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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung

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APPENDICE

NOTE DU TRADUCTEUR

DE LA

Version première (1848) de L'ANNEAU DU NIBELUNG (1852)

J'ai parlé, dans l'Avant-Propos (pp. 65-74), du canevas primitif de L'Anneau du Nibelung: je prends donc la liberté de renvoyer à ces pages pour toutes celles des indications, bibliographiques ou quelconques, que je me serai dispensé de renouveler ici-même.

Je rappellerai seulement que de ce canevas, datant de 1848, Wagner avait tiré d'abord, la même année, Siegfried's Tod, La Mort de Siegfried; puis (après la composition de L'Œuvre d'Art de l'Avenir et d'Opéra et Drame) un second poème, Le Jeune Siegfried (en 1851); puis encore La Walküre (1852); finalement L'Or-du-Rhin (1852). C'est alors, rappellerai-je de plus, qu'il se vit obligé de remanier tour à tour Le Jeune Siegfried (qui devint Siegfried) et Siegfried's Tod (qui devint Le Crépuscule-des-Dieux); car sa conception primitive s'était à tel point modifiée, que l'économie des deux Drames, générateurs de l'œuvre entière, avait cessé d'être conforme à l'essence nouvelle de cette œuvre même. De ce qu'il est resté à titre secondaire (une synthèse admirable, en somme, des Mythologies septentrionales, et déjà suffisante à la gloire de bien d'autres), l'ensemble dramatique ordonné par Wagner s'était de jour en jour élevé au rang qu'il occupe aujourd'hui: celui d'un Poème où les hommes de tous les temps, de toutes les races, découvriront, poignantes, profondes, toujours nouvelles, des significations morales et rédemptrices. Le motif intérieur de L'Anneau du Nibelung n'est-il point, pour le résumer en quelques mots, l'impossibilité, pour l'Ame, de posséder, tout à la fois, le Pouvoir ou l'Or—et l'Amour? Et n'est-ce pas le renoncement d'Alberich à l'Amour (Wagner l'écrit en propres termes) qui, jusqu'au meurtre de Siegfried, engendre le quadruple Drame?

Hé bien, dans la version de 1848, non seulement le Nibelung ne renonce point à l'Amour, mais il n'est même question, nulle part, de la nécessité de ce tragique renoncement: Alberich vole simplement l'Or aux Filles-du-Rhin, et rêve de faire de l'Or l'arme de sa puissance. Rêve déçu: Fasolt et Fafner réclament, en échange du Walhall, qu'ils viennent de construire pour Wotan, le Trésor des Nibelungen, qui sont leurs ennemis naturels, et l'Anneau, qui en fait partie; le Dieu leur donne satisfaction. Les belles scènes du rachat de Freya, qui, dans le Drame définitif, accusent, de si frappante et poétique manière, la portée du cruel conflit psychologique,—ces scènes, par suite, n'existent point. Fafner ne tue nullement Fasolt, et, la terreur de l'Anathème n'obligeant pas le premier des deux à prendre forme d'un Dragon, cet animal n'est autre chose que le classique monstre des Mythes, l'inévitable bête gardienne des toisons d'or. Ainsi la faute des Dieux dépouillant Alberich fut d'avoir, avec son Anneau, «enterré l'âme du peuple des Nibelungen, la liberté, sous le ventre de ce Dragon»,—et cela dans un but qui, somme toute, n'était guère supérieur à celui du voleur.

Comment la réparer, cette faute? Les Dieux ne le pourraient plus eux-mêmes: leur pacte le leur interdit. Ils s'inquiètent donc de vouer un homme à l'accomplissement de l'exploit nécessaire, mais aussi, comme il est logique, aux conséquences de l'Anathème, à l'expiation de leur propre méfait. Il suffira, pour que la paix règne de nouveau entre les trois races, celles des Dieux, des Géants et des Nibelungen, que le Héros prédestiné, rendant aux Filles-du-Rhin leur Or, libère ainsi les Nains d'une servitude impie. Quel sera-t-il, ce Héros? Siegmund?—Pas plus que dans notre Walküre; en toute la partie du canevas qui correspond à cette dernière, nous voyons bien Siegmund agir, aimer Sieglinde, etc. Seulement, ce canevas n'implique l'idée d'aucune scène analogue à celle qui est maintenant,—je l'ai dit ailleurs (p.358, n. 1) d'après Wagner,—«la plus importante du quadruple Drame»: Wotan n'intervient qu'une seule fois,—pour condamner Brünnhilde,—et pour évoquer Loge.

Des observations du même genre s'appliqueraient à l'ébauche première de l'actuel drame de Siegfried; Siegfried est bien élevé par Mime, tue le Dragon, s'empare de l'Anneau, réveille Brünnhilde, qui lui fait un récit peu dramatique et long; mais il n'est point question du Voyageur (Wotan): nulle scène entre Wotan et Mime, entre Wotan et Alberich; aucune évocation d'Erda (deuxième scène culminante de la Tétralogie), aucun «renoncement» du Voyageur; aucune lutte de Siegfried contre ce Voyageur. Toutes ces additions essentielles datent de 1852, motivées et nécessitées par ce fait que si, dans l'ébauche, Siegfried apparaissait comme le héros central d'une «action» plutôt extrinsèque,—dans le dernier poème, au contraire, Wotan est le personnage unique, pour ainsi dire: de l'Ame de qui tout part, à l'Ame de qui tout revient, par rapport auquel seul doit être interprétée la conduite de chacun des autres.

Rien ne le prouve plus nettement, d'ailleurs, que le titre substitué, pour la «Troisième Journée» du Ring, à celui de La Mort de Siegfried,—et surtout les transformations dont ces mots: Crépuscule-des-Dieux, sont l'éloquent indice verbal. Transformations nombreuses? Non pas: le «poème d'opéra» de 1848, par la structure comme par le texte, est presque intégralement identique au nouveau; il n'en diffère—mais c'est assez—que par la suppression, d'abord, en celui-ci, des éléments antiscéniques (j'ai spécifié ces éléments dans mon Avant-Propos, p. 73) et par l'économie des quatre scènes suivantes: celle des Nornes,—celle de Brünnhilde avec Waltraute, celle d'Alberich avec Hagen,—enfin la conclusion du Drame, sans parler du discours de Siegfried expirant, et de quelques autres menus détails. Aux lecteurs qui viennent d'étudier L'Anneau du Nibelung avec attention, il n'est pas besoin de faire remarquer que les trois premières de ces scènes, et une partie de la quatrième, y sont consacrées à Wotan, personnage invisible mais toujours central. Dans La Mort de Siegfried, rien de tel: Siegfried étant le pivot de l'«action», les Nornes prophétisent de lui que joyeusement il accomplira ce qu'il a joyeusement commencé. A la place du tragique dialogue où le refus de Brünnhilde à Waltraute décide de la ruine du Walhall, nous trouvons un chœur de Walküres, destiné à mettre Brünnhilde au courant des exploits de ses sœurs (et duquel la musique est devenue, par la suite, le thème de la fameuse—trop fameuse—Chevauchée). Quant au sombre entretien nocturne d'Alberich et de Hagen, ce que j'ai dit de la première esquisse, en général, laisse deviner qu'il ne contient et ne pouvait contenir aucune allusion à des faits aussi décisifs, pour le sort d'un Monde menacé, que la lutte de Siegfried contre Le Voyageur, la rupture, par le Glaive Nothung, de la Lance gardienne des Traités: passons donc. Aussi bien le dénouement de Siegfried's Tod est-il autrement instructif: après le meurtre de Siegfried, expiation de la faute des Dieux, Brünnhilde y restitue bien l'Or au Fleuve sacré, et monte bien avec Grane sur le bûcher funèbre; mais c'est, comme dans l'Edda de Sœmund, pour redevenir une Walküre (et non, comme dans Le Crépuscule, pour finir le règne des Dieux, pour sauver le Monde par l'Amour, et l'Amour rédempteur, lui-même, par son sacrifice volontaire). Il y a plus: redevenue Walküre, Brünnhilde, en une apothéose, mène au Walhall Siegfried (transposition, sans doute, d'un passage de l'Edda de Sœmund,—aux Chants de Helge), et, devant les Dieux assemblés pour les recevoir, dit à Wotan: «Wotan, réjouis-toi du plus libre des hommes, et salue-le avec tendresse, car c'est à lui que tu dois la puissance éternelle!» ce pendant que des chœurs dialogués d'un bel effet (dont l'idée fut peut-être reprise par Wagner en son Parsifal, à l'acte troisième), des chœurs alternants de femmes et d'hommes, après avoir accompagné la pompe funéraire de Siegfried, souhaitent au couple bienheureux «d'éternelles délices, à Walhall».

Telle est, déjà grandiose, mais combien moins profonde! la conception première de L'Anneau du Nibelung. J'en abandonne sans commentaires cette bien incomplète analyse, à la fois trop brève et déjà trop longue, aux méditations du lecteur.—J'aurais désiré ne point le quitter sans lui montrer encore comment, dans l'ensemble des œuvres de Richard Wagner, non seulement Tristan et Isolde (ce sont ses propres expressions),[633-1] n'est qu'un «acte complémentaire» de la Tétralogie du Ring, mais surtout Parsifal en est, pour ainsi dire, la transcription spirituelle, prouvée par maintes correspondances (des situations, des symboles, des personnages, des noms aussi), et prévue, dès l'année 1848, en une page lumineuse du Poète-Musicien[633-2]. Que le peu de place duquel je dispose serve d'excuse à mon silence! L'impossibilité de résumer dignement, en quelques mots, ces hautes questions, ne m'aura du moins pas empêché de m'acquitter du devoir de les signaler.

L. P. de B'. G.


TABLE

AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR: De la Méthode à suivre pour consulter avec fruit cette Traduction et cette Édition (L.-P. de B.'G.)

DES CYCLES GERMANIQUES ET SCANDINAVES dans la Tétralogie de Richard Wagner (E. B.)

L'ANNEAU DU NIBELUNG, festival scénique en un Prologue et trois Journées (Traduction et Annotation par Louis-Pilate de Brinn'Gaubast;—Commentaire musicographique par Edmond Barthélemy)

Prologue: L'OR-DU-RHIN (Das Rheingold)

Première Journée: LA WALKÜRE (Die Walküre)

Deuxième Journée: SIEGFRIED (Siegfried)

Troisième Journée: LE CRÉPUSCULE-DES-DIEUX (Götterdämmerrung)

APPENDICE: Note du Traducteur: De la version première (1848) de L'Anneau du Nibelung (1852)

Paris.—Imprimerie Paul Dupont, 4, rue du Bouloi.—20.7.94.

NOTES

[1-1] Le seul titre authentique est: «L'Anneau du Nibelung, festival scénique» (jeu-scénique-de-fête) «en un Prologue et trois Journées»: Der Ring des Nibelungen, ein Bühnen-Festspiel für drei Tage und einen Vorabend (littéralement: «pour trois Jours et un Avant-Soir»).—Proprement, L'Anneau du Nibelung est une Trilogie avec Prologue. Nous avons cru devoir conserver le vocable Tétralogie, qui est seul usité en France, et dont Wagner lui-même, au reste, s'est quelquefois servi pour désigner cette œuvre.

[5-1] Quatre Poèmes d'Opéras traduits en prose française (par Charles Nuitter) et précédés d'une Lettre sur la Musique, par Richard Wagner (traduction de M. Challemel-Lacour), Paris, Librairie Nouvelle, 1861, in-18; nouvelle édition, Paris, Durand et Calmann-Lévy, 1893. C'est à cette dernière (l'autre étant devenue introuvable) que se rapportent toutes les références indiquées dans le présent Essai.—La traduction Challemel-Lacour est souvent d'un style négligé, mais elle est après tout fidèle, et je ne pouvais songer à renvoyer, sans cesse, la majorité de mes lecteurs, au texte allemand de cette précieuse Lettre (R. Wagner: Gesammelte Schriften und Dichtungen, Leipzig, E. W. Fritzsch, 10 vol. in-8; t. VII, 1871).

[6-1] Voir ci-dessous, pp. 107-108 de cet Avant-Propos.

[6-2] Le Ring: «l'Anneau» (du Nibelung). J'emploierai fréquemment ce monosyllabe commode.

[7-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XLVII.

[7-2] «Vous m'avez demandé, Monsieur, de vous résumer moi-même, avec clarté, les idées sur l'art que j'ai émises dans une série d'écrits publiés en Allemagne, voilà déjà bien des années. Ces idées y ont fait assez de bruit, causé assez de scandale pour exciter, en France même, la curiosité avec laquelle j'ai été accueilli. Vous avez pensé que ces explications importaient à mon intérêt: votre amitié vous a inspiré la confiance qu'une exposition réfléchie de ma pensée pourrait servir à dissiper plus d'une erreur, plus d'un préjugé, et permettre aux esprits prévenus, au moment où l'on va donner à Paris un de mes opéras, de juger l'œuvre, sans avoir à se prononcer en même temps sur une théorie contestable.—Il m'eût été, je l'avoue, extrêmement difficile de répondre à votre invitation bienveillante, si vous ne m'eussiez exprimé le désir de me voir offrir en même temps au public une traduction de mes poèmes, et indiqué par là le seul moyen qui me permit de vous complaire. Je dois le dire, je n'aurais pu prendre sur moi de me lancer encore une fois, comme il eût fallu m'y résoudre, dans un labyrinthe de considérations théoriques et de pures abstractions...» (Id., pp. V-VI)—Quarante-six pages plus loin, Wagner précise ainsi: «J'avais essayé, dans mes écrits théoriques, de déterminer la forme en même temps que la substance, et je ne pouvais le faire théoriquement que d'une manière abstraite. Je voudrais donc éviter à tout prix, comme je vous l'ai déclaré, de recourir à un procédé de ce genre pour vous faire entendre mes idées. Je n'ignore pas, cependant, combien il y a d'inconvénient à parler d'une forme sans en déterminer la substance d'aucune manière. Je vous l'ai avoué au début: l'invitation que vous m'avez adressée de vous donner en même temps une traduction de mes poèmes était la seule chose qui pût me décider à essayer de vous fournir des éclaircissements réels sur la marche de mes idées, autant, du moins, que j'ai pu me l'expliquer. Laissez-moi donc vous dire encore quelques mots de ces poèmes; je serai, j'espère, plus à l'aise pour vous parler ensuite de la forme musicale qui importe tant ici, et sur laquelle il s'est répandu tant de fausses idées. Je dois vous prier, avant tout, de me pardonner, si je ne puis vous offrir qu'une traduction en prose... Sans doute, ces poèmes, présentés sous une forme poétique, feraient sur vous une autre impression; mais c'est chose que je dois négliger ici. Il faut me contenter de vous signaler le caractère des sujets, leur tendance, le mode dramatique dans lequel ils sont traités. Cela va vous mettre à même de comprendre quelle part l'esprit de la musique a eue à la conception et à l'exécution de ces travaux.» (Id., pp. LII-LIII).

[8-1] Wort-Tondrama.—Les mots «Drame Musical» (Musik-Drama), qui servent de titre au livre d'ailleurs si remarquable de M. Schuré, sont tout à fait inadmissibles: Wagner lui-même (Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome IX) les a repoussés, comme dénaturant son idée. Loin d'être drames mis en musique, ses œuvres sont, pour ainsi dire, «de la musique mise en action, de la musique devenue visible.» Il eût voulu que le monde les acceptât tels quels, sans dénomination spéciale. On a du reste vu que, pour l'Anneau du Nibelung, c'est un Bühnen-Festspiel, un «jeu-scénique-de-fête» ou festival scénique: ces vocables sont expressifs du but national de Richard Wagner, tel qu'il sera développé ci-dessous. Toutefois pourrait-on dire qu'à un point de vue critique, le terme le plus exact serait encore: «Action» (δραμα), lequel s'étale en première page de la partition de Tristan und Isolde. Toutes ces affirmations trouveront leur commentaire dans le présent Avant-Propos.

[9-1] On verra ci-après, pp. 19-20, ce qu'il faut penser de ce terme, en ce qui concerne Richard Wagner.

[9-2] Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. LIII-LIV.

[10-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.

[10-2] Cf. ci-dessus, p. 9, note (1).

[10-3] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.

[10-4] «Mes conclusions les plus hardies, relativement au drame dont je concevais la possibilité, se sont imposées à moi parce que, dès cette époque, je portais dans ma tête le plan de mon grand Drame des Nibelungen, dont j'avais même déjà écrit le poème en partie; et il avait, dès lors, revêtu dans ma pensée une forme telle, que ma théorie n'était guère autre chose qu'une expression abstraite de ce qui s'était développé en moi comme production spontanée.» Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LIV.—J'y revendrai ci-dessous, p. 77.

[10-5] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.

[11-1] Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome VI, p. 371.—Cf. ci-dessous, p. 76, note (6).

[11-2] On trouvera plus loin, pp. 67-77, tous les détails chronographiques supplémentaires désirables.

[12-1] Il est, bien entendu, des pages exclusivement instrumentales, comme Siegfried-Idyll (et les Marches), dont la seule place est au concert. Pour le reste, Wagner estimait que les concerts, qu'il nommait des orgies de musique, sont des «travestissements» de ses Drames. A ceux qui répliquent: «Mais, lui-même, Wagner a donné des concerts, composés de fragments de ses œuvres dramatiques», il serait trop facile de démontrer que Wagner ne demanda jamais, aux concerts, que les moyens matériels de n'en plus donner du tout!—Cf., dans L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 80: «J'avais personnellement à parfaire le déficit considérable qui était resté après la représentation de la trilogie» (Tétralogie) «terminée avec de telles difficultés. Encore une fois, il fallut, dans ce dessein, donner des concerts, faire des concessions et des complaisances qui me gâtèrent le plaisir intellectuel que j'avais eu à propos de mon œuvre...» etc.—On verra ci-après, pp. 30, 36, 115-116, 131, dans quelle mesure je crois que les concerts rendent service à la cause de l'Art de Wagner, et comment ceux qui, par devoir envers sa mémoire, les maudissent, y peuvent eux-mêmes trouver profit, puisqu'eux savent ce qu'il en faut prendre.

[13-1] C'est-à-dire: autre chose que «musicien», tout court: cet Avant-Propos me fera comprendre!—Il peut être amusant de rappeler, tout en ayant de si bonnes raisons d'être d'un avis différent, que dans une de ses lettres à Liszt (Briefwechsel zwischen Wagner und Liszt, 1er janvier 1858) Richard Wagner, au moment même où il composait Tristan und Isolde, cette surhumaine page musicale, parlait, avec tranquillité, de sa personnelle inaptitude aux langues étrangères, comme—«à la musique...»

[15-1] Ce point de vue, le seul logique, a été développé, au t. III de la Revue Wagnérienne, par M. Houston-Stewart-Chamberlain. Déjà M. Catulle Mendes avait pertinemment écrit, dans son beau volume sur Richard Wagner: «Ainsi, il s'agit d'un Art nouveau.» Et enfin M. Alfred Ernst a donné à son dernier livre (dont je reparlerai bientôt) ce titre d'une justesse parfaite: «L'Art de Richard Wagner» (Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1893).

[15-2] Cf. Richard Wagner (Entwürfe, Gedanken, Fragmente [posthumes]: Leipzig; Breitkopf und Härtel, 1883).

[16-1] Cf. Charles Morice, La Littérature de tout à l'heure (Perrin et Cie, 1889), passim.—Quelque intelligemment admiratives, du reste, que soient les pages consacrées dans ce livre à Richard Wagner, elles contiennent, à mon humble avis, des erreurs d'appréciation qui me défendent de les recommander à des lecteurs mal préparés.—N'importe! Ce que notre génération doit à M. Charles Morice, nous ne pourrons l'oublier jamais. Cet aîné,—un aîné bien jeune!—fut l'un de ses initiateurs. Et si je ne saurais m'associer à certains jugements que j'estime inexacts, je nous dois à tous deux de déclarer que, dans le développement qui motive cette note, je me suis parfois souvenu de l'accent de ce noble Verbe.

[17-1] Cf. Richard Wagner, Entwürfe, Gedanken, Fragmente, p. 23; Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1885.

[17-2] Cf. Richard Wagner, Gesammelte Schriften und Dichtungen, éd. citée, t. VIII, p. 37.

[18-1] Je ne désigne point de personnalités. Le dévouement de certains, leur bon-vouloir flagrant, non plus que leur compétence comme directeurs d'orchestre, ne font aucun doute pour personne. On n'en verra pas moins, p. 96, note (2), que Wagner, avec juste raison, exigeait autre chose, encore, des hommes chargés de mener l'exécution d'une œuvre musicale, assurément,—mais dramatiquement musicale.

[19-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XXIII.

[19-2] Id., p. XXV.

[20-1] Cf. Richard Wagner, Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. VI-VII: «Nous pouvons considérer la nature, dans son ensemble, comme un développement gradué, depuis l'existence purement aveugle jusqu'à la pleine conscience de soi; l'homme en particulier offre l'exemple le plus frappant de ce progrès. Eh bien, ce progrès est d'autant plus intéressant à observer dans la vie de l'artiste que son génie, ses créations sont justement ce qui offre au monde sa propre image, et l'élève à la conscience de lui-même.»

[21-1] Voici comment Wagner définit le Peuple: «Qu'un homme soit le plus ou le moins cultivé de tous, savant ou ignorant, placé au plus haut ou au plus bas de l'échelle sociale... sitôt qu'il éprouve et qu'il entretient en lui une aspiration qui le force à sortir d'un lâche accommodement à la connexion criminelle liant notre Société et notre État, ou de l'obtuse soumission d'esprit à cet ordre de choses: une aspiration qui lui fasse ressentir le dégoût des joies vides de notre civilisation inhumaine, ou la haine d'un utilitarisme profitable seulement à ceux qui n'ont besoin de rien, et non à ceux qui manquent de tout,—... sitôt que cet homme reconnaît clairement et sans hésitation cette nécessité morale, en se sentant capable de souffrir de la peine d'autrui, et, s'il le faut, d'offrir sa vie même en sacrifice,—celui-là appartient alors au Peuple; car lui et tous ses pareils ressentent une même détresse.» (L'Œuvre d'Art de l'Avenir, Das Kunstwerk der Zukunft: Gesammelte Schriften, t. III, pp. 206-207.) «Le Peuple est l'ensemble de tous ceux qui éprouvent une commune détresse.» (Id., p. 60.)—Cf. L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre poétique, par M. Alfred Ernst, pp. 168-172.—C'est au Peuple, ainsi défini, que se doit adresser l'Œuvre d'Art, car «le seul créateur de l'Œuvre d'Art est le Peuple: l'artiste peut seulement saisir et exprimer la création inconsciente du Peuple.» (R. Wagner, Entwürfe, Gedanke, Fragmente, éd. citée, p. 22.)

[22-1] Cf. Richard Wagner, Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. LXXXI-LXXXII: «Pour me défendre de toute concession, il ne me fallait pas un grand courage; l'effet que j'ai vu moi-même les parties les mieux réussies jusqu'à présent dans l'opéra produire sur le public, m'a fait concevoir de lui une opinion plus consolante. L'artiste qui s'adresse dans son ouvrage à l'intuition spontanée, au lieu de s'adresser à des idées abstraites, est porté par un sentiment aveugle, mais sûr, à composer son œuvre non pour le connaisseur, mais pour le public. Ce public ne peut inquiéter l'artiste que sous un seul rapport: c'est par l'élément critique qui peut avoir pénétré en lui, et y avoir détruit l'ingénuité, la candeur des impressions purement humaines. Précisément à cause de la forte part de concessions qu'il renferme, l'opéra, tel qu'il a été jusqu'ici, est, à mon sens, admirablement fait pour brouiller les idées du public, en le laissant incertain de ce qu'il doit chercher et embrasser; car le public est involontairement obligé de se livrer à des réflexions hasardées, prématurées, fausses; et il voit aussi le bandeau des préventions s'épaissir sur son esprit de la façon la plus fâcheuse, grâce au bavardage de tous ceux qui, dans ses rangs mêmes, se prononcent en connaisseurs. Et, par contre, remarquons l'étonnante sûreté des jugements que le public porte, au théâtre, sur le drame récité: rien au monde ne peut le déterminer ici à tenir pour raisonnable une action absurde, pour convenable un discours qui est hors de saison, pour vrai un accent qui ne l'est pas: ce fait est le point solide auquel il faut s'attacher pour établir dans l'opéra même, entre l'auteur et le public, des relations sûres et nécessaires à leur entente mutuelle.»

[27-1] La Tétralogie a treize actes, dont quatre pour le Rheingold et trois pour chacune des autre «Journées». Il serait d'un noir comique que la superstition fût pour rien dans les déraisons (car on ne peut nommer cela «raisons») qui empêchent nos théâtres de nous jouer l'œuvre en sa totalité parfaite. Il est vrai qu'en ce cas, s'ils y tenaient vraiment, nous aurions de quoi les rassurer: L'Or-du-Rhin n'est en somme qu'un acte en quatre «Scènes» (en quatre «Tableaux», si l'on veut), lesquelles, reliées l'une à l'autre, ainsi qu'on s'en pourra convaincre à la lecture, par un interlude musical et un simple mouvement progressif du décor, sont jouées et doivent l'être sans interruption, comme les tragédies helléniques.

[28-1] Mon ami Edmond Barthélemy n'en a pas moins été forcé, dans son Commentaire Musicographique, de renvoyer à ces «réductions» (le mot dit tout!) pour piano.—Les causes? on ne les comprend que trop bien, n'est-il pas vrai?

[28-2] Cf. ci-dessous pp. 107-108, et passim, le développement de cette assertion.

[28-3] Voir entre autres, au drame de Siegfried, les irréfutables notes (1) de la p. 494 et (1) de la p. 510.—Les exemples foisonnent! j'en ai tout un dossier. Dans le beau livre dont j'ai parlé, et dont je reparlerai bientôt, M. Ernst en relève quelques-uns (spécialement sur la conclusion de Tannhäuser, p. 376, en note).

[30-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XL.

[31-1] L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre Poétique, par Alfred Ernst (E. Plon, Nourrit et Cie, éditeurs, Paris, 1893, 1 vol. in-18 de IV-544 pages).—Ce précieux volume n'est, du même auteur, ni le premier, sur Richard Wagner, ni, Dieu merci, le dernier non plus (il sera suivi d'un autre, non moins nécessaire, dont s'y trouve annoncée l'apparition prochaine: L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre Musicale): lui-même fut précédé d'une œuvre (titre: Richard Wagner et le Drame Contemporain) assez inférieure, à celle que j'indique, en ce que chacun des Drames y est analysé non seulement un peu vite, peut-être, mais à un point de vue surtout thématique: c'est dire que ce même point de vue reste aussi bien traité que l'a permis à l'auteur, alors, le peu de place dont il disposait; toutefois, pour des raisons d'ordre particulier (encore que M. Alfred Ernst ait généreusement accordé, à mon ami Barthélemy, la gracieuse autorisation d'en utiliser maints passages pour son Commentaire Musicographique) j'aurai l'ingratitude de ne pas recommander l'œuvre:—L'Art de Richard Wagner la supplée si richement! Oui: je n'ai, à l'heure présente, jamais vu M. Ernst; jamais je ne le verrai sans doute; mais j'affirme, sans craindre qu'on ne me contredise, que ce livre, de toute la Critique wagnériste, est le seul livre français qui puisse, actuellement, donner de l'Art de Wagner une idée nette, complète, libre de toute erreur sérieuse.—Je n'aurais de réserves à faire que: sur un seul chapitre, intitulé: L'art Religieux (mais cela n'importe pas ici); sur l'absence d'un chapitre synthétique final (mais sans doute fut-il plus logique de le réserver pour le second volume annoncé, si impatiemment attendu); enfin sur ce fait que l'auteur, en sa piété d'ailleurs touchante, suppose que son public a tout d'abord eu soin de prendre la connaissance des Drames. Or, où l'aurait-il prise—pour L'Anneau du Nibelung? Dans la version Wilder? Non, verra-t-on bientôt. Cette lacune, le présent volume va la combler; et alors, d'être mieux intelligible encore, l'œuvre de M. Ernst n'en paraîtra que plus belle. Sur la Langue, la Métrique, la Plastique, la Mimique, le Décor, les Sources, les Symboles, on y trouvera, plus développées, sous une forme à la fois savante et captivante, une foule d'observations que je ne pouvais qu'indiquer, de citations traduites pour la première fois (j'ai fait mon profit de quelques-unes, mais le livre de M. Ernst en fournit seul le commentaire): bref une véritable encyclopédie de l'œuvre poétique wagnérienne, un monument durable auquel je me fais une joie de rendre ce public témoignage.

[32-1] Je laisse à cette place ces deux noms, parce qu'ils sont venus sous ma plume dans le feu de la première improvisation: n'obsèdent-il pas l'esprit de quiconque, ayant une cause d'Art à soutenir, manque, hélas! de l'autorité qu'il y faudrait? J'entends bien néanmoins que ceux qui portent ces noms sachent, et me fassent l'honneur de croire: qu'à personne je ne demande rien, ni pour moi-même, ni pour ce livre.—C'est pour l'Art de Wagner, seulement, que j'espère en eux!

[35-1] Art et Révolution.L'Œuvre d'Art de l'Avenir.Opéra et Drame.—Ils sont analysés ci-dessous, pp. 80-98.

[36-1] Cf. Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. XLV, XLVI, XLVII, passim.

[37-1] Etant donné le Public auquel s'adresse ce livre, j'ai cru ne devoir citer ici (autant que possible) que les œuvres déjà traduites; à force de les voir mentionnées, peut-être éprouvera-t-il le désir de les lire? Pour ma part, j'en vais éditer bientôt deux autres, et même trois, s'il faut tenir compte de L'Art et la Révolution.—Sur ce double sujet, plus nettement m'expliquerai-je; cf., ci-dessous, pp. 78-80; et p. 87, note (3).

[37-2] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XVIII.—Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, trad. Hippeau (Dentu, éd.), pp. 25 et 27. Quelque précieux que soit ce dernier document, je suis obligé, en le recommandant, de mettre le lecteur en garde, une fois pour toutes, contre telles des gloses erronées dont l'estimable traducteur,—par patriotisme sincère, mais partial et mal entendu,—a jugé utile de l'enguirlander.

[38-1] Cf. Richard Wagner, Souvenirs (Charpentier, éd.), traduits, par M. Camille Benoit, de l'Autobiographische Skizze (Esquisse Autobiographique) placée, dans les Œuvres complètes (Gesammelte Schriften), au t. 1er.

[38-2] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, trad. citée, p. 27.

[39-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LVII.

[39-2] Id., ibid.

[39-3] Id., p. LVI.

[39-4] Id., ibid.

[39-5] Id., p. XX.

[40-1] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, pp. 42, 58, 77.—Du reste, si ce fut bien à Paris que les exécutions «réellement parfaites» données par Habeneck au Conservatoire, furent décisives pour le génie de Wagner, la première impression profonde, qu'il eût ressentie, de cette terrible page musicale, datait de sa toute première jeunesse: au Gewandhaus de Leipzig, déjà, elle avait été ce qu'il appelle «la source mystique de mes plus hautes extases.» (Id., p. 29).—Enfin, lorsque la pierre d'assise du Théâtre des Festivals (Festspielhaus) fut posée à Bayreuth (1872), cette grande journée fut célébrée par une exécution modèle de la Symphonie avec Chœurs: «elle-même était la pierre d'assise de l'Art national qu'allait donner au peuple allemand le premier exemple actuel d'une grande solennité scénique, d'une représentation dramatique et musicale qui serait la perfection même.» (Id., p. 77).—Cf. ci-dessous encore l'Avant-Propos, pp. 60, 85-86, 89, 91; et les pages profondes consacrées, soit à Beethoven dans le tome IX, soit à la Neuvième Symphonie dans le même tome IX, et dans le tome II des Gesammelte Schriften und Dichtungen.

[41-1] Cf. Un Pèlerinage chez Beethoven, passim (Richard Wagner, Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. 1er).

[42-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. LXXIII-LXXIV.

[43-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LVII.

[43-2] «L'idéal flottait devant sa pensée.»—Id., p. XIV.

[43-3] «Pour bien saisir ce que je veux dire, comparez la richesse infinie, prodigieuse du développement dans une symphonie de Beethoven avec les morceaux de musique de son opéra de Fidelio; vous comprenez sur-le-champ combien le maître se sentait ici à l'étroit, combien il étouffait, combien il lui était impossible d'arriver jamais à déployer sa puissance originelle; aussi, comme s'il voulait s'abandonner une fois au moins à la plénitude de son inspiration, avec quelle fureur désespérée il se jette sur l'ouverture, et y ébauche un morceau d'une ampleur et d'une importance jusque-là inconnues! Cet unique essai d'opéra le laisse plein de dégoût.» (Id., ibid.)

[43-4] Id., p. LXXVII.

[44-1] Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LXXVIII.

[44-2] 1835.

[45-1] Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. XXI.

[45-2] Id., pp. LVII-LVIII.

[45-3] Id., p. XXXI.

[46-1] Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LVIII.

[46-2] Cf. Id., p. LIX.

[47-1] Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LIX.

[47-2] Cf. Id., p. LXII.

[47-3] Sur cet «étrange français», cf. ci-dessous p. 49, note (1).

[48-1] Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., pp. LIX-LX.

[48-2] «La catastrophe finale naît ici, sans le moindre effort, d'une lutte lyrique et poétique où nulle autre puissance que celle des dispositions morales les plus secrètes n'amène le dénouement, de sorte que la forme même de ce dénouement relève d'un élément purement lyrique.» (Id., p. LX).

[48-3] Cf. Id. LXXVII.

[48-4] Cf. Id., p. LXXXI.

[48-5] Cf. Id., p. LXXXIII.

[49-1] Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LXXXIII.—«La concession que je me suis interdite, quant au sujet, m'a donc affranchi, en même temps, de toute concession, quant à l'exécution musicale.» C'est ainsi que la pensée de Wagner est trahie par le traducteur de la Lettre sur la Musique; j'ai parlé ci-dessus de l'«étrange français» de ce traducteur (aujourd'hui, académicien...): cette phrase en fournit un exemple: à s'en rapporter au sens strict, elle pourrait signifier que Wagner, qui dit le contraire, a été «affranchi» par une «concession».—Ce n'est point une querelle de pédant que je cherche à M. Challemel-Lacour; mais il me fallait bien saisir une occasion pour expliquer que malgré mes très nombreux emprunts à la Lettre sur la Musique, j'aie mieux aimé rompre ses phrases au rythme de mon propre style. J'ai dit d'ailleurs que, «négligée», la traduction Challemel-Lacour n'en est pas moins des plus «fidèles», en un certain sens général. Que le lecteur ne craigne donc pas de s'y référer; bien étudiée, elle aurait pu et peut encore rendre d'immenses services; et la preuve, c'est que de cet Avant-Propos le chapitre III, tout de compilation volontaire (ainsi que je l'expliquerai plus loin), sera composé, en grande partie, d'extraits intégralement reproduits.—Etant donné mon but:—là, je ne pourrai faire mieux.

[49-2] Id., p. LXXXIII.—On verra ci-après, p. 70, ce qu'entendait Wagner par ces mots: L'Œuvre d'Art (et non pas la «musique») de l'Avenir, Das Kunstwerk der Zukunft.

[50-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LX.

[51-1] Charles Baudelaire.—Au point de vue des lecteurs français, les pages de Baudelaire sur Wagner, qu'on trouvera dans le recueil d'articles intitulé L'Art Romantique, demeureront, avec leurs citations de Liszt, parmi celles qu'on peut consulter le plus utilement pour toute la période antérieure (au moins depuis le Vaisseau-Fantôme) à la conception de L'Anneau du Nibelung.

[52-1] Cf. Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LI.

[52-2] Communication à mes Amis (Eine Mittheilung an meinen Freunden; Gesammelte Schriften, t. IV).—Cette phrase se rapportait, d'ailleurs, à un état moral intime plus intéressant, plus poignant. Je n'y puis pas insister ici: Cf. Alfred Ernst, L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre poétique, pp. 338-339.

[53-1] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 47: «Je vis que, en vue de plaire réellement au public moderne d'opéra, je devais être un autre que je n'étais, et que je ne pouvais pas être ce que je voulais; je sentis non moins clairement que ma véritable position me condamnait alors comme auparavant, pour la seule cause de gagner des moyens d'existence, à la nécessité de couvrir ma véritable nature et mes opinions avec un détestable masque d'hypocrisie et de conventionnalisme social. Je fus envahi par un amer dédain pour de telles nécessités, et plus je vis briller la lumière de l'idéal, plus je vis distinctement le cours que je devais prendre.»

[54-1] Communication à mes Amis (t. IV).

[55-1] «... qui n'avait rien à faire avec le drame véritable», peut-on lire dans la traduction de la Lettre sur la Musique, p. IX.—Sur cet «étrange français», cf. ci-dessus les notes (3) de la p. 47, et (1) de la p. 49.

[55-2] «En Italie, où s'est constitué d'abord l'opéra, quelle était la mission unique du musicien? Il avait à écrire pour tels ou tels chanteurs, chez qui le talent dramatique n'avait qu'une place tout à fait secondaire, des airs destinés exclusivement à fournir à ces virtuoses l'occasion de déployer leur habileté. Poème et scène n'étaient qu'un prétexte, ne servaient qu'à prêter un temps et un lieu à cette exhibition de virtuoses; la danseuse alternait avec la chanteuse, elle dansait ce que la première avait chanté; et le compositeur avait, pour tout emploi, à fournir des variations d'un type d'airs déterminé.» (Lettre sur la Musique, p. IX).

[55-3] «L'opéra réunissait, en Italie, un public qui consacrait sa soirée à l'amusement, et se donnait, entre autres amusements, celui de la musique chantée sur la scène; on prêtait de temps en temps l'oreille à cette musique, lorsqu'on faisait une pause dans la conversation; pendant la conversation et les visites réciproques d'une loge à l'autre, la musique continuait: son emploi était celui qu'on réserve à la musique de table dans les dîners d'apparat, savoir, d'animer, d'exciter, par son bruit, l'entretien qui languirait sans elle. La musique, qui est jouée dans ce but et pendant ces conversations, forme le fond proprement dit d'une partition italienne; au contraire, la musique qu'on écoute réellement ne remplit pas peut-être un douzième de la partition. L'opéra italien doit contenir au moins un air qu'on écoute volontiers; pour son succès, il faut que la conversation soit interrompue et qu'on puisse écouter avec intérêt au moins six fois. Mais, le compositeur qui sait fixer l'attention des auditeurs sur sa musique jusqu'à douze fois est déclaré homme de génie et vanté comme un créateur inépuisable de mélodies. Maintenant, qu'un tel public se trouve tout à coup en présence d'un ouvrage qui prétend à une égale attention, pendant toute sa durée et pour toutes ses parties; qu'il se voie arraché violemment à toutes les habitudes qu'il porte aux représentations musicales; qu'il ne puisse reconnaître pour identique avec sa mélodie bien-aimée ce qui ne saurait, dans l'hypothèse la plus heureuse, lui paraître qu'un ennoblissement du bruit musical, de ce bruit qui, dans son emploi le plus naïf, lui facilitait autrefois une conversation agréable, tandis qu'il l'importune aujourd'hui de sa prétention d'être entendu réellement; le moyen de savoir à ce public mauvais gré de sa stupeur et de son épouvante? A coup sûr, il demanderait à cris redoublés sa douzaine ou sa demi-douzaine de mélodies, ne fût-ce qu'afin que la musique des intervalles amenât et protégeât la conversation, la chose capitale assurément d'une soirée d'opéra.» (Id., pp. LXIII-LXV.)

[56-1] «Appropriées au caractère de la nation, à l'état de la poésie dramatique et des arts de représentation qui venaient de prendre un essor remarquable, les exigences de ces arts s'imposaient aussi impérieusement à l'opéra. Au Grand Opéra, se forma un style fixe, qui, emprunté dans ses traits principaux aux règles du Théâtre-Français, satisfaisait à toutes les conventions, à toutes les exigences d'une représentation dramatique.» (Lettre sur la Musique, p. X)

[56-2] «L'auteur trouvait un cadre exactement circonscrit; et ce cadre, il avait à le remplir au moyen d'une action et de la musique, avec le concours d'acteurs et de chanteurs exercés, connus d'avance, et en parfait accord avec lui pour réaliser ce qu'il se proposait.» (Id., pp. X-XI.)

[57-1] Cf. Lettre de Richard Wagner à M. Gabriel Monod: «Si l'on combat à ce point de vue l'influence de l'esprit français sur les Allemands, on ne combat point pour cela l'esprit français; mais on met naturellement en lumière ce qui est, dans l'esprit français, en contradiction avec les qualités propres de l'esprit allemand, et ce dont l'imitation serait funeste pour nos qualités nationales.»

[58-1] Cf. Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. IX.

[59-1] Cf. Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. XI-XIII.

[59-2] Id., pp. XII-XIII.—«Nulle part, un théâtre modèle d'opéra, un théâtre mené dans une direction intelligente, un théâtre qui donnât le ton; une éducation défectueuse des voix mêmes, quand il s'en rencontrait, ou bien l'absence de toute éducation, et partout dans l'art l'anarchie. Vous sentez que, pour le musicien véritable et sérieux, ce théâtre d'opéra n'existait pas, à vrai dire.»

[60-1] Cf. Lettres sur la Musique, nouv. éd., p. XIII.

[60-2] «Le Français, par exemple, se trouvant en face d'une forme perfectionnée, dont toutes les parties constituaient un harmonieux ensemble, assujetti à des lois qui le contentaient pleinement et qu'il acceptait sans résistance comme immuables, se sentait astreint à une perpétuelle reproduction de cette forme, et par suite condamné à une sorte de stagnation (ce mot pris dans un sens supérieur); l'Allemand, sans nier les avantages d'une telle situation, n'en reconnaissait pas moins ses inconvénients et ses périls; les lourdes entraves qu'elle créait ne lui échappaient pas, et il voyait en perspective une forme idéale, qui lui offrait ce que toute forme avait d'impérissable, mais débarrassée des chaînes du hasard et du faux.» (Id., pp. XVI-XVII).

[61-1] Cf. Lettre sur la Musique, nouv. éd., pp. XIV-XVI.

[61-2] Cf. Id., p. XVII.

[62-1] Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. XIX.

[62-2] Cf. Id., p. LXXIX: «Presque partout, nous trouvons cette odieuse juxtaposition, du récitatif absolu, et de l'air absolu, qui oppose à toute espèce de grand style un invincible obstacle; nous la voyons interrompre, briser la continuité du courant musical, de celui même que comporte un poème défectueux; et avec cela nous voyons, dans leurs plus belles scènes, nos grands maîtres triompher complètement de cet inconvénient; déjà, ils y donnent au récitatif une signification rythmique et mélodique, qui se relie d'une façon insensible à l'édifice plus vaste de la mélodie proprement dite. Quand nous avons senti le puissant effet de cette méthode, de quelle impression pénible ne sommes-nous pas affectés, sans pouvoir nous en défendre, lorsque éclate à l'improviste le banal accord qui nous dit: maintenant, vous allez entendre de nouveau le récitatif tout sec. Puis, avec le même inattendu, l'orchestre tout entier reprend la ritournelle ordinaire pour annoncer l'air, cette même ritournelle, dis-je, qui, déjà employée ailleurs par le même maître comme transition, d'une manière profondément expressive, déployait à mes yeux une beauté et une plénitude de sens d'où nous recevions, sur le fond de la situation même, la lumière la plus intéressante. Et, lorsque après une de ces fleurs de l'art nous voyons paraître immédiatement un morceau composé pour flatter le goût le plus bas, que n'éprouvons-nous pas? Quelle déception, lorsque, saisi jusqu'à l'âme par une belle et noble phrase, nous la voyons soudainement déchoir en cadence rebattue avec les deux roulades obligées et l'inévitable note soutenue, et qu'alors le chanteur oublie tout d'un coup ses rapports avec le personnage auquel cette phrase est adressée, s'avance au bord de la rampe, et se tourne vers la claque pour lui donner le signal des applaudissements!»

[63-1] «Je voyais dans l'opéra une institution dont la destination spéciale est presque exclusivement d'offrir une distraction et un amusement à une population aussi ennuyée qu'avide de plaisir; je le voyais en outre obligé de viser au résultat pécuniaire pour faire face aux dépenses que nécessite l'appareil pompeux qui a tant d'attrait, et je ne pouvais me cacher qu'il y eût une vraie folie à vouloir tourner cette institution vers un but diamétralement opposé, c'est-à-dire l'appliquer à arracher un peuple aux intérêts vulgaires qui l'occupent, tout le jour, pour l'élever au culte et à l'intelligence de ce que l'esprit humain peut concevoir de plus profond et de plus grand.» (Lettre sur la Musique, éd. nouv., pp. XXII-XXIII).

[64-1] Cf. Lettre sur la Musique, p. VII.

[64-2] Cf. Id., ibid.

[64-3] Cf., en un recueil d'articles (Etudes sur le XIXe Siècle, Paris, Perrin et Cie, 1888) de M. Edouard Rod, d'utiles pages sur Wagner et l'Esthétique allemande (pp. 99-116).—Consulter néanmoins ces pages avec prudence, en en rectifiant certaines assertions d'après les documents contenus dans le présent Avant-Propos, particulièrement dans les pp. 36-37 et surtout 7, note (2).

[65-1] Frédéric Barberousse (Friedrich der Rothbart; 1844-48);—Jésus de Nazareth (Jesus von Nazareth, ein dichterischer Entwurf aus dem Jahre 1848; Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1887);—La Mort de Siegfried (Siegfried's Tod) dont il sera parlé ci-dessous,—Achille (1849-1850);—Wieland le Forgeron (Wieland der Schmied: cf. ci-après, p. 71);—sans parler de la première idée des Maîtres-Chanteurs qui est de 1845...

[66-1] Cf. ci-dessus, p. 45.

[67-1] 1848-1874. Cf. ci-dessus, p. 11.

[67-2] Depuis 1844.

[67-3] Tannhäuser (1840-1845).—Lohengrin (1842-1847).

[67-4] Dans l'Appendice (pp. 629-633); De la version première (1848) de L'Anneau du Nibelung (1852); et aussi dans les notes (2) de la p. 267, et (2) de la p. 387.

[68-1] Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. II.

[68-2] Très substantiels, souvent même trop. Cf. ci-dessous p. 73.

[68-3] Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. II.

[69-1] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie (pp. 47-48): «Je compris que le caractère de l'art théâtral dépendait du caractère du public, que le caractère du public dépendait de toute la vie sociale du monde moderne, et que j'étais absolument étranger à ce monde aussi bien comme artiste que comme Allemand.»

[69-2] Cf. Id., p. 48: «Comme artiste je me trouvai poussé à représenter, dans ce nouvel aspect des affaires, les droits de l'art si facilement oubliés ou négligés. Il était évident pour moi que mon plan de réforme, déjà conçu jusque dans les plus petits détails pratiques, ne serait accueilli que par un silence dédaigneux de la part du gouvernement existant pour l'administration des matières d'art. Je me retournai donc vers le nouveau mouvement qui était si plein de promesses pour mon rêve.»

[70-1] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, pp. 55-56.

[70-2] Cf. Lettre sur la Musique, pp. XXVI-XXVII.

[70-3] Lettre de Wagner à Uhlig, datée de Zurich, 27 déc. 1849 (R. Wagner, Briefe an Uhlig, Fischer und Heine; Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1888)

[71-1] Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. III.—Dans son livre: L'art de Richard Wagner: L'Œuvre poétique, pp. 200-202, M. Ernst a donné, de Wieland le Forgeron, l'unique analyse qui en soit en France.—Sur le sens symbolique de ce splendide sujet, cf. le même volume, pages 168-173.

[71-2] Lettre (déjà citée) de Wagner à Uhlig. (Zurich, 27 déc. 1840.)

[72-1] «Je me croyais, dans ce livre, obligé de combattre, avant tout, l'opinion erronée de ceux qui s'étaient imaginé que, dans l'opéra proprement dit, l'idéal se trouvait atteint ou du moins immédiatement préparé.» Lettre sur la Musique (pp. XXVII-XXVIII).

[72-2] Février 1851.

[72-3] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 61.

[73-1] Communication à mes Amis (Eine Mittheilung an meinen Freunden: Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. IV, p. 416).

[73-2] Id., ibid.

[74-1] Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. II.—Cf. sur ce Projet, ci-dessus, l'Avant-Propos, pp. 68-69.

[74-2] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III, les Notes chronologiques de M. Chamberlain.

[74-3] Lettre sur la Musique, pp. XLVI-XLVII.

[74-4] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 62.

[75-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 63.

[75-2] Id., p. 62.

[75-3] Id., p. 63.

[75-4] Lettre sur la Musique, p. XLVII.

[76-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 62.

[76-2] Id., pp. 62-63.

[76-3] C'est à sa Communication à mes Amis (Eine Mittheilung an meinen Freunden: Gesammelte Schriften, t. IV) que fait allusion Richard Wagner.

[76-4] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 62.

[76-5] R. Wagner et F. Listz, Correspondance (Briefwechsel zwischen Wagner und Listz. Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1887).

[76-6] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III, les Notes chronologiques (déjà signalées) de M. H.-S. Chamberlain.—Imprimé aussitôt (1853), mais, comme je l'ai noté p. 11, seulement pour les amis de Wagner (lettre et envoi à Liszt, 11 février), le Poème ne fut public que dix ans plus tard (1863). L'édition (B. Schott's Söhne, Mayence, 1876) dont, sauf indications contraires, j'ai dû me servir, présente d'assez nombreuses variantes, si on le compare soit à ce premier texte, soit à celui de la Partition.

[77-1] Lettre sur la Musique, p. LIV.—Déclaration déjà citée à la note (4) de la p. 10.

[77-2] Lettre à Liszt [V. note (5) de la p. 76; 9 novembre 1852]

[78-1] Cf. p. 31, note (1).

[78-2] Tel est le cas du beau livre de M. Schuré, Le Drame Musical (Paris, Perrin et Cie, éd.: t. II: Richard Wagner), livre à consulter, mais avec prudence.

[79-1] Surtout les trois volumes de la Revue Wagnérienne; et spécialement, dans cette Revue, les articles de MM. Pierre et Charles BONNIER, Houston-Stewart CHAMBERLAIN, Edouard DUJARDIN, Alfred ERNST, de FOURCAUD, Teodor de WYZEWA.—Si je n'y ajoute pas ceux de M. Catulle MENDÈS, c'est que chacun peut, encore maintenant, se les procurer en librairie (Richard Wagner, Charpentier, éd. Ce volume, dont il serait naïf de vanter l'admirable langue, ne saurait être déprécié par certaines erreurs singulières, dont je ne m'explique pas l'origine: cf. Le Crépuscule-des-Dieux, scène entre Siegfried et les Filles-du-Rhin.)

[80-1] Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome II.

[80-2] Cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 33: «Un drame légendaire naturel de cette espèce, tel qu'il résultait dans mon esprit de l'étude de notre noble légende nationale des Nibelungen, commença à occuper ma pensée bien qu'il ne pût trouver une existence réelle que dans une atmosphère toute différente de la situation actuelle de toutes les scènes d'opéra. J'imaginai un tel drame comme une œuvre d'art qui devait embrasser l'inspiration idéale de la nation, qui devait présenter l'être humain purement naturel dans son état de liberté absolue...... C'est à ce moment où, dans la plénitude de mon effort pour atteindre la plus haute réalisation de mon art, je me détournais de la vie autour de moi, que survint l'insurrection à Dresde même, en 1849.»

[80-3] Cf. in Revue Wagnérienne, l'excellente analyse des œuvres théoriques, par M. Edouard DUJARDIN.

[81-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XXIII.

[81-2] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, trad. citée, p. 56.

[81-3] Lettre sur la Musique, p. XXIII.

[81-4] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 6.

[82-1] Lettre sur la Musique, pp. XXIII-XXIV.

[83-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, pp. 56-57.

[83-2] Lettre sur la Musique, p. XXIV.

[83-3] «Mais après un court examen de ces systèmes je commençai à être troublé en me demandant si l'élément purement humain, qui était le fondement de la révolution, n'allait pas être perdu de vue au milieu des disputes prédominantes des partis sur la valeur des différentes formes du gouvernement, la différence entre elles étant, après tout, simple question de préférence... Quand je vis que mes idées personnelles sur ce qui devait être le motif essentiel d'une révolution étaient absolument étrangères aux politiciens, dont les efforts étaient limités uniquement aux intérêts temporaires du moment, je me détournai de nouveau des réalités des choses et je considérai encore mon monde idéal. Je me dévouai plus sérieusement que jamais, dans mon art, à appliquer exclusivement le programme que j'avais adopté, celui de l'homme libre, fort et noble, tel que la nature l'a fait.» (L'Œuvre et la Mission de ma Vie, pp. 48-49).

[83-4] Das Kunstwerk der Zukunft (Gesammelte Schriften, t. III). Sur la portée de ce titre, cf. ci-dessus pp. 49 et (surtout) 70.

[84-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 58: «Il était évident qu'en cela je me trouvais en opposition avec les idées ordinaires maintenues par l'esprit antiartistique de mon époque, mais je me sentis involontairement en étroite sympathie avec les plus nobles pensées et les efforts de ces artistes du passé qui avaient été dans leur noble isolement les seuls représentants véritables de l'art dans son plus haut sens.»

[84-2] Lettre sur la Musique, pp. XXIV-XXV.

[85-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, pp. 57-58.

[85-2] Lettre sur la Musique, pp. XXV-XXVI.

[86-1] L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 58.—Cf. ci-dessus la note (1) de la p. 40.

[86-2] Lettre sur la Musique, p. XXVI.

[86-3] Oper und Drama (Gesammelte Schriften, t. III et IV).—Sur l'origine et le but de cet écrit, cf. ci-dessus, pp. 71-72.

[86-4] Cf. ci-dessus note (1) de la p. 72.

[87-1] Cf., au tome 1er de la Revue Wagnérienne, l'excellente analyse des œuvres théoriques, par M. Edouard Dujardin.

[87-2] Lettre sur la Musique, p. XXXII.—Sur le Mythe, cf. L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 31.

[87-3] Fidèle aux principes de «renoncement» qui m'ont poussé, pour ce travail, à tendre vers l'exactitude, non vers l'originalité, de manière à faire sur Wagner, et sur l'Art de Richard Wagner, la lumière la plus éclatante, je me suis donné la plus grande peine pour former, de cette troisième partie, une image tirée, presque exclusivement, de la Lettre sur la Musique, et précisée par cette dernière. Je n'ai voulu me rappeler que deux choses: la première, c'est que je parle à des lecteurs français, à des lecteurs d'une traduction, pour lesquels la Lettre sur la Musique aurait du être, je l'ai prouvé (Cf. ci-dessus, pp. 5-12), la Préface naturelle de la Tétralogie; la deuxième, c'est que, parmi les documents français (et même allemands), cette Lettre est le meilleur, peut-on dire, de la théorie wagnérienne. Par malheur son défaut, pour nous autres Français, consiste en l'absence d'un plan net. J'espère en avoir fait un clair—sans faux raccords, et qui sûrement m'a pris (je me dois de le constater) plus d'heures, beaucoup plus d'heures qu'un travail personnel.

[88-1] Lettre sur la Musique, pp. XXXII-XXXIII.

[88-2] Id., pp. XXXIII-XXXIV.

[89-1] Cf. Lettre sur la Musique, pp. XXXIV-XL, passim.

[89-2] Id., p. LXIX.

[89-3] Id., pp. LXIX-LXX.

[89-4] Id., pp. XL-XLI.

[90-1] Lettre sur la Musique, p. XLI.

[90-2] Id., p. XLII.

[90-3] Id., ibid.

[90-4] Id., p. XLIII. Cf. p. 89, note [4].

[90-5] Id., pp. XLIII-XLIV.

[91-1] Lettre sur la Musique, p. LXX.

[91-2] Id., p. XLIV.

[91-3] Id., ibid.

[91-4] Id., p. LXXI.

[92-1] Lettre sur la Musique, pp. XLIV-XLV.

[92-2] Id., pp. LXX-LXXI.—Cf. L'Œuvre d'Art de l'Avenir: «L'Art de la Danse est le plus réaliste de tous les arts. Il représente l'Homme vivant, non seulement dans une partie de son être, mais dans cet être entier, de la plante des pieds jusqu'à la tête. Il y a différents degrés dans cet art; le sauvage, en effet, dominé par la passion, ne connaît dans sa danse que le mouvement violent ou le repos apathique. L'homme civilisé se manifeste par la richesse et la diversité des nuances entre les sentiments, par un rythme plus complexe.» (Das Kunstwerk der Zukunft; Gesammelte Schriften, t. III, p. 87).

[93-1] Lettre sur la Musique, p. LXXI.

[93-2] Id., p. XLIII.

[93-3] Id., pp. XXXI-XXXII.

[94-1] Lettre sur la Musique, pp. LXXI-LXXII.

[94-2] Id., p. LXI.

[95-1] Lettre sur la Musique, pp. LXII-LXIII.

[95-2] Cf. Gesammelte Schriften, tome IV (Oper und Drama, p. 174): «Le poète doit faire converger, doit concentrer en un seul point, aussi éclairé que possible, les «moments» épars de l'action, du sentiment, de la passion: au musicien alors, cette dense concentration, de la développer, d'après la nature de son contenu émotionnel, jusqu'à la plus débordante plénitude.»

[96-1] Lettre sur la Musique, pp. LXXII-LXXIII.

[96-2] Par cette phrase on comprend dès lors pourquoi Wagner, non seulement devait être l'ennemi des concerts fragmentaires de musique dramatique, mais encore et surtout voulait que le chef d'orchestre, chargé de mener l'exécution d'une œuvre musicale destinée à la scène, dirigeât, et dirigeât seul, celle aussi du Drame en entier, puisque Poème, Plastique, Musique, forment un Tout indivisible.—Je ne puis insister sur ces vues, que les lecteurs connaissant l'allemand trouveraient exposées tout au long dans le traité par Richard Wagner, sur l'art de diriger le Drame, en ses Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome VIII.

[97-1] Lettre sur la Musique, pp. LXXIII-LXIV.—«Qui n'embarrasse jamais»?... J'entends les plaisanteries chères à presque tous les habitués de nos théâtres-de-musique. Qu'on veuille bien attendre, pour plaisanter, d'avoir lu les notes (1) de la p. 110 et (2) de la p. 132: on s'y pourra convaincre qu'à Bayreuth l'orchestre est disposé de façon spéciale, et doit, à cette disposition, non seulement, comme disait Wagner, une «sonorité» toute «mystique», mais encore l'avantage de permettre, aux acteurs, une netteté parfaite d'articulation. J'ai entendu des gens, le conterai-je? se plaindre que l'orchestre, ainsi, ne produisît plus assez de bruit.... Que ceux-là retournent à l'Opéra! Quant à la musique de Wagner, elle n'a pas besoin de tant de vacarme, puisqu'il s'agit, pour elle, de concourir au Drame (au même titre que le Poème), d'en soutenir la déclamation, de la rendre plus pénétrante, d'en préciser les sens cachés, les sous-entendus, les silences, et non pas de réussir à nous faire oublier l'imbécillité d'un livret.

[98-1] Cf. Lettre sur la Musique, p. LXXVI.

[99-1] Dans une lettre à Uhlig, déjà citée deux fois (pp. 70, 71), Wagner dit qu'il livre bataille à la forme consacrée en cinq actes. A partir du Vaisseau-Fantôme inclusivement, ses drames en ont en effet trois, à l'exception, bien entendu, de L'Or-du-Rhin, qui n'est qu'un Prologue (Cf. p. 27, note (1).

[99-2] Les Arts Optiques: «Lichtwelt»—le Monde-de-la-Lumière (Wagner).

[100-1] Cf. L'Œuvre d'Art de l'Avenir: «Ce qui appartient à l'œil, c'est l'extérieur de l'homme. L'œil saisit la forme animée de l'homme, la compare avec les objets ambiants et l'en différencie. Ce qu'il voit immédiatement, ce sont les mouvements extérieurs, inconscients, causés par une douleur ou une joie. Ensuite viennent les émotions de l'homme intérieur médiatement, c'est-à-dire par l'intermédiaire de la physionomie et des gestes...» (p. 78).

[100-2] Cf. L'Œuvre d'Art de l'Avenir: «C'est par le peintre que le théâtre doit atteindre à sa complète vérité artistique.» (Das Kunstwerk der Zukunft; Gesammelte Schriften, t. III, p. 75).

[100-3] Cf. L'Œuvre d'Art de l'Avenir: La peinture «représentera le paysage, qui, vivant, sera comme le fond devant lequel se manifestera l'homme vivant. La scène, qui doit représenter l'image de la vie humaine, doit pouvoir contenir l'image de la nature pour la pleine compréhension de la vie dans laquelle l'homme se meut. (Id., ibid.)

[101-1] Cf. in Revue Wagnérienne, t. Ier,—l'excellente analyse des Œuvres théoriques, par M. Edouard DUJARDIN.

[102-1] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III, la critique de La Valkyrie, de Victor Wilder, par M. H.-S. CHAMBERLAIN.

[102-2] Cf. in Revue Wagnérienne, passim, la critique (par M. Edouard DUJARDIN)—d'un Essai de traduction rythmée, fait pour le 1er acte de la Walküre et le premier «duo» du Crépuscule-des-Dieux, par M. Henri La Fontaine, président de l'Association Wagnérienne de Bruxelles (1886).

[102-3] Cf. ci-dessus les pp. 89-90.

[102-4] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XLI.

[103-1] Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. XLII.

[103-2] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III, la critique de La Valkyrie, de Victor Wilder, par M. H.-S. CHAMBERLAIN.

[104-1] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III.

[104-2] Cf. Id., ibid.—«Ce qu'il y a de plus splendide dans le génie de Wagner, c'est cette facilité de créer, pour chaque œuvre nouvelle, une langue nouvelle.» (Friedrich NIETZSCHE, Richard Wagner in Bayreuth; Schloss-Chemnitz, Schmeitzner, 1876.—Traduction française de Mme Marie BAUMGARTNER, Leipzig, 1876). On sait que Nietzsche a depuis écrit contre Wagner (Le Cas Wagner, etc.); sur la présente question du moins, son opinion n'a pas changé. «Pareille maîtrise de langue, affirme-t-il en somme, ne s'est point rencontrée en Allemagne depuis Gœthe.» (Cf. Alfred ERNST, L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre poétique, p. 65, où l'on trouvera des citations significatives, extraites de l'opuscule ci-dessus mentionné.)

[105-1] M. H. Stewart CHAMBERLAIN a excellemment développé ce point de vue, dans ses nombreuses études de la Revue Wagnérienne.—J'ai cru devoir renvoyer toujours à ce précieux document français, les lecteurs d'une Traduction n'ayant que faire (c'est dommage!) du beau livre du même auteur: Das Drama Richard Wagner's. (Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1892.)

[105-2] Lettre sur la Musique.—Cf., ci-dessus, p. 90, note (4).

[106-1] Cf. Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome III (Das Kunstwerk der Zukunft, p. 127).

[107-1] Cf. Richard Wagner, Gesammelte Schriften, t. IV, pp. 265, 270.

[107-2] Cf. Id., ibid.

[107-3] Cf. in Revue Wagnérienne, t. III, la critique de la La Valkyrie, de Victor Wilder, par M. H.-S. CHAMBERLAIN.

[108-1] Il serait injuste, il est injuste, de rejeter sur les éditeurs (MM. B. Schott's Söhne, de Mayence) la responsabilité de cette profanation. M. Wilder était un excellent critique; il soutenait,—à sa façon,—mais enfin il soutenait, de bonne foi, la haute cause de l'Art de Wagner, à une époque, en des milieux, où il y avait crânerie à le faire: qu'on se soit adressé à lui, quoi de surprenant? Son autorité semblait grande, son influence était utile, son bon vouloir ne fait pas doute. Par malheur, il eût fallu là un vrai poète, non un critique; mais ce poète, où le trouver? Si terrible est la tâche! Le trouvera-t-on jamais, seulement?—Cf. encore la note ci-dessous.

[108-2] Ici encore, pourquoi condamner, sans appel, les éditeurs allemands de la version Wilder? Il faut les plaindre, bien plutôt, d'être liés par leurs traités.—Si je suis bien renseigné, ne font-ils pas ce qu'ils peuvent? N'ont-ils pas (m'assure-t-on) confié à M. Ernst le soin de remanier tels «livrets» français? Pour le coup, nous aurions espoir! Oui, mais ne pas se contenter d'espérer en silence! Aider de toutes ses forces, au contraire, par des paroles et par des actes, cet espoir à se réaliser!

[109-1] L'administration de l'Opéra a-t-elle l'excuse de l'ignorance? C'est bien invraisemblable, mais possible en somme. Il paraît néanmoins qu'elle ait eu, tout d'abord, une juste intuition, si ce n'est pas un scrupule. Elle avait en effet confié à un poète (au dévouement duquel personne, quand il s'agit d'une belle cause d'art, et surtout de la cause wagnérienne, n'a jamais fait appel en vain), elle avait confié, dis-je, à M. Catulle Mendès, le soin de faire sur l'œuvre entière, au public de la répétition générale et de la première représentation, deux conférences accompagnées d'exécutions, au piano, d'importants fragments de L'Or-du-Rhin. Idée rudimentaire et critiquable encore, mais qui, étant donné le choix du conférencier, fournit des résultats vraiment inespérés. Evidemment l'on n'aurait pu, sans une indiscrétion blessante, demander au même poète, qui a son œuvre à faire, de se constituer son propre phonographe à chacune des représentations ultérieures de La Valkyrie. Mais n'eût-on pas trouvé sans peine, dans tout Paris, et notamment parmi les hommes dont j'ai cru devoir citer et rapprocher les noms (ci-après, p. 120, et note) assez de bonnes volontés pour suivre un tel exemple? On eût habitué le public, de cette manière, à l'idée de la nécessité d'une représentation totale, qui se fût vite imposée d'elle-même. Voilà ce qu'il fallait faire pour L'Anneau du Nibelung, ou alors il fallait ne rien faire et se résigner à l'élection d'un des autres Drames wagnériens, pour lequel de telles objections n'auraient plus eu nulle raison d'être, si d'ailleurs se fussent acharnées, quant à l'acoustique et l'optique, d'autres objections très sérieuses, irréductibles par nature, spécifiées dans la note suivante, et confirmées par l'une de celles de la page 132.

[110-1] Précisons: «L'optique de la décoration wagnérienne a des rapports qu'on ne peut négliger avec la construction et l'aménagement du théâtre où elle doit s'offrir aux regards. L'unification des places, disposées toutes sur des gradins, face à la scène, l'invisibilité de l'orchestre, l'obscurité dans la salle, la suppression de la rampe ou plutôt sa neutralisation par un éclairage sur herses excellemment réglé, sont connues de tous ceux qui ont visité le théâtre de Bayreuth, ou qui en ont lu une exacte description. Plus de souffleur, plus de gesticulations du chef d'orchestre apparentes aux regards, plus d'archets s'agitant, plus de prosaïques détails de l'exécution matérielle. Les divers assistants sont placés dans des conditions presque égales, comparables du moins; ils voient tout et entendent tout..... Le rideau s'ouvre par le milieu, les pans s'écartent en se relevant, ce qui est d'une symétrie heureuse, et surtout permet de voir immédiatement le décor par sa région centrale et sur toute sa hauteur. Il se referme par le mouvement inverse, qui présente des avantages analogues. Tout est calculé pour faire paraître la scène plus profonde, plus vaste, pour reculer la toile de fond, amplifier les déplacements des personnages, prêter même à ces personnages l'apparence d'une taille plus haute, d'une importance optique plus grande. Pour cela, il fallait tromper le spectateur sur la distance qui le sépare du plan moyen de la scène, et, par suite, des acteurs: l'obscurité y contribue, laissant la scène seule lumineuse,—région dont le regard ne peut se détacher, et qui éclate dans l'ombre du théâtre. D'ailleurs, cette obscurité et la pente sensible des gradins s'opposent à une appréciation exacte des distances. La scène étant vue de toutes les places suivant une perspective légèrement «cavalière»,—pour prendre le mot technique,—ses dimensions souffrent d'un raccourci moindre que si les gradins étaient sur plan horizontal. L'existence du proscenium, celle surtout du toit qui recouvre la fosse de l'orchestre,—toit courbé en segment de tore et que le regard remonte en quelque façon suivant tout l'arc du cercle générateur,—donnent l'illusion d'un recul considérable de la région moyenne où agissent les personnages.» (Alfred Ernst, L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre Poétique, pp. 156-157.) Déjà, dans une note antérieure (p. 97), j'ai montré quelle sonorité «mystique, purement spirituelle», suivant les expressions de Wagner, l'orchestre doit à cette disposition; j'ai dit comment elle rend possible une articulation très nette—et sans grimaces—des mots chantés. Je ne puis m'imaginer, vraiment, qu'avec un peu de bonne volonté, on ne réussirait pas, sur certaines scènes françaises, à réaliser (les soirs de Wagner), sans pour cela reconstruire les salles, des conditions équivalentes à celles ci-dessus énumérées. Quoi qu'il en soit, une note prochaine (p. 132) décrira l'infaillible effet toujours produit, par ces dernières, à Bayreuth, sur les spectateurs, et prouvera qu'on pourrait aussi, même à Paris, si l'on s'y voulait adapter, nous offrir l'Anneau du Nibelung lui-même, avec tout son surnaturel, sans avoir rien à craindre, en somme, de notre désolante ironie nationale.

[111-1] Cf. Lettre sur la Musique, pp. VII-VIII: «Avant tout, le poète dramatique, en abordant le théâtre, trouve en lui un élément de l'art déjà constitué; il est tenu de se fondre avec lui, avec les lois particulières qui le régissent, pour voir ses propres conceptions réalisées. Si les tendances du poète sont en parfait accord avec celles du théâtre, il ne saurait être question du conflit que j'ai signalé; et la seule chose à considérer, pour apprécier la valeur de l'œuvre produite et exécutée, c'est le caractère de cet accord. Si ces tendances sont, au contraire, radicalement divergentes, on comprend sans peine l'extrémité fâcheuse où l'artiste est réduit: il se voit forcé d'employer, pour exprimer ses idées, un organe destiné, dès l'origine, à des buts différents du sien.»

[112-1] Il serait trop facile de montrer, par d'innombrables citations et, ce qui vaut mieux, par des faits, combien le but de Wagner, largement national, fut toujours désintéressé. Loin de viser uniquement à la représentation de la Tétralogie de l'Anneau du Nibelung, il espéra longtemps, contre toute espérance, une aide officielle—qui ne vint pas. Parlant de cette représentation (dans l'Œuvre et la Mission de ma Vie, corroborée par l'existence, en ses Gesammelte Schriften, t. VIII, d'un «Rapport au roi Louis II» et d'autres pièces), il résume ainsi ses premiers projets (pp. 73-74): «La répétition probable de tels festivals formerait la base d'une institution dramatique et musicale dont l'influence aurait eu l'effet le plus favorable sur l'art allemand en général, qui avait été entièrement privé jusque là du type qu'elle aurait fourni. Pour qu'une telle institution pût être assurée sur une fondation réelle, j'avais à considérer d'abord ce qui était spécialement indispensable à son succès: la capacité des artistes que je devais appeler ensemble pour accomplir une tâche qui n'avait jamais encore été présentée sérieusement devant eux. La chose la plus importante était assurément la manière particulière de traiter les voix des chanteurs qui posséderaient la puissance dramatique nécessaire, car aucune branche de l'éducation musicale n'est aussi négligée en Allemagne que le chant dramatique; son développement, conformément aux vrais principes d'art, étant rendu pratiquement impossible par la confusion de styles inévitable dans un répertoire d'opéra ordinaire. Dans la musique instrumentale, pour laquelle les Allemands ont un talent si original, il fallait une réforme analogue, car, bien que nous possédions sans aucun doute les plus grandes œuvres classiques qui existent dans cette branche de l'art, nous n'avons pas encore de méthodes vraiment classiques pour leur exécution. Ma première tâche, alors, fut de préparer un plan détaillé pour la fondation d'une école musicale complète, dans laquelle seule l'institution projetée pouvait trouver son point de départ convenable, et par laquelle elle devait être continuellement renouvelée. C'était seulement par une telle préparation que la musique, notre branche d'art particulièrement allemande, et le drame, qui en est naturellement le développement, pouvaient avoir chance de trouver leur plus haute réalisation pour l'exécution des œuvres des grands maîtres et de ceux de leurs successeurs qui avaient conservé le style allemand dans sa pureté; par ces moyens seuls on aurait assuré un développement qui pourrait permettre vraiment de les reproduire et qui devait être soustrait à tous les hasards, à toutes les contingences et à toutes les restrictions.» Mais lorsque, ajoute Richard Wagner, «je me présentai avec ce projet, il sembla surgir ensemble toutes les influences représentées dans notre presse et notre société, unies dans la plus violente opposition à mon œuvre et au plan que j'y avais ajouté pour l'encouragement de l'art allemand.» Et, l'Anneau du Nibelung ayant été joué (en dépit de cette opposition), comme il fallait qu'il fût joué, «alors, précisément quand il me parut le plus nécessaire de marcher sérieusement vers l'institution que j'avais projetée pour donner des représentations modèles régulièrement répétées, je me trouvai moi-même chargé d'une tâche difficile, que comme toute chose quelconque on me laissa seul achever. J'avais personnellement à parfaire le déficit considérable qui était resté après la représentation de la trilogie, terminée avec de telles difficultés» (p. 80). N'importe! «Je ne voulais pas avoir entrepris de simples répétitions de ces festivals dramatiques et musicaux extraordinaires que le public réclamait, à moins que les garanties qui m'avaient été données ne formassent une partie de cette institution tout organisée que j'avais en tête et qui non seulement rendait possibles les représentations isolées, mais établirait un système régulier d'instruction pour l'exécution des chefs-d'œuvre de notre art. Une fois encore, alors, je mis en avant mon plan d'une espèce d'école d'entraînement.....» (p. 90). Ce fut en vain; et il ne resta plus à Wagner qu'à tonner contre les pouvoirs qui refusaient «de prendre les seules mesures propres à assurer une institution permanente ayant son origine dans un projet vraiment artistique, et tendant à conserver pour toujours la plus caractéristique manifestation de l'esprit allemand, à propager l'art si grand, l'art incomparable de nos grands maîtres, qui peut éveiller la vraie appréciation de la nature et de la dignité de cet art dans la nation qui a donné l'existence à ces maîtres!» (p. 91).

[114-1] Cette thèse a la faveur de M. Chamberlain, qui l'a défendue avec feu dans la Revue Wagnérienne, t. III. J'ai proclamé assez haut le respect que m'inspirent la compétence et la personne de M. Chamberlain, j'ai, surtout, développé ici assez d'idées, émises par lui, pour m'estimer en droit d'en discuter telles autres. Aussi bien ne s'agit-il ici que d'une personnalité: Wagner.

[117-1] Par exemple (pour ne parler que du Ring), dans Siegfried, à l'acte troisième, tels mots du chant de Siegfried se ruant dans les flammes (les mots traduits ci-dessous, p. 495, par: «O joie! joie!»); et surtout, scène finale du Crépuscule-des-Dieux, 30 vers entiers: «parce que c'eût été essayer de substituer à l'impression musicale une autre impression,» et parce que «le sens de ces vers est exprimé par la Musique avec la plus grande précision.»—Cf. d'ailleurs la note du Crépuscule-des-Dieux, p. 623, et H.-S. Chamberlain, Revue Wagnérienne, t. II, pp. 134-138.

[117-2] Cf. ci-dessus, pp. 5-7.

[117-3] Par la même occasion, je tiens à faire observer ce que l'auteur de cette Etude, M. Edmond Barthélemy, ne peut évidemment faire observer lui-même: à savoir que (étant donné le caractère tout particulier de la publication présente) l'importance de sa part de collaboration, spécifiée par la Couverture et par la Table des Matières, ne saurait être mesurée au nombre des pages que remplissent et cette indispensable Etude, et le non moins indispensable Commentaire musicographique du même auteur. En effet, si, malgré les liens d'ordre privé qui nous unissent, nous avons dû tenir, tout à fait, à ce que notre participation respective fût explicitement établie, SANS AUCUNE CONFUSION POSSIBLE, si nous y avons insisté, ce n'est ni pour faire valoir l'un de nous au préjudice moral de l'autre, ni pour nous réserver le puéril plaisir de «voir nos noms imprimés» à différentes reprises (nous savons trop qu'un seul importe ici: Wagner); c'est parce que, dans une Édition de cette nature, les responsabilités assumées étant spécialement redoutables, il est spécialement nécessaire, aussi, que les critiques, quelles qu'elles puissent être, adressées à l'un, n'atteignent pas l'autre.—Mais, il faut l'ajouter bien vite, nous n'entendons pas moins tous deux: que, jamais confondus dans telles critiques prévues, nos DEUX noms demeurent unis, indissolublement, à l'idée (qui est neuve) de l'Edition elle-même.—Pour mon compte, je me ferais d'autant plus un scrupule de ne pas le désirer, que, condamné provisoirement, par les fatalités d'une existence nomade, à vivre loin du centre de la vie moderne, j'ai dû m'en remettre à l'amitié de M. Edmond Barthélemy du soin d'engager, seul, et de mener à bien, d'accord avec moi, les nombreuses négociations préliminaires obligatoires.

[119-1] Cf. ci-dessus, pp. 101-104 et 106-107.

[120-1] Revue Wagnérienne, t. Ier.

[120-2] Je ne puis pas transformer ces notes en un catalogue international de noms et d'ouvrages. Toutefois, sans me proposer de faire une liste complète, aux sept noms ci-dessus je voudrais ajouter: pour la France, ceux de Mme Judith Gautier et de MM. Arsène Alexandre, Henry Bauer, Camille Benoît, Raymond Bouyer, Alphonse Combes, Ch. Darcours, de Fourcaud, A.-Ferdinand Hérold, H. Lavoix, Charles Malherbe, Stéphane Mallarmé, Camille Mauclair, Catulle Mendès, Charles Morice, George Noufflard, Charles Nuitter, Adolphe Retté, Emile de Saint-Auban, Schuré, Albert Soubies, Eugène Véron, Willy (Henry-Gauthier-Villars, l'étonnante «Ouvreuse du Cirque d'été»), Teodor de Wyzewa, etc., etc.; pour l'Allemagne, ceux de MM. Otto Eiser, Wolfgang Golther, Fritz Kögel, Meinck, J.-Nover, etc., etc., et, à certains points de vue, ceux de MM. Glasenapp, Nohl, Pfohl, Tappert, etc.; pour la Belgique, ceux de MM. Louis Hemma, Henry Maubel, Albert Mockel, etc.; pour le Danemark, celui de M. Gjellerup; pour la Norwège, celui de M. Gérard Schelderup; pour l'Espagne, celui de M. Marsillach Lleonart;—pour l'Angleterre, celui de M. Dannreuther (n'oublions pas que M. Chamberlain est Anglais, encore qu'il écrive en allemand—et même, quelquefois, en français,—des pages excellentes sur Richard Wagner. Ce qu'il réserve à sa patrie, c'est le fruit de ses études botaniques, et plusieurs m'affirment que ce n'est pas peu de chose). Je ne parle là, bien entendu, que des publicistes; et, parmi les publicistes, que de ceux dont les écrits me sont ou familiers, ou avantageusement connus. Il est deux classes d'auteurs dont je ne pouvais mot dire: 1º ceux qui me révoltent (ceux-là,—qui m'aura lu les reconnaîtra); 2º ceux que je n'ai point lus.

[121-1] On trouvera, de cette traduction (philologiquement littérale), d'autres extraits assez nombreux, dans mes Notes de la «Scène» Première de L'Or-du-Rhin, pp. 223-242. Aussi suis-je forcé de signaler ces Notes, comme un élément de critique fort utile pour apprécier ma traduction personnelle: quiconque, ayant à la juger, l'aura bien voulu comparer, d'abord, à celle de MM. Dujardin et Houston-Stewart Chamberlain, sera ensuite disposé, j'y compte, à m'approuver.—Cf. encore, d'ailleurs, ci-dessous, la note (1) de la p. 124.

[121-2] «Le mot-à-mot, quand il contrarie le tour naturel de notre langue, est la pire des traductions.» (Villemain).—Cf. ci-dessous la note (1) de la p. 124.

[122-1] Entre autres signalerai-je, Or-du-Rhin, «scène IV», p. 301, la note relative à Erda. Je n'ai pas multiplié les notes de cette nature. Je ne le pouvais sans m'exposer à encombrer les pages de ce livre, que certains, j'en ai peur, estimeront encombrées déjà.—Sur la méthode suivie dans mon Annotation philologique des quatre Drames, cf. ci-après, p. 128, note (1).

[123-1] Lettre sur la Musique, pp. LXXIII-LXXIV.—Cf. ci-dessus p. 97, passage en italiques.

[124-1] Il m'est arrivé néanmoins, quoique parfaitement édifié sur la différence existant entre le sens moderne de certains mots, et le sens primitif employé par Wagner, de me décider pour un moyen terme: lorsque j'ai cru pouvoir enrichir, de la sorte, une phrase quelque peu vague (comme beaucoup de phrases allemandes,—cf. p. 313, note), d'une signification supplémentaire conforme au caractère du personnage, à la situation dans laquelle il se trouve, à l'esprit d'un passage heureux,—intraduisible. Je dis donc tout bas (pour ceux des écrivains spéciaux qui peuvent être appelés à me juger) que je n'ignore en aucune façon dans quelle stricte acception Wagner s'est servi (je cite au hasard un certain nombre de mes fiches) de vocables ou d'expressions tels que sehren, uas, Wunder, selig, heilig, Harst, die Trauten, Lungerer, Halle, etc. Je n'ai donné que de bien rares exemples des transpositions tentées: ce jeu, qui n'eût intéressé que des philologues ou des linguistes, fût devenu fatigant, bientôt, pour le public, plus que pour moi; et ma Traduction littérale, d'ailleurs, paraîtra tôt ou tard, j'espère, soit seule, soit en regard de celle-ci.—Autre observation qui s'applique, non plus à des mots isolés, mais à des groupes de mots entiers; dans le même esprit que ci-dessus, lorsque la traduction quelque peu gauche de l'un de ces groupes, mais seulement en des phrases d'importance secondaire, eût interrompu sans nécessité le cours dramatique du dialogue, je me suis efforcé d'établir, sur le fonds des mêmes mots allemands, une version d'allure plus aisée, de sens le plus voisin possible; mais je n'y apporte aucun amour-propre; et s'il m'est proposé pour ces phrases peu nombreuses (très rares: quinze à vingt-cinq au plus) une version à la fois heureuse ou dramatique—et littérale, je n'hésiterai naturellement pas, dans l'une des éditions futures, à substituer à la mienne cette nouvelle version fragmentaire.—Que cette note me soit l'occasion de placer une remarque essentielle, relative à la cause profonde en vertu de laquelle le mot-à-mot strict importe, çà et là, fort peu; cette cause profonde réside en ce que, à l'exception, bien entendu, des irréductibles passages ressortissant à la symbolique générale de l'œuvre, le texte du poème eût admis des variantes (et il en existe, en effet). M. Chamberlain, l'un des deux auteurs de l'essai de littéralité philologique à quoi j'ai dû faire allusion, M. Chamberlain ne pense-t-il pas lui-même, et n'a-t-il pas écrit lui-même, qu'abstraction faite, il faut le redire, des passages plus haut mentionnés, le poème, en un certain sens, est plus «fortuit» que la musique? car celle-ci est tout expressive (étant principe d'émotion pure) d'une vérité d'ordre plus vague, ou plutôt moins particulier, pour lequel peut changer la «fable»,—mais d'une vérité, par là même, plus certaine et plus absolue; c'est ce que signifie cet axiome, le plus wagnérien des axiomes (contenu dans Oper und Drama): «La Musique, au lieu d'exprimer, comme la Parole, ce qui n'est que pensé, exprime la Réalité.» Pour être en même temps musical, il suffit, en effet, qu'un sujet soit humain, à la condition qu'on entende ce terme en son acception esthétique la plus intime et la plus large. Ainsi pensa Schopenhauer, ainsi Wagner, ainsi Carlyle—et du dernier me revient à la mémoire l'idée, providentiellement à propos, l'idée qui lui faisait trouver, dans la substance des deux Eddas, une «Mythologie MUSICALE».

[126-1] Hans von WOLZOGEN: Die Sprache in Richard Wagners Dichtungen (Leipzig, Reinboth, éd.).

[127-1] Cf. Gesammelte Schriften und Dichtungen: «Le Drame n'a qu'un seul but,—agir sur le sentiment» (tome IV, p. 253.—Cf. aussi dans le même volume, pp. 97, 246, etc., etc., des affirmations analogues).—Se reporter d'autre part aux citations, plus haut, pp. 97, 123, de la Lettre sur la Musique.

[128-1] DE MON ANNOTATION PHILOLOGIQUE DES DRAMES.—Il importe de dire ici, pour mes juges, comment je l'ai conçue. Les remarques dont elle se compose sont tour à tour: les unes «philologiques» (au sens restreint du mot); d'autres, mythographiques; d'autres, herméneutiques; d'autres, comparatives des textes et des sources.

1º «Philologiques» (au sens le plus restreint de ce mot), les Notes donnent le sens littéral, soit d'après tels prédécesseurs, pour légitimer une transposition,—soit, plus souvent, d'après moi-même: tantôt pour préparer l'esprit à l'idée d'une future Traduction littérale, tantôt pour lui permettre d'entrevoir, au moins, des beautés que rendent intraduisibles la différence de génie des deux langues et les particularités de la Métrique wagnérienne. Ce sens littéral, au surplus, je ne l'ai noté que peu fréquemment: j'ai plutôt essayé de choisir des exemples très expressifs du dramatique de ma méthode. Assez nombreux pour L'Or-du-Rhin, plus rares déjà pour La Walküre, de plus en plus rares pour Siegfried, ces exemples sont presque absents du Crépuscule. C'est qu'à mesure que, de Drame en Drame, le lecteur me semblait devoir s'accoutumer mieux à la Pensée de Richard Wagner, non seulement toute explication devenait de moins en moins nécessaire, mais moi-même, insensiblement, graduellement, je tentais de rapprocher mon style de la littéralité pure.

Mythographiques, les Notes visent à livrer, flagrants, des éléments de comparaison entre l'Œuvre traduite, d'une part, et, d'autre part, les Mythes germains et scandinaves dont elle est à titre secondaire, mais à titre réel, pourtant, une synthèse, un panorama; elles montreront qu'avant d'être un grand Musicien, Wagner fut un très grand Poète, rendant aux vieilles Légendes mieux qu'il ne leur a pris, faisant arriver ces Légendes profondes à la «définitive conscience de leur signification propre». Je conseille du reste aux lecteurs peu familiarisés avec ces mêmes Légendes (qui sont moins connues en France qu'en Allemagne) de s'en faire une idée, d'abord, par les articles consacrés, dans toutes les encyclopédies, aux personnages mythiques (Odin, etc.) mis en scène par Wagner dans L'Anneau du Nibelung. Je me suis borné à dire, ici, ce qu'on n'aurait peut-être pas toujours trouvé partout: on comprendra que le reste eût encombré ces pages.

Herméneutiques, éxégétiques, loin de prétendre à tout expliquer, les Notes se contentent de fournir des exemples de la manière dont il importe de chercher le sens symbolique et profond des Drames, sous la surabondante vie extérieure, concrète, qui toujours y suffit à l'intérêt de l'action (Cf. les notes (2) de la p. 248, et (1) de la p. 494). L'étude de mon ami Edmond Barthélemy, et le livre de M. Ernst: L'Art de Richard Wagner: l'Œuvre Poétique, achèveront d'éclairer quiconque serait peu familiarisé avec de telles méditations.

Comparatives, les Notes sont avant tout choisies: un second volume comme celui-ci n'eût pas suffi à tout contenir. Au reste l'essentiel, en ce cas, n'était nullement d'être complet: à quoi bon tant d'érudition? les Drames de Wagner, en eux-mêmes, ne doivent agir sur notre esprit que par l'intermédiaire du cœur, sur notre cœur que par l'intermédiaire des sens. Seulement, à un point de vue critique, il peut être attachant, démonstratif, utile, de suivre, presque vers par vers, ce qu'a su faire des sources cet immense Poète. Elles sont de deux familles, ces sources: les Scandinaves, les germaniques. De celles-là, les plus importantes sont les Eddas (et même la Völsunga-Saga); de celles-ci, le Nibelunge-nôt, l'épopée nationale allemande. Sans doute en est-il d'autres que j'ai dû citer, mais d'une manière fortuite et brève: presqu'aucune d'elles n'étant traduite, je n'aurais pu faire de rapprochements qu'au prix d'une foule de commentaires qui auraient rebuté le lecteur, la place ne m'eût-elle pas manqué. D'autre part, une difficulté m'embarrassait: Wagner, évidemment, n'a pas lu les Eddas dans leur vieil idiome islandais, mais dans leurs traductions allemandes (celle d'Ettmüller (1837); celle de Simrock (1851), qui, remarque assez importante, offrent l'une et l'autre un système, déjà très heureux, d'allitération; pour la Völsunga, voir ci-dessous pp.201-204, l'Etude Critique. Or mes Notes font presque toujours, pour ainsi dire, toucher du doigt: le travail personnel accompli, par Wagner, sur ces précieux poèmes par lui transfigurés; mais elles le feraient sentir bien davantage encore, si j'avais pu citer les textes. Si j'avais pu? je pouvais! mais à quoi bon? pour qui? Encore une fois, notre œuvre s'adresse au Public, à celui qui ne sait pas l'allemand: car, pour quiconque le sait, qu'a-t-il besoin de notre aide? Telles quelles, mes Notes comparatives, empruntées aux versions françaises (dont j'indiquerai plus loin la bibliographie), sont suffisamment concluantes, grâce à la sélection sévère que j'en ai faite,—puisqu'elles se rapportent, en somme, aux mêmes passages scandinaviques que les traductions feuilletées par Wagner. L'avouerai-je? un de mes secrets désirs serait que le lecteur, par une étude des vieux poèmes, complétât les notions qu'aura pu lui donner, sur la profonde Ame septentrionale, la prise de connaissance de L'Anneau du Nibelung. Moi-même travaille depuis deux ans, en ce qui concerne les Eddas, à une Traduction-Édition française: mais sans doute faudra-t-il beaucoup plus de temps encore pour «mettre au point» cette tâche ardue. Aussi me suis-je effacé (provisoirement, au moins) devant les interprètes antérieurs de ces sources, quitte à rectifier leur version, parfois, d'une manière qui ne la rendît point méconnaissable. Toutes mes citations des Eddas appartiennent à la traduction, introuvable et défectueuse, mais seule complète, de Mlle R. du Puget (Paris, Bibliothèque Etrangère, 1838), ou à celle, déjà bien meilleure mais fragmentaire, de M. Emile de Laveleye (La Saga des Nibelungen dans les Eddas et dans le Nord scandinave; Paris, Librairie Internationale, 1866. Quant à mes citations du Nibelunge-nôt, j'ai pris soin de les faire suivre de l'indication des pages de la version française, par le même M. Emile de Laveleye (Les Nibelungen, nouvelle édition; Paris, C. Marpon et E. Flammarion; s. d.).—Un dernier mot pour ceux qui, n'ayant pas présente la chronographie que j'ai donnée (pp. 65-66, 67-68, 71-76) de la composition poétique de L'Anneau, se demanderaient pourquoi ces extraits des sources, rares pour le Rheingold comme pour La Walküre, sont multipliés pour Siegfried et pour le Crépuscule-des-Dieux. A ces oublieux je répéterai: que Le Crépuscule-des-Dieux est le Drame, D'ABORD UNIQUE, duquel est issue la Tétralogie (il s'appelait alors Siegfried's Tod): un intérêt spécial s'attache donc à la genèse d'un semblable générateur! N'en est-il pas de même pour Siegfried, qui, sous le nom du «Jeune Siegfried» fut dramatisé après le Crépuscule, afin que fussent montrés, sur la scène, certains épisodes, seulement racontés dans la conception primitive? Et ainsi de suite: Wagner, parti de la légende nationale du Nibelunge-nôt, qui, nécessairement, devait le frapper d'abord, s'est avancé peu à peu dans les origines mythologiques de cette légende, pour aboutir, enfin, à L'Or-du-Rhin.—On comprend, dans ces conditions, que les Notes, relatives à la genèse de l'œuvre, soient infiniment moins nombreuses et pour le Prologue, et pour La Walküre.

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