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Les nouvelles leçons d'amour dans un parc

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IX

Ils remontèrent allègrement vers le château dès que se fit sentir le serein. Le rire de Jacquette animait les vastes allées solitaires. Elle se penchait, au-dessus des bordures de buis, pour respirer les roses ; M. de Fontcombes, si sérieux lorsqu’il convenait de l’être, avait l’esprit rempli de gaminerie et tirait de Mlle de Chamarande des résonances gentiment enfantines, que personne n’avait su éveiller durant tout le temps de sa jeunesse. Et quand elle avançait la main pour cueillir une fleur, M. de Fontcombes avançait parallèlement la sienne, moins pour aider Jacquette que pour lui toucher un peu la main.

Du château, le marquis et la marquise les contemplaient. Volontiers réunis en conciliabule, ces temps derniers, Foulques et Ninon paraissaient de fort belle humeur. Il avait, quant à lui, une façon de faire claquer le couvercle de sa tabatière et de se bourrer la narine, qui en disait long. Elle, toujours agréable en sa maturité épanouie, regardait, songeuse, le spectacle de belles amours naissantes ; elle les avait aimées de tout temps, et dès leur naissance et après.

Quand les jeunes gens arrivèrent, elle embrassa Jacquette, et, M. de Fontcombes ayant demandé, par un compliment spirituel, à être admis à la même faveur, la marquise de Chamarande l’y admit, aux applaudissements du marquis et sous le regard bienveillant de Pomme-d’Api.

Il manquait Mlle de Quinconas.

— Elle arrive! dit le marquis Foulques qui avait l’oreille attentive à tous les bruits insignifiants.

Et il discernait celui du carrosse qui avait été prendre la gouvernante au coche d’eau.

On décida d’aller à la rencontre de la voyageuse, dans la cour d’honneur.

M. de Chemillé, méditatif, y tournait en rond, poussant du pied des marrons d’Inde enfermés dans leur bogue hérissée qui, à tout coup, s’ouvrait en accouchant du fruit brun, lisse, quelquefois pie comme les vaches au poil luisant qui paissent dans la prairie voisine.

Le carrosse poudreux pénétra, cahin-caha, dans la cour, car les chevaux étaient vieux ainsi que le cocher. Mais Mlle de Quinconas en descendit, aussi alerte, en donnant la main au marquis, qu’elle l’était il y a beau temps, quand on l’en avait vue pour la première fois descendre.

L’excellente fille voulut, sans plus tarder, rendre compte de sa mission. Elle avait fait de son mieux, elle avait vu monseigneur son saint oncle, plein de mansuétude.

— Les petites poésies… Et, à ce propos, figurez-vous que j’ai fait dans le coche d’eau, la rencontre de l’auteur.

— Il s’agit bien de petites poésies! coupa aussitôt le marquis. Vous allez prendre une collation, mademoiselle ; on change pendant ce temps les chevaux, et vous retournerez, ne vous déplaise, près de monseigneur votre saint oncle!…

Mlle de Quinconas, ahurie, crut qu’elle avait commis faute grave et qu’on la jetait à la porte. Elle posa à terre quelques menus objets qu’elle portait, pour contenir son cœur bien garni et pousser un cri de circonstance.

— Mais non, sarpejeu! dit le marquis en s’esclaffant, seulement il s’agit d’affaires d’importance et urgentes : veuillez retourner à Angers, mademoiselle, et prier Sa Grandeur de venir le mois prochain, à sa convenance, bénir l’union de Mlle de Chamarande, ma fille, avec M. de Fontcombes!…

Tous applaudirent à ces paroles, y compris les jeunes gens qui se trouvaient, par là même, fiancés, y compris le vieux parrain de Jacquette, y compris les gens du château accourus, y compris la bonne Quinconas qui en était pour ses frais d’ambassade et devait, à son corps défendant, reprendre le coche d’eau :

— Enfin, soupira-t-elle, peut-être vais-je y retrouver le petit poète!…

— Commandez-lui un épithalame! dit le rusé parrain de Jacquette.

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