Les Aspirans de marine, volume 2
NOTES.
Note 9.
On nomme l’Amiral la vieille frégate ou la vieille corvette désarmée que l’on place en avant-garde à l’entrée d’un port, pour surveiller et exécuter les détails de la police maritime de ce port. C’est à bord de l’Amiral que l’on met aux arrêts les officiers de marine à qui l’on croit devoir faire subir une détention momentanée. C’est encore à bord de l’Amiral que sont placés les officiers en état de prévention, et c’est là enfin que sont rendus les jugemens du conseil de guerre qui doit les absoudre ou les condamner.
L’Amiral, à bord duquel se rendent les arrêts de la justice maritime, sert aussi de lieu d’exécution à la plupart des verdicts prononcés au nom de la discipline navale. Les instrumens du châtiment se trouvent, pour ainsi dire, placés aux portes de la cour martiale, d’où est sortie la sentence des juges. Une grande vergue, suspendue au seul mât qui existe à bord de ce bâtiment, sert à donner la cale mouillée aux matelots qui ont encouru la rigueur de cette punition terrible. Des garcettes, déposées dans les coffres de cet arsenal disciplinaire, sont tenues sans cesse en état pour offrir une arme aux hommes qui doivent faire courir deux ou trois tours de bouline aux coupables sur lesquels la sévérité des lois s’est appesantie. Quelquefois même le pont de l’Amiral peut devenir le théâtre de ces exécutions capitales qui n’ont pour témoins que l’officier désolé, qui dit feu ! et les soldats malheureux dont le devoir est d’obéir.
Au moment où la justice qui a prononcé la peine va être rendue solennellement, le pavillon rouge est hissé au haut du mât unique de l’Amiral, et un coup de canon tonne sur les flots en même temps que le terrible pavillon monte dans les airs. C’est le signal de l’exécution, et ce signal reste au haut du mât pendant la durée du supplice et le règne impassible de la loi.
A terre, autour de ces carcans et de ces échafauds qu’environne sans cesse une foule bouillonnante dont les regards altérés semblent vouloir boire le sang des victimes ou se repaître de la honte des patiens, les exécutions se font sans dignité, comme sans ordre et sans pudeur. C’est de la cruauté publique tempérée par le bruit et les vagissemens de la multitude et par le spectacle animé que présentent les flots du peuple pour envahir le lieu de la scène, dont la tête d’un homme va faire les frais… Mais à bord, autour du condamné qui subit son châtiment, tout est silence, sévérité, impassibilité. Un coup de canon part, un pavillon monte, le châtiment commence, et les cris du coupable se font entendre seuls après la voix formidable du canon, qui s’est tu pour laisser agir la justice… Quand le pavillon rouge descend, la sentence a reçu son exécution, le coupable est puni, et quelquefois même il a cessé de vivre…
Vous trouvez le spectacle de l’Océan bien vaste, bien majestueux, bien sublime : eh bien ! dans l’existence du marin, tout participe de la majesté et de la sublimité terrible de l’élément sur lequel il vit, il court, il meurt ; ses dangers, ses mœurs, ses lois, ses passions, ses excès, ses peines, ses châtimens, ses fautes, tout s’harmonise, dans son existence, avec ce grandiose qu’offre la mer à vos yeux, à vos idées et à votre âme. L’homme, là, est au niveau de la profession terrible qu’il s’est faite, et à la hauteur de l’élément sur lequel il règne.
FIN DES NOTES.
NOTE DU TRANSCRIPTEUR
On a déplacé à la fin du premier volume les notes 1 à 8, qui figurent en fin de ce second volume dans l’original.