dans ce désert, pour y faire mourir de faim tout le [pg 91] peuple? Alors l'Eternel dit à Moïse: Je vais vous faire pleuvoir des pains du ciel: que le peuple en aille amasser ce qui lui suffira pour chaque jour, afin que j'éprouve s'il marche, ou non, dans ma loi. Qu'ils en ramassent le sixième jour pour le garder chez eux, et qu'ils en recueillent deux fois autant qu'en un autre jour. Alors Moïse et Aaron dirent à tous les enfants d'Israël: Vous saurez ce soir que c'est l'Eternel qui vous a tirés de l'Egypte; et vous verrez demain matin éclater la gloire de l'Eternel, parce qu'il a entendu vos murmures contre lui. Car qui sommes-nous nous autres, pour que vous murmuriez contre nous? Moïse ajouta: L'Eternel vous donnera ce soir de la chair à manger, et le matin il vous rassasiera de pain; parce qu'il a entendu les paroles de murmures que vous avez fait éclater contre lui. Car pour nous, qui sommes-nous? ce n'est point nous que vos murmures attaquent, c'est l'Eternel. Il vint donc le soir un grand nombre de cailles qui couvrirent tout le camp, et le matin il se trouva aussi une rosée qui l'environnait, la surface de la terre en étant couverte; on vit paraître dans le désert quelque chose de menu et comme pilé au mortier, qui ressemblait à ces petits grains de gelée blanche, qui pendant l'hiver tombent sur la terre. Ce que les enfants d'Israël ayant vu, ils se dirent les uns aux autres: Manhu? c'est-à-dire: Qu'est-ce que cela? Car ils ne savaient ce que c'était. Moïse leur dit: C'est là le pain que l'Eternel vous donne à manger. Et voici ce que l'Eternel ordonne: Que chacun en ramasse ce qu'il lui en faut pour manger; prenez-en un omor (mesure) pour chaque personne, selon le nombre de ceux qui demeurent dans chaque tente. Moïse leur dit encore: Que personne n'en garde jusqu'au lendemain matin. Mais ils ne l'écoutèrent point; et quelques-uns en ayant gardé jusqu'au matin, ce [pg 92] qu'ils avaient réservé se trouva plein de vers et tout corrompu. Chacun donc en recueillait le matin autant qu'il lui en fallait pour se nourrir; et lorsque la chaleur du soleil était venue, elle se fondait. Le sixième jour ils en recueillirent une fois plus qu'à l'ordinaire, c'est-à-dire, deux omors pour chaque personne. Or, tous les princes du peuple vinrent en donner avis à Moïse, qui leur dit: C'est ce que l'Eternel a déclaré: Demain sera le jour du sabbat, dont le repos est consacré à l'Eternel. Faites donc aujourd'hui tout ce que vous avez à faire. Faites cuire tout ce que vous aurez à cuire, et gardez pour demain matin ce que vous aurez réservé d'aujourd'hui. Et étant fait ce que Moïse avait commandé, la manne ne se corrompit point, et l'on n'y trouva aucun ver. Moïse leur dit ensuite: Mangez aujourd'hui ce que vous avez gardé; parce que c'est le sabbat de l'Éternel, et que vous n'en trouverez point aujourd'hui dans les champs. Recueillez donc pendant les six jours la manne; car le septième jour, c'est le sabbat de l'Eternel, c'est pourquoi vous n'en trouverez point. Le septième jour étant venu, quelques-uns du peuple allèrent pour recueillir de la manne; ils n'en trouvèrent point. Alors l'Eternel dit à Moïse: Dites ceci aux enfants d'Israël: Jusqu'à quand refuserez-vous de garder mes commandements et ma loi? Considérez que l'Eternel a établi le sabbat parmi vous, et qu'il vous donne pour cela le sixième jour une double nourriture. Que chacun donc demeure chez soi, et que nul ne quitte sa place au septième jour. Ainsi le peuple garda le sabbat au septième jour. Et les enfants d'Israël donnèrent à cette nourriture le nom de manne. Elle ressemblait à la graine de coriandre; elle était blanche, et elle avait le goût qu'aurait la plus pure farine mêlée avec du miel. Moïse dit encore: Voici ce qu'a ordonné [pg 93] l'Eternel: Emplissez de manne un omor, et qu'on la garde pour les générations à venir; afin qu'elles sachent quel a été le pain dont je vous ai nourris dans le désert, après que vous avez été tirés de l'Egypte. Aaron mit alors un vase, empli d'un omor de manne, en réserve dans le tabernacle. Or, les enfants d'Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu'à ce qu'ils vinssent dans la terre où ils devaient habiter. C'est ainsi qu'ils furent nourris jusqu'à ce qu'ils entrassent sur les premières terres du pays de Chanaan.
Continuation.
Tous les enfants d'Israël étant partis du désert de Sin, campèrent à Raphidim, où il ne se trouva point d'eau à boire pour le peuple. Alors ils murmurèrent contre Moïse et lui dirent: Donnez-nous de l'eau pour boire! Pourquoi nous avez-vous fait sortir de l'Egypte, pour nous faire mourir de soif, nous et nos enfants, et nos troupeaux? Moïse leur répondit: Pourquoi murmurez-vous contre moi? pourquoi tentez-vous l'Eternel? Il pria l'Eternel et lui dit: Que ferai-je à ce peuple? il s'en faut peu qu'il ne me lapide. L'Eternel dit à Moïse: Marchez devant le peuple: menez avec vous des anciens d'Israël; prenez en votre main la verge dont vous avez frappé le fleuve, et allez jusqu'à la pierre d'Horeb. Je serai avec vous; vous frapperez la pierre, et il en sortira de l'eau, afin que le peuple ait à boire. Moïse fit devant les anciens d'Israël ce que l'Eternel lui avait ordonné. Et il appela ce lieu Massah, c'est-à-dire tentation, et Méribah, c'est-à-dire murmure, à cause du murmure des enfants d'Israël, et parce qu'ils tentèrent là [pg 94] l'Eternel, en disant: L'Eternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas?
C'est en ce lieu qu'Israël fut attaqué avec acharnement par la tribu des Amalécites et que Josué remporta une victoire signalée. Il fut alors statué en Israël que l'on regarderait désormais comme ennemi implacable toute la tribu d'Amalec qui avait violé le droit des gens en attaquant un peuple sans armes. Il arriva aussi en ce même lieu que Moïse d'après le conseil de son beau-père Jéthro, choisit d'entre tout le peuple, des hommes fermes et courageux craignant Dieu, aimant la vérité et ennemis de l'avarice. Il leur donna la conduite, aux uns de mille hommes, à d'autres de cent, à ceux-ci de cinquante, aux autres enfin de dix, afin qu'ils fussent occupés à rendre la justice au peuple en tout temps, qu'ils jugeassent eux-mêmes les petites affaires et qu'ils ne réservassent à Moïse que les choses difficiles. Ainsi le fardeau des affaires qui l'accablait devint plus léger, partagé avec d'autres.
Révélation de l'Éternel sur le mont Sinaï.
La délivrance miraculeuse du pays d'Egypte ne rendit aux enfants d'Israël que liberté d'action et indépendance matérielle. Cependant, Dieu, dans sa toute-bonté, voulut aussi qu'ils recouvrassent liberté d'esprit, indépendance morale et spirituelle. Le peuple israélite sorti de l'esclavage devait entrer en possession de la terre promise aux patriarches; mais aussi devait-il avant tout s'assurer du royaume céleste prédit à Abraham, afin que toutes les familles de la terre fussent bénies en lui. C'est pourquoi l'Eternel, Dieu, se révéla d'une manière si merveilleuse aux yeux de tout le [pg 95] peuple, afin que tout Israël le vît et en fût témoin; que chacun en Israël fût pour ainsi dire prêtre à son Dieu. A cet effet, il arriva que le troisième mois depuis la sortie de l'Egypte, Moïse se rendit sur le mont Sinaï au pied duquel les Israélites étaient campés, et que Dieu lui fit entendre ces paroles: Voici ce que vous direz à la maison de Jacob et ce que vous annoncerez aux enfants d'Israël: Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait aux Egyptiens et de quelle manière je vous ai portés comme l'aigle porte ses aiglons sur ses ailes, et comment je vous ai pris pour être à moi. Si donc vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez à moi, par prédilection au-dessus de tous les peuples, car toute la terre est à moi. Vous serez pour moi un royaume sacerdotal, un peuple saint... Moïse étant donc venu vers le peuple, fit assembler les anciens et leur exposa tout ce que l'Eternel lui avait commandé de leur dire. Le peuple répondit tout d'une voix: Nous ferons tout ce que l'Eternel a dit. Moïse fut alors chargé de préparer et de sanctifier le peuple pour le troisième jour. Le troisième jour étant arrivé sur le matin, on commença à entendre les éclats du tonnerre, et à voir briller les éclairs; une nuée très-épaisse couvrit la montagne, la trompette se fit entendre avec un grand bruit, et le peuple qui était dans le camp fut saisi de frayeur. Alors Moïse le fit sortir du camp pour aller au-devant de l'apparition divine, et ils demeurèrent au pied de la montagne. Tout le mont Sinaï était couvert de fumée, la fumée s'en élevait dans les airs comme d'une fournaise, et toute la montagne en fut fortement ébranlée. C'est au milieu de ces phénomènes effroyables et majestueux qu'Israël reçut la révélation des dix commandements, qui qui nous indiquent les devoirs envers Dieu et envers les hommes. Du reste, Moïse, au nom de l'Éternel, ajouta [pg 96] encore beaucoup d'autres lois et d'autres préceptes que tout Israélite se regarde comme obligé d'observer tant dans la vie morale que dans la vie religieuse7.
Le veau d'or.
Les dix commandements étant promulgués, Moïse remonta le mont Sinaï pour recevoir les autres lois; il y resta quarante jours et quarante nuits. Le peuple voyant que Moïse différait longtemps à descendre de la montagne et croyant qu'il était mort, s'assembla en s'élevant contre Aaron et lui dit: Venez et faites-nous des dieux qui marchent devant nous; car pour ce qui est de Moïse, cet homme qui nous a tirés de l'Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. Aaron leur répondit: Otez les pendants d'oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles et apportez-les-moi. Le peuple fit ce qu'Aaron lui avait commandé, et lui apporta les pendants d'oreilles. Aaron les ayant pris, les jeta au feu et en forma un veau d'or. Alors les Israélites dirent: Voici vos dieux, ô Israël, qui vous ont tirés de l'Egypte. Ce qu'Aaron ayant vu, il dressa un autel devant le veau, et cria: Demain sera la fête solennelle de l'Eternel. S'étant levés matin, ils offrirent des holocaustes et des sacrifices. Tout le peuple s'assit pour manger et pour boire, et se [pg 97] leva ensuite pour se divertir. Pendant ces pratiques criminelles, Moïse descendit de la montagne, portant en sa main les deux tables du témoignage. Les dix commandements étaient gravés sur ces tables. S'étant approché du camp, il vit le veau d'or et les danses; alors saisi d'indignation, il brisa les tables de la loi au pied de la montagne; et après avoir prié l'Eternel d'avoir pitié de son peuple et de lui pardonner cette grande aberration, il prit le veau d'or qu'ils avaient fait, le mit dans le feu, le réduisit en poudre et punit très-sévèrement les coupables. Ensuite Moïse se rendit de nouveau sur le mont Sinaï où, d'après l'ordre de Dieu il fit de nouvelles tables de pierre semblables aux premières qu'il avait brisées, et il y grava de nouveau les mêmes lois.
Le séjour du peuple israélite près du mont Sinaï.
Le peuple israélite ne demeura qu'une année environ près du mont Sinaï. Moïse, cependant, fit beaucoup en ce peu de temps. Il y régla bien des choses, au nom de l'Eternel, et différentes lois et ordonnances y furent proclamées, telles que: les lois touchant les esclaves, la propriété, l'homicide et les sévices; les lois concernant le larcin, les dommages, la subornation et l'idolâtrie; les défenses d'opprimer l'étranger; la charité envers le pauvre; les lois concernant les dîmes et les prémices; les devoirs des juges; le repos de la septième année; les lois sur les sacrifices et les prêtres, etc., et enfin les ordonnances touchant la construction d'un tabernacle, les lois pour le sabbat et pour toutes les fêtes.
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Le tabernacle.
Moïse pour la construction du tabernacle demanda au nom de l'Eternel, le concours de tous ceux qui voulaient y contribuer de leur pleine volonté. Tout le monde vint alors, les hommes avec leurs femmes donnèrent leurs chaînes, leurs pendants d'oreilles, leurs bagues et leurs bracelets; tous les vases d'or furent mis à part pour être présentés à l'Eternel. On apporta des bois rares, de belles étoffes et des pierres précieuses. Moïse fit alors venir Bezaléel et Oholiab et tous les hommes habiles à qui Dieu avait donné la sagesse et l'intelligence pour faire tout ce qui concernait le sanctuaire. Moïse leur mit entre les mains toutes les oblations des enfants d'Israël. Et pendant qu'ils s'appliquaient à avancer cet ouvrage, le peuple offrait tous les jours de nouveaux dons. C'est pourquoi les ouvriers furent obligés de dire à Moïse: Le peuple offre plus de dons qu'il n'est nécessaire. Moïse commanda donc qu'on fît cette déclaration publiquement par la voix d'un héraut: Que nul homme et nulle femme n'offrît plus rien à l'avenir pour les ouvrages du sanctuaire. Ainsi l'on cessa d'offrir des présents à Dieu. Et lorsque tous les ouvrages furent achevés, Moïse les consacra et les bénit8.
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Le sabbat et les fêtes.
Moïse indiqua les solennités de l'Eternel aux enfants d'Israël, en disant:
Sabbat. Vous travaillerez pendant six jours: le septième jour s'appellera saint, parce que c'est le repos du sabbat. Vous ne ferez ce jour-là aucun ouvrage; car c'est le sabbat de l'Eternel, qui doit être observé partout où vous demeurerez.
Pâque. Au premier mois (Nisan), le soir du quatorzième jour, c'est la pâque de l'Eternel, et le quinzième jour du même mois, c'est la fête solennelle des azymes de l'Eternel. Vous mangerez des pains sans levain pendant sept jours. Le premier jour il y aura une convocation sainte pour vous, vous ne ferez aucune œuvre servile; le septième jour sera aussi une convocation sainte; vous ne ferez aucune œuvre servile. Moïse dit encore aux enfants d'Israël: Lorsque vous serez entrés dans la terre que Dieu vous donnera, et que vous aurez coupé les grains, vous porterez au prêtre une gerbe d'épis (un omer), comme prémices de votre moisson: et le lendemain de ce sabbat, qui est la pâque9, le prêtre élèvera devant l'Éternel cette gerbe, et il la consacrera à l'Eternel, afin que l'Eternel vous soit favorable en la recevant. Vous ne mangerez ni pain ni bouillie, ni farine desséchée des grains nouveaux, jusqu'au jour où vous en offrirez les prémices à votre Dieu. Vous [pg 100] compterez donc depuis le second jour du sabbat, auquel vous avez offert la gerbe des prémices (l'omer), sept semaines pleines jusqu'au jour d'après que la septième semaine sera accomplie, c'est-à-dire, cinquante jours: et alors vous offrirez à l'Eternel pour un sacrifice nouveau.
Fête des semaines, ou Pentecôte10. Vous vous assemblerez en ce même jour (la fête); ce sera pour vous une convocation sainte; vous ne ferez aucun ouvrage servile. Cette ordonnance sera observée éternellement dans tous les lieux où vous demeurerez, et dans toute votre postérité. Quand vous moissonnerez la moisson de votre pays, vous laisserez inachevé le bout de votre champ en moissonnant: et vous ne ramasserez point les épis qui seront restés, mais les laisserez pour les pauvres et les étrangers.
Nouvel an. Moïse parla encore aux enfants d'Israël, au nom de l'Eternel: Au septième mois (Tischri), le premier du mois sera pour vous un sabbat, un souvenir de jubilation, une convocation sainte, vous ne ferez aucun ouvrage servile11.
Jour d'expiation (Jom Kipour). Toutefois le dixième [pg 101] jour de ce septième mois est un jour d'expiation; ce sera pour vous une convocation sainte; vous vous mortifierez, vous ne ferez aucun ouvrage en ce même jour-là, car c'est un jour d'expiation pour attirer sur vous la clémence de l'Eternel votre Dieu. Car toute personne qui n'aurait pas été mortifiée en ce même jour-là, sera retranchée de ses tribus, et toute personne qui ferait un ouvrage quelconque en ce même jour-là Dieu la fera périr du milieu de son peuple. Vous ne ferez aucun ouvrage en ce jour-là; et cette ordonnance sera éternellement observée dans toute votre postérité, et dans tous les lieux où vous demeurerez. Ce jour-là vous sera un repos de sabbat. Vous vous mortifierez le neuvième du même mois vers le soir; du soir au soir, vous célébrerez votre sabbat (fête)12.
Fête des tabernacles. Moïse parla encore au nom de l'Eternel, en disant: Le quinzième jour de ce septième mois, fête des tentes13, sept jours à l'Eternel. Le premier jour est une convocation sainte, vous ne ferez aucun ouvrage servile; le huitième jour (Schemini-azereth) sera aussi pour vous un jour sanctifié, vous ne ferez aucun ouvrage servile. (Cette fête devait être en même temps, pour la [pg 102] Palestine, une fête de récolte.) Le quinzième jour du septième mois, continue Moïse, quand vous récolterez les produits de la terre, vous célébrerez la fête de l'Eternel pendant sept jours; le premier jour, repos, et le huitième jour, repos. Vous prendrez, le premier jour, le fruit de l'arbre hadar, les spathes des dattiers, une branche de l'arbre aboth et des saules de rivière14, et vous vous réjouirez pendant sept jours devant l'Eternel votre Dieu. Vous célébrerez la fête de l'Eternel pendant sept jours; c'est une loi qui sera transmise à vos générations; vous la célébrerez dans le septième mois, et alors vous demeurerez dans des tentes pendant sept jours. Que chaque indigène, en Israël, demeure sous des tentes, afin que vos générations sachent que j'ai fait demeurer les enfants d'Israël dans des tentes lorsque je les fis sortir de l'Egypte, moi l'Eternel, votre Dieu.
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Départ de Sinaï et marche jusqu'aux confins de la terre promise.
Le vingtième jour du second mois de la seconde année après la sortie de l'Egypte, les enfants d'Israël partirent du désert de Sinaï, arrivèrent en un lieu appelé Tabera, c'est-à-dire incendie, à cause d'une maladie inflammatoire qui éclata au milieu du peuple, comme une juste punition de Dieu, parce qu'ils avaient murmuré contre l'Eternel. C'est aussi en ce lieu que le menu peuple qui était venu de l'Egypte avec les Israélites, désirant manger de la chair, s'assit en pleurant, et que les enfants d'Israël s'étant joints à eux, ils commencèrent à dire: Qui nous donnera de la chair à manger? Nous nous souvenons des poissons que nous mangions en Egypte, presque pour rien: les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l'ail nous reviennent dans l'esprit. Notre vie est languissante; nous ne voyons que manne sous nos yeux. Un vent excité alors par le Tout-Puissant, poussa des nuées de cailles d'au delà de la mer Rouge, et les fit tomber dans le camp et autour du camp. Le peuple se levant donc ramassa durant tout ce jour, la nuit suivante et le lendemain, une si grande quantité de cailles, que ceux qui en avaient le moins, en avaient dix mesures. Ils avaient encore la chair entre les dents, et ils n'avaient pas achevé de manger cette viande, qu'une maladie affreuse se répandit parmi le peuple et en dévora un très-grand nombre. C'est pourquoi ce lieu fut appelé Kibroth-hattavah, c'est-à-dire les Sépulcres de concupiscence, parce qu'ils y ensevelirent le peuple qui avait désiré de la chair.
[pg 104] Etant sortis des Sépulcres de la concupiscence, ils vinrent à Haseroth et de là dans le désert de Pharan, situé entre Sinaï, la Palestine et le pays d'Edom. De ce lieu Moïse envoya, au nom de l'Eternel, douze hommes pour examiner le pays de Chanaan et il leur dit: Montez du côté du midi; et lorsque vous serez arrivés aux montagnes, considérez quelle est cette terre, et quel est le peuple qui l'habite; s'il est fort ou faible; s'il y a peu ou beaucoup d'habitants. Considérez aussi quelle est la terre, si elle est bonne ou mauvaise; quelles sont les villes, si elles ont des murs ou si elles n'en ont point; si le terroir est gras ou stérile; s'il est planté de bois ou s'il est sans arbres. Soyez fermes et résolus, et apportez-nous des fruits de la terre. Ces hommes étant donc partis, considérèrent le pays de Chanaan et revinrent quarante jours après. En faisant leur rapport, ces envoyés (Josué et Caleb exceptés) excitèrent le peuple à la révolte contre Moïse, en disant: Nous ne pouvons point aller combattre ce peuple chananéen, parce qu'il est plus fort que nous. Et ils décrièrent devant les enfants d'Israël le pays qu'ils avaient vu. Tout le peuple se mit donc à crier, et pleura toute la nuit, et tous les enfants d'Israël murmurèrent contre Moïse et Aaron, en disant: Plût à Dieu que nous fussions morts dans l'Egypte! et puissions-nous périr dans cette vaste solitude, plutôt que l'Eternel nous fasse entrer dans ce pays! de peur que nous ne mourions par l'épée, et que nos femmes et nos enfants ne soient emmenés captifs. Ne vaut-il pas mieux que nous retournions en Egypte? Ils commencèrent donc à dire les uns aux autres: Etablissons-nous un chef, et retournons en Egypte. Moïse et Aaron rapportèrent alors, au nom de l'Eternel, ces paroles au peuple d'Israël: Je jure par [pg 105] moi-même, dit l'Eternel, que je vous traiterai selon le souhait que je vous ai entendu faire. Vos corps seront étendus morts dans ce désert. Vous tous qui avez été comptés depuis l'âge de vingt ans et au-dessus, et qui avez murmuré contre moi, vous n'entrerez point dans cette terre dans laquelle j'avais juré que je vous ferais habiter, excepté Caleb fils de Jophoné, et Josué fils de Nun. Mais j'y ferai entrer vos petits-enfants, dont vous avez dit qu'ils seraient la proie de vos ennemis, afin qu'ils voient cette terre qui vous a déplu. Vos enfants seront errants dans ce désert pendant quarante ans, selon le nombre de quarante jours
pendant lesquels vous avez considéré cette terre, en comptant une année pour chaque jour. Vous recevrez donc pendant quarante ans la peine de vos iniquités.
Pendant ces trente-huit ans qui restaient encore à passer dans le désert, il n'arriva que peu d'événements remarquables. La révolte de Coré (Corach) fut punie par l'Eternel d'une manière tout à fait inattendue: la terre s'entr'ouvrit, et les méchants furent engloutis. Arrivé dans le désert de Sin, le peuple manquant d'eau s'assembla de nouveau autour de Moïse et d'Aaron et se révolta. Dieu leur fit alors sortir de l'eau d'un rocher, en sorte que le peuple eut à boire. C'est à cette occasion que Moïse et Aaron, n'ayant pas suivi exactement la volonté de l'Eternel, furent punis, eux aussi, comme les autres: l'entrée dans la terre promise leur fut interdite, et la mort prête à les frapper tous les deux, leur fut annoncée. A la quarantième année après la sortie d'Egypte, le peuple d'Israël demeura à Cades où Marie (Miriam) la sœur de Moïse et d'Aaron vint à mourir. Le roi des Iduméens refusant de laisser passer Israël par son pays, Moïse se tourna vers l'Est pour pénétrer dans le pays de Chanaan par la rive gauche du [pg 106] Jourdain, au delà de la mer Morte. Ayant décampé de Cades, les Israélites vinrent à la montagne de Hor, située sur les confins du pays d'Edom. Aaron y vint à mourir et fut remplacé dans le pontificat par Éléazar son fils. Moïse forcé de faire la guerre à Sihan, roi des Amorrhéens, de même qu'à Og, roi de Basan, les vainquit tous les deux, et donna leur pays aux enfants de Ruben et de Gad et à la moitié de la tribu de Manassé qui le sollicitèrent pour y laisser leurs troupeaux. Balac, roi de Moab, effrayé de l'approche de ce peuple, fit venir un mage, nommé Bileam, pour maudire les Israélites. Voyant que la malédiction prononcée contre eux ne s'accomplissait point, Bileam conseilla aux filles de Moab et de Midian de séduire Israël en l'appelant à leurs sacrifices (dans l'intention peut-être d'obtenir une alliance) et de l'engager à se consacrer au culte de Baal-Peor. Effectivement elles réussirent dans leur dessein: le peuple succomba à leur séduction, et sacrifia au Baal-Peor (idole moabite dont le culte consistait en actions immorales et impudiques). Moïse fit alors punir les coupables, et Phinéas, fils d'Eléazar, à la tête de douze mille hommes, marcha contre ces peuples idolâtres et les vainquit.
Mort de Moïse.
Moïse parvenu à l'âge de cent vingt ans, sentant approcher l'heure de sa mort, prit les mesures nécessaires au bien de son peuple: il choisit, au nom de l'Eternel, Josué, fils de Nun, pour son successeur, lui remit devant tout Israël le commandement sur le peuple et lui dit: Soyez ferme et courageux; car c'est vous qui ferez entrer ce [pg 107] peuple dans le pays que l'Eternel a promis à ses pères, c'est vous aussi qui le partagerez au sort entre les tribus. L'Eternel sera avec vous, ne craignez point et ne vous laissez point intimider. Moïse écrivit donc la loi et la donna aux prêtres, enfants de Lévi, qui portaient l'arche de l'alliance, et à tous les anciens d'Israël. Il leur donna cet ordre: Tous les sept ans, lorsque l'année de la remise sera venue, et au temps de la fête des tabernacles, quand tous les enfants d'Israël s'assembleront pour paraître devant l'Eternel votre Dieu, au lieu que l'Eternel aura choisi, vous lirez les paroles de cette loi devant tout Israël attentif. Tout le peuple sera assemblé, tant les hommes que les femmes, les petits enfants et les étrangers qui se trouveront dans vos villes, afin qu'en écoutant la loi ils l'apprennent; qu'ils craignent l'Eternel votre Dieu; qu'ils observent et accomplissent toutes les ordonnances de cette loi; et que leurs enfants mêmes qui n'en ont encore aucune connaissance, puissent les entendre, et craignent l'Eternel leur Dieu, pendant tout le temps qu'ils demeureront dans la terre que vous aller posséder au delà du Jourdain. Après avoir exhorté pour la dernière fois son peuple à l'amour de la vertu, à la crainte de Dieu et à la fidélité de son alliance, Moïse bénit tous les enfants d'Israël selon leurs tribus, et termina par ces paroles si expressives: Tu es heureux, ô Israël; qui est semblable à toi, ô peuple, qui trouves ton salut dans l'Eternel, l'Eternel qui te sert de bouclier pour te défendre et d'épée pour te procurer une glorieuse victoire!... Moïse monta ensuite sur la montagne de Nebo, et du haut de cette montagne il jeta un dernier regard sur le pays promis à son peuple et mourut dans le pays de Moab selon l'ordre de l'Eternel. Nul homme jusqu'aujourd'hui n'a connu le lieu où il a été [pg 108] enseveli. Sa vue ne baissa point et ses forces ne furent point affaiblies jusqu'au dernier moment de sa vie. Les enfants d'Israël le pleurèrent dans la plaine de Moab pendant trente jours. Il ne s'éleva plus dans Israël de prophète semblable à qui l'Eternel se révélât d'une manière si merveilleuse; ni qui ait fait des miracles et des prodiges comme ceux que l'Eternel fit faire par Moïse en Egypte aux yeux de Pharaon, de ses serviteurs et de tout son royaume; ni qui ait agi avec un bras si puissant, et qui ait fait des œuvres aussi grandes et aussi merveilleuses que celles que Moïse a faites devant tout Israël.
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