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Les ruines en fleur

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ÉPILOGUE

Le Premier Consul écouta, sans marquer d’impatience, le long récit que lui fit le colonel Fargeot et même il s’intéressa fort aux multiples péripéties d’une aventure si invraisemblable en sa vérité.

Il ne lui déplaisait pas d’ailleurs — étant donné son secret désir d’attirer, peu à peu, à lui les représentants des anciennes familles — d’apprendre que l’un de ses officiers les plus dévoués et les plus remarquables, se trouvât être l’unique héritier du beau nom de Chanteraine…

Le colonel Pierre-Gérard-Michel de Chanteraine obtint donc sans difficulté aucune que son identité fût établie. Il put ainsi prendre possession du nom de ses ancêtres — en attendant que l’Empire lui en rendît aussi le titre — et du château de Chanteraine, qui fut très généreusement racheté aux braves villageois du domaine, grâce au trésor du prévoyant aïeul.

Peu de temps après, à l’extrême joie de mademoiselle Charlotte qui s’était prise à adorer son neveu et croyait sincèrement avoir été la première à deviner un Chanteraine où les autres ne voyaient qu’un « Fargeot quelconque », les fiancés furent unis par un prêtre et selon les rites de l’Église, dans la chapelle du château. Tous les habitants de Mons-en-Bray assistèrent à leurs noces et, au milieu d’une grande fête d’allégresse, de magnifiques présents furent distribués, en témoignage de reconnaissance, aux humbles et fidèles amis qui avaient espéré contre toute espérance, le salut et le retour des châtelains.

Quant à la tante Manon, elle eut, avant de quitter ce monde, la joie de connaître la femme adorable et adorée de son grand Pierre et l’inénarrable bonheur d’embrasser un délicieux petit Pierre qui ressemblait à s’y méprendre à l’enfant d’autrefois et qui, pour être le fils du général duc de Chanteraine, n’en savait pas moins dire, d’une voix câline, ces deux mots chers, échappés du passé : Tante Manon.


Et pendant bien des années, tous les voyageurs qui eurent l’occasion de s’arrêter à l’auberge des « Armes de la Nation » purent apprendre, de la bouche même du citoyen Pouponnel, l’histoire merveilleuse de ce colonel Pierre Fargeot qui, par grand hasard, s’était trouvé être un duc de Chanteraine.

— … Il avait passé par ici, deux ou trois heures auparavant ! Si bien que c’est moi, messieurs, moi-même qui, lui indiquant le chemin de Mons-en-Bray, en suis venu à lui parler du château et de la famille de Chanteraine qu’il ignorait absolument et à lui faire part de sa propre mort… qu’il ignorait également, inutile de vous le dire !

» Ah ! concluait invariablement maître Pouponnel, j’ai vu, au cours de ma longue vie, des choses bien surprenantes, mais cette histoire-là !!! cette histoire-là surpasse en invraisemblance les plus absurdes fictions des romanciers à la mode !… C’est à tel point, messieurs, que, si je n’y avais pas joué moi-même un rôle aussi important — et que quelqu’un me la contât, — je refuserais d’y croire !

FIN

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