← Retour

Journal de Jean Héroard - Tome 1: Sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1610)

16px
100%
Mars
1609

Le 3, mardi, au Louvre.—Mené chez M. de Roquelaure, où étoient LL. MM. A six heures et demie soupé; il va chez le Roi, y voit danser le ballet du chevalier de Vendôme, y est jusques à onze heures trois quarts.

Le 5, jeudi.—Mené en carrosse en la plaine de Vaugirard et d'Issy, à la volerie; il voit prendre des corneilles.

Le 6, vendredi.—Après déjeuner M. Des Yveteaux[578], son précepteur, lui donna la première leçon, commençant par un petit discours qui lui représentoit comme il avoit à reconnoître que Dieu l'avoit fait naître chrétien et dans l'Église apostolique, et fils d'un grand Roi, et par ainsi qu'il avoit à savoir qu'il lui falloit aimer et craindre Dieu, se rendre véritable et juste, à aimer et honorer le Roi et la Reine comme ayant supériorité sur lui, et puis comme ses père et mère, et que les vertus s'apprenoient dans les livres; et commença à lui faire lire le commencement de l'histoire de Josèphe, puis lui baille par écrit à savoir: «s'il faut que les ecclésiastiques soient appelés aux conseils des princes et ce qui lui en semble.»—Je sais pas, répond le Dauphin.

Le 7, samedi.—Mené au bois de Vincennes, c'est la première fois; il y court des lièvres, y voit un élan.

Le 8, dimanche.—Mené au devant du Roi revenant de Saint-Germain-en-Laye; goûté au Roule, puis il rencontre, au devant des Ternes, le Roi, qui le fait mettre en son carrosse.

Le 10, mardi.—A souper il fait un rot; M. de Souvré l'en reprend; il lui répond froidement: Mousseu de Souvré, c'est un rot, ce n'est pas un pet.

Le 11, mercredi.—Mené sur le pont voir, tous les engins Mars
1609
de la pompe de la Samaritaine, puis il va au jardin du Palais, y a goûté.

Le 12, jeudi, au Louvre.—Botté et éperonné, il est mené en carrosse aux Chartreux, y monte sur sa petite haquenée baie, dans le clos, pour voir courir deux blaireaux.

Le 13, vendredi.—Il commença à signer des lettres de retenue[579] pour quelques-uns de ses officiers.

Le 14, samedi.—Il signe des brevets, veut savoir pour qui ils sont. L'on parloit d'Engoulevent[580], qui faisoit le fol; de Heurles, son valet de chambre, va dire qu'il étoit à Langres, le Dauphin demande: Pourquoi?—«Monsieur, pour des affaires.»—Les fous ont-ils des affaires? Il demande le sieur Des Yveteaux, son précepteur, et l'envoie querir pour étudier; le précepteur se trouva malade. Mené à Cachant[581], il monte à cheval aux Carmélines.

Le 15, dimanche.—Il est mené en l'hôtel de Nemours pour y voir un cabinet d'antiques, puis va à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés; ce fut la première fois; M. le prince de Conty[582] lui fait voir toute la maison.

Le 16, lundi.—M. de Gouville[583], gentilhomme normand, excellent tireur des armes, lui montroit les pas en avant et en arrière, et lui dit: «Monsieur, il vous faut apprendre à tirer en avant et à reculons;» il répond soudain: Je veux tirer en avant, non pas à reculons.

Le 17, mardi.—Mené chez le Roi, qui alloit à Chantilly, à deux heures; M. de Souvré le fait étudier. A six heures et demie soupé; le Dauphin fait armer M. le Chevalier Mars
1609
des armes entières que M. de Lesdiguières[584] lui avoit fait faire à Milan et ce jourd'hui avoient été présentées au Dauphin par M. de Créquy; elles avoient coûté mille doublons.

Le 19 mars, jeudi, au Louvre.—Ce jourd'hui, à déjeuner, il a commencé à manger de ses viandes et ouvrir sa maison; la Reine l'avoit nourri jusques ici, depuis son retour de Saint-Germain. Mené au clos des Chartreux, il y court un renard qu'il y avoit fait porter, lui étant à cheval, botté et éperonné; puis mené à l'hôpital des fols au faubourg Saint-Germain, il y voit une folle qui se disoit être fille du roi Charles[585].

Le 21, samedi.—A deux heures et un quart il entre en carrosse avec la Reine, qui part pour aller à Notre-Dame de Chartres, la conduit jusques auprès de Bourg-la-Reine.

Le 23, lundi.—Il est mené au faubourg Saint-Germain, voir la reine Marguerite.

Le 25, mercredi.—Mené au parc de Madrid[586], il a goûté à l'entrée, chez le concierge, puis il est mené en l'abbaye de Longchamp.

Le 27, vendredi.—Mené à l'Arsenal, il y a goûté à trois heures, puis est venu aux Tuileries trouver le Roi.

Le 29, dimanche.—Mené chez M. de Mayenne, où l'on lui présente la collation. Il demande à boire; lui en étant offert par les officiers de M. de Mayenne, il dit: Où sont mes officiers? M. de Ventelet, son maître d'hôtel, lui dit tout bas que ce seroit offenser M. de Mayenne de refuser ses officiers; lors il prend le verre où étoit le vin, fort trempé, et ne y fait que tâter. Mené à vêpres à Saint-Antoine-des-Champs.

Le 30, lundi.—Mené aux Tuileries et aux Chartreux, Mars
1609
ramené au jardin du Louvre, il y a cueilli lui-même une douzaine d'asperges.

Le 31 mars, mardi.—A douze heures et demie il entre en carrosse pour aller à Saint-Germain-en-Laye, va par le pont de Neuilly et arrive à la chaussée, monte à cheval et rencontre Mesdames, qui lui étoient venues au devant. Il marche à la tête du carrosse pour se faire voir, et arrive à Saint-Germain à quatre heures et trois quarts. Il va par le jardin au parc jusques à la chapelle, est ramené au château, en la chambre du Roi, où il logea.

Le 1er avril, mercredi, à Saint-Germain.—A neuf heures et un quart il entre en carrosse pour aller dîner à Fresnes, où le Roi, revenant d'Anet par Mantes, l'avoit mandé, y a dîné à onze heures trois quarts avec le Roi; peu après, mené en carrosse jusques au bois, il est monté à cheval, est allé dans le bois après la chasse, suivant le Roi. Ramené à Saint-Germain avec le Roi en carrosse à six heures, il lui demande permission d'aller étudier, pource que le Roi lui avoit dit le matin que s'il n'étudioit point qu'il ne iroit point à la chasse. A sept heures et demie il est mené en carrosse au bâtiment neuf[587], voir la Reine.

Le 2, jeudi.—A sept heures et demie mené en carrosse au bâtiment neuf, pour y voir danser le ballet de Madame.

Le 3, vendredi.—Mené vers la Muette, à la rencontre du Roi, qui étoit à la chasse.

Le 4, samedi.—Il va dire adieu à Messieurs, ses frères, et à Mesdames, ses sœurs, est mené à la chapelle à la messe, puis chez la Reine au bâtiment neuf, et à neuf heures et demie est parti. Il va à Ruel, où étoit le Roi, se promène partout; à midi dîné avec le Roi et la Reine; Moisset[588] donnoit le dîner, et aux princesses. Parti à trois Avr
1609
heures, il passe par Saint-Cloud, et arrive à Paris à cinq heures trois quarts.

Le 5, dimanche, au Louvre.—Mené aux Feuillants, à la messe, il se joue aux Tuileries; dîné avec le Roi; mené au faubourg Saint-Jacques, en un jardin où il court un lièvre avec ses deux petits lévriers.

Le 9, jeudi, au Louvre.—Il entre en carrosse avec la Reine, qui part pour aller à Fontainebleau, l'accompagne jusques à la porte Saint-Antoine, va à l'Arsenal. Mené au parc de Mlle de Longueville à la Ville-l'Évêque.

Le 10, vendredi, voyage.—A huit heures parti de Paris pour aller à Fontainebleau, il arrive à dix heures trois quarts à Juvisy, où il a dîné; ne voulut jamais entrer en l'hôtellerie: Hé! mousseu de Souvré, n'y allons point! allons là dedans, montrant une maison de M. Chauvelin, qui étoit fort propre; il y a dîné. A trois heures il rentre en carrosse, arrive à Essonne à quatre heures trois quarts, va voir le moulin à polir les diamants, puis celui à papier, y fait lui-même six feuilles à papier, fort bien, est ramené par eau. Couché à Essonne.

Le 11, samedi.—Mené à l'église, puis au moulin où l'on blanchit les toiles; il part d'Essonne à huit heures, et arrive à dix heures trois quarts à Ponthierry, où il a dîné. Arrivé à quatre heures à Fontainebleau, il va chez le Roi; à cinq heures et un quart soupé avec le Roi.

Le 12, dimanche, à Fontainebleau.—Mené chez LL. MM. et à la procession[589], avec le Roi.

Le 13, lundi.—Lu, écrit, tiré des armes, mené à la messe en la chapelle, puis chez LL. MM. Après souper il s'amuse à peindre[590].

Le 16, jeudi saint.—Il ne veut point déjeuner pource que M. de Souvré lui dit que le Roi, qui se trouvoit Avr
1609
un peu mal, lui commandoit d'aller laver les pieds aux petits enfants. Il ne y peut consentir, jusques à ce que M. de Souvré lui dit qu'il les laveroit; il a déjeuné puis il dit soudain: Mousseu de Souvré, souvenez-vous de votre promesse. M. de Richelieu[591] lui demanda s'il lui plaisoit pas qu'il fût le Dauphin pour lui, et qu'il laveroit les pieds: Je le veux bien, mais je reviendrai incontinent. Il demande à étudier, mais c'est pour gagner le temps. Mené chez le Roi, qui lui demande s'il veut pas aller laver les pieds aux petits enfants: Oui, mon père, mais j'aimerois mieux sauter le fossé; c'étoit un petit fossé que deux jours auparavant le Roi lui avoit fait sauter, et où il avoit mis une jambe dans l'eau, ne l'ayant pu franchir. Mené à la grande salle à neuf heures et demie, il fait fort bien la cérémonie du lavement des pieds, est servi par M. le comte de Soissons, grand maître, et autres officiers du royaume, comme si c'eût été le Roi. Après souper mené chez LL. MM.; au retour, il s'arrête de lui-même au reposoir qui étoit en la salle, y prie Dieu.

Le 17, vendredi saint, à Fontainebleau.—Mené à la salle du cheval, au sermon du P. Coton.

Le 18, samedi.—Il écrit à M. de Lesdiguières, le remerciant des armes qu'il lui avoit envoyées[592]; mené à la messe en la chapelle, il va à confesse au P. Coton. A quatre heures et demie il entre en carrosse avec LL. MM., qui le mènent voir l'eau mise au grand canal.

Le 19, dimanche, jour de Pâques.—A deux heures il est mené au sermon du P. Coton.

Le 20, lundi.—Mené chez LL. MM., où il voit un miroir ardent qui fondoit du plomb.

Le 22, mercredi.—Le fils du mylord Cécil, Anglois, Avr
1609
le vient saluer; mené à la chasse au blaireau, il y mène le fils du mylord Cécil.

Le 23 avril, jeudi.—Il s'amuse en sa chambre à raboter des ais; il y avoit des menuisiers.

Le 27, lundi, à Fontainebleau.—A deux heures mené chez la Reine, il y dit tous ses mots latins. Mené à cinq heures promener au parc avec le Roi: près de la bonde, il y avoit une rigole d'un pied et demi de largeur par où l'eau tomboit dans le grand canal. Le Roi le faisoit sauter cette rigole; il la sautoit sans course. Il lui commande de la sauter avec course: la crainte qu'il avoit de ne prendre pas justement son élan, de tomber dedans et faire rire le monde, fut cause qu'il ne voulut jamais sauter à course. Le Roi sauta pour lui en donner la volonté, en fit sauter plusieurs. M. de Souvré le menace du fouet, il répond qu'il aime mieux l'avoir que de sauter. Cela offensa le Roi, qui commanda qu'il le fût. Ramené en son cabinet avec protestation de vouloir sauter. Fouetté de trois coups de verge, ce fut la première fois, il dit: Ce n'est rien; il ne m'a pas fait mal. A neuf heures il va chez le Roi, où quelques-uns de ses petits gentilshommes se préparent de jouer quelques vers de la Bradamante[593] devant le Roi; il avoit sept vers à dire de Charlemagne. A dix heures ils vont à la chambre de la Reine, et en présence de LL. MM. ils jouèrent; il dit: J'ai oublié mon rolet.

Le 28, mardi.—A neuf heures il va dire adieu à la Reine, qui partoit pour aller à Paris; le Roi étoit parti à six heures. Le soir il envoie querir la musique de M. de Bouillon; c'étoit un luth, un clavecin et une viole par un nommé Pradel, excellent joueur s'il en fut jamais.

Le 29, mercredi.—Il s'amuse à écrire des devises et à peindre les corps[594].

Avr
1609

Le 30 avril, jeudi.—Mené sur la route de Moret, où il chasse au blaireau. Il étudie et apprend à décliner son nom en latin jusqu'à l'ablatif.

Le 1er mai, vendredi, à Fontainebleau.—Il étoit botté pour aller à la chasse, il se prit à pleuvoir: C'est, dit-il, un grand cas; il pleut toujours quand je me botte, je voudrois bien savoir d'où vient cela. Il est amusé par certaine musique ambulatoire[595].

Le 2, samedi.—Son précepteur M. Des Yveteaux lui ayant demandé que c'étoit à dire en françois: Discite justitiam moniti et non temnere divos, il répond: Je ne sçais. M. Des Yveteaux reprit: «C'est-à-dire, soyez avertis à apprendre à faire justice et à ne craindre point Dieu.» Je veux croire[596] que ce fut par mégarde.

Le 5, lundi.—En buvant il regardoit deçà et delà; M. de Souvré lui dit qu'il faut regarder dans le verre, et le lui montroit avec deux doigts; le Dauphin ayant bu, lui fait les cornes. M. de Souvré lui dit: «Comment, Monsieur, vous me faites les cornes?»—Quand on fait les cornes, il les faut rendre; c'étoit un de ses plus grands déplaisirs quand on les lui faisoit, et l'une de ses plus grandes vengeances. Le long du dîner il s'entretient de la chasse avec maître Martin, qui avoit les chiens d'Artois. Le sieur Angé lui voulut faire quelque conte, il dit: Ho! ce sont contes de la cigogne.—«Monsieur, vous ne les croyez donc pas?»—Je ne suis pas de ceux là. Je lui demande: «Monsieur, qu'est-ce des contes de la cigogne?» il répond: Quand on veut faire craire quelque chose qui n'est pas vraie.

Le 8, vendredi.—Il s'amuse à peindre un carrosse à six chevaux, avec l'encre et la plume[597].

Le 9, samedi.—A dîner il raille avec M. le Chevalier Mai
1609
et avec M. de Verneuil, dit à M. de Verneuil qu'il donnera la bénédiction à M. le Chevalier quand il ira à Malte. A souper on lui sert des maquereaux pour la première fois; il demande: Qu'est cela? on lui répond: «Monsieur, ce sont des maquereaux»; il ouvre la gueule au poisson et, lui battant la tête: Fi! le vilain! ôtez, ôtez-moi ces vilains!

Le 11 mai, lundi, à Fontainebleau.—Le matin il fait ouvrir les fenêtres et souffle en l'air, disant qu'il envoie toutes ses opiniâtretés au comte de la Voute, qui étoit logé au pavillon du bout du jardin du Tibre.

Le 13, mercredi.—A dix heures il entre en carrosse, va par Moret (ce fut la première fois); on lui porte les clefs de la ville; il la traverse, et va dîner à Ravannes, maison du jeune Loménie. Il revient par Moret, où M. de Moret, âgé de deux ans, le vient saluer, arrive à Fontainebleau, où, sans descendre de carrosse il est mené en la forêt, au devant du Roi, qui couroit le cerf, revenant de Paris. La Reine arriva à neuf heures.

Le 16, samedi.—L'on prend un chaton de diamants qui étoit sur un cordon de chapeau, pour le lui mettre pour enseigne; quelqu'un dit que M. de Sully lui en bailleroit un de deux mille écus: Ha! oui, dit le Dauphin, et il n'a pas voulu payer mes chevaux de chariot! il le disoit en colère sans le montrer; il n'aimoit pas à être refusé.

Le 18, lundi.—Déjeuné en s'amusant à faire lire et interpréter au sieur Des Yveteaux certaines devises qui étoient dans un petit livre appartenant à M. de Souvré; il y en avoit une de l'hermine, qui aimoit mieux se laisser prendre que de se souiller: Celle-là est belle! dit-il.

Le 19, mardi.—A souper M. de Vilaines, gentilhomme servant, lui demanda s'il lui plaisoit du vin ou de la tisane, il lui répond: Duquel que vous aimerez le mieux; il lui sert de la tisane, et ayant bu il lui dit: J'ai bu de celui que vous aimez le moins.

Le 21, jeudi.—A midi, dîné avec le Roi; il s'amuse Mai
1609
à écouter maître Guillaume[598], et rit de ce que le Roi lui ayant demandé de qui il pensoit que Monseigneur le Dauphin fût fils, il lui répondit: «D'un président de Paris.»

Le 26 mai, mardi.—Goûté hâtivement pour aller à la chasse, il dit à M. de Souvré: Mousseu de Souvré, dites s'il vous plaît à ma mère qu'il y a cinq jours que je ne suis point monté à cheval; en vérité il y a cinq jours! Il commande que ses bottes fussent mises dans le carrosse, va chez la Reine, est mené en carrosse pour aller au devant du Roi, qui couroit le cerf, voit passer le cerf et se trouve à la mort.

Le 1er juin, lundi, à Fontainebleau.—Mis au lit, il me donne son bras et me dit: Regardez le petit oiseau avant de vous en aller; c'étoit son pouls. Il me donna congé pour aller à Vaugrigneuse[599].

Le 18, jeudi.—Mené à la chapelle, puis chez LL. MM.; il va avec eux à la procession et au sermon.

Le 24, mercredi.—Il étudie au catéchisme. Après souper il est mené chez LL. MM., puis se va jouer à la galerie, où il bat un des laquais à coups de raquette, parce qu'il avoit accompagné M. de Souvré allant au bourg; ramené en pleurant de peur du fouet, que le Roi avoit commandé de lui donner. Mis au lit, il ne veut point dormir que M. de Souvré ne l'aye assuré qu'il n'auroit point le fouet.

Le 25, jeudi.—M. de Souvré lui fait la peur entière du fouet jusques à l'exécution, suivant la grâce qu'il en avoit demandée au Roi. Mené à la messe chez LL. MM., où il se jette à genoux devant la Reine, demandant pardon de la faute du jour précédent, et peu après en fait autant au Roi, qui arriva en la chambre de la Reine, laquelle rougit lorsque Monseigneur le Dauphin se jeta à Juin
1609
genoux devant elle, et n'écoutoit point ce que M. de Souvré lui disoit. Soupé avec le Roi; mené au jardin promener, il demande permission au Roi de cueillir et faire deux bouquets, l'un pour la Reine et l'autre pour Mlle de Fonlebon, l'une des filles de la Reine, sa maîtresse; il en étoit amoureux. S'en retournant il demande congé d'aller chez les filles de la Reine, donne le bouquet à sa maîtresse, et la baise quatre fois, serré et gaiement; puis va chez la Reine, et lui donne l'autre bouquet, fait de lys blancs et autres fleurs, se met à chanter plusieurs chansons en concert, devant LL. MM.

Le 26, vendredi.—M. le maréchal d'Ornano[600], qui ne l'avoit jamais vu, lui fait la révérence, la larme à l'œil.

Le 28 juin, dimanche.—M. [le prince] et Mme la princesse de Condé, fille de M. le connétable, arrivent. Piedro Guichardini, ambassadeur du nouveau grand-duc de Toscane[601], lui apporte des lettres de sa part, de son frère et de la Grande-Duchesse.

Le 2 juillet, jeudi, à Fontainebleau.—A une heure il va trouver le Roi, qui le mène au conseil, où il alloit pour entendre les avis divers qui se proposoient par diverses personnes, sur le fait et changement des monnoies; le Roi le tenoit entre ses jambes; la Reine aussi y assista. C'est la première fois qu'il a été au conseil.

Le 4, samedi.—Mené à la messe, puis à la grande galerie pour voir le Roi, qui couroit la bague; il l'emporta une fois. Les dames étoient aux fenêtres d'en haut du pavillon, et entre les autres Mme la princesse de Condé.

Le 5, dimanche.—Il va en la grande galerie pour voir le Roi courant la bague, qui de cinq courses fit trois dedans. Après souper il va chez LL. MM., et, du corridor, regarde le Roi, qui étoit en la cour prenant plaisir Juil
1609
à jeter des fusées; mené au bal, où il dansa gaiement. M. de Vendôme fut épousé[602] entre une heure et deux heures après minuit. Mme de Mercœur envoya au Dauphin une petite chaîne de chiffres d'or où pendoit un Hercule enrichi de petits diamants, et, à la base au-dessous, étoient écrits ces mots: La grandeur de ton père et la vertu te font plus grand qu'Hercule.

Le 6, lundi, à Fontainebleau.—A déjeûner il hume trois cuillerées de bouillon pour l'amour de Mme la princesse de Condé et deux pour Mlle de Fonlebon, sa maîtresse[603]. Après souper il va chez le Roi, le regarde jetant des fusées, puis monte en la chambre de Mme la princesse de Condé; il en étoit piqué.

Le 7, mardi.—A cinq heures il accompagne, en la chapelle basse, le Roi, qui conduisoit Mlle de Mercœur pour épouser; M. de Gondi, évêque de Paris, l'épousa à M. de Vendôme, fils naturel du Roi. Soupé à six heures et demie en la salle du cheval, où se faisoit le festin royal, les princes servant, puis il va à la salle du bal, où se dansa le grand bal; il conduisoit la Reine.

Le 8, mercredi.—Il s'amuse à faire copier une chanson d'amour et à marquer la note de l'air. Mené chez LL. MM., et à cinq heures à la grande galerie, d'où il voit le Roi courant la bague. A six heures et demie soupé, puis mené chez LL. MM., il va à onze heures avec eux en la salle du cheval, où il a vu danser le ballet des preneurs d'amour avec des faucons, des furets et par des pêcheurs, etc., de l'invention du sieur de Bonières. Ramené à une heure et demie après minuit.

Le 11, samedi.—A neuf heures étudié; M. Des Yveteaux le tenoit entre ses jambes, à la vue de M. de Souvré et de Mme de Saint-Luc; écrit, dansé, tiré des armes.

Juil
1609

Le 12, dimanche, à Fontainebleau.—Mené à la chapelle, puis en la grande galerie, d'où il voit le Roi courant la bague. Avant de se coucher il compose et écrit des vers amoureux, marque la note de l'air; son précepteur[604] l'aide à achever, y ajoute des vers.

Le 13, lundi.—A dîner, il raille avec un fol normand, nommé Des Vietes, qui faisoit du mauvais latin.

Le 14, mardi, voyage.—Il part de Fontainebleau, dîne à Melun, arrive pour la première fois à Brie-Comte-Robert à quatre heures; goûté au château, racoustré par M. Gobelin, président des Comptes. Après souper il est mené promener à Panfou, maison de M. le chancelier[605], se joue sur un meulon de foin, l'assaut, le défend, se roule du haut en bas, sue, change de chemise. Ramené à Brie; ses bagages n'étoient point arrivés, son chariot s'étoit rompu par deux fois, ils n'arrivèrent qu'à onze heures. A neuf heures et demie il est dévêtu, mis au lit; c'étoit le lit de M. Gobelin et de ses draps. Il demanda: Le Roi mon père a t'y couché ici? On lui dit que oui, car il eût fait difficulté d'y coucher. Il se met à vouloir des vers, et me dit: Mousseu Hérouard, mettez cette prose en vers: «Je veux que ceux qui m'aiment m'aiment longtemps; car s'ils ne m'aiment point qu'ils me quittent demain». Il me presse de les faire tout à l'heure; je les lui fais ainsi:

Je veux que tous ceux-là qui de m'aimer desirent,
Que ce soit pour toujours ou bien qu'ils se retirent.

Il me dit: Je vous en veux donner une autre prose; c'est cette-ci: «Je veux que toutes mes actions ayent leur fondement sur la vertu». Apportez-le moi demain matin en vers.

Le 15, mercredi, voyage.—Éveillé à huit heures, il me demande les vers avec impatience; je me veux excuser, il me presse, je les lui baille ainsi:

Juil
1609

Je consacre mes actions
Et toutes mes affections
A la vertu pour fondement unique,
Afin que par tout l'univers,
En renommée magnifique,
Mon nom soit immortel en tous âges divers.

Il voulut se les faire écrire pour leçon. Mené à l'église, il entre à neuf heures en carrosse, arrive à onze heures et un quart à Creteil pour la première fois, dîne en la maison de M. Mangot[606]. Parti à trois heures en carrosse, il monte à cheval au petit Saint-Antoine, et ses petits gentilshommes marchent devant lui, deux à deux, selon l'ordre de leur arrivée auprès de lui; les premiers furent M. de Liancourt et M. le comte de la Voute. Il arrive au Louvre à cinq heures, voit le Roi, qui étoit arrivé par eau une heure auparavant; la Reine arrive à huit heures.

Le 16, jeudi, au Louvre.—Étudié, écrit, dansé, tiré des armes, joué à la paume; il change de chemise, étant forcé par M. de Souvré, qui le frappe du gant; il s'en pique étrangement. M. de Souvré lui remontre, et lui disant qu'il ne veut rien faire ne croire de tout ce qu'il lui dit, il lui répond en colère: Non, je crois pas tout ce que vous me dites ne ce que vous me direz.

Le 17, vendredi.—Éveillé à six heures et demie; il feint de dormir, de peur de châtiment, se ressouvenant de la colère qu'il avoit eue contre M. de Souvré; on regarde en son lit, on le trouve pleurant; M. de Souvré lui remontre; il se repent.

Le 18, samedi.—Mené aux Tuileries par la galerie, il entend la messe aux Capucins. A quatre heures mené en carrosse au jeu de paume de Verdelet, à la rue Plâtrière, il y a joué.

Juil
1609

Le 19 juillet, dimanche.—M. le maréchal d'Ornano lui donne un poignard de sultane, garni de rubis.

Le 20, lundi.—A neuf heures il entre en carrosse pour aller à Saint-Germain-en-Laye, par le port de Neuilly et la chaussée, y arrive à midi et fait bonne chère à Messieurs, ses frères, et Mesdames, ses sœurs. A six heures le Roi revient de la chasse.

Le 21, mardi.—Dîné avec le Roi; à quatre heures il entre en carrosse, et, par les bacs, arrive à Paris à six heures et un quart.

Le 22, mercredi, au Louvre.—A quatre heures et demie il entre en carrosse avec le Roi, qui le mène baigner en la rivière, au-dessous de Conflans, à l'île gauloise (ce fut la première fois); il se y met sans crainte, en gagne une discrétion à M. de Bellegarde, grand écuyer, qui gagea le contraire contre lui. Le Roi lui versoit de l'eau sur la tête à pleins chapeaux, M. de Paistry lui montroit à nager, le conduisoit, le tenoit sous le menton. Il lui prend envie de plonger, il but; il y est une demi-heure. Ressuyé, ramené en son carrosse; à huit heures soupé; il me fait l'honneur de me raconter son voyage et comme il s'étoit baigné, me dit qu'il n'avoit point voulu pisser en l'eau, de peur qu'il ne le bût mêlé dans l'eau, mais que le Roi son père y avoit pissé.

Le 27, lundi.—A trois heures il entre en carrosse, est mené à Saint-Denis pour la première fois; il donne de l'eau bénite à la feue Reine, mère du feu Roi, que, depuis quatre mois, Mme d'Angoulême avoit fait porter de Blois pour la faire ensevelir[607]; il voit le trésor. Ramené à sept heures, soupé; il se ressouvient et me raconte qu'il a vu à Saint-Denis l'épée de Jehanne la Pucelle, veut Juil
1609
savoir qui elle étoit, ce qu'elle fit, ce qu'elle devint; il dit qu'il y a six Louis enterrés, parle des sépultures, de celle du roi Louis et de son petit qui n'avoit que deux mois[608] et autres choses.

Le 29, mercredi.—Mené en carrosse au faubourg Saint-Germain, au clos de l'hôtel de Luxembourg, il y fait courir deux lièvres par ses petits chiens d'Artois.

Le 31, vendredi.—A midi, dîné, étudié; sa nourrice vient, qui lui dit qu'il faut bien étudier trois ou quatre ans et qu'après il n'étudiera plus; il lui répond: Ho! non, plus je serai vieux et plus j'aurai besoin d'apprendre.

Le 1er août, samedi, au Louvre.—Mené en carrosse à l'hôpital des pestiférés, qui se bâtissoit près de Montfaucon[609].

Le 3, lundi.—A midi dîné, mené chez le Roi, puis à l'Arsenal, où il a goûté et mangé beaucoup de prunes, que M. de Sully a secouées lui-même de l'arbre.

Le 7, vendredi.—Il va voir la reine Marguerite à deux heures, puis part pour aller à Saint-Maur[610], arrive au petit Saint-Antoine, en l'abbaye, où il a goûté, passe par le bois de Vincennes et arrive à six heures à Saint-Maur-des-Fossés.

Août
1609

Le 9, dimanche, à Saint-Maur.—Il est mené à la messe au village, puis se promener par des jardins du bourg; il s'amuse à abattre des noix avec une balle, à coups de raquette, mange des cerneaux sucrés des noix qu'il avoit abattues. A deux heures mené en carrosse à la chasse au lièvre: il en prend deux vers Champigny; il faisoit un extrême chaud.

Le 11, mardi.—Il fait chanter et chante en concert des chansons d'amour; mis au lit, il fait encore chanter Laudate en concert de voix, d'un luth et d'une mandore.

Le 12, mercredi.—Il est mené à la messe en l'abbaye, puis va vers le moulin mettre ses chiens en l'eau après une oie. A quatre heures mené à pied au jardin de M. Le Voy.

Le 13, jeudi.—A deux heures il entre en carrosse, va au Plessis-Saint-Antoine, maison de M. de Pluvinel; il faisoit grand chaud.

Le 14, vendredi.—Il va au-devant de la reine Marguerite, l'a longtemps accompagnée.

Le 15, samedi.—Mené à la messe au bois de Vincennes, il y fait ôter le comte d'Alais d'auprès de M. de Verneuil, l'ayant commandé à M. de Pons, précepteur de M. de Verneuil.

Le 21, vendredi.—Mené à la messe aux Bonshommes du bois de Vincennes; Mme la princesse douairière de Condé et Mme la duchesse de Vendôme le viennent voir.

Le 23, dimanche.—Il est mené à la messe, puis entre en carrosse pour aller à Breban, maison de M. de Mareuil du Val, y a dîné; il faisoit une extrême chaleur.

Le 25, mardi.—Goûté et fait la collation pour la fête Saint-Louis; après souper il attend avec impatience un ballet fait par huit des siens; c'étoient des sauvages; il le fait danser deux fois.

Le 26, mercredi.—M. de Vendôme arrive, qui venoit prendre congé de lui pour aller tenir les états de Bretagne Août
1609
à Nantes; mené en carrosse à la chasse, M. de Vendôme avec lui.

Le 27, jeudi, à Saint-Maur.—Il avoit un chien nommé Pataut, le plus ancien, qu'il souloit avoir à Saint-Germain, et qu'il aimoit et avoit toujours aimé. M. de Souvré lui disoit: «Monsieur, vous avez trop de chiens; il en faut ôter de ceux qui ne valent rien, et sont trop vieux comme Pataut».—Pataut, mousseu de Souvré, ho! non, je veux nourrir les vieux.—Il se met à inventer un ballet, fait les vers, dit: Velà pour donner, et ceux là pour chanter.

Le 28, vendredi.—Il n'étudie point, pour ce que son précepteur étoit allé à Paris; botté, il monte à cheval, va jusques à Chenevières à la chasse du lièvre, avec sa meute de petits chiens courants, donnés par le prince de Galles et que M. de Vitry avoit amenés.—Il s'amuse à peindre avec l'encre et la plume.

Le 29, samedi.—Mené à Champs, maison de M. Faure, maître d'hôtel du Roi et beau-frère de M. le chancelier.

Le 30, dimanche.—Il est vêtu de chausses rondes à bas à attacher, l'habillement de satin gris et passement d'or (c'est la première fois pour le bas attaché). Il monte à cheval, est mené à la messe aux Minimes du bois de Vincennes.

Le 31, lundi.—Il s'amuse à peindre avec la plume. M. de Souvré lui parle d'aller dîner à Champs; il déclame contre le chemin: C'est le plus mauvais chemin du monde. Je lui dis que si M. Faure, qui en est le maître, eût su qu'il y fût allé l'autre jour, il y eût trouvé une belle collation, et qu'il m'avoit prié de l'en avertir, et s'il y vouloit retourner qu'il la y trouveroit.—Ho! non, il y a trop mauvais chemin, j'aime mieux mes chevaux qu'une collation. M. de Souvré lui demande s'il veut pas que son carrosse soit attelé de mules.—Ho! non, cela est bon pour dom Piedro de Toledo.

Le 1er septembre, mardi, à Saint-Maur.—Mené au-devant du Roi, qui revenoit de Monceaux; le Roi arrive à Sept
1609
Saint-Maur à cinq heures et un quart; soupé avec le Roi à six heures et demie; le Roi part à sept heures trois quarts pour aller à Paris.

Le 2, mercredi, à Saint-Maur.—A trois heures il entre en carrosse, et va jusques à Plaisance au-devant de la Reine, qui de Monceaux alloit à Paris; elle le fait mettre en sa litière[611], jusques auprès du parc de Vincennes; il est ramené à Saint-Maur à sept heures et demie.

Le 5, samedi.—Il se joue à tirer par le cordage un petit canon donné par feu M. de Lorraine, y met ses petits gentilshommes deux à deux; il se met au premier rang, va ainsi de chambre en chambre.

Le 6, dimanche.—Il monte à cheval, passe l'eau au bac de Créteil et va dîner à Brevannes; à trois heures il monte à cheval, est mené à Maisons, où il a goûté. Ramené à six heures et un quart, il se va jouer au parc, à un petit fort qu'il faisoit défendre et assaillir.

Le 7, lundi.—Il étudie sur un billet que son précepteur avoit laissé du samedi pour aller se jouer à Paris[612].

Le 8, mardi.—Il étudie un compliment que M. de Souvré lui apprit pour dire à l'ambassadeur du marquis de Brandebourg, qui devoit venir le saluer sur l'après-dînée. A une heure et demie arrive l'ambassadeur du marquis de Brandebourg devers le Roi, pour lui demander son assistance contre les Espagnols, qui s'étoient saisis de Clèves, où il prétendoit par succession[613]; il dit au Dauphin avoir commandement de son maître de le venir saluer de sa part et de lui offrir son service. Je me sens obligé à monsieur l'Électeur de la souvenance qu'il a de moi, répond le Dauphin, et il demeure court. L'ambassadeur Sept
1609
lui présente un pied d'élan et un échiquier, où les carrés étoient d'ambre jaune et au-dessus les rois de France en ivoire, lui disant que c'étoient des présents du pays; le Dauphin reprend le reste de son discours et lui dit: Je serai très-aise quand il s'offrira quelque occasion où je le puisse servir.

Le 9, mercredi, à Saint-Maur.—Son précepteur revient de Paris; étudié, écrit, tiré des armes, dansé, mené à la messe en l'abbaye, puis sur le bord de la rivière, où il fait faire un fort, y travaille lui-même. Il joue aux dames au damier du marquis de Brandebourg, fait un ballet sur la Bergamasque et un autre tout à l'heure, qu'il appelle des lièvres, couvrant sa tête d'un mouchoir qui faisoit deux cornes pour les oreilles.

Le 11, vendredi.—A onze heures et demie il part pour aller à Chaillot, pour y voir M. d'Anjou et Mesdames; M. d'Orléans étoit demeuré à Saint-Germain, il se trouvoit mal du flux de ventre. Le Dauphin passe par le parc de Vincennes et autour de Paris par dehors[614], arrive à une heure à Chaillot, à trois heures y a goûté, se promène au parc, y mène Madame, leur raconte ce qu'il a fait à Saint-Maur. Le Roi et la Reine y arrivent. A quatre heures et un quart il entre en carrosse, est ramené coucher à Saint-Maur, y arrive à sept heures.

Le 13, dimanche.—Il entre en carrosse, va ouïr la messe à Picpus[615], puis à dix heures et un quart arrive à Paris, au Louvre; mandé pour dîner avec LL. MM., qui Sept
1609
avoient aussi mandé M. d'Anjou et Mesdames. Il retourne et arrive à Saint-Maur à six heures et demie.

Le 16, mercredi, à Saint-Maur.—On lui demande s'il aime mieux aller à Fontainebleau, ou demeurer à Saint-Maur; il répond: Si papa va à Fontainebleau, j'aime mieux y aller, s'il demeure à Paris j'aime mieux être ici. L'on parloit de Scœvole, qui brûla sa main pour avoir failli à tuer le roi Porsenna, le Dauphin dit: Il valoit mieux qu'il eût brûlé sa tête, qui avoit si mal conseillé sa main[616].

Le 17, jeudi.—Mené à Charenton et par delà du pont, en une maison qui est sur la pointe du chemin de Brie et de Villeneuve.

Le 21, lundi, à Saint-Maur.—Étudié par billets; son précepteur étoit absent depuis le samedi après dîner. Mme de Montglat vient voir le Dauphin; il la mène promener au palemail.

Le 23, mercredi, voyage.—Il part en carrosse à onze heures trois quarts pour Fontainebleau, passe au bac de Chenevières sur la chaussée d'Amboile, et arrive à trois heures et demie à Brie.

Le 24, jeudi.—Il part de Brie à huit heures trois quarts, arrive à onze heures et un quart à Melun, y dîne et arrive à Fontainebleau à trois heures et demie. Il va chez la Reine; le Roi, qui étoit à la chasse, arrive à quatre heures et demie; mené avec LL. MM. au grand jardin, où il voit pêcher un cormoran aux canaux.

Le 25, vendredi, à Fontainebleau.—Il étudie un petit compliment pour un seigneur florentin, où il y avoit: Monsieur, je vous remercie qu'avez prins la peine, etc.; il demande à M. de Souvré, qui l'avoit fait: Qu'avez? qu'est-ce Sept
1609
qu'avez?
jugeant qu'il falloit dire que vous avez. Le Florentin arrive; il ne le sut pas bien dire; étant parti, M. de Souvré le tance, il se fâche; M. de Souvré le menace du fouet, puis de le dire au Roi. Là-dessus viennent les larmes et les prières: J'aime mieux être fouetté et le dites pas au Roi mon père; il lui est pardonné. Il étudie un billet que son précepteur avoit laissé dès le samedi précédent pour leçon: Experientia in tractatu rerum consistit. Écrit, tiré des armes, dansé, mené à la chapelle, puis au jardin des canaux pour y voir le cormoran prendre du poisson. Ramené à onze heures chez la Reine; à une heure et demie, lu en l'absence de son précepteur.

Le 27, dimanche, à Fontainebleau.—Il apprend le catéchisme; c'étoit une fois seulement au dimanche. Mené à la chapelle de la salle du bal, puis chez le Roi, qui le mène promener et faire à pied le tour du grand canal. Dîné avec le Roi; peu après il va en la chambre du Roi, où M. de Lesdiguières a été reçu et a prêté le serment de maréchal de France. A huit heures soupé chez M. Zamet, pour solenniser le jour de sa naissance[617]; le Roi boit au Dauphin, disant: «Je prie Dieu que d'ici à vingt ans je vous puisse donner le fouet!»[618] Le Dauphin lui répond: Pas, s'il vous plaît.—«Comment! vous ne voudriez pas, que je le vous puisse donner?»—Pas, s'il vous plaît. Ramené à neuf heures en la chambre du Roi, il s'amuse à écouter la musique.

Le 28, lundi.—A six heures et demie, en sa chambre, soupé. Le Roi arrive de la chasse, il y est conduit, se blesse au côté extérieur du pied gauche, à l'éperon de son huissier, qui portoit les flambeaux devant lui.

Le 29, mardi.—A trois heures et un quart goûté; il attend l'ambassadeur d'Angleterre, qui devoit prendre congé de lui, ce pendant apprend par cœur ce compliment, Sept
1609
dressé par M. de Souvré: Je vous prie de dire au roi et à la roine de la Grande-Bretagne, et à monsieur le prince de Galles, que je suis désireux de l'honneur de leurs bonnes grâces. Il attend jusques à six heures, il ne vint point. Arrive M. Jacob, ambassadeur extraordinaire de M. de Savoie, qui vient prendre congé de lui; M. de Souvré fait la réponse.

Le 1er octobre, jeudi, à Fontainebleau.—L'ambassadrice d'Angleterre vient prendre congé de lui; il la baise et ses deux filles, embrasse son fils. Elle prie M. de Souvré de lui permettre qu'il mesure sa hauteur à celle de Mgr le Dauphin; il avoit neuf ans. Mgr le Dauphin se trouva plus grand de deux doigts.—Il va au jeu de paume, où il joue en partie.

Le 3, samedi.—Dîné avec impatience pour ce qu'il devoit aller à la chasse; à midi il entre en carrosse, est mené à Fontaineport, où il passe la rivière; il avoit lui-même ordonné de ses relais à se tenir delà l'eau. Il monte à cheval sur l'une de ses petites haquenées, va au bois (c'étoit le buisson de Massory), brosse[619] à travers le bois, en est transporté de joie, dit à chacun: Voyez! je brosse, je brosse! C'est la première fois qu'il a brossé. Puis il va sur les routes, voit deux fois le cerf. Arrivé à six heures trois quarts, soupé avec le Roi; il étoit las et avoit la vue abattue; le Roi lui dit que s'il dormoit il ne iroit plus à la chasse avec lui, et lui de s'éveiller.

Le 4, dimanche.—Il écrit au prince de Galles:

Monsieur et frere, j'ay receu à faveur la souvenance que vous avés eue de moy, qui serai tousjours tres desireux de vous tesmoigner combien j'estime la continuation de vostre bonne grace par tout ce que peut

Votre tres affectionné frere à vous servir,

Louis.

A monsieur le prince de Galles, mon frère.

Oct
1609

Il écrit à la reine d'Angleterre:

Madame j'ay en trop d'estime l'honneur de vostre amitié pour négliger sans me y ramentevoir et vous asseurer de l'entiere affection à vostre service en tout ce qu'il vous plaira m'en recognoistre digne, estant, Madame ma tante,

Vostre affectionné nepveu à vous faire service,

Louis.

A la roine de la Grande Bretagne madame ma tante.

Ces lettres furent données à l'ambassadeur, qui s'en retournoit.

Le 5, lundi, à Fontainebleau.—Il étudie sous M. de Chaumont en l'absence de son précepteur; écrit, tiré des armes, dansé. Tout durant son dîner il s'entretient des chiens avec maître Martin, qui avoit les chiens d'Artois, et d'oiseaux avec M. de Marsilly, maître d'hôtel du Roi, sait juger des plus beaux, demande leur âge, leurs noms et ce qu'ils savent faire.

Le 10, samedi.—M. de Souvré lui met sa robe, disant: «Monsieur, allons étudier; vous voilà maintenant habillé en docteur.»—Oui, dit-il, docteur de la Palestine; et il jette sa robe à terre.

Le 12, lundi.—Mené à la chapelle, puis au grand canal pour y voir une petite galère qui avoit été faite pour l'y mettre.

Le 16, vendredi.—Mené au grand canal; il se met dans la galère, conduit le gouvernail; le Roi y entre; il est toujours au gouvernail; il veut que ce soit sa charge. Ramené à six heures, soupé; il appelle son baladin: Satyre, et fait deux vers:

Je viens de la part d'un satyre
Pour savoir si vous voulez rire
.

Le 17, samedi.—Il étudie; M. le président Jeannin y assiste. Le soir il fait faire la musique d'un luth, d'un théorbe et d'une mandore, l'écoute avec transport.

Oct
1609

Le 23, vendredi.—M. le marquis de Tresnel, sieur de la Chapelle aux Ursins, lui demande lequel, de lui ou de M. de Verneuil, étoit le plus fouetté?—Ho! mousseu Dupont[620] est bien doux; mousseu de Souvré l'est pas tant. Mais savez-vous qu'il faudroit faire? il faudroit faire saler mousseu Dupont, et donner du sucre à mousseu de Souvré.

Le 24, samedi, à Fontainebleau.—Il va voir le Roi, qui part pour aller à Paris; puis prend congé de la Reine, laquelle part pour aller dîner à Ponthierry et coucher à Saint-Jean en l'Isle, et le lendemain à Paris pour y faire ses couches.

Le 25, dimanche, voyage.—Il s'amuse à aider à trousser ses bagages, va au jardin de Ferrare, fait donner l'assaut à un fort qu'il avoit fait faire. A douze heures et demie il entre en carrosse et part de Fontainebleau; au dehors de la forêt il monte à cheval, et va chassant au lièvre et à l'oiseau, va à l'abbaye du Lis (c'est la première fois), y a goûté, remonte à cheval et arrive à Melun à quatre heures et demie.

Le 26, lundi, voyage.—Mené à la messe à Saint-Père; il part de Melun à sept heures et demie et, par Loursine et la forêt de Sénart, arrive à Villeneuve-Saint-Georges à dix heures et demie. Après dîner il va sur le bord de l'eau, et dit à M. de Souvré: Mousseu de Souvré, voulez-vous bien que j'entre en ce petit bateau; venez je vous mènerai bien, je rame fort bien. M. de Souvré le lui permet; il y va aussi. Mgr le Dauphin prend une rame, vogue fort justement et monte dans la rivière d'Yères, y est assez longtemps. Revenu à terre il rentre en carrosse, accompagné de M. de Longueville, qui étoit venu à Villeneuve. Il arrive dans l'abbaye Saint-Antoine à trois heures et un quart, y a goûté; à quatre heures et demie il monte à cheval et, par la porte Saint-Antoine, arrive à cinq heures au Louvre. Il va voir la Reine; le Oct
1609
Roi revient de la ville; il le va voir, et a soupé avec lui.

Le 27 octobre, mardi, au Louvre.—Mené voir la reine Marguerite, ramené chez LL. MM.

Le 29, jeudi.—Il écrit une lettre à Mme la princesse de Condé, la qualifie sa maîtresse, lui envoyant une petite guenuche, et souscrit: Votre plus affectionné cousin et serviteur.Louis.

Le 30, vendredi.—Mené en carrosse à la boutique de l'Argenterie pour voir des étoffes; il en choisit une d'un bel incarnat, et fouette d'un mouchoir toutes les autres qui ne lui agréoient point.

Le 31, samedi.—Il va au dîner de la Reine, prend congé de la Reine et du Roi au jeu de paume, et entre en carrosse pour aller à Saint-Germain-en-Laye voir Messieurs, ses frères, et Mesdames, ses sœurs. Il s'en va à la laiterie de Madame, aide à faire le beurre, va chez le Roi, qui arriva à six heures, s'amuse à jouer aux cartes avec Mesdames.

Le 1er novembre, dimanche, à Saint-Germain.—Il va au lever du Roi, lui donne sa chemise; dîné avec le Roi. Il se botte pour accompagner le Roi, qui part après vêpres à deux heures et demie, va en la garenne chassant avec le Roi jusques auprès de Chatou. Ramené à Saint-Germain à quatre heures.

Le 2, lundi.—Il prend congé de Messieurs et de Mesdames, entre en carrosse jusques au port du Pecq, où il passe l'eau dans une flette[621], et en l'autre bord dit encore adieu à Mesdames, que Mme de Montglat y avoit envoyées. Il monte à cheval, et va, chassant la perdrix, jusques à Chatou, où il passe dans une flette jusques à l'autre bord, et à quatre heures trois quarts arrive à Paris, au Louvre. Il va chez la Reine; le Roi étoit allé dès le matin, ce disoit-on, vers Breteuil en Picardie.

Nov
1609

Le 6, vendredi, au Louvre.—Éveillé à deux heures, il se fait coucher auprès de M. de Souvré[622], ne fait que dormailler et avec quelque inquiétude jusques à cinq heures.—Il va en son cabinet, s'amuse à faire joûter des chevaliers françois contre des Espagnols sur une ligne artificielle qu'il tournoit avec un instrument fait en clef de pistolet. Mené promener à la Ville-l'Évêque, il y court dans le parc un lièvre; en revenant il se rencontre un vilain chien, le fait prendre pour le faire apporter chez lui, et dit que c'est un pauvre chien qui cerche maître.

Le 7, samedi.—Mené en carrosse à l'Arsenal, voir M. de Sully; il ne y vouloit pas aller, ne lui faire bonne chère[623], n'eût été que la Reine le lui commanda.

Le 9, lundi.—Le Roi arrive de Fontainebleau; le Dauphin se soulève sur sa chaire et ôte son chapeau, le saluant à travers les vitres.

Le 12, jeudi.—Mené à l'hôtel de Luxembourg, il court un lièvre dans le parc; mené chez le Roi, qui avoit la goutte.

Le 13, vendredi.—Étudié, écrit, tiré des armes, dansé; mené aux Feuillants, puis chez LL. MM. Ramené en sa chambre, où il fut fait son nouveau logis, tout en haut du vieux corps de logis qui regarde le septentrion. Mené en l'hôtel de Luxembourg, il y fait courir un lièvre; ramené, il passe chez la reine Marguerite, va chez le Roi, puis en sa chambre.

Le 14, samedi.—Mené en carrosse promener à la Place Royale.

Le 15, dimanche.—A deux heures après minuit[624] il est éveillé, dit-il, par les chapons qui étoient au-dessus Nov
1609
de sa chambre, où l'on les engraissoit pour la Reine; il se fait coucher auprès de M. de Souvré. Mené à la messe à la chapelle de la tour de la Salle (c'est la première fois).

Le 17, mardi, au Louvre.—Mené à la chasse à la plaine de Grenelle; au retour M. de Longueville l'accompagne jusques en sa chambre, et lui dit: «Monsieur, vous êtes fort bien logé maintenant, mais vous êtes bien haut monté!»—Il se retourne à M. de Souvré, disant froidement et en raillant: Mousseu de Souvré, c'est mousseu de Longueville qui n'est pas en haleine.

Le 18, mercredi.—Mené en carrosse chez M. de la Tour, au faubourg Saint-Jacques; il y court et prend dans le parc un lièvre que M. de Souvré y avoit fait apporter. Il va chez la Reine; le Roi étoit allé à la chasse à Saint-Germain-en-Laye.

Le 19, jeudi.—Étudié, écrit, tiré des armes, dansé[625], mené par la galerie aux Feuillants. Le Roi revient de Saint-Germain.

Le 20, vendredi.—Botté, mené en carrosse jusques au Roule, il monte à cheval et va courir un loup en la garenne de Madrid.

Le 21, samedi.—Mené en carrosse à l'hôtel de Mercœur, au faubourg Saint-Honoré; ramené, il va chez LL. MM. Avant que d'aller chez la Reine, il va en la chambre d'où il étoit délogé, et qui se réservoit pour l'enfant dont la Reine devoit accoucher. Il voit tendre l'ameublement, il accommode le berceau, y met les matelas, puis se couche dedans et son petit chien Vaillant auprès de lui, se fait bercer, puis monte à la chambre de la Reine[626].

Le 23, lundi.—Mené en carrosse à la rue Saint-Denis; Nov
1609
voir des étoffes de soie; ramené chez la Reine, puis chez le Roi.

Le 24, mardi.—On commence à lui montrer la carte géographique. Mené en carrosse à la rue des Bons-Enfants, à l'académie de M. Benjamin, écuyer du Roi.

Le 26, jeudi, au Louvre.—Mené en carrosse à l'Arsenal, ramené à cinq heures chez la Reine. Sur les sept à huit heures la Reine commença à sentir des douleurs pour accoucher; il y va, se tient en la chambre. La Reine étoit pour accoucher dans son grand cabinet, il demande au Roi: Mon père, vous plaît-il que j'entre au cabinet de la Reine ma mère?—«Non pas encore, attendez ici.»—Mon frère de Vendôme y est bien. Il ne lui fut pas permis. Ce fut un peu devant l'accouchement, les douleurs ne furent pas grandes ne fréquentes. Justement comme dix heures eurent sonné, sa tranchée la print dont elle accoucha aussitôt de Madame, sixième enfant de sa Majesté[627]. Il va peu après saluer la Reine, et puis au petit cabinet de Madame, sa sœur; lui maniant la main, il dit: Riez, riez, ma sœur, riez, riez, petite enfant; voyez comme elle me serre la main.

Le 27, vendredi.—Dîné avec impatience pour aller à la chasse au bois de Vincennes; il y vole, y court le lièvre, en prend quatre, ne veut pas que le Roi sache qu'il en ait pris qu'un[628].

Le 28, samedi.—Mené en carrosse chez M. le comte de Soissons.

Le 6 décembre, dimanche au Louvre.—Mené à la messe à sa petite chapelle, puis par la galerie aux Tuileries. Ramené chez lui, il fait jouer une comédie par ses petits gentilshommes.

Le 9, mercredi.—Il dit à Mme de Montglat, qui étoit Déc
1609
venue à son lever. «Mamanga, voulez-vous pas me voir étudier?—«Monsieur, j'en verrai le commencement, s'il vous plaît.»—Je ne fais bien qu'à la fin, lui dit-il pour l'engager à être tout du long de son étude. On lui parloit des vies des hommes illustres que l'on avoit écrites, il demande: N'écrira-t-on pas la mienne? A une heure et demie dîné avec le Roi; après souper il blémit, s'endort: je lui demande s'il se trouvoit mal.—Oui, là, dit-il en me montrant le côté droit du ventre; mais c'est que le Roi mon père m'a fait dîner avec lui; il étoit deux heures et j'avois faim.

Le 10, jeudi, au Louvre.—Mené en carrosse chez la reine Marguerite.

Le 11, vendredi.—Mené en carrosse chez Mme d'Angoulême.

Le 12, samedi.—M. de la Boissière récitoit une histoire du grand Gonzalve étant à Barlette; il demeura court. Le Dauphin lui dit: Achevez, ce n'est pas tout.—«Monsieur, pardonnez-moi.»—Ho! non, le sens n'est pas parfait; il écoutoit, selon sa coutume, fort attentivement. Mené en carrosse au jeu de paume du Verdelet.

Le 13, dimanche.—Mené à la petite chapelle, puis chez le Roi et par la galerie aux Tuileries, puis à onze heures trois quarts mené en carrosse par le Roi chez M. de Roquelaure, où il alloit dîner pour le jour de sa nativité[629]; le Dauphin y mange trois cornets d'oublies trempés dans du muscat pur; il dit qu'il est aigre, pource qu'il piquoit, en veut boire trempé d'eau; le Roi ne le veut pas permettre.

Le 15, mardi.—Mené en carrosse au faubourg Saint-Victor, au jardin du sieur de la Tour; il y court des lièvres, y a goûté; ramené chez la Reine, puis chez lui, il s'amuse à jouer au sabot.

Déc
1609

Le 17, jeudi, au Louvre.—Mené en carrosse chez M. le comte de Soissons, ramené chez la Reine, où il s'amuse à de petits amusements.

Le 18, vendredi.—Il s'aperçoit que M. de Souvré alloit prendre du vin pour déjeûner; il saute de sa chaise, y va pour en avoir et âprement, ne veut permettre que M. de Souvré en boive s'il ne lui en permet[630]. M. de Souvré n'en veut point; Mgr le Dauphin se doutant qu'il en prendroit après, commande à son sommelier de s'en aller, le guette s'il emportoit la bouteille au vin, puis entre en son étude.

Le 20, dimanche.—Mené chez le Roi, qui avoit pris médecine, puis par la galerie aux Feuillants; ramené par le même chemin chez LL. MM., puis chez lui; mené en carrosse aux Chartreux, où il a goûté.

Le 21, lundi.—Mené en carrosse chez la reine Marguerite, où il se joue au jardin, danse au bal, écoute la musique. A six heures et demie soupé; il s'amuse à écouter des mauvais contes de La Clavelle[631] et autres, dont il sembloit que son esprit s'amollissoit; il y prenoit plaisir.

Le 22, mardi.—Mené chez la Reine, mandé par elle pour lui avoir été dit que son bégayement[632] procédoit pour avoir encore le filet; il fut jugé qu'il n'en avoit pas besoin; il craignoit qu'on lui voulût couper la langue quand on la lui faisoit tirer; il dit: Comment! me Déc
1609
la veut-on couper?
et commençoit d'en pleurer.—En soupant il s'amuse à voir faire des sauts de souplesse merveilleux à une petite fille âgée de cinq ans et à la voir danser.—Les sieurs de Chalais et de Pouillay s'étoient battus au cabinet du Roi; S. M. commande à M. de Souvré que Pouillay ait le fouet comme ayant jugé qu'il avoit le tort. Mme de Montglat est priée par Pouillay de supplier Mgr le Dauphin de supplier le Roi pour lui pardonner; il entre en colère, la repousse avec la main avec ces paroles: Allez-vous-en! quoi! vous voulez que je prie pour Pouillay le Roi mon père, et il a commandé qu'il eût le fouet! Il se mettoit en colère contre tous ceux qui lui en parloient à sa recommandation, et ne put être vaincu. Il aimoit plus Chalais que l'autre[633].

Le 25, vendredi, jour de Noël, au Louvre.—Mené chez le Roi, qui, à une heure et demie, le mène à Saint-Gervais au sermon du P. Gontier, jésuite.

Le 26, samedi.—Mené à vêpres à Saint-Germain-de-l'Auxerrois, puis goûté chez Mme de Souvré, logée au doyenné. Joué en son cabinet, avec ses petits gentilshommes, à croix et à pile, comme le Roi, à trois dés: Tope, masse.

Le 28, lundi.—Il écrit en son cabinet, dans la tour, cette lettre à M. le prince de Galles:

Monsieur et frère, le Roy mon seigneur et père envoyant le sieur de la Boderie vers le Roy de la Grande-Bretagne, je l'ay voulu charger de ce mot qui vous servira d'asseuré tesmoignage de mon amitié, de laquelle vous devés faire estat aussi certain que de chose qui vous est entierement acquise, desirant que vous me teniez pour

Vostre plus affectionné frère à vous servir,

Louis.

Le 29, mardi.—Il écrit au roi d'Angleterre cette Déc
1609
lettre, minutée par M. Lebeauclerc, son secrétaire; c'est la première lettre qu'il lui a écrite.

Sire, le sieur de la Boderie retournant par le commandement du Roy, mon seigneur et père, vers Vostre Majesté, je l'ay voulu charger de ce mot pour vous offrir mon service, duquel il vous asseurera plus particulièrement, me contentant de vous dire que je veux demeurer, Sire, vostre, etc.

Mené chez le Roi, joué, couru en la galerie. En attendant son souper, il écrit la lettre suivante à la reine d'Angleterre, minutée par M. Lebeauclerc:

Madame, je n'ay point voulu perdre l'occasion du voyage du sieur de la Boderie vers Vos Majestés sans me ramentevoir à vostre bonne grâce et vous asseurer de mon service comme de celuy qui veut estre tousjours

Vostre très-affectionné nepveu à vous servir,

Louis.

A madame ma tante, la roine de la Grande-Bretagne.

Après souper il apprend ce qui s'ensuit pour le dire à l'ambassadeur de Venise, qui le devoit visiter le jour suivant, venant résider auprès du Roi:

Je remercie humblement Messieurs de la seigneurie de Venise de la faveur qu'ils me font. Je vous prie de les asseurer de mon affection à les servir en ce qui pourra dépendre de moi et en votre particulier vous asseurer de mon amitié et bonne volonté.

Le 31, jeudi, au Louvre.—Botté, dîné, il ne mange point, d'impatience d'aller à la volerie avec le Roi, vers le Bourget. A douze heures et demie il entre en carrosse pour aller après le Roi, qui étoit parti; goûté en carrosse; il ne monta point à cheval, dont il étoit fort fâché: le temps et les chemins étoient mauvais.

ANNÉE 1610.

Étrennes de la ville de Paris.—Compliment à l'ambassadeur d'Espagne.—Reliques de Sainte-Geneviève.—Comédiens, marionnettes et ballets.—M. de Pluvinel.—Le Dauphin n'aime pas la flatterie.—Visite à Saint-Germain.—Baptême du fils de M. de Tresmes.—Portrait du Dauphin par Bunel.—Carrousel, course de bagues et ballet.—Mot sur Sully.—Mme de Montglat et M. de Souvré.—La nourrice du Dauphin.—Anecdote sur Charles IX.—La marquise de Verneuil.—Bruits de guerre.—La cérémonie de la Cène.—La librairie de Saint-Victor.—Visite à Saint-Germain.—La lance de chair.—Plan d'une forteresse.—Les enfants de Paris.—M. Aleaume.—Dernier dîner avec le Roi.—Dédain pour Sully.—Couronnement de la Reine.—Assassinat de Henri IV; mot du Dauphin.—Précautions prises dans la nuit.

Le 1er janvier, vendredi, au Louvre.—Mené en sa petite chapelle, puis chez LL. MM.; à onze heures et demie mené en Bourbon par le Roi, puis à douze heures et demie ramené pendant que le Roi touche les malades. Le prévôt des marchands, M. Sanguin, et [les] échevins de la Ville, en corps, le viennent saluer et lui apportent une douzaine de boîtes de confitures et autant de bouteilles de vin et hypocras; ils en avoient fait autant au Roi. Mené à vêpres à Saint-Germain-de-l'Auxerrois.

Le 5, mardi.—L'ambassadeur d'Espagne le visite de la part du Roi, son maître, il lui dit: Je remercie bien humblement le roi d'Espagne, mon oncle, de la souvenance qu'il a de moi; je vous prie de l'asseurer de mon affection à son service et en votre particulier de mon amitié et bonne volonté. Mené chez le Roi, ramené, soupé, il fait souper M. de Souvré, tous ses petits[634] avec lui (c'est la première Janv
1610
fois), et fait les Rois. Il est le roi, seul en sa table, et en l'autre ce fut M. de la Luzerne.

Le 6, mercredi, au Louvre.—A dîner il commande à une comédiante françoise[635], et lui dit: Venez à huit heures, car je me couche à dix. Mené en carrosse au faubourg Saint-Jacques chez M. de la Tour, ramené chez LL. MM., puis chez lui; après souper mené chez le Roi, où se joue la comédie.

Le 7, jeudi.—Il s'amuse en son cabinet à chanter et faire chanter par ses petits des chansons d'amour. Mis au lit, il se joue aux échecs; M. de la Boissière lui veut représenter un coup qu'il jouoit mal; il prend le roi, le lui jette à la tête. M. de Souvré l'en tance, le va dire au Roi et à la Reine, qui le condamnent au fouet[636].

Le 8, vendredi.—Éveillé à six heures et demie, il Janv
1610
demande à se coucher près de M. de Souvré, pour éviter ce qu'il craignoit; refusé, fouetté.

Le 9, samedi.—Mené à l'Arsenal, où il a goûté.

Le 10, dimanche, au Louvre.—Après souper mené chez LL. MM., où il voit danser un ballet venu de la ville.

Le 11, lundi.—A souper M. le Chevalier parle de Sainte-Geneviève des Ardents, le Dauphin lui demande: Comment! brûle-t-elle?—«Non, mon maître, mais ses reliques guérissent ceux qui brûlent.»—Qui étoit-elle?—«C'étoit une sainte.»—Ya-t'i longtemps?—«Oui, mon maître.»—Combien?—«Je ne sais, mon maître.»—Pourquoi les guérit-elle?—«Je ne sais, mon maître.» Il s'enquéroit avec attention, curiosité, et desir.

Le 12, mardi.—Mené par la galerie aux Feuillants, il trouve le Roi aux Tuileries, revient avec lui chez la Reine. Don Philippe, marquis de Guadalesta, allant de Flandres en Espagne, le vient saluer et entre autres choses lui demanda s'il trouvoit belle l'Infante?—Oui, répond le Dauphin; il lui demande s'il lui plaisoit qu'il lui en envoyât un portrait?—Oui, mais j'ai le cœur françois.»

Le 14, jeudi.—Dîné avec impatience, pour aller à la chasse où M. le comte de Soissons le devoit mener et l'attendoit à la salle; il met des marrons rôtis non pelés dans sa pochette. Botté, il entre en carrosse, est mené par le Roule, où le pavé étoit couvert du débordement de la rivière, au parc de Madrid, y est monté sur sa petite haquenée baie, court deux lièvres. La pluie et la grêle surviennent, il se prend à galoper pour gagner le château; il change de chemise; l'orage passé, il remonte à cheval; goûté à cheval, d'une petite tarte de massepain et de deux marrons qu'il tire de sa pochette.

Le 15, vendredi.—Il s'amuse à faire travailler des garçons de sa chambre à enfiler des verres de couleur en façon de broderie, pour en faire des colliers à ses chiens.

Le 16, samedi.—Mené chez le Roi, ramené à six heures Janv
1610
trois quarts, soupé, il ne veut point de dragées de fenouil[637], par impatience d'aller en sa chambre pour y voir jouer un italien nommé Simon, juif ce disoit-on, qui jouoit lui-même quatre ou cinq personnages. Mené chez LL. MM., il voit chez la Reine un joueur de marionnettes, y prend plaisir; ramené à minuit.

Le 17, dimanche, au Louvre.—Après souper il voit jouer un joueur de marionnettes, y prend plaisir, puis est mené chez le Roi pour voir danser le ballet de M. de Vendôme, n'en voit que la singerie, le demeurant n'ayant pu être dansé à cause de la presse.

Le 18, lundi.—Mené chez le Roi et au ballet de M. de Vendôme en la grande salle[638].

Le 21, jeudi.—A souper il entretient M. de Pluvinel de chevaux en termes et comme personne qui en sait des particularités.—Ce jourd'hui, à huit heures du soir, mourut M. d'Ornano, maréchal de France, âgé de septante-huit ans, qui le samedi précédent s'étoit fait tailler de la pierre.

Janv
1610

Le 22, vendredi, au Louvre.—A dîner M. de Souvré lui dit qu'il venoit de faire justice des petits Fontaine-Martel et de Pouillay pource qu'ils avoient été trouvés jouant au dés avec des laquais, et qu'ils étoient incorrigibles, que c'étoient brebis galeuses, et qu'il les faudroit renvoyer en leurs maisons. Il le dit par deux diverses fois, à quoi fut répondu par Mgr le Dauphin: Mais, mousseu de Souvré, ce sont leurs gouverneurs qui les flattent; il le leur faut dire. Il en parle bien selon son naturel, qui n'aimoit pas la flatterie, et pource aussi qu'il ne désiroit pas qu'ils fussent renvoyés, d'autant qu'ils étoient à lui. A six heures et demie soupé; il va en sa chambre pour voir jouer un joueur de marionnettes; le Roi les envoya querir, il y va (chez le Roi), est ramené à dix heures.

Le 24, dimanche.—Après souper mené chez le Roi à la comédie.

Le 26, mardi.—Dîné avec impatience, pour aller à Saint-Germain où le Roi alloit; sur les deux heures, il entre en carrosse pour aller à Saint-Germain-en-Laye, passe par Saint-Cloud et la Celle, arrive sur les six heures, va trouver le Roi, puis visiter Messieurs et Mesdames; après, le Roi le mène chez M. de Frontenac, où il a soupé. A neuf heures et demie dévêtu, mis au lit, couché avec le Roi, où il a gambadé toute la nuit, lui portant les pieds sur la poitrine et sous la gorge; le Roi ne faisoit que le chatouiller, il se retiroit sans s'éveiller.

Le 27, mercredi, à Saint-Germain.—Le Roi l'a mené au jardin, où il a déjeûné, puis il va voir Messieurs et Mesdames; après il est allé à la chambre de Madame, où il a dîné. Le Roi étoit allé en la forêt sur l'avis de quelques voleurs, ce qui fit courir le bruit que c'étoient nombre de gens bien armés et bien montés qui avoient quelque mauvais dessein[639]. Le Roi dîna au bout de Janv
1610
la route vers Poissy. A six heures soupé avec le Roi chez M. de Frontenac, en la chambre du Roi; dévêtu, mis et couché dans le lit de chasse du Roi.

Le 28 janvier, jeudi.—Il va prendre congé du Roi pour s'en revenir, monte à cheval à une heure, vient à cheval jusques à la Celle; il avoit grand froid, à cause du vent froid. Mis en carrosse il passe par Saint-Cloud, arrive à Paris à cinq heures et demie, va chez la Reine.

Le 2 février, mardi, au Louvre.—Le Roi le mène à la procession en la chapelle de Bourbon; à trois heures il entre en carrosse, est mené à l'Arsenal y voir M. de Sully, qui étoit malade, enrhumé, puis chez M. le connétable. Ramené, il va chez la Reine, est enrhumé, se couche sur des placets et des carreaux.

Le 3, mercredi.—Étudié, écrit, tiré des armes, dansé; il s'amuse à jouer des comédies.

Le 4, jeudi.—A trois heures il est allé chez M. de Gesvres, secrétaire d'État, pour porter à baptême le fils du sieur de Tresmes, à Saint-Germain de l'Auxerrois: c'est le premier qu'il a tenu en cérémonie[640].

Le 5, vendredi.—Il va chez LL. MM., et après dîné est mené à la foire Saint-Germain.

Le 11, jeudi.—Mené chez LL. MM., puis aux Augustins et à la foire.

Le 13, samedi.—Il avoit le matin demandé au Roi une chanoinie de Metz pour un sien chapelain; le Roi avoit accordé. Un garçon de la chambre du Roi, que l'on appelloit Danobis, le vient supplier de faire que le Roi la lui accorde, il répond: J'ai parlé pour un des Fév
1610
miens, je ne saurais ast'heure parler au Roi mon père pour vous.
Il étoit marri de ne pouvoir le faire, ce garçon lui faisoit pitié. L'on parloit de la guerre qui se devoit faire à Milan; il dit: Si je rencontre un petit escarbot comme moi; s'il se défend, je le prendrai et l'envoyerai en prison à Paris. Il croyoit que le Roi le mèneroit à la guerre.

Le 16, mardi, au Louvre.—En étudiant il est peint par Bunel[641], peintre excellent qui est au Roi. Mené en carrosse à l'Arsenal.

Le 18, jeudi.—Mené en carrosse à la foire, ramené par les Augustins[642], où il s'est chauffé et y a donné six écus, y a entendu la messe. Ramené, il va chez LL. MM., recorde son ballet[643].

Le 20, samedi.—M. d'Anjou, Madame, Mme Christienne, arrivent de Saint-Germain, accompagnés de Mlles de Vendôme et de Verneuil; il les mène souper avec lui.

Le 21, dimanche.—Il se joue avec des petites balottes, qu'il fait rouler le long du canal de son bougeoir, disant que ce sont des soldats; M. de Souvré le reprend, et lui dit qu'il s'amusera toujours à jeux d'enfant.—Mais, mousseu de Souvré, ce sont des soldats, c'est pas jeu d'enfant!—«Monsieur, vous serez toujours en enfance.»—C'est vous qui me y tenez!—Il voit un carrousel en la cour du Louvre.

Le 22, lundi.—Mené en carrosse à la foire Saint-Germain, ramené chez LL. MM. Il recorde son ballet; après souper il emmène Mesdames en sa chambre, leur fait voir jouer les marionnettes et autres passetemps.

Fév
1610

Le 23 février, mardi, au Louvre.—Son précepteur lui racontoit comme le roi d'Espagne[644] s'empara du royaume de Portugal pendant que le roi don Sébastien passa en Afrique avec une armée, où il mourut[645]; il demande: Et si le Roi mon père alloit en Flandre, le roi d'Espagne prendroit-il la France? Mené en carrosse à l'Arsenal avec LL. MM. pour y voir courir la bague.

Le 25, jeudi.—Mené en carrosse à l'Arsenal pour voir les artifices que l'on y préparoit pour danser son ballet.

Le 27, samedi.—Il recorde son ballet, est mené à la rue Saint-Honoré chez un orfèvre, y voir un cabinet de médailles.

Le 28, dimanche.—A deux heures mené en carrosse chez M. Zamet près de la Bastille; il y a recordé son ballet (ils l'ont recordé laissant leurs épées, couronnes et autres choses à terre) devant Mme la marquise de Verneuil assise et M. de Souvré auprès d'elle. Il va se promener à l'Arsenal, puis retourne chez M. Zamet à cinq heures. A six heures soupé, accompagné de Mesdames, ses sœurs aînées, de Mlle de Vendôme et de Verneuil, de MM. les chevaliers de Vendôme et de Verneuil. Sur les huit à neuf heures il s'endort entre les jambes de M. de Souvré jusques à dix heures, qu'il fut habillé à demi endormi puis mené à l'Arsenal. Il a dansé son ballet fort bien devant LL. MM. C'est le premier qu'il a dansé en Cour. A minuit couché à l'Arsenal.

Le 1er mars, lundi, au Louvre.—Éveillé à huit heures, à neuf heures et demie déjeûné, à dix heures promené au jardin et sans avoir été visité de M. de Sully, ramené à onze heures au Louvre chez LL. MM. A midi dîné; il raconte de ceux qui avoient été refusés à l'Arsenal, se plaint de ce que M. de Sully n'avoit point voulu laisser Mars
1610
entrer les siens, dit par diverses fois: C'est un glorieux.

Le 4, jeudi.—Mené chez la reine Marguerite.

Le 7, dimanche.—A dîner il jette un morceau de massepain contre M. de Souvré, à demi riant, mais en colère de ce qu'il le faisoit débattre pour aller à la chasse; il faisoit un froid excessif, le vent très-grand et très-froid; on le lui représentoit: Je prendrai plutôt six manteaux.—M. de Souvré y consent, mais à condition de n'aller qu'en carrosse, et point à cheval: J'aimerois mieux n'y aller point. Enfin, il lui est permis; botté, mis en carrosse à midi, il est mené à Saint-Maur, il monte à cheval, court deux lièvres; il avoit froid, demande de revenir en carrosse, témoignage qu'il faisoit grand froid.

Le 8, lundi.—Ce matin Mme la princesse de Conty est accouchée d'une fille sur les quatre heures[646].—Mme de Montglat se trouve au coucher du Dauphin; dévêtu, mis au lit, il s'amuse à de petits engins. Cependant Mme de Montglat et M. de Souvré devisoient ensemble. Mme de Montglat va dire: «Je puis dire que monseigneur le Dauphin est à moi; le Roi me l'a donné à sa naissance, me disant: «Madame de Montglat, voilà mon fils que je vous donne, prenez-le.» M. de Souvré lui répond: «Il a été à vous pour un temps, maintenant il est à moi.» Le Dauphin dit froidement sans hausser la voix et sans se détourner de sa besogne: Et j'espère qu'un jour je serai à moi.—Il écoutoit tout ce qui se disoit sans en faire semblant, à quelque chose qu'il fût occupé.

Le 14, dimanche.—La Reine le mène en son carrosse au sermon à la Sainte-Chapelle; il étoit trop long, il s'ennuie, envoye dire à M. de Souvré qu'il ne croira jamais Mars
1610
en ses promesses s'il ne le tire de là. M. de Souvré demande son congé à la Reine; il l'a. Mené aux Tuileries, puis chez lui; après souper mené chez la Reine; il y tire à la blanque[647].

Le 15 mars, lundi, au Louvre.—Mené en carrosse au-devant du Roi, qui revenoit de Fontainebleau; il le rencontre au petit Saint-Antoine. Soupé avec le Roi.

Le 16, mardi.—Le chevalier de Vendôme disant en soupant qu'il ne y auroit que lui qui iroit à la guerre en Champagne avec le Roi: Voyez quelle insolence, qu'il n'y aura que lui! Mené chez LL. MM. il tire à la blanque, gagne une turquoise; sa nourrice la lui demande, il lui refuse; elle l'appelle ingrat. Il la bat des pieds et des poings; le Roi la trouve pleurante; en sachant la cause, lui dit: «Je lui donne puissance de vous fouetter.» Le Dauphin répond: Ho! j'ai une bonne épée!

Le 18, mercredi.—Mené en carrosse à la Place Royale chez le sieur Descures, où il a goûté.

Le 19, vendredi.—Mesdames avoient soupé avec lui; il les mène en sa chambre pour leur montrer une petite galère qui marchoit par ressorts et les hommes voguoient par mêmes moyens.

Le 20, samedi.—A cinq heures il va chez le Roi, qui revenoit de la chasse, lui donne sa chemise, va chez la Reine.

Le 27, samedi.—Il va à la Roquette, y mène Mesdames pour leur faire voir prendre un renard qu'il y avoit fait porter, par ses chiens d'Artois.

Le 28, dimanche.—M. d'Anjou et Mesdames s'en retournent à Saint-Germain-en-Laye, il leur dit adieu. Mené au sermon du P. Coton, puis à trois heures au faubourg Saint-Victor, à la maison du sieur Voisin, où il se joue et roule à écorchecul.

Le 29, lundi.—A souper il prend plaisir à ouïr raconter Mars
1610
des contes du roi Charles neuvième, comme il mettoit quatre chevaux de front à son carrosse et le conduisoit à toute bride; demande s'il renversoit quelquefois, dit qu'il le conduiroit bien.

Le 30, mardi.—Mené en carrosse à la garenne de Saint-Denis, où il monte à cheval, court deux lièvres et les prend.

Le 31, mercredi.—L'on parloit de la Champagne et qu'il ne se y trouvoit pas seulement un arbre qu'aux Trois Maisons, hôtellerie en allant à Troyes; l'on ne y faisoit du feu qu'avec de la paille, il dit promptement: Il ne y faut donc point de chenets. Un autre dit que l'on y faisoit six lieues de chemin sans trouver un homme, il demande: Où prend-on donc des guides?

Le 1er avril, jeudi, au Louvre.—Mené en carrosse à la garenne de Colombes pour y courir un loup; il ne le voit point pour avoir pris un autre chemin, court deux lièvres, en prend un.

Le 2, vendredi.—Mené en carrosse chez un marchand de draps de soie pour choisir des étoffes.—Mme la marquise de Verneuil le vient voir; il lui montre toutes les besognes de son cabinet et lui donne deux petits chiens de verre.

Le 3, samedi.—Mené en carrosse chez la reine Marguerite; il s'y est fort promené.

Le 4, dimanche.—Mené à sa petite chapelle puis chez LL. MM., puis avec elles en la messe en Bourbon, il s'amuse à faire des croix de palmes[648], en donne une à la Reine. Mené à vêpres à Saint-Eustache puis chez Mme de Mareuil, où il a goûté.

Le 5, lundi.—Mené en carrosse à la Roquette, il y fait un tour à cheval; puis va ainsi sans bottes et sans housse, trouver le Roi, qui étoit à l'Hôtel-Dieu des pestiférés près de Montfaucon. Il revient en carrosse avec le Roi.

Avr
1610

Le 6, mardi.—Mené avec le Roi aux Tuileries; à souper il dit, racontant de la guerre, qu'il vouloit faire armer son cheval blanc que M. le Grand lui avoit donné, qu'il vouloit prendre prisonnier M. le prince de Condé.

Le 7, mercredi, au Louvre.—Mené avec LL. MM. à Notre-Dame. Le prince d'Anhalt, allemand, qui étoit venu pour résoudre le secours de Clèves, prend congé de lui. Le Roi étoit allé au bois de Vincennes pour y passer ses fêtes.

Le 8, jeudi saint.—A huit heures mené en carrosse au bois de Vincennes pour trouver le Roi et le servir à la cérémonie. Le Roi se trouve mal d'un dévoiement, lui commande d'aller faire la cérémonie, il la fait fort bien et gaiement[649].

Le 9, vendredi.—Mené en carrosse au sermon à Saint-Eustache et de là à la messe aux Cordeliers.

Le 10, samedi.—Mené en carrosse au bois de Vincennes, où étoient LL. MM.; il y entend vêpres aux Bonshommes, puis va à la chasse avec eux dans le parc.

Le 11, dimanche, jour de Pâques.—Mené à sa petite chapelle, où le P. Gontier, jésuite, l'a confessé et y a dit la messe; mené en carrosse à Notre-Dame, où il a ouï le service. Ramené à onze heures et demie, dîné, mené au sermon à Saint-Germain-de-l'Auxerrois, de là à vêpres aux Célestins, puis dans leur parc, où il a goûté.

Le 12, lundi.—Mené en carrosse au-devant de la Reine par la porte Saint-Antoine, revenant de passer les fêtes au bois de Vincennes, il la va trouver à Montmartre, est ramené avec elle, va voir le Roi.

Le 13, mardi.—Mené chez le Roi, puis en carrosse ouïr la messe à Sainte-Geneviève, il entend vêpres à Saint-Victor, va à la librairie, partout, s'informe de tout.

Avr
1610

Le 14, mercredi, au Louvre.—A son souper l'on parloit de Saint-Maur: S'il étoit à moi, dit-il, je le ferois achever.

Le 15, jeudi.—Mené avec la Reine voir les fols à l'hôpital de Saint-Germain-des-Prés.

Le 16, vendredi.—Mené en carrosse voir les manufactures au faubourg Saint-Marceau.—Le Roi devoit aller à Saint-Germain-en-Laye le jour suivant, le Dauphin avoit envie d'y aller et non M. de Souvré, auquel il demande: Mousseu de Souvré, irai-je pas demain à Saint-Germain avec le Roi mon père?—«Monsieur, il n'en sera pas grand besoin, le Roi reviendra coucher ici.»—Ho! aussi vrai, c'est que vous n'aimez pas mes frères et mes sœurs; c'est pourquoi vous voulez pas que j'aille à Saint-Germain.—«Mais, Monsieur, le Roi reviendra demain.»—Et tant mieux. Il va chez LL. MM., obtient permission du Roi d'aller à Saint-Germain.

Le 17, samedi.—Il va chez le Roi, lui donne sa chemise; ramené chez lui, il va à sa petite chapelle, puis, sans prendre son déjeûner, qui étoit prêt, entre en carrosse à sept heures et un quart et part pour aller à Saint-Germain-en-Laye; le Roi étoit déjà parti. Il passe par Neuilly et la chaussée, en l'hôtellerie où il a déjeûné de pain sec, et arrive à Saint-Germain à dix heures et demie. Dîné en sa chambre avec Messieurs et Mesdames; il va au bâtiment neuf et à toutes les grottes, où il fait tout jouer; a de l'impatience pour s'en revenir, rentre en carrosse, et à trois heures goûte à la chaussée, chez M. le président Chevallier. Arrivé au Louvre à cinq heures trois quarts, soupé, mené chez Leurs Majestés.

Le 19, lundi.—Mené en carrosse au Pré-aux-Clercs voir faire la monstre au régiment des gardes.

Le 24, samedi.—Étudié, écrit, tiré des armes, dansé. On lui enseigne que la grandeur d'Espagne est venue par la lance de chair[650], lancea carnea, non lancea ferrea, Avr
1610
comme les François. Mené en carrosse à la Savonnerie[651] près des Bonhommes, puis à Auteuil au jardin de l'abbé de Sainte-Geneviève, il y monte à cheval, y court la poste; M. de Rissay étoit le postillon, il y a goûté. Ramené, il me dit à souper: Mais vous savez bien que la femme de la Savonnerie a dit que je n'étois pas grand pour mon âge et que son fils étoit plus grand que moi; il en étoit en colère et ne s'en pouvoit taire.

Le 26 avril, lundi, au Louvre.—Il s'amuse à faire à terre, dans son cabinet, un dessin de forteresse carrée et de tours rondes aux coins, tire l'alignement avec un carreau de velours dont il se sert comme règle et avec du charbon; il étoit à genoux sur le carreau, ce qui fut cause qu'il lui prit envie de vomir. Mis au lit, il s'amuse à se faire faire des messages de la part du roi d'Espagne par le comte de Maure. Levé, dîné, il se joue à ses petits canons, se remet au lit et s'amuse comme dessus aux messages de la part de l'Archiduc.

Le 27, mardi.—Mené en carrosse à l'Arsenal, au jardin, puis chez M. de Roquelaure, où il a goûté.

Le 28, mercredi.—Mené en carrosse chez la reine Marguerite, il court à pied un lièvre dans le clos, une heure durant, et le prend à force. A souper il fut dit que les enfants de Paris qui devoient être à l'entrée de la Reine auroient des éperons dorés: Ho! s'ils en ont de dorés, j'en veux avoir de fer noir!

Le 29, jeudi.—Mené par la galerie chez M. Aleaume[652] qui lui montre l'ordre des batailles des états de Flandres, puis à voir faire des doubles; le Roi y étoit avec Mme la Avr
1610
marquise de Verneuil[653], à laquelle Mgr le Dauphin fait grandes caresses.

Le 30 avril, vendredi.—Il monte à cheval pour aller au-devant de MM. d'Orléans et d'Anjou et de Madame Christienne, qui venoient de Saint-Germain pour le couronnement de la Reine, va jusques à Madrid, ne les rencontre point, revient à six heures, et les trouve chez la Reine.

Le 1er mai, samedi, au Louvre.—Il demande des aulx pour manger à déjeûner, dit qu'ils sont si bons, qu'il les aime tant, en fait le bon compagnon[654], et dit tout à coup: Aussi vrai, ils ne valent rien, et en fait un présent à M. de la Rivière, l'un de ses écuyers, gascon. Mené chez la Reine, d'où il regarde planter le mai.

Le 2, dimanche.—Ce jourd'hui il commença à porter le bonnet de velours, qu'il ne vouloit pas; il aimoit mieux le chapeau. Mené à la chapelle, chez LL. MM., en la galerie.

Le 3, lundi.—A dîner il se fâche contre M. d'Angé, qui avoit servi à M. le Chevalier son chapon bouilli avant que le lui avoir présenté et lui jette une asperge.

Le 4, mardi.—M. de Souvré lui ramentoit ce que le jour précédent il avoit fait au sieur Hieronimo, son tireur d'armes, auquel il avoit tiré un coup de fleuret contre l'œil, pendant qu'il lui enseignoit comme il falloit planter son pied, et aussi à M. d'Angé; ce dont il est Mai
1610
fouetté. Il va à cheval à la chasse au parc de Madrid.

Le 5, mercredi, au Louvre.—Mené par la galerie aux Tuileries où il trouve le Roi, revient avec lui chez la Reine. Mené en carrosse à Picpus pour voir faire la monstre à cheval aux enfants de Paris[655].

Le 6, jeudi.—Mené chez LL. MM., il y est mordu par Brigantin, petit chien de la Reine, sur le sourcil droit. Ramené, il voit, en passant par la grande salle, asseoir le guet et leur voit faire leur collation; c'est la première fois.

Le 9, dimanche.—Mené aux Feuillants, ramené avec le Roi; à onze heures et demie dîné avec le Roi[656]; il va chez la Reine. Mené en carrosse à l'Arsenal, où M. de Sully lui demande: «Monsieur, voulez-vous de l'argent?»—Non, dit-il, par dédain[657].—«Mais, Monsieur, dites si vous en voulez,» et il le lui demande par plusieurs fois.—Si vous en voulez bailler, faites l'apporter à Monsieur de Souvré. Il avoit cueilli des brins fleuris d'un arbre qui lui avoit plu; M. de Sully lui dit: «Monsieur, quand vous reviendrez ici vous trouverez Mai
1610
cent bourses pleines d'écus sur cet arbre-là que vous avez trouvé beau.»—Ce sera un bel arbre, dit-il négligemment[658] et sans le regarder.

Le 10, lundi, au Louvre.—Mené en carrosse à la Savonnerie et à la Ville-l'Évêque, où il a goûté; après souper mené chez Leurs Majestés.

Le 11, mardi.—Mené en carrosse à l'hôtel du Luxembourg, et de là à cheval chez la reine Marguerite; après souper mené chez Leurs Majestés.

Le 12, mercredi.—Étudié, tiré des armes, dansé, mené chez LL. MM., et chez lui à onze heures. A trois heures il entre en carrosse pour aller coucher à Saint-Denis[659]; à six heures soupé, mené chez Leurs Majestés.

Le 13, jeudi.—Éveillé à six heures trois quarts, vêtu, prié Dieu; à sept heures trois quarts déjeûné, pain sec[660]. Mené à la messe puis chez LL. MM. A neuf heures et demie dîné. A onze heures trois quarts il va en cérémonie et entre en l'église avec la Reine que l'on alloit coroner et sacrer[661]. Il en sort à quatre heures, entre en carrosse et revient à Paris à sept heures. Soupé, mené en sa chambre; en voulant sauter sur son lit que l'on faisoit, il se heurte sur l'os de la jambe gauche, un peu effleuré. A neuf heures et un quart dévêtu, mis au lit, prié Dieu, il s'endort à dix heures.

Le 14, vendredi.—Éveillé à sept heures, levé, vêtu, prié Dieu. A huit heures et demie déjeûné, pain sec. Mené à sa chapelle, puis aux Tuileries et chez Leurs Majestés; à onze heures dîné, joué, étudié, etc., fort gai, goûté. Sur les quatre heures le Roi allant à l'Arsenal en carrosse est tué d'un coup de couteau par François Ravaillac, natif d'Angoulême, en la rue de la Ferronnerie; le sieur de Mai
1610
Saint-Michel, l'un de ses gentilshommes ordinaires le saisit et lui ôta le couteau. Monseigneur le Dauphin étoit en carrosse à la Croix du Tiroir s'allant promener, lors du coup; au bruit on le ramène incontinent dans le Louvre. Monseigneur le Dauphin l'ayant su en pleura, et dit: Ha! si je y eusse été avec mon épée, je l'eusse tué! Chacun se vient offrir à lui en la chambre de la Reine. A sept heures soupé en l'antichambre de la Reine; mené chez la Reine et chez lui; à neuf heures dévêtu, mis au lit, prié Dieu, il dit vouloir coucher avec M. de Souvré, pour ce qu'il me vient des songes. Couché avec M. de Souvré, il s'endort jusques à onze heures et demie; la Reine l'envoie querir pour le faire coucher dans la chambre, et y fait porter aussi M. de Verneuil, qui coucha avec lui. Il s'endort à minuit, et jusques à six heures et demie après minuit a assez mal reposé.

Chargement de la publicité...