Les nouvelles leçons d'amour dans un parc
OVIDE
L’ART D’AIMER
(Ovid. Ars amandi, lib. II).
Environ dix-huit mois après que Jacquette de Chamarande eut épousé par inclination le chevalier de Fontcombes, elle s’ennuya près de son mari.
Elle le lui dit, à lui-même, tout le premier, et elle ajouta :
— Venez avec moi, Monsieur, jusque chez mon parrain, le baron de Chemillé, afin qu’il nous procure quelques lectures.
Les deux époux sortirent, sans équipage, du château. Une poterne franchie, au pied noirci de la tour du Nord, on était aussitôt dans le village. Ils suivaient la petite rue tortueuse, ne se donnant ni le bras ni la main, mais séparés et tenus écartés l’un de l’autre, et par leur humeur et par le ruisseau qui court entre les gros pavés boursouflés, comme la ligne du dos entre les épaules d’une femme un peu mûre. Des moutards barbouillés ou un chat qui se lissait le poil contrariaient leur course silencieuse ; de vieilles femmes momifiées au pas des portes leur souriaient en branlant la tête, et, dans des cages de bois, très puantes, des lapins, cessant une seconde de ronger la feuille de laitue, dressaient une seule oreille et présentaient un seul œil.
Depuis des siècles, ce village s’incurvait doucement sur lui-même, de peur de s’éloigner du donjon protecteur, de sorte qu’arrivé à son extrémité, on se trouvait revenu tout près de cette antique tour du Nord démantelée à présent et ravalée à la qualité de vulgaire pigeonnier. Tout au bout de la ruelle courbe s’élevait la petite maison du baron de Chemillé.
Modeste, construite en bonne pierre de taille, coiffée de hautes cheminées, ornée de trois lucarnes en sa toiture et d’un beau mascaron au-dessus de la porte d’entrée, elle était populaire par un cordon de glycine qui, d’un triple repli serpentin, enlaçait la muraille à mi-corps et semblait, au printemps, porter, en plein jour, les rayonnants quinquets d’une illumination. Quel contraste faisait cette demeure de gentilhomme philosophe avec les magnifiques corps de logis de Chamarande et ses terrasses, ses nobles degrés, sa tour isolée, son parc aux perspectives infinies, ses miroirs d’eau, ses célèbres fontaines et son labyrinthe un peu trop fameux!
Un heurtoir de cuivre bien fourbi, à la porte d’entrée, faisait accourir une gentille soubrette, nommée Margot, à moins que ce ne fût Mme Serremiette, femme un peu prude et d’âge canonique, la respectable gouvernante de la maison. La jeune servante vint au-devant de M. et de Mme de Fontcombes et leur dit que Monsieur le baron faisait pour l’heure sa promenade au fond du jardin, sous la treille.
Allant et venant, à petits pas, sous les arceaux garnis de chasselas roses, le baron, à travers ses bésicles, lisait les Géorgiques de Virgile lorsque l’aimable couple se présenta à lui en l’honorant des nombreuses marques de politesse qui étaient encore d’usage en ce temps-là.
— Mon parrain, dit Jacquette, nous nous ennuyons, mon mari et moi.
— « Nous nous ennuyons! » s’écria M. de Chemillé en regardant de biais le charmant époux, peut-on n’être pas parfaitement heureux quand on est amoureux?
— Taratata, fit Jacquette, « heureux », c’est bientôt dit, mais qu’est-ce que c’est que ça! Pour commencer, les personnes qui ne sont pas amoureuses m’ont l’air de s’occuper de mille choses (parmi lesquelles il y a chance que plusieurs au moins soient agréables) : les amants eux, d’une seule. Est-ce juste? Enfin, là, franchement, mon parrain, on ne saurait s’embrasser continuellement?…
— On ne le saurait, en effet, reprit le parrain, quoique beaucoup estiment qu’ils s’en contenteraient… Mais ce sont ceux qui n’embrassent plus, ou, plus exactement, que personne n’embrasse… On ne le saurait, vous avez raison.
— Bon, dit Jacquette, mais pas une âme, au château, qui condescende à seulement troubler notre tête-à-tête. Nous nous levons, le matin, déjà fort tard ; c’est bien. Nous avions coutume de prendre le déjeuner en famille ; aussitôt après, l’on aurait envie de se retrouver seuls. Bernique! à peine montrons-nous le nez, que chacun s’évanouit, disparaît ; maman nous lance par la porte entre-bâillée : « Allons, il ne faut pas que nous vous dérangions, mes enfants… » ; papa s’écarte en grognant, et Mlle de Quinconas a toutes les peines du monde à transporter assez vite son train de derrière qui épaissit. Avec cela pas plus de compagnie que du temps que je préparais ma première communion… Ah! c’est gai!
— Pomme-d’Api, votre poupée, vous reste, dit le baron.
— Puérilité!… Comment voulez-vous que je lui parle désormais?
— « Puérilité! » Sachez qu’elle prend de l’âge. Je ne serais pas étonné qu’elle songeât au mariage. Ce vœu accompli, vous aurez de nouveau en elle une confidente.
— Soyons sérieux, mon parrain. Nous venons vous demander de nous prêter des livres.
Le baron leva les bras comme si on le priait de décrocher la lune.
— Savez-vous ce que c’est que des livres? Savez-vous ce que sont les livres pour un vieillard tel que moi qui, à chaque pas qu’il fait, heurte la pierre de son tombeau, et pour qui toutes les choses délectables sont vidées d’espérance, comme les fleurs d’un jardin, souriantes encore et même parfumées, mais qui ne contiendraient pas au cœur la semence assurant le printemps prochain?
Et il regarda son jardin plaisant, situé en bordure du village : il donnait sur la douve dont le séparait un mur bas, où les lichens tissaient un appui de velours et où jouaient à cache-cache les lézards. Une treille en faisait, peu s’en faut, tout le tour. Les groseilliers, gros marchands de rubis, semblaient, derrière leur étalage, attendre la clientèle ; les perles noires du cassis s’y mêlaient désordonnément à la chair des framboises ; les poiriers y marquaient les encoignures des plates-bandes ; de vieilles futailles enfouies à fleur de terre, emplies d’eau, utiles à l’arrosage, imitaient une parure de bassins ; à la tombée du soir, les aromes du thym et du buis se fondaient là avec celui des fraises mûres et des abricots surchauffés.
— Tout cela, reprit le baron un instant songeur, n’a d’agrément réel que si cela vous promet de recommencer à en avoir demain. Rien ne vaut que ce qui porte en soi un élément fécond de durée. Eh bien, mon enfant, les fleurs, les fruits, les parfums, l’heure exquise peuvent me manquer l’an prochain… Les livres aussi! m’objecterez-vous? C’est là que je vous attendais pour vous faire éprouver la différence. Les livres, mais j’entends : les livres! — et il fallait écouter le baron dire ce mot — les livres contiennent quelque chose qui ne périt pas, qui non seulement ne périt pas, mais qui enfante sans cesse un élément nouveau, fertile lui-même et créateur de plus nombreuses et merveilleuses substances. Vous aimez la vie, ma filleule, oui, même aux heures où vous vous ennuyez, vous aimez la vie ; eh, bien! les livres, ils vous la doublent, ils vous la triplent, ils la centuplent, la vie!…
— Comment cela, mon parrain?
— Parce qu’ils contiennent la pensée, et parce qu’ils alimentent l’imagination. Ils déposent en nous des richesses qu’aucune méchanceté humaine ne nous peut ravir, et que nous faisons nous-mêmes fructifier comme des banquiers habiles, jusqu’à notre heure dernière, et mieux que cela, puisqu’en quittant notre or, nos maisons, nos jardins, nous leur disons adieu, tandis que je ne crois jamais que vont prendre fin la pensée ou le vers qui m’enchantent.
— Comment se peut-il, dit Jacquette, qu’il y ait des choses si extraordinaires dans les livres?
— J’appelle livres les ouvrages qui sont triés parmi les meilleures productions de l’esprit humain, en tous les pays et en tous les temps ; il ne faut pas croire que toutes les paperasses reliées en veau soient dignes de considération! Mais il est bon de savoir que ce que les meilleurs des hommes ont mis par écrit est meilleur qu’eux-mêmes. Non qu’ils se soient efforcés de le faire tel, mais parce qu’un secret mystère fait que certains hommes se surpassent quand, assis à leur table, ils deviennent écrivains… Je vous expliquerai cela une autre fois ; un phénomène aussi singulier nous mènerait loin…
— Vous me donnez plus grande envie encore de lire, mon cher parrain.
— Ce n’est pas tout, Jacquette. Ils constituent la grande distraction dont nous avons absolument besoin pour ne pas nous enliser dans la vie trop étroite quand elle est régulièrement répétée. Ils nous conduisent en d’autres pays ou en d’autres âmes, ce qui est la même chose ; et il importe beaucoup de savoir que les hommes comme leurs mœurs varient d’un lieu à un autre ; ils nous émerveillent par des aventures, ou bien nous suggèrent des réflexions que nous n’eussions jamais eues par nous-mêmes. Mieux encore que tout cela : ils sont beaux! Une page, un poème, un seul vers procurent plus de contentement que tous les plaisirs que nous acquérons à prix d’or.
— Vous me faites trépigner, mon parrain. Je veux des livres!
— Attendez. Il y en a parmi eux qui procurent l’enchantement à la jeunesse car ils sont la féerie, le rêve, la comédie, la source du rire inextinguible ; d’autres qui vous apprennent comment il convient de vivre, car ils contiennent, sous une forme généralement piquante, les résultats de toute l’expérience humaine ; et certains qui consolent — c’est le plus fort! — qui consolent l’homme avancé en âge de ne plus participer ni aux plaisirs de la jeunesse, ni au bonheur de vivre pour le mieux. Ce qu’ils nous donnent, c’est ce que nous avons la certitude d’emporter avec nous quand on nous ferme les paupières et la seule chose que nous aurions l’orgueil de montrer si nous nous réveillions dans une vie supérieure, car, pour le reste, en vérité : gloire, honneurs, richesses et tout ce qui s’obtient dans le commerce des hommes, dites-moi qui ne rougirait de se présenter devant Dieu avec ce seul bagage?
Le baron ouvrit tout à coup son Virgile ; il frappa du doigt le texte vénéré :
— La vertu subtile de la chose écrite, c’est notre viatique, à nous les vieux, mais à vous, c’est la révélation du sens même de la vie.
— Vous ne devez jamais vous ennuyer, mon parrain?
— Jamais.
— Mais pourquoi maman et ma gouvernante m’ont-elles si sévèrement défendu les livres?
— Ah! c’est que je ne vous ai pas dit qu’ils contiennent ce qu’il y a au monde de plus dangereux!…
— Qu’est-ce qu’il y a au monde de plus dangereux?
— La vérité, mon enfant, et l’erreur, sa sœur inséparable…
— Je veux lire, mon parrain! M. de Fontcombes et moi sommes venus vous demander des livres.
— Je ne prête pas de livres, dit le baron.
— Comment! après ce que vous venez de nous dire, vous nous laisseriez privés de magiciens capables d’écarter l’ennui?
— Je ne prête pas de livres, mais…
— Mais?…
— Mais je peux vous permettre de passer une après-midi dans ma bibliothèque. Venez demain ; je donnerai des ordres ; toutes les merveilles dont je vous ai parlé seront à vous. Dérangés? Mais vous le serez par tous les génies!… Libre à vous alors d’oublier là que vous êtes amants : je vous y livre à l’enchantement sans pareil de tous les chefs-d’œuvre de l’esprit humain…
Jacquette embrassa son parrain et quitta le jardin du baron de Chemillé à l’heure du serein. Dans le lointain, des brumes légères se laissaient épingler aux pointes des peupliers qui bordent le cours de la Loire ; les oiseaux s’étaient tus partout ; et par delà la douve où Jacquette crachait les pépins et la pulpe des chasselas, on entendait à présent le bruit cristallin des célèbres fontaines, au fond du parc de Chamarande.
Les deux jeunes époux traversèrent de nouveau le village en se tenant cette fois par la main, malgré le ruisseau qu’ils enjambaient tour à tour, parce que Jacquette était maintenant d’excellente humeur. Elle tint même à prolonger la promenade, sous le prétexte de parcourir le parc aux dernières lueurs du crépuscule.
— Quelle chance! disait-elle en entraînant son mari sous les allées taillées et l’obligeant à danser autour des bassins, sous le sourire du faune joueur de flûte.
— Oui, oui, quelle chance! répétait le mari.
— Vous n’avez pas l’air convaincu? Vous vous êtes tout le temps tenu coi. Vous n’avez pas même remercié le baron lorsqu’il vous a accordé la faveur de vous initier à tous les chefs-d’œuvre de l’esprit humain!… Que dites-vous donc de cela?
— Je dis, répondit M. de Fontcombes, que votre parrain a sa marotte, comme chacun a la sienne. Reste à savoir si c’est bien la vôtre.
— Me jugez-vous incapable de goûter les choses de l’esprit? Ne suis-je pas assez grande pour être intelligente? Et vous-même? Ah! tenez, si je savais que vous méprisez ces plaisirs, je préférerais ne jamais vous revoir…
Le lendemain, à l’heure dite, Jacquette et son mari étaient chez le baron de Chemillé qui leur faisait aussitôt les honneurs de sa bibliothèque, lieu mystérieux où, d’ordinaire, il n’admettait que d’exceptionnels visiteurs.
C’était une pièce vaste et belle et pour qui toute la maison semblait avoir été construite. Les parois en étaient garnies de fauves reliures, sauf quelques panneaux réservés à des toiles du Titien, du Giorgione et du Corrège que le baron affectionnait par-dessus tout. Une grande table recouverte d’un tapis, mais surtout d’in-folios épars et de morceaux de marbres antiques, occupait presque tout l’espace quoiqu’il en demeurât pour un grand lit de repos et pour un haut fauteuil à oreillettes et sa bergère en vis-à-vis, de chaque côté de la cheminée.
Le temps était gris, ce jour-là ; une première pluie d’automne arrosait le jardin ; on entendait hoqueter et pleurer les gouttières.
— Ah! que ne vous dois-je pas, mon parrain! dit Jacquette. Savez-vous, par un temps pareil, le sort qui, sans vous, nous attendait?
Le baron regarda sa filleule, qu’il trouva fraîche et jolie à plaisir, puis regarda son jeune mari qui n’était pas indigne d’elle.
— Vous seriez demeurés dans votre appartement qui vaut celui-ci, dit-il, et, par Bacchus, à d’autres que moi de vous plaindre!
— Dans notre appartement, oui, fit Jacquette, et vous trouvez cela drôle?
— Eh bien! dit le baron ; je vous laisse ici dans une nombreuse et brillante compagnie qui m’a rendu souvent les jours de pluie plus agréables que les autres.
Jacquette sautait de joie, embrassait son parrain et palpait de ses doigts gourmands les beaux dos arrondis des volumes.
M. de Chemillé s’éclipsa.
Et il laissa longtemps le jeune ménage dans la bibliothèque ; fort longtemps.
Le temps lui parut même si long, privé qu’il était, lui, en un jour morose, de sa pièce préférée, qu’il en conçut quelque inquiétude. Il commanda à Margot d’aller tendre l’oreille au trou de la serrure. La servante revint vers son maître.
— Se seraient-ils échappés?
— Non, monsieur le baron.
— Sont-ils évanouis?
— Non, monsieur le baron.
— Vivent-ils? s’écria le baron qui commençait à s’émouvoir.
Mais il s’aperçut que la soubrette riait en détournant la tête.
— Qu’est-ce à dire? par la mordieu! Faites-moi venir Mme Serremiette.
La respectable Mme Serremiette se présenta, la poitrine comprimée comme une religieuse, son trousseau de clefs battant sa robe grise. Le baron lui donna le même ordre qu’il avait donné à la soubrette :
— Avec discrétion, cela va sans dire, Madame Serremiette, avec discrétion, vous comprenez ; mais il s’agit de savoir s’il n’est pas arrivé malheur à ces jeunes gens.
Mme Serremiette fit comme il lui avait été commandé ; mais, ayant obéi, elle avait la plus grande peine à reparaître devant son maître. Celui-ci dut la sommer d’affronter son regard.
— Eh bien, quoi? dit le baron, aucun bruit?…
— Si, monsieur le baron.
— Ah! je respire. Mais, par le diable! ils me saccagent mes rayons? Vous avez entendu tomber les volumes, choir une pile sur le parquet?
— Non, monsieur le baron.
— Ah. Ils lisent tranquillement? Ils ont pris Eschyle, sans doute, Don Quichotte ou les Contes de Perrault? Vous êtes restée au moins le temps qu’il faut pour entendre tourner la page?
— Non, monsieur le baron.
— Comment? « non! » Mais il fallait demeurer, Madame Serremiette : ces pages sont de grand format ; je vous dis qu’il fallait leur laisser le temps de tourner la page!
Mme Serremiette se cachait pudiquement le visage derrière ses mains parcheminées. Tout à coup elle s’enfuit, comme avait fait la petite bonne.
M. de Chemillé se frappa soudain le front. Et il se mit à rire de tout son cœur.
Le ciel s’était éclairci ; un rayon de soleil appelait au dehors. Le baron fit un tour de jardin en écrasant les limaçons sur le sable humide. Il fit un tour ; il en fit deux ; trois même, et quatre, et dix aussi, sans que rien fût changé à l’ordre des choses dans la trop studieuse demeure. Le jour déclinait. Le baron consultait sa montre ; il s’impatientait, mais il souriait aussi. Finalement il n’y tint plus, et tandis qu’il passait devant les fenêtres de la cité des livres, il fit toc-toc à la vitre, risquant un œil pendant qu’il y était.
Mais tout à coup le voilà penaud comme la gouvernante, plus rouge qu’elle et répétant chapeau bas :
— Mille excuses! mille excuses!
Il savait cependant! il était averti! Oui, informé par deux femmes successivement, il n’ignorait rien. C’est entendu. Mais voir, de ses yeux, ah! que c’est une chose différente!
Eh bien, moins de deux minutes après l’incident, et comme la confusion de M. de Chemillé durait encore, la fenêtre où le vieillard avait frappé fut ouverte d’une main sûre, au pouls régulier ; puis les deux battants en furent écartés largement ; et Jacquette, la chevelure en ordre et le rouge en place, sourit à la fraîcheur du soir et à son parrain.
Celui-ci ayant recouvré ses sens, la salua, non sans admiration, et lui demanda :
— Eh bien, ma chère filleule, vous êtes-vous ennuyée aujourd’hui?
— Pas un instant!
— Bravo! Et qu’avez-vous lu?
— Lu?… dit-elle, à peine embarrassée, cependant qu’une voix de basse, derrière elle, soutenait la note fort justement :
— Lu?…
Le baron reprit :
— Je vous demande : qu’avez-vous lu?
Les dieux, chacun le sait, furent avec les amants toujours de connivence. Tandis que Jacquette hésitait un peu, une main lui tendit un elzevier entr’ouvert à la page du titre, cependant que la voix de basse, traduisant du latin, lui soufflait :
— OVIDE : L’Art d’aimer…
— Ah! fort bien, dit le baron, l’Art d’aimer!… En effet, Naso magister erat…
Et il reprit :
— L’art d’aimer, c’est souvent de faire le contraire de ce qu’il a été convenu que l’on ferait…