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Le second enfer d'Etienne Dolet: Suivi de sa traduction des deux dialogues platoniciens l'Axiochus et l'Hipparchus; notice bio-bibliographique par un bibliophile

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A TRESILLUSTRE
PRINCE
MONSEIGNEVR LE DUC D’ORLEANS

Honte i’aurois, et la deburois auoir
(Duc, protecteur de touts gens de sçauoir)
Si par ma faulte il estoit aduenu
Que maintenant ie fusse reuenu
A te prier, par la lettre presente,
Que ta faueur (dont chascun se contente),
Que ton support (qui à nully n’est clos)
Me iettast hors du mal où suis enclos.
Mais puisque c’est fortune qui m’en veult,
I’accours à toy comme à celluy qui peult
La repoulser, et me rendre deliure
Des grands ennuys que tant souuent me liure.
L’ennuy que i’ay (helas ! pauure chetif),
C’est que ie suis de la France fuitif,
A tort, sans cause et sans aulcun mesfaict.
Et pour le myeulx, dire te veulx le faict,
Si à l’ouyr prend plaisir d’aduenture :
Sache en briefs mots, Royalle geniture,
Que dans Paris, depuis vng peu de temps,
Ont esté prins (ainsi comme i’entens)
Certains fardeaulx de liures defenduz,
Qui ont esté au parlement renduz
Par vng qui bien la trahison sçauoit.
Or entre yceulx des miens il y auoit
(I’entends des miens, de mon impression)
Et pour cela on a presumption
Que ces fardeaulx sont touts venuz de moy.
Voylà pourquoy on me mect en esmoy ;
Voylà pourquoy Messieurs du parlement
Ont à Lyon mandé subitement
Que fusse prins, ce que ie fus pour vray.
Mais de prison bien tost me deliuray,
Car ie n’y fus que deux iours et demy :
Et bien monstray que ne suis endormy,
Quand de trouuer la maniere ie tasche
De sortir hors d’vng lieu où ie me fasche.
Ce n’est pas tout, Prince doux et humain :
Puisque Diev m’a voulu tenir la main
A me tirer hors de captifuité,
Ie vous requiers que soyez incité
De faire tant vers le Roy, vostre pere,
Qu’il me remette en mon premier repaire,
Veu que d’offense il n’y en a aulcune,
Et que ce n’est que malheur et fortune,
Enuye aussi, qui ne se peult lasser
De conspirer contre moy et brasser
Mille tourments, mille assaults et outrages,
Mille despens, mille cousts et dommages.
En esperant que ce bien me fairez,
Et que me mettre en seurté tascherez,
Ie vous enuoye vng double de la lettre
Que i’ay aussi au Roy voulu transmettre.
Là congnoistrez de mon faict l’innocence,
Si de l’ouyr auez la patience :
Ce que vous pry humblement vouloir faire,
Affin que mieulx entendiez mon affaire,
Pour en parler au Roy plus seurement,
Et le prier affectueusement
Que son Dolet (son Dolet ie me nomme,
Car sans luy seul ie ne fusse plus homme)
Rappeler vueille au doulx pays de France,
Et (pour tousiours) luy donner asseurance,
En bien viuant, sans forfaict et sans vice,
Qui soit subiect aux abboys de Iustice.
Cela faisant (et sans cela aussy)
L’Omnipotent ie requerray icy,
Qu’aultant que fut Iules Cesar heureux,
Grand en conseil, en faictz cheualeureux,
Aultant, ou plus, vous soyez fortuné,
Et quelque iour d’vng Empire estreiné.

FIN

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