← Retour

Les Touâreg du nord

16px
100%

[81]Dans la suite de ce chapitre, je ferai connaître les instruments dont je me suis servi et les corrections qu’ils ont dû subir.

[82]La force du vent est estimée sur une échelle de 0, calme parfait, à 10, ouragan.

[83]Faute d’observations correspondantes au niveau de la mer, l’altitude de Ghadâmès n’a pu être calculée que sur une moyenne de cinq journées : celles des 12, 13, 14, 15 août et 10 décembre 1860.

[84]Altitude donnée par M. P. Marès pour le premier étage de la Qaçba.


CHAPITRE VI.

OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES.

Le but de ce chapitre est de faire connaître les principaux éléments d’observations astronomiques d’après lesquels a été dressée la carte qui accompagne ce volume.

Je ne publie pas les observations elles-mêmes. Je me borne à les tenir à la disposition des personnes qui auraient besoin de les contrôler.

Le matériel de mon observatoire ambulant se composait de chronomètres, d’un sextant, d’une lunette astronomique, d’une boussole avec lunette, c’est-à-dire des instruments les plus simples et les plus facilement portatifs à dos de chameau.

Le plus grand nombre de mes observations a été calculé, par moi, pendant mon voyage et depuis mon retour ; d’autres, les plus compliquées, l’ont été par MM. Yvon-Villarceau, Bruhns et Radau, qui ont bien voulu me prêter le concours de leur longue pratique.

Aucune de ces observations ne donne lieu à des remarques particulières qui méritent d’être consignées ici. Le seul côté par lequel le Sahara diffère des autres points du globe pour l’étude des phénomènes célestes, est que le ciel y est presque toujours pur, d’une transparence exceptionnelle, et qu’on y peut presque continuellement suivre la marche des astres dès que l’obscurité se fait : aussi est-il à regretter qu’aucun observatoire sédentaire ne soit pas établi dans cette région.

Voici, par ordre de dates, le relevé des observations faites pendant mon voyage qui ont servi à établir la latitude et la longitude des principaux points de la carte :

LOCALITÉS. DATES. LATITUDE. LONGITUDE ORIENTALE. OBSERVATIONS.
Ghardâya du 8 août au 7 octobre 1859. 32° 28′ 36″ 1° 33′ 54″ Hauteurs du Soleil, de la Lune et de la Polaire au méridien. Hauteurs du Soleil et de la Lune, d’Arcturus, de Véga et d’α d’Ophiucus à l’Est ou à l’Ouest. Distances de la Lune au Soleil. Visées de boussole sur le Soleil et sur la Lune.
Methlîli du 28 août au 13 septembre. 32° 14′ 30″ Hauteurs du Soleil, de la Lune et de la Polaire au méridien ; d’Arcturus et de Véga à l’Est ou à l’Ouest. Distances d’Antarès à la Lune. Apozénithes lunaires. Visées de boussole sur le Soleil.
El-Golêa’a 4 septembre. 30° 32′ 12″ 0° 47′ 31″ Hauteur du Soleil au méridien, du Soleil à l’Ouest. Distances de la Lune au Soleil. Visées de boussole sur la Lune.
Tougourt[85] 29 novemb. 1859, 7 juin 1869. 33°  6′ 35″ Hauteur du Soleil au méridien.
Ouarglâ 18 février. 31° 57′ 20″ Hauteur du Soleil au méridien.
Nafta 9 mars. 33° 52′ 21″ Hauteur du Soleil au méridien.
Tôzer du 11 au 31 mars. 33° 54′ 48″ Hauteurs du Soleil et de la Polaire au méridien ; du Soleil, d’Arcturus et de Sirius à l’Est ou à l’Ouest. Distances de la Lune au Soleil et à Régulus. Visées de boussole.
El-Bordj (Nefzâoua) 15 mars. Hauteurs de Régulus et hauteurs circumméridiennes de Sirius.
Gâbès[86] 18 et 19 mars. Hauteurs de Régulus et de Procyon à l’Est ou à l’Ouest ; du Soleil au méridien.
El-Ouâd[87] du 10 février au 24 juillet. 33° 21′ 40″ 4° 57′ 20″ Hauteurs du Soleil et de la Polaire au méridien ; du Soleil et de Véga à l’Est et à l’Ouest. Observation du dernier contact de l’éclipse du Soleil.
Berreçof du 3 au 5 août. 32° 31′ 51″ Hauteurs de la Polaire et de Mars au méridien ; du Soleil et d’Arcturus à l’Est et à l’Ouest. Distances de Mars, du Soleil et d’Antarès à la Lune. Visées de boussole sur Mars.
Ghadâmès du 15 août au 8 décembre. 30°  7′ 48″ 6° 43′ 15″ Hauteurs de Mars, de la Polaire et du Soleil au méridien. Hauteurs du Soleil, d’α de Persée et d’α du Cygne à l’Est et à l’Ouest. Occultations des étoiles 7202 (B. astr. Cat.) et 1165 (B. astr. Cat.). Visées de boussole sur la Polaire, Fomalhaut, Véga et Rigel.
Tagotta 18 septembre. 30° 12′ 11″ Hauteur de Mars au méridien.
Djâdo du 24 octobre au 11 novembre. 31° 58′ 28″ Hauteurs du Soleil, de Mars et de la Polaire au méridien. Hauteurs du Soleil et de Véga à l’Est et à l’Ouest. Distances de la Lune au Soleil. Occultation de l’étoile q de la Vierge. Visées de boussole sur la Polaire, Mars, α de la Chèvre et Véga.
Nâloût 18 et 19 novembre. 31° 52′ 56″ 8° 45′ 10″ Hauteurs du Soleil et de Mars au méridien ; du Soleil, d’α de l’Aigle, d’α de Pégase et de la Lune à l’Est et à l’Ouest.
Sinâoun 22 novembre. 31°  1′ 40″ Hauteurs de Fomalhaut au méridien, de la Chèvre à l’Est. Visées de boussole sur la Polaire, Fomalhaut, Véga et la Chèvre.
Timelloûlen 16 et 19 décembre. Hauteurs de β de la Balance et du Soleil au méridien.
Sâghen 30 décembre. 26° 59′ 33″ Hauteur du Soleil au méridien.
Oursêl 30 janvier 1861. 26° 25′ 25″ Hauteur du Soleil au méridien.
Azhel-en-Bangou[88] 14 février au 10 mars. 26° 11′  2″ Hauteurs du Soleil, de Sirius et de la Polaire au méridien ; du Soleil à l’Est et à l’Ouest. Éclipse du premier satellite de Jupiter.
Tinoûhaouen 14 et 28 mars. 24° 58′ 38″ 7° 53′ 40″ Hauteurs du Soleil et de la Polaire au méridien. Hauteurs d’Arcturus et de γ Geminorum à l’Est et à l’Ouest. Éclipse du premier satellite de Jupiter. Visées avec la boussole sur Sirius.
Toûnîn (Rhât) 27 et 28 mars. 24° 57′ 14” Hauteurs du Soleil au méridien, à l’Est et à l’Ouest.
Serdélès 4 et 10 mai. 25° 46′ 20″ Hauteurs du Soleil à l’Est, d’α de la grande Ourse au méridien.
Oubâri 17 mai. Hauteurs du Soleil à l’Ouest, de β du Corbeau au méridien.
Djerma[89] 18 et 19 mai. 26° 32′ 52″ Hauteurs de l’Épi de la Vierge au méridien ; du Soleil à l’est et à l’Ouest.
El-Fogâr 20 et 21 mai. Hauteurs de la Lune, d’ε et d’η de la grande Ourse au méridien ; d’Arcturus, de Jupiter et du Soleil à l’Est et à l’Ouest. Distances de la Lune à Antarès et à Jupiter.
Tekertîba du 22 au 27 mai. Hauteurs d’ε et d’η de la grande Ourse, de δ du Corbeau, de π de l’Hydre femelle au méridien. Hauteurs du Soleil et de la Lune à l’Est et à l’Ouest.
Lac Mandara 28 mai. 26° 40′ 57″ Hauteur d’ε de la grande Ourse au méridien.
Lac Gabr’aoûn 29 mai. Hauteurs d’ε de la grande Ourse et de l’Épi de la Vierge au méridien.
El-Fejîj 31 mai. Hauteur d’ε de la grande Ourse au méridien.
Tessâoua 4 juin. 20°  5′ 50″ Hauteurs de ζ de η de la grande Ourse et de β de la Balance au méridien.
Oumm-el-Arâneb 19 juillet. 26°  8′  4″ Hauteur du Soleil au méridien.
Delêm 12 août. Hauteur de σ du Sagittaire au méridien.
Bîr-en-Nechoûa’ 13 août. Hauteur de λ du Scorpion au méridien.
Gourmêda 18 août. Hauteurs de la Polaire et de l’Épi de la Vierge.
Zîghen 19 août. Hauteur de μ du Sagittaire au méridien.
O. Tîn-Guezzîn 21 août. Hauteurs d’Arcturus et de la Polaire.

Ne sont pas comprises dans ce tableau toutes les observations faites sur les points intermédiaires. Le détail en eût été trop long. Je me borne à indiquer les latitudes que j’ai calculées en voyage pour un certain nombre de ces points secondaires.

LOCALITÉS. LATITUDES NORD.
Hâssi-Djedîd 32° 12′  8″
Hâssi-Dhomrân 31° 51′ 48″
Hâssi-Berghâoui 31° 32′ 47″
Hâssi-Zirâra 31° 15′ 18″
El-Guerâra 32° 47′ 25″
Chegga (puits artésien) 34°  9′ 39″
Gomâr 33° 29′ 20″
Hâssi-Sîdi-el-Bâchîr 32° 45′ 36″
Hâssi-Oulâd-Miloûd 32° 29′ 56″
Sedâda (Djérîd tunisien) 34°  0′ 37″
Gafça  (id.)  34° 26′ 32″
Nemlât  (id.)  33° 58′ 33″
Sîdi-Râched (O. Rîgh) 33° 19′ 29″
Mouï-er-Roba’âya-el-Gueblâoui 33°  0′  2″
Mâleh-ben-’Aoûn 32° 51′  1″
Mâtrès 30° 11′ 53″
Bîr-’Allâg 31°  4′ 27″
Târedié 32°  8′ 27″
Kherbet-Dzîra 31° 59′  0″
Kaçar-Yêfren 32°  3′ 43″
Bîr-Terrîn 32° 39′ 32″
Zâouiya-el-Gharbîya (le Bordj) 32° 46′ 35″
Tînzeght 31° 54′  2″
Kâbâo 31° 51′ 39″
Ch’aouâ 30° 58′ 49″
Tarz-Oûlli 25° 32′ 53″

Les emprunts de positions astronomiques qui ont été faits, pour la construction de la carte, aux travaux des autres explorateurs, sont :

Le tracé de la côte, d’après le capitaine Smith, de la marine anglaise ;

Les positions du docteur Vogel entre Tripoli et le Bornou ;

Les latitudes de M. de Beurmann, d’après la carte de M. le docteur Petermann, entre Ben-Ghâzi et Zouîla ;

Quelques points du Sahara algérien, antérieurement déterminés astronomiquement par M. le capitaine Vuillemot, et adoptés par le Dépôt de la Guerre ;

Enfin la position d’In-Sâlah du major Laing.

Deux mots sur l’éclipse du 18 juillet 1860 et sur une comète du 1er juillet 1861. Je copie mon journal :

J’étais au lit, atteint d’une violente fièvre contractée dans l’Ouâd-Rîgh, quand je sortis pour aller observer l’éclipse. J’avais calculé l’heure à laquelle elle devait se produire, comme si elle devait être totale à El-Ouâd ; elle ne le fut pas complétement ; aussi, quand j’arrivai à ma lunette, comptant sur dix minutes d’avance, je trouvai le disque solaire entamé. Je ne puis donc indiquer le moment exact du premier contact.

Le ciel était pur.

A l’observation, je vis la lune couvrir successivement le soleil, comme le ferait une tache ; à un moment je crus voir certaines montagnes faire éclipse totale, mais à peine mon œil avait-il quitté la lunette pour prendre l’heure, que l’éclipse commença à diminuer lentement.

Le dernier contact eut lieu à 4 h. 55 m. 18 s. de mon chronomètre, qui marquait encore le temps de Paris.

La lumière la plus faible a été celle qui, dans cette saison, succède au coucher du soleil.

Les Arabes me dirent avoir vu des étoiles.

Mieux portant, j’aurais pu apporter une plus grande attention aux détails de cette éclipse ; mais la maladie paralyse les forces de l’esprit comme celles du corps. Quand je fus me remettre au lit, la fièvre s’était aggravée et je fus pris de vomissements très-pénibles.

A 2 h. 30 m., le baromètre marquait 749,05, le thermomètre 45° 5 ; le vent soufflait du Sud.

A 5 heures, le baromètre était à 740,95 et le thermomètre à 41° 8, le vent restant le même.

Je me portais heureusement mieux quand, à Mourzouk, le 1er juillet, à 7 h. 15 m. du soir, on vint m’annoncer un phénomène astronomique qui remplissait de terreur toute la population.

C’était une comète ; on ne l’avait pas vue la veille, elle devait disparaître le surlendemain.

D’après les habitants, elle avait apparu, à leurs yeux, rouge et très-belle, un peu après le coucher du soleil, vers le méridien Nord.

Quand je l’observai à la lunette, elle était à 5 degrés environ au-dessus de l’horizon, en ligne à peu près droite sous α de la grande Ourse ; sa queue, de lumière blanchâtre, se prolongeait jusqu’à β et γ de la petite Ourse ; continuée en arc de cercle, elle eût coupé la voie lactée par son milieu. Le noyau, très-distinct à la lunette, apparaissait comme une étoile de 3e ou de 4e grandeur.

Le lendemain, à la même heure, ou un peu avant, la comète était plus haut dans le ciel, mais, probablement à cause des nuages qui le voilaient en cet endroit, elle paraissait sans queue et sous la forme de deux disques lumineux juxtaposés. Du moins, c’est l’effet qu’elle produisait à l’œil.

Depuis je n’ai plus entendu parler de cet objet d’effroi et je ne l’ai plus vu.

[85]Pour les longitudes de Tougourt et d’Ouarglâ, j’ai adopté celles du Dépôt de la Guerre établies d’après les observations de M. le capitaine Vuillemot.

[86]Position du capitaine Smith.

[87]Pour El-Ouâd, j’ai cru devoir donner la préférence à la longitude du capitaine Vuillemot. Malade au moment de mon observation, je ne puis y avoir une confiance absolue.

[88]J’ai rejeté la longitude d’Azhel-en-Bangou parce qu’elle ne concordait pas avec le relevé de ma route.

[89]Pour les points relevés astronomiquement par Vogel, qui était astronome de profession et mieux outillé que moi, j’ai toujours donné la préférence aux résultats de ses observations de longitude.


LIVRE II.

PRODUCTION.


Les productions minérales, végétales et animales d’un pays aussi peu favorisé sous le double rapport de la constitution du sol et du climat, ne peuvent être qu’en petit nombre ; cependant elles ne sont pas complétement nulles, et je vais les passer successivement en revue.


CHAPITRE PREMIER.

MINÉRAUX.

Mon exploration n’a pas été assez complète, surtout dans la partie montagneuse du pays, pour que je puisse prétendre connaître toute sa richesse minérale ; d’un autre côté, les Touâreg ne sont pas un peuple assez industriel pour que j’aie pu suppléer à l’insuffisance de mes recherches personnelles par une enquête sur les produits minéraux qu’ils exploitent. Les besoins des peuples nomades ne sont pas ceux des nations civilisées et sédentaires : aussi n’est-on pas autorisé à conclure de l’absence d’exploitations au manque de minéraux exploitables. Au contraire, en constatant que les Touâreg ont trouvé chez eux tout ce qui est nécessaire à leur existence, on peut croire qu’il y a beaucoup plus. Quoi qu’il en soit, je signalerai ce que j’ai vu et ce qui m’a été indiqué par les indigènes.

Métaux et pierres précieuses.

Fer. (Tazhôli). — J’ai constaté la présence du fer en plusieurs endroits : notamment à Azhel-en-Bangou, dans les environs du mont Têlout, sur le rebord Nord du Tasîli, dans le ravin d’In-Akhkh, autour des puits artésiens d’Ihanâren, dans la vallée d’Ouarâret. Les renseignements des indigènes signalent aussi ce minerai sur d’autres points du Tasîli et du Ahaggâr, en massifs plus ou moins considérables. Mais à quoi bon ? Le fer fût-il plus riche et plus abondant encore, comment l’exploiterait-on sans combustible ?

Tout le fer employé par les Touâreg leur est apporté par le commerce.

Cuivre. (Dârogh). — Les Touâreg ne connaissent aucun minerai de cuivre dans leur pays. Tous les cuivres qu’ils emploient à l’ornementation de leurs armes viennent d’Europe ; jadis, quand Mourzouk entretenait encore des relations commerciales avec le Waday, ils pouvaient en recevoir de cette contrée.

Plomb. (Alloûn). — Le nom d’Ouâdi-Alloûn (rivière du plomb) donné à l’un des torrents qui descendent du versant Nord du Tasîli rappelle-t-il la découverte de minerai de plomb dans le lit de l’ouàdi ? Je l’ignore.

Les Touâreg ne faisant généralement pas usage des armes à feu, l’emploi du plomb est assez restreint chez eux pour qu’ils n’aient jamais songé à utiliser les galènes de leur pays, fussent-elles même riches.

Étain. (?) — Un gisement de ce minerai ou d’un métal analogue m’a été signalé dans l’Ouâdi-ech-Chiâti (Fezzân). Cette indication est-elle fondée ou non ? L’avenir l’apprendra.

Sulfure d’antimoine. (Tazôlt). — Le sulfure d’antimoine est récolté aux environs d’El-Barakat, près de Rhât, mais dans la proportion des besoins locaux, limités à l’application du kohel sur les cils et les sourcils.

Kohel, en Arabe, signifie tout ce qui noircit. Donc, sous ce nom, on emploie indistinctement ou le sulfure de plomb, ou le sulfure d’antimoine, suivant la facilité de se les procurer.

L’emploi du kohel est des plus anciens chez les peuples orientaux. Jérémie dit, chap. IV, vers. 30 : « Cum stibio pinxeris oculos tuos. » Le prophète Mohammed, copiant Jérémie, répète : « Employez l’antimoine, il fortifie la vue et fait pousser les cils. »

Sur la foi de ces autorités, l’habitude du kohel est passée dans les mœurs, surtout dans le Sahara, où la réverbération du soleil affaiblit si promptement la vue et cause si souvent des ophthalmies.

Le docteur Bertherand, dans son ouvrage sur la Médecine des indigènes de l’Algérie, dit que l’emploi du kohel, dans toute espèce d’ophthalmies, lui a toujours rendu les plus grands services.

Pierres précieuses. — Les Touâreg modernes font usage d’une espèce de serpentine dont ils fabriquent leurs anneaux de bras. On trouve cette pierre dans le ravin de Tahôdayt-tân-Hebdjân (rebord méridional du Tasîli), sur la route directe de Rhât à In-Sâlah, non loin du ravin de Tahôdayt-tân-Tâmzerdja, où sont les restes fossiles d’un grand mammifère antédiluvien.

Mais il est hors de doute que les peuples anciens de cette contrée connaissaient et faisaient usage d’autres pierres précieuses, car on en trouve dans tous les tombeaux des Jabbâren (géants), nom que les Touâreg donnent à la génération qui les a précédés dans le pays. Ces pierres sont enchâssées dans les bagues ou dans les boucles d’oreilles.

J’ai déjà dit qu’on avait trouvé des émeraudes dans le Touât ; moi-même j’ai rapporté de mon excursion à El-Golêa’a des cristaux qui y ressemblent. Il est probable qu’une exploration complète des montagnes des Touâreg et des bassins qui en dépendent ferait retrouver l’ancienne émeraude garamantique des musées.

Sels divers.

Sel commun. (Tîsemt.) — Une belle mine de sel, longtemps exploitée et abandonnée pour cause d’insécurité, existe dans la Sebkha d’Amadghôr, sur l’ancienne route des caravanes d’Ouarglâ à Agadez, au pied d’un des contre-forts orientaux du Ahaggâr. D’après les indigènes, cette mine serait la plus belle connue dans tout le Sahara. Elle sera ultérieurement l’objet d’une attention toute spéciale.

Une mine de sel m’est aussi signalée dans la montagne au Sud de Tikhâmmalt.

Sur beaucoup d’autres points, on trouve du sel de qualité inférieure, mélangé de terre : aux environs de Rhât et à Tekertîba, ou provenant de l’évaporation des eaux salines de sebkha desséchées, notamment sur le cours inférieur de l’Igharghar, à Menkebet-Izîman et à Sîdi-Boû-Hânia.

Les puits salés, indiquant la nature saline des terres traversées par les eaux, sont communs. Je citerai entre autres celui de Tînessedj sur la route septentrionale de Tebalbâlet à In-Sâlah ; celui de Harhé, dans une sebkha, sur la route de Tikhâmmalt à Oubâri.

Je citerai aussi, comme sources salines, celle de Tânout sur la précédente route, et d’’Aïn-el-Mokhanza (la fontaine pourrie, puante), sur l’Igharghar, sans compter celles que j’ai signalées précédemment dans mes itinéraires géologiques.

Alun. (Azârîf.) — Après le sel, l’alun est la production minérale la plus commune du pays des Touâreg. On en trouve des dépôts, entre autres, dans la vallée d’Ouarâret, au Nord du Rhât ; à Serdélès ; à In-Hâs, dans la plaine d’Adjemôr ; sur l’Ouâdi-Tetch-Oûlli, affluent de l’Ouâdi-Akâraba. Ces deux dernières mines sont situées au Nord de Mouydîr, et non loin d’In-Sâlah, marché sur lequel on vend leurs produits.

J’ai rapporté un échantillon des dépôts d’alun de la vallée de Serdelès. Il est pur et de bonne qualité.

Salpêtre. (Tîsemt-n-elbaroûd.) — Tout le salpêtre consommé par les Touâreg vient du Touât, où cette matière paraît très-abondante. Il n’est pas douteux qu’on en trouve également et en quantité importante dans les contrées similaires du pays des Touâreg, car ces derniers m’en signalent un dépôt assez important dans la vallée de Tikhâmmalt et d’autres dans les ouâdis aux environs de Rhât. N’employant pour ainsi dire pas la poudre, ne sachant pas la préparer, ils négligent ce produit et n’y font aucune attention ; mais, si le commerce français demandait du salpêtre au Touât, les Touâreg ne tarderaient probablement pas à lui faire concurrence.

Natron. (Elatroûn et Oksem.) — Le natron est récolté en assez grande abondance dans le Bahar-et-Trounîa au Nord-Ouest de Mourzouk. Il est employé par les Touâreg en mélange avec la feuille du tabac, soit pour la prise, soit pour la chique ; il est aussi d’un usage journalier comme mordant dans les préparations tinctoriales. Inutile d’ajouter qu’il entre dans la matière médicale des indigènes, car, à défaut de produits européens, ils utilisent tout ce qu’ils ont sous la main.

J’aurai l’occasion de faire connaître ultérieurement l’importance commerciale de ce sel.

Soufre (Tazzefrît et Aouodhîs). — Quoique le Ahaggâr, le Tasîli, le Hâroûdj et la Sôda, soient le produit de soulèvements volcaniques ; quoique le soufre se montre, au Nord, en assez grande quantité dans la Syrte, il est à peu près certain qu’il n’existe pas dans le pays des Touâreg, car, s’ils y connaissaient des soufrières, elles seraient exploitées pour les besoins des chameaux, atteints fréquemment de la gale, que le soufre seul guérit d’une manière radicale. Je conclus donc de ce que le soufre n’est pas exploité par les Touâreg qu’il n’y en a pas chez eux.

MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION.

Pierres et terres.

Bien que des nomades ne tirent aucun parti des matériaux de construction dont leur pays est doté, je ne crois pas devoir omettre cette partie importante de la richesse minérale du Sahara.

Pierre calcaire (Tahônt-n-Tîngher). — Tous les plateaux dits hamâd sont généralement recouverts d’une couche calcaire qui donne d’excellents moellons pour les constructions urbaines. Cette pierre domine dans celles de Ghadâmès.

Grès (Tîlellît, la pierre noble). — Le grès est la pierre la plus abondante, surtout dans le Tasîli du Nord. On trouve dans la chaîne de l’Amsâk le beau grès rose des ruines romaines de Djerma.

Gypse (Têhemaq). — Commun au Nord et autour de Ghadâmès, où on l’exploite pour les enduits de la ville, il est peut-être plus rare sur tous les autres points du pays, mais il est hors de doute qu’on n’a pas dû aller le chercher au loin pour les constructions des autres villes.

Chaux (Ezzebch). — La pierre propre à la chaux est commune partout ; autour de Ghadâmès, on ramasse les calcaires du plateau de Tînghert et, de leur grillage, on obtient une chaux excellente.

Argile (Tabâriq et Telaq). — Tous les enfants des Touâreg ont des poupées et des bonshommes en argile ; dans tous les ménages on trouve des vases en poterie qui doivent être fabriqués sur les lieux, ce qui prouve que la terre à poterie ne manque pas. Quant à l’argile propre à la préparation des tuiles et des briques, elle existe dans plusieurs ravins. J’ai déjà dit que les auges dans lesquelles on abreuvait les chameaux autour des puits étaient en argile provenant des déblais de ces puits.

Terre à ciment. — Les canaux d’irrigation de Ghadâmès sont cimentés et, d’après les renseignements qui m’ont été donnés, ce ciment était obtenu au moyen d’un mortier fait avec la chaux des ammonites et les argiles rouges ferrugineuses des goûr.

J’ai rapporté de Ghadâmès et de Djerma des ciments de l’époque garamantique ; ils sont de la plus grande solidité.

Pierre meulière (Tasîrt et Tahônt-n-Ezhîd). — L’usage du moulin à bras, ustensile obligatoire pour chaque ménage, rend la pierre meulière de première nécessité chez tous les nomades. Heureusement, les carrières qui la fournissent ne sont pas rares. J’en ai déjà cité une, abandonnée, à l’entrée de l’Ouâdi-el-Gharbî ; on en indique d’autres au Nord et au Sud du Tasîli.

Ocre (Tamâdjohît). — L’ocre est exploitée aux environs de Djânet pour les besoins de la teinturerie, mais surtout pour être employée avec l’indigo comme cosmétique tinctorial et hygiénique de la peau, en vue de la préserver, par l’interposition d’un corps étranger, des influences atmosphériques extérieures.

Combustibles minéraux.

Pendant longtemps, à Alger, on a cru à l’existence de la houille dans le Ahaggâr, par suite de réponses faites, de bonne foi, par des Touâreg venus en Algérie, qu’il y avait dans leur pays des pierres noires qui brûlaient.

J’ai déjà fait connaître comment les Touâreg, interrogés à ce sujet, avaient pu nous induire en erreur sans manquer à la vérité.

Toutefois, la découverte de terrains très-anciens dans la vallée de Rhât et du terrain dévonien, inférieur aux terrains houilliers, sur plusieurs points, permet d’espérer le succès de recherches de gisements de combustibles minéraux, dans le centre du Sahara, ou tout au moins dans les parties que mon exploration recommande à l’attention des ingénieurs.

Là se borne, à ma connaissance, la liste des produits minéraux utilisables dans le pays des Touâreg ; mais il n’est pas douteux que des recherches plus complètes en augmenteraient le nombre.


CHAPITRE II.

VÉGÉTAUX.

Le règne végétal est un peu plus riche que le règne minéral, car, quoique les sommets des montagnes, leurs versants, ainsi qu’une partie des plateaux, soient dénudés et entièrement stériles, on trouve, dans les nombreuses vallées du pays, des points plus favorisés où la végétation saharienne s’allie avec quelque représentants de celle des tropiques et du bassin de la Méditerranée.

Les végétaux domestiques sont en très-petit nombre. Si je devais ne citer que ceux cultivés par les Touâreg eux-mêmes, la liste serait close quand j’aurais nommé le dattier, le figuier, le blé, l’orge, le sorgho, le millet : en tout six végétaux.

Mais, dans le territoire même des Touâreg, sont les oasis de Ghadâmès, de Rhât, de l’Ouâdi-Lajâl, de l’Ouâdi-’Otba, de Djânet, d’Idélès, habitées par des sédentaires dont les cultures sont un peu plus variées.

Voyageur et non botaniste, j’ai recueilli à peu près toutes les plantes que j’ai vues et tous les renseignements que pouvaient me donner les indigènes sur la végétation de leur pays ; mais je n’ai pas la prétention d’avoir rapporté de mon voyage toute la richesse végétale des contrées traversées, comme eût pu le faire un explorateur exclusivement chargé d’étendre le domaine de nos connaissances en histoire naturelle au Sud de l’Algérie.

J’ai scrupuleusement recueilli les noms indigènes, en langue arabe et en langue temâhaq, parce que je crois la connaissance de cette double synonymie nécessaire aux personnes auxquelles l’avenir réserve de voyager avec les caravanes. Cette synonymie n’a pas les défauts de celle des noms vulgaires assignés aux plantes par nos paysans en Europe ; chez les peuples pasteurs, chacun connaît exactement le nom, les stations et les propriétés de chaque plante, et les noms, quand les caractères distinctifs sont bien tranchés, ne varient pas d’une localité à une autre, mais se conservent tant que la même langue est parlée. Or, comme la langue arabe est connue dans tout le monde musulman, et la langue berbère, dont le temâhaq est un des dialectes, dans tout le Nord du continent africain, il y a presque certitude d’être compris des indigènes en leur nommant une plante dans l’une de ces deux langues.

Dans la classification des plantes, objet de cet examen, j’ai adopté l’ordre naturel des familles.

Je dois à l’extrême obligeance de M. le docteur Cosson, président de la Société botanique de France et chargé par le gouvernement de la publication de la Flore de l’Algérie, la détermination exacte de toutes les plantes de mon herbier et même de quelques-unes de celles dont je me suis borné à mentionner le nom dans mon journal de voyage, sachant par les comptes-rendus des explorations du savant botaniste qu’il les avait déjà déterminées.

Je mentionne cet utile concours, autant par reconnaissance que pour assurer à cette partie de mon travail le caractère sérieux que lui donne la collaboration de M. le docteur Cosson.

RENONCULACÉES.

Adonis microcarpa DC. ?

Boû-garoûna (arabe).

Récolté le 13 mars 1860, dans les environs du Chott-Melghîgh.

Sans emploi connu.

Ranunculus muricatus L.

Kosberbîr (arabe).

Récolté le 13 mars 1860, dans les environs du Chott-Melghîgh.

Sans emploi connu. Croît dans les terrains humides.

Nigella sativa L.

Sahnoudj, Habbet-es-soûda (arabe).

Cultivé dans quelques jardins des oasis.

« Procurez-vous de la graine noire (mot à mot, habbet-es-soûda), a dit le prophète Mohammed : c’est un préservatif contre toutes les maladies. »

En exécution de cette prescription, les bons musulmans prennent volontiers, le matin, une pincée de graine de nigelle dans une cuillerée de miel, à l’effet de préparer les voies digestives et d’ouvrir l’appétit.

FUMARIACÉES.

Fumaria capreolata L.

Guerîn-djedey, Sibân (arabe).

Récolté le 13 mars 1860, dans les environs du Chott-Melghîgh.

Cette plante est employée par les indigènes en lotion contre les démangeaisons et en fumigations contre les douleurs.

CRUCIFÈRES.

Matthiola livida DC.

Guelguelân (arabe) d’après M. le docteur Cosson ; Tamadé (temâhaq).

Récolté le 2 mars 1861, à Tîn-Arrây.

Cette plante vient dans les sables.

Matthiola oxyceras DC.

Hârra (arabe) ; Tânekfâït (temâhaq).

Récolté le 7 mars 1860, au S.-O. de Nafta, entre Guettâra-Ahmed-Ben-’Amâra et Gâret-Djâb-Allah.

Affectionne les terres de heycha.

Anastatica Hierochuntica L.

Akarba (temâhaq) ; Kômecht-en-Nebî (arabe fezzanien) ; Kerchoûd (au Bergou).

Reconnu entre Ghadâmès et Rhât.

Cette plante est vulgairement connue sous le nom de rose de Jéricho.

Malcolmia Ægyptiaca Spreng.

El-Maroûdjé, El-Hamâ (arabe) ; Almaroûdjet (temâhaq).

Récolté le 2 janvier, les 8, 21 et 29 février 1861, sur l’Ouâdi-Alloûn et à Aghelâd. Reconnu en huit stations entre Ghadâmès et Rhât.

Cette plante donne un excellent fourrage que tous les animaux recherchent. Elle vient dans les sables.

Senebiera lepidioides Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Harharha (arabe et temâhaq).

Récolté à Sâghen, le 1er janvier 1861.

Peu commun, comestible.

Moricandia suffruticosa Coss. et DR. Brassica suffruticosa Desf.

Foûl-el-djemel, Foûl-el-ibel (arabe) ; Afarfar (temâhaq).

Récolté aux environs de Ghadâmès et sur l’Ouâdi-Tînzeght, les 12 et 13 novembre 1860. Peu commun. Plus abondant dans les montagnes du Ahaggâr, entre Rhât et In-Sâlah.

Plante recherchée par les chameaux, ainsi que l’indique son nom indigène : fève du chameau.

Henophyton deserti Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Alga, Allegommo (arabe).

Récolté dans les dunes de l’’Erg, entre ’Erg Boû-Delîl et Medhaheb-ech-Cherguîya ; sur la route de Merhayyer à Gomâr, le 5 février 1860, et entre El-Ouâd et Ouarglâ, sur l’Ouâdi-Çîdah, le 16 février 1860.

Cette plante recherche les sables.

Diplotaxis Duveyrierana Coss. sp. nova.

Hârra (arabe) ; Tânekfâït (temâhaq).

Récolté les 9 et 18 février 1861, sur l’Ouâdi-Alloûn et l’Ouâdi-Târât. Rencontré en onze stations entre Ghadâmès et Rhât.

Cette espèce nouvelle, désormais destinée à rappeler le souvenir de mon voyage, grâce à l’extrême bienveillance de M. le docteur Cosson, est une de ces nombreuses plantes de la famille des Crucifères dont les Touâreg font usage pour leur alimentation. A défaut d’autres provisions, j’ai été souvent heureux de la mettre à contribution pour l’approvisionnement de ma table et de celle de mes serviteurs. Son usage délassait mon estomac fatigué des légumes secs, les seuls à la disposition des caravanes. Je ne me doutais pas alors que je mangeais un plante qui plus tard porterait mon nom.

Diplotaxis pendula DC.

Récolté le 12 mars 1860, dans les montagnes de Kerîz.

Comestible comme la précédente.

Eruca sativa Lmk. E. stenocarpa Boiss. et Reut.

Hârra (arabe) ; Tânekfâït (temâhaq).

Récolté à Sâghen et sur l’Ouâdi-Alloûn, les 1er janvier et 29 février 1861. Commun.

Cette plante est également comestible et mangée par les Touâreg.

La graine et le suc de cet Eruca, concurremment avec les mêmes parties des deux Diplotaxis ci-dessus, sont employés comme remède contre la gale des chameaux.

Schouwia Arabica DC.

Alouâs (temâhaq).

Trouvé et récolté à Tikhâmmalt, le 27 janvier, et à Tîn-Têrdja, le 2 mars 1861.

Plante rare, spéciale aux déserts d’Arabie et non encore trouvée en Berbérie.

Zilla macroptera Coss. in Bull. Soc. bot.

Chobrom, dans l’Est ; Chebreg, dans l’Ouest (arabe) ; Oftozzon (temâhaq).

Récolté à Aghelâd, le 8 février, et sur l’Ouâdi-Alloûn, les 28 et 29 février 1861, entre Ghadâmès et Rhât ; signalé sur le plateau de Tâdemâyt, entre le Touât et le pays des Benî-Mezâb.

Cette plante épineuse, qui croît en touffes larges, est avidement mangée par les chameaux.

Brassica Napus L. ?

Left (arabe) ; Afrân (temâhaq).

Le navet est cultivé dans les jardins de toutes les oasis, où il vient très-bien.

Sa racine, crue ou cuite, sert à l’alimentation.

Sa graine est employée comme médicament.

Brassica oleracea L. ?

Kronb (arabe).

Le chou ne paraît pas très-bien réussir dans les oasis, à moins que la variété qui y est cultivée ne soit inférieure à celle de nos jardins d’Europe.

CAPPARIDÉES.

Cleome Arabica L.

Mekhînza, Oumm-el-djelâdjel (arabe) : le premier usité à Ghadâmès, le second au Fezzân ; Ahôyyarh, Wôyyarh (temâhaq).

Récolté le 26 août 1859, dans l’Ouâd-Mezâb ; le 6 septembre 1860, aux environs de Ghadâmès ; le 7 février 1861, à Aghelâd ; le 2 mars 1861, à Tîn-Têrdja.

Cette plante croît dans les sables et dans les pierres.

Mærua rigida R. Br.

Sarah (arabe) ; Adjâr (temâhaq).

Récolté le 1er avril 1861, à Ouarâret.

Cet arbre, assez rare, vit toujours isolé.

Son tronc a de 3 à 4 mètres de hauteur et de 0m 70 à 1m de circonférence en moyenne.

Ses branches, noueuses, peu nombreuses, ne retombent pas comme dans les autres arbres, mais se dressent verticalement vers le ciel. Elles partent de terre et donnent à l’arbre l’aspect d’une grande broussaille.

Ses feuilles sont petites.

Il était en fleur le 1er avril.

Par son port et sa taille cet arbre rappelle le Balanites Ægyptiaca, mais il n’a pas d’épines et ses feuilles sont différentes.

Capparis spinosa L. var. coriacea.

Kebbâr (arabe).

Récolté le 24 août 1859, dans une ravine aride montant au Qaçar-Sîdi-Saád. Reconnu dans les vallées de l’Ouâd-Mezâb et entre Methlîli et El-Golêa’a, où il est commun.

Les belles fleurs roses de cet arbrisseau rampant et épineux distraient agréablement la vue de la monotonie des solitudes désertiques.

Les médecins arabes font un grand usage du bois de câprier dans les maladies chroniques et notamment dans la dyssenterie.

CISTINÉES.

Helianthemum sessiliflorum Pers.

Semhari, Reguîg (arabe) ; Tahaouat, Tahesouet (temâhaq).

Reconnu en cinq stations dans la région de l’’Erg, entre El-Ouâd et Ghadâmès ; commun aux environs de Ghadâmès, dans les plaines au pied du Ahaggâr et entre El-Golêa’a et Methlîli.

Récolté dans la Hamâda de Tînghert, près de la Gâra de Tîsfîn, le 16 septembre 1860.

Plante de sables, mangée par les chameaux.

Helianthemum Cahiricum Delile.

Rega (arabe) ; Aheo (temâhaq).

Récolté dans l’Ouâd-Mezâb. Commun dans les environs de Ghadâmès.

Plante sans importance.

Helianthemum Tunetanum Coss. et Kral. in Bull. Soc. bot.

Récolté le 18 mars 1860, entre El-Hâmma et Gâbès, dans un pays aride et rocheux.

Cette plante est sans importance pour l’alimentation des animaux.

RÉSÉDACÉES.

Reseda stricta Pers.

Récolté dans les montagnes de Kerîz, le 12 mars 1860.

Plante sans importance.

FRANKÉNIACÉES.

Frankenia pulverulenta L.

Guenoûna, Melêfa (arabe).

Récolté autour des mares des dattiers, dans les jardins de Ghardâya, en 1859, et dans ceux de Sîdi-Khelîl, le 5 juin 1860.

Cette plante aime l’ombre et les endroits humides. Sans importance.

Frankenia pallida Boiss. et Reut.

Melêfa (arabe).

Récolté sous les dattiers de Sîdi-Khelîl, le 5 juin 1860.

Même observation que ci-dessus.

MALVACÉES.

Malva parviflora L.

Khoubbîz (arabe).

Récolté en 1859, dans les jardins de Ghardâya.

Plante émolliente, employée comme médicament par les indigènes.

Hibiscus esculentus L.

Meloûkhîa (arabe).

Le meloûkhîa (gombo des Européens) est le légume favori des Orientaux, aussi le cultive-t-on dans tous les jardins potagers des oasis. C’est un fruit très-mucilagineux, sain et d’une digestion facile.

On le mange en ragoût avec la viande.

On l’emploie également cru en salade.

Gossypium vitifolium Lmk.

Koton-bernâoui (arabe) ; Tâbdoûq (temâhaq).

Récolté le 24 juin 1861, à Mourzouk, où ce cotonnier est cultivé.

Ce cotonnier, cultivé dans tout le Fezzân, a été importé du Bornou (Afrique centrale), ainsi que l’indique son nom arabe. Il est à courte soie. Dans les graines que j’en ai rapportées, M. Hardy, directeur du jardin d’acclimatation d’Alger, a reconnu deux variétés : l’une blanche et l’autre nankin.

Gossypium herbaceum L.

Koton-fezzâni (arabe) ; Tâbdoûq (temâhaq).

Récolté le 22 mai, à Tekertîba, oasis de l’Ouâdi-el-Gharbî, et à Mourzouk, le 24 juin 1861, où il est cultivé.

Le cotonnier du Sahara ne peut figurer ici que pour mémoire, en raison du peu d’importance de sa production. Cependant, il y est cultivé et à très-bas prix ; c’est là un point important, car le bas prix résulte de l’abondance de la main-d’œuvre et des conditions climatériques qui rendent cette culture certaine, sans exiger aucun travail sérieux autre que celui de la cueillette, conditions qui ne peuvent être modifiées.

Au Fezzân, j’ai trouvé le cotonnier en fleur au mois de juin, c’est-à-dire à l’époque où il commence à sortir de terre sur le littoral algérien.

Il en est de même au Touât.

Dans ces deux archipels d’oasis, rien ne sollicite la production, limitée aux besoins des ménages ; car on y reçoit de l’Europe et de l’Afrique centrale des étoffes qu’il est plus commode d’acheter. Mais, dans ces deux districts, il y a un excédant de population qui est forcé d’émigrer pour aller demander des moyens d’existence à d’autres contrées, et il préférerait trouver sur place l’emploi de ses bras. Il s’adonnerait donc volontiers à la culture du coton, si ce produit avait un débouché régulier et assuré.

L’espace non plus ne manque pas, car avec des puits on peut créer des oasis partout où la terre végétale recouvre la roche et les sables.

Si le Touât et le Fezzân paraissaient trop éloignés des ports de l’Algérie, ou si leur situation en dehors de notre colonie devait être un obstacle à des encouragements directs à une culture développée, il y a, dans le Sahara algérien même, la zone des puits artésiens, qui peut produire le coton courte soie dans des conditions climatériques et de main-d’œuvre analogues à celle du Fezzân et du Touât.

Là, le nègre est dans son climat de prédilection, et dès qu’il saura qu’un gouvernement capable de le faire respecter y creuse des puits pour cultiver le coton, il y viendra, et il suffira de lui donner de bonnes graines et de lui enseigner les meilleures méthodes de culture.

J’ai rapporté des graines du cotonnier fezzanien et du cotonnier soudanien, pour être ensemencées au jardin d’acclimatation d’Alger. On ne tardera pas à être fixé sur leur valeur comme semences à propager en Algérie.

Pl. V. Page 155. Fig. 10 et 11.

Fig. 1. — VUE DE LA ZÂOUIYA DU CHEÏKH-EL-HOSEYNI, A OUBÂRI.

D’après un dessin de M. H. Duveyrier.

Fig. 2. — VUE DU VILLAGE DE TEKERTÎBA.

D’après un dessin de M. H. Duveyrier.

AURANTIACÉES.

Citrus medica L.

Chedjret-el-Lîm (arabe).

Un seul citronnier existe dans l’oasis de Ghadâmès. Je ne pense pas qu’il y en ait à Rhât. Au Fezzân, on en compte quelques-uns. Au Touât, ils doivent être rares aussi.

Si un arbre, dont le fruit est si précieux dans la saison des grandes chaleurs, n’est pas plus répandu dans les oasis, c’est que probablement il y résiste à l’acclimatation.

Citrus Aurantium L.

Chemmâm (arabe).

L’oranger réussit un peu mieux que le citronnier et il y est un peu plus commun, sans cesser d’être rare cependant.

Les oranges des oasis, même celles du Zibân, sont loin de valoir celles du littoral méditerranéen.

AMPÉLIDÉES.

Vitis vinifera L.

Dâlia (arabe).

La vigne est cultivée dans toutes les oasis. Le 12 juillet 1861, les raisins étaient mûrs à Trâghen, au moment de mon passage.

Le raisin frais, ’aneb, qui en provient, de qualité inférieure, est mangé en fruit. Le raisin sec, zebîb, qui entre comme condiment dans le couscoussou, est tiré du Nord.

D’après les renseignements qui me sont fournis, il existerait dans les montagnes du Ahaggâr trois variétés de vignes sauvages auxquelles les Touâreg donnent les noms de tezzebibt, de tâlekat et telôkat.

Le raisin des vignes sauvages, toujours petit, est de qualité inférieure.

Le Touât paraît posséder quelques bonnes variétés de raisin.

Les musulmans ne font jamais de vin, mais ils conservent des raisins cuits et confits dans le sucre ; ils donnent à cette préparation le nom de robb-el-’aneb.

GÉRANIACÉES.

Erodium glaucophyllum Ait.

Sa’adân (arabe).

Récolté le 7 mars, entre Guettâra-Ahmed-ben-’Amâra et Nafta, et le 12 mars dans les montagnes de Kerîz.

Cette petite plante affectionne les terres de heycha.

ZYGOPHYLLÉES.

Tribulus megistopterus Kral. in Ann. sc. nat. var. macrocarpus.

Bôriel (temâhaq).

Trouvé et récolté dans une station unique, le 5 mars 1861, à Tiferghasîn, entre Ghadâmès et Rhât.

Sans importance.

Zygophyllum Geslini Coss. in Bull. Soc. bot.

Bou-grîba, Agga (arabe).

Récolté le 13 mars 1860 sur les bords de la Sebkha de Sedâda.

Affectionne les terres salines des sebkha.

Fagonia Sinaica Boiss.

Choreïka (arabe).

Récolté le 12 mars 1860, dans les montagnes de Kerîz et près de la Gâra de Tisfîn, aux environs de Ghadâmès. Abondant dans les dunes.

Malgré ses épines, les chameaux ne dédaignent pas cette plante.

Fagonia fruticans Coss. in Bull. Soc. bot.

Chega’a, Reguîg (arabe).

Récolté en septembre 1859, entre Hâssi-Dhomrân et Chaábet-Timedaqsîn, sur la route de Methlîli à El-Golêa’a, et sur la hamâda, près de la Gâra-Tîfsîn, aux environs de Ghadâmès, le 16 septembre 1860.

Assez commun, quoique rare dans le Sahara algérien.

Balanites Ægyptiaca Delile.

Hadjilidj (arabe local), Heglig (arabe d’Égypte), Tebôraq (temâhaq), Tchaïchot (au Touât), Addaoua (au Haoussa).

Trouvé, chargé de fleurs et de fruits, le 3 mars à In-Ezzân, et le 4 mai 1861 à Tîterhsîn.

Sa limite Nord est au pied des montagnes du Tasîli. On le trouve aussi dans le Ahaggâr et au Touât, mais à l’état isolé, sans être rare.

Son tronc, d’une circonférence de 1m à 1m 50 environ, s’élève à 5 mètres de hauteur sous branches. Dans les pays où cet arbre est le plus commun, son bois est employé à faire des planchettes, des colliers, ce qui indique qu’il est fin et très-dur. Chez les anciens Égyptiens, on en faisait des statues. On dit aussi qu’il sert à l’éclairage à la façon du bois résineux.

Ses feuilles, persistantes, sont petites et charnues ; quand elles sont nouvelles, on les cueille pour en assaisonner les aliments, surtout dans les contrées où le sel manque. Elles sont aussi employées pour déterger les plaies de mauvaise nature.

Des épines formidables défendent les feuilles et les branches contre les attaques de la dent des animaux.

Son fruit, iborâghen, qui a la grosseur d’une forte jujube allongée, est enveloppé dans une écorce jaune, mince, qu’il faut enlever pour arriver au noyau.

Le noyau, de nature cornée, très-dense, jaunâtre, est recouvert d’une pulpe brune qui s’enlève facilement avec l’ongle et se délaye dans l’eau.

L’amande que contient le noyau, de la grosseur d’une arachide ordinaire, d’un jaune verdâtre, a un goût d’amertume légère.

Avec la pulpe, d’une amertume plus prononcée encore, on prépare une pâte à laquelle on attribue la propriété de guérir les maladies de la rate et de tuer le ver de Guinée (vena medensis).

Avec le fruit, débarrassé de son amertume par la macération, on prépare une pâte, sucrée avec du miel.

RUTACÉES.

Ruta bracteosa DC.

Djell, Jell, Fîdjel (arabe) ; Issîn (temâhaq).

Récolté le 7 novembre 1860, sur l’Ouâdi-Tîji, près de Djâdo.

Dans les oasis, on attribue à l’odeur de cette plante la propriété d’éloigner les scorpions des habitations.

Ses feuilles et ses graines sont employées comme médicaments.

Haplophyllum tuberculatum Adr. de Juss.

Chedjret-er-rîh (arabe).

Récolté le 17 septembre 1860 sur l’Ouâdi-Aouâl, au Nord-Est de Ghadâmès.

Cette plante, ainsi que l’indique son nom arabe, l’arbre au vent, est employée contre les douleurs causées par les refroidissements.

Peganum Harmala L.

Harmel (arabe) ; Bender-tifîn (temâhaq).

Très-commun dans l’Ouâd-Mezâb, où je l’ai récolté. Signalé en plusieurs stations, dans les montagnes, entre Rhât et In-Sâlah.

Cette plante, dont « chaque racine, chaque feuille, dit le Prophète, est gardée par un ange, en attendant qu’un homme y vienne chercher sa guérison, » est très-employée par les indigènes dans tout le Sahara.

Avec sa graine on fait une huile, zît-el-harmel, qui s’exporte au loin.

J’aurai l’occasion de revenir sur les propriétés de cette plante.

RHAMNÉES.

Zizyphus Spina-Christi Willd.

Zegzeg (arabe), même racine que zizyphus ; Korna (au Fezzân) ; Abaka (temâhaq) ; Nabq (en Égypte) ; Sidr (traducteurs et commentateurs du Coran).

Cet arbre est cultivé dans le Fezzân, et particulièrement dans l’Ouâdi-el-Gharbî, près de Djerma. C’est de Tekertîba, dans la même oasis, que provient l’échantillon de mon herbier. Je l’ai également récolté à Nafta, le 9 mars 1860.

Ainsi que l’indique son nom scientifique, cet arbre passe pour avoir fourni la couronne d’épines qui ensanglanta la tête de Jésus. Pour ce motif et malgré le triste souvenir qu’il rappelle, ce jujubier est l’objet d’un certain culte chez les chrétiens d’Orient.

Chez les musulmans, il est non moins vénéré, car, d’après le prophète Mohammed, le sidr est un arbre du paradis, et il y en a même un dont la tête est assez considérable pour qu’un cavalier, en un siècle, ne puisse traverser l’ombre qu’il projette.

Au chapitre 66, verset 17 du Coran, il est dit :

« Le sidr est un arbre sous lequel les élus du paradis feront leur séjour. »

Ainsi, à des titres bien différents, cet arbre se recommande à la mémoire des hommes religieux de l’Orient et de l’Occident. Les pèlerins de Jérusalem en rapportent des branches pour orner leurs oratoires, les musulmans en récoltent les feuilles, dont ils font une décoction pour lotionner les morts, afin de donner à leurs dépouilles terrestres un avant-goût des jouissances du paradis.

Indépendamment du culte dont il est l’objet, ce jujubier forme un bel et grand arbre qui contribue à l’embellissement des oasis.

Son fruit est d’un goût assez savoureux quand il est frais. Il est recherché comme aliment.

Ses feuilles sont employées comme anthelminthiques.

Le jujubier couronne du Christ est aussi cultivé dans la Tunisie et même en Algérie, dans le Zibân. En cette dernière contrée, il atteint des proportions assez considérables pour être remarqué.

Zizyphus Lotus L.

Sedra (arabe) ; Tâbakat (temâhaq).

Ce jujubier nain, si commun dans le Tell de l’Algérie et dont les épines sont si redoutables pour les vêtements, apparaît de temps à autre, jusqu’au pied des montagnes du Tasîli. Près de Djerma, dans le Fezzân, j’en ai retrouvé un pied unique, vers la même latitude que sur la route de Ghadâmès à Rhât. Je l’avais également rencontré dans le Mezâb et entre Methlîli et El-Golêa’a.

Mes itinéraires par renseignements le signalent sur le versant Nord du Ahaggâr, mais pas au delà.

Son fruit est comestible, il a un goût sucré légèrement acidule, agréable pendant la saison des chaleurs, mais pas assez pour faire perdre aux étrangers le souvenir de leur patrie, ainsi que le dit Homère.

Ce fruit est-il bien le même que celui qui a donné son nom aux Lotophages ? Il est permis d’en douter, car la description de l’arbre et du fruit que nous donnent Polybe et Hérodote se rapporte peu à la baie que les Arabes appellent nabqa et les Touâreg ibakâten.

Mohammed (le prophète), qui devait se connaître en botanique désertique, autant que les savants qui ont assimilé le nabqa au Lotus des anciens, ne se trompe pas quand il qualifie le saveur du fruit du sedra.

Les habitants de Saba s’étant rendus coupables de pacte avec l’erreur, il les punit en convertissant leurs jardins, couverts de fruits délicieux, en d’autres jardins produisant des fruits amers, et au nombre de ces fruits figure celui du sedra.

TÉRÉBINTHACÉES.

Rhus dioica Willd.

Djedârîa, Djedâri (arabe) ; Dezougguert (berbère-nefoûsien) ; Tehônaq (temâhaq).

Récolté le 18 novembre 1860, sur l’Ouâdi-Tirhît ; le 3 mars 1861, à In-Ezzân, affluent du bassin de Tîterhsîn ; trouvé en trois stations entre Ghadâmès et Rhât ; signalé dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah, ainsi que sur le plateau de Tâdemâyt, entre In-Sâlah et Methlîli.

Antérieurement, j’avais constaté la présence de cet arbuste dans les vallées du Djebel tripolitain, dans le Sud de la Tunisie et même autour de quelques rhedîr du Sahara algérien.

L’écorce des racines et de la tige de ce sumac est recherchée pour le tannage des peaux de moutons. On en fait un commerce assez important par Gâbès. Les Touâreg l’emploient aussi aux mêmes usages. Ils l’appellent aoufar.

LÉGUMINEUSES.

Crotalaria Saharæ Coss. sp. nova.

Observé en une station unique, sur la Hamâda de Tînghert, près Ghadâmès, et récolté le 13 septembre 1860.

Cette espèce nouvelle, dénommée par M. le docteur Cosson, n’a encore été ni décrite ni publiée.

Retama Rætam Webb in Ann. sc. nat.

Retem (arabe) ; Telit (temâhaq).

Récolté dans le Sahara algérien ; reconnu sur onze points de ma route, entre Ghadâmès et Rhât, où, avec le Calligonum comosum, il fournit le seul bois de chauffage à l’usage des caravanes ; signalé comme étant commun dans les montagnes du Ahaggâr.

Cet arbrisseau atteint de 1 à 2 mètres de hauteur, rarement 3.

Les branches du retem, nous apprend M. le docteur Cosson, ont été utilisées à Géryville par le Génie militaire pour remplacer les lattes dans la construction des plafonds et des terrasses.

Ses feuilles recherchées par les chèvres et les chamelles communiquent à leur lait un goût d’amertume prononcé.

Ses racines sont employées en décoction comme vermifuges.

Genista Saharæ Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Merkh (arabe).

Récolté dans le Sahara algérien, le 20 février 1860.

Cet arbuste ne paraît pas s’étendre dans le Sud. Dans le Nord, il forme de gros buissons.

Genista ?

Hana (arabe) ; Asabay (temâhaq).

Sur ma route, de Ghadâmès à Rhât, de Rhât à Mourzouk, j’ai rencontré, en trois stations, notamment le 3 mars 1861, à In-Ezzân, un genêt très-connu des indigènes, sous ses noms arabe et temâhaq. Je ne l’ai pas récolté, parce qu’il n’avait ni fleurs ni fruits. On le signale comme étant plus commun dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah.

J’appelle l’attention des voyageurs sur cette espèce ligneuse, si, plus heureux que moi, ils peuvent la récolter dans des conditions qui permettent de la déterminer.

Par sa forme, cet arbuste rappelle celles du Retama Rætam et des Ephedra.

Le 3 mars, les gousses vides tenaient encore à la plante.

Ononis angustissima Lmk.

Récolté le 12 mars 1860, dans les montagnes de Kerîz.

Plante sans importance.

Trigonella anguina Delile.

Nefel (arabe) ; Ahazès (temâhaq).

Trouvé en sept stations, entre Ghadâmès et Rhât ; récolté le 9 février 1861, dans l’Ouâdi-Târat.

Bon fourrage. Quelquefois cette Légumineuse forme des prairies dans lesquelles les caravanes font des provisions de route.

Trigonella laciniata L. var. ?

Handegoûg (arabe) ; Ahazès (temâhaq).

Récolté à Sâghen, en fleurs, mais sans fruits, le 3 janvier 1861 ; reconnu en dix stations, entre Ghadâmès et Rhât ; signalé sur quelques points, entre Rhât et In-Sâlah.

Cette plante, qui croît volontiers dans les lits des ouâdi après les pluies, est très-recherchée par les animaux.

Lotus Creticus L.

Récolté les 17 et 21 mars 1860, aux environs de Gâbès.

Petite plante.

Lotus corniculatus L.

Nedjem (arabe).

Récolté dans la Ghâba de Sedâda, aux environs du Chott-el-Djérîd, le 13 mars 1860.

Petite plante fourragère.

Indigofera argentea L.

Nîla (arabe) ; Bâbba (temâhaq).

Récolté le 4 juin 1861, dans les jardins de Tessâoua. Cultivé dans le Fezzân et au Touât.

La culture de l’indigotier n’est pas très-développée dans les oasis, non qu’elle n’y réussisse, mais parce que les Oasiens, se procurant facilement l’indigo par les caravanes du Soûdân, préfèrent réserver leurs terres pour des céréales.

On prépare l’indigo par la macération de la plante et par l’évaporation à l’air de sa partie aqueuse qui surnage au-dessus du résidu.

On verra plus loin quel usage particulier en font les Touâreg.

Astragalus Gombo Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Foggoûs-el-Hamîr (arabe).

Récolté dans l’Ouâd-Mezâb où il est assez commun.

Sans usage.

Astragalus prolixus Sieber.

Adreylal (temâhaq).

Récolté à Tîn-Têrdja, le 2 mars 1861, sur la route de Ghadâmès à Rhât, reconnu aussi sur deux autres points.

Petite plante fourragère rampante.

Astragalus Hauarensis Boiss.

Tâmerazraz (temâhaq).

Récolté à Tîn-Têrdja, le 3 mars 1861. Station unique.

Hippocrepis elegantula Hochst. in Schimp. Pl. Arab. exsicc.

Têskart (temâhaq).

Récolté à Tîn-Têrdja, le 3 mars 1861. Station unique.

Alhagi Maurorum DC.

’Agoûl (arabe).

Reconnue en six stations, dans la Cherguîya, entre Mourzouk et Zouîla, où cette plante est assez abondante pour qu’elle couvre, sur plusieurs lieues d’étendue, tous les espaces que la culture ne lui dispute pas.

Elle ne figure pas dans mon herbier. J’ai cru inutile de recueillir une espèce dont les caractères sont tellement reconnaissables, qu’elle porte le même nom indigène dans toutes ses stations, de la Perse au Sénégal. Je ne crois pas, d’ailleurs, être le premier voyageur qui signale son existence dans l’Est du Fezzân, car l’’agoûl y constitue un fait de peuplement si exceptionnel, qu’il a dû appeler l’attention de tous ceux de mes devanciers qui ont reconnu, exploré ou simplement traversé la Cherguîya.

Les indigènes du Fezzân mangent les longues racines de cette plante. A cet effet, ils les font sécher ; après quoi, ils les réduisent en farine par la mouture.

Tous les ruminants domestiques et même les sauvages, chameaux, chèvres, moutons, gazelles, mangent les sommités de l’’agoûl malgré les épines qui les défendent. L’âne lui-même ne les dédaigne pas.

Il ne paraît pas que cette plante fournisse aux Fezzaniens la sécrétion qu’on a appelée dans l’Orient la manne des pèlerins ; car cette production ne m’a pas été signalée au nombre des produits utiles de cet arbuste.

Il était en fleur en juillet.

Lupinus varius L.

Djezey-Fôk, regarde soleil (temâhaq).

Récolté le 5 mars 1861 à Tîterhsîn. Reconnu seulement en deux stations entre Ghadâmès et Rhât.

Acacia albida Delile ?

Ahadès, Ahatès (temâhaq) ; Agawô (en haoussa).

Récolté le 4 mai 1861 près des ruines du château de Serdélès, sur un arbre gigantesque, mais unique dans le pays des Touâreg Azdjer.

Signalé comme étant plus commun, mais toujours à l’état isolé, dans les montagnes du Ahaggâr.

La cime de cet acacia atteint 15 mètres au moins de hauteur. Son tronc colossal, duquel s’élèvent cinq grands rejetons remarquables par leurs énormes dimensions, semble avoir été couché par les vents depuis fort longtemps. (Voir la planche ci-contre.)

D’après la tradition, il y a un trésor enfoui là où s’arrête l’ombre de l’arbre à l’’aser (3 heures du soir) ; mais on ne l’a pas encore trouvé.

Acacia Arabica Willd. ; Benth.

Talha (arabe) ; Absaq (temâhaq) ; Guerodh (au Fezzân).

Récolté le 7 mars 1861 dans les jardins du Fezzân, mais il croît aussi spontanément en forêts, car j’ai constaté qu’il constitue seize massifs entre Ghadâmès et Rhât, et vingt-deux entre Rhât et Mourzouk, et j’ai déterminé sur mes cartes itinéraires l’étendue de chacun des trente-huit bois qu’il forme.

J’ai acquis aussi la certitude que le talha existe en forêts dans le Tasîli des Azdjer, dans les montagnes du Ahaggâr, sur le plateau de Tâdemâyt et dans tout le Touât, ce qui est confirmé, pour cette dernière station, par M. le commandant Colonieu, qui l’a trouvé dans les oasis du Gourâra.

Plus au Nord, M. Pélissier avait antérieurement constaté son existence au Boû-Heudma, dans le Sud de la régence de Tunis, où il constitue une forêt de plus de 30 kilomètres de longueur.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le talha est signalé dans les mêmes contrées. Voici ce qu’en disait Léon l’Africain il y a trois siècles :

« Et-talche est un grand arbre épineux, ayant les feuilles comme le genèvre, et jette une gomme semblable au mastic, lequel est pour les apothicaires africains sophistiqué avec cette gomme, pour ce qu’elle est de semblable couleur et odeur. Il s’en trouve au désert de la Numidie, de la Libye, et au pays des noirs : mais les arbres qui croissent en la Numidie estant ouverts apparaissent de telle blancheur au dedans que les autres arbres et ceux de Libye sont violets et très-noirs : mais ceux de la terre des noirs sont très-noirs, et du cœur d’iceus (que les Italiens appellent sangu) l’on fait de très-beaux et gentils instruments de musique. Le bois violet est aujourd’huy en usage entre les médecins pour guérir le mal de Naples, au moyen de quoy le bois prend son nom de l’effet : bois guérissant de la vérole. »

Pl. VI. Page 164. Fig. 12 et 13.

Fig. 1. — VUE DES RUINES DU CHÂTEAU D’AGHREM, A SERDÉLÈS
(PRISE DU CÔTÉ OUEST).

D’après un dessin de M. H. Duveyrier.

Fig. 2. — AHATÈS (ACACIA ALBIDA).
(ARBRE GIGANTESQUE PRÈS DU CHÂTEAU RUINÉ DE SERDÉLÈS.)

D’après un dessin de M. H. Duveyrier.

L’arbre de la Numidie et de la Libye auquel Jean Léon attribue tant de propriétés est bien le talha rencontré par moi dans mon voyage, mais il ne jouit plus de la même réputation qu’autrefois, car on se borne à récolter sa gomme, sans exploiter son bois.

L’Acacia Arabica des forêts du pays des Touâreg atteint les proportions des plus grands amandiers dans le Nord de l’Afrique et en Provence : 3 mètres environ d’élévation sous branches et 1 mètre de circonférence. D’après M. Pélissier, ceux de Boû-Heudma seraient non moins remarquables par leur grosseur et leur grandeur.

La gomme que j’ai récoltée à Oubâri est aussi belle que celle de la côte de l’Océan. L’échantillon de la forêt du Boû-Heudma, que M. Pélissier avait envoyé à Marseille, y a été reconnu, par le commerce de cette ville, d’aussi bonne qualité que la gomme du Sénégal.

La gomme, on le sait, est une production maladive de l’arbre, provoquée par une haute température et sous l’influence souvent renouvelée des vents du Sud. Elle sort spontanément des gerçures que la chaleur détermine sur l’écorce de l’arbre ; du moins c’est ce que j’ai constaté dans mon voyage.

On a écrit que la gomme était obtenue par incision ; il est possible que, pour avoir une plus grande production de gomme, on se livre à cette opération, mais elle est inusitée dans les contrées que j’ai parcourues. D’ailleurs, chez les Touâreg, qui manquent souvent de vivres, la gomme est presque toujours mangée dès qu’elle est produite, et on ne la récolte, pour le commerce, que dans les oasis du Fezzân, où l’homme trouve facilement une nourriture plus substantielle.

J’ai cherché à préciser d’une manière certaine les stations de l’Acacia Arabica dans les parties les plus rapprochées du Sahara algérien, parce que cet arbre est un de ceux que nous avons le plus d’intérêt à y acclimater.

Avant moi, M. le docteur Cosson, juge beaucoup plus compétent, a déjà appelé l’attention du gouvernement sur le choix à faire de cette essence pour le reboisement des solitudes sahariennes.

D’après les points où sa présence a été constatée ou signalée, il semble que l’altitude et la qualité du sol lui sont à peu près indifférentes. La seule condition que réclame cet acacia pour prospérer et produire de la gomme est d’avoir beaucoup d’air et de lumière. Dans tous les bois que j’ai parcourus, les arbres sont très-espacés, ce qui avait déjà été remarqué au Sénégal et au Sud du Maroc.

L’Acacia Arabica ne croît pas toujours en arbre : sur la circonférence des forêts et à l’exposition Nord, il ne forme guère que des buissons.

Les Fezzaniens et les Touâreg considèrent l’acacia broussaille comme constituant une espèce différente de l’acacia arbre et lui donnent des noms différents : ’Ankîch (arabe), Tamât (temâhaq) ; mais après comparaison des échantillons de l’’ankîch récoltés à Ouarâret avec ceux du guerodh de provenance fezzanienne, les deux ont été reconnus appartenir à la même espèce.

Les gousses de l’’ankîch, plus faciles à récolter, sont employées à la préparation des cuirs.

La broussaille, comme l’arbre, donne de la gomme.

Les fleurs de l’Acacia Arabica m’ont paru répandre un parfum suave qui aurait quelque succès, s’il pouvait être fixé.

Dans l’inventaire des arbres cultivés au Touât figure un acacia du nom d’aggâra dont les gousses sont aussi récoltées pour la tannerie.

Cet arbre croît spontanément dans le Ahaggâr où il est connu sous le nom de Tâdjdjart. Il m’est indiqué avec la note suivante : « Arbre épineux, à graines amères, dont les gousses sont employées comme tannin. Semblable au talha ou Acacia Arabica, mais distinct cependant. »

Est-ce, sous un nom différent, une variété de l’Acacia Arabica ? Est-ce une autre espèce ? Je l’ignore.

Je consigne ici ce détail pour mémoire et à titre de simple renseignement.

Cassia obovata Coll.

Senâ, Hachîcha, Senâ-el-Mekki (arabe) ; Adjerdjer (temâhaq).

Récolté à Oubâri le 17 mai 1861 ; trouvé sur deux points de ma route entre Ghadâmès et Rhât, sur quatre points différents du Fezzân, sur un point entre Methlîli et El-Golêa’a ; signalé comme couvrant de grands espaces à Wahellidjen et à Arhafra dans les montagnes du Ahaggâr ; très-commun dans le pays d’Aïr.

Le séné pullule partout où les vents portent sa graine. Jadis on le récoltait en abondance pour le vendre sur les marchés de Tripoli, mais la concurrence a tellement fait baisser les prix qu’ils ne couvrent plus les frais de transport.

Les Touâreg distinguent deux variétés de séné : l’adjerjer-afelâmi ou séné des autruches, qui est le plus commun, et l’adjerjer-ouân-Anhef, que produisent les montagnes d’Anhef et qui est le séné noble des Arabes.

Celui du Ahaggâr, qui croît en montagne, est réputé plus actif que celui des autres contrées.

Les indigènes des pays de production, sur la foi de cette parole du Prophète : « Procurez-vous du séné ; vous y trouverez des remèdes contre toutes les maladies, excepté la mort, » en font usage dès qu’ils éprouvent le moindre mal.

Pisum sativum L. ?

Hammîz, Hommoz, Djeldjelân (arabe).

Cultivé dans les oasis. Près de la source de Tinoûhaouen, entre Rhât et le village de Fêouet, j’en ai trouvé un grand champ à maturité le 13 mars 1861. Le propriétaire consentit à m’en vendre. Ce pois me parut délicieux.

Les indigènes mangent toujours les pois secs et non verts. Les ménagères aiment à décorer les plats de couscoussou de guirlandes de pois.

Indépendamment du Pisum sativum, les Oasiens cultivent aussi, pour le même usage, le Cicer arietinum L., sous le nom de djelbâna.

Lathyrus Ochrus DC.

Garfâla (arabe).

Ce lathyrus est cultivé au Fezzân comme plante fourragère.

Faba vulgaris Mœnch.

Foûla (arabe).

La fève de marais est également cultivée dans les oasis. On la mange crue ou cuite. Au printemps, les citadins s’en nourrissent presque exclusivement.

Dolichos... ?

Loûbia (arabe).

Le haricot dolichos est plus rare dans les oasis ; cependant il doit figurer au nombre des plantes potagères qui y sont cultivées.

Medicago ?

Guedhob (arabe et temâhaq).

Sous ce nom, on cultive au Fezzân, comme plante fourragère, une luzerne qui croît spontanément dans le pays et que j’ai trouvée en six stations entre Oubâri et Zouîla.

Ne l’ayant rencontrée ni en fleurs, ni en fruits, elle ne figure pas dans mon herbier.

Cette plante serait-elle le Medicago pentacycla DC. que Prax a trouvée dans les cultures tunisiennes ?

Trifolium ?

Foçça (arabe).

Cultivé au Fezzân et au Touât comme plante fourragère, principalement pour l’usage des chevaux.

D’après M. le commandant Colonieu, au Touât, on faucherait cette Légumineuse tous les vingt jours pour en nourrir les moutons.

Au Fezzân, on vend également cette plante sur tous les marchés.

ROSACÉES.

Neurada procumbens L.

Saàdân, Kofeïza (arabe) syn. Coss. ; Nefel, Anefel (ânefel) (temâhaq).

Récolté le 2 mars 1861 à Tîn-Têrdja. Reconnu en huit stations de Ghadâmès à Rhât. Indiqué comme étant commun dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah.

Bonne plante fourragère.

AMYGDALÉES.

Amygdalus communis L.

Chedjret-el-Loûz (arabe) ; Ibaobaoen (temâhaq).

L’amandier, dans le Sahara, rencontre les conditions qui lui conviennent le mieux, bien qu’il n’existe pas dans les oasis du Nord ; on le trouve à Ghadâmès, à Tessâoua et dans les jardins du Fezzân.

Son fruit frais, frek, est très-recherché.

Son fruit sec, loûz, est quelquefois employé en boisson émulsive. On en extrait une huile, zît-el-loûz, consacrée aux mêmes usages que chez nous.

L’arbre donne une gomme, ’alk-el-loûz, qui est mangée.

Amygdalus Persica L.

Chedjret-el-Khoûkh (arabe).

Le pêcher réussit mal dans les oasis. Il est rare, ses fruits sont de qualité médiocre.

La station la plus méridionale de cet arbre est à Tessâoua.

Prunus Armeniaca L.

Chedjret-el-Berkoûk (arabe).

L’abricotier atteint souvent dans les oasis, notamment à Ghadâmès, le développement des plus grands arbres, mais ses fruits perdent de leur qualité au fur et à mesure qu’on avance dans le Sud.

A Tunis et à Biskra, on prépare des abricots secs qui sont vendus dans le commerce sous le nom de mechmâch.

Prunus domestica L.

Chedjret-el-’Aïn (arabe).

Le prunier à fruits oblongs, cultivé dans les oasis du Nord, se retrouve encore dans les oasis du Sud, mais plus rarement.

POMACÉES.

Malus communis L.

Chedjret-et-Teffâh (arabe).

Le pommier, quoique rare, est aussi acclimaté dans les oasis, mais ses fruits sont sans goût et mauvais.

Les pommes étaient en pleine maturité à mon passage à Tessâoua, le 5 juin.

Tous ces arbres importés d’autres climats ne sont pas là dans leur élément. Sans l’ombre protectrice des dattiers, ils ne pourraient pas même vivre.

Cydonia vulgaris Pers.

Seferdjel (arabe).

Le coignassier est aussi un des arbres fruitiers cultivés dans les oasis où il acquiert un développement considérable.

LYTHRARIÉES.

Lawsonia inermis L.

Henna (arabe) ; Anella (temâhaq).

Cultivé dans toutes les oasis, mais particulièrement au Touât, car on donne souvent au district qui la produit le nom de Touât-el-Henna.

Le henné affectionne les terres basses, chaudes, humides des lignes de fonds du Sahara, comme celles de Gâbès, du Nefzâoua, du Belâd-el-Djerîd, de l’Ouâd-Rîgh, d’Ouarglâ et du Touât, qui constituent une zone de même formation et de même climat, également riche en eau et en chaleur, conditions que réclame impérieusement la culture de cette plante tinctoriale pour atteindre les développements que désire l’industrie.

Si je suis bien renseigné, le henné peut être cultivé comme plante herbacée et annuelle, à la façon des plantes fourragères, semé comme elles, fauché comme elles, et séché comme elles.

S’il en était ainsi, le Sahara pourrait produire le henné en grande quantité et aux conditions de prix fixées par le commerce, qui sont en moyenne de 1 fr. par kilo.

Au Nord de la ligne des bas-fonds ci-dessus énumérés, le henné ne vient qu’exceptionnellement à maturité. Aussi, pour toutes les cultures du Tell algérien, il faut demander des graines au Sahara ; dès lors c’est dans le Sahara et non le Tell que le commerce doit aller chercher le henné dont il a besoin.

Ce que j’aurai à dire du henné dans le deuxième volume de cet ouvrage, au chapitre consacré à la matière commerciale saharienne, me dispense d’entrer ici dans de plus grands détails sur les divers emplois de cette plante.

GRANATÉES.

Punica Granatum L.

Roummâna (arabe) ; Tarroummant (temâhaq).

Le grenadier est cultivé avec succès dans toutes les oasis.

Son fruit aigrelet convient particulièrement au climat : aussi est-il très-estimé.

Les écorces du tronc et de la racine sont employées comme vermifuges et les feuilles comme hémostatiques.

CUCURBITACÉES.

Cucumis Melo L.

Bettîkha (arabe).

De nombreuses variétés de melons sont cultivées par les Sahariens. Celles préférées sont les melons à chair aqueuse, particulièrement les melons verts d’Espagne.

Cucumis sativus L.

Foggoûs (arabe) ; Itekel (temâhaq).

Le concombre entre pour une part très-considérable dans l’alimentation des Oasiens. On le mange généralement avec des dattes, à l’imitation du Prophète, qui disait : « Le froid des concombres compense la chaleur des dattes, et la chaleur des dattes compense le froid des concombres. »

Cucumis Colocynthis L.

Handhal (arabe) ; Alkat (temâhaq) ; Tajellet (mezabite).

Récolté le 18 janvier 1859 dans l’Ouâd-Mezâb et le 24 août 1861 dans les montagnes de la Sôda.

Croît spontanément partout. Rencontré en cinq stations entre Ghadâmès et Rhât ; en deux de Tîterhsîn à la Cherguîya ; indiqué dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah. Assez commun dans le pays des Teboû pour que la vente de ses graines, aguellet, soit l’objet d’un commerce.

Les auteurs grecs et romains ont signalé, comme une très-grande aberration du goût, l’usage que les Troglodites (Teboû modernes) faisaient de la graine de la coloquinte. Cet usage s’est perpétué jusqu’à nos jours. Les graines de coloquinte, débarrassées de leur principe amer par l’ébullition et torréfiées, sont encore vendues aujourd’hui sous le nom de taberka par les Teboû sur les marchés et recherchées comme aliment de luxe.

A l’imitation de mes compagnons de route, j’ai mangé des graines de coloquinte et je n’ai pas trouvé qu’elles fussent dignes de la réprobation des anciens. J’avoue cependant qu’il faut habiter le pays de la famine pour avoir l’idée de chercher un aliment dans la graine d’une pareille plante.

La graine de coloquinte, non débarrassée de son principe amer, est donnée comme boisson, en mélange avec de l’ail, contre les morsures de vipères.

Cucurbita maxima Duch.

Guera’a (arabe) ; Takasâïm (temâhaq).

Le potiron, qui atteint dans les oasis des proportions gigantesques, est un aliment très-prisé dans le Sahara, comme tous les fruits de la famille des Cucurbitacées.

Cucurbita Pepo Seringe.

Kâboûïa (arabe) ; Kabêoua (temâhaq).

La citrouille est cultivée concurremment avec le potiron et est recherchée comme lui.

Cucumis Citrullus Seringe.

Della’a (arabe) ; Tiledjest (temâhaq).

Dans les pays chauds, la pastèque est le sorbet le plus agréable qu’on puisse trouver. On en cultive, dans tout le Sahara, de nombreuses variétés à chair rouge, à chair blanche et à chair jaune. Toutes sont sucrées et très-rafraîchissantes.

Lagenaria vulgaris Seringe.

Guera’a (arabe).

Cette courge bouteille est principalement cultivée pour son écorce solide. On en fait des vases, mais surtout des instruments de musique à cordes, compagnons obligés de toutes les femmes et de tous les nègres qui se vengent de l’infériorité de leur position sociale, en chantant et en dansant, dès que leurs maîtres leur laissent un instant de liberté.

TAMARISCINÉES.

Tamarix articulata Vahl.

Ethel (arabe) ; Tabarkat (temâhaq).

Échantillon récolté à El-Bedîr le 20 juillet 1861.

La carte itinéraire de mon voyage indique 65 bois de tamarix, dont 58 entre Ghadâmès et Rhât et 7 entre Tîterhsîn et la Cherguîya.

Chez les Touâreg, le tamarix éthel est l’arbre le plus important par son nombre, par les proportions qu’il atteint et par les services qu’il rend.

Sur la ligne de Rhât à Ghadâmès, la limite Nord de cet arbre est à Tahâla par le 29e degré de latitude ; à partir de ce point, on le trouve dans tous les bas-fonds des vallées, où il forme quelquefois, soit seul, soit mélangé à d’autres tamarix, d’importantes forêts qui rompent la monotonie saharienne.

Au Sud de l’Algérie, l’éthel se montre pour la première fois sur l’Ouâd-Nesâ inférieur.

Cet arbre, à moins de mutilation dans son jeune âge, pousse en un tronc unique, qui s’élève à plusieurs mètres de hauteur et porte généralement de 1m 50 à 2m de circonférence.

A Azhel-n-Bangou, un éthel, celui sous lequel le forgeron Bangou avait établi son atelier, d’où lui est venu ce nom, mesure à sa base 5m 40 de circonférence. C’est un véritable géant pour la région saharienne ; mais il n’est pas le seul, car j’en ai remarqué d’autres qui m’ont paru presque aussi gros.

Souvent cet arbre pousse en groupes de quatre à cinq pieds, mais toujours distincts les uns des autres.

Souvent aussi il se ramifie à partir de terre et projette des branches tortueuses dans toutes les directions.

Son feuillage, composé de fils articulés, retombe gracieusement comme des plumes. Il est d’un beau vert bleuâtre.

Le bois de l’éthel, de couleur jaune rosé, léger, tendre, cependant solide, fournit à l’industrie locale des planches, des poutres, mais surtout du bois de tour avec lequel on confectionne des plats, des vases et même des selles de dromadaire.

Son fruit, nommé par les Arabes adabeh, paraît jouir de propriétés astringentes et tannantes très-marquées, car on l’emploie concurremment avec la galle de cet arbre et celles des autres tamarix sahariens à la préparation des cuirs.

La galle des tamarix, nommée takaout, est un des meilleurs tannins connus. J’aurai l’occasion de revenir sur ce produit dans le deuxième volume de cet ouvrage.

L’éthel n’est pas partout apprécié comme il l’est dans le pays des Touâreg, car on lit dans le Coran, chapitre XXIV, verset 15 :

« Dieu, pour se venger des habitants de Saba, rompit les digues qui les préservaient de l’inondation, et leurs jardins furent envahis par l’éthel. »

Arbre de malédiction à Saba, l’éthel est souvent béni dans le Sahara pour l’ombre qu’il donne aux voyageurs après des marches pénibles.

Tamarix Gallica L.

Tarfa, Ethel (arabe) ; Tabarkat (temâhaq).

Échantillons rapportés de la Heycha de Chegga, le 25 novembre 1859 ; d’El-Faïdh le 31 mai ; de l’Ouâdi-’l-Ethel, le 17 octobre ; de l’Ouâdi-Tirhît, le 18 novembre 1860 ; de Tekertîba, le 28 mai 1861.

Les indigènes confondent souvent cette espèce avec la précédente, parce qu’elles peuplent les mêmes forêts, donnent les mêmes produits et servent aux mêmes usages. J’ai pu constater cette confusion par le nom d’Ouâdi-’l-Ethel, qu’ils donnent à des vallées dont les lits sont couverts des deux espèces et quelquefois même du T. Gallica seul, à l’exclusion de l’articulata.

Le Tamarix Gallica, qui est l’espèce dominante dans le Tell, paraît s’étendre très-loin au Sud dans le Sahara.

Le bois de cet arbre, presque toujours atteint par la pourriture, dans le Nord, ce qui le rend impropre à tout usage, paraît conserver toutes les qualités d’un bois d’œuvre dans le Sud.

Tamarix pauciovulata J. Gay.

Tarfa, Ethel, Azaoua (arabe) ; Tâzaouat, Tabarkat (temâhaq).

Récolté le 11 décembre 1860, sur l’Ouâdi-Sodof, et le 1er janvier 1861, à Sâghen. Paraît commun dans les vallées du Ahaggâr.

Mélangé dans les vallées avec les précédents, il est souvent confondu avec eux.

Tamarix Africana Poir ?

Tarfa (arabe).

Récolté à ’Aïn-ed-Dowîra le 4 février 1860.

Tamarix Africana var. laxiflora J. Gay.

Tarfa (arabe).

Récolté aux environs de Nafta le 8 mars 1860.

Ces deux dernières espèces, communes sur le littoral, semblent affectionner des stations septentrionales, car je ne les ai pas trouvées au delà de la zone de l’’Erg.

PARONYCHIÉES.

Sclerocephalus Arabicus Boiss.

Tasakkaroût (temâhaq).

Récolté à Tiferghasîn, entre Ghadâmès et Rhât, le 5 mars 1861.

Cette plante, ainsi que l’indiquent son nom botanique et la station dans laquelle elle a été trouvée, appartient aux régions chaudes du Sahara.

PORTULACÉES.

Portulaca oleracea L.

Ridjla (arabe) ; Benderâkech (temâhaq).

Le pourpier est une des cultures des oasis et une de celles qui réussissent le mieux.

Indépendamment du ridjla, on trouve encore deux autres variétés de pourpier : le tafrîta et le boguel, ce dernier connu aussi sous le nom de bortoulâkech, probablement parce qu’il a été importé du Portugal.

FICOIDÉES.

Aizoon Canariense L.

Taouit (temâhaq).

Trouvé et récolté dans une station unique, à Tîn-Arrây, le 1er mars 1861.

Cette plante est mangée par les Touâreg, ce qui implique qu’elle est assez commune dans d’autres contrées de leur pays.

Nitraria tridentata Desf.

Ghardek (arabe) ; Atarzîm (temâhaq).

Échantillon du Sahara algérien, récolté entre ’Oglat-Setîl et Merhayyer, le 3 juin 1860. Reconnu en six stations entre Tîterhsîn et le Cherguîya, principalement entre Mourzouk et Zouïla, où il dispute le sol à l’Alhagi Maurorum.

« Le fruit de cet arbrisseau, damouch, est une baie rougeâtre, dit M. le consul Pélissier, d’un goût exquis, mélange de ceux de la fraise, de la framboise et de la groseille. L’effet de ce fruit sur l’organisme, ajoute-t-il, est une fraîcheur vivifiante, disposant l’esprit à la gaieté et laissant dans la mémoire de l’estomac une forte appétence pour cet aliment suave et presque aérien. »

M. Pélissier, auquel j’emprunte cette appréciation, estime que c’est là le véritable Lotus des anciens, attendu qu’il croît en abondance dans l’île de Djerba, l’ancienne Lotophagitis.

Adhuc sub judice lis est.

OMBELLIFÈRES.

Apium graveolens L.

Kerâfes (arabe).

Récolté sous les palmiers de Sîdi-Khelîl.

Plante sans importance.

Deverra scoparia Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Gouzzah (arabe).

Trouvé et récolté le 14 novembre 1860, dans l’Ouâdi-Tirhît, du plateau de Tînghert. Reconnu sur la Chebka des Benî-Mezâb. Signalé sur le plateau de Tâdemâyt.

Petite plante, très-odorante, très-commune dans les stations qu’elle affectionne.

Scandix Pecten-Veneris L.

Sennârt-el-Behâïm (arabe).

Récolté dans les environs du Chott-Melghîgh.

Plante sans importance.

Daucus Carota L.

Zeroûdïa (arabe) ; Ezzeroûdîet (temâhaq).

La carotte est cultivée dans les oasis, mais en très-petite quantité.

Cuminum Cyminum L.

Kerouïa (arabe).

Cultivé dans les jardins des oasis comme épice. On mêle sa graine avec le sel et le poivre pour saupoudrer les aliments.

Dans les embarras gastriques, on en avale une pincée matin et soir.

Dans quelques villes du littoral méditerranéen, on distille la graine et on en obtient une liqueur, mâ-kerouïa, qui est considérée comme un spécifique des douleurs intestinales.

Coriandrum sativum L.

Gouzbîr (arabe).

Cette Ombellifère aromatique est cultivée dans les jardins pour sa graine connue sous le nom de tabel.

Le tabel est employé avec le sel et le poivre pour conserver les viandes sèches à l’usage des caravanes. On s’en sert aussi dans les ragoûts.

La médecine indigène préconise un sirop de graine de coriandre dans les affections chroniques de poitrine.

COMPOSÉES (CORYMBIFÈRES).

Francœuria crispa Cass.

Récolté le 20 septembre 1860 à la Gueráa de Ben-’Aggiou.

Pulicaria undulata DC.

Ameo (temâhaq).

Trouvé et récolté en une station unique sur l’Ouâdi-Alloûn le 29 février 1861.

Astericus graveolens DC.

Nogued (arabe) ; Akatkat (temâhaq).

Récolté sur le sommet de la Gâra de Tisfîn le 16 septembre 1860 et à Aghelâd le 8 février 1861.

Reconnu dans les environs de Ghadâmès, en sept stations entre Ghadâmès et Rhât. Signalé dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah, ainsi que sur le plateau de Tâdemâyt.

Plante sans importance, au point de vue de l’utilité.

Anvillea radiata Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.

Chedjret-edh-dhobb, ’Arfej (arabe) ; Tehetit (temâhaq).

Reconnu dans l’’Erg, à Tîterhsîn, et à Serdelès.

Récolté le 20 septembre entre Gueráa-ben-’Aggiou et l’Ouâdi-Gober-Sâlah.

Signalé comme étant commun entre Rhât et In-Sâlah.

Cette plante frutescente, qui croît en vastes touffes blanchâtres, couvertes de fleurs jaunes au printemps, embrasse souvent de grands espaces auxquels elle donne un aspect tout particulier.

Cyrtolepis Alexandrina DC.

Récolté dans des lieux incultes à Gâbès, les 17 et 21 mars 1860.

Sans utilité.

Artemisia Herba-alba Asso.

Chîh (arabe) ; Azezzeré (temâhaq).

Reconnu de Methlîli à El-Golêa’a.

Signalé commun entre Rhât et In-Sâlah.

Les sommités fleuries de cette plante sont récoltées, séchées, réduites en poudre et prises comme digestives.

Quand les Touâreg sont venus en France, ils avaient leur provision de cette poudre et en faisaient souvent usage.

Une décoction de feuilles et de fleurs est donnée aux enfants atteints de vers intestinaux.

Artemisia campestris L.

Chîh (arabe) ; Tiheredjdjelé (temâhaq).

Commun dans le Ahaggâr.

Cette espèce, plus grande que la précédente, sert aux mêmes usages.

Tanacetum cinereum DC.

Robîta (arabe) ; Tâkkilt (temâhaq).

Récolté le 9 février 1861 sur l’Ouâdi-Tarât. Reconnu en six stations entre Ghadâmès et Rhât.

Chlamydophora pubescens Coss. et DR. Cotula pubescens Desf.

Gartoûfa (arabe), syn. Coss.

Récolté le 7 mars 1860 entre Guettâra-Ahmed-ben-’Amâra et Gâret-Djâb-Allah et le 8 février 1861 à Aghelâd.

Affectionne les terres alluvionnaires salines de heycha. Plante sans importance.

Senecio coronopifolius Desf.

Beddâna (arabe) ; Temasâsoui (temâhaq).

Récolté entre Guettâra-Ahmed-ben-’Amâra et Gâret-Djâb-Allah le 7 mars 1860 et à Sâghen le 1er janvier 1861.

Croît dans les terrains de heycha.

COMPOSÉES (CHICORACÉES).

Spitzelia Saharæ Coss. et Kral.

Tasoûyé (temâhaq).

Récolté sur l’Ouâdi-Alloûn le 29 février 1861.

Lomatolepis glomerata Cass.

Harchâïa (arabe), syn. Coss. ; Rhardélé (temâhaq).

Récolté le 29 février 1861 sur l’Ouâdi-Alloûn.

Sonchus maritimus L.

Sîf-el-Ghorâb (arabe).

Récolté aux environs de Nafta le 8 mars 1860.

Sans importance.

Tourneuxia variifolia Coss. in Bull. Soc. bot.

Récolté entre Hâssi-Dhomrân et Cháabet-Timedaqsin le 9 septembre 1859.

Zollikoferia quercifolia Coss. et Kral. Sonchus quercifolius Desf.

Récolté le 12 mars 1860 dans les montagnes de Kerîz.

Petite plante sans importance.

Zollikoferia angustifolia Coss. et DR. Sonchus angustifolius Desf.

Récolté sur la Hamâda de Tînghert près de la Gâra de Tîsfîn (environs de Ghadâmès), le 16 septembre 1860.

Zollikoferia resedifolia Coss. Sonchus chondrilloides Desf.

’Adhîdh (arabe).

Récolté sur l’Ouâd-Mezâb le 18 juillet 1859 et sur le rivage de la mer à Gâbès les 17 et 21 mars 1860. Commun dans la partie septentrionale du Sahara algérien et tunisien.

Recherché par les chameaux.

PRIMULACÉES.

Anagallis arvensis L.

Récolté, le 13 mars 1860, dans les terrains humides aux environs du Chott-Melghîgh.

Aime les terrains humides.

Samolus Valerandi L.

Récolté à Tânout-Tîrekîn, près de Djâdo, le 7 novembre 1860.

OLÉACÉES.

Olea Europæa L.

Zitoûna (arabe) ; Tahatimt (temâhaq).

L’olivier croît spontanément dans toutes les parties de la péninsule atlantique réputées appartenir au Tell (Tellus des Romains), mais, dans le Sahara, il est toujours une conquête de la culture.

A Tessâoua, capitale de l’Ouâdi-’Otba, ancien centre de civilisation nègre et l’une des premières villes conquises par les Arabes, on en trouve d’énormes, à gros fruits, aussi remarquables par leur développement que les plus beaux sujets de la même espèce sur le littoral méditerranéen.

Tant à Tessâoua que dans le reste du Fezzân, on en compte une vingtaine de pieds, tous cultivés pour olives de table. Que je sache, ces oliviers doivent être les plus méridionaux de ceux connus sur le continent africain.

On constate facilement, dans cette localité, qu’on est sur le terrain d’une zone de transition, car, à côté de cultures soudaniennes, coton et indigo, croissent l’olivier, le pêcher, le pommier et le citronnier, qui appartiennent aux zones plus tempérées du Nord.

ASCLÉPIADÉES.

Periploca angustifolia Labill.

Hallâb (arabe).

Récolté dans les ouâdi de la Djefâra, près de Tripoli, les 18 octobre et 12 novembre 1860.

En 1859, j’avais rencontré cette plante sur l’Ouâd-Mâssek, entre Methlîli et El-Golêa’a.

Cette broussaille est mangée par les chameaux.

Calotropis procera R. Br.

Korounka (arabe) ; Tôreha (temâhaq).

Récolté à Methlîli en juillet et août 1859. Déjà trouvé, en 1858, sur le même point, par M. le docteur Cosson. Reconnu en quatre stations entre Ghadâmès et Rhât. Signalé au Touât.

La limite Nord de cette plante tropicale est à Methlîli, au Sud de l’Algérie, et dans la Djefâra, plaine au Sud de Tripoli.

La forme et la couleur de cet arbuste rappellent celles du chou domestique. Sa fleur est blanche à la base et violette au sommet. Sa tige atteint 2m de hauteur.

Les graines que j’avais envoyées, en 1859, au Jardin d’acclimatation d’Alger, n’ont pas levé, probablement parce qu’elles n’étaient pas en parfaite mâturité. Depuis, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer cette espèce en graine.

Les Touâreg utilisent la tige de cette plante dans la confection des selles et des cages de voyage pour les femmes. Au Touât, on l’emploie exclusivement, convertie en charbon, pour la préparation de la poudre.

Pl. VII. Page 180. Fig. 14 et 15.

Fig. 1. — VUE DE TESSÂOUA, PRISE DU CÔTÉ NORD.

D’après un dessin de M. H. Duveyrier.

Fig. 2. — INSCRIPTION COUFIQUE SUR UNE TOMBE DE L’ANCIEN CIMETIÈRE DE TESSÂOUA.

D’après un estampage de M. H. Duveyrier.

Les Arabes de la Tripolitaine, dit-on, s’en servent comme purgatif.

Dæmia cordata R. Br.

Oumm-el-leben (arabe) ; Tellâkh (temâhaq).

Récolté le 24 août 1861 sur l’Ouâdi-Tîn-Guezzîn dans la Sôda. Reconnu en deux points de ma route entre Ghadâmès et Rhât.

GENTIANÉES.

Erythræa pulchella Fries var. ?

Tifechkan (temâhaq).

Récolté près de la source de Serdélès, le 3 mai 1861.

CONVOLVULACÉES.

Cressa Cretica L.

’Achbet-el-mâ (arabe).

Récolté sur l’Ouâdi-Aouâl le 17 septembre 1860.

BORRAGINÉES.

Heliotropium Europæum L.

Dhaharet-ech-chems (arabe).

Récolté dans l’Ouâd-Mezâb, pendant l’été 1859.

Echiochilon fruticosum Desf.

Ras-hamrâ (arabe).

Récolté le 7 mars 1860, entre El-Ouâd et Nafta.

Commun dans les terres de heycha.

Sans importance.

Lithospermum callosum Vahl.

Ralma (arabe).

Récolté dans la plaine d’El-Bâla entre Methlîli et El-Golêa’a le 8 septembre 1859.

Plante des sables, sans importance.

Trichodesma Africanum R. Br.

Tâlkaït (temâhaq).

Récolté le 1er mars 1861 à Tîn-Arrây.

SOLANÉES.

Physalis somnifera L.

Farhaorhao (temâhaq).

Récolté le 17 mai et le 24 juin à Oubâri et à Mourzouk. Commun dans toutes les oasis du Fezzân.

Grande plante ; narcotique comme les autres Solanées vireuses.

Lycium Mediterraneum Dunal.

Aoused (arabe).

Récolté dans les rochers de Djâdo, le 28 octobre 1860, et à Qaçar-el-Hâdj, le 18 octobre 1861.

Les Arabes font avec une décoction concentrée de Lycium et le blanc d’Espagne (Biodh-el-Ouedj) une pâte dont on couvre les yeux, dans la petite-vérole, pour éviter qu’ils soient atteints.

La même pâte est employée dans les ophtalmies graves.

Hyoscyamus Falezlez Coss. sp. nova.

Goungot (arabe tripolitain) ; Falezlez (arabe saharien) ; Afahlêhlé (temâhaq).

Récolté sur l’Ouâdi-Aouâl, le 17 septembre, et sur la Gueráa-ben-’Aggiou, le 20 septembre 1860 ; commun entre Ghadâmès et Rhât, dans tout le pays des Touâreg ainsi qu’au Fezzân.

Plusieurs localités, sur le versant nigritien du plateau central du Sahara, portent le nom de cette plante, Falezlez ou In-Afahlêhlé, notamment sur les routes de Rhât à Agadez et d’In-Sâlah à Timbouktou.

Le désert de Tânezroûft en est aussi empoisonné, mais elle ne croît plus au Sud. Cette plante nouvelle paraît exclusivement saharienne.

Le falezlez est un poison très-actif pour tous les animaux autres que les ruminants. Il engraisse les chameaux, les chèvres et les moutons, et donne la mort, en quelques heures, à l’homme, au cheval, à l’âne et au chien.

J’ai apprécié les qualités vénéneuses de cette plante dans des circonstances qui doivent être relatées.

Un jour, mon cheval qui, pour la première fois dans le Sahara, rencontrait des feuilles vertes et tendres, se jeta avec avidité sur cet Hyoscyamus. Les Touâreg témoins de son inexpérience m’annoncèrent la mort très-prochaine de la pauvre bête.

Comme on exagérait toujours à mes yeux les dangers du voyage d’un chrétien dans le Sahara, je ne voulus pas m’en rapporter au pronostic de mes compagnons indigènes, et, malgré leurs prières de m’abstenir, je goûtai une feuille de cette maudite herbe et je reconnus bientôt que les Touâreg avaient raison.

Mon cheval mourut en peu de temps et je fus assez gravement indisposé.

Peu après l’expérience, je fus pris d’un engourdissement et d’un froid général, avec la vue voilée, tendance et disposition au sommeil. Je me remis d’abord en prenant quelques gouttes de rhum, mais, pendant plusieurs jours, je ressentis les effets de mon imprudence.

Mon cheval, qui avait été moins réservé que moi, commença à se coucher sur le flanc et à donner, de temps à autre, des ruades et des coups de tête convulsifs. L’œil devint terne tout de suite.

En vain je lui administrai de l’ammoniaque et de l’alcool étendu d’eau, puis, sur le conseil des Touâreg, une boisson faite avec du poivre rouge et des dattes : rien n’y fit. En quelques heures, l’animal était ballonné, il n’ouvrait plus les yeux et respirait difficilement. Dans la nuit il mourut gonflé comme une outre.

Qui le croirait ? malgré les dangers de l’usage de cette plante, les indigènes l’emploient comme aliment et comme médicament ! Ses feuilles récoltées sont transportées, vendues et recherchées sur le marché de Timbouktou.

Je ferai connaître le mode d’emploi du falezlez en passant en revue les pratiques médicales des Touâreg.

D’après les indigènes, les propriétés toxiques de cette Solanée, comme celles de beaucoup de plantes, seraient en raison directe de l’altitude des lieux où elle croît. Presque inoffensive aux environs de Tripoli, déjà dangereuse sur les plateaux du Fezzân, elle devient poison actif dans les montagnes des Touâreg. J’ignore si mes informateurs ne confondent pas des espèces voisines, mais jouissant de propriétés différentes.

Quoi qu’il en soit, dans les cas où cette plante vireuse agit avec le moins de gravité, elle détermine des accidents cérébraux qui sont qualifiés de folie par les gens du pays.

L’Hyoscyamus Falezlez s’élève à 1/2 mètre de hauteur et met deux années pour atteindre tout son développement. Il vit pendant 5 ou 6 ans, montrant ses grandes feuilles vertes au-dessus des herbes sèches de la végétation annuelle.

En attendant la description de cette plante par M. le docteur Cosson, voici comment elle est définie dans mon journal de voyage :

Racine simple, s’enfonçant verticalement à une certaine profondeur.

Feuilles larges, charnues, succulentes, d’un vert peu foncé, avec larges nervures presque blanches ;

Calice grand, vert, charnu, à cinq sépales ou échancrures au sommet ;

Fleur violette ;

Solanum Melongena L.

Badindjâl (arabe).

L’aubergine est encore un des fruits cultivés et estimés dans les oasis.

Lycopersicum esculentum Dunal.

Tomâtich (arabe).

La tomate, plus encore que l’aubergine, est commune dans les jardins des oasis.

Capsicum annuum L.

Felfel-el-ahmar (arabe) ; Chitta (temâhaq).

Le piment est le condiment de la plupart des mets africains. On en cultive plusieurs variétés et en grande quantité, non-seulement pour l’approvisionnement des citadins, mais encore pour celui des nomades.

Nicotiana rustica L.

Doukhkhân (arabe) ; Tâba, Tâberha (temâhaq).

La seule variété cultivée dans les oasis est le tabac rustique, qui est très-fort et dont l’odeur est très-piquante.

C’est au Soûf et au Touât que les cultures sont les plus étendues.

L’usage du tabac est plus général parmi les indigènes du Sahara que dans le Tell, et on le prend sous toutes les formes, per fas et nefas.

Chez les Touâreg, hommes et femmes fument, et, quoique la fumée du tabac rustique soit très-âcre, hommes et femmes la rendent par le nez.

Le tabac en poudre est pilé très-fin et mêlé à un huitième de natron pour lui donner plus de montant. En cet état on le prend par le nez et par la bouche.

Les femmes arabes, mariées à onze ans, mères à douze, vieilles à vingt, employent le tabac comme aphrodisiaque en s’en saupoudrant certain organe.

Pour l’honneur de l’humanité, je m’empresse de dire que cet usage exceptionnel et impudique, inconnu des Touâreg, est circonscrit dans le Sud-Est du Sahara algérien, de Laghouât au Soûf, particulièrement chez les arabes Nemêmcha. Là, ce mode d’emploi semble si naturel que la femme n’attend pas, dit-on, d’être hors de la vue de l’homme pour utiliser la prise qui lui a été offerte.

En raison de ces nombreux usages, le tabac est l’objet d’un grand commerce dans le Sud.

SCROFULARINÉES.

Linaria fruticosa Desf.

Tâzeret (temâhaq).

Chargement de la publicité...