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Les Touâreg du nord

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[122]M. le docteur Henri Barth, qui a étudié surtout les Touâreg du Sud, écrit le nom de ce peuple Imôcharh d’après le dialecte des Aouélimmiden. J’ai adopté dans cet ouvrage la forme Imôhagh, qui est celle usitée dans le Nord. Le même changement de lettres se trouve dans un grand nombre de mots de nos deux vocabulaires.

[123]Les auteurs de l’antiquité grecque et romaine parlent d’hommes habitant le pays actuel des Touâreg qui ne portaient pas de noms propres. Sans doute il est question de noms patronymiques et d’un usage analogue à celui que je constate, car il est douteux que des hommes aient jamais pu vivre en société sans avoir un nom personnel.


CHAPITRE VI.

TOUÂREG DANS LEUR VIE EXTÉRIEURE.

La conservation de leur indépendance au milieu de voisins de races différentes, leurs ennemis ou leurs rivaux, a exigé des Touâreg, souvent affaiblis par leurs divisions intestines, toujours à la discrétion d’étrangers pour les besoins de leur consommation, un grand déploiement de vitalité extérieure, ici pour conserver de bonnes relations, là pour défendre leur territoire. L’examen des procédés par lesquels ils font face aux besoins de leur politique n’est donc pas sans intérêt.

Ces procédés sont ceux des nations civilisées : les négociations amiables ou la lutte à main armée. A l’exception de rares moments de trève, la vie des nobles se passe ou à prendre part à des assemblées, mia’âd, ou à faire la guerre, âmdjer, sous la forme de course, êdjen.

§ Ier. — Assemblées ou Mia’âd.

Je suppose le cas, journalier d’ailleurs, où s’élèvent des contestations, soit entre Touâreg, soit entre Touâreg et étrangers. On essaie d’abord les voies de la conciliation. A cet effet, un mia’âd est proposé et presque toujours accepté, parce que si les Touâreg tiennent à leur réputation d’hommes de guerre, ils aiment aussi à faire preuve d’habileté diplomatique, à se montrer éloquents, mais surtout à prendre leur large part des repas homériques qui ouvrent et terminent les assemblées publiques.

Le choix du lieu de la réunion est toujours une affaire importante, car chaque parti élève ordinairement la prétention de placer son adversaire dans des conditions défavorables pour sa défense, si le démon de la traîtrise venait à s’introduire dans l’assemblée.

Quand les circonstances sont délicates, on choisit ordinairement un terrain neutre et on détermine à l’avance le nombre d’hommes armés qui pourront, de part et d’autre, assister à la réunion.

Une fois les préliminaires réglés et le lieu de la réunion fixé d’un commun accord, les chefs, les hommes graves, s’y rendent avec l’escorte convenue.

La politesse la plus exquise préside à la rencontre. Les salutations, les compliments durent le temps nécessaire à la cuisson d’un chameau et de plusieurs moutons.

« Quand le ventre est satisfait, dit un proverbe local, le cerveau est bien près de l’être aussi. »

Conformément aux habitudes musulmanes, la première entrevue s’effectue sans qu’il soit question de l’objet de la réunion.

En attendant, chaque parti scrute les regards de l’autre, sonde les dispositions hostiles ou favorables des hommes influents et demande à la nuit quelque bon conseil.

Le lendemain, la conférence s’ouvre.

Ces congrès, inutile de le dire, ont toujours lieu en plein air et en présence de toute l’assistance.

Deux arcs de cercle concentriques, formés vis-à-vis l’un de l’autre par les plénipotentiaires, gravement assis à la façon orientale et roulant leurs chapelets dans leurs doigts, marquent la limite de l’enceinte réservée aux orateurs.

Autour, deux autres arcs de cercle réunissent la foule des auditeurs, debout ou assis, qui écoutent, dans le plus grand respect, toutes les raisons pour ou contre, afin d’en rendre un compte exact aux absents.

Toujours le silence est rompu par une imprécation contre le démon :

« Que Dieu éloigne ses mauvais conseils ! »

« Amîn, ainsi soit-il, » répondent tous les assistants.

Chacun prend la parole, à tour de rôle, les chefs des chefs, ceux qui doivent tirer la conclusion, se réservant de parler les derniers.

L’habitude, dans ces réunions, est de parler lentement, distinctement, sobrement, après avoir pesé, avec une grande réserve, les arguments de la partie adverse.

Aucun secrétaire ne dresse procès-verbal de la séance, mais personne n’a d’effort de mémoire à faire pour se rappeler tout ce qui a été dit, tant il y a de calme dans toute la délibération.

Rien n’est simple, mais rien n’est majestueux comme ces assemblées d’hommes voilés, aux vêtements noirs, désarmés pour délibérer, mais dont les lances et les javelots, plantés en terre, se dressent en faisceaux derrière eux.

Enfin le moment solennel de la conclusion est arrivé.

La conclusion ordinaire d’Ikhenoûkhen peut se résumer en ces quelques mots :

« Tout ce que vous venez de dire n’a pas le sens commun. Voilà ce qui sera, quia ego nominor leo. »

Chez les Touâreg, comme ailleurs, la raison du plus fort est souvent la meilleure.

Cependant, comme la diplomatie saharienne ne se tient pas pour battue après un insuccès, elle en appelle d’un premier mia’âd à un second, même à un troisième. Souvent, dans l’intervalle, les passions s’appaisent, la réflexion l’emporte sur la colère et un marabout arrive à point pour tout concilier.

Dans ces cas heureux, on ne se sépare pas sans sceller l’alliance nouvelle en mangeant le même pain et le même sel, avec l’accompagnement obligatoire de chamelles et de moutons rôtis, et, souvent, pour perpétuer la mémoire d’un aussi heureux résultat, on dresse une pyramide en pierres sèches sur le point où le mia’âd a été tenu.

Mais quand, de chaque côté, il y a un Ikhenoûkhen, malgré les efforts des marabouts, malgré l’intérêt général qui réclame la paix, il faut avoir recours à la force des armes.

§ II. — Guerre.

Les Touâreg distinguent la guerre, âmdjer, de la course, êdjen (le rhezî des Arabes), quoique le plus souvent la course soit l’unique manifestation d’un état hostile après une déclaration de guerre.

La guerre offensive et défensive n’est qu’exceptionnellement possible de nomade à nomade. La surprise ou la fuite constitue la seule tactique dans le Sahara, aussi les Touâreg doivent-ils toujours veiller et être prêts à lever leurs camps.

Mais avant d’arriver sur le champ de la lutte, il y a lieu de faire connaître, de pied en cap, le chevalier târgui, son armement, son équipement, sa monture, en un mot tous les détails d’une guerre exceptionnelle.

Armement.

L’armement complet d’un târgui comprend un sabre, un poignard, une lance, un javelot, un arc, des flèches, un anneau de pierre, un bouclier, quelquefois un fusil et des pistolets.

Le sabre, takôba, est un glaive droit et long, tranchant des deux bords ; les plus estimés sont fabriqués dans le pays ; le plus grand nombre vient de Solingen en Allemagne. (Voir planche XXV, fig. 2.)

Le fourreau du sabre, partie en fer ou cuivre et partie en cuir, s’appelle tedoummân. Il est toujours un produit de l’industrie locale.

Le poignard, têlaq, porté sur la face interne de l’avant-bras gauche, est tantôt un long couteau de chasse droit, tantôt un large poignard qui représente en petit le sabre actuel de notre infanterie.

Cette arme, que le târgui ne quitte jamais, comprend une poignée, une lame, un fourreau et un bracelet.

La poignée est en bois d’ébène, avec des incrustations en cuivre ;

La lame est en acier à trempe douce ;

Le fourreau, en cuir rouge avec des garnitures en cuivre festonnées à l’emporte-pièce, peut être considéré comme un ornement ;

Le bracelet, en maroquin rouge avec des broderies de soie ou de cuir jaune, permet tous les mouvements sans les gêner. Il fait corps avec le fourreau.

Le tout, sauf la lame, est de fabrication locale. (Voir fig. 8.)

La lance, âllârh, de 2m 70 centimètres à 3 mètres de hauteur environ, est une verge en fer, de quatre centimètres de circonférence, fabriquée dans le pays avec du fer tendre de première qualité. Latéralement, sur ses quatre faces, au-dessous du fer tranchant destiné à ouvrir la voie, elle est armée de crochets comme les harpons, de sorte qu’en la retirant du ventre ou de la poitrine de l’ennemi, on ramène au dehors une partie des intestins ou des poumons. (Voir fig. 1.)

Le javelot est une arme de jet, sous forme de lance, avec hampe en bois et pointe en fer à crochets. Un petit javelot se dit târhda, un grand, âdjedel. Cette arme ne peut être lancée qu’à une distance très-rapprochée. (Voir fig. 1 bis.)

Pl. XXIV. Page 444. Fig. 39.

ÉQUIPEMENT DE MARCHE DES TOUÂREG.

D’après une photographie de M. Puig.

L’arc, tanâchchabt, faite avec un bois léger nommé kînba, est plus en usage chez les Touâreg du Sud que chez les Touâreg du Nord. (Voir fig. 3.)

Les flèches, enderbâ, sont en roseau ou en bois léger avec pointes ailées en fer. (Voir fig. 4.) Jamais elles ne sont empoisonnées.

L’anneau de bras, âhabedj, a un double but : donner plus de force pour porter le coup de sabre ; offrir un point d’appui solide pour écraser la tête de son ennemi, en cas de prise de corps. Cette manière de tuer prend le nom de temârhaît.

Cette arme, je l’ai déjà dit, est portée au bras droit, entre l’attache inférieure du deltoïde et le ventre du biceps.

Le bouclier, ârhar, est la seule arme défensive des Touâreg. C’est un grand disque, en peau épaisse, qui couvre tout le corps, moins la tête et les pieds.

La peau adoptée pour la confection des boucliers est celle de l’antilope mohor, très-commun dans le pays d’Aïr.

Impuissant contre la balle, le bouclier résiste aux flèches, amortit les coups de sabre et de lance. On voit qu’ils sont utiles, car beaucoup sont couverts d’honorables cicatrices.

Les armes à feu, très-rares chez les Touâreg nomades, sont plus communes chez les serfs pacifiques du Fezzân, qui s’en servent principalement pour la chasse ; cependant quelques chefs ont des fusils et des pistolets à pierre, du même modèle que ceux des Arabes du Sud de l’Algérie.

Les noms donnés à ces armes témoignent du peu d’habitude de s’en servir :

On appelle : un fusil albârôd, du mot arabe qui signifie poudre ; un pistolet elrhodrîyet, d’un mot également arabe qui signifie traîtrise ; la poudre, etoû ; la balle, tabellâlt ; la pierre à fusil, tafarâst ; la corne à poudre, attelkhîg.

A la joie qu’Ikhenoûken a éprouvée en recevant de moi une paire de pistolets, et de M. le gouverneur général de l’Algérie un magnifique fusil, je dois croire que les Touâreg apprécient à leur valeur les armes à feu, et que, s’ils n’en sont pas tous pourvus, il faut l’imputer à la difficulté de s’en procurer.

Cependant, la substitution des armes à feu aux armes blanches mettra le pouvoir aux mains du premier groupe qui pourra faire entendre la poudre. S’il entrait jamais dans la politique française de constituer un makhzen târgui, pour la protection de notre commerce et la sécurité des routes, ainsi que l’a proposé M. le commandant Hanoteau, la délivrance de quelques centaines de fusils à ces auxiliaires les aurait bientôt rendu les arbitres des destinées du pays.

En l’état de l’armement, les rencontres ont lieu de très-près, presque corps à corps, mais, en somme, elles sont très-peu meurtrières. Le combat cesse dès qu’il y a quelques hommes tués ou blessés de part ou d’autre.

En 1860, les Azdjer et les Ahaggâr en sont venus aux prises ensemble ; les premiers ont eu quatre hommes tués.

Antérieurement, les Cha’anba avaient opéré une grande rhazia sur les Azdjer, au pied du Tasîli ; la perte a été de quelques hommes seulement.

Dans leurs rencontres avec les Teboû, les Touâreg sont exposés aux blessures très-dangereuses du changuermanguer, à la fois arme de jet et d’escrime. (Voir planche XXV, fig. 5.)

Équipement.

Le méhari, aredjdjân, est, par excellence, l’animal de guerre, car on n’en connaît pas d’autre. C’est à peine si, dans la totalité des tribus des Azdjer, on trouverait une dizaine de chevaux de selle.

Le méhari est au chameau porteur ce que, chez nous, le cheval de selle est au cheval de trait. Autant l’un est lourd et lent, autant l’autre est léger et vif.

Le méhari marche, trotte et galope, mais ses allures accélérées sont très-dures. Généralement, on le tient au pas.

Comparé au cheval, il peut faire une plus longue marche sans boire ni manger ; il peut porter un poids plus lourd, mais il a moins de vitesse, il est moins docile ; quand le méhari est en fureur, ce qui arrive souvent, c’est un animal terrible. Parfois il jette à terre celui qui le monte, et les chutes sont suivies d’accidents graves.

Pour monter un méhari ou pour en descendre, il faut qu’il se soit mis à genoux, et un long dressage est nécessaire pour qu’il se prête à cette manœuvre. Par précaution, les chefs sont assistés d’un homme à pied chaque fois qu’ils veulent monter ou descendre.

Pl. XXV. Page 447. Fig. 40 à 54.

ARMEMENT ET HARNACHEMENT.

No 7, fouet. — No 9, sandale. — No 11, coussin. — No 15, boîte en cuir.

L’équipement du méhari est à peu près celui du cheval.

La selle ordinaire, ârhazer (rihla des Arabes), la selle de luxe des chefs, âtarâm, sont construites sur le modèle de celles de nos spahis. Le dossier en est moins large et moins élevé, le pommeau est en croix au lieu d’être rond. En somme, ce serait un bon siége de marche s’il était rembourré. (Voir planche XXV, fig. 6 et planche XXIV.)

A la différence de la selle du cheval, la selle du dromadaire n’a pas d’étriers, îlekif, support inutile, les pieds du cavalier à dromadaire, eg-emîs, étant croisés sur le cou de la bête. Mais, en revanche, elle est ornée d’une masse de lanières en cuir, de toutes couleurs, qui tombent sur les jambes de l’animal et le sollicitent à la marche.

Des groupes de clochettes, anaïna, en cuivre et étain, fixées à l’avant et à l’arrière de la selle, servent de parure et tiennent continuellement le dromadaire en éveil.

La selle est posée sur le garot, à l’endroit où le cou s’attache au corps, en avant de la bosse. Elle est fixée au moyen d’une sangle en fines lanières de cuir tressées à plat. Ce genre de sangle, à la fois souple et solide, doit avoir une très-grande durée.

Entre la selle et le dos de l’animal, un feutre épais, isâtfâr, prévient les blessures.

La bride, tîrhounîn, est aussi une corde tressée, en cuir, qui s’attache à un anneau en métal fixé au nez de l’animal, et qui le fait obéir à la main du cavalier. (Voir planche XXV, fig. 10.)

Les accessoires de la selle sont considérables, car ils doivent contenir tout ce que l’homme de guerre emporte avec lui. Ils consistent :

1o En un grand sac de cuir, ârheredj, orné de lanières, de franges et de dessins, dans les divers compartiments duquel entre tout l’arsenal du cavalier : sabre, fusil, javelot, arc, flèches, pistolets, quand on ne les porte pas à la ceinture ; en un mot, les armes et les munitions. Ce sac est à droite, pour être toujours à la disposition de la main. Il est recouvert et protégé par le bouclier. (Voir planche XXV, fig. 12.)

2o En un second sac en cuir, servant de pendant à l’ârheredj, et contenant les provisions de bouche : farine de gafoûli, farine de gueçob, tabac à fumer, tabac à chiquer, natron, pipes, etc., etc., le tout dans des compartiments séparés. (Voir planche XXV, fig. 14.)

3o En une ou plusieurs outres, abeôq, ou peaux tannées, dans lesquelles est la provision d’eau.

Les chefs ont quelquefois la djebîra des Arabes, pour y serrer leurs objets les plus précieux. (Voir planche XXV, fig. 13.)

A part ce qui est sur le méhari, les guerriers Touâreg n’ont pas d’autres bagages, ni tentes, ni vivres, ni bêtes de somme.

Si l’expédition est heureuse, les chameaux conquis sur l’ennemi porteront les prises. En cas de revers, on ne veut pas d’embarras.

Rencontres.

Les éclaireurs, amârhelâi, jouent un grand rôle dans les guerres de surprise ; c’est par eux que la proie est signalée, guettée, livrée aux capteurs. Si tous les Touâreg, en général, ont la vue et l’ouïe d’une délicatesse qui les fait voir et entendre à des distances incroyables, les éclaireurs ont ces qualités au suprême degré. Devançant la troupe au loin, pour observer, ils savent toujours où ils retrouveront leurs amis. La subtilité de leurs sens est pour eux un guide certain.

Les interrogatoires que les Touâreg font subir à tous les étrangers traversant leurs territoires sont aussi un moyen de savoir ce qui se passe autour d’eux, car on s’expose peu à les tromper.

La rapidité de la transmission des nouvelles par les voyageurs est quelque chose d’incroyable. Pendant mon séjour dans le Sahara, j’ai toujours appris les événements importants longtemps avant d’en avoir été avisé par ma correspondance ; ainsi l’entrée de notre khalîfa Sîdi-Hamza à El-Golêa’a, la marche de M. le commandant Colonieu sur Timmîmoun, la mort du sultan ’Abd-el-Medjîd, ont été connues très-rapidement.

L’ennemi découvert, on cherche toujours à l’aborder en le surprenant.

Les hommes montés se battent du haut de leurs chameaux ; les serfs, qui n’ont pas de méharis, se battent à pied.

L’armement exige qu’on s’aborde de très-près, à la distance d’un fer de lance.

Chaque târgui, dit M. le commandant Hanoteau, tient le bouclier de la main gauche et le javelot de la droite ; le sabre est suspendu au côté. Le combat commence en lançant le javelot, dont on pare les coups avec le bouclier, puis on s’aborde au sabre.

L’agilité des Touâreg, leur habileté à manier le bouclier, le long apprentissage qu’ils ont fait de l’escrime, font qu’ils peuvent se battre longtemps sans résultat. Tant que l’un des deux partis ne tourne pas le dos, il n’y a pas d’action décisive. Mais, malheur à celui qui est obligé de battre en retraite, car il est poursuivi, la lance dans les reins. Quoique les combats, akennâs, cessent dès que l’honneur peut être réputé satisfait et dès qu’il y a un certain nombre de tués ou de blessés, on cite cependant des batailles qui ont été très-meurtrières et dans lesquelles la destruction du parti vaincu a été la conséquence de la victoire.

Mais, généralement, on préfère la surprise à la rencontre. Voici ce qui a lieu dans ce cas. Les tribus enveloppées n’opposent pas de résistance et fuient, abandonnant tout ce qu’elles possèdent. De leur côté, les assaillants, plus préoccupés de piller que de poursuivre leur ennemi, se hâtent de s’emparer au plus tôt du butin, dans la crainte d’un retour offensif, qui est à redouter, même après quatre et cinq jours de capture.

C’est dans les retours offensifs que les Touâreg paraissent redoutables.

Les pillés, imîhaghen, (sing. amîhagh), réunissent leurs méharis, font appel à leurs amis et alliés, et quelle que soit la célérité que les pilleurs, imôhagh, apportent à la retraite, on se met à leur poursuite.

On tâchera de les devancer aux premiers puits où ils doivent abreuver leurs montures et leurs bêtes de somme, et là, on est sur que le besoin de boire amènera toutes les bêtes de prise au pouvoir de leurs anciens maîtres.

Les capteurs, chargés de butin, traînant à leur remorque des bêtes de somme, au pas lent, et obéissant mal à la voix de nouveaux conducteurs, n’ont d’autre expédient, pour échapper à la poursuite d’ennemis légers et résolus à reconquérir leurs biens, qu’en dérobant leur marche de retraite, ce qui n’est pas facile avec des rôdeurs comme les Touâreg.

On cite un retour offensif d’Ikhenoûkhen contre les Cha’anba, où après quatre grands jours de marche forcée ces derniers ont été obligés d’abandonner toutes leurs prises, en perdant beaucoup de monde.

Par nature, par tempérament, les Touâreg sont constitués pour être de braves guerriers, et ils le sont, sans quoi ils eussent déjà été dévorés par leurs voisins, bien plus nombreux, bien mieux armés qu’eux, surtout ceux du Nord, les Cha’anba et autres. Mais indépendamment de leurs dispositions naturelles à la bravoure chevaleresque, les Touâreg sont encore sollicités à l’héroïsme par leurs femmes qui, dans leurs chants, dans leurs improvisations poétiques, flétrissent la lâcheté et glorifient le courage. Un târgui qui lâcherait pied devant l’ennemi et qui, par sa défection, compromettrait le succès de ses contribules, ne pourrait plus reparaître au milieu des siens. Aussi est-ce sans exemple.

Entre Touâreg, quand deux partis en sont venus aux mains, et que l’un des deux est battu, les vainqueurs crient aux vaincus, de ce cri sauvage particulier aux Touâreg :

Hia hia ! hia hia !
Il n’y aura donc pas de rebâza !

Le rebâza est le violon sur lequel les femmes chantent la valeur de leurs chevaliers.

A la menace du silence des rebâza, les vaincus reviennent à la charge, tant est grande la crainte du jugement défavorable des femmes.

Chants de guerre.

Comme tous les peuples guerriers, les Touâreg ont leur chants de guerre.

Les Arabes, ces grands mangeurs, qui vivent dans une abondance enviée et enviable, ont surtout excité la verve de poëtes affamés. Voici leur Marseillaise contre les Cha’anba, jadis leurs plus intimes ennemis :

Abâ mak, Ma’talla, alhîn, keïhân !
Mîdden dîh souort arhêledh iyyân
Ezzâin asîkel aked aoudân
Ezzâin înnen înhâyen ôdouân
Ezzâin iddâsin âles insân
Nanesberhôr sâdhittes telâ djân
Tekenâs atiti âberdjen îkenân
Tekenâs tâftaq imêzhen îmedân
Ietkâr derhêred idemânen ingngân
Dakh-an-tlemîn sîkid izzedj edsân
Sarhtîn des âllarh ioulân desennân
Ieqqân isîfef âttedjmodan mân
Nellilouet ournoûye oualâmân
Ietkît tekhamkhâm iôkây ezegzân.

Voici la traduction, mot à mot, de ce chant. Les mots en italiques sont sous-entendus dans le texte original.

« Que Dieu maudisse ta mère, Ma’talla[124], car le diable est en ton corps !
« Ces hommes, les Touâreg, tu les prends pour des lâches ;
« Cependant, ils savent voyager, et même guerroyer ;
« Ils savent partir de bon matin et marcher le soir ;
« Ils savent surprendre, dans son lit, tel homme couché ;
« Surtout le riche qui dort, au milieu de ses troupeaux agenouillés ;
« Celui qui a orgueilleusement étendu sa large tente ;
« Celui qui a déployé, en leur entier, et ses tapis et ses doux lainages ;
« Celui dont le ventre est plein de blé cuit avec de la viande,
« Et arrosé de beurre fondu et de lait chaud sortant du pis des chamelles ;
« Ils le clouent de leur lance, pointue comme une épine,
« Et lui se met à crier, jusqu’à ce que son âme s’envole.
« Nous le laverons de son bien, sans même lui laisser d’eau ;
« Sa gourmande de femme[125] ne pourra plus supporter son désespoir[126]. »

La traduction est impuissante à rendre et l’harmonie imitative et le laconisme de cette poésie sauvage.

Que de choses en peu de mots !

La guerre est sainte, car Ma’talla est un suppôt de Satan.

Elle est juste, car Ma’talla traite de lâches des hommes qui sont les plus braves de la terre.

Puis vient l’appel à toutes les passions qui remuent le cœur d’un târgui :

Ma’talla dort,
Sur de moelleux tapis,
Dans une large tente,
Entourée de gras troupeaux !
Ma’talla a le ventre plein :
De blé cuit,
Avec de la viande.

Et cet assaisonnement n’a pas suffi à sa gourmandise ; il a encore arrosé son blé et sa viande de beurre fondu et de lait chaud.

La femme de Ma’talla,
Celle qui fait tekhamkhâm en mangeant,
Elle est là aussi,
Avec le ventre plein.

Toutes ces jouissances, inconnues des Touâreg, car ils n’ont ni lits, ni tapis, ni tentes ; car leurs troupeaux maigres ne donnent pas assez de lait pour faire du beurre ;

Toutes ces richesses, dont leurs femmes, à l’estomac vide, sont toujours privées ;

Un coup de lance les leur donnera.

Quel bonheur pour un târgui d’aller sonder un ventre si bien plein, avec une épine bien pointue et armée de harpons !

Et ce coup de lance lui donnera, non-seulement la vie de Ma’talla, mais encore tous ses biens.

Et on emportera tout, même l’eau.

Quant à la tekhamkhâm, en lui épargnant la douleur de la lance, on lui réserve un supplice bien plus cruel : celui de vivre avec rien, comme les femmes des Touâreg. Mais elle ne résistera pas, parce qu’elle n’est pas habituée aux privations.

D’où la conclusion, sous forme de morale, que les femmes târguies doivent apprécier le mérite de leur misère habituelle, puisqu’elle les préserve du sort de la tekhamkhâm.

Mais, quelles que soient les chances diverses de la lutte, quel que soit le parti qui entonne les chants de victoire, il y aura toujours lieu à traiter de la paix. Alors recommence la série des mia’ad. S’ils sont vainqueurs, les Touâreg se montrent de bonne composition, car ils sont généreux dès que leur amour-propre est satisfait. D’ailleurs, il est à remarquer, quoiqu’ils soient souvent en guerre, qu’ils font tout leur possible pour l’éviter.

CONCLUSION.

Dans leurs rapports avec les Français, les Touâreg se sont montrés, jusqu’à ce jour, fort dociles. On leur a demandé de venir à Alger ; ils y sont venus. On m’a envoyé au milieu d’eux, ils m’ont bien accueilli. On a invité leur principal marabout à visiter la France ; malgré l’imprévu de la demande, malgré l’inconvénient d’abandonner sa famille, pendant plusieurs mois, sans avoir pourvu à tous ses besoins, le Cheïkh-’Othmân s’est rendu à nos désirs. En vain Mohammed-ben-’Abd-Allah a sollicité le concours des Touâreg dans la prise d’armes qui l’a fait tomber en nos mains, les Touâreg se sont abstenus.

Espérons qu’il en sera toujours ainsi. D’ailleurs, en terminant, je constate un fait capital : jusqu’à ce jour, aucun des voyageurs européens qui ont exploré l’intérieur de l’Afrique n’a été victime d’un acte de brutalité ou de fanatisme, ni sur le territoire des Touâreg, ni de la main d’un târgui.

Cette honorable exception répond à toutes les calomnies que les Arabes, leurs ennemis, avaient propagées sur leur caractère indomptable.

[124]Ma’talla est le nom d’un chef arabe.

[125]Je traduis le mot tekhamkhâm, par sa gourmande de femme, à défaut d’un mot dans notre langue pour signifier celle qui, devant un bon mets, fait hen, hen, hen, comme le cheval auquel on apporte sa musette pleine d’orge.

[126]M. Hanoteau, dans son Essai de Grammaire tamâchek’, donne, livre VI, pages 209, 210, 211, une variante de ce chant.

J’ai tout lieu de croire que l’auteur doit mieux se rappeler son œuvre que ceux qui récitent un chant, en le modifiant au gré de leurs caprices ; c’est pourquoi j’en donne ici une seconde édition conforme à l’original.


APPENDICE.


GÉOGRAPHIE ANCIENNE.

La partie aujourd’hui explorée du Sahara était comprise dans la Libye intérieure des géographes grecs et romains.

Les documents anciens sur cette contrée sont vagues et, jusqu’au moment de la publication du dernier ouvrage de M. Vivien de Saint-Martin : le Nord de l’Afrique dans l’antiquité grecque et romaine, leur interprétation prématurée est venu jeter la confusion au milieu d’erreurs originelles, inévitables pour des compilateurs qui n’avaient pas vu le pays, qui ne connaissaient ni les langues ni la technologie géographique locales et qui, pour la plupart, se sont faits les échos des dires des indigènes, sans pouvoir les contrôler. On ne sera donc pas étonné que je ne laisse pas à d’autres, beaucoup plus érudits, sans doute, mais qui ne peuvent s’inspirer de mes appréciations personnelles, le soin de comparer les éléments de la géographie moderne avec ceux de la géographie ancienne que le hasard a fait arriver jusqu’à nous.

Dans l’état actuel de nos informations sur le Sahara, je me crois autorisé à conclure :

1o Qu’à l’exception de l’oasis, jadis éthiopienne, d’Aïr, identifiée[127] avec raison à l’Agisymba regio des expéditions de Septimius Flaccus et de Julius Maternus, les anciens n’ont pas connu le plateau central du Sahara au delà du tropique du Cancer qui correspond, à peu près, à la limite de la Libye intérieure avec l’Éthiopie intérieure ;

2o Que, restreintes à cette limite méridionale, leurs connaissances se bornent :

A la topographie des masses montagneuses qui séparaient la Libye intérieure des autres contrées au Nord et au Sud ;

A la division de l’espace intermédiaire en deux grands bassins ;

A la présence d’immenses masses de sables dans les bas-fonds de ces bassins ;

3o Que les détails donnés par Pline, Ptolémée et autres, détails résumés en des noms de lieux, de peuples, quelques distances et orientations — à supposer que, primitivement, ils fussent tous exempts d’erreurs et de confusions, ce qui n’est pas, — ne peuvent être vraisemblablement retrouvés aujourd’hui, après les changements survenus depuis dix-huit cents ans, à l’exception, toutefois, des centres les plus importants qui semblent être restés comme des points géodésiques pour guider et diriger les recherches.

Cet Appendice n’a d’autre but que de démontrer ces trois propositions.

Agisymba regio.

L’Agisymba regio est le point le plus méridional du Sahara que les anciens puissent revendiquer à leur avoir géographique. Voici, en résumé, à quoi se borne ce qu’ils nous apprennent sur cette contrée.

« Septimius Flaccus faisant une expédition contre les Éthiopiens était arrivé chez ceux-ci, en trois mois, à partir du pays des Garamantes, en se portant dans la direction du Sud.

« Julius Maternus qui avait rejoint, à Garama, le Roi des Garamantes pour opérer avec lui contre les Éthiopiens, avait mis quatre mois, en marchant constamment au Sud, pour atteindre le pays éthiopien d’Agisymba. »

C’est Marin de Tyr qui nous révèle ces faits.

Ptolémée, en reproduisant ces extraits, critique les appréciations de son informateur quant à la latitude donnée à Agisymba, mais y ajoute deux détails importants.

« Les Éthiopiens contre lesquels l’expédition de Maternus est dirigée sont, dit-il, les propres sujets du Roi des Garamantes. »

L’Agisymba regio, d’après le géographe grec, est une région de montagnes, dans laquelle il place « les monts Mesche, Zipha et Bardetus. »

La distance de Garama à Agisymba, l’orientation de la marche, la nature montagneuse de la contrée, but de l’expédition, ont paru à M. Vivien de Saint-Martin des motifs suffisants pour identifier l’Agisymba regio de Ptolémée au pays d’Aïr ou Azben, patrie des Touâreg Kêl-Ouï.

Mes recherches personnelles me permettent d’appuyer ces déductions de l’autorité d’un fait matériel important dans la question.

Ce fait matériel est celui de la route de Garama à Agisymba, car des armées romaines, à une époque où le chameau n’était pas encore introduit en Afrique, ne se portaient pas en avant, à trois et quatre mois de leur point de départ, sans avoir des masses de bagages, attendu que, dans le désert, les besoins du retour doivent être prévus à l’avance, et, sans que ces masses de bagages eussent une route carrossable pour y circuler, car, à défaut d’animaux porteurs, des voitures étaient indispensables.

La date probable des expéditions de Flaccus et de Maternus est de la fin du Ier siècle de l’ère chrétienne.

A cette époque vivait Pline, mort en 81 de J.-C.

Or, Pline qui énumère tous les animaux de l’Afrique ne mentionne pas le chameau, mais parle des bœufs des Garamantes qui paissent à reculons (Liv. VIII, 70), reproduisant en cela une notion tirée d’Hérodote (Liv. IV, 183).

Le même Pline nous révèle en outre (Liv. V, 5) une préoccupation de son temps, au sujet du parcours entre Œa (Tripoli) et le pays des Garamantes (Fezzân), et nous apprend que, dans la dernière guerre, on a enfin trouvé une route, celle qu’on appelle : par la tête du rocher. « Hoc iter vocatur : Præter caput saxi[128]. »

Pourquoi cette préoccupation ?

C’est qu’à l’époque de Pline, comme à l’époque d’Hérodote, les transports, dans le pays des Garamantes, se faisaient en chars qui exigent des routes, et non à dos de bêtes de somme qui passent partout.

« Les Garamantes chassent en chars à quatre chevaux, » dit Hérodote. (Liv. IV, 183.)

La seule différence, entre l’époque d’Hérodote et celle de Pline, consiste en ce que les chevaux ont été remplacés par des bœufs à bosse, zébus.

Une route était donc nécessaire aux armées romaines pour le passage de leurs trains de chars, non-seulement entre Œa et Garama, mais encore pour aller de Garama à Agisymba.

Cette route, carrossable, si son tracé existe encore, nous apprendra où était Agisymba.

Or, ce tracé existe, très-reconnaissable sur plusieurs points de son parcours.

Comme l’iter præter caput saxi du Nord, et pour éviter les reliefs des montagnes qui eussent barré le passage, il traversait la hamâda plate qui sépare le pays des Touâreg de celui des Teboû, à peu près à égale distance des deux routes modernes suivies par les dernières missions anglaises.

Cette route passait par Anaï et Tîn-Telloust.

A Anaï, — point qu’il ne faut pas confondre avec l’Anaï au Nord de Bilma, — la voie, avec ses anciennes ornières, est encore assez caractérisée pour que des Teboû, mes informateurs, qui en arrivaient, n’aient laissé dans mon esprit aucun doute à ce sujet.

D’ailleurs, ajoutaient-ils, pour qu’on ne puisse se tromper sur la destination de cette artère, les anciens ont pris la peine de buriner, dans le roc, sur une des berges de la voie, des tableaux représentant un convoi de chars, avec des roues, traînés par des bœufs à bosse et conduits par des hommes.

Ce tableau rupestre, très-lisible encore aujourd’hui, même pour des Teboû, est interprété unanimement par eux dans le sens que je viens de dire, car je traduis ici leur paroles presque textuellement.

A Telizzarhên d’ailleurs, M. le Dr Barth a vu lui-même sur le rocher des sculptures analogues à celles d’Anaï ; il en donne la description et le dessin au chap. IX, tome Ier de son grand ouvrage[129].

On y reconnaît facilement les bœufs à bosse, dont parlent les Teboû.

Cette voie, qui serait peut-être encore accessible aux voitures, est abandonnée aujourd’hui faute d’eau. Sans doute, à une époque ancienne déjà, on aura dû en combler les puits, pour des motifs de sécurité. Dans tout le Sahara, dans les temps de trouble, des routes, avec puits, sur la frontière de deux peuplades, sont un danger pour chacune d’elles. Mieux vaut une hamâda déserte.

Déjà, du temps de Pline, les Garamantes eux-mêmes, pour éviter la conquête de leur pays par les Romains, avaient comblé les puits des routes qui y conduisaient. On en trouve la preuve dans les lignes suivantes : « Ad Garamantas iter inexplicabile adhuc fuit, latronibus gentis ejus puteos (qui sunt non alte fodiendi, si locorum notitia adsit), arenis operientibus. »

Ainsi, plus de doute, une route carrossable ouverte par les anciens Garamantes unissait l’ancienne Phazanie à Agisymba, et cette route conduisait directement à l’oasis d’Aïr ou Azben.

Limite séparative de la Libye et de l’Éthiopie.

La Libye des Grecs était l’Afrique des Romains : Africam Græci Libyam appellavere (Pline, Liv. V, 1).

La limite méridionale de la Libye sera donc celle de l’Afrique.

Quelques lignes des documents anciens résument toutes nos connaissances sur cette limite :

« Le fleuve Nigris sépare l’Afrique de l’Éthiopie. » (Pline, Liv. V, 10.)

« La Libye intérieure a pour limite méridionale la région inconnue, désignée sous le nom d’Éthiopie intérieure, dans laquelle est le pays d’Agisymba. » (Ptolémée, Liv. IV, 4.)

« Au Midi de la Mauritanie de Sétif sont les montagnes Uzzar, au delà desquelles on ne trouve plus que des nations d’Éthiopiens. » (Paul Orosius.)

« Au Midi de la Mauritanie de Sétif se trouve le mont Suggar, au delà duquel il n’y a plus que des Éthiopiens. » (Éthicus.)

Un nom de fleuve, le Nigris ; un nom de montagne, écrit Suggar et Uzzar ; une direction, le Sud de la Mauritanie de Sétif : tels sont les seuls éléments qui doivent guider les recherches.

Heureusement le relief du plateau central du Sahara étant aujourd’hui mieux connu, il n’est pas nécessaire d’un bien grand effort pour trouver la synonymie moderne des noms anciens.

Si Pline, Orose et Éthicus nous ont transmis des indications concordantes entre elles, la montagne servant de limite doit également donner naissance au fleuve séparatif des Libyens et des Éthiopiens. La raison l’indique.

Ce premier point établi, vérifions la valeur de la direction conforme donnée par Éthicus et Orose.

Droit au Sud de Sétif, au delà de la Mauritanie, le premier nom de montagne rencontré sur ma carte, nom de notoriété publique et correspondant à un relief qui appelle l’attention, est celui du Ahaggâr des Touâreg ou Hoggâr des Arabes, identique à ceux de Suggar et Uzzar.

Sétif et l’Atakôr-n-Ahaggâr sont exactement sur le même méridien.

Cette première constatation nous conduit à une seconde qui la confirme.

Le Ahaggâr donne naissance au plus grand fleuve du Nord de l’Afrique, après le Nil, à l’Igharghar (le courant en murmurant) des Touâreg, l’Ouâdi-es-Sâoudy (la rivière noire) des Arabes.

Ce fleuve serait-il le Nigris, de Pline, le fameux Africam ab Æthiopia dispescens ?

Le doute n’est pas possible, quelque soit le radical, latin ou libyque, adopté comme origine du mot Nigris, car, en libyen, Nigris et Igharghar sont identiques, — ce qui va être bientôt démontré — et en latin, Flumen Nigrum est exactement traduit par Ouâdi-es-Sâoudy.

Bientôt aussi il sera démontré que les expressions géographiques de Γείρ, Νίγειρ des Grecs, Niger, Nigris des Romains, doivent être entendues, non dans un sens appellatif, restreint à la désignation spéciale d’un fleuve ou d’une rivière, mais dans un sens qualificatif plus général correspondant au bassin d’un fleuve, d’une rivière.

Pris dans cette dernière acception, le Nigris dispescens Africam ab Æthiopia a un sens, tandis que dans l’autre il n’en a pas.

En effet, les origines du bassin du Nigris (l’Igharghar) embrassant quinze degrés, de l’Ouest à l’Est, séparent très-bien les Libyens au Nord, des Éthiopiens au Sud, tandis que le cours principal du Nigris, à direction Sud et Nord, pourrait tout au plus séparer la Libye en occidentale et en orientale.

De ces faits acquis, je tire la conclusion que la limite séparative de la Libye et de l’Éthiopie était au point de partage des eaux de la Méditerranée avec celles de l’Océan, limite naturelle, si jamais il en fut.

Si ma conclusion est rigoureuse, les anciens ont dû connaître le versant méditerranéen du massif aujourd’hui habité par les Touâreg du Nord. L’occupation de Cydamus, de Garama, ne pouvait laisser aucune incertitude à cet égard.

Voyons quelle était l’étendue de leurs connaissances, restreintes dans ces limites.

Mons ater ou Massif des Touâreg.

Pline dit : (Liv. V, 5.)

« De la Phazanie s’étend, sur un long espace, du Levant au Couchant, une montagne noire que les NOTRES ont appelée Mons ater, soit que naturellement elle semble brûlée, soit qu’elle doive cette apparence à l’action du soleil.

« Au delà de cette montagne sont des déserts. »

L’orientation, l’étendue, la couleur de la montagne, partie brûlée par le soleil, partie vulcanisée par le feu, sa situation par rapport aux vrais déserts, ne permettent pas l’hésitation. Le massif des Touâreg du Nord, Tasîli et Ahaggâr compris, avec leurs dépendances, est bien le Mons ater de Pline.

Antérieurement et successivement, ce Mons ater avait été identifié au Djebel-Nefoûsa, à la Sôda, au Hâroûdj-el-Asoued, en raison de la nature volcanique de ces montagnes, parce qu’on ne connaissait pas les contrées au Couchant de la Phazanie ; mais, aujourd’hui, tous les géographes seront unanimes pour reconnaître que le massif des Touâreg, seul, répond à toutes les exigences du texte de l’encyclopédiste latin.

Mais répétons-le : Mons ater est un nom romain, et Pline ne paraît pas connaître le nom indigène, unique ou multiple, que ce massif portait alors.

Toutefois, Pline ne se borne pas à constater l’existence du Mons ater et des déserts qui l’environnent ; il ajoute :

« Toutes ces contrées ont été subjuguées par les armées romaines ; Cornelius Balbus en a triomphé. »

Pour ces conquêtes, Balbus a obtenu les honneurs du char triomphal, et, à son triomphe, — qui eut lieu en l’an 44 de J.-C., — il fit porter les noms et les images de toutes les nations et villes qu’il avait soumises.

Pline donne, d’après les auteurs du temps, l’ordre dans lequel ces trophées suivaient le char triomphal. Cet ordre n’ayant rien de géographique, il n’y a pas à en tenir compte. J’aime mieux les classer suivant leur désignation.

Villes : Cydamus, Garama, Tabidium, Negligemela, Thuben, Nitibrum, Rapsa, Debris, Thapsagum, Boin, Pège, Baracum, Buluba, Alasi, Balsa, Galla, Maxala, Zizama ;

Nations : Niteris, Bubéium, Enipi, Discera, Nannagi ;

Montagnes : Niger, Gyri, — cette dernière, avec une inscription portant qu’on y trouve des pierres précieuses.

Rivières (flumina) : Nathabur, Dasibari.

Indépendamment de cette nomenclature décorative, riche en noms de lieux, mais pauvre en détails, Pline cite encore, comme appartenant à la contrée conquise par les armes romaines, des noms de peuples et de villes, sur lesquels il possède des renseignements personnels, dont il fait usage pour déterminer, aussi approximativement que possible, leurs stations ou leurs emplacements.

Voici ces noms, avec les renseignements qui les accompagnent :

Peuples : Les Nasamons, sur la côte de la Syrte, appelés auparavant par les Grecs, Mesammons, à cause de leur situation au milieu des sables ;

Les Asbystes,
après les Nasamons ;
Les Maces,

Les Hammanientes, au-delà des Asbystes et des Maces, à douze journées de marche de la grande Syrte, vers l’Occident, et entourés eux-mêmes de sables de tous les côtés ;

Les Troglodytes, à quatre journées de marche des Hammanientes, du côté du Couchant d’hiver ;

Les Phazaniens, du côté des déserts d’Afrique, au-dessus de la petite Syrte ;

Les Garamantes, dont la ville célèbre de Garama est la capitale.

Villes : Alele et Cillaba, villes des Phazaniens ; Matelgæ, ville des Garamantes ; Debris, où est une fontaine dont les eaux sont bouillantes, de midi à minuit, et glaciales, de minuit à midi.

Cette double nomenclature, en partie étrangère à la région montagneuse du Mons ater, mais s’en rapprochant cependant, laisse à désirer, car, à l’exception de Cydamus, de Garama, de Rapsa, de Boin, qu’on retrouve dans les villes modernes de Ghadâmès, de Djerma, de Rhât (Kêl-Rhâfsa[130]) et de Bondjêm, quatre des points les plus importants du pays, il est vrai, le reste a moins de valeur[131] ; on en jugera par les noms de montagnes.

Niger, sous sa forme latine, synonyme de ater, est aussi, sous sa forme libyque, identique au nom Nigris, donné au fleuve qui a ses sources dans le Mons ater.

Gyri[132], autre mont, est en double emploi, car la racine des mots Niger, Nigris et Gyri est la même ; mais ce double emploi est justifié par le besoin de compter au nombre des conquêtes du triomphateur les pierres précieuses du susdit mont.

Sans doute, les pages de Pline sur les conquêtes des Romains, dans le Sud de la Tripolitaine, ont leur valeur, mais ce n’est que dans Ptolémée qu’on trouve, au milieu de nombreuses confusions, des détails relatifs au massif des Touâreg du Nord, ou Mons ater des Romains, détails que la géographie moderne confirme.

Orose, Éthicus, Corippus, de beaucoup inférieurs en mérite et en savoir, donnent aussi cependant quelques indications utiles.

Ptolémée connaît aux deux extrémités du massif deux points importants, car ils sont deux têtes de bassins :

La Gorge Garamantique, Φάραγξ Γαραμαντίκη, dans l’Est, origine du grand fleuve oriental de la Libye, le Γείρ ;

Le Mont Thala, Θαλα, dans l’Ouest, origine d’un fleuve occidental, le Νίγειρ, qui, avec le précédent, constituent les deux seules grandes rivières qui coulent dans l’intérieur du pays (Liv. IV, 5).

Le premier de ces points, que M. Vivien de Saint-Martin a identifié d’une manière certaine avec l’Aghelâd (gorge) d’Ouarâret ou vallée de Rhât, et le second, qui a conservé son nom ancien : Tâhela-Ohât, mont d’où sort l’Ouâdi-In-Amedjel, nous serviront de jalons principaux.

Entre ces deux repères est un troisième point, le lac Nouba, Νούβα λίμνη, situé à la tête des eaux du Gir (Liv. IV, chap. VI), à l’Ouest de la montagne appelée la Gorge, τῆς Φαραγγος ὄρος, et au Sud du mont Girgyris, dans la direction des Garamantes (même Liv., même chap.).

Il m’est bien difficile de ne pas identifier le lac Nouba, si bien caractérisé par Ptolémée, avec la plaine d’Amadghôr, l’une des origines de l’Igharghar, sise à l’Ouest de la gorge de Rhât et au Sud du Tasîli des Azdjer, et dans laquelle est une sebkha ou lac desséché qui doit être connue de toute antiquité. (Voir Liv. Ier, chap. II, pages 18 et 19 ; et chap. III, page 24.)

Ptolémée connaît encore, dans la même contrée, un mont Girgyris, Γίργυρις ou Γίργιρι, sis au Sud de Lynxama, ville sur la rivière du Gir, et au Nord du lac Nouba.

Il m’est encore impossible, en tenant compte de la position absolue que Ptolémée donne à son Girgyris, et de sa position relative par rapport au lac Nouba et à la ville de Lynxama, de ne pas assimiler le plateau riche en eaux du géographe alexandrin avec le plateau que les Touâreg nomment simplement tasîli, plateau, mais qui donne naissance aux nombreux igharghâren (les ruisseaux ruisselants) qui, avant les barrages des dunes, formaient autrefois la tête orientale de l’Igharghar.

J’ai déjà dit pourquoi je n’acceptais pas l’identification du mont Girgyris avec le Djebel-Ghariân, mais je conserve comme étant hors de contestation la remarque de M. Vivien de Saint-Martin, à savoir que Girgyris, Djerdjera ou Djurjura, sont absolument identiques, et j’ajoute que les noms d’Igharghar, d’Igharghâren, ont aussi la même signification dans la nomenclature géographique des Berbères.

Le radical de tous ces noms indique une contrée riche en eaux, mais s’applique aussi bien aux rivières par lesquelles elles s’écoulent qu’aux montagnes dans lesquelles elles prennent naissance.

Les Berbères de la grande Kabylie algérienne ont donné au massif des montagnes qu’ils habitent le nom général de Djerdjera, parce que l’eau y idjerdjère sur toute son étendue, et parce que, sous ce rapport, il est le point le plus favorisé du Tell. De même, les Berbères Touâreg ont donné le nom d’Igharghar à la principale gouttière d’écoulement des eaux de leur pays, et d’Igharghâren à la plaine, au plateau et aux ravins, tête du bassin, parce que les eaux y ighargharent, et parce que, dans tout le Sahara, il n’y a pas un autre point aussi riche en eau.

Le Girgyris de Ptolémée est aussi un mot imitatif qui doit avoir la même signification.

On me pardonnera, je l’espère, la création des verbes idjerdjerer et ighargharer. Pour bien faire comprendre des choses nouvelles, le plus simple souvent est de créer des mots nouveaux.

La signification réelle du radical ne tardera pas à être précisée.

En attendant, je considère comme exactes les identifications suivantes :

Celle de l’Aghelâd d’Ouarâret, avec le Φάραγξ Γαραμαντικη ;

Celle du Tâhela-Ohât avec le Θαλα ;

Celle de la Sebkha d’Amadghôr avec le Νούβα λίμνη ;

Celle du Tasîli des Azdjer ou plateau des Igharghâren, avec le Γίργυρις ou Γίργιρι.

Mais avant de demander aux documents grecs et romains plus qu’on ne doit attendre d’eux, je tiens à faire une autre constatation importante, en remontant du présent au passé.

Aujourd’hui, deux confédérations politiques, composées de tribus diverses, occupent le Mons ater des Romains, et, entre les deux, est une grande tribu de marabouts, aussi nombreuse, et occupant autant d’espace que leurs voisins de l’Est et de l’Ouest.

Nous savons par Ebn-Khaldoûn et par la Note sur les origines de Brahîm-Ould-Sîdi que ces trois grandes fractions des Touâreg du Nord n’occupaient pas le Mons ater à l’époque romaine, et qu’avant leur dernier mouvement de migration elles portaient d’autres noms qu’elles ont échangés contre celui des contrées nouvelles qu’elles ont définitivement adoptées pour leur patrie.

Ainsi, les Kêl-Ahamellen se sont transfigurés en Kêl-Ahaggâr, gens du Ahaggâr, comme leurs devanciers, de l’époque romaine, s’étaient appelés Æzaræ, Uzzaræ, Suggaræ[133], suivant les époques et la manière de prononcer les noms d’une langue étrangère, et aussi suivant la pureté ou la corruption des textes.

De même les Ioûrâghen, des environs de Timbouktou, sont devenus les Kêl-Azdjer, pour perpétuer jusqu’à nous le souvenir des Astacuri, Αστακοῦροι, de la Gorge Garamantique ;

De même encore les marabouts d’Es-Soûk, anciennement Kêl-es-Soûk, ont pris le nom d’Ifôghas, afin qu’on ne perde pas le souvenir des Ifuraces de Corippus.

Maintenant, étant connu le massif occupé par les Touâreg du Nord, est il nécessaire de torturer les textes pour retrouver les noms des anciens et faire justice des doubles emplois de leurs nomenclatures ?

Non.

S’agit-il de noms généraux de races ?

On n’est pas étonné de voir, pêle-mêle, des Libyens, des Mélano-Gétules, des Éthiopiens rouges et noirs, en un point de contact, alors contesté et disputé, entre les descendants de Sem et de Cham. Suivant les chances heureuses ou malheureuses de la fortune, on trouvera les uns ou les autres tantôt au Sud, tantôt au Nord du tropique du Cancer, mais on peut être assuré que, dans les moments d’armistice, les hommes de race noire prendront position dans les bas fonds, où la fertilité est plus grande, et les hommes de race blanche sur les hauteurs, là où la salubrité convient mieux à leur tempérament.

S’agit-il de noms particuliers de tribus, que les anciens appelaient des Nations ?

D’abord, pour retrouver leurs anciens campements, on a désormais une base géodésique : naturellement les Thalæ, qui avaient pris le nom de leur montagne, se mettront au lieu et place des Kêl-Ohât, tribu serve du versant Ouest du Ahaggâr qui, eux, par un retour des choses d’ici-bas, ont ajouté leur nom propre à celui de la montagne pour en faire Tâhela-Ohât. De même les Noubæ, les Nigritæ, les Asaracæ, reprendront leur ancienne position, les premiers autour de la saline d’Amadghôr, les seconds sur les rives de l’Igharghar, les troisièmes dans la Gorge d’Ouarâret.

Puis, autour des territoires de ces anciennes tribus, aujourd’hui retrouvés, viendront se ranger comme autant de satellites, et dans l’orientation donnée par Ptolémée, toutes les autres tribus dont il nous transmet les noms.

On préviendra toute erreur en assignant comme campements probables à ces dernières tribus les points du territoire actuel des Touâreg les plus riches en eau et en pâturages, car, dans tout le Sahara, hier comme aujourd’hui, ces points exceptionnels ont toujours été des lieux d’élection pour l’habitation de l’homme.

Maintenant, si, ce placement de détail opéré, nous voulons constituer des groupes généraux, d’après la circonscription territoriale habitée, nous aurons des Uzzaræ, des Suggaræ, dans lesquels seront compris les Thalæ et leurs voisins ; des Ifuracæ qui engloberont les Nigritæ, les Noubæ et autres ; enfin des Astacuræ, avec leurs subdivisions, comme nous avons aujourd’hui des Kêl-Ahaggâr, des Ifôghas, des Kêl-Azdjer embrassant, sous ces dénominations générales, des tribus nobles et serves, des tribus à sang blanc et à sang noir, sans compter les mélanges, et des tribus de race arabe, de race berbère et de race éthiopienne.

Dans les circonscriptions territoriales modernes, nous retrouvons donc, comme dans les anciennes, des Mélano-Gétules, des Libyens, des Libo-Égyptiens, des Éthiopiens blancs, rouges et autres, suivant l’origine éthnographique des populations ou la variété des langues qu’elles parlaient, mais dont la nomenclature fait double emploi avec celle qui a pour base la division du territoire ou les confédérations politiques de groupes.

S’agit-il de noms de lieux ?

L’identification d’un grand nombre est certaine, notamment pour les montagnes et les fleuves.

Si je sors de la limite de mon exploration, le Daradus et le Rufus-Campus, dont on retrouve les noms anciens dans la synonymie moderne, viennent, comme de nouveaux jalons, servir de guide dans le placement des tribus.

Les nouvelles conquêtes de la géographie nous ont donc, enfin, affranchi des erreurs de longitude et de latitude de Ptolémée. C’est là un point capital.

De l’orographie je passe à l’hydrographie.

Des Niger de la Libye.

Je dois rappeler au lecteur qu’en langue libyque, berbère ou temâhaq, le radical ghar, gher, ghir, ghor, signifie eau qui coule, sans distinction entre l’eau superficielle ou souterraine, et par extension bassin hydrographique.

Je dois ajouter aussi que, dans tout le Nord du continent africain, le mot Nîl est employé pour désigner tous les grands fleuves ; enfin que, depuis la plus haute antiquité, les indigènes ont toujours considéré les grandes rivières de leur pays comme étant autant de sources du Nîl d’Égypte.

La description des Niger de la Libye, par Pline et Ptolémée, n’étant que la reproduction des dires des indigènes de leur époque, on doit tenir compte de ces manières de voir les choses, si l’on veut comprendre leurs récits.

Pline connaît deux grandes rivières dans la Libye :

Le Nigris ou Niger, dans l’Est ; le Ger ou Gir dans l’Ouest.

Sa description du Niger est empruntée aux Libyques du roi Juba, celle du Ger aux Mémoires de Suetonius Paulinus, ouvrages aujourd’hui perdus.

Ptolémée est plus explicite : il n’y a, dit-il, que deux grandes rivières dans l’intérieur du pays : le Ghèr (Γείρ) et le Nighèr (Νίγειρ)[134] ;

Le Ghèr, à l’Est, aboutissant d’un côté au Mont Usargala et de l’autre à la Gorge Garamantique ;

Le Nighèr, à l’Ouest, aboutissant d’un côté au Mont Mandrus et de l’autre au Mont Thala.

En apparence, Pline et Ptolémée ne sont d’accord ni sur les noms ni sur la situation respective de chacune de leurs deux rivières, mais, si on fait abstraction de la différence des noms, identiques d’ailleurs entre eux, pour ne tenir compte que des détails de leurs descriptions, on reconnaît que l’un et l’autre ont voulu parler des mêmes bassins.

Le Nigris ou Niger de Pline, comme le Ghèr de Ptolémée, prend sa source, au Nord, dans la région orientale de l’Atlas, et se dirige au Sud, vers la partie orientale du Mons ater, pour aller séparer la Libye de l’Éthiopie ;

Tous deux traversent deux lacs dont les noms sont différents, il est vrai, mais tous deux placés aux mêmes étages du bassin :

Les premiers, Nilis de l’un, Τας χελωνιδας de l’autre, dans les bas-fonds de l’Ouâd-Rîgh ;

Les seconds, Nigris dans Pline, Νούβα dans Ptolémée, sur la ligne de partage des eaux de l’Océan et de la Méditerranée ;

L’un comme l’autre, absorbés par les sables qu’ils traversent, disparaissent pour réapparaître et disparaître encore.

Je ne poursuivrai pas plus loin ces comparaisons, j’aime mieux expliquer comment le radical libyque gher, qui suivant les dialectes s’écrit et se prononce aussi ger, guir, djir, rîgh, s’est transformé sous la plume de Pline, de Ptolémée ou de leurs copistes, en Niger ou Νίγειρ.

La démonstration est facile.

Dans certains dialectes libyques, un i préfixe est souvent ajouté au radical ; exemples : i Gharghar, i Ahaggâren. Ainsi ger et γείρ sont d’abord devenus i Ger et ί Γειρ.

Puis, souvent une N, conjonction, lie le mot qui précède au mot qui suit ; exemples : Atakôr-N-Ahaggâr, Adehî-N-Ouaran, Afara-N-Wechcheran. Ainsi i Ger et ί Γειρ sont devenus N-Iger et Ν-Ιγειρ, et par abréviation on aura écrit Niger et Νίγειρ, en retranchant le trait d’union.

Enfin, dans la langue berbère, beaucoup de noms géographiques sont précédés du technique In, qui signifie endroit de ; exemple : In-Gher ou In-Ghar, endroit de l’eau, noms que portent un point de la vallée des Igharghâren et un village du Touât. Souvent, même aujourd’hui, et c’est ce que j’ai fait, on écrit Ingher et Inghar, sans trait séparatif. Entre Ingher et Νίγειρ ou Niger, la seule différence consiste dans le déplacement d’une lettre, faute qu’un copiste aura bien pu commettre.

La signification latine du mot Niger, correspondant à la couleur des habitants, a dû contribuer à la propagation de l’erreur.

En Algérie, nous inventons aujourd’hui encore de semblables assimilations.

Quelle que soit la version adoptée, on se rend compte désormais comment les Grecs ont donné indistinctement les noms de ποταμος-ν-ίΓειρ ou ποταμος Γείρ, ou ποταμος Νίγειρ, et les Romains ceux de flumen-n-iGer ou flumen Ger ou flumen Niger à tout endroit du territoire libyque où il y avait de l’eau, sans faire attention que ποταμος et flumen étaient synonymes de Niger ou Ger.

Comment les Grecs et les Romains auraient-ils évité ces erreurs, quand nous, Français, éclairés sur toutes ces questions beaucoup mieux qu’on ne pouvait l’être dans l’antiquité, nous sommes forcés, pour être compris, d’écrire chaque jour : le bassin de l’Ouâd-Rîgh, la rivière de l’Ouâd-Igharghar, le plateau du Tasîli, la montagne du Djebel-Adrâr, la fontaine d’’Aïn-Thâla ?

Les Arabes et les Turcs se rendent aussi coupables de pareils pléonasmes dans leurs nomenclatures géographiques. La responsabilité en incombe à l’ignorance des masses.

Sans doute, les hommes de science ont tort de ne pas s’affranchir des lois que leur imposent ceux qui ne savent pas. Mais quel but se propose-t-on en écrivant ? Éclairer. Et pour éclairer, il faut d’abord être compris.

M. le commandant Hanoteau a pu intituler Grammaire temâchek’ son étude sur la langue que parlent les Touâreg et donner le nom d’Imôcharh aux peuples qui la parlent, parce que tous ceux qui doivent lire son livre savent préalablement quelle est la valeur des termes dont il se sert. Si j’avais intitulé ce livre : Imôhagh, au lieu de Touâreg du Nord, aucun de ceux auxquels il est destiné n’aurait su de qui je veux parler.

Mais je dois revenir aux Niger.

Les géographes du moyen âge n’ont donc pas commis une erreur en donnant le nom berbère de Niger au grand fleuve du Soûdân occidental, en tant que la signification de ce nom est restreinte à celle de : eau qui coule, fleuve, cette désignation n’ayant pas plus de valeur que celle de : Nîl des noirs. Mais ils se sont grossièrement trompés, si, induits en erreur par la latitude de Ptolémée, ainsi que l’a victorieusement démontré M. Vivien de Saint-Martin, ils ont cru retrouver dans le fleuve de Timbouktou l’un des Niger de la Libye.

Ce point acquis aux débats, j’ai à démontrer que, pour les anciens, les mots Niger ou Ger signifiaient moins un fleuve qu’un bassin hydrographique.

J’en trouve la preuve dans les textes mêmes de Pline et de Ptolémée.

Pline (L. V, 10) nous donne, d’après le roi Juba, un exemple bien remarquable du peu de respect des indigènes de son temps pour les lois physiques de la circulation des eaux. Son Niger naît dans une montagne de la Mauritanie, probablement le Djebel-’Amoûr des modernes ; de là, il descend dans un bas-fonds, où il forme le lac Nilis, comme l’Ouâd-Djedî, auquel il est assimilé dans cette partie de son cours, va se perdre dans le Chott-Melghîgh. Mais, du lac Nilis, au lieu d’aller déverser ses eaux à la mer, au golfe de Gâbès, comme l’exige le sens attaché au mot flumen, son fleuve, devenu, dans son imagination, une des têtes du Nil d’Égypte, va gravir des pentes de 1,000 à 1,500 mètres environ, à l’inverse du cours de l’Igharghar, mais, comme lui, à travers de nouvelles lagunes et des masses de sables qui se succèdent et l’absorbent, pour arriver au sommet du massif des Touâreg, où il sépare l’Afrique de l’Éthiopie. « Là, sans doute, ajoute Pline, d’après le roi Juba, jaillissant de cette source qu’on a nommée Nigris, il s’élance..., » probablement au-dessus du point de partage des eaux !!! Pline n’ose pas l’écrire, mais il le laisse deviner, car son fleuve, jusque-là renfermé dans le bassin libyen de la Méditerranée, va passer dans le bassin éthiopien de l’Océan, « sous le nom d’Astapus, pour séparer, par le milieu, le pays des Éthiopiens. Astapus medios Æthiopas secat. »

Cette description, contraire aux lois naturelles, si le mot Niger est restreint à la signification de fleuve, devient, au contraire, d’une exactitude remarquable, si l’on généralise le sens de ce mot en le considérant comme l’équivalent du mot bassin dans nos langues modernes.

En effet, non-seulement la description du Niger de Pline est conforme à celle de l’Igharghar, que j’ai faite dans le livre Ier de cet ouvrage ; non-seulement la communauté des origines de l’Igharghar et du Tâfasâsset, symbolisée dans la source que Pline nomme Nigris, est une réalité incontestable, mais encore l’Astapus[135] sépare par le milieu les peuplades éthiopiennes, comme le Tâfasâsset isole les Touâreg d’Aïr des Touâreg Aouélimmiden.

Le Niger de Pline est donc un bassin et non un fleuve.

Ptolémée appuie d’une autorité indiscutable la nouvelle interprétation donnée au mot Niger.

Ses deux Niger, celui de l’Est comme celui de l’Ouest, marchent du Nord au Sud, à la façon des siphons. Nés tous deux dans l’Atlas, par des altitudes de 700 à 1,000 mètres, ils descendent dans des bas-fonds de 90 à 200 mètres, au maximum, et viennent aboutir, en remontant dans le massif des Touâreg, à une altitude de plus de 700 mètres pour la Gorge Garamantique, et de 1,000 à 1,200 pour le Mont Thala.

Cette constitution n’est pas celle des rivières ou des fleuves, dans le sens ordinaire des mots flumen et ποταμος, mais celle des bassins de tous les cours d’eau.

Pline et Ptolémée, en traduisant les récits des indigènes, par l’intermédiaire d’interprètes illettrés, n’ont pas compris le sens du mot libyque Niger ; nous, nous devons lui restituer sa véritable signification, autrement, il est impossible de faire l’application des récits des anciens auteurs aux lieux tels que nous les retrouvons aujourd’hui.

Maintenant abordons la délimitation des bassins des deux Niger de la Libye et indiquons les noms de la nomenclature grecque et romaine, qu’on peut, avec autorité, identifier avec ceux de la nomenclature moderne.

Niger oriental.

Dans l’état actuel de nos connaissances géographiques, les limites du bassin du Niger oriental de la Libye peuvent être déterminées, sinon mathématiquement, du moins très-approximativement.

Au Sud, les points culminants du Ahaggâr, de la plaine d’Amadghôr, du plateau dit le Tasîli des Azdjer, de l’Akâkoûs, de l’Amsâk et de la forêt de gommiers séparative du désert de Tâyta et de l’Ouâdi-Lajâl, jalonnent une longue ligne de partage d’eau entre le bassin éthiopien de l’Astapus (Tâfasâsset moderne) et le bassin libyen du Niger oriental (l’Igharghar des Touâreg).

A l’Est, une ligne droite, de la tête occidentale de l’Ouâdi-Lajâl à Gâbès, par le caput saxi de la Hamâda-el-Homra et les sommets du Djebel-Douîrât, marque aussi exactement que possible un second partage d’eau, peu caractérisé, il est vrai, sur sa plus grande étendue, entre la Hamâda-el-Homra et les dunes de l’’Erg, sorte d’éponge qui rend souterrainement au principal thalweg du bassin, l’Igharghar, les eaux qu’elles ont absorbées.

Au Nord, le versant méridional de la chaîne atlantique, de Gâbès au Djebel-’Amoûr, l’Aurès compris, ferme le bassin de ce côté, d’une manière plus accentuée, à raison de son imposant relief.

A l’Ouest, la limite séparative du Niger oriental avec le Niger occidental, peu caractérisée dans le Sahara algérien, où elle est d’ailleurs bien connue, se relève dans le Sud, où le Bâten de Tâdemâyt, l’Ifettesen du Mouydîr ainsi que le Tîfedest et l’Atakôr du Ahaggâr, lui donnent des points de partage d’eau nettement définis.

Dans ces limites, l’étendue du bassin oriental embrasse près de 20 degrés, du Nord au Sud, et 16 de l’Est à l’Ouest, et comprend, indépendamment de l’Igharghar, aboutissant de tous les affluents : d’abord les igharghâren de sa tête orientale, puis les ouâdi de sa tête occidentale, qui descendent du Ahaggâr, du Mouydîr et de la plaine d’Amadghôr, enfin l’Ouâd-Mîya, l’Ouâd-Mezâb, l’Ouâd-Nesâ, l’Ouâd-Djedî, plus les nombreux torrents du versant Sud de l’Aurès.

De cet immense réseau de gouttières d’écoulement des eaux qui, toutes, venaient aboutir aux lagunes du Rîgh, d’Ouarglâ et du Melghîgh, et, de là, déversaient leur trop-plein dans le golfe de Gâbès par les Chott du Djerîd et du Nefzâoua, les anciens ne connaissaient, en réalité, que fort peu de chose ; du moins, ce qu’ils nous en ont transmis laisse beaucoup à désirer :

Une dizaine de noms de centres d’habitation fixe de l’homme pour représenter les districts formés par huit groupes d’oasis : les Qeçoûr de l’’Amoûr, le Mezâb, les Zibân, Ouarglâ avec son annexe d’El-Golêa’a, le Rîgh, le Soûf, le Djerîd et le Nefzâoua, districts qui alors devaient être très-peuplés, car l’occupation romaine, étendue jusqu’à la limite de ces oasis, n’aurait pas eu sa raison d’être sans de nombreux indigènes à dominer au Sud ;

Quelques noms de tribus nomades, parmi lesquels des doubles emplois, pour occuper l’espace que les Larba’a, les Cha’anba, les Oulâd-Bâ-Hammou, les Kêl-Ahaggâr, les Ifôghas, les Kêl-Azdjer, les Rouâgha, les ’Arab du Zibân, les Souâfa, les Ourghamma et autres, couvrent de leurs campements ;

Quelques noms généraux ou particuliers de montagnes, au lieu de milliers que nous connaissons aujourd’hui d’une manière certaine ;

Quelques détails sur les bas-fonds, sur les sables, sur le cours souterrain des eaux, sur les plantes et les animaux exceptionnels de cette contrée qui, heureusement, sont très-exacts, quoique leur mention repose sur l’erreur qui attribuait à cette partie de la Libye l’honneur d’appartenir au bassin du Nîl d’Égypte ;

Enfin des noms de lacs et celui du bassin dans son ensemble complètent tout ce que les anciens, Grecs et Romains, y compris le très-savant roi Juba, nous ont transmis sur une contrée d’autant plus intéressante pour eux, qu’ils lui attribuaient un rôle fabuleux.

La comparaison des noms de villes, de montagnes, de rivières, de lacs, de tribus, donnés par les nomenclatures anciennes, avec ceux beaucoup plus considérables de la nomenclature moderne, autorise, d’une manière certaine, les identifications suivantes :

La ville de Cydamus avec Ghadâmès ;

L’Oppidum Rapsa avec Rhât, reconstruite par les Kêl-Rhâfsa ;

Agar Selnepte avec Nafta ;

Tysurus avec Tôzer ;

Capsa avec Gafça ;

Tacape avec Gâbès ;

Le Mons ater avec le massif des Touâreg, Tasîli et Ahaggâr compris ;

Le Φαραγξ Γαραμαντικη avec l’Aghelâd d’Ouarâret ;

Le pays des Astacuri avec celui des Azdjer ;

Celui des Ifuraces avec le territoire des Ifôghas ;

Le mont des Suggar, des Uzzar, des Æzar, avec la patrie actuelle des Ahaggâr ou Hoggâr ;

Le mont Γίργιρι avec le Tasîli du Nord, dans lequel naissent de nombreux igharghâren ;

L’Aurasius avec la chaîne de l’Aurès ;

Le Niger avec l’Igharghar ;

L’Astapus avec le Tâfasâsset ;

Le lac Nigris avec les lacs de Mîherô ;

Le lac Nouba avec la Sebkha ou saline d’Amadghôr ;

Le lac de Libye ou Palus Chelonides avec le Chott-Melghîgh ;

Le lac Pallas avec le Chott-el-Djerîd ;

Le lac Triton avec le Chott du Nefzâoua ;

L’ile de Phla avec l’oasis du Nefzâoua.

Toutes ces identifications sont justifiées ou par la similitude des noms, ou par des rapports de position, ou par des détails qui excluent toute incertitude.

Ptolémée cite dix noms de villes dans le bassin du Gir, savoir :

Au Sud, Gira, métropole, Γείρα μητρόπλις,
Au Nord, Thykimath, Θυκιμαθ,
Ghéoua, Γηούα,
Badiath, Βαδιάθ,
Iskhérî, Ισχερεῖ,
Toucroumouda, Τσυκρούμουδα,
Thoûspa, Θοῦσπα,
Artaghîra, Αρτάγειρα,
Rhoubounê, Ρουβούνη,
Lynxama, Δύγξαμα.

Je néglige les longitudes et les latitudes, qui ne peuvent qu’induire en erreur.

M. Vivien de Saint-Martin constate avec raison que Thykimath, Ghéoua, Iskhérî, s’échelonnent sur la rive Nord du Gir, comme Tadjemout, Laghouât et Biskra sur la rive gauche de l’Ouâd-Djedî.

L’assimilation de Gira, métropole, avec Guerâra, admise sous réserve par M. Vivien de Saint-Martin, me paraîtrait plus heureuse avec Tougourt, car cette ville est encore la ville principale de la contrée, tandis que Guerâra située hors centre, dans un pays aride, sans voies de communication, n’a jamais pu être une métropole.

D’ailleurs, d’après les chroniques de cette ville qui m’ont été communiquées, Guerâra a été fondée par les Benî-Mezâb, en l’année 1589 de notre ère.

Les détails que Pline (Liv. V, 10) donne d’après Juba, sur les intermittences du cours de son Niger, sur les animaux qu’il nourrit, sur les plantes spontanées de ses rives, sur ses débordements correspondant avec les crues du Nîl, non-seulement sont plus exacts, mais suffiraient à eux seuls pour justifier son identification avec l’Igharghar.

« Sorti du lac Nilis, dit Pline, le fleuve s’indigne de couler à travers des lieux sablonneux et arides et il se cache pendant un trajet de quelques jours de marche ; puis traversant un plus grand lac dans la Massæsylie, portion de la Mauritanie Césaréenne, il s’élance et jette pour ainsi dire un regard sur les sociétés humaines ; la présence des mêmes animaux prouve que c’est toujours le même fleuve. Reçu de nouveau dans les sables, il se dérobe encore une fois dans des déserts de vingt journées de marche, jusqu’aux confins de l’Éthiopie, et lorsqu’il a reconnu derechef la présence de l’homme, il s’élance, sans doute jaillissant de cette source qu’on a nommée le Nigris. Là, séparant l’Afrique de l’Éthiopie, les rives en sont peuplées, sinon d’hommes, du moins de bêtes et de monstres : créant des forêts dans son cours, il traverse l’Éthiopie sous le nom d’Astapus. »

Tout cela est encore exact aujourd’hui ; pour le constater ouvrons la Carte qui accompagne ce volume, et suivons le cours de l’Igharghar, de l’aval à l’amont, comme le fait Pline.

Du lac Melghîgh, où le Djedî s’est perdu et d’où il est réputé sortir, il traverse souterrainement les bas-fonds sablonneux du Rîgh (150 kilom. environ) ; puis, traversant la Sebkha de Sîdi-boû-Hâniya, probablement réunie autrefois aux sebkha voisines de Negoûsa pour former le grand lac de la Massæsylie, il s’élance de nouveau sur la Hamâda des Cha’anba et, après avoir attesté qu’il est toujours le même fleuve, se dérobe de nouveau dans les dunes de l’’Erg et sans doute aussi sous les sables de la vallée des Igharghâren (ensemble 380 kilomètres, correspondant à vingt journées de marche dans les sables). Après quoi, dans la montagne, sont les sources d’eau vive.

Dans ce fleuve et dans les lacs qu’il alimente, ajoute Pline, « on trouve, en fait de poissons, des alabètes, alabetæ[136], des coracins, coracini[137], des silures, siluri[138] ; un crocodile, crocodilus, en a été rapporté et consacré par Juba même, — preuve que c’est bien le Nîl — dans le temple d’Isis à Césarée (la moderne Cherchel), où on le voit encore aujourd’hui. »

Chose curieuse, les Touâreg connaissent encore trois espèces de poissons dans les lacs et sources de leurs montagnes, savoir : les imanân, l’asoûlmeh et les isattâfen.

J’ai rapporté de leur pays, comme pièce justificative, le Clarias lazera, l’asoûlmeh des Touâreg, aussi un poisson du Nîl. (Voir Liv. II, chap. III, page 238.)

Quant au crocodile, il s’est perpétué, depuis 2,000 ans, dans les lacs de Mîherô et de Tanârh. (Voir page 232.)

« En outre, ajoute Pline, on a observé que la crue du Nîl correspond à l’abondance des neiges et des pluies en Mauritanie. »

Moi-même j’ai constaté la même coïncidence, en 1861 et 1862, après neuf années de sécheresse absolue. (Voir Liv. Ier. chap. V, page 119.)

Avant (même Liv. V, 8), Pline avait dit :

« Le Nigris a la même nature que le Nîl ; il produit le roseau, le papyrus, calamus et papyrus, et les mêmes animaux ; la crue s’en fait aux mêmes époques ; il a sa source entre les Éthiopiens Tareléens et les Œcaliques. »

Encore aujourd’hui on trouve dans les lieux humides du pays des roseaux et des typha, voisins, sinon identiques au roseau et au papyrus d’Égypte.

Cette dernière citation me permet, en terminant ce que j’ai à dire du Niger oriental, de constater que Pline savait exactement où le Nigris avait sa source dans le massif des Touâreg, ce qui ne l’a pas empêché, dans la description générale de ce fleuve, d’intervertir l’ordre naturel de son cours, par respect pour les idées des indigènes, tant il est vrai que son Niger n’était pas seulement un fleuve, mais un bassin.

Niger occidental.

Le bassin du Niger occidental, séparé du Niger oriental comme il a été dit ci-dessus, est délimité au Nord par la chaîne atlantique, à l’Ouest par l’Océan, au Sud par les reliefs du Sâguiet-el-Hamrâ, du Djebel-Azour et du plateau du Tânezroûft. Sauf la partie du littoral océanien, sur laquelle les documents abondent, ce bassin a été connu des anciens d’une manière plus vague encore que celui de l’Est.

Bien qu’aucun explorateur moderne n’ait encore étudié le Sahara marocain comme nous pourrions le désirer, nous le connaissons assez cependant par les voyages de René-Caillié, de Robert Adams, de Davidson, qui y a été assassiné, de MM. Léopold Panet, Si-Boû-l’Moghdad et Gerhard Rohlfs, par les écrits des Arabes, par les renseignements verbaux des indigènes, par les travaux de M. Renou, de M. le capitaine Beaudouin et de M. le général Faidherbe, pour ne pas commettre de grandes erreurs en comparant les connaissances des anciens avec l’état actuel du pays. Le champ possible des erreurs est d’ailleurs très-rétréci depuis la publication du Nord de l’Afrique dans l’antiquité, par M. Vivien de Saint-Martin.

La critique de ce savant géographe resterait complète, si je n’avais à apporter à l’appui de son exposé des éléments nouveaux qu’il a soupçonnés, mais qu’il ne pouvait inventer. Ces éléments sont :

D’abord, une portion entièrement inconnue de la tête du bassin, celle du versant océanien du Ahaggâr, dont un des contreforts, le Tâhela-Ohât, perpétue jusqu’à nos jours le nom du Mont Thala de Ptolémée et d’où descendent des ouâdi dont le principal m’est indiqué comme se dirigeant vers l’Ouâdi-Dra’a. (Voir Liv. Ier, chap. III, page 26.)

Ensuite, entre le Haut-Niger occidental et la vallée du Daradus, les masses de dunes d’Iguîdi qui, comme celles de l’’Erg pour le Niger oriental, absorbent les eaux des affluents supérieurs et ne les restituent que souterrainement à la vallée exutoire. (Voir Liv. Ier, chap. II, pages 5 et 6, et chap. IV, pages 35, 36 et 37.)

Ces éléments nouveaux permettent de mieux apprécier les connaissances des anciens sur cet immense bassin.

Topographiquement, les dunes de l’Iguîdi le divisent en deux sections, l’une supérieure, l’autre inférieure, mais hydrographiquement la capillarité des éléments constitutifs des dunes permet aux eaux des affluents supérieurs de se rendre au lit inférieur, surtout quand elles sont abondantes, ce qui a toujours lieu après les grandes pluies périodiques.

Des affluents supérieurs du Niger occidental, les anciens n’ont connu que la branche du Ger de Suetonius Paulinius ou Νίγειρ de Ptolémée, qui prend sa source dans la partie de l’Atlas marocain où naît aussi le Malua flumen ; mais à la manière dont Ptolémée constitue son Νίγειρ, on voit qu’il réunit les eaux du versant saharien de l’Atlas à celles du versant océanien du massif des Touâreg.

Voici sa description :

« Le fleuve Nigir (Νίγειρ) aboutit d’un côté au mont Mandrus et de l’autre au mont Thala, et forme le lac Nigris.

« Deux embranchements qui descendent du Nord, l’un du mont Sagapola, l’autre du mont Usargala, viennent se réunir au Nigir ; ce dernier forme un détour à l’Est pour aller se terminer au lac Libya.

« Au Sud, dans la direction du Daradus, le Nigir reçoit un embranchement. »

Sauf les latitudes et les longitudes, dont je ne tiens pas compte, parce qu’elles sont erronées, toutes ces indications, quoique très-vagues, sont conformes à la vérité.

Au Mandrus et au Thala correspondent :

Le Djebel-Aït-’Aïach de l’Atlas marocain ;

Le Tâhela-Ohât du versant occidental du Ahaggâr.

Le lac Nigris auquel aboutissaient les eaux des monts Mandrus et Thala, assis vis-à-vis l’un de l’autre, mais à 15 degrés de distance, est le bas-fonds desséché du Touât, aujourd’hui couvert d’oasis ;

Le lac Libya, dans lequel allait se perdre l’affluent de l’Usargala, se retrouve dans la Sebkha du Gourâra, encore aujourd’hui le réceptacle des eaux de l’Ouâd-Seggeur, malgré le barrage des dunes de l’’Erg ;

Le Nigir est cet ouâd qui porte actuellement le nom de Guîr, dans sa partie supérieure, et de Messâoura, dans son cours inférieur ;

Nous connaissons déjà son affluent de l’Est, l’Ouâd-Seggeur, qui vient du Djebel-’Amoûr, l’ancien Usargala ;

L’affluent oriental correspond à l’Ouâdi-Tafîlelt, comme le mont Sagapola, d’où il sort, nous représente ce point de l’Atlas marocain, d’où descendent les principales rivières du bassin océanien du Maroc ;

La tête des eaux venant du Sud et se dirigeant vers le Daradus est encore plus facile à déterminer, car, grâce à la loyale franchise des Touâreg, nous sommes mieux renseignés sur les détails du Ahaggâr que sur ceux de l’Atlas marocain ;

L’identification du Tâhela des Ohât avec le Thala des Thalæ de Ptolémée ne laisse que l’embarras du choix entre les nombreux ouâdi fournis par l’Ifettesen, le Tîfedest et le Ahaggâr, pour avoir un embranchement dans la direction du Daradus ;

L’Ouâdi-Tîrhehêrt, par son importance, par la notoriété dont il jouit, semble le mieux répondre aux indications de Ptolémée.

En analysant la description du géographe grec, je ne puis m’empêcher de faire une remarque qui révèle une connaissance complète de la limite des bassins des deux Niger : entre l’Usargala et le Thala, quoique l’intervalle soit de 16 degrés, Ptolémée ne fait arriver aucun affluent à son Niger occidental. Il savait donc que toutes les eaux de la région intermédiaire se déversaient dans le Niger oriental.

Malgré l’exactitude des informations topographiques de Ptolémée, il était probablement moins bien renseigné sur le nombre des centres de populations situés sur son Niger, car il ne cite que dix-sept noms de villes ou villages là où nous en comptons plus de quatre cents aujourd’hui.

Faut-il admettre que le pays n’avait alors que de rares habitants ?

Pline l’affirme. Voici ce qu’il dit :

« Suetonius Paulinus, le premier des généraux romains qui ait dépassé l’Atlas, rapporte qu’au delà, jusqu’à un fleuve qui porterait le nom de Ger, on traverse des déserts couverts d’un sable noir, au milieu duquel s’élèvent, d’intervalle en intervalle, des rochers comme brûlés ; que ces lieux sont inhabitables à cause de la chaleur, même en hiver, et qu’il l’a éprouvé. » (Pline, Liv. V, 1.)

Puis, si le lac Nigris occupait, comme tout l’indique, l’emplacement actuel du Touât, les 300 centres de population qui constituent cette agglomération d’oasis ne pouvaient alors exister.

La tradition locale, d’accord avec le rapport de Suétonius Paulinus, nous représente la première population du Touât réduite à quelques colonies de nègres, asservies postérieurement et successivement par les Berbères et les Arabes. (Voir Liv. III, chap. V, page 294.)

Quoi qu’il en soit, des dix-sept noms de villes donnés par Ptolémée deux seulement peuvent être identifiés avec les noms modernes :

Taloubath, Ταλουβαθ, avec l’oasis de Tabelbâlet ;

Toukabat, Τουκαβαθ, avec la ville de Teçâbit.

Cependant, je serais tenté de croire que, dans le dénombrement et la dénomination des villes du Niger occidental, Ptolémée aurait été mal informé, car il lui donne, pour métropole, Νίγειρα Μητρόπολις, nom identique à celui de la capitale du Niger oriental, Γείρα Μητρόπολις. Il est douteux que deux centres, devant avoir des relations entre eux, aient porté le même nom, bien que l’un et l’autre ne signifient que ceci : métropole du bassin.

D’autre part, les noms des lacs Nigris et de Libye, donnés aux principaux réceptacles du bassin, noms identiques à ceux d’autres lacs du Niger oriental, attestent une confusion très-grande dans les éléments dont Ptolémée s’est servi pour dresser sa carte de la Libye.

Je ne poursuivrai pas l’étude critique de ce bassin jusqu’à la mer ; ce serait sortir du domaine de mes investigations personnelles.

Mais avant de clore cet examen sur les deux Niger de la Libye, je ne puis me défendre de le résumer en constatant que, si, jusqu’à ce jour, les documents anciens sur la Libye nous ont paru obscurs, la faute n’en est pas seulement imputable à leurs auteurs, mais encore et bien plus à ce que nous manquions nous-même du premier élément de critique : la connaissance des lieux, des hommes et des choses de ce pays. Sans doute, ni les Grecs ni les Romains n’ont possédé des détails très-circonstanciés sur la topographie de cette contrée, mais, du moins, leurs idées sur ses principaux caractères ont été nettes et exactes : montagnes au Nord et au Sud ; bassin oriental et occidental, aboutissant tous deux à la mer ; sables dans les bas-fonds intermédiaires ; oasis disséminées çà et là, mais principalement sur le versant méridional de l’Atlas, les dites oasis ressemblant, par l’éclat de leur verdure, sur un fond jaunâtre, aux maculatures d’une peau de panthère ; populations sédentaires dans les oasis, nomades dans les déserts ; voire même quelques fables pour que la comparaison avec la situation actuelle soit plus complète.

Toutefois, on reste étonné que les Romains, qui ont possédé tant d’établissements sur les limites de cette région, se soient contentés de documents aussi sommaires sur sa constitution, sur ses productions et sur sa population si variée.

Peuples de la Libye.

Les anciens donnaient le nom de peuples ou nations à ce que nous appelons tribus.

Voici d’abord la liste la plus moderne, celle du géographe d’Alexandrie.

Les peuples les plus considérables de la Libye et les positions qu’ils occupent sont, dit-il :

Les Garamantes, du Bagradas au lac Nouba ;

Les Mélano-Gétules, entre les monts Sagapola et Usargala ;

Les Éthiopiens-Rouges, au Sud du Gir ;

Les Éthiopiens-Nigrites, au Nord du Nigir ;

Les Daradæ, sur le Daradus ;

Les Perorses, écartés de la mer, à l’Orient de Theôn Okhêma ;

Les Éthiopiens-Odrangides, entre les monts Caphas et Thala ;

Les Mimak, au Sud du Thala ;

Les Noubæ, entre le lac Nouba et la Gorge Garamantique ;

* Les Derbik, à l’Ouest du mont Aranga,

Viennent ensuite d’autres petits peuples, savoir :

Les Autololes,

au Sud de la Gétulie, entre la mer et le mont Mandrus ;
Les Sirangæ,
Les Mausoli,
Les Rhabii,

entre le mont Mandrus et le fleuve Daradus ;
Les Malcoæ,
Les Mandori,

Les Sophucæi, après ces derniers ;

Les Leucæthiopiens, séparés des Pérorses par le Rufus-Campus ;

Les Pharusii, entre le Rufus-Campus et le mont Sagapola ;

Les Natembes, au Nord du mont Usargala ;

Les Lynxamatæ,
au Nord du Girgyris ;
Les Samamycii,
Les Salthi,
entre les monts Mandrus et Sagapola ;
Les Daphnitæ,
Les Zamazii,

entre ces monts et le fleuve Nigir ;
Les Aroccæ,
Les Cetiani,

Les Suburpores, au Sud du mont Usargala ;

Les Maccoi,

au Sud du mont Girgyris, entre les Garamantes et le lac Nouba ;
Les Dauchitæ,
Les Caletæ,

Les Macchurebi, à l’Est des Daradæ ;

Les Soloëntii, à l’Est des Sophucæi ;

Les Anticoli,

à l’Est des deux précédents jusqu’au mont Caphas ;
Les Churitæ,
Les Stachiræ,

* Les Orpheis, entre le Caphas et le Theôn Okhêma ;

* Les Tarvaltæ,

au Sud des Orpheis ;
* Les Maltitæ,
* Les Africerones,

Les Achæmæ, au Sud des Éthiopiens-Odrangides ;

Les Gongalæ,
au Sud des Mimak ;
Les Nanosbeis,

* Les Nabathræ, entre le mont Thala et le mont Arvaltes ;

Les Alitambi,
entre le mont Thala et le lac Libyque ;
Les Maurali,
Les Harmiæ,



entre le lac Libyque, le lac Nouba et la Gorge Garamantique ;
Les Thalæ,
Les Dolopes,
Les Astacuri ;

* Les Aroccæ, au Nord du mont Aranga ;

* Les Asaracæ, à l’Est du susdit mont ;

* Les Dermonenses, entre le mont Aranga et le mont Arvaltes ;

* Les Éthiopiens-Aganginæ, entre le mont Arvaltes et le mont Aranga, au Sud-Ouest des Africerones ;

* Les Éthiopiens-Xyliccenses,
au Sud du mont Arvaltes, à l’Est des Agangines.
* Les Éthiopiens-Uchaliccenses,

Pline nous transmet aussi sa nomenclature des peuples ; la voici avec les positions données par le naturaliste :

Les Marmarides, au cap Chersonèse ;

Les Araraucèles, sur la côte de la Grande Syrte ;

Les Nasamons ou Mésammons, au milieu des sables, sur la côte de la Petite Syrte ;

Les Asbystes et les Maces, après les Nasamons ;

Les Hammanientes, au delà des Asbystes et des Maces, à douze journées de marche de la Grande Syrte, vers l’Occident, et entourés eux-mêmes de sables de tous les côtés ;

Les Troglodytes, à quatre journées de marche des Hammanientes, du côté du Couchant d’hiver ;

Les Phazaniens, sur la route de l’Éthiopie ;

* Les Niteris ou Nitiebres,



sans désignation d’habitat ;
* Les Bubéium, nation ou ville,
* Les Enipi,
* Les Discera,
* Les Nannagi,
Les Éthiopiens-Taréléens,
sur la source du Nigris ;
Les Œcaliques,

Les Éthiopiens-Nigrites, sur le Nigris ;

Les Liby-Égyptiens,
au-dessus des Gétules, par delà les déserts ;
Les Leucéthiopiens,

Enfin, les Garamantes, séparés des précédents, du côté de l’Occident, par de vastes solitudes.

Je renonce à énumérer les noms de peuples ou de nations des autres auteurs grecs ou romains, les nomenclatures de Pline et de Ptolémée les comprenant à peu près tous avec plus de précision. Je préfère constater qu’à l’exception des noms de peuples précédés du signe * dans les deux listes ci-dessus, tous peuvent être rationnellement placés sur une carte moderne, grâce aux nombreuses identifications de noms de lieux qui ne peuvent plus être contestées.

Je remarque également que, le placement fait, suivant les indications de Pline et de Ptolémée, toutes les populations indiquées comme étant de sang noir ou occupent les lignes de bas-fonds du Sahara ou sont transférées au delà de la limite de la Libye avec l’Éthiopie.

Quant à l’assimilation des noms des peuples anciens avec ceux des tribus modernes, il faut être très-prudent, car les tribus berbères ont bien souvent changé de noms depuis l’antiquité, les unes ayant entièrement disparu, les autres ayant été complétement transformées.

D’ailleurs, tous les noms grecs et romains reproduisent très-inexactement l’ethnique indigène. Pour les noms dont l’identification est la plus certaine, ne constatons-nous pas des différences trop grandes, entre les uns et les autres, pour ne pas reculer devant une assimilation impossible ?

Mieux vaut terminer cette étude comparée en la complétant par l’exposé des renseignements, non écrits dans les livres, mais nettement tracés sur le sol, que nous fournissent les ruines de l’occupation romaine sur la frontière de la Libye.

Limites méridionales de l’occupation romaine.

Les reconnaissances de MM. les officiers d’état-major et de M. Victor Guérin, complétées par les miennes, assignent comme limite à l’occupation romaine au Sud des Mauritanies, de la Numidie, de la Province d’Afrique et de la Cyrénaïque, savoir : une ligne suivant le bassin de l’Ouâd-Djedî, de Laghouât à Biskra ; le versant saharien de la chaîne aurasique, de Biskra à Mîdâs ; le rebord méridional des Chott-el-Djerîd et Chott-el-Nefzâoua, de Mîdâs à Gâbès ; le versant occidental du Djebel-Douîrât, de Gâbès à Nâloût ; enfin, Ghadâmès et Djerma, de Nâloût au Fezzân.

A l’exception des bas-fonds, au Sud de la Tunisie, les Romains semblent avoir arrêté leur ligne d’occupation à la limite des terres habitables pour des hommes d’origine européenne.

Les ruines de leurs établissements-frontières sont indiquées sur la Carte dressée pour l’intelligence de cet ouvrage par le signe ordinaire (R. R.) des ruines romaines.

Ces ruines, autant que j’ai pu en juger par l’espace qu’elles couvrent, sont celles de petits postes d’observation, de centres de commandement, peut-être de comptoirs-entrepôts pour les relations commerciales avec les populations indépendantes du Sud.

Rien n’indique que les Romains aient tenté par eux-mêmes des entreprises de commerce au delà de la limite que j’assigne à leur occupation, car, au Sud de cette ligne, aucun monument ne révèle leur présence, et leurs écrits attestent que leurs connaissances géographiques elles-mêmes avaient pour limite le versant méditerranéen du Mons ater.

A l’Ouest du Djebel-’Amoûr, sur tout le versant de l’Atlas marocain, les ruines romaines paraissent fort rares, car aucun de mes informateurs indigènes ne m’en a signalé. Peut-être, dans les ruines de Sedjelmâssa, dont la position m’a été bien précisée au centre des qeçour du Tafîlelt, retrouverait-on quelques débris de la grandeur romaine, mais c’est encore très-douteux.

Les Touâreg, que j’ai souvent interrogés sur les ruines de constructions qui pouvaient se trouver dans leur pays, se sont bornés à me signaler les vestiges des tombeaux des Jabbâren, comme ceux que j’ai trouvés près de la source d’Ahêr (voir Livre Ier, chap. 4, pages 56 et 57) et qui m’ont paru destinés à des hommes qu’on enterrait assis ; plus, les ruines d’un monument religieux, probablement une mosquée, dont la construction est attribuée aux Sohâba ou compagnons du prophète Mohammed, qui s’étaient avancés en conquérants dans le pays pour le convertir à l’islamisme et qui ont perpétué jusqu’à nos jours le souvenir de leur passage à Timissao, au moyen d’inscriptions, en arabe coufique, encore très-lisibles aujourd’hui, dit-on.

Ainsi, au delà de la ligne que j’ai tracée, les indigènes eux-mêmes ne connaissent aucune ruine de l’occupation romaine.

CONCLUSION DE L’APPENDICE.

Dans ce travail de géographie comparée, je ne me suis pas proposé une étude critique des textes, œuvre délicate qui exige une expérience que je n’ai pas ; j’ai seulement voulu exposer comment j’interprétais les récits des anciens, en procédant de la connaissance des lieux à l’inconnu des origines et des sources des textes parvenus jusqu’à nous ; je me suis principalement proposé pour but de démontrer que la dernière exploration du Sahara confirmait dans son ensemble et dans ses principaux détails le dernier exposé de nos connaissances sur la Libye des Grecs et des Romains, d’après M. Vivien de Saint-Martin, dont l’ouvrage si remarquable, Le Nord de l’Afrique dans l’antiquité, a été couronné par l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Sans doute, dans les détails secondaires, quelques identifications ne sont pas les mêmes, mais il était inévitable qu’il n’en fût pas ainsi. L’honorable géographe ne pouvait pas connaître le massif des Touâreg avant qu’il eût été étudié, exploré, reconnu.

Pour mon compte personnel, je m’estimerai heureux, si, par les preuves nouvelles que j’apporte à l’appui de ses déductions, je contribue à accroître l’autorité dont le livre de M. Vivien de Saint-Martin doit jouir.

Si je n’avais eu pour guide une critique aussi sûre, cet Appendice, rédigé pendant l’impression de ce volume, n’aurait probablement pas vu le jour.

FIN DU TOME PREMIER.

[127]M. Vivien de Saint-Martin est le premier, et peut-être le seul encore aujourd’hui, qui ait établi cette correspondance dont l’importance est fondamentale, car elle marque, sur ce point, la limite extrême de la mappemonde ancienne.

[128]Traduisons l’iter præter caput saxi de Pline, par le mot à mot arabe : terîq-’ala Râs-el-Hamâda et nous aurons le nom de la route directe de Tripoli à Mourzouk par Djerma, celle suivie par M. le docteur Barth.

[129]Voir Reisen und Entdeckungen in Nord und Central-Afrika, von doctor H. Barth. T. 1, p. 207-217. Gotha. Justus Perthes, 1857.

[130]Voir Livre III, Centres commerciaux, page 267 et suivantes.

[131]M. Vivien de Saint-Martin, convaincu qu’après les reconnaissances de MM. Barth, Overweg, Richardson et Vogel, on pouvait ajouter quelque chose aux identifications déjà constatées, n’a pas hésité, dans ce but, à se livrer à un long et pénible travail dont voici le résultat :

Matelgæ Assimilé à Ouâdi-Talha,
Debris à Éderi,
Tabidium à Tabounîyé,
Thapsagum à Tessâoua,
Nannagi à Denhadja,
Maxala à Mechaal,
Zizama à Ouâdi-Zemzem,
Gyri, Girgyris à Djebel-Ghariân,
Cillaba à Zouîla ou Zeila,
Alele à Hall ou Holl,
Mons Ater et Niger au Djebel-Nefoûsa.

Sans contester la valeur critique des motifs sur lesquels s’appuie M. Vivien de Saint-Martin, je ne puis m’empêcher de constater que Talha (Acacia Arabica, Zemzem (nom d’un puits très-vénéré de la Mekke) et Ghariân (cavernes), sont trois dénominations arabes, introduites dans la nomenclature géographique moderne, seulement depuis la conquête arabe, et, que, pour les autres points, aucune raison réellement déterminante ne légitime l’assimilation.

On conteste, il est vrai, au Djebel-Ghariân sa signification arabe, parce que les Berbères de la contrée prononcent plus ou moins correctement le nom que les Arabes ont donné à leur montagne ; mais ce point n’est pas le seul dans le Nord de l’Afrique où des cavernes servent de refuge aux populations, et partout le même nom arabe est employé pour caractériser ce mode d’habitation. En Algérie, au Nord de Frenda, dans le pays de Sedama, il y a des tribus qui habitent des cavernes et les Arabes les ont appelées Ahel-el-Ghîrân (les gens des cavernes), comme ils ont appelé la montagne des cavernes, au Sud de Tripoli, Djebel-Ghariân.

[132]M. Vivien de Saint-Martin, assimile les Gyri montes du triomphe de Balbus au Γίργυρις ou Γίργιρι de Ptolémée et les place dans les montagnes de Ghariân ; dans ce cas, il n’y aurait pas double emploi.

Mais M. Vivien de Saint-Martin a été amené à cette détermination parce que Ptolémée place la source du fleuve Cinyps dans le Γίργυρις et parce que l’embouchure de ce fleuve étant bien connue, d’après les indications d’Hérodote et de Scylax, sa source ne peut être, en effet, que dans la chaîne de montagne du littoral tripolitain.

Toutefois, si Ptolémée (Liv. IV, chap, VI) place la source du Cinyps dans le Girgyris, il la fait sortir aussi (Liv. IV, chap. III) du mont Zuchabari ou Chusambari.

Entre ces deux indications contradictoires, laquelle choisir ?

Ptolémée ne laisse aucune incertitude à cet égard. La position qu’il donne au Zuchabari correspond aux sommets du versant maritime du Djebel tripolitain, tandis que celle du Girgyris, dans le Sud-Ouest de Garama, correspond au massif des Touâreg.

D’ailleurs, la position vraie du Girgyris, au Sud de Lynxama, sur le Gir, est encore mieux fixée par celle de Lynxama elle-même.

En identifiant le Girgyris à une partie du Djebel tripolitain, il devient impossible de placer le Gir, Lynxama et les Lynxamatæ comme ils doivent l’être.

L’analogie de nom entre Girgyris et Ghariân a doublement trompé M. Vivien de Saint-Martin, car le nom de Ghariân lui-même, limité à la partie de la chaîne dans laquelle existent des cavernes, n’est pas celui de la chaîne et ne donne naissance à aucun fleuve qui puisse être le Cynips.

[133]Je sais que les monts Uzzaræ et Suggaræ d’Orose et d’Éthicus sont considérés comme représentant les monts Usargala et Buzara de Ptolémée, monts qui donnent naissance à l’Ouâd-Seggeur des modernes, ce qui semble confirmer leur identification avec la partie occidentale du Djebel-’Amoûr.

Je me garde de contester le mérite de cette identification, mais je pense qu’on peut, sans audace, faire appel à un plus ample informé.

L’identification ancienne repose, d’abord sur une ressemblance de noms, puis sur une limite.

Ressemblance pour ressemblance, j’aime mieux celle qui compare Uzzaræ et Suggaræ à Hoggâr et à Ahaggâr que celle qui transforme, sans preuves, Uzzaræ et Suggaræ en Usargala et Buzara, pour les identifier à une portion du Djebel-’Amoûr.

La limite donnée par Orose et Éthicus est celle de la race blanche avec la race noire, et non celle de la Mauritanie ou de la Numidie avec la Libye, et tout le monde est d’accord aujourd’hui que, si quelques infiltrations de noirs ont pénétré dans quelques parties du Sahara, en deçà des points culminants du massif des Touâreg, la limite vraie a été au point de partage des eaux entre le bassin méditerranéen, occupé par la race blanche, et le bassin nigritien, occupé par la race noire.

Enfin, il faut lire les textes tels qu’ils sont : c’est au Midi de la Mauritanie de Sétif et non au Midi de la Mauritanie Césaréenne que sont les monts dont parlent Orose et Éthicus.

Donc, jusqu’à preuve contraire, je maintiens, provisoirement, l’identification des monts Uzzaræ et Suggaræ avec le Hoggâr ou Ahaggâr.

[134]Les Grecs modernes prononceraient ces mots Ghîr et Nighîr.

[135]Pour les anciens Africains, la plupart des grandes rivières de l’intérieur du continent africain étaient des embranchements du Nîl d’Égypte qui y allaient déverser leurs eaux sous le nom d’Astapus, qui est, en effet, le nom ancien d’une des branches supérieures du Nîl.

Cette erreur, née chez les indigènes, est acceptée sans contradiction par Hérodote et par Pline, qui nous transmettent leurs traditions.

[136]On ne sait pas au juste ce qu’est ce poisson. D’ordinaire on le prend, soit pour un gadus lota L., soit pour un petromyzon fluviatilis L. (Note de M. E. Littré, traducteur de l’Histoire naturelle de Pline. Paris, 1859.)

[137]Le coracinus de Pline est le labrus niloticus L.

[138]Le silurus de Pline est le silurus glanis L., poisson très-gros qui habite le Nîl.


TABLE.


AVANT-PROPOS.
Pages.
But de l’expédition. — Patronage gouvernemental et scientifique. — Les diverses reconnaissances exécutées. — Difficultés surmontées et résultats acquis. — Maladie grave à Alger. — Concours obtenu pour la rédaction de mes travaux I
INTRODUCTION.
Division de l’ouvrage. — Sa raison. — Transcription des noms indigènes. — Des gravures. — De la carte. — Sur quelles bases elle a été établie XI
LIVRE PREMIER.
Divisions naturelles et politiques. — Géographie physique, sol et climat. 1
Chapitre premier. — Divisions et limites générales des confédérations Touâreg 1
Divisions en quatre confédérations 1
Patrimoine de chaque confédération 2
Limites générales 3
Limites particulières 3
Chap. II. — Géographie physique 5
§ 1er. — Zone des dunes 5
Étendue de cette zone 6
Variétés de dunes 7
Voyages dans les dunes 9
Puits dans les dunes 10
Limite de l’Algérie dans les dunes 11
§ 2. — Massif des Touâreg 13
Tasîli du Nord. — Chaîne d’Anhef. — Plateau d’Eguéré 14
Chaîne de l’Akâkoûs. — Chaîne de l’Amsâk. — Hamâda de Mourzouk — Hamâda-el-Homra 15
Hamâda de Tînghert. — Plateau de Tâdemâyt. — Plateau du Mouydîr 16
Bâten Ahenet. — Tasîli du Sud 17
Plaine d’Amadghôr 18
Plaine d’Admar. — Vallée d’Ouarâret. — Plaine de Tâyta. — Vallée de l’Ouâdi-Lajâl 19
Plaine des Igharghâren. — Plaine d’Adjemôr 20
Chap. III. — Hydrographie 22
Ouâdi-Igharghar 22
Ouâdi-Tâfasâsset 25
Ouâdi-Tirhehêrt 26
Ouâdi-Akâraba. — Puits ordinaires 27
Puits à galeries. — Puits artésiens. — Rhedîr 28
Lacs 29
Sources 31
Chap. IV. — Géologie 33
1re section. — D’El-Ouâd à Ghadâmès 33
Formation des dunes 33
Dénudation des plateaux et des montagnes en amont des dunes 35
Groupes de dunes entre la Méditerranée et le Sénégal 35
Superficie des plateaux alimentateurs 37
Influences atmosphériques sur les roches. — Production des sables 38
Circulation des sables 39
Trombes de sables 40
Fixation des sables par les eaux 41
Formation des dunes sur place et formation par amoncellement des sables étrangers 43
Planorbis Duveyrieri 44
2e section. — De Ghadâmès à Rhât 45
A. Plateau de Tînghert 46
B. Dunes d’Édeyen 51
C. Plateau d’Eguélé 51
D. Plaine des Igharghâren 52
E. Tasîli des Azdjer 55
F. Vallée d’Ouarâret 59
3e section. — De Tîterhsîn à Zouîla 61
A. De Tîterhsîn à Serdélès 61
B. Désert de Tâyta 65
C. Ouâdi-Lajâl 67
D. Dunes d’Édeyen 69
E. Hamâda de Mourzouk 70
F. Dépression de la Hofra 71
G. La Cherguîya 73
H. Massif du Hâroûdj 75
4e section. — De Mourzouk à la mer 77
Djebel-es-Sôda 79
Hamâda-el-Homra 82
5e section. — De Rhât à In-Sâlah 84
A. Plateau du Tasîli 84
B. Plateau d’Éguéré 86
C. Plateau du Mouydîr 86
D. Massif du Ahaggâr 87
Conclusion géologique 88
Chap. V. — Météorologie 90
Tableau résumé des observations météorologiques faites du 26 juillet 1860 au 20 septembre 1861, à l’effet de déterminer les altitudes de chaque station 91
Température de l’air 106
 —  du sol 109
 —  des puits ordinaires 110
 —  des puits artésiens 112
 —  des eaux pluviales et des flaques d’eau 113
Température moyenne mensuelle de l’air à Tougourt (série comprenant tout ou partie des années 1855, 1856, 1857, 1858 et 1859) 113
Hygrométrie. — Vapeur d’eau de l’atmosphère 115
Rosée. — Gelée blanche. — Brouillard. — Pluie 118
Neige 120
Pression atmosphérique. — Observations barométriques 120
Oscillations diurnes 120
Extrêmes des oscillations 122
Moyennes des oscillations 123
Vents. — Direction mensuelle et force moyenne 124
Variations diurnes et suivant les saisons 125
Vitesse du vent 125
Pluies et trombes de sable 126
Influence des vents sur le thermomètre et sur le baromètre 128
Électricité. — Étincelles électriques 128
Éclairs. — Tonnerre. — Orages 129
Lumière. — Intensité. — Couleur. — Transparence 130
Mirage. — Aurore et crépuscule. — Lueur crépusculaire. — Arc-en-ciel 131
Halo lunaire. — Lune rouge sang. — Étoiles filantes. — Globe lumineux 132
Conclusion météorologique 133
Chap. VI. — Observations astronomiques 134
Tableau résumé des observations faites pour établir la latitude et la longitude des principaux points de la carte 135
Éclipse de soleil du 18 juillet 1860 à El-Ouâd 138
Comète à Mourzouk le 1er juillet 1861 139
LIVRE II.
Production 141
Chapitre premier. — Minéraux 141
Métaux et matières précieuses 142
Sels divers 143
Matériaux de constructions. — Pierres et terres 145
Combustibles minéraux 146
Chap. II. — Végétaux 147
Renonculacées 148
Fumariacées 149
Crucifères 149
Capparidées 152
Cistinées 153
Résédacées 153
Frankéniacées 153
Malvacées 154
Aurantiacées 155
Ampélidées 156
Géraniacées 156
Zygophyllées 156
Rutacées 158
Rhamnées 159
Térébintbacées 160
Légumineuses 161
Rosacées 168
Amygdalées 168
Pomacées 169
Lythrariées 170
Granatées 171
Cucurbitacées 171
Tamariscinées 172
Paronychiées 174
Portulacées 175
Ficoidées 175
Composées (corymbifères) 177
Composées (chicoracées) 178
Primulacées 179
Oléacées 179
Asclépiadées 180
Gentianées 181
Convolvulacées 181
Borraginées 181
Solanées 182
Scrophularinées 185
Orobanchacées 185
Labiées 186
Globulariées 187
Plombaginées 187
Plantaginées 188
Salsolacées 188
Amarantacées 191
Salvadoracées 191
Polygonées 192
Thyméléacées 192
Euphorbiacées 193
Cannabinées 193
Morées 193
Salicinées 194
Conifères 194
Potamées 194
Palmiers 194
Liliacées 199
Mélanthacées 200
Joncées 200
Typhacées 201
Cypéracées 201
Graminées 201
Balanophorées 207
Fougères 208
Characées 208
Champignons 208
Algues 209
Plantes indéterminées 209
Conclusion botanique 215
Chap. III. — Animaux 217
§ 1er. — Animaux domestiques 217
Chameau 218
Cheval 220
Zébu 221
Ane 222
Mouton 222
Chèvre 223
Chien 224
§ 2. — Animaux sauvages 224
Mammifères (nomenclature) 224
Oiseaux  —  225
Reptiles  —  226
Poissons  —  227
Arachnides  —  227
Insectes  —  228
Myriapodes  —  228
Annelides  —  228
Mollusques  —  229
Parasites  —  229
Espèces remarquables : Tahoûri 229
Loup 230
Guépard 230
Onagre 231
Antilope mohor 231
Antilope oryx 231
Akaokao 231
Autruche 232
Gypaète 232
Crocodile 232
Gecko des sables 234
Agama colonorum 234
Acanthodactylus Savignyi 235
Acanthodactylus vulgaris 235
Agama agilis 235
Vipère cornue 235
Vipère des jongleurs 235
Vipère des Pyramides 236
Psammophis punctatus 237
Cœlopeltis insignitus 237
Serpents fabuleux 237
Poissons, (Clarias lazera) 237
Scorpion 239
Araignée venimeuse 239
Coléoptères 240
Sauterelles 240
Libellules 241
Abeilles 241
Lépidoptères 243
Mouches et moustiques 243
Scolopendre 243
Vers comestibles 243
Parasites de l’homme 244
Puce 245
Dépôt des collections minéralogiques, géologiques, botaniques, zoologiques, ainsi que des cartes itinéraires 245
LIVRE III.
Centres de rayonnement 247
Chapitre premier. — Centres commerciaux 249
§ 1er. — Ghadâmès 249
Motifs du choix de cet emplacement 249
Ruines liby-égyptiennes 250
Ruines garamantiques 251
Ruines grecques 252
Ruines romaines 253
Conquête arabe 254
Population de la ville 256
Dialecte particulier 256
Costume. — Mœurs 257
Commerce. — Ses bénéfices 258
Industrie. — Horticulture 260
Eaux d’irrigation 260
Habitations. — Quartiers. — Marchés 262
Gouvernement et administration 263
Rapports avec les Touâreg 265
§ 2. — Rhât 256
Ancienne Rapsa des Romains 267
Sa restauration par les Ihâdjenen et les Kêl-Rhâfsa 268
Sultans Ihâdjenen 268
Loi particulière de succession 269
Substitution d’un Arabe touâti à un Berbère ihâdjeni dans le gouvernement de la ville 269
Motifs de mécontentement des chefs Touâreg 270
Détails sur la ville de Rhât 271
Pourquoi l’entrée de la ville m’a été refusée 272
Parti des Turcs. — Parti des Français 274
§ 3. — Mourzouk 275
Le Fezzân moderne 275
Le Fezzân ancien 276
Civilisation garamantique 279
Ville de Mourzouk 281
Gouvernement. — Administration. — Garnison 282
Décadence du Fezzân 284
§ 4. — Ouarglâ 284
Ce qu’on sait de sa fondation, de son histoire, de son ancienne prospérité, des causes de sa décadence 285
Cette ville peut-elle recouvrer son ancienne splendeur ? 287
Rôle que lui assignent les circonstances 290
§ 5. — In-Sâlah et le Touât 290
Le Touât, confédération politique indépendante, mais dépendant de l’Algérie pour ses besoins matériels 291
Du pouvoir et des partis au Touât 293
Noirs. — Berbères. — Arabes du Touât 294
Assiette de ces populations 295
In-Sâlah. — Ce que ce nom comprend 296
Causes de la prospérité de ce point 297
Tribu des Oulâd-Bâ-Hammou 298
Chap. II. — Centres religieux 300
§ 1er. — Confrérie des Senoûsi 301
Es-Senoûsi. — Le but qu’il s’est proposé en instituant une confrérie 301
Pourquoi il choisit le désert 302
Moqaddem de l’Ouest et Mohammed-ben-’Abd-Allah 303
Jerhâjîb, métropolitaine de l’ordre 304
Avénement du fils d’Es-Senoûsi 305
Opposition de cette confrérie à ma mission 306
§ 2. — Confrérie des Tedjâdjna 306
Profession de foi tolérante 306
Luttes contre les Turcs, contre ’Abd-el-Kâder et les Mouley-Tayyeb 307
Rapports de bonne amitié avec les Français 308
Protection que m’a donnée cette confrérie 309
Son influence dans le Sahara et l’Afrique centrale 310
§ 3. — Zâouiya des Bakkây 310
Les Bakkây descendent du conquérant ’Oqba 311
Leur puissance morale 311
Composition de cette famille 312
Sîdi-Mohammed offre de me conduire à Timbouktou 313
§ 4. — Zâouiya des Oulâd-Sîdi-Cheïkh 313
Fondée pour devenir l’asile de la proscription 314
Son chef me recommande aux habitants d’El-Golêa’a 315
Services que nous a rendus et que peut nous rendre encore la famille des Oulâd-Sîdi-Cheïkh 315
LIVRE IV.
Touâreg proprement dits 317
Chapitre premier. — Origine des Touâreg 317
Opinion des Touâreg sur leur origine 317
Analyse d’une Note sur les origines des diverses tribus Touâreg, par le Cheïkh-Brahîm-Ould-Sîdi 318
Origine des tribus du pays d’Azdjer 319
Origine des tribus du Ahaggâr 321
Justification des prétentions de la Note 323
Partage des terres chez les Azdjer 324
Opinion d’Ebn-’Abd-en-Nour-el-Hamîri sur la question des origines 324
Opinion émise, sur le même sujet, par Ebn-Khaldoûn dans son Histoire des Berbères 325
Résumé de ces opinions 326
Les Touâreg sont les Mazyes d’Hérodote 327
L’étude de la langue temâhaq peut seule éclairer l’ethnologie des Touâreg 328
Chap. II. — Divisions et constitution sociale 329
Divisions des Azdjer 329
Divisions des Ahaggâr 330
Du pouvoir souverain 331
Des Nobles 331
Des Marabouts 332
Des Tribus mixtes 334
Des Serfs 334
Des Esclaves 339
De la Femme 339
Chap. III. — Historique des tribus 342
§ 1er. — Confédération des Azdjer 343
Tribu des Imanân 344
Tribu des Orâghen 347
Tribu des Imanghasâten 354
Tribu des Kêl-Izhabân 357
Tribu des Imettrilâlen 357
Tribu des Ihadhanâren 357
Tribu des Ifôghas 359
  N-Ouqqirân 360
  N-Iguedhâdh 361
  N-et-Tobol 361
Le Cheïkh-’Othmân 363
Tribu des Ihêhaouen 365
Tribu des Kêl-Tîn-Alkoum 366
Tribu des Ilemtîn 367
§ 2. — Confédération des Ahaggâr 368
Tribu des Kêl-Ahamellen 374
Tribu des Tédjéhé-Mellen 375
Tribu des Kêl-Rhelâ 375
Tribu des Irhechchoûmen 377
Tribu des Ibôguelân 378
Tribu des Taîtoq 378
Tribu des Tédjéhé-n-Eggali 379
Tribu des Ikadéen 379
Tribu des Inembâ-Kêl-Tahât 379
Tribu des Inembâ-Kêl-Emoghrî 379
Tribu des Ikerremôïn 380
Tribu des Tédjéhé-n-oû-Sîdi 380
Tribu des Ennîtra 380
Tribu des Tédjéhé-n-Esakkal 380
Chap. IV. — Caractères distinctifs des Touâreg 381
Caractères physiques 381
Caractères moraux 383
Conservation de l’écriture berbère 386
Alphabet tefînagh 388
Inscriptions rupestres 389
Usage du voile 390
Anneau de pierre au bras 392
Poignard d’avant-bras 393
Succession maternelle. — Benî-Oummïa 393
Exemples de ce mode de succession chez d’autres peuples 394
Loi spéciale aux Touâreg 396
Origine de cette loi 398
Part faite à la femme dans toutes les institutions des Touâreg 400
Abstinence de la chair de poissons et d’oiseaux 401
Conclusion du chapitre IV 402
Chap. V. — Touâreg dans leur vie intérieure 403
Campements. — Habitations 403
Mobilier. — Ustensiles 404
Vêtements. — Coiffures. — Chaussures. — Parures 405
Aliments. — Boissons. — Thé. — Café. — Tabac 408
Religion. — Superstitions 413
Traces du christianisme 414
Évocation des âmes 415
Croyances aux génies 416
Préjugés sur la sorcellerie 418
Amulettes 419
Instruction 419
Lecture. — Écriture 420
Connaissances en calcul 421
 —  en géographie 421
 —  en histoire 422
 —  en botanique 422
 —  en zoologie 422
 —  en minéralogie 422
 —  en théologie 423
 —  en droit 423
 —  en astronomie 423
Droit. — Justice. — Police 427
Droit écrit et coutumier 427
Police intérieure. — Peines 427
Peine du talion 428
Naissance. — Mariages. — Décès 428
Circoncision. — Majorité. — Longévité 428
Position de la femme dans le mariage 429
Célébration du mariage 430
Morts. — Enterrement. — Noms personnels 431
Pratiques hygiéniques 431
Peinture du corps à l’indigo 431
 —   —  à l’ocre 432
Coupe des cheveux 432
Boucles d’oreilles hygiéniques 432
Usage du sulfure d’antimoine 432
Voile 432
Maladies et pratiques médicales 433
Ophthalmies 433
Rhumatismes 434
Fièvres intermittentes 434
Variole 434
Rougeole 435
Maladies de la peau 435
Ver de Guinée 435
Boûri des nègres 435
Syphilis 436
Piqûres et morsures d’animaux venimeux 436
Emploi médical de l’Hyoscyamus Falezlez 437
Travail 438
Agriculture et horticulture 439
Industries professionnelles 440
Chap. VI. — Touâreg dans leur vie extérieure 441
Assemblées politiques 441
Convocation. — Réunion 441
Tenue de ces assemblées 442
Conclusions ordinaires 443
Guerre 443
Armement 444
Équipement 446
Rencontres 448
Chants de guerre 450
Conclusion du chapitre VI 452
APPENDICE.
Géographie ancienne 455
Objet de l’Appendice 455
Agisymba regio 456
Identification avec l’oasis d’Aïr 457
Route qui y conduisait 458
Limite séparative de la Libye et de l’Éthiopie 459
Concordance des documents anciens avec les connaissances modernes 460
Mons ater 461
Identification avec le massif des Touâreg 461
Connaissances des anciens sur cette région 462
Pline 462
Ptolémée 464
Identification de la Gorge Garamantique avec l’Aghelâd d’Ouarâret, du mont Thala avec le Tâhela, du lac Nouba avec la Sebkha d’Amadghôr, du Girgyris avec le Tasîli des Azdjer 465
Identification des Uzzar ou Suggar aux Ahaggâr, des Astacuri aux Azdjer, des Ifuraces aux Ifôghas 466
Des Niger de la Libye 469
Deux Niger 470
Éthymologie du mot Niger 471
Sa signification : bassin et non fleuve 472
Niger oriental 474
Ses limites 474
Ce qu’en connaissaient les anciens 475
Identifications possibles 475
Niger occidental 479
Ses limites 479
Nouveaux éléments de critique 479
Description de Ptolémée. — Assimilation des points connus du géographe grec 480
Le Niger occidental était à peu près un désert à l’époque de Ptolémée 481
Résumé des connaissances des anciens sur les deux bassins de la Libye 482
Peuples de la Libye 483
D’après Ptolémée 483
D’après Pline 485
Assimilation des peuples anciens aux tribus modernes 486
Limites méridionales de l’occupation romaine 486
Ruines romaines 486
Ruines indigènes 487
Conclusion de l’appendice 489
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