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Histoire Sainte; ou, Histoire des Israélites: Depuis La Création, Jusqu'a La Dernière Destruction De Jérusalem

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CHAPITRE V.

HISTOIRE DU PEUPLE ISRAÉLITE SOUS LES ROIS
SAUL, DAVID ET SALOMON.
 
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(2882-2964.)

Samuël étant devenu vieux, établit ses enfants pour juges sur Israël. Son fils aîné s'appelait Joël, et le second Abia. Ils exerçaient les fonctions de juges dans Bersabée. Mais ils ne marchèrent point dans les voies de leur père; ils se laissèrent corrompre par l'avarice, reçurent des présents, et rendirent des jugements injustes. Tous les anciens d'Israël s'étant donc assemblés, vinrent trouver Samuël à Ramatha, et lui dirent: Vous voilà devenu vieux, et vos enfants ne marchent point dans vos voies. Établissez donc sur nous un roi, comme en ont toutes les nations, afin qu'il nous juge. Cette proposition déplut à Samuël, mais obéissant à la voix de Dieu, il céda à leur [pg 136] demande, et Saül, fils de Cis (Kisch), de la tribu de Benjamin, campagnard, fut élu roi d'Israël. Le prophète Samuël ayant fait la connaissance de cet homme d'une manière tout à fait extraordinaire, assembla le peuple, jeta le sort sur toutes les tribus d'Israël et le sort tomba sur la tribu de Benjamin, sur la personne de Saül, fils de Cis. On le chercha donc, mais il ne se trouva point. Sa modestie était si grande, qu'à la nouvelle de son élection il se cacha dans sa maison. On y courut donc, on le prit et on l'emmena; et lorsqu'il fut au milieu du peuple, il parut plus grand que tous les autres de toute la tête. Samuël dit alors au peuple: Vous voyez quel est celui que Dieu a choisi, et qu'il n'y en a point dans tout le peuple qui lui soit semblable. Et tout le peuple s'écria: Vive le roi. Samuël prononça ensuite devant le peuple la loi du royaume, qu'il écrivit dans un livre et il la mit en dépôt devant l'Eternel. Après cela Samuël renvoya tout le peuple, chacun chez soi. Saül s'en retourna aussi chez lui à Gabaa, accompagné d'une partie de l'armée, ceux dont Dieu avait touché le cœur. Mais il y avait aussi parmi eux des gens d'une basse condition qui commencèrent à dire: Comment celui-ci pourrait-il nous sauver? Et ils le méprisèrent, et ne lui firent point de présents; mais Saül feignait de ne pas les entendre.

Quelque temps après, Naas (Nachasch) roi des Ammonites se mit en campagne et attaqua Jabès en Galaad. Les habitants de cette ville dirent à Naas: Recevez-nous à composition, et nous vous serons assujettis. Mais Naas leur répondit: La composition que je ferai avec vous, sera de vous arracher à tous l'œil droit, et de vous rendre l'opprobre de tout Israël. Saül entendit ce rapport lorsqu'il retournait de la campagne en suivant ses bœufs. Or, l'esprit de [pg 137] l'Eternel se saisit de lui, il prit ses deux bœufs, les coupa en morceaux, et les envoya par les courriers de Jabès dans toutes les terres d'Israël, en disant: C'est ainsi qu'on traitera les bœufs de tous ceux qui ne se mettront point en campagne pour suivre Saül et Samuël. Alors le peuple fut frappé de la crainte de l'Eternel, et ils sortirent tous en armes, comme s'ils n'eussent été qu'un seul homme. Saül en ayant fait la revue à Bezech, il se trouva dans son armée trois cent mille hommes des enfants d'Israël, et trente mille de la tribu de Juda. Saül s'avança à leur tête, marcha contre les Ammonites, les vainquit et détruisit toute leur armée. Alors le peuple dit à Samuël: Qui sont ceux qui ont dit: Saül sera-t-il notre roi? Donnez-nous ces gens-là, et nous les ferons mourir présentement. Mais Saül leur dit: On ne fera mourir personne en ce jour, parce que c'est le jour dans lequel l'Eternel a sauvé Israël.

Après cela Samuël dit au peuple: Venez, allons à Galgala, et y renouvelons l'élection du roi. Tout le peuple alla donc à Galgala, et y reconnut de nouveau Saül pour roi en la présence de l'Eternel. Ils y offrirent des sacrifices à l'Eternel, et Saül et tous les Israélites firent en ce lieu-là une très-grande réjouissance.—Alors Samuël dit à tout le peuple d'Israël: Vous voyez que je me suis rendu à tout ce que vous m'avez demandé, et que je vous ai donné un roi. Votre roi maintenant marche à votre tête. Pour moi je suis vieux et déjà tout blanc, et mes enfants sont avec vous. Ayant donc vécu parmi vous depuis ma jeunesse jusqu'à ce jour, me voici prêt à répondre de toute ma vie. Déclarez devant l'Eternel et devant son oint si j'ai pris le bœuf ou l'âne de personne; si j'ai imputé à quelqu'un de faux crimes; si j'ai opprimé quelqu'un par violence; si j'ai reçu des présents de qui que ce soit; et je vous ferai [pg 138] connaître le peu d'attache que je lui porte en vous le rendant présentement. Ils lui répondirent: Vous ne nous avez point opprimés ni par de fausses accusations, ni par violence, et vous n'avez rien pris de personne. Samuël ajouta: L'Eternel m'est donc témoin aujourd'hui contre vous, et son oint m'est aussi témoin, que vous n'avez rien trouvé en moi qu'on puisse me reprocher. Le peuple lui répondit: Oui, ils en sont témoins.

Alors Samuël donna des exhortations au peuple, il lui parla avec énergie, il leur retraça en peu de mots l'histoire du passé, leur rappela tout le mal qu'ils avaient fait aux yeux de l'Eternel et finit par ces mots: Ne quittez plus l'Éternel votre Dieu, servez-le de tout votre cœur. Et l'Eternel n'abandonnera point son peuple à cause de son grand nom; parce qu'il a juré qu'il vous rendra son peuple. Craignez donc l'Eternel, et servez-le dans la vérité et de tout votre cœur; car vous avez vu les merveilles qu'il a faites parmi vous. Si vous persévérez à faire le mal, vous périrez tous ensemble, vous et votre roi.

 
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Saül agit contre la volonté de l'Éternel, il est rejeté.

Saül régnait depuis un an sur Israël, lorsqu'il choisit trois mille hommes du peuple d'Israël. Il en prit deux mille avec lui à Michmas, et sur la montagne de Bethel, et en donna mille à Jonathan à Gabaa dans la tribu de Benjamin. Jonathan avec ses mille hommes battit la garnison des Philistins qui était à Gabaa. Les Philistins en ayant été aussitôt avertis, s'assemblèrent pour combattre Israël. Ils avaient trente mille chariots, six mille chevaux, et une [pg 139] multitude de gens de pied aussi nombreuse que le sable qui est sur le rivage de la mer. Et ils vinrent se camper à Michmas. Les Israélites se voyant ainsi réduits à l'extrémité, le peuple fut tout abattu, et ils allèrent se cacher dans les cavernes, dans les lieux les plus secrets, dans les rochers, dans les antres et dans les citernes. Les autres Hébreux passèrent le Jourdain, et vinrent au pays de Gad et de Galaad. Saül était encore à Galgala où le reste du peuple alla le suivre. Il attendit sept jours, comme Samuël lui avait ordonné. Cependant Samuël ne venait point à Galgala, et peu à peu le peuple l'abandonnait. Saül dit donc: Apportez-moi l'holocauste et les sacrifices. Et il offrit l'holocauste. Lorsqu'il achevait d'offrir l'holocauste, Samuël arriva. Et Saül alla au-devant de lui pour le saluer. Samuël lui dit: Qu'avez-vous fait? Saül lui répondit: Voyant que le peuple me quittait; que vous n'étiez point venu au jour que vous aviez dit; et que les Philistins s'étaient assemblés à Michmas; j'ai dit en moi-même: Les Philistins vont venir m'attaquer à Galgala, et je n'ai point encore prié l'Eternel. Étant donc contraint par cette nécessité, j'ai offert l'holocauste. Samuël dit à Saül: Vous avez commis une faute, et vous n'avez point gardé les ordres que l'Éternel vous avait donnés. Si vous n'aviez point fait cette faute, l'Éternel aurait maintenant affermi pour jamais votre règne sur Israël. Mais votre règne ne subsistera point à l'avenir. L'Éternel s'est pourvu d'un homme selon son désir, et il a ordonné qu'il fût le chef de son peuple: parce que vous n'avez point observé les ordres qu'il vous a donnés.

[pg 140]

 
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Action héroïque de Jonathan.

Il sortit alors trois partis du camp des Philistins pour aller piller. Or il ne se trouvait point de forgeron dans toutes les terres d'Israël. Car les Philistins avaient pris cette précaution, pour empêcher que les Hébreux ne forgeassent ni épées ni lances. Et lorsque le jour du combat fut venu, hors Saül et Jonathan son fils, il ne se trouva personne de tous ceux qui les avaient suivis, qui eût une lance ou une épée à la main. Et la garde avancée des Philistins étant sortie de Michmas, s'avança vers Gabaa.

Un jour il arriva que Jonathan fils de Saül, dit à un jeune homme, qui était son écuyer: Viens avec moi, et passons jusqu'à cette garde avancée des Philistins; peut-être que l'Eternel combattra pour nous; car il lui est également aisé de donner la victoire avec un grand ou avec un petit nombre. Lors donc que la garde des Philistins les eut aperçus tous deux, les Philistins dirent: Voilà les Hébreux qui sortent des cavernes où ils s'étaient cachés. Et les plus avancés de leur camp, s'adressant à Jonathan et à son écuyer, leur dirent: Montez ici, et nous vous ferons voir quelque chose. Car le lieu par où Jonathan tâchait de monter au poste que les Philistins occupaient, était bordé de côté et d'autre de deux rochers fort hauts et fort escarpés. Jonathan monta donc, grimpant avec les mains et les pieds, et son écuyer derrière lui: aussitôt on vit les uns tomber sous la main de Jonathan, et son écuyer qui le suivait tuait les autres. L'effroi se répandit aussitôt dans la campagne, par toute l'armée des Philistins. Tous les [pg 141] gens de leur camp qui étaient allés pour piller, furent frappés d'étonnement, tout le pays fut en trouble, et il parut que c'était Dieu qui avait fait ce miracle. Les sentinelles de Saül jetant les yeux de ce côté-là, virent un grand nombre de gens étendus sur la place, et d'autres qui fuyaient en désordre çà et là. Saül s'avança donc à la tête d'un grand nombre d'Israélites, poursuivit les ennemis qui s'enfuirent bien loin. C'est en ce jour-là que l'Eternel sauva Israël. Or le peuple étant extrêmement las, se jeta sur le butin, prit des brebis, des bœufs et des veaux, et les tua sur la place; et le peuple mangea de la chair avec le sang. Saül en fut averti, et on lui dit que le peuple avait péché contre l'Eternel en mangeant des viandes avec le sang. Saül leur dit: Vous avez violé la loi: qu'on me roule ici une grande pierre, égorgez ici vos bœufs et vos béliers, et après cela vous en mangerez, afin que vous ne péchiez plus contre l'Eternel en mangeant de la chair avec le sang. Alors Saül bâtit un autel à l'Eternel: et ce fut donc là la première fois qu'il lui éleva un autel.

Saül ayant ainsi affermi son règne sur Israël, combattait de tous côtés contre tous ses ennemis; contre Moab, contre les enfants d'Ammon, contre Edom, contre les rois de Soba et contre les Philistins. Et de quelque côté qu'il tournât ses armes, il en revenait victorieux. Ayant assemblé son armée, il défit les Amalécites, et délivra Israël de la main de ceux qui pillaient toutes ses terres.

Or, Saül eut trois fils, Jonathan, Jischvi et Malchisua, et deux filles, dont l'aînée s'appelait Merab et la plus jeune Michol. La femme de Saül se nommait Achinoam, et était fille d'Achimaas. Le général de son armée était Abner, fils de Ner, cousin germain de Saül. Car Cis, père de Saül, et Ner, père d'Abner, étaient tous deux fils d'Abiel. Pendant [pg 142] tout le règne de Saül il y eut une forte guerre contre les Philistins. Et aussitôt que Saül avait reconnu qu'un homme était vaillant et propre à la guerre, il le prenait auprès de lui.

 
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Saül ne remplit pas exactement la volonté de Dieu, en est sévèrement blâmé.

Après cela Samuël vint dire à Saül: C'est moi que l'Eternel a envoyé pour vous sacrer roi sur Israël son peuple. Écoutez donc maintenant ce que l'Éternel vous commande: Marchez contre Amalec, détruisez tout ce qui est à lui, et ne désirez rien de ce qui lui appartient. Saül commanda donc au peuple de prendre les armes; et en ayant fait la revue, il se trouva deux cent mille hommes de pied, et dix mille hommes de la tribu de Juda. Il marcha ensuite jusqu'à la ville d'Amalec, et dressa des embuscades le long du torrent. Et il dit aux Cinéens: Allez, retirez-vous, séparez-vous des Amalécites, de peur que je ne vous enveloppe avec eux. Car vous avez usé de miséricorde envers tous les enfans d'Israël lorsqu'ils revenaient de l'Égypte. Les Cinéens se retirèrent donc du milieu des Amalécites. Saül attaqua alors les Amalécites, les vainquit et les détruisit. Il prit vif Agag, roi des Amalécites, l'épargna et réserva aussi ce qu'il y avait de meilleur dans les troupeaux de brebis et de bœufs, dans les béliers, dans les meubles et les habits, et généralement tout ce qui était le plus beau; et Saül et le peuple ne voulurent point le perdre, ils détruisirent seulement tout ce qui se trouva de vil et de méprisable.

[pg 143] L'Éternel adressa alors sa parole à Samuël, et lui dit: Je me repens d'avoir fait Saül roi, parce qu'il m'a abandonné, et qu'il n'a point exécuté mes ordres. Samuël en fut attristé, et il pria l'Éternel toute la nuit. Et s'étant levé avant le jour pour aller trouver Saül le matin, on vint lui dire que Saül était venu sur le Carmel, où il s'était dressé un arc de triomphe, et qu'au sortir de là il était descendu à Galgala. Samuël s'étant approché de Saül, Saül lui dit: Béni soyez-vous de l'Éternel. J'ai accompli la parole de l'Éternel. Samuel lui dit: D'où vient donc ce bruit de troupeaux de brebis et de bœufs que j'entends ici, et qui retentit à mes oreilles? Saül lui dit: On les a amenés d'Amalec; car le peuple a épargné ce qu'il y avait de meilleur parmi les brebis et les bœufs pour les offrir à l'Éternel votre Dieu. Samuël dit à Saül: Permettez-moi de vous dire ce que l'Eternel m'a dit cette nuit. Dites, répondit Saül. Samuël ajouta: Si vous vous croyez petit à vos yeux, n'êtes-vous pas devenu le chef de toutes les tribus d'Israël? L'Éternel vous a sacré roi sur Israël; il vous a envoyé à cette guerre, pourquoi donc n'avez-vous point écouté la voix de l'Eternel? Pourquoi vous êtes-vous laissé aller au désir du butin, et pourquoi avez vous péché aux yeux de l'Éternel? Sont-ce des holocaustes et des victimes que l'Éternel demande? et ne demande-t-il pas plutôt que l'on obéisse à sa voix? L'obéissance est meilleure que les victimes, et il vaut mieux se rendre à sa voix que de lui offrir les béliers les plus gras. Car la désobéissance aux ordres de l'Éternel est un péché égal à celui de la magie; et la résistance à sa volonté est un crime égal à l'idolâtrie. Donc puisque vous avez rejeté la parole de l'Eternel, l'Éternel vous a rejeté, et il ne veut plus que vous soyez roi. Saül dit alors à Samuël: J'ai péché, mais honorez-moi maintenant [pg 144] devant les anciens de mon peuple et devant Israël, et revenez avec moi, afin que j'adore l'Eternel notre Dieu. Samuël retourna donc, suivit Saül, et Saül adora l'Eternel. Alors Samuël fit exécuter Agag, roi d'Amalec, et lui dit: Comme votre épée a ravi les enfants à tant de mères; ainsi votre mère parmi les femmes sera sans enfants. Samuël s'en retourna ensuite à Ramatha, et Saül s'en alla en sa maison à Gabaa. Depuis ce jour-là Samuël ne vit plus Saül jusqu'au jour de sa mort, mais il le pleurait sans cesse.

 
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David est sacré roi d'Israël.

Enfin Dieu se révéla à Samuël, et lui dit: Jusqu'à quand pleurerez-vous Saül, puisque je l'ai rejeté, et que je ne veux plus qu'il règne sur Israël? Emplissez d'huile la corne que vous avez, et venez, afin que je vous envoie à Isaï de Beth-lehem; car je me suis choisi un roi entre ses enfants. Et lorsque Samuël craignit que Saül ne l'apprît et ne le fît mourir, il lui fut conseillé de prendre un veau en prétextant de vouloir sacrifier à l'Eternel, d'appeler Isaï avec ses fils au festin du sacrifice et de sacrer celui que Dieu lui montrerait. Samuël fit donc tout ce que lui fut ordonné; il sacra le plus jeune d'entre les fils d'Isaï, nommé David, berger, d'une mine avantageuse, qui s'entendait parfaitement dans la musique et dans la poésie, et se distinguait particulièrement par son courage et sa bravoure. Or, depuis le moment qu'il fut sacré, l'esprit de l'Eternel fut toujours en David; mais en même temps l'esprit de l'Eternel se retira de Saül, qui était agité du malin esprit (de la [pg 145] mélancolie). Alors les officiers de Saül lui dirent: Vous voyez que le malin esprit vous inquiète. S'il plaît au roi notre seigneur de l'ordonner, vos serviteurs chercheront un homme qui sache toucher la harpe, afin qu'il en joue lorsque le malin esprit vous agitera, et que vous en receviez du soulagement. Saül dit à ses officiers: Cherchez-moi donc quelqu'un qui sache bien jouer de la harpe, et amenez-le-moi. L'un d'entre eux lui répondit: J'ai vu l'un des fils d'Isaï de Beth-lehem, qui sait fort bien jouer de la harpe. C'est un jeune homme très-fort, propre à la guerre, sage dans ses paroles, d'une mine avantageuse, et l'Eternel est avec lui. Saül fit donc dire à Isaï: Envoyez-moi votre fils David, qui est avec les troupeaux. Isaï aussitôt prit un âne qu'il chargea de pain, d'une bouteille de vin et d'un chevreau, et il les envoya à Saül par son fils David. David vint donc trouver Saül, et se présenta devant lui. Saül l'aima fort et le fit son écuyer. Il envoya ensuite dire à Isaï: Que David demeure auprès de ma personne; car il a trouvé grâce devant mes yeux. Ainsi toutes les fois que l'esprit malin se saisissait de Saül, David prenait sa harpe et en jouait, et Saül en était soulagé et se trouvait mieux.

 
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David triomphe du géant Goliath.

Les Philistins s'assemblèrent de nouveau pour combattre Israël, ils se rendirent tous à Socho, dans la tribu de Juda. Saül d'autre part et les enfants d'Israël s'étant aussi assemblés, vinrent en la vallée du Térébinthe, et mirent leur armée en bataille pour combattre les Philistins. Les Philistins étaient d'un côté sur une montagne, Israël était de [pg 146] l'autre sur une autre montagne; et il y avait une vallée entre eux. Or, il arriva qu'un géant sortit du camp des Philistins. Il s'appelait Goliath, il avait six coudées et un palme de haut. Il avait en tête un casque d'airain et était revêtu d'une cuirasse à écailles, qui pesait cinq mille sicles d'airain. Il avait sur les cuisses des cuissards d'airain, et un bouclier d'airain lui couvrait les épaules. La hampe de sa lance était comme ces grands bois dont se servent les tisserands, et le fer de sa lance pesait six cents sicles de fer; et son écuyer marchait devant lui. Cet homme vint se présenter devant les bataillons d'Israël, et leur criait: Pourquoi venez-vous donner bataille? Ne suis-je pas Philistin, et vous serviteurs de Saül? Choisissez un homme d'entre vous, et qu'il vienne se battre seul à seul. S'il ose se battre contre moi et qu'il m'ôte la vie, nous serons vos esclaves; mais si j'ai l'avantage sur lui, et que je le tue, vous serez nos esclaves, et vous nous serez assujettis. C'est ainsi que ce Philistin se présentait au combat le matin et le soir, et cela dura pendant quarante jours.—Saül et tous les Israélites entendant ce Philistin parler de la sorte, étaient frappés d'étonnement, et tremblaient de peur. Or David, fils d'Isaï, avait quitté Saül et s'en était retourné à Beth-lehem pour mener paître les troupeaux de son père. Trois de ses frères, les plus grands, avaient suivi Saül à l'armée. Il arriva qu'au même temps Isaï dit à David son fils: Prends pour tes frères une mesure de farine d'orge et ces dix pains, et cours à eux jusqu'au camp. Porte aussi ces dix fromages pour leur mestre de camp: vois comment tes frères se portent. David s'étant donc levé dès la pointe du jour, laissa à un homme le soin de son troupeau, et s'en alla, chargé, au camp, selon l'ordre qu'Isaï lui avait donné. Il courut au lieu du combat et s'enquit de l'état [pg 147] de ses frères. Lorsqu'il leur parlait encore, ce Philistin, appelé Goliath, sortit du camp des Philistins, et David lui entendit répéter ses provocations habituelles. Tous les Israélites ayant vu Goliath, fuirent devant lui tremblants de peur. Mais David dit à ceux qui étaient auprès de lui: Que donnera-t-on à celui qui tuera ce Philistin et qui ôtera l'opprobre d'Israël? Car, qui est ce Philistin pour insulter ainsi l'armée du Dieu vivant? Et le peuple lui répondit: S'il se trouve un homme qui puisse le vaincre, le roi le comblera de richesses, lui donnera sa fille en mariage, et rendra la maison de son père exempte de tribut dans Israël. Or, ces paroles de David ayant été entendues, elles furent rapportées à Saül. Et Saül l'ayant fait venir devant lui, David lui parla de cette sorte: Que personne ne s'épouvante de ce Philistin; votre serviteur est prêt à aller le combattre. Saül lui dit: Vous ne sauriez résister à ce Philistin, ni combattre contre lui; parce que vous êtes encore tout jeune, et que celui-ci est un homme nourri à la guerre depuis sa jeunesse. David répondit à Saül: Lorsque votre serviteur menait paître le troupeau de son père, il venait quelquefois un lion ou un ours qui emportait un bélier du milieu du troupeau. Alors je courais après eux, je les battais et je leur arrachais le bélier d'entre les dents; et lorsqu'ils se jetaient sur moi, je les prenais à la gorge, je les étranglais et je les tuais. C'est ainsi que votre serviteur a tué un lion et un ours, et il en sera autant de ce Philistin; l'Eternel, qui m'a délivré des griffes du lion et de la gueule de l'ours, me délivrera encore de la main de ce Philistin. Saül dit donc à David: Allez, et que l'Eternel soit avec vous. Il le revêtit ensuite de ses armes, lui mit sur la tête un casque d'airain, et l'arma d'une cuirasse. Et David s'étant mis une épée au côté, commença à essayer [pg 148] s'il pourrait marcher avec ses armes, ne l'ayant point fait jusqu'alors. Et il dit à Saül: Je ne saurais marcher ainsi, parce que je n'y suis pas accoutumé. Ayant donc quitté ses armes, il prit le bâton qu'il avait toujours à la main, choisit dans le torrent cinq pierres très-polies, et les mit dans sa panetière qu'il avait sur lui; et tenant à la main sa fronde, il marcha contre le Philistin. Le Philistin s'avança aussi et s'approchant de David, il le méprisa et lui dit: Suis-je un chien, pour que tu viennes à moi avec un bâton? Et ayant maudit David en jurant par ses dieux, il ajouta: Viens à moi, et je donnerai ta chair à manger aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. Mais David dit au Philistin: Tu viens à moi avec l'épée, la lance et le bouclier; mais moi je viens à toi au nom de l'Eternel, du Dieu des troupes d'Israël, auxquelles tu as insulté aujourd'hui. L'Eternel te livrera entre mes mains; je te tuerai, afin que toute la terre sache qu'il y a un Dieu dans Israël, et que toute multitude d'homme reconnaisse que ce n'est point par l'épée ni par la lance que l'Eternel sauve; parce qu'il est l'arbitre de la guerre, et ce sera lui qui vous livrera entre nos mains. Le Philistin s'avança donc, et marcha contre David. Et lorsqu'il en fut proche, David se hâta et courut contre lui pour le combattre. Il mit la main dans sa panetière, il en prit une pierre, la lança avec sa fronde, et en frappa le Philistin dans le front. La pierre s'enfonça dans le front du Philistin, et il tomba le visage contre terre. Ainsi David remporta la victoire sur le Philistin avec une fronde et une pierre seule, il le renversa par terre, et le tua. Et comme il n'avait point d'épée à la main, il courut, et se jeta sur le Philistin: il prit son épée, la tira du fourreau, et acheva de lui ôter la vie.—Les Philistins voyant que le plus vaillant d'entre eux était mort, s'enfuirent. Et les Israélites [pg 149] s'élevant avec un grand cri, les poursuivirent jusqu'à la vallée et aux portes d'Accaron, et pillèrent le camp de leurs ennemis.

 
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David et Saül: bravoure et droiture d'un côté, jalousie et ruse de l'autre.

Depuis ce moment Jonathan fils de Saül devint l'ami de David; car Jonathan l'aimait comme lui-même, et l'âme de Jonathan s'attacha étroitement à celle de David. Or quand David revint après avoir vaincu le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d'Israël au-devant du roi Saül en chantant et en dansant, témoignant leur réjouissance avec des tambours et des timbales. Et les femmes dans leurs danses et dans leurs chansons se répondaient l'une à l'autre, et disaient: Saül en a tué mille, et David en a tué dix mille. Cette parole irrita Saül et le mit dans une grande colère. Ils ont donné, dit-il, dix mille hommes à David, et à moi mille: que lui reste-t-il après cela que d'être roi? Depuis ce jour-là Saül ne regarda plus David de bon œil. Le lendemain il arriva que l'esprit malin se saisit de Saül, et il était agité au milieu de sa maison, comme un homme qui a perdu le sens. David jouait de la harpe devant lui, comme il avait accoutumé de faire; et Saül ayant la lance à la main, la poussa contre David, dans le dessein de le percer d'outre en outre contre la muraille: mais David se détourna, et évita le coup par deux fois. Saül commença donc à craindre David, voyant que l'Eternel était avec David, et qu'il s'était retiré de lui. C'est pourquoi il l'éloigna d'auprès de sa personne, et lui [pg 150] donna le commandement de mille hommes. Ainsi David menait le peuple à la guerre et le ramenait. David aussi se conduisait dans toutes ses actions avec une grande prudence, et l'Eternel était avec lui. Saül voyant donc qu'il était très-prudent, commença à s'en défier davantage. Mais tout Israël et tout Juda aimait David, parce que c'était lui qui allait en campagne avec eux, et qui marchait à leur tête. Alors Saül dit à David: Vous voyez Merob ma fille aînée; c'est elle que je vous donnerai en mariage: soyez seulement courageux, et combattez pour le service de l'Eternel. Et en même temps il disait en lui-même: Je ne veux point le tuer de ma main; mais je veux qu'il meure par la main des Philistins. David répondit à Saül: Qui suis-je moi? quelle est la vie que j'ai menée, et quelle est dans Israël la famille de mon père, pour que je devienne gendre du roi? Mais le temps étant venu que Merob fille de Saül devait être donnée à David, elle fut donnée en mariage à Hadriel Molathite. Michal seconde fille de Saül avait de l'affection pour David: ce qui ayant été rapporté à Saül, il en fut bien aise, et fit dire à David qu'il était prêt à lui donner celle-ci en mariage, pourvu qu'il frappât seulement cent Philistins. (Le dessein de Saül était de faire tomber David entre les mains des Philistins.) Les serviteurs de Saül ayant rapporté à David ce que Saül leur avait dit, il agréa la proposition qu'ils lui faisaient, pour devenir gendre du roi. Peu de jours après il marcha avec les gens qu'il commandait et vainquit deux cents Philistins. Saül lui donna donc en mariage sa fille Michal. Et il comprit clairement que l'Eternel était avec David. Quant à Michal sa fille, elle avait beaucoup d'affection pour David. Saül commença à le craindre de plus en plus; et son aversion pour lui croissait tous les jours. Les princes des Philistins se mirent de [pg 151] nouveau en campagne. Et dès qu'ils se présentèrent, David fit paraître plus de prudence que tous les officiers de Saül; de sorte que son nom devint très-célèbre.

 
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Jonathan avertit David de la colère de Saül. David se sauve, et se retire auprès de Samuel.

Or Saül parla à Jonathan son fils et à tous ses officiers pour les porter à tuer David: mais Jonathan, qui aimait extrêmement David, vint lui en donner avis; et étant avec Saül son père, il lui dit: Seigneur roi, ne faites point de mal à David votre serviteur, parce qu'il ne vous en a point fait, et qu'il vous a rendu au contraire des services très-importants. Il a exposé sa vie à un grand péril; il a vaincu le Philistin, et l'Eternel a sauvé tout Israël d'une manière pleine de merveilles. Vous l'avez vu, et vous en avez eu de la joie. Pourquoi donc voulez-vous maintenant faire une faute en répandant le sang innocent, et en tuant David qui n'est point coupable? Saül ayant entendu ce discours de Jonathan, fut apaisé par ses raisons, et lui répondit: Je vous promets qu'il ne mourra point. Jonathan ensuite fit venir David, lui rapporta tout ce qui s'était passé, le présenta de nouveau à Saül; et David demeura auprès de Saül comme il avait été auparavant. La guerre ensuite recommença, et David marcha contre les Philistins, les combattit, les vainquit et les mit en fuite. Alors le malin esprit se saisit encore de Saül: il était assis dans sa maison une lance à la main. Et comme David jouait de la harpe, Saül tâcha de le percer de sa lance; mais David qui s'en aperçut, [pg 152] se détourna, et la lance sans l'avoir blessé donna dans la muraille. Il s'enfuit aussitôt, et se sauva ainsi pour cette nuit-là. Saül envoya donc ses gardes en la maison de David pour s'assurer de lui, et pour le tuer le lendemain dès le matin. Michal femme de David lui rapporta tout ceci, et lui dit: Si tu ne te sauves cette nuit, tu es mort demain matin. Elle le descendit aussitôt en bas par une fenêtre. David s'échappa, s'enfuit et se sauva auprès de Samuel à Ramatha. David rapporta à Samuel la manière dont Saül l'avait traité, et ils s'en allèrent ensemble à Naïoth (ville libre des prophètes), où ils demeurèrent quelque temps.

 
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Sainte inspiration.

Quelques gens vinrent en donner avis à Saül. Il envoya alors des archers pour prendre David: mais les archers ayant vu une troupe de prophètes qui prophétisaient, et Samuel qui présidait parmi eux, ils furent saisis eux-mêmes de l'esprit de Dieu, et ils commencèrent à prophétiser comme les autres. Saül en ayant été averti, envoya d'autres gens, qui prophétisèrent aussi comme les premiers. Il en envoya pour la troisième fois, et ils prophétisèrent encore. Alors il s'en alla lui-même à Ramatha, y demanda en quel lieu étaient Samuel et David; on lui répondit: Ils sont à Naïoth de Ramatha. Aussitôt il s'y en alla, et fut saisi lui-même de l'esprit de Dieu, et il prophétisait durant tout le chemin, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Naïoth près de Ramatha. Il se dépouilla de ses vêtements royaux, prophétisa avec les autres devant Samuel, et demeura nu par terre tout le jour et toute la nuit: ce qui donna lieu à ce [pg 153] proverbe: Saül est-il donc aussi devenu prophète? Or David s'enfuit de Naïoth.

 
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David et Jonathan renouvellent leur union.

David en s'enfuyant rencontra Jonathan. Jonathan se lia de nouveau à David par serment, tâcha de le consoler en lui disant: Non vous ne mourrez point; car mon père ne fait aucune chose, ni grande ni petite, sans m'en parler. Mais David lui dit: Votre père sait très-bien que je suis honoré de vos bonnes grâces. C'est pourquoi il aura dit en lui-même: Il ne faut point que Jonathan sache ceci, afin qu'il ne s'en afflige point; car je vous jure qu'il n'y a pour ainsi dire qu'un point entre ma vie et ma mort. Jonathan lui répondit: Je ferai pour vous tout ce que vous me direz. David l'engagea alors à retourner auprès de Saül son père, à tâcher de le réconcilier avec lui. Jonathan retourna; et David se cacha en attendant dans la campagne. Cependant le projet de réconciliation échoua, Jonathan avait à peine commencé à en parler à son père, que celui-ci se mit en colère contre Jonathan et peu s'en fallut qu'il ne le perçât de sa lance. Jonathan reconnut donc que son père était résolu à faire mourir David. Le lendemain dès la pointe du jour Jonathan vint dans le champ, selon qu'il en était demeuré d'accord avec David et à un signal, donné d'avance, David sortit de sa retraite, fit par trois fois une profonde révérence à Jonathan, et s'étant salués en s'embrassant, ils pleurèrent tous deux. Jonathan dit donc à David: Allez en paix; que ce que nous avons juré tous deux au nom de l'Eternel (l'amitié) demeure [pg 154] ferme; et que l'Eternel, comme nous l'avons dit, soit témoin entre vous et moi, et entre votre race et ma race pour jamais. David en même temps se retira, et Jonathan rentra dans la ville.

 
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David se retire à Nobé vers Achimelech et de là chez Achis.

Après cela David alla à Nobé chez le prêtre Achimelech. Achimelech fut surpris de sa venue, et lui dit: D'où vient que vous venez seul, et qu'il n'y a personne avec vous? David répondit au prêtre: Le roi m'a donné un ordre, et m'a dit: Que personne ne sache pourquoi je vous envoie, ni ce que je vous ai commandé. J'ai même donné ordre à mes gens de se trouver en tel et tel lieu. Si donc vous avez quelque chose à manger, quand ce ne serait que cinq pains, ou quoi que ce soit, donnez-le-moi. Le prêtre répondit à David: Je n'ai point ici de pain pour le peuple; je n'ai que du pain qui est saint, pourvu que vos gens soient purs. David lui répondit qu'ils étaient purs. Alors le prêtre lui donna du pain sanctifié; car il n'y en avait point là d'autre que les pains exposés devant l'Eternel. Or un certain homme des officiers de Saül se trouva alors au-dedans du tabernacle de l'Eternel. C'était un Iduméen nommé Doëg, et le plus puissant d'entre les bergers de Saül. David dit encore à Achimelech: N'avez-vous point ici une lance ou une épée? Car je n'ai apporté avec moi ni mon épée ni mes armes, parce que l'ordre du roi pressait fort. Le prêtre lui répondit: Voilà l'épée de Goliath le Philistin, que vous avez vaincu dans la vallée de [pg 155] Térébinthe. Elle est enveloppée dans un drap derrière l'éphod. Si vous la voulez, prenez-la; parce qu'il n'y en a point d'autre ici. David lui dit: Il n'y en a point qui vaille celle-là, donnez-la-moi. David partit donc alors; et s'enfuyant de devant Saül, il se réfugia vers Achisch roi des Philistins. Les officiers d'Achisch ayant vu David, dirent au roi: N'est-ce pas là ce David qui est célèbre comme roi dans son pays? N'est-ce pas de lui qu'on a chanté dans les danses publiques: Saül en a vaincu mille, et David dix mille? David fut frappé de ces paroles jusqu'au cœur; et il commença à craindre extrêmement Achisch roi des Philistins. C'est pourquoi il se contrefit le visage devant les Philistins, il se laissait tomber entre leurs mains, il se heurtait contre les poteaux de la porte, et sa salive découlait sur sa barbe. Achisch dit donc à ses officiers: Vous voyez bien que cet homme est fou; pourquoi me l'avez-vous amené? Est-ce que nous n'avons pas assez de fous sans nous amener celui-ci, pour qu'il fasse des folies en ma présence? Doit-on laisser entrer un tel homme dans ma maison?

 
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David se cache en différents lieux. Saül fait tuer Achimelech.

David sortit donc ainsi de la présence du roi des Philistins, et se retira dans la caverne d'Odollam. Ses frères et toute la maison de son père l'ayant appris, vinrent l'y trouver. Et tous ceux qui avaient de méchantes affaires, et ceux qui étaient accablés de dettes ou mécontents s'assemblèrent près de lui. Il devint leur chef, et il se trouva avec lui environ quatre cents hommes. Il s'en alla de là à [pg 156] Maspha, qui est au pays de Moab; et il dit au roi de Moab: Je vous prie de permettre que mon père et ma mère demeurent avec vous, jusqu'à ce que je sache ce que Dieu ordonnera de moi. Il les laissa auprès du roi de Moab, et ils y demeurèrent tout le temps que David fut dans cette forteresse. Ensuite le prophète Gad dit à David: Ne demeurez point dans ce fort; sortez-en, et allez en la terre de Juda. David partit donc de ce lieu-là, et vint dans le bois de Haret. Or cet Iduméen appelé Doëg, qui se trouvait à Nobé lorsque David vint voir Achimelech, alla rapporter à Saül tout ce qu'il avait vu, en lui disant: J'ai vu le fils d'Isaï à Nobé, chez le prêtre Achimelech, qui lui a donné des vivres, et l'épée même de Goliath le Philistin. Saül croyant alors qu'Achimelech était d'intelligence avec David, le fit tuer, lui et toute la maison de son père, quatre-vingt-cinq prêtres, tous en ce même jour, et fit détruire en même temps tout ce qui se trouvait à Nobé, ville des prêtres. Seulement l'un des fils d'Achimelech, qui s'appelait Abiathar, s'échappa de ce carnage, s'enfuit vers David et vint lui dire que Saül avait tué les prêtres de l'Eternel. David répondit à Abiathar: Je savais bien que Doëg l'Iduméen s'étant trouvé là lorsque j'y étais, ne manquerait pas d'avertir Saül. Je suis cause de la mort de toute la maison de votre père. Demeurez avec moi, et ne craignez rien. Il faudra entreprendre sur ma vie, pour entreprendre sur la vôtre; et si je suis en sûreté, vous y serez aussi.

[pg 157]

 
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David est persécuté par Saül, mais Dieu le protége et le sauve de tous dangers.

Un jour on vint dire à David: Voilà les Philistins qui attaquent Këila (ville voisine de l'endroit où David s'était établi et qui lui fournissait ses vivres) et qui pillent les granges. Il entra alors en conseil avec le prêtre Abiathar pour savoir si c'était la volonté de Dieu d'aller faire la guerre aux Philistins. Le prêtre lui répondit au nom de l'Eternel: Allez, vous déferez les Philistins, et vous sauverez Këila. David s'en alla donc avec ses gens à Këila; il combattit contre les Philistins, les défit, emmena leurs troupeaux, et sauva les habitants de Këila. Lorsque Saül eut appris que David était venu à Këila, il dit: Dieu me l'a livré entre les mains. Il est pris, puisqu'il est entré dans une ville où il y a des portes et des serrures (forteresse). Il commanda donc à tout le peuple de marcher contre Këila, et d'y assiéger David et ses gens. David fut averti que Saül se préparait secrètement à le perdre; il entra alors de nouveau en conseil avec le prêtre Abiathar, consulta l'Eternel, pria Dieu d'être avec lui, et s'en alla aussitôt avec ses gens, qui étaient environ six cents; et étant partis de Këila, ils erraient çà et là, sans savoir où s'arrêter. Saül ayant appris que David s'était retiré de Këila et s'était sauvé, il ne parla plus d'y aller. Or David demeurait dans le désert, en des lieux presque inaccessibles; et il se retira sur la montagne du désert de Ziph, qui était toute couverte d'arbres. Saül le cherchait sans cesse, mais Dieu ne le livra point entre ses mains. David sut que Saül s'était mis en [pg 158] campagne pour trouver moyen de le perdre: c'est pourquoi il demeura toujours au désert de Ziph dans la forêt. Jonathan fils de Saül vint l'y trouver, et le fortifia en Dieu, en lui disant: Ne craignez point; car Saül mon père, quoi qu'il fasse, ne vous trouvera point. Vous serez roi d'Israël, et je serai le second après vous; et mon père le sait bien lui-même. Ils firent donc tous deux alliance devant l'Eternel. Et David demeura dans la forêt, et Jonathan retourna en sa maison. Cependant ceux de Ziph vinrent trouver Saül, et lui dirent: Ne savez-vous pas que David est caché parmi nous, dans l'endroit le plus fort de la forêt? Puis donc que vous désirez de le trouver, vous n'avez qu'à venir, et ce sera à nous à le livrer entre les mains du roi. Saül les remercia et leur dit: Allez donc, je vous prie; faites grande diligence; cherchez avec tous les soins possibles; considérez bien où il peut être: car il se doute bien que je l'observe, et que je l'épie pour le surprendre. Examinez et remarquez tous les lieux où il a accoutumé de se cacher: et lorsque vous vous serez bien assurés de tout, revenez me trouver, afin que j'aille avec vous. Quand il se serait caché au fond de la terre, j'irai l'y chercher avec tout ce qu'il y a d'hommes dans Juda. Ceux de Ziph s'en retournèrent ensuite chez eux avant Saül. Or David et ses gens étaient alors dans le désert de Maon. Saül accompagné de tous ses gens alla donc l'y chercher. David en ayant eu avis, se retira aussitôt au rocher du désert de Maon dans lequel il demeurait. Saül en fut averti, et il entra dans le désert de Maon pour l'y poursuivre. Saül côtoyait la montagne d'un côté et David avec ses gens la côtoyait de l'autre. David désespérait de pouvoir échapper des mains de Saül; car Saül et ses gens tenaient David et ceux qui étaient avec lui, environnés comme dans un cercle [pg 159] pour les prendre. Mais en même temps un courrier vint dire à Saül: Hâtez-vous de venir, car les Philistins sont entrés en grand nombre sur les terres d'Israël. Saül cessa donc de poursuivre David, pour aller tenir tête aux Philistins.

 
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David caché dans une caverne empêche qu'on ne tue Saül.

David étant sorti de ce lieu-là, se retira vers le nord et demeura à Engaddi dans des lieux très-sûrs. Et Saül étant revenu après avoir poursuivi les Philistins, on vint lui dire que David était dans le désert d'Engaddi. Il prit donc avec lui trois mille hommes choisis de tout Israël, et il se mit en campagne, résolu d'aller chercher David et ses gens jusque sur les rochers les plus escarpés, où il n'y a que les chèvres sauvages qui puissent monter. Et étant venu à des parcs de brebis qu'il rencontra dans son chemin, il se trouva là une caverne, où il entra par suite d'une nécessité naturelle. Or David et ses gens s'étaient cachés dans le fond de la même caverne. Les gens de David lui dirent: Voici le jour dont l'Eternel vous a dit: Je vous livrerai votre ennemi, afin que vous le traitiez comme il vous plaira. David s'étant donc avancé, coupa doucement le bord de la casaque de Saül. Et aussitôt il se repentit en lui-même de ce qu'il lui avait coupé le bord de son vêtement. Et il dit à ses gens: Dieu me garde de commettre cet excès à l'égard de celui qui est mon maître, que de mettre la main sur lui, puisqu'il est l'oint de l'Eternel. David par ces paroles arrêta la violence de ses gens, et les empêcha de se jeter sur Saül. Saül étant sorti de la caverne continua son [pg 160] chemin. David le suivit; et étant sorti de la caverne il cria après lui, et lui dit: Mon seigneur et mon roi. Saül regarda derrière lui, et David fit une profonde révérence en se baissant jusqu'à terre, et lui dit: Pourquoi écoutez-vous les paroles de ceux qui vous disent: David ne cherche qu'une occasion de vous perdre? Vous voyez aujourd'hui de vos yeux que l'Eternel vous a livré entre mes mains dans la caverne. On a voulu me porter à vous ôter la vie, mais je n'ai point voulu le faire. Car j'ai dit: Je ne porterai point la main sur mon maître, parce que c'est l'oint de l'Eternel. Voyez vous-même, mon père, et reconnaissez si ce n'est pas là le bord de votre casaque que je tiens dans ma main, et qu'en coupant l'extrémité de votre vêtement, je n'ai point voulu porter la main sur vous. Après cela considérez, et voyez vous-même que je ne suis coupable d'aucun mal ni d'aucune injustice, et que je n'ai point péché contre vous. Et cependant vous cherchez tous les moyens de m'ôter la vie. Que l'Eternel soit le juge entre vous et moi. Que l'Eternel me rende justice lui-même de vous: mais pour moi je ne porterai jamais la main sur vous. C'est aux impies à faire des actions impies, selon l'ancien proverbe. Que l'Eternel considère ce qui se passe entre vous et moi, qu'il prenne la défense de ma cause, et me délivre de vos mains. Après que David eut parlé de cette sorte à Saül, Saül lui dit: N'est-ce pas là votre voix que j'entends, ô mon fils David? En même temps il jeta un grand soupir, et versa des larmes; et il ajouta: Vous êtes plus juste que moi; car vous ne m'avez fait que du bien, et je ne vous ai rendu que du mal. Et vous m'avez fait connaître aujourd'hui la bonté de votre cœur à mon égard, lorsque l'Eternel m'ayant livré entre vos mains, vous m'avez conservé la vie. Saül continua en disant: Comme je sais [pg 161] que vous régnerez très-certainement, et que vous posséderez le royaume d'Israël, jurez-moi par l'Eternel que vous ne détruirez point ma race après moi, et que vous n'exterminerez point mon nom de la maison de mon père. David le jura à Saül. Ainsi Saül retourna en sa maison; et David et ses gens se retirèrent en des lieux plus sûrs.

 
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Conduite de David à l'égard de Nabal.

Or il y avait dans le désert de Maon un homme qui avait son bien sur le Carmel. Cet homme était extrêmement riche. Il s'appelait Nabal et sa femme Abigaïl, très-prudente et fort belle. Nabal était un homme dur, brutal et très-méchant. David ayant donc appris dans le désert que Nabal faisait tondre ses brebis, lui envoya dix jeunes hommes auxquels il dit: Allez-vous-en sur le Carmel trouver Nabal, saluez-le de ma part civilement, et dites-lui: J'ai su que vos pasteurs qui étaient avec nous dans le désert, tondent vos brebis; nous ne leur avons jamais fait aucune peine; et ils n'ont rien perdu de leur troupeau pendant tout le temps qu'ils ont été avec nous sur le Carmel. Demandez-le à vos gens, et ils vous le diront. Maintenant donc que vos serviteurs trouvent grâce devant vos yeux: car nous venons à vous dans un jour de joie. Donnez à vos serviteurs et à David votre fils tout ce qu'il vous plaira. Les gens de David étant venus trouver Nabal, lui dirent toutes ces mêmes paroles de la part de David, et attendirent sa réponse. Mais Nabal leur répondit: Qui est David, et qui est le fils d'Isaï? On ne voit autre chose aujourd'hui que des serviteurs qui fuient leurs maîtres. Quoi donc! [pg 162] J'irai prendre mon pain et mon eau et la chair des bêtes que j'ai fait tuer pour ceux qui tondent mes brebis, et je les donnerai à des gens que je ne connais point! Les gens de David étant retournés sur leurs pas, vinrent le retrouver, et lui rapportèrent tout ce que Nabal leur avait dit. Alors David se mit en marche à la tête de quatre cents hommes, résolu de punir sévèrement Nabal. Cependant la prudente Abigaïl, n'en disant rien à son mari, prit en grande hâte deux cents pains, deux vaisseaux pleins de vin, cinq moutons tout cuits, cinq boisseaux de farine d'orge, cent paquets de raisins secs, et deux cents cabas de figues sèches. Elle mit tout cela sur des ânes, et elle dit à ses gens: Allez devant moi, je vais vous suivre. Étant donc montée sur un âne, comme elle descendait au pied de la montagne, elle rencontra David et ses gens, qui venaient dans le même chemin. David disait alors: C'est bien en vain que j'ai conservé dans le désert tout ce qui était à cet homme, sans qu'il s'en soit rien perdu, puisque après cela il me rend le mal pour le bien. Que Dieu traite les ennemis de David dans toute sa sévérité. Or Abigaïl n'eut pas plus tôt aperçu David, qu'elle descendit de son âne. Elle lui fit une profonde révérence, et se jetant à ses pieds, elle lui dit: Que cette iniquité, mon seigneur, tombe sur moi. Permettez seulement, je vous prie, à votre servante de vous parler, et ne refusez pas d'entendre les paroles de votre servante. Que le cœur de mon seigneur ne soit point sensible à l'injustice de Nabal. Car pour moi, mon seigneur, je n'ai point vu les gens que vous avez envoyés. Maintenant donc, je vous prie, recevez ce présent que votre servante vous apporte à vous, et faites-en part aux gens qui vous suivent. Remettez l'iniquité de votre servante: car l'Eternel très-certainement établira votre maison, parce que vous combattez pour lui. [pg 163] Lors donc que l'Eternel vous aura fait tous les grands biens qu'il a prédits de vous, et qu'il vous aura établi chef sur Israël, le cœur de mon seigneur n'aura point ce scrupule ni ce remords, d'avoir répandu le sang innocent, et de s'être vengé lui-même. Et quand Dieu vous aura comblé de biens, vous vous souviendrez, mon seigneur, de votre servante. David répondit à Abigaïl: Que l'Eternel le Dieu d'Israël soit béni de vous avoir envoyée aujourd'hui au-devant de moi. Que votre parole soit bénie, et soyez bénie vous-même de ce que vous m'avez empêché de répandre le sang et de me venger de ma propre main. David reçut donc de la main d'Abigaïl tout ce qu'elle avait apporté, et lui dit: Allez en paix en votre maison; j'ai fait ce que vous m'avez demandé, et j'ai eu de la considération pour votre personne. Abigaïl ensuite vint à Nabal, et elle trouva qu'il faisait dans sa maison un festin de roi. Son cœur nageait dans la joie; car il avait tant bu qu'il était tout ivre. Abigaïl ne lui parla de rien jusqu'au matin. Mais le lendemain, lorsqu'il eut un peu dissipé les vapeurs du vin, sa femme lui rapporta tout ce qui s'était passé; et son cœur fut comme frappé de mort en lui-même, et demeura insensible comme une pierre. Dix jours s'étant passés, l'Eternel frappa Nabal, et il mourut. Plus tard David fit demander Abigaïl en mariage, elle consentit et devint son épouse. David épousa aussi Achinoam qui était de Jezrahel. Mais Saül de son côté donna Michal sa fille, femme de David, à Phalti fils de Laïs, qui était de Gallim.

[pg 164]

 
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David a de nouveau l'occasion de pouvoir tuer son ennemi et ne le tue pas.

Cependant ceux de Ziph vinrent trouver Saül à Gabaa, et lui dirent: David est caché dans nos environs. Saül aussitôt prit avec lui trois mille hommes choisis de tout Israël, et alla chercher David dans le désert de Ziph. Il campa sur la colline d'Hachila, qui est vis-à-vis du désert sur le chemin. David demeurait alors dans ce désert. Comme on lui dit que Saül venait l'y chercher, il envoya des gens pour le reconnaître, et il apprit qu'il était venu en effet. Il partit donc sans bruit, et s'en vint au lieu où était Saül; il remarqua l'endroit où était la tente de Saül, et d'Abner fils de Ner, général de son armée. Et voyant que Saül dormait dans sa tente, et tous ses gens autour de lui, il alla donc la nuit, accompagné d'Abisaï, parmi les gens de Saül, et ils trouvèrent Saül couché et dormant dans sa tente: sa lance était à son chevet fichée en terre, et Abner avec tous ses gens dormaient autour de lui. Alors Abisaï dit à David: Dieu vous livre aujourd'hui votre ennemi entre les mains, je vais donc avec ma lance le percer jusqu'en terre d'un seul coup, et il n'en faudra pas un second. David répondit à Abisaï: Ne le tuez point; car qui lèvera la main sur l'oint de l'Eternel, et sera innocent? Et il ajouta: A moins que l'Éternel ne frappe lui-même Saül, ou que le jour de sa mort n'arrive, ou qu'il ne soit tué dans une bataille, il ne mourra point. Dieu m'a défendu de porter la main sur l'oint de l'Éternel. Prenez seulement sa lance qui est à son chevet, et sa coupe; et allons-nous-en. [pg 165] David prit donc la lance et la coupe, et ils s'en allèrent. Il n'y eut personne qui les vît, ni qui sût ce qui se passait, ou qui s'éveillât; mais tous dormaient, parce que l'Eternel les avait assoupis d'un profond sommeil. David étant passé de l'autre côté, s'arrêta sur le haut d'une montagne qui était fort éloignée du camp. Il appela de là à haute voix les gens de Saül, et Abner fils de Ner, et lui cria: Abner ne répondrez-vous donc point? Abner répondit: Qui êtes-vous qui criez de la sorte, et qui troublez le repos du roi? David dit à Abner: N'êtes-vous pas un homme de cœur? et y a-t-il quelqu'un dans Israël qui vous soit égal? Pourquoi donc n'avez-vous pas gardé le roi votre seigneur? car il est venu quelqu'un d'entre le peuple pour tuer le roi votre seigneur. Ce n'est pas là bien faire votre devoir. Vous méritez tous la mort, pour avoir si mal gardé votre maître, qui est l'oint de l'Eternel. Voyez donc maintenant où est la lance du roi, et la coupe qui était à son chevet. Saül reconnut la voix de David, et lui dit: N'est-ce pas là votre voix que j'entends, mon fils David? David lui dit: C'est ma voix, mon seigneur et mon roi. Et il ajouta: Pourquoi mon seigneur persécute-t-il son serviteur? Qu'ai-je fait? de quel mal ma main est-elle souillée? Que mon sang ne soit donc point répandu sur la terre. Saül lui répondit: J'ai péché; revenez, mon fils David, je ne vous ferai plus de mal à l'avenir, puisque ma vie a été aujourd'hui précieuse devant vos yeux. Car il paraît que j'ai agi comme un insensé, et que j'ai été mal informé de beaucoup de choses. David dit ensuite: Voici la lance du roi; que l'un de vos gens passe ici, et qu'il l'emporte. Au reste l'Éternel rendra à chacun selon sa justice et selon sa fidélité; car l'Éternel vous a livré aujourd'hui entre mes mains, et je n'ai point voulu porter la main sur l'oint de [pg 166] l'Éternel. Comme donc votre âme a été aujourd'hui précieuse devant mes yeux, qu'ainsi mon âme soit précieuse devant les yeux de l'Éternel, et qu'il me délivre de tous les maux. Saül répondit à David: Béni soyez-vous, mon fils David; vous réussirez certainement dans vos entreprises, et votre puissance sera grande. David ensuite s'en alla, et Saül s'en retourna chez lui.

 
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La pythonisse d'Endor.

Or Samuel était mort; tout Israël l'avait pleuré, et il avait été enterré dans la ville de Ramatha, lieu de sa naissance. En ce temps-là les Philistins assemblèrent de nouveau leurs troupes et se préparèrent à combattre contre Israël. Saül de son côté assembla toutes les troupes d'Israël. Et ayant vu l'armée des Philistins, il fut frappé d'étonnement, et la crainte le saisit jusqu'au fond du cœur. Alors il dit à ses officiers: Cherchez-moi une femme qui ait un esprit de python, afin que j'aille la trouver, et que par son moyen je puisse le consulter. Ses serviteurs lui dirent: Il y a à Endor une telle femme (or Saül avait antérieurement chassé, lui-même, les magiciens et les devins de son royaume). Saül se déguisa donc, prit d'autres habits, et s'en alla accompagné de deux hommes seulement. Il vint la nuit chez cette femme, et lui dit: Découvrez-moi l'avenir par l'esprit de python, qui est en vous, et faites-moi venir celui que je vous dirai. Cette femme lui répondit: Vous savez tout ce qu'a fait Saül, et de quelle manière il a exterminé les magiciens et les devins de toutes ses terres: pourquoi donc me tendez-vous un piége pour [pg 167] me faire perdre la vie? Saül lui jura et lui dit: Il ne vous arrivera de ceci aucun mal. La femme lui dit: Qui voulez-vous que je fasse venir? Il lui répondit: Faites-moi venir Samuel. La pythonisse, rusée qu'elle était, fit alors croire à Saül, par différentes fascinations qu'elle pratiquait devant ses yeux, que Samuël sortait effectivement de la tombe, et lui annonçait toutes sortes de malheurs. Saül tomba aussitôt, et demeura étendu sur la terre: car les paroles qu'il croyait avoir entendues par la bouche de Samuel l'avaient épouvanté; et les forces lui manquèrent, parce qu'il n'avait point mangé de tout ce jour-là. La magicienne vint trouver Saül dans le grand trouble où il était, et lui dit: Permettez que je vous serve un peu de pain, afin qu'ayant mangé vous repreniez vos forces, et que vous puissiez vous mettre en chemin. Saül le refusa, et lui dit: Je ne mangerai point. Mais ses serviteurs et cette femme le contraignirent de manger. Après donc que Saül et ses serviteurs eurent mangé, ils s'en allèrent, et marchèrent toute la nuit.

 
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Mort de Saül et de ses fils.

Cependant la bataille se donna entre les Philistins et les Israélites. Les Israélites furent mis en fuite devant les Philistins, et il en fut tué un grand nombre sur la montagne de Gilboa. Les Philistins vinrent fondre sur Saül et sur ses fils; ils tuèrent Jonathan, Abinadab et Malchisua fils de Saül, et tout l'effort du combat tomba sur Saül. Les archers le joignirent, et il les craignait excessivement. Alors Saül dit à son écuyer: Tirez votre épée et tuez-moi, de [pg 168] peur que ces Philistins ne m'insultent encore en m'ôtant la vie. Mais son écuyer, tout épouvanté de ces paroles, ne voulut point le faire. Saül prit donc son épée, et se jeta dessus. Et son écuyer voyant qu'il était mort, se jeta lui-même sur son épée, et mourut auprès de lui. Ainsi Saül mourut en ce jour-là, et avec lui trois de ses fils, son écuyer et tous ceux qui se trouvèrent auprès de sa personne.

 
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Charité des habitants de Jabès.

Le lendemain les Philistins vinrent dépouiller ceux qui avaient été tués à la bataille, et ils trouvèrent Saül avec ses trois fils étendus morts sur la montagne de Gilboa. Ils coupèrent la tête de Saül, et lui ôtèrent ses armes; et ils envoyèrent des courriers par tout le pays des Philistins, pour publier cette nouvelle dans le temple de leurs idoles, et la répandre parmi tous les peuples. Ils mirent les armes de Saül dans le temple d'Astaroth, et ils pendirent son corps sur la muraille de Bethsan. Les habitants de Jabès de Galaad ayant appris le traitement que les Philistins avaient fait à Saül, tous les plus vaillants d'entre eux sortirent, marchèrent toute la nuit; et ayant enlevé le corps de Saül et de ses fils qui étaient sur la muraille de Bethsan, ils revinrent à Jabès, où ils les brûlèrent. Ils prirent leurs os, les ensevelirent dans le bois de Jabès, et jeûnèrent pendant sept jours. David aussi, lorsqu'on vint lui apporter la nouvelle de la mort de Saül et de ses fils, s'abandonna au deuil et aux larmes, et tous ceux qui étaient auprès de lui firent la même chose; ils jeûnèrent jusqu'au soir, à [pg 169] cause de la mort de Saül et de Jonathan son fils, et du malheur du peuple, dont un si grand nombre avait été passé au fil de l'épée. Or David fit une touchante complainte sur la mort de Saül et de Jonathan: Saül et Jonathan, s'écria-t-il, ces princes qui pendant leur vie étaient si aimables, et d'une si grande majesté, n'ont point été divisés dans leur mort même... Votre mort me perce de douleur, Jonathan mon frère, le plus beau des princes. Comment les forts sont-ils tombés? Comment la gloire des armes a-t-elle été anéantie?

 
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David règne sur Juda, et Isboseth sur Israël. Combat entre les deux armées.

Après cela David consulta l'Éternel, s'il devait aller dans quelqu'une des villes de Juda, et, d'après la volonté de Dieu, il alla à Hebron, avec ses deux femmes, Achinoam et Abigaïl, et il y mena aussi tous ses gens. Alors ceux de la tribu de Juda étant venus à Hebron, y sacrèrent David, afin qu'il régnât sur la maison de Juda. D'un autre côté, Abner fils de Ner, général de l'armée de Saül, prit Isboseth fils de Saül, et l'ayant fait mener dans tout le camp, l'établit roi sur Galaad, sur Ephraïm, sur Benjamin et sur tout Israël. Une guerre acharnée s'ensuivit. Abner sortit de son camp avec les gens d'Isboseth; Joab marcha contre lui avec les troupes de David. Ils se rencontrèrent près de la piscine de Gabaon. Les armées s'étant approchées, s'arrêtèrent l'une devant l'autre: l'une était d'un côté de la piscine, et l'autre de l'autre. Alors Abner dit à Joab: Que [pg 170] quelques jeunes gens s'avancent, et qu'ils s'exercent devant nous. Joab répondit: Qu'ils s'avancent. Aussitôt douze hommes de Benjamin du côté d'Isboseth parurent et se présentèrent; il en vint aussi douze du côté de David. Et chacun d'eux ayant pris par la tête celui qui se présenta devant lui, ils se passèrent tous l'épée au travers du corps, et tombèrent morts tous ensemble. Il se donna aussitôt un rude combat, et Abner fut défait avec ceux d'Israël par les troupes de David. Asaël frère de Joab, ayant poursuivi Abner avec acharnement, fut tué par ce dernier. Au bout de quelque temps une querelle éclata entre Isboseth et Abner, ils se séparèrent, et Abner envoya des courriers à David pour lui dire de sa part: Si vous voulez me donner part à votre amitié, je prendrai votre parti, et je ferai que tout Israël se réunira à vous. David lui répondit: Je le veux bien; je ferai amitié avec vous; mais je vous demande une chose: Vous ne me verrez point que vous ne m'ayez ramené auparavant Michal fille de Saül; à cette condition vous pouvez venir et me voir. David ensuite envoya des courriers à Isboseth fils de Saül, et lui fit dire: Rendez-moi Michal ma femme que j'ai épousée pour cent Philistins. Isboseth envoya querir aussitôt Michal et l'enleva à son mari Phalti fils de Laïs. Après cela Abner parla aux anciens d'Israël, et leur dit: Il y a déjà longtemps que vous souhaitiez avoir David pour roi. Faites-le donc maintenant; puisque l'Éternel a parlé à David, et a dit de lui: Je sauverai par David mon serviteur Israël mon peuple de la main des Philistins et de tous ses ennemis. Abner parla aussi à ceux de Benjamin, et il alla trouver David à Hebron, pour lui dire tout ce qu'Israël et tous ceux de la tribu de Benjamin avaient résolu. Il y arriva accompagné de vingt hommes. David lui fit un festin et à ceux qui étaient venus avec lui. [pg 171] Alors Abner dit à David: Je vous rassemblerai tout Israël afin qu'il vous reconnaisse, ainsi que moi, pour seigneur et pour roi; qu'ils fassent tous alliance avec vous, et que vous régniez sur eux tous comme vous le désirez. David ayant donc reconduit Abner, et Abner s'en étant allé en paix, les gens de David survinrent aussitôt avec Joab, revenant d'un combat entrepris contre des brigands, et rapportant un très-grand butin. Joab apprit donc qu'Abner fils de Ner était venu parler au roi; que le roi l'avait renvoyé, et qu'il s'en était retourné en paix. Joab aussitôt alla trouver le roi, et lui dit: Qu'avez-vous fait? Abner vient de venir vers vous, pourquoi l'avez-vous renvoyé, et l'avez-vous laissé aller? Ignorez-vous quel est Abner, et qu'il n'est venu ici que pour vous tromper, pour reconnaître toutes vos démarches, et pour savoir tout ce que vous faites? Joab étant donc sorti d'avec David, envoya des courriers après Abner, et le fit revenir, sans que David le sût. Et lorsqu'il fut arrivé à Hebron, Joab le tira à part au milieu de la porte pour lui parler, et il le frappa dans le côté, et le tua pour venger la mort de son frère Asaël. David ayant su ce qui s'était passé, dit: Je suis innocent pour jamais devant l'Éternel, moi et mon royaume, du sang d'Abner fils de Ner. Que son sang retombe sur Joab. Alors David dit à Joab et à tout le peuple qui était avec lui: Déchirez vos vêtements, couvrez-vous de sacs, et pleurez aux funérailles d'Abner. Et le roi David marchait après le cercueil. Après qu'Abner eut été enseveli à Hebron, le roi David éleva sa voix, et pleura sur son tombeau, tout le peuple pleurant aussi avec lui. Et le roi témoignant son deuil par ses larmes, dit ces paroles: Abner, vous n'êtes point mort comme les lâches ont coutume de mourir. Vos mains n'ont point été liées et vos pieds n'ont point été [pg 172] chargés de fers; mais vous êtes mort comme les hommes de cœur, qui tombent devant les enfants d'iniquité. Tout le peuple à ces mots redoubla ses larmes. Et tous étant revenus pour manger avec David, lorsqu'il était encore grand jour, David jura et dit: Que Dieu me traite avec toute sa sévérité, si je prends une bouchée de pain, ou quoi que ce soit, avant que le soleil soit couché. Tout le peuple entendit ces paroles; et tout ce que le roi avait fait, lui plut extrêmement. Et le peuple et tout Israël fut persuadé ce jour-là que le roi n'avait aucune part à l'assassinat d'Abner. Le roi dit aussi à ses serviteurs: Ignorez-vous que c'est un prince et un grand prince qui est mort aujourd'hui dans Israël. Pour moi je ne suis roi que par l'onction, et encore peu affermi; et ces gens-ci, ces enfants de Zeruïa, (Joab et les siens) sont trop violents pour moi. Que l'Éternel traite celui qui fait le mal selon sa malice.

 
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Isboseth est tué. David venge sa mort.

Isboseth fils de Saül ayant appris qu'Abner avait été tué à Hebron, perdit courage, et tout Israël se trouva dans un grand trouble. Isboseth avait à son service deux chefs de troupes dont l'un s'appelait Baana, l'autre Rechab, ils étaient fils de Rimmon de Beroth, de la tribu de Benjamin. Ces deux hommes entrèrent dans la maison d'Isboseth, lorsqu'il dormait sur son lit vers le midi en la plus grande chaleur du jour, le tuèrent, prirent sa tête, et ayant marché toute la nuit par le chemin du désert, ils la présentèrent à David dans Hebron, et lui dirent: Voici la [pg 173] tête d'Isboseth fils de Saül votre ennemi, qui cherchait à vous ôter la vie. David répondit à Rechab et Baana: Vive l'Éternel qui a délivré mon âme, de tous les maux dont elle était pressée. Vous êtes des méchants. Vous avez tué un homme innocent dans sa maison, sur son lit; je vengerai son sang sur vous qui l'avez répandu de vos mains, et je vous exterminerai de dessus la terre. David commanda donc à ses gens de les tuer; ils prirent aussi la tête d'Isboseth, et l'ensevelirent dans le sépulcre d'Abner à Hebron.

 
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David est reconnu roi par tout Israël. Il prend la forteresse de Sion.

Alors toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hebron, et lui dirent: Nous sommes vos os et votre chair. Il y a déjà longtemps que lorsque Saül était notre roi, vous meniez Israël au combat, et vous l'en rameniez: et l'Éternel vous a dit: C'est vous qui serez le pasteur d'Israël mon peuple, c'est vous qui serez le chef d'Israël. Les anciens d'Israël vinrent aussi trouver David à Hebron. David y fit alliance avec eux devant l'Éternel; et ils le sacrèrent roi sur Israël. David avait trente ans lorsqu'il commença à régner, et il régna quarante ans. Il régna sept ans et demi à Hebron sur Juda, et trente-trois ans dans Jérusalem sur Juda et sur Israël. Alors le roi, accompagné de tous ceux qui étaient avec lui, marcha vers Jérusalem contre les Jébuséens qui y habitaient, les assiégea, prit la forteresse de Sion et l'appela la ville de David; il la fit environner, et fit bâtir au dedans. David s'avançait [pg 174] toujours et croissait de plus en plus, et l'Éternel était avec lui. Hiram roi de Tyr envoya aussi des ambassadeurs à David, avec du bois de cèdre, des charpentiers et des tailleurs de pierres; et ils bâtirent la maison de David.

Les Philistins ayant appris que David avait été sacré roi sur Israël, s'assemblèrent tous pour lui faire la guerre. Cependant, David les défit. Les Philistins revinrent encore une autre fois, et ils se répandirent dans la vallée de Raphaïm; mais David, secouru par l'Éternel, les battit et les poursuivit depuis Gabaa jusqu'à Gezer.

 
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Jérusalem devient la capitale et le siége du temple national.

David assembla encore toute l'élite d'Israël au nombre de trente mille hommes, et s'en alla accompagné de tous ceux qui se trouvèrent avec lui, pour amener l'arche de Dieu en présence de laquelle est invoqué le nom de l'Eternel. Ils mirent l'arche de Dieu sur un chariot tout neuf, et l'emmenèrent de la maison d'Abinadab habitant de Gabaa. Oza et Ahio fils d'Abinadab conduisaient le chariot. Cependant David et tout Israël jouaient devant l'Eternel de toutes sortes d'instruments de musique, de la harpe, de la lyre, du tambour, des sistres et des timbales. Mais lorsqu'on fut arrivé près de l'aire de Nachon, les bœufs regimbant, faisaient pencher l'arche, Oza y porta la main, la retint et tomba mort sur la place devant l'arche de Dieu. David en fut affligé et fit entrer l'arche dans la maison d'Obededom de Geth. L'arche de Dieu demeura donc trois mois dans cette maison qui fut bénie de l'Eternel. [pg 175] Alors David en amena l'arche de Dieu en la ville de David avec une grande joie. Il offrit beaucoup de sacrifices à l'Éternel, revêtu d'un éphod de lin, il dansait devant l'arche. Lorsque l'arche fut entrée dans la ville de David, Michal fille de Saül regardant par la fenêtre, vit le roi David qui dansait et qui sautait: et elle s'en moqua en elle-même. Ils firent donc entrer l'arche dans la tente que David avait fait dresser, et la posèrent en la place qui lui avait été destinée: et David bénit le peuple au nom de l'Éternel, donna à chacun du pain, de la viande et du vin. Ensuite il se retira en son palais pour faire part à sa maison de la bénédiction de ce jour. Et Michal fille de Saül étant venue au-devant de David, lui dit: Que le roi d'Israël a eu de gloire aujourd'hui, en se découvrant devant les servantes de ses sujets, et paraissant nu comme ferait un bouffon! David répondit à Michal: Oui, devant l'Éternel qui m'a choisi plutôt que votre père et que toute sa maison, et qui m'a commandé d'être chef de son peuple dans Israël, je danserai et je paraîtrai vil encore plus que je n'ai paru; je serai méprisable à mes yeux, et par là, j'aurai plus de gloire devant les servantes dont vous parlez.—Or Michal fille de Saül n'eut point d'enfants jusqu'à sa mort.

 
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David veut bâtir un temple. Dieu lui fait déclarer que ce sera son fils qui le bâtira.

Le roi s'étant établi dans sa maison, et l'Éternel lui ayant donné la paix de tous côtés avec tous ses ennemis, il dit au prophète Nathan: Ne voyez-vous pas que je demeure dans une maison de cèdre, et que l'arche de Dieu [pg 176] ne loge que sous des peaux? Nathan dit au roi: Allez, faites tout ce que vous avez dans le cœur, parce que l'Éternel est avec vous. Mais la nuit le prophète Nathan eut une vision pendant laquelle Dieu lui dit: Allez vers mon serviteur David, et dites-lui: Vous ne me bâtirez pas de maison; mais lorsque vous vous serez endormi avec vos pères, je mettrai sur votre trône après vous votre fils, ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom; et j'établirai pour jamais le trône de son royaume. Je serai son père, et il sera mon fils; et s'il commet quelque chose d'injuste, je le châtierai avec la verge dont on châtie les hommes. Mais je ne retirerai point ma miséricorde de lui, comme je l'ai retirée de Saül. Votre maison sera stable, vous verrez votre royaume subsister éternellement, et votre trône s'affermira pour jamais. Nathan parla donc à David, et lui rapporta tout ce que Dieu lui avait révélé. Alors le roi David alla se présenter devant l'Eternel et dit: Qui suis-je, ô Éternel mon Dieu, et quelle est ma maison, pour que vous m'ayez élevé à l'état où je me trouve aujourd'hui? Mais cela même a paru peu de chose à vos yeux, ô Eternel mon Dieu, si vous n'assuriez encore votre serviteur de l'établissement de sa maison pour les siècles à venir: car c'est là la loi des enfants d'Adam, ô Eternel mon Dieu. Maintenant donc accomplissez pour jamais la parole que vous avez prononcée sur votre serviteur et sur sa maison, et exécutez ce que vous avez dit; afin que votre nom soit éternellement glorifié, et que l'on dise: L'Eternel est le Dieu d'Israël; et que la maison de votre serviteur David demeure stable devant l'Eternel; car puisque vous la bénissez, Eternel, elle sera bénie pour jamais.

[pg 177]

 
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Victoires de David. Noms de ses officiers supérieurs.

Après cela David battit les Philistins, les humilia, et s'empara d'une de leurs places appelée Meteg-Amah. Il défit aussi les Moabites, les assujettit et les força à lui payer tribut. Il vainquit ensuite beaucoup de rois qui faisaient alliance contre lui; et l'Éternel le conserva dans toutes les guerres qu'il entreprit. Il mit des garnisons dans la Syrie à Damas: la Syrie lui fut assujettie, et lui paya tribut. Il mit de plus des officiers et des garnisons dans l'Idumée; et toute l'Idumée lui fut assujettie. Toutes les armes et les vases d'or, d'argent et d'airain qu'il enleva dans ces guerres furent consacrées à l'Eternel.—David régna donc sur tout Israël, et dans les jugements qu'il rendait, il faisait justice à tout son peuple. Joab fils de Zeruïa était général de ses armées; et Josaphat fils d'Ahilud avait la charge des requêtes. Zadoc fils d'Achitob et Achimelech fils d'Abiathar étaient prêtres; Saraïa était secrétaire. Banaïa fils de Joïada commandait les Cerethiens et les Phelethiens; et les fils de David étaient les officiers les plus puissants.

 
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David honore le souvenir de son ami Jonathan en Miphiboseth, fils de ce dernier.

David dit alors: N'est-il point resté quelqu'un de la maison de Saül, à qui je puisse faire du bien, à cause de Jonathan? Or il y avait un serviteur de la maison de Saül, [pg 178] qui s'appelait Ziba. Le roi l'ayant fait venir, lui dit: Est-il resté quelqu'un de la maison de Saül, que je puisse combler de grâces? Ziba répondit au roi: Il reste encore un fils de Jonathan, qui est incommodé des jambes. Où est-il? dit David. Il est, dit Ziba, à Lodabar dans la maison de Machir fils d'Ammiel. Le roi David envoya donc des gens, et le fit venir de Lodabar. Miphiboseth fils de Jonathan étant venu devant David, lui fit une profonde révérence en se prosternant en terre. David lui dit: Miphiboseth, ne craignez point, parce que je suis résolu de vous traiter avec toute sorte d'affection, à cause de Jonathan votre père. Je vous rendrai toutes les terres de Saül votre aïeul, et vous mangerez toujours à ma table. Miphiboseth se prosterna devant lui et le remercia. Le roi fit donc venir Ziba serviteur de Saül et lui dit: J'ai donné au fils de votre maître tout ce qui était à Saül. Faites donc valoir ses terres pour lui, afin que le fils de votre maître ait de quoi subsister; or, Miphiboseth mangera toujours à ma table.

 
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Hanon outrage les ambassadeurs de David. Défaites des Syriens et des Ammonites.

Il arriva que quelque temps après le roi des Ammonites vint à mourir; et Hanon son fils régna en sa place. Alors David dit: Je veux témoigner de l'affection envers Hanon fils de Naas, comme son père m'en a témoigné. Il lui envoya donc des ambassadeurs pour le consoler de la mort de son père. Mais lorsqu'ils furent arrivés sur les terres des Ammonites, les plus grands du pays dirent à Hanon leur maître: Croyez-vous que ce soit pour honorer votre père [pg 179] et pour vous consoler, que David vous ait envoyé ici des ambassadeurs? et ne voyez-vous pas qu'il ne l'a fait que pour reconnaître la principale ville de vos Etats, pour y remarquer toutes choses, et pour la détruire un jour? Hanon fit donc prendre les serviteurs de David, leur fit raser la moitié de la barbe, et leur fit couper la moitié de leurs habits, et les renvoya. David ayant reçu la nouvelle qu'ils avaient été outragés si honteusement, envoya au-devant d'eux, et leur donna cet ordre: Demeurez à Jéricho jusqu'à ce que votre barbe soit crue; et après cela vous reviendrez. Or les Ammonites voyant qu'ils avaient offensé David, envoyèrent vers les Syriens qui firent lever à leurs dépens trente-trois mille hommes. David en ayant été averti, envoya contre eux Joab avec toutes ses troupes. Les Ammonites s'étant mis en campagne, rangèrent leur armée en bataille à l'entrée de la porte de la ville, appelée Midba; et les Syriens étaient dans un corps séparé dans la plaine. Joab voyant donc les ennemis préparés à le combattre de front et par derrière, choisit des gens de toutes les meilleures troupes d'Israël, et marcha en bataille contre les Syriens. Il donna le reste de l'armée à Abisaï, son frère, qui marcha pour combattre les Ammonites. Et Joab dit à Abisaï: Si les Syriens ont de l'avantage sur moi, vous viendrez à mon secours; et si les Ammonites en ont sur vous, je viendrai aussi vous secourir. Agissez en homme de cœur, et combattons pour notre peuple et pour la cité de notre Dieu; et l'Eternel ordonnera de tout comme il lui plaira. Joab attaqua donc les Syriens avec les troupes qu'il commandait; et aussitôt les Syriens fuirent devant lui. Les Ammonites voyant la fuite des Syriens, s'enfuirent aussi eux-mêmes devant Abisaï, et se retirèrent dans la ville. Joab après avoir battu les Ammonites, s'en retourna, et [pg 180] revint à Jérusalem. Les Syriens voyant qu'ils avaient été défaits par Israël, s'assemblèrent tous, et donnèrent à un général nommé Sobach le commandement de leurs armées. David en ayant reçu nouvelle, assembla toutes les troupes d'Israël, passa le Jourdain, et vint à Helam. Les Syriens marchèrent contre David, et lui donnèrent bataille. Mais ils s'enfuirent dès qu'ils furent en présence de l'armée d'Israël, et David tailla en pièces sept cents chariots de leurs troupes, et quarante mille chevaux, et blessa tellement Sobach, général de l'armée, qu'il mourut sur-le-champ. Les Syriens se voyant vaincus par les Israélites, firent la paix avec eux, et leur furent assujettis. Depuis ce temps-là les Syriens appréhendèrent de donner secours aux Ammonites.

 
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Péché de David avec Bathseba.

L'année suivante, David envoya Joab avec ses officiers et toutes les troupes d'Israël, qui ravagèrent le pays des Ammonites, et assiégèrent Rabba. Mais David demeura à Jérusalem. Pendant que ces choses se passaient, il arriva que David se promenant sur la terrasse de son palais, vit une femme vis-à-vis de lui, sur la terrasse de sa maison; et cette femme était fort belle. Le roi envoya donc savoir qui elle était. On vint lui dire que c'était Bathseba, femme d'Urie Hethéen, un de ses officiers. David ayant envoyé des gens, la fit venir. Il envoya à Joab, par Urie même, une lettre écrite en ces termes: Mettez Urie à la tête de vos gens où le combat sera le plus rude; et faites en sorte qu'il soit abandonné, et qu'il y périsse. Joab exécuta cet ordre, et Urie fut tué dans le combat. La femme d'Urie [pg 181] ayant appris que son mari était mort, le pleura. Et après que le temps du deuil fut passé, David la fit venir en sa maison, et l'épousa. Elle lui enfanta un fils. Et cette action qu'avait faite David déplut à l'Éternel. Or Joab continua à battre Rabbath, ville des Ammonites; et étant près de prendre cette ville royale, il envoya des courriers à David avec ordre de lui dire: J'ai battu jusqu'ici Rabbath; et cette ville environnée d'eau va être prise. Faites assembler le reste du peuple, et venez au siége de la ville, et la prenez; de peur que lorsque je l'aurai détruite, on ne m'attribue l'honneur de cette victoire. David assembla donc tout le peuple, et marcha contre Rabbath; et après quelques combats, il la prit. Il ôta de dessus la tête du roi des Ammonites le diadème qui pesait un talent d'or, et était enrichi de pierreries très-précieuses; et il fut mis sur la tête de David. Il remporta aussi de la ville un fort grand butin et revint ensuite à Jérusalem avec toute son armée.

 
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David est repris de son péché, et marque son repentir. Naissance de Salomon.

Alors le prophète Nathan vint trouver David au nom de l'Eternel, et lui dit: Il y avait deux hommes dans une ville, dont l'un était riche et l'autre pauvre. Le riche avait un grand nombre de brebis et de bœufs. Le pauvre n'avait rien du tout qu'une petite brebis, qu'il avait achetée et avait nourrie; qui était crue parmi ses enfants en mangeant de son pain, buvant de sa coupe, et dormant dans son sein; et il la chérissait comme sa fille. Un étranger étant venu voir le riche, celui-ci ne voulut point toucher à ses brebis ni à ses bœufs pour lui faire festin; mais il prit la [pg 182] brebis de ce pauvre homme, et la donna à manger à son hôte. David entra dans une grande indignation contre cet homme, et dit à Nathan: Vive l'Eternel, celui qui a fait cette action est digne de mort. Il rendra la brebis au quadruple, pour en avoir usé de la sorte, et pour n'avoir point épargné ce pauvre. Alors Nathan dit à David: C'est vous-même qui êtes cet homme. Voici ce que dit l'Eternel le Dieu d'Israël: Je vous ai sacré roi sur Israël, et vous ai délivré de la main de Saül. Je vous ai mis entre les mains la maison de votre seigneur, et vous ai rendu maître de toute la maison d'Israël et de Juda. Pourquoi donc avez-vous méprisé ma parole, jusqu'à commettre le mal devant mes yeux? Vous avez fait perdre la vie à Urie Hethéen; vous lui avez ôté sa femme, et l'avez prise pour vous; et vous l'avez tué par l'épée des enfants d'Ammon. C'est pourquoi elle ne sortira jamais de votre maison; parce que vous m'avez méprisé et que vous avez pris pour vous la femme d'Urie Hethéen. Voici ce que dit l'Eternel: Je vais vous susciter des maux qui naîtront de votre propre maison; vous avez fait cette action en secret, mais moi je ferai accomplir ce malheur à la vue de tout Israël, et à la vue du soleil. David dit à Nathan: J'ai péché contre l'Eternel! Ayez pitié de moi, ô Dieu, selon votre grande miséricorde: et effacez mon iniquité selon la multitude de vos bontés. Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité; et purifiez-moi de mon péché. Car je reconnais mon iniquité; et j'ai toujours mon péché devant les yeux. Nathan lui dit alors: L'Eternel aussi a transféré votre péché; et vous ne mourrez point. Mais néanmoins parce que vous avez été cause par votre péché que les ennemis de l'Eternel ont blasphémé contre lui, le fils qui vous est né va certainement perdre la vie. Nathan retourna ensuite en sa [pg 183] maison. En même temps l'Eternel frappa l'enfant que la femme d'Urie avait eu de David, et le roi fut désespéré. David pria l'Eternel pour l'enfant; il jeûna; il resta dans la solitude, et demeura couché sur la terre. Les principaux de sa maison vinrent le trouver et lui firent de grandes instances pour l'obliger à se lever de terre; mais il le refusa, et ne mangea point avec eux. Le septième jour l'enfant mourut et les serviteurs de David n'osaient lui dire qu'il était mort; car ils s'entre-disaient: Lorsque l'enfant vivait encore et que nous lui parlions, il ne voulait pas nous écouter: combien donc s'affligera-t-il encore davantage, si nous lui disons qu'il est mort? David voyant que ses officiers parlaient tout bas entre eux, reconnut que l'enfant était mort; et le leur ayant demandé, ils lui répondirent qu'il était mort. Aussitôt il se leva de terre, alla au bain, prit de l'huile de parfum; et ayant changé d'habit, il entra dans la maison de l'Éternel, et l'adora: il revint ensuite en sa maison, il demanda qu'on lui servît à manger et il prit de la nourriture. Alors ses officiers lui dirent: D'où vient cette conduite si extraordinaire? Vous jeûniez et vous pleuriez pour l'enfant lorsqu'il vivait encore; et après qu'il est mort, vous vous êtes levé, et vous avez mangé. David leur répondit: J'ai jeûné et j'ai pleuré pour l'enfant tant qu'il a vécu; parce que je disais: Qui sait si l'Éternel ne me le donnera point, et s'il ne lui sauvera point la vie? Mais maintenant qu'il est mort, pourquoi jeûnerais-je? Est-ce que je puis encore le faire revivre? C'est moi plutôt qui irai à lui; et il ne reviendra jamais à moi. David ensuite consola sa femme Bathseba. Bathseba eut ensuite un fils, qu'on appela Salomon; David le remit entre les mains du prophète Nathan, qui lui donna le nom Jedidja, c'est-à-dire, aimable à l'Éternel, parce que l'Éternel l'aimait.

[pg 184]

 
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Inceste d'Amnon. Vengeance d'Absalom.

David avait beaucoup de femmes et beaucoup d'enfants. L'aîné fut Amnon, qu'il eut d'Achinoam de Jezrahel. Le second Cheleab qu'il eut d'Abigaïl veuve de Nabal du Carmel. Le troisième, Absalom qu'il eut de Moacha fille de Tholmaï roi de Gessur. Le quatrième, Adonia fils d'Haggith. Le cinquième, Saphatia fils d'Abital. Le sixième, Jethraam fils d'Egla; et le septième, Salomon fils de Bathseba.—Or il n'y avait point d'homme dans tout Israël qui fût si bien fait ni si beau qu'était Absalom: depuis la pointe des pieds jusqu'à la tête, il n'y avait pas en lui le moindre défaut. Il avait aussi une très-belle sœur qui s'appelait Thamar. Amnon aimait Thamar, et son amour se déclara d'une manière qui n'est pas permise dans Israël. Dès lors Absalom conçut une grande haine contre Amnon. Deux ans après il arriva qu'Absalom fit tondre ses brebis à Baalhasor, qui est près de la tribu d'Éphraïm; et il invita tous les enfants du roi à venir chez lui. Absalom fit préparer un festin de roi. En même temps il donna cet ordre à ses officiers: Prenez garde quand Amnon commencera à être troublé par le vin, et que je vous ferai signe: frappez-le, et le tuez. Ne craignez point, car c'est moi qui vous le commande. Les officiers d'Absalom exécutèrent donc à l'égard d'Amnon le commandement que leur maître leur avait fait; et aussitôt tous les enfants du roi se levant de table, montèrent chacun sur leur mule, et s'enfuirent. Absalom ayant pris la fuite, se retira chez Thalmaï, roi de Gessur, et y demeura trois ans. David cessa alors de le [pg 185] poursuivre, et cédant aux instances de Joab qui demanda la grâce pour Absalom, David lui accorda la permission de retourner à Jérusalem. (La femme de Thecua.)

 
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Révolte d'Absalom: David s'enfuit de Jérusalem.

Après cela Absalom se fit faire des chariots, prit avec lui des cavaliers, et cinquante hommes qui marchaient devant lui. Et se levant dès le matin, il se tenait à l'entrée du palais; il appelait tous ceux qui avaient des affaires, et qui venaient demander justice au roi. Et il disait à chacun d'eux: D'où êtes-vous? Chacun lui répondait: Votre serviteur est d'une telle tribu d'Israël. Et Absalom lui disait: Votre affaire me paraît bien juste. Mais il n'y a personne qui ait ordre du roi de vous écouter. Et il ajoutait: Oh! qui m'établira juge dans le pays, afin que tous ceux qui ont des affaires viennent à moi, et que je les juge selon la justice! Et lorsque quelqu'un venait lui faire la révérence, il lui tendait la main, le prenait et le baisait. Il traitait ainsi ceux qui venaient de toutes les villes d'Israël demander justice au roi: et il s'insinuait par là dans l'affection de tout Israël.—Un jour Absalom dit au roi David: Permettez-moi d'aller à Hebron, pour y accomplir les vœux que j'ai faits en l'honneur de l'Éternel. Car lorsque j'étais à Gessur en Syrie, j'ai fait ce vœu à Dieu: Si l'Éternel me ramène à Jérusalem, je lui offrirai un sacrifice. Le roi David lui dit: Allez en paix. Et aussitôt il partit, et il s'en alla à Hebron. En même temps Absalom envoya dans toutes les tribus d'Israël des gens qu'il avait gagnés, avec cet ordre: Aussitôt* [pg 186] que vous entendrez sonner la trompette, publiez qu'Absalom règne dans Hebron.

Absalom emmena avec lui deux cents hommes de Jérusalem, qui le suivirent simplement sans savoir en aucune sorte le dessein de ce voyage. Absalom fit venir aussi de la ville de Gilo Achitophel conseiller de David. Et lorsqu'on offrait des victimes, il se forma une puissante conspiration; et la foule du peuple qui accourait de toutes parts pour suivre Absalom, croissait de plus en plus. Il vint aussitôt un courrier à David, qui lui dit: Tout Israël suit Absalom de tout son cœur. David dit à ses officiers: Allons-nous-en, fuyons d'ici: car nous ne pourrions éviter de tomber entre les mains d'Absalom. Hâtons-nous de sortir, de peur qu'il ne nous prévienne, qu'il ne nous accable de maux, et qu'il ne fasse passer toute la ville au fil de l'épée. Le roi sortit donc avec toute sa maison; et laissa dix de ses femmes pour garder son palais. Il passa le torrent de Gédron, et tout le peuple allait le long du chemin qui regarde le désert. En même temps le prêtre Zadoc vint accompagné de tous les lévites, qui portaient l'arche de Dieu, et ils la posèrent sur un lieu élevé. Abiathar monta, en attendant que tout le peuple qui sortait de la ville fût passé. Alors le roi dit à Zadoc: Reportez à la ville l'arche de Dieu. Si je trouve grâce devant l'Éternel, il me ramènera, et il me fera voir son arche et son tabernacle. S'il me dit: Vous ne m'agréez point; je suis tout prêt; qu'il fasse de moi ce qu'il lui plaira. Le roi dit encore en parlant à Zadoc: Si vous le jugez convenable, retournez aussi à la ville avec Achimaas votre fils, et Jonathan fils d'Abiathar; retournez l'un et l'autre avec vos deux fils. Pour moi je vais me cacher dans les plaines du désert, jusqu'à ce que vous m'envoyiez des nouvelles de l'état des choses. Zadoc et Abiathar [pg 187] reportèrent donc à Jérusalem l'arche de Dieu, et y demeurèrent. Cependant David montait la colline des Oliviers, et pleurait en montant. Il allait nu-pieds et la tête couverte: et tout le peuple qui était avec lui montait la tête couverte et en pleurant. Or David reçut nouvelles qu'Achitophel même était aussi dans la conjuration d'Absalom; et il dit à Dieu: O Eternel, renversez les conseils d'Achitophel. Car les conseils que donnait Achitophel étaient regardés alors comme des oracles de Dieu même. Lorsque David arrivait au haut de la montagne où il devait adorer l'Eternel, Chusaï d'Arach vint au-devant de lui, ayant ses vêtements déchirés, et la tête couverte de terre. David lui dit: Si vous venez avec moi, vous me serez à charge; mais si vous retournez à la ville, vous pouvez contribuer à dissiper le conseil d'Achitophel. Chusaï ami de David retourna donc à Jérusalem, et Absalom y entrait en même temps.

 
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Ziba, Simeï. C'est dans l'adversité que l'on reconnaît les hommes.

A peine David avait-il dépassé le haut de la montagne, que Ziba, serviteur de Miphiboseth, vint au-devant de lui avec deux ânes chargés de deux cents pains, de cent paquets de raisins secs, de cent cabas de figues, d'un vaisseau plein de vin. Le roi lui dit: Que voulez-vous faire de cela? Ziba lui répondit: Les ânes sont pour servir de monture à la famille royale, les pains et les figues pour donner à ceux qui vous suivent; et le vin, afin que si quelqu'un se trouve faible dans le désert, il puisse en boire; le roi lui dit: Où est le fils de votre maître? Il est demeuré, dit Ziba, dans [pg 188] Jérusalem, en disant: La maison d'Israël me rendra aujourd'hui le royaume de mon père. Le roi dit à Ziba: Je vous donne tout ce qui était à Miphiboseth. Ziba lui répondit: Ce que je souhaite, mon seigneur et mon roi, c'est d'avoir quelque part à vos bonnes grâces.

Le roi David étant venu jusqu'auprès de Bahurim, il en sortit un homme de la maison de Saül, appelé Semeï fils de Gera, qui s'avançant dans son chemin maudissait David, lui jetait des pierres et à tous ses gens. Il maudissait le roi en ces termes: Sors, sors, homme de sang, homme bas. Dieu a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, à la place de laquelle tu as régné. Et maintenant Dieu fait passer le royaume entre les mains d'Absalom ton fils; et tu te vois accablé des maux que tu as faits, parce que tu es un homme de sang. Alors Abisaï fils de Zeruïa dit au roi: Faut-il que celui-ci maudisse le roi mon seigneur? Je vais le tuer. Mais le roi dit à Abisaï: Laissez-le faire; car l'Eternel lui a ordonné de maudire David; et qui osera lui demander pourquoi il l'a fait? Le roi dit encore à Abisaï, et à tous ses serviteurs: Vous voyez que si mon fils cherche à m'ôter la vie, combien plus un fils de Jemini peut-il me traiter de cette sorte! Laissez-le faire, laissez-le me maudire, selon l'ordre qu'il en a reçu de l'Eternel; et peut-être que l'Eternel regardera mon affliction, et qu'il me fera quelque bien pour ces malédictions que je reçois aujourd'hui. David continua donc son chemin accompagné de ses gens et arriva enfin à Bahurim très-fatigué, et ils prirent là un peu de repos.

Cependant Absalom entra dans Jérusalem suivi de tous ceux de son parti, et accompagné d'Achitophel. Chusaï d'Arach ami de David vint lui faire la révérence, et lui dit: Mon roi, Dieu vous conserve! Dieu vous conserve, mon [pg 189] roi! Absalom lui répondit: Est-ce donc là la reconnaissance que vous avez pour votre ami? D'où vient que vous n'êtes pas allé avec votre ami? Dieu m'en garde, dit Chusaï; car je serai à celui qui a été élu par l'Éternel, par tout ce peuple et par tout Israël, et je demeurerai avec lui. Et de plus, qui est celui que je viens servir? n'est-ce pas le fils du roi? Je vous obéirai comme j'ai obéi à votre père. Absalom dit alors à Achitophel: Consultons pour voir ce que nous avons à faire. Achitophel dit à Absalom: Abusez des femmes de votre père, qu'il a laissées pour garder son palais; afin que lorsque tout Israël saura que vous avez déshonoré votre père, ils s'attachent plus fortement à votre parti. On fit donc dresser une tente pour Absalom sur la terrasse du palais du roi; et il abusa devant tout Israël des femmes de son père.

 
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Achitophel: orgueil, projets manqués, désespoir, suicide.

Achitophel dit donc à Absalom: Si vous l'agréez, je vais prendre deux mille hommes choisis; j'irai poursuivre David cette nuit même; et fondant sur lui et sur ses gens qui sont tous las et hors de défense, je les battrai sans peine. Tout le monde fuira, et le roi se trouvant seul, je m'en déferai. Je ramènerai tout ce peuple comme si ce n'était qu'un seul homme; car vous ne cherchez qu'une personne; et après cela tout sera en paix. Cet avis plut à Absalom, et à tous les anciens d'Israël. Néanmoins Absalom dit: Faites venir Chusaï d'Arach, afin que nous sachions aussi son avis. Chusaï étant venu devant Absalom, Absalom [pg 190] lui dit: Voici le conseil qu'Achitophel vient de nous donner; devons-nous le suivre? que nous conseillez-vous? Chusaï répondit à Absalom: Le conseil qu'a donné Achitophel ne me paraît pas bon pour cette fois. Vous n'ignorez pas, ajouta-t-il, quel est votre père; que les gens qui sont avec lui sont très-vaillants, et que maintenant ils ont le cœur irrité. Votre père aussi, qui sait parfaitement la guerre, ne s'arrêtera point avec ses gens. Il est peut-être maintenant caché dans une caverne, ou dans quelque autre lieu qu'il aura choisi. Si quelqu'un de vos gens est tué d'abord, on publiera aussitôt partout que le parti d'Absalom a été battu. Et en même temps les plus hardis de ceux qui vous suivent, seront saisis d'effroi; car tout le peuple d'Israël sait que votre père et tous ceux qui sont avec lui sont très-vaillants. Voici donc, ce me semble, le meilleur conseil que vous puissiez suivre: Faites assembler tout Israël depuis Dan jusqu'à Bersabée, marchez à la tête de votre armée. Et en quelque lieu que puisse être David, nous irons nous jeter sur lui; nous l'accablerons par notre grand nombre, et nous ne laisserons pas un seul de tous les gens qui sont avec lui. Alors Absalom et tous les principaux d'Israël dirent: L'avis de Chusaï est meilleur que celui d'Achitophel. Mais ce fut par la volonté de l'Eternel que le conseil d'Achitophel, qui était le plus sage, fut ainsi détruit, afin que l'Eternel fît tomber Absalom dans le malheur dont il était digne. Achitophel, voyant qu'on n'avait point suivi le conseil qu'il avait donné, s'en alla à la maison qu'il avait en sa ville de Gilo; et ayant mis ordre à toutes ses affaires, il se pendit, et fut enseveli dans le sépulcre de son père.

[pg 191]

 
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Absalom est tué.

Cependant, David instruit de tout ce qui se passait auprès d'Absalom, passa le Jourdain avec tous ses gens et arriva dans la ville de Mahanaïm. Absalom de son côté passa aussi le Jourdain, et se campa avec son armée dans le pays de Galaad. David ayant fait la revue de ses gens, leur dit: Je veux me trouver au combat avec vous. Mais ses gens lui répondirent: Vous ne viendrez point avec nous; car quand les ennemis nous auraient fait fuir, ils ne croiraient pas avoir fait grand'chose; et quand ils auraient taillé en pièces la moitié de nos troupes, ils n'en seraient pas fort satisfaits; parce que vous êtes considéré vous seul comme dix mille hommes. Il vaut donc mieux que vous demeuriez dans la ville, afin que vous soyez en état de nous secourir. Le roi leur dit: Je ferai ce que vous voudrez. Il se tint donc à la porte de la ville, pendant que toute l'armée en sortait en diverses troupes de cent hommes et de mille hommes. En même temps il donna cet ordre aux chefs de l'armée: Conservez-moi mon fils Absalom. Et tout le peuple entendit le roi qui recommandait Absalom à tous ses généraux. L'armée marcha donc en bataille contre Israël, et la bataille fut donnée dans la forêt d'Ephraïm. L'armée de David tailla en pièces celle d'Israël. La défaite fut grande, et vingt mille hommes demeurèrent sur la place. Les gens d'Absalom fuyant après le combat, furent dispersés de tous côtés; et il y en eut beaucoup plus qui périrent dans la forêt, qu'il n'y en eut qui moururent par l'épée en ce jour-là. Absalom même fut rencontré par les gens de David: car lorsqu'il était sur sa mule, et qu'il [pg 192] passait sous un grand chêne fort touffu, sa chevelure s'embarrassa dans les branches du chêne; et sa mule continuant sa course, il demeura suspendu entre le ciel et la terre. Un soldat le vit en cet état, et vint dire à Joab: J'ai vu Absalom pendu à un chêne. Joab dit à celui qui lui avait apporté cette nouvelle: Si tu l'as vu, pourquoi ne lui as-tu pas passé ton épée au travers du corps? je l'aurais donné dix sicles d'argent et un baudrier. Il répondit à Joab: Quand vous me donneriez présentement mille pièces d'argent, je me garderais bien de porter la main sur la personne du fils du roi; car nous avons tous entendu l'ordre que le roi vous a donné, lorsqu'il vous a dit: Conservez-moi mon fils Absalom. Et si je m'étais hasardé à faire une action si téméraire, elle n'aurait pu être cachée au roi; et vous seriez-vous opposé à lui? Joab lui dit: Je ne m'en rapporterai pas à toi; mais je l'attaquerai moi-même en ta présence. Il prit donc en sa main trois dards, dont il perça le cœur d'Absalom. Et lorsqu'il respirait encore, toujours pendu au chêne, dix jeunes écuyers de Joab accoururent, le percèrent de coups et l'achevèrent. Aussitôt Joab fit sonner la retraite; et voulant épargner le peuple, il empêcha ses gens de poursuivre davantage les Israélites qui fuyaient. Ainsi les Israélites se retirèrent chacun chez soi. On emporta Absalom, et on le jeta dans une grande fosse qui était dans le bois, sur laquelle on éleva un grand monceau de pierres.

[pg 193]

 
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David pleure la mort d'Absalom; il se montre gracieux après sa réintégration.

Cependant David était assis entre les deux portes de la ville; et la sentinelle qui était sur la muraille au haut de la porte levant les yeux, vit un homme qui courait, il en avertit le roi. Arrivé près du roi, celui-ci lui demanda: Mon fils Absalom est-il en vie? Cet homme lui répondit: Lorsque Joab m'a envoyé vers vous, j'ai vu s'élever un grand tumulte: c'est tout ce que je sais. Passez, lui dit le roi, et tenez-vous là. Lorsqu'il fut passé, un autre parut, et il dit en arrivant: Mon seigneur et mon roi, je vous apporte une bonne nouvelle; car l'Eternel a jugé aujourd'hui en votre faveur, et vous a délivré de la main de tous ceux qui s'étaient soulevés contre vous. Le roi lui dit: Mon fils Absalom est-il en vie? L'homme lui répondit: Que les ennemis de mon roi, et tous ceux qui se soulèvent contre lui pour le perdre, soient traités comme il l'a été. Le roi étant donc saisi de douleur, se retira dans son appartement et se mit à pleurer. Il s'écriait: Mon fils Absalom, Absalom mon fils! que ne puis-je donner ma vie pour la tienne! mon fils Absalom, Absalom mon fils! En même temps on avertit Joab que le roi était dans les larmes, et qu'il pleurait son fils. Joab vint le consoler.

Or toutes les tribus reconnurent de nouveau David comme leur roi; et il gagna le cœur de tous ceux de Juda, qui tous unanimement lui envoyèrent dire: Revenez, vous, et tous ceux qui sont demeurés attachés à votre service. Le roi retourna donc, et s'avança jusqu'au Jourdain; et tout [pg 194] Juda vint au-devant de lui jusqu'à Galgala, pour lui faire passer le fleuve. Lorsque le roi eut passé le Jourdain, Semeï fils de Gera se prosternant devant lui, lui dit: Ne me traitez point selon mon iniquité, mon seigneur, oubliez les injures que vous avez reçues de votre serviteur le jour que vous sortîtes de Jérusalem; et que votre cœur, ô mon seigneur et mon roi, n'en conserve point de ressentiment. Abisaï fils de Zeruïa dit alors: Ces paroles suffiront-elles donc pour sauver la vie de Semeï, après qu'il a maudit l'oint de l'Eternel? Mais David répondit à Abisaï: Pourquoi me devenez-vous aujourd'hui des tentateurs? Est-ce ici un jour à faire mourir un homme d'entre Israël? et puis-je ignorer que je deviens aujourd'hui roi d'Israël? Alors il dit à Semeï: Vous ne mourrez point; et il le lui jura. Miphiboseth fils de Jonathan vint aussi au-devant du roi. Le roi lui dit: Miphiboseth, pourquoi n'êtes-vous point venu avec moi? Miphiboseth lui répondit: Mon seigneur et mon roi, mon serviteur n'a point voulu m'obéir; car étant incommodé des jambes, comme je le suis, je lui avais dit de me préparer un âne pour vous suivre. Et au lieu de le faire, il est venu m'accuser devant mon seigneur. Le roi lui répondit: Ce que j'ai ordonné subsistera. Vous et Ziba vous partagerez vos biens. Miphiboseth répondit au roi: Je consens volontiers qu'il ait tout, puisque je vois mon seigneur et mon roi revenu heureusement en sa maison.

 
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Murmure d'Israël contre Juda.

Lorsque le roi passa le Jourdain, il fut accompagné de toute la tribu de Juda; et il ne s'y trouva que la moitié du [pg 195] peuple d'Israël. Tous ceux d'Israël s'adressèrent donc en foule au roi, et lui dirent: Pourquoi nos frères de Juda nous ont-ils enlevé le roi sans nous attendre, avant de lui faire passer le Jourdain avec sa maison et toute sa suite? Tous ceux de Juda leur répondirent: C'est que le roi nous touche de plus près; quel sujet avez-vous de vous fâcher? Avons-nous vécu aux dépens du roi; ou nous a-t-on fait quelques présents? Ceux d'Israël leur répondirent: Le roi nous considère comme étant dix fois plus que vous; et ainsi David nous appartient plus qu'à vous. Pourquoi nous avez-vous fait cette injure; et pourquoi n'avons-nous pas été avertis les premiers pour ramener notre roi? Mais ceux de Juda répondirent un peu durement à ceux d'Israël.

Un méchant qui s'appelait Seba, Benjamite, excita alors à la révolte, en disant: Nous n'avons que faire de David, et nous n'attendons rien du fils d'Isaï: Israël, retournez chacun dans votre maison. Tous les hommes choisis d'Israël s'étaient ralliés auprès de ce traître. Joab et ses gens vinrent donc l'assiéger dans une ville appelée Abela-Beth-Maacha. Une femme habitant cette ville fit tuer Seba, et tout rentra dans l'ordre.

 
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Salomon est établi successeur de David.

Le roi David qui, pendant tout son règne, fut forcé de faire la guerre à tant d'ennemis, dut encore, dans les derniers jours de sa vie, marcher à différentes reprises contre les Philistins et leur donner bataille. Cependant l'Éternel son Dieu venait toujours à son secours, et toujours et partout David remportait la victoire. Aussi remercia-t-il [pg 196] l'Éternel; et après que l'Éternel l'eut délivré de la main de tous ses ennemis, ainsi que de la main de Saül, il composa un grand nombre de cantiques en actions de grâces.

Or David étant vieux et dans un âge fort avancé, son fils Adonia vint à lui en disant: Ce sera moi qui régnerai. Et il se fit construire des chariots, il avait cinquante hommes pour courir devant lui. Jamais son père ne l'en reprit. (David avait cependant juré, antérieurement déjà, que Salomon, fils de Bethseba, régnerait après lui.) Adonia s'était lié avec Joab, chef de l'armée, et avec le prêtre Abiathar, qui soutenait son parti. Mais le prêtre Zadoc, Banaïa, fils de Joïada, le prophète Nathan, Semeï et Reï, ni les plus vaillants de l'armée de David n'étaient point pour Adonia. Adonia convia donc à un festin tous ses frères, les fils du roi, et tous ceux de Juda qui étaient au service de David. Mais il n'y convia point le prophète Nathan ni Banaïa, ni tous les plus vaillants de l'armée, ni Salomon son frère. Alors Nathan dit à Bethseba, mère de Salomon: Savez-vous qu'Adonia, fils d'Haggith, s'est fait roi, sans que David notre seigneur le sache? Venez donc, et suivez le conseil que je vous donne; sauvez votre vie et celle de votre fils Salomon. Allez vous présenter au roi David, et dites-lui: O roi mon seigneur, ne m'avez-vous pas juré en me disant: Salomon votre fils régnera après moi; et c'est lui qui sera assis sur mon trône? Pourquoi donc Adonia règne-t-il? Pendant que vous parlerez encore au roi, je surviendrai et j'appuierai tout ce que vous aurez dit. Bethseba alla donc trouver le roi. Le roi lui dit: Que désirez-vous? Elle lui répondit: Monseigneur, vous avez juré à votre servante, et vous m'avez dit: Salomon votre fils régnera après moi. Cependant voilà Adonia qui s'est fait roi, sans que vous le sachiez. Or tout Israël a maintenant [pg 197] les yeux sur vous, afin que vous leur déclariez, vous qui êtes mon seigneur et mon roi, qui est celui qui doit être assis après vous sur le trône. Car après que le roi mon seigneur se sera endormi avec ses pères, nous serons traités comme criminels, moi et mon fils Salomon. Elle parlait encore au roi, lorsque le prophète Nathan arriva. Et l'on dit au roi: Voilà le prophète Nathan. Nathan s'étant présenté devant le roi se baissa profondément en terre, et lui dit: O roi mon seigneur, avez-vous dit: Qu'Adonia règne après moi, et que ce soit lui qui soit assis sur mon trône? Car il a convié aujourd'hui tous les fils du roi, les généraux de l'armée et le prêtre Abiathar, qui ont mangé et bu avec lui, en disant: Vive le roi Adonia. Mais pour moi, il ne m'a point convié, ni le prêtre Zadoc, ni Banaïa fils de Joïada, non plus que Salomon votre serviteur. Cet ordre est-il venu de la part du roi mon seigneur? et ne m'avez-vous point déclaré, à moi votre serviteur, qui était celui qui devait être assis après le roi mon seigneur, sur son trône? Le roi David dit: Vive l'Eternel qui a délivré mon âme de toute sorte de périls, ainsi que je vous ai juré, Bethseba, en vous disant: Salomon votre fils régnera après moi; je le ferai aussi, et je l'exécuterai dès aujourd'hui. Bethseba baissant le visage jusqu'en terre, remercia le roi, et lui dit: Que David mon seigneur, vive à jamais. Le roi David dit encore: Faites-moi venir le prêtre Zadoc, et Banaïa fils de Joïada. Lorsqu'ils se furent présentés devant le roi, il leur dit: Prenez avec vous les serviteurs de votre maître; faites monter sur ma mule mon fils Salomon, et menez-le à la fontaine de Gihon, et que Zadoc le prêtre, et Nathan le prophète le sacrent en ce lieu, pour être roi d'Israël; et vous sonnerez aussi de la trompette, et vous crierez: Vive le roi Salomon! Vous retournerez en le [pg 198] suivant, et il viendra s'asseoir sur mon trône; il régnera en ma place, et je lui ordonnerai de gouverner Israël et Juda. Les ordres du roi furent ainsi exécutés; et tout le peuple s'assembla autour de Salomon, plusieurs jouaient de la flûte, et donnaient toutes les marques d'une grande joie.

Adonia, et tous ceux qu'il avait conviés, entendirent ce bruit lorsque le festin était déjà achevé; et Joab ayant ouï sonner de la trompette, dit: Que veulent dire ces cris et ce tumulte de la ville? Et lorsqu'on vint leur apporter la nouvelle, ils se levèrent tous saisis de frayeur, et chacun s'en alla de son côté. Adonia craignant Salomon, se leva de même, sortit au plus tôt, et s'en alla embrasser la corne de l'autel. Alors on vint dire à Salomon: Voilà Adonia qui, craignant le roi Salomon, se tient attaché à la corne de l'autel, et qui dit: Que le roi Salomon me jure aujourd'hui qu'il ne fera point mourir son serviteur par l'épée. Salomon répondit: S'il se conduit en homme de bien, il ne tombera pas en terre un seul cheveu de sa tête; mais s'il se conduit mal, il mourra. Le roi Salomon envoya donc vers Adonia, et le fit tirer de l'autel; et Adonia s'étant présenté devant le roi Salomon, le remercia; et Salomon lui dit: Allez-vous-en en votre maison.

 
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Avis de David à Salomon et à Israël. Sa mort.

Or le jour de la mort de David étant proche, il donna ces avis à Salomon son fils, et lui dit: Me voici près du terme où tous les hommes doivent arriver. Armez-vous de fermeté, et conduisez-vous en homme de cœur. Vous [pg 199] savez de quelle manière m'a traité Joab fils de Zeruïa, et ce qu'il a fait à deux généraux de l'armée d'Israël, à Abner fils de Ner, et à Amasa fils de Jether, qu'il a assassinés, ayant répandu leur sang durant la paix comme il aurait fait durant la guerre. Vous ferez donc selon votre sagesse. Vous témoignerez aussi votre reconnaissance aux fils de Barzellaï de Galaad, et ils mangeront à votre table, parce qu'ils sont venus au-devant de moi lorsque je fuyais devant Absalom votre frère. Vous avez de plus auprès de vous Semeï fils de Gera, qui prononça des malédictions contre moi, et me dit les outrages les plus sanglants; mais parce qu'il vint au-devant de moi quand je passai le Jourdain, je lui jurai que je ne le ferais pas mourir par l'épée. Vous êtes assez sage pour savoir comment vous devez le traiter.

Or David assembla à Jérusalem tous les princes d'Israël, les chefs des tribus, les généraux des troupes et les officiers du domaine du roi. Il leur présenta Salomon comme roi destiné à régner sur Israël d'après la volonté de Dieu. Et s'étant levé, il leur dit: Mes frères et mon peuple, je vous conjure maintenant, en présence de toute l'assemblée du peuple d'Israël et devant notre Dieu qui nous entend, de garder avec fidélité tous les commandements de l'Eternel notre Dieu, et de chercher à les connaître, afin que vous possédiez cette terre qui est remplie de biens, et que vous la laissiez pour jamais à vos enfants après vous. Et vous, mon fils Salomon, appliquez-vous à reconnaître le Dieu de votre père, et servez-le avec un cœur parfait et une pleine volonté; car l'Eternel sonde tous les cœurs, et il pénètre toutes les pensées de l'esprit. Si vous le cherchez, vous le trouverez; mais si vous l'abandonnez, il vous rejettera.

Le roi David dit ensuite: J'avais eu la pensée de bâtir [pg 200] un temple pour y faire reposer l'arche de l'alliance de l'Eternel, et j'ai préparé tout ce qui était nécessaire pour la construction de cet édifice; mais Dieu m'a dit: Vous ne bâtirez point une maison à mon nom, parce que vous êtes un homme de guerre, et que vous avez répandu le sang. Donc puisque l'Eternel vous a choisi pour bâtir la maison de son sanctuaire, armez-vous de force et accomplissez son ouvrage.

Or David donna à son fils Salomon le plan du temple et de toutes les choses consacrées au temple. Il lui remit aussi l'ordre et la distribution des prêtres et des lévites destinés à remplir toutes les fonctions de la maison de l'Eternel. Il lui remit aussi un grand nombre d'objets nécessaires à la construction du temple: de l'or, de l'argent, du cuivre, du fer, du bois, du marbre et toutes sortes de pierres précieuses. Et les plus considérables parmi le peuple offrirent aussi leurs présents en grande quantité. Et tout le monde témoigna une grande joie en faisant ses offrandes volontaires, parce qu'ils les offraient de tout leur cœur à l'Eternel. Le roi David était aussi tout transporté de joie. C'est pourquoi il commença à louer Dieu devant toute cette multitude, et il dit: Eternel, qui êtes le Dieu d'Israël notre père, vous êtes béni dans tous les siècles. C'est à vous, Eternel, qu'appartient la grandeur, la puissance, la gloire et la victoire, et c'est à vous que sont dues les louanges. Car tout ce qui est dans le ciel et sur la terre est à vous. C'est pourquoi nous vous rendons maintenant nos hommages à vous qui êtes notre Dieu, et nous donnons à votre saint nom les louanges qui lui sont dues. Je sais, mon Dieu, que vous sondez les cœurs, et que vous aimez la simplicité. C'est pourquoi je vous ai aussi offert toutes ces choses dans la simplicité de mon cœur et avec [pg 201] joie; et j'ai été ravi de voir aussi tout ce peuple rassemblé en ce lieu vous offrir de même ses présents. Eternel, qui êtes le Dieu de nos pères, Abraham, Isaac et Israël, conservez éternellement cette volonté dans leur cœur, et faites qu'ils demeurent toujours fermes dans cette résolution de vous rendre toute la vénération et tout le culte qu'ils vous doivent. Donnez aussi à mon fils Salomon un cœur parfait, afin qu'il garde vos commandements et vos paroles, qu'il observe et accomplisse tous vos ordres; qu'il bâtisse votre maison, pour laquelle j'ai préparé toutes les choses nécessaires. David dit ensuite à toute l'assemblée: Bénissez l'Eternel notre Dieu; et toute l'assemblée bénit l'Eternel le Dieu de leurs pères; et se prosternant ils adorèrent Dieu, et rendirent ensuite leurs hommages au roi. Et le lendemain ils offrirent de nombreux sacrifices en l'honneur de l'Éternel; ils firent de grandes réjouissances, et sacrèrent une seconde fois Salomon fils de David pour être roi sur Israël.

David s'endormit donc avec ses pères, et il fut enseveli dans la ville de David. Le temps du règne de David sur Israël fut de quarante ans. Il régna sept ans à Hebron, et trente-trois dans Jérusalem.

 
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Salomon demande à Dieu la sagesse.

Dans ce temps le peuple sacrifiait toujours sur les hauteurs, parce que jusqu'alors on n'avait point encore bâti de temple au nom de l'Eternel. Salomon s'en alla donc à Gabaon pour y sacrifier, parce que c'était là le plus considérable de tous les hauts lieux. L'Eternel lui apparut [pg 202] alors en songe pendant la nuit, et lui dit: Demandez-moi ce que vous voulez que je vous donne. Salomon lui répondit: Vous avez usé d'une grande miséricorde envers David mon père, selon qu'il a marché devant vous dans la vérité et dans la justice, et que son cœur a été droit à vos yeux; vous lui avez conservé votre grande miséricorde, et vous lui avez donné un fils qui est assis sur son trône. Maintenant donc, ô Eternel mon Dieu, vous m'avez fait régner, moi qui suis votre serviteur, en la place de David mon père; mais je ne suis encore qu'un enfant qui ne sait de quelle manière il doit se conduire. Et votre serviteur se trouve au milieu de votre peuple que vous avez choisi, d'un peuple infini qui est innombrable à cause de sa multitude. Je vous supplie donc de donner à votre serviteur un cœur docile, afin qu'il puisse juger votre peuple, et discerner entre le bien et le mal: car qui pourra rendre la justice à votre peuple, à ce peuple qui est si nombreux? L'Eternel fut donc satisfait que Salomon lui eût fait cette demande. Et il dit à Salomon: Parce que vous m'avez fait cette demande, et que vous n'avez point désiré que je vous donnasse un grand nombre d'années, ou de grandes richesses, ou la vie de vos ennemis: mais que vous m'avez demandé la sagesse pour discerner ce qui est juste, je fais ce que vous m'avez demandé, et je vous donne un cœur si plein de sagesse et d'intelligence, qu'il n'y a jamais eu d'homme avant vous qui vous ait égalé, et qu'il n'y en aura point après vous qui vous égalera. Mais de plus je vous donne ce que vous ne m'avez point demandé, savoir les richesses et la gloire, de sorte qu'aucun roi ne vous aura jamais égalé en cela dans tous les siècles passés. Si vous marchez dans mes voies, et que vous gardiez mes préceptes et mes ordonnances, comme votre père les a gardés, je vous donnerai aussi une [pg 203] longue vie. Salomon s'étant éveillé, réfléchit au songe qu'il avait eu: et étant venu à Jérusalem, il se présenta devant l'arche de l'alliance et offrit des sacrifices en l'honneur de l'Eternel.

 
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Jugement rendu par Salomon.

Deux femmes de mauvaise vie vinrent trouver le roi, et se présentant devant lui, l'une d'elles dit: Je vous prie, mon seigneur, faites-moi justice. Nous demeurions, cette femme et moi, dans une même maison, et je suis accouchée dans cette maison. Elle est accouchée aussi trois jours après moi; nous étions ensemble, et il n'y avait personne dans la maison, que nous deux. L'enfant de cette femme est mort pendant la nuit, parce qu'elle l'a étouffé en dormant; et se levant dans le silence de la nuit pendant que je dormais, elle m'a pris mon fils que j'avais à mon côté; et l'ayant placé auprès d'elle, elle a mis auprès de moi son fils qui était mort. M'étant levée le matin pour donner à teter à mon fils, j'ai reconnu qu'il était mort; et le considérant avec plus d'attention au grand jour, j'ai reconnu que ce n'était point le mien, celui que j'avais enfanté. L'autre femme lui répondit: Ce que vous dites n'est point vrai; mais c'est votre fils qui est mort, et le mien est vivant. La première au contraire répliquait: Vous mentez; car c'est mon fils qui est vivant, et le vôtre est mort: et elles se disputaient ainsi devant le roi. Alors le roi dit: Celle-ci dit: Mon fils est vivant, et le vôtre est mort. Et l'autre répond: Non; mais c'est votre fils qui est mort, et le mien est vivant. Apportez-moi une épée. Lorsqu'on eut apporté une épée devant le roi, il dit à ses gardes: Coupez [pg 204] en deux cet enfant qui est vivant, et donnez-en la moitié à l'une et la moitié à l'autre. Alors la femme dont le fils était vivant dit au roi (car ses entrailles furent émues de tendresse pour son fils): Seigneur, donnez-lui, je vous supplie, l'enfant vivant, et ne le tuez point. L'autre disait au contraire: Qu'il ne soit ni à moi ni à vous; mais qu'on le divise. Alors le roi prononça cette sentence: Donnez à celle-là l'enfant vivant, et qu'on ne le tue point; car c'est elle qui est sa mère.—Tout Israël ayant donc su la manière dont le roi avait jugé cette affaire, ils eurent tous de la crainte et du respect pour lui, voyant que la sagesse de Dieu était en lui pour rendre la justice.

Le roi Salomon vivait en paix avec tous les peuples qui l'environnaient, il n'y avait plus d'ennemi qui s'élevât contre lui, ni qui l'attaquât. Dans Juda et dans Israël tout homme vécut sans aucune crainte, chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu'à Bersabée, pendant tout le règne de Salomon. Dieu donna de plus à Salomon une sagesse et une prudence prodigieuses, et des connaissances étendues. Et la sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les Orientaux et de tous les Égyptiens. Il était plus sage que tous les hommes, plus sage que les poëtes lyriques Ethan, Ezrahite, Heman, Chalcol et Darda; et sa réputation était répandue dans toutes les nations voisines. Salomon composa aussi trois mille paraboles, et fit mille et cinq cantiques. Il venait des gens de tous les pays pour entendre la sagesse de Salomon; et tous les rois envoyaient vers lui, pour être instruits par sa sagesse. Salomon avait sous sa domination tous les royaumes depuis le fleuve d'Euphrate jusqu'au pays des Philistins, et jusqu'à la frontière d'Égypte. Ils lui offrirent tous des présents, et lui demeurèrent assujettis pendant tout le cours de sa vie.

[pg 205]

 
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Salomon pense à bâtir le temple.

Hiram, roi de Tyr, envoya aussi ses serviteurs vers Salomon, ayant appris qu'il avait été sacré roi en la place de son père; car Hiram avait toujours été ami de David. Or Salomon envoya vers Hiram, et lui fit dire: Vous savez quel a été le désir de David mon père, et qu'il n'a pu bâtir une maison au nom de l'Eternel, à cause des guerres et des ennemis qui le menaçaient de toutes parts, jusqu'à ce que l'Eternel les eût tous mis sous ses pieds. Mais maintenant Dieu m'a donné la paix avec tous les peuples qui m'environnent. C'est pourquoi j'ai dessein maintenant de bâtir un temple au nom de l'Eternel, selon qu'il l'a ordonné à David mon père, en lui disant: Votre fils que je ferai asseoir en votre place sur votre trône, sera celui qui bâtira une maison à la gloire de mon nom. Donnez donc ordre à vos serviteurs qu'ils taillent pour moi des cèdres du Liban, et mes serviteurs seront avec les vôtres, et je donnerai à vos serviteurs telle récompense que vous me demanderez; car vous savez qu'il n'y a personne parmi mon peuple qui sache tailler le bois comme les Sidoniens. Hiram ayant entendu ces paroles de Salomon, en eut une grande joie, et dit: Béni soit aujourd'hui l'Eternel Dieu qui a donné à David un fils si sage pour gouverner un si grand peuple. Et il envoya dire à Salomon: J'ai entendu tout ce que vous m'avez fait dire; j'exécuterai tout ce que vous désirez pour les bois de cèdre et de sapin. Mes serviteurs les porteront du Liban sur le bord de la mer; et je les ferai mettre sur mer en radeaux pour les transporter [pg 206] jusqu'au lieu que vous m'aurez marqué; je les y ferai débarquer, et vous aurez soin de les faire prendre; et pour cela vous me ferez donner tout ce qui me sera nécessaire pour nourrir ma maison. Hiram donna donc à Salomon des bois de cèdre et de sapin autant qu'il en désirait. Et Salomon donnait à Hiram pour l'entretien de sa maison vingt mille mesures de froment et vingt mille mesures d'huile très-pure: ce sont là les provisions que Salomon envoyait chaque année à Hiram. Le roi Salomon choisit aussi des ouvriers dans tout Israël, et il ordonna que l'on prendrait pour cet ouvrage trente mille hommes. Il les envoyait au Liban tour à tour, dix mille chaque mois, de sorte qu'ils demeuraient deux mois dans leurs maisons. Adoniram avait l'intendance sur tous ces gens-là. Salomon avait soixante et dix mille manœuvres qui portaient les fardeaux, et quatre-vingt mille qui taillaient les pierres sur la montagne; sans compter ceux qui avaient l'intendance sur chaque ouvrage, qui étaient au nombre de trois mille trois cents, et qui donnaient les ordres au peuple et à ceux qui travaillaient. Et le roi leur commanda aussi de prendre de grandes pierres, des pierres d'un grand prix, pour les fondements du temple, et de les préparer pour cet effet; et les ouvriers de Salomon, de Hiram et les Giblims eurent soin de les tailler et ils apprêtèrent les bois et les pierres pour bâtir la maison de l'Eternel.

 
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Description du temple bâti par Salomon.

La quatrième année du règne de Salomon et la quatre cent quatre vingtième après la sortie de l'Egypte, on [pg 207] commença à bâtir un temple à l'Eternel. Ce fut sur la montagne Moria, colline orientale du mont Sion qu'il fut construit. Il était entouré de deux murs, un mur extérieur et un mur intérieur; cette dernière enceinte était aussi appelée l'enceinte des prêtres. L'intérieur du temple, décoré avec la plus grande magnificence, avait la même distribution que le tabernacle: le saint et le saint des saints. Toutes les murailles étaient parées de feuillage en bois de cèdre, et de fleurons en or. L'autel, les candélabres et les différents vases pour le service étaient d'un or très-pur. Le plancher même et les portes étaient revêtus d'or. C'était le temple le plus splendide qu'il y eût jamais eu sur la terre. On employa à la construction du temple dans toutes ses parties et dans tout ce qui devait servir au culte de Dieu, sept années entières.

 
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Dédicace du temple. Prière de Salomon.

Alors tous les anciens d'Israël avec les princes des tribus, et tous les chefs des familles des enfants d'Israël s'assemblèrent, et vinrent trouver le roi Salomon dans Jérusalem, pour transporter l'arche de l'alliance de l'Eternel de la ville de David, c'est-à-dire, de Sion. On s'assembla en un jour solennel, lors de la fête des tabernacles, qui a lieu dans le septième mois. Tous les anciens d'Israël étant venus, les prêtres prirent l'arche de l'Eternel et la portèrent avec le tabernacle de l'alliance, et tous les vases du sanctuaire qui étaient dans le tabernacle, et les prêtres et les lévites les portèrent. L'arche de l'alliance fut placée au lieu qui lui était destiné, dans le saint des [pg 208] saints, sous les ailes des chérubins. Or il n'y avait dans l'arche que les deux tables de pierre que Moïse y avait mises à Horeb, lorsque l'Eternel fit alliance avec les enfants d'Israël, aussitôt après leur sortie d'Egypte. Salomon se plaça ensuite devant l'autel de l'Eternel, à la vue de toute l'assemblée d'Israël; et tenant ses mains étendues vers le ciel, il dit: Eternel Dieu d'Israël, il n'y a point de Dieu qui vous soit semblable, ni au plus haut du ciel, ni sur toute la face de la terre. O Dieu! j'ai bâti cette maison, afin qu'elle vous tienne lieu de demeure, et que votre trône y soit établi pour jamais. Est-il donc croyable que Dieu habite véritablement sur la terre? Car si les cieux et le ciel des cieux ne peuvent vous comprendre, combien moins cette maison que j'ai bâtie! Mais soyez propice, ô Eternel mon Dieu, aux vœux de votre serviteur et à ses prières; écoutez l'hymne et l'oraison que votre serviteur vous offre aujourd'hui, afin que vos yeux soient ouverts jour et nuit sur cette maison, de laquelle vous avez dit: C'est là que sera mon nom; afin que vous exauciez la prière que votre serviteur vous offre en ce lieu; que vous l'exauciez du lieu de votre demeure dans le ciel, et que l'ayant exaucée vous fassiez miséricorde. Lorsqu'un homme aura péché contre son prochain; lorsqu'Israël votre peuple péchera contre vous; lorsqu'il viendra sur la terre, ou famine, ou peste, ou corruption de l'air, et que faisant pénitence et rendant gloire à votre nom, on étendra les mains vers vous dans cette maison: vous l'exaucerez du ciel, du lieu de votre demeure, vous vous rendrez de nouveau propice, et vous ferez miséricorde, selon que vous verrez la disposition du cœur, rendant à chacun selon toutes ses œuvres et ses désirs, parce qu'il n'y a que vous seul qui connaissiez le fond du cœur de tous les hommes. Lorsqu'un étranger, [pg 209] qui ne sera point d'Israël votre peuple, viendra d'un pays fort éloigné, attiré par votre nom, parce que la grandeur de votre nom, la force de votre main et la puissance de votre bras se feront connaître de tous côtés; lorsqu'un étranger, dis-je, sera venu prier en ce lieu, vous l'exaucerez du ciel, du firmament où vous demeurez, et vous ferez ce que l'étranger vous aura prié de faire; afin que tous les peuples de la terre apprennent à craindre votre nom, comme fait Israël votre peuple, et qu'ils éprouvent eux-mêmes que votre nom a été invoqué sur cette maison que j'ai bâtie. Salomon ayant achevé d'offrir à l'Eternel cette oraison et cette prière, se leva de devant l'autel de l'Eternel, car il avait mis les deux genoux en terre, et il tenait les mains étendues vers le ciel. Etant donc debout devant le peuple, il bénit toute l'assemblée d'Israël, en disant à haute voix: Béni soit l'Eternel, qui a donné la paix à Israël son peuple, selon toutes les promesses qu'il avait faites. Tous les biens qu'il nous avait promis par Moïse son serviteur, nous sont arrivés, sans qu'il soit tombé une seule de ses paroles à terre. Que l'Eternel notre Dieu soit avec nous, comme il a été avec nos pères; qu'il ne nous abandonne et ne nous rejette point: mais qu'il incline nos cœurs vers lui, afin que nous marchions dans toutes ses voies, et que nous gardions ses préceptes et toutes les ordonnances qu'il a prescrites à nos pères. Que les paroles de cette prière que j'ai faite devant l'Eternel, soient présentes jour et nuit à l'Eternel notre Dieu, afin que chaque jour il fasse justice à son serviteur et à Israël son peuple, en sorte que tous les peuples de la terre sachent que c'est l'Eternel qui est le vrai Dieu, et qu'après lui il n'y en a point d'autre. Le roi et tout Israël offrirent une grande quantité de sacrifices en l'honneur de [pg 210] l'Eternel, et le roi avec les enfants d'Israël consacrèrent ainsi le temple à l'Eternel. Salomon fit de ce jour une grande solennité et tout Israël se réunit à lui pendant quatorze jours. Les jours de fêtes étant passés, Salomon renvoya le peuple, qui bénissant le roi s'en retournaient en leurs maisons avec une allégresse publique, ayant le cœur plein de joie pour tous les biens que l'Eternel avait faits à David son serviteur, et à Israël son peuple.

 
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Dieu se révèle une seconde fois à Salomon.

Salomon ayant achevé de bâtir la maison de l'Eternel et tout ce qu'il avait souhaité, et qu'il avait voulu faire, Dieu se révéla une seconde fois, comme il s'était révélé à Gabaon, et lui dit: J'ai exaucé votre prière et la supplication que vous m'avez faite. J'ai sanctifié cette maison que vous avez bâtie pour y établir mon nom à jamais, et mes yeux et mon cœur y seront toujours attentifs. Si vous marchez en ma présence comme votre père y a marché, dans la simplicité et la droiture de votre cœur; si vous faites tout ce que je vous ai commandé, et que vous gardiez mes lois et mes ordonnances, j'établirai votre trône et votre règne sur Israël pour jamais, selon que je l'ai promis à David votre père, en lui disant: Vous aurez toujours de votre race des successeurs qui seront assis sur le trône d'Israël. Mais si vous vous détournez de moi, vous et vos enfants, si vous cessez de me suivre et de garder mes préceptes et les lois que je vous ai prescrites, et que vous alliez servir et adorer les dieux étrangers, j'exterminerai les Israélites de la terre que je leur ai donnée, et je [pg 211] rejetterai loin de moi ce temple que j'ai consacré à mon nom.

Salomon bâtit encore un grand palais, fortifia plusieurs villes et se fit construire des maisons de campagne.

Quant à tout ce qui était demeuré de ces peuples que les enfants d'Israël n'avaient pu exterminer, Salomon rendit tributaires leurs enfants et les assujettit. Il équipa aussi une flotte à Esiongaber sur le rivage de la mer Rouge au pays d'Idumée: et Hiram envoya avec cette flotte quelques-uns de ses gens, gens de mer qui entendaient fort bien la navigation, qui se joignirent aux gens de Salomon; et étant allés en Ophir (dans l'Afrique?), ils y prirent quatre cent vingt talents d'or qu'ils apportèrent au roi Salomon. L'argent était en abondance sous le règne de Salomon et l'on ne faisait presque aucun cas de ce métal.

 
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La reine de Saba vient trouver Salomon et admire sa sagesse.

La reine de Saba (dans l'Arabie) ayant entendu parler de la grande réputation que Salomon s'était acquise par tout ce qu'il faisait au nom de l'Eternel, vint en faire expérience en lui proposant des questions obscures et des énigmes; et étant entrée dans Jérusalem avec une grande suite et un riche équipage, elle se présenta devant le roi Salomon, et lui découvrit tout ce qu'elle avait dans le cœur. Salomon l'instruisit sur toutes les choses qu'elle lui avait proposées; et il n'y en eut aucune que le roi ignorât, et sur laquelle il ne la satisfît par ses réponses. Or la reine de Saba voyant toute la sagesse de Salomon, admirant les édifices qu'il avait construits, la somptuosité de sa [pg 212] table, les logements de ses officiers, le bel ordre avec lequel ils le servaient, la magnificence de leurs habits, les sacrifices qu'ils offraient dans la maison de l'Eternel, était toute hors d'elle-même; et elle dit au roi: Ce qu'on m'avait rapporté dans mon royaume de vos entretiens et de votre sagesse est véritable; et je n'ai pas cru néanmoins ce qu'on m'en disait, jusqu'à ce que je sois venue moi-même, et que je l'aie vu de mes propres yeux; et j'ai reconnu qu'on ne m'avait pas dit la moitié de la vérité. Votre sagesse et votre conduite passent tout ce que la renommée m'en avait appris. Heureux ceux qui sont à vous; heureux vos serviteurs qui jouissent toujours de votre présence, et qui écoutent votre sagesse! Béni soit l'Eternel votre Dieu qui a mis son affection en vous, qui vous a fait asseoir sur le trône d'Israël, et qui vous a établi roi pour régner avec équité, et pour rendre la justice. La reine de Saba donna ensuite au roi beaucoup d'or, une quantité infinie de parfums, et de pierres précieuses. On n'a jamais apporté depuis à Jérusalem autant de parfums que la reine de Saba en donna au roi Salomon. Or le roi Salomon donna à la reine de Saba tout ce qu'elle désira et ce qu'elle lui demanda, outre les présents qu'il lui fit de lui-même avec une magnificence royale; et la reine s'en retourna en son royaume avec ses serviteurs.

 
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Les femmes étrangères font tomber Salomon dans l'idolâtrie. Mort de ce prince.

Or le roi Salomon aima passionnément plusieurs femmes étrangères, il se maria à la fille de Pharaon, aux femmes de Moab et d'Ammon, aux femmes d'Idumée, de Sidon [pg 213] et du pays des Hethéens, qui étaient toutes des nations dont l'Eternel avait dit aux enfants d'Israël: Vous ne prendrez point pour vous des femmes de ces pays-là, et vos filles n'en épouseront point les hommes; car ils vous pervertiront le cœur très-certainement, pour vous faire suivre leurs dieux. Salomon s'attacha donc à ces femmes avec une passion ardente. Il était déjà vieux, lorsque les femmes lui corrompirent le cœur pour lui faire suivre des dieux étrangers: et son cœur n'était point parfait devant l'Eternel son Dieu, comme avait été le cœur de David son père. Mais Salomon servait Astarté déesse des Sidoniens, et Molach l'idole des Ammonites. L'Eternel dit donc à Salomon: Puisque vous vous comportez ainsi, et que vous n'avez point gardé mon alliance, ni les commandements que je vous avais faits, je déchirerai et diviserai votre royaume, et je le donnerai à l'un de vos serviteurs. Je ne ferai point néanmoins cette division pendant votre vie, à cause de David votre père; mais je la ferai lorsque le royaume sera entre les mains de votre fils. Je ne lui ôterai pas néanmoins le royaume tout entier; mais j'en donnerai une tribu à votre fils, à cause de David mon serviteur, et de Jérusalem que j'ai choisie.

Or l'Eternel suscita pour ennemis à Salomon, Adad Iduméen de la race royale, qui était dans Edom, Razon fils d'Eliada, roi à Damas, et ensuite Jeroboam fils de Nabat Ephrathéen, serviteur de Salomon, jeune homme intelligent et très-capable en affaires. Il arriva en ce même temps que Jeroboam sortit de Jérusalem, et qu'Ahia Silonite, prophète, ayant sur lui un manteau tout neuf, rencontra Jeroboam dans le chemin. Ils n'étaient qu'eux deux dans le champ. Et Ahia prenant le manteau neuf qu'il avait sur lui, le coupa en douze parts, et dit à Jeroboam: [pg 214] Prenez dix parts pour vous; car voici ce que dit l'Eternel le Dieu d'Israël: Je diviserai et arracherai le royaume des mains de Salomon, et je vous en donnerai dix tribus; j'en donnerai une tribu à son fils, afin que mon serviteur David règne toujours devant moi dans la ville de Jérusalem, que j'ai choisie afin que mon nom y soit honoré. Mais pour vous, je vous prendrai, et vous régnerez sur tout ce que votre âme désire, et vous serez roi dans Israël. Si vous écoutez donc tout ce que je vous ordonne; si vous marchez dans mes voies, et que vous fassiez ce qui est juste et droit devant mes yeux en gardant mes ordonnances et mes préceptes, comme a fait David mon serviteur, je serai avec vous, je vous ferai une maison qui sera stable et fidèle, comme j'en ai fait une à mon serviteur David, et je vous mettrai en possession du royaume d'Israël. Et j'affligerai en ce point la race de David, mais non pour toujours.

Salomon voulut donc faire mourir Jeroboam; mais il s'enfuit en Egypte vers Sesac roi d'Egypte, et y demeura jusqu'à la mort de Salomon. Tout le reste des actions de Salomon, tout ce qu'il a fait et tout ce qui regarde sa sagesse, est écrit dans le livre du règne de Salomon. Le temps pendant lequel il régna dans Jérusalem sur tout Israël fut de quarante ans: et Salomon s'endormit avec ses pères et il fut enseveli en la ville de David son père; et Roboam (Rechabeam) son fils régna en sa place.

 
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Division du royaume.

Jusqu'à cette époque tout Israël ne forma qu'un seul peuple, toutes les douze tribus furent libres et unies. On avait l'habitude, comme il avait été ordonné par la loi de [pg 215] Dieu, de se voir rassemblé à Jérusalem trois fois par an, pendant les jours des trois grandes fêtes publiques, de Pâque, de Pentecôte et des Tabernacles. Ces occasions resserraient toujours plus étroitement les liens religieux, fortifiaient l'esprit général de la nation et facilitaient les relations intérieures. Et bien que ce ne fussent pas tous les Israélites qui prissent part à ces saintes assemblées, cependant ils ne laissaient pas que d'être fidèles à leur alliance avec Dieu et de se distinguer ostensiblement de tout autre peuple, et par leurs maximes, et par certaines lois concernant la pureté extérieure et la pudeur (défense de plusieurs aliments, lois de purification, défenses touchant le mariage, etc.). Mais cet état de choses devait changer, et la vie nationale se modifier après la mort de Salomon. Car il arriva lorsque Roboam vint à Sichem, où tout Israël s'était assemblé pour l'établir roi, que Jeroboam y vint avec tout le peuple d'Israël trouver Roboam, et lui dit: Votre père nous avait chargés d'un joug très-dur. Diminuez donc maintenant quelque chose de l'extrême dureté du gouvernement de votre père, et de ce joug très-pesant qu'il nous avait imposé, et nous vous servirons. Roboam leur répondit: Allez-vous-en maintenant et dans trois jours revenez me trouver. Le peuple s'étant retiré, le roi Roboam tint conseil avec les vieillards, qui étaient auprès de Salomon son père, lorsqu'il vivait encore; et il leur dit: Quelle réponse me conseillez-vous de faire à ce peuple? Ils lui répondirent: Si vous obéissez maintenant à ce peuple, et que vous leur cédiez en vous rendant à leur demande, et en leur parlant avec douceur, ils s'attacheront pour toujours à votre service. Mais Roboam n'approuvant point le conseil que les vieillards lui avaient donné, voulut consulter les jeunes gens qui avaient été [pg 216] élevés avec lui, et qui étaient toujours auprès de sa personne, il leur dit: Quelle réponse me conseillez-vous de faire à ce peuple? Ils lui répondirent: Vous lui direz: Mon père, à ce que vous dites, vous a imposé un joug pesant, et moi je le rendrai encore plus pesant; mon père vous a battus avec des verges, et moi je vous châtierai avec des verges de fer. Jeroboam vint donc avec tout le peuple trouver Roboam le troisième jour, et le roi répondit durement au peuple, et abandonnant le conseil que les vieillards lui avaient donné, il leur parla selon que les jeunes gens lui avaient conseillé. Le roi ne se rendit donc point à la volonté du peuple, parce que l'Eternel s'était détourné de lui, pour vérifier la parole qu'il avait dite à Jeroboam fils de Nabat par Ahia Silonite. Or le peuple voyant que le roi n'avait point voulu les écouter, commença à dire: Qu'avons-nous de commun avec David? Quel héritage avons-nous à espérer du fils d'Isaï? Israël retirez-vous dans vos tentes; et vous, David, pourvoyez maintenant à votre maison. C'est ainsi qu'Israël se sépara de Roboam, ils choisirent alors Jeroboam pour leur roi. Il n'y eut que deux tribus, celles de Juda et de Benjamin qui restèrent fidèles à la maison de David. Israël forma depuis ce jour deux royaumes séparés, celui d'Israël ou d'Ephraïm, et celui de Juda; celui-ci beaucoup plus petit, l'emportait cependant sur le premier par la possession de Jérusalem, du temple et de l'institution des prêtres.

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