Les Touâreg du nord
Récolté le 1er mars 1861, à Tîn-Arrây.
Plante presque ligneuse.
Linaria laxiflora Desf.
Récolté le 1er mars 1860 à Mouï-el-Ferdjân, entre l’Ouâd-Rîgh et le Soûf.
Commun dans les terres de heycha.
Petite plante sans importance.
OROBANCHACÉES.
Phelipæa violacea Desf.
Dhânoûn (arabe) ; Ahêliwen, Timzhellitîn, Fetekchên (temâhaq).
Récolté sur le littoral de Gâbès, les 17 et 21 mars 1860. Signalé en plusieurs stations, dans les montagnes, entre Rhât et In-Sâlah.
Cette plante remarquable, à tige unique, sans branches ni feuilles, haute de 60 centimètres, n’apparaissant que dans les sables, est mangée dans les temps de disette. A cet effet, disent les indigènes, on la fait bouillir, puis sécher au soleil, afin de pouvoir la réduire en farine. La fécule ainsi obtenue est mélangée à d’autres substances alimentaires.
LABIÉES.
Lavandula multifida L.
Kammoûn-el-djemel, Kerouïet-el-djemel (arabe) ; Djey (temâhaq).
Récolté sur l’Ouâdi-Arhlân, près de Djâdo, le 28 octobre 1860 ; dans le pays des Harâba, le 12 novembre 1860 ; à Tîn-Arrây, le 1er mars 1861. Signalé comme étant commun dans les montagnes du Ahaggâr.
Cette plante est recherchée par les chameaux à raison de ses propriétés aromatiques.
Thymus hirtus Willd.
Za’ater (arabe).
Récolté entre Hâmma et Gâbès, le 18 mars 1860.
Tous les thyms auxquels les indigènes donnent le nom de za’ater sont récoltés et employés pour aromatiser les aliments. Les habitants des pays où ils croissent les échangent dans les oasis contre des dattes.
Dans la médecine arabe, les thyms sont employés comme stomachiques.
Thymus capitatus Link et Hoffm.
Za’ater (arabe).
Récolté sur l’Ouâdi-Tirhît, le 18 novembre 1860.
En général, dans le Sahara, les thyms marquent les lignes des bas-fonds par lesquelles s’écoulent les eaux pluviales.
Salvia Ægyptiaca L.
Récolté sur les berges de l’Ouâd-Mezâb, le 18 juillet 1859.
Les feuilles et les sommités fleuries de toutes les sauges sont employées par les indigènes en infusion théiforme, comme excitant digestif.
Beaucoup d’entre eux mettent volontiers des feuilles de sauge dans leurs fosses nasales pour y maintenir la fraîcheur.
Rosmarinus officinalis L.
Kelîl (arabe) ; Ouzbîr (berbère).
Récolté dans le pays des Harâba, le 12, et sur l’Ouâdi-Tirhît, le 18 novembre 1860.
Les feuilles de romarin, récoltées dans le Sahara, sont transportées par les caravanes dans l’Afrique centrale comme article d’échange.
On s’en sert pour aromatiser les aliments.
La médecine arabe leur attribue des propriétés vulnéraires : aussi toutes les plaies récentes sont-elles couvertes de poudre de romarin.
GLOBULARIÉES.
Globularia Alypum L.
Tâselrha (arabe et temâhaq).
Reconnu entre Ghadâmès et Rhât.
Dans toutes les contrées où pousse cette plante, ses branches et ses feuilles sont employées en tisane concentrée, et avec succès, contre les fièvres intermittentes et les éruptions furonculeuses.
PLOMBAGINÉES.
Statice Bonduellii Lestib.
Châchîet-edh-dhobb (arabe).
Récolté sur l’Ouâd-Mezâb, dans l’été 1859.
Statice globulariæfolia Desf.
Messâs (arabe).
Récolté dans l’Ouâdi-Tagotta, le 18 novembre 1860.
Statice pruinosa L.
Guedhâm-el-ghozâl (arabe).
Récolté dans la heycha de Chegga, le 25 novembre 1859.
En général, toutes les Statice sont recherchées par les animaux comme plantes salées.
Limoniastrum Guyonianum DR.
Zeïta (arabe) ; Tafonfela (temâhaq).
Récolté dans la heycha de Chegga, le 25 novembre 1859 ; à El-Faïdh, le 31 mai 1860 ; signalé comme étant commun dans les oasis du Touât et dans les montagnes du Ahaggâr.
Cet arbuste atteint quelquefois les proportions d’un petit arbre et couvre d’assez grands espaces pour former des bosquets.
Bubania Feei de Girard.
Melhafet-el-khâdem, Râs-el-khâdem (arabe).
Reconnu en 1859, entre Methlîli et El-Golêa’a.
L’herbier de cette course, ainsi que d’autres parties de mon bagage, a été confisqué par les habitants de la ville alors inhospitalière d’El-Golêa’a.
PLANTAGINÉES.
Plantago ovata Forsk.
Halma (arabe).
Reconnu en quatre stations de ma route, entre El-Ouâd et Ghadâmès, du 26 juillet au 12 août 1860.
Plantago albicans L.
Inem (arabe).
Récolté le 7 mars 1860, aux environs de Nakhlet-el-Mengoûb.
Affectionne les terrains de heycha.
Plantago Psyllium L.
Récolté le 13 mars 1860, aux environs du Chott-Melghîgh.
La poudre de tous les plantains est employée comme astringent pour cicatriser les ulcères.
SALSOLACÉES.
Beta vulgaris L. var. Cicla.
Selk (arabe).
Cultivé comme plante alimentaire dans les oasis.
Atriplex mollis Desf.
Jell, Djell (arabe).
Récolté dans la heycha de Chegga, le 25 novembre 1859 ; reconnu en six stations, de Tîterhsîn à la Cherguîya.
Les Arabes attribuent au suc de cette plante la propriété d’amener la stérilité : aussi les femmes trop fécondes en font-elles souvent usage.
Atriplex Halimus L.
Guetof (arabe) ; Aramâs (temâhaq).
Récolté en mai et en octobre 1860, à El-Faîdh et à Djâdo. Reconnu en quatre stations, entre Ghadâmès et Rhât. Signalé dans les montagnes, entre Rhât et In-Sâlah, ainsi que sur le plateau de Tâdemâyt.
Cette plante est recherchée par tous les animaux à cause de la saveur saline de ses jeunes pousses. L’homme lui-même ne la dédaigne pas comme aliment. De plus, les Touâreg récoltent ses graines qu’ils mangent en bouillie.
Le bois de sa racine sert de brosse à dent ; on lui attribue des vertus antiscorbutiques.
On extrait de sa tige une soude que les indigènes appellent melh-el-guetof. Cette soude, quelquefois employée en médecine, sert principalement à la saponification de l’huile.
Cette plante frutescente, qui forme d’énormes buissons, déjà commune sur les côtes de Provence, s’étend sur le continent africain du littoral aux confins les plus reculés de mon exploration. Partout où le sol est un peu salin, on est à peu près certain de la retrouver.
Chenopodium murale L.
Lessîg (arabe) ; Tîbbi (mezabite).
Récolté à Ghardâya, en 1859, sur la lisière des jardins et sur les murs d’enceinte.
Chenopodina vera Moq.-Tand. ?
Souïd (arabe) ; Tirbâr (temâhaq).
Récolté sur l’Ouâdi-Tagotta, le 18 septembre 1860.
Suæda vermiculata Forsk.
Souïd (arabe) ; Tirbâr (temâhaq).
Récolté dans les dunes d’El-’Arefdji, près de Negoûsa, le 20 février 1860. Reconnu aux environs de Ghadâmès.
Traganum nudatum Delile.
Dhomrân, Souïd-Ahmar (arabe) ; Tirehît (temâhaq) ; Tâsra (mezabite).
Échantillons de l’Ouâdi-Saádâna (19 août 1859), entre Methlîli et El-Golêa’a ; reconnu depuis en deux stations, autour de Ghadâmès ; en cinq, entre Ghadâmès et Rhât ; en trois, entre Tîterhsîn et la Cherguîya. Signalé dans le Ahaggâr, plaine et montagne, ainsi qu’au Touât.
Cette plante frutescente est recherchée avec avidité par les chameaux.
Caroxylon articulatum Moq.-Tand.
Remeth (arabe) ; Ouân-Ihedân (temâhaq).
Récolté, en 1859 et 1860, dans le Sahara algérien et tripolitain, où il est très-commun. Reconnu en six stations, plus au Sud, entre Ghadâmès et Rhât.
Salsola vermiculata L. var. microphylla. S. brevifolia Desf.
Guedhâm (arabe) ; Adjerwâhi (temâhaq).
Récolté dans les sables de Mouî-er-Robáâya, le 29 juillet 1860. Signalé comme étant commun dans les montagnes des Touâreg et dans l’oasis du Touât.
Salsola longifolia Forsk.
Semommed (arabe).
Récolté, le 12 novembre 1860, sur l’Ouâdi-Tînzeght.
Par l’incinération, cette plante, comme la précédente, donne une soude employée dans la fabrication du savon.
Anabasis articulata Moq.-Tand. var. gracilis.
Bâguel, Belbâl, Belbâla (arabe) ; Abelbâl, Tâza (temâhaq).
Récolté, le 20 novembre 1860, à Dhâhar-el-Djebel, et le 23 novembre 1859, à El-Mogherreb, au N.-O. d’El-’Alîya. Reconnu en cinq stations, dans la région de l’’Erg, entre El-Ouâd et Ghadâmès. Commun aux environs de Ghadâmès.
Cette plante ligneuse, quoique peu riche en matière alimentaire, est mangée par les chameaux.
Les Sahariens prétendent qu’on peut creuser des puits avec sécurité partout où croît le belbâl, parce qu’on est certain de trouver l’eau à peu de profondeur.
Ainsi, entre El-Ouâd et Ghadâmès, au milieu des dunes de l’’Erg, mes guides et le Cheïkh-’Othmân ont été unanimes à me signaler Haoudh-el-Belbâlât comme un point d’élection pour doter cette route de l’eau qui lui manque.
La disposition de la localité m’a paru correspondre aux indications des khebîr.
Cornulaca monacantha Delile.
El-Hâdh (arabe) ; Tâhara (temâhaq).
Récolté à Chaábet-Lekkâz, le 21 novembre 1859. Reconnu en cinq stations, entre El-Ouâd et Ghadâmès ; en trois stations, de Ghadâmès à Rhât ; en deux, de Tîterhsîn à la Cherguîya. Indiqué comme étant commun dans les plaines au pied du Ahaggâr.
Cette plante sous-frutescente couvre de très-grands espaces sur les versants Sud des montagnes des Touâreg. Elle constitue un des fourrages recherchés des chameaux, malgré ses épines.
AMARANTACÉES.
Aerva Javanica L.
Tamakerkaït, Timekerkest (temâhaq).
Récolté à Aghelâd, le 8 février 1861. Signalé dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah.
SALVADORACÉES.
Salvadora Persica L.
Siouâk (arabe vulgaire) ; Irâk (arabe littéral) ; Têhaq (temâhaq du Nord) ; Abezgui (dialecte d’Aïr) ; Teguî, Tijat (dialecte de Timbouktou).
Récolté en fleurs et en fruits à Afara-n-Wechcherân, le 1er janvier 1861. Commun partout au delà de la région de l’’Erg.
Cet arbre de la région tropicale, très-répandu dans le bassin du Niger, vient cependant en troisième ligne comme importance de la végétation ligneuse de la partie du territoire des Touâreg que j’ai visitée. Toutefois on ne l’y trouve que dans les vallées abritées et de préférence dans celles où les alluvions sablonneuses abondent.
C’est un bel arbre, de deuxième grandeur, dont le feuillage d’un beau vert tendre repose agréablement la vue fatiguée de la couleur sombre du pays.
Son fruit, d’un goût délectable, est employé comme aliment et comme médicament.
Ce fruit consiste en petites baies, semblables aux raisins de Corinthe, dit M. le docteur Barth, lesquels offrent un léger supplément au frugal menu du désert ; frais, il a un goût de poivre assez prononcé.
Comme l’illustre voyageur, j’ai mangé ce fruit, et mes impressions sur son mérite sont les mêmes.
Son bois odorant et solide, susceptible de se diviser en fibres très-fines, fournit les cure-dents et les brosses à dents si recherchés par les musulmans pour l’entretien de leur bouche. On sait que pour tous les peuples d’Orient la question du cure-dents est une grave affaire pour laquelle il est fait d’importantes recommandations dans les ouvrages de religion et de jurisprudence.
L’écorce de l’arbre, légèrement épispastique, est appliquée par les indigènes sur les blessures d’animaux venimeux.
Les chameaux mangent volontiers les feuilles fraîches de cet arbre, mais mélangées avec celles d’autres plantes à cause de leur goût d’amertume prononcé.
Dans toute la région où croît ce Salvadora, ses feuilles sont employées comme antisiphylitiques. A cet effet, on les réduit en poudre avec les épices connues sous le nom de râs-el-hânout (tête de la boutique), et chaque matin on en prend une dose en breuvage.
Calligonum comosum L’Hérit.
Arta, Resoû, Ezâl (arabe) ; Aresoû, Isaredj (temâhaq).
Récolté dans l’Ouâdi-Sa’adâna, le 21 août 1859 ; sur l’Ouâdi-Izêkra, le 5 février ; à Tîn-Têrdja, le 2 mars ; à Ouarâret, le 11 mars 1861. Reconnu en treize stations dans l’’Erg, entre El-Ouâd et Ghadâmès ; en onze stations, de Ghadâmès à Rhât ; en trois, de Tîterhsîn à la Cherguîya ; en plusieurs stations, de Methlîli à El-Golêa’a. Signalé dans les montagnes entre Rhât et In-Sâlah, ainsi que dans tout le Touât.
Le Calligonum comosum forme d’épais buissons auxquels les chameaux donnent toujours un coup de dent en passant. Le bois de cette broussaille est souvent la seule ressource des caravanes pour cuire les aliments. Dans l’’Erg, cet arbuste devient un véritable arbre.
POLYGONÉES.
Polygonum equisetiforme Sibth. et Sm.
Récolté dans la Djefâra, 16 octobre 1860.
Rumex vesicarius L.
El-Hommîz (arabe) ; Tânesmîm (temâhaq).
Récolté au Rhedîr de Sâghen, dans l’Ouâdi-Tikhâmmalt, le 3 janvier, et dans l’Ouâdi-Alloûn, le 19 février 1861.
Plante comestible dont le goût rappelle celui de l’oseille.
THYMÉLÉACÉES.
Thymelæa hirsuta Endl. Passerina hirsuta. L.
Methenân (arabe).
Récolté dans l’Ouâd-Biskra, en janvier 1860.
Croît dans les sables. Commune sur le littoral de la Syrte.
EUPHORBIACÉES.
Euphorbia calyptrata Coss. et DR. in Bull. Soc. bot.
Oumm-el-leben (arabe) ; Tellâkh (temâhaq).
Récolté le 3 janvier 1861, à Sâghen.
Euphorbia Guyoniana Boiss. et Reut.
Lebbîn (arabe).
Récolté dans les sables du Soûf, entre El-Ouâd et Sahên, le 5 mars 1860.
Euphorbia Paralias L.
Lebbîn, Lebeïna (arabe).
Récolté près de Gâbès, les 17 et 21 mars 1860.
Le suc de ces diverses Euphorbiacées est employé contre les morsures des vipères.
CANNABINÉES.
Cannabis sativa L.
Kerneb, Tekroûri, Hachîcha (arabe).
Cultivé dans quelques oasis, notamment dans le Fezzân, à Trâghen.
Les sommités fleuries de ce chanvre sont fumées dans des pipes ou mangées en confitures en vue de déterminer une sorte d’extase que les amateurs de hachîch (hachchâchîn) appellent kîf.
L’hébétude résulte souvent de ces pratiques qui heureusement ne sortent guère du cercle des fainéants ou de ceux qui ont voyagé en Orient. Les Touâreg entre autres ne font jamais usage du hachîch.
MORÉES.
Ficus Carica L.
Kerma (arabe) ; Ahar, Tâhart (temâhaq).
Après le dattier, le figuier est l’arbre le plus cultivé chez les Touâreg. Non-seulement on en trouve quelques pieds dans chaque jardin des oasis, mais encore on compte çà et là, dans les montagnes, quelques vergers exclusivement peuplés de figuiers.
Les figues provenant de ces cultures sont généralement mangées fraîches. Les figues sèches sont principalement tirées du littoral : cependant, on m’en a donné provenant de Mîherô.
SALICINÉES.
Populus alba L.
Safsaf (arabe).
Signalé sur un point du plateau de Tâdemâyt, à Hamâd-el-’Atchân, près de Tîn-Fedjaouîn.
Le peuplier blanc, très-commun dans le Tell, est une exception unique à cette latitude.
CONIFÈRES.
Ephedra alata Dcne.
’Alenda (arabe) ; Tîmatart (temâhaq).
Reconnu en douze stations, entre El-Ouâd et Ghadâmès.
Les chameaux mangent ses jeunes pousses, à défaut d’autre nourriture.
Ses tiges et ses sommités, douées de propriétés astringentes, sont employées dans la matière médicale indigène.
Ses fruits sont comestibles.
Les branches de cet arbuste atteignent quelquefois trois mètres de hauteur. Près d’El-Arba-Tahtanîya, M. le docteur Cosson en a découvert « un magnifique pied dont le tronc, jusqu’aux ramifications principales, mesurait au-dessus du sol près d’un demi-mètre et dont la circonférence, prise au niveau du sol, atteignait 48 centimètres. »
Il y en a de plus grands encore sur l’Ouâd-el-’Alenda, dans le Soûf.
POTAMÉES.
Potamogeton pectinatus L.
Récolté dans la source de Tagotta.
Plante aquatique submergée.
PALMIERS.
Phœnix dactylifera L.
Nakhla (arabe) ; Tâzzeït (temâhaq).
Le palmier dattier est, sans contredit, le roi de la végétation saharienne, non-seulement par le nombre des ghâbâ qu’il constitue, mais encore par l’importance des services directs ou indirects qu’il rend à l’habitant de la région désertique.
On donne, dans tout le Sahara, le nom de ghâbâ ou forêt à toute plantation de dattiers, quel que soit le nombre des arbres.
Généralement, les plantations sont agglomérées, autour ou à peu de distance des habitations. Leur ensemble forme ce qu’on appelle une oasis.
Dans la partie du Sahara, objet de cette étude, quatre principaux groupes d’oasis appellent l’attention : celui de Ghadâmès, celui de Rhât, celui du Fezzân, celui du Touât.
A Ghadâmès, on compte, m’a-t-on dit, 63,000 palmiers ; à Rhât, y compris les plantations des villages voisins, le nombre de ces arbres n’est pas moins considérable ; quant à ceux innombrés et presque innombrables du Fezzân et du Touât, ils atteignent peut-être le chiffre de deux millions de pieds, car, dans ces contrées favorisées, les oasis se succèdent les unes aux autres sur d’immenses étendues : cent lieues du Nord au Sud pour le Touât, quarante lieues de l’Est à l’Ouest pour le Fezzân.
En dehors de ces massifs principaux, il y a encore une dizaine de petites oasis dans les montagnes des Touâreg : à Djânet, à Idelès, et autres points arrosés par des sources, mais elles ne peuvent pas être comparées aux premières, car toutes ces plantations ne donneraient peut-être pas un total de 6,000 palmiers.
Les produits directs du dattier sont les suivants :
La datte, themer des Arabes, teïni des Touâreg, aliment farineux et sucré, d’une conservation et d’un transport faciles, immense ressource pour des populations nomades et voyageuses ;
La palme, djerîda en arabe, taratta en temâhaq, comprenant le pétiole, ahebêr, et la feuille, takôla des Touâreg, employés, l’un sous forme de lattes, dans les constructions et les clayonnages, l’autre comme matière textile, à la fabrication de nattes, de paniers, de sacs, de cordes, en un mot, à la confection de ces mille petits riens connus sous le nom d’articles de sparterie exécutés ailleurs avec le palmier nain et le halfâ ;
La bourre, sa’af, provenant des feuilles radicales ou du tronc, et avec laquelle on fait des tissus, des rembourrages de bâts, etc. ;
Le noyau de la datte, a’lef, que l’on écrase et que l’on donne à manger aux animaux : chameaux, chèvres et moutons ;
La sève, lâgmi, obtenue par incision et de laquelle on retire :
A l’état frais, le lait de palmier, boisson fade, quoique sucrée ;
Fermentée, le vin de palmier, dont le goût rappelle celui d’une jeune bière ;
Distillée, un alcool très-inférieur ;
Les fleurs, nouâr, réputées aphrodisiaques ;
L’involucre des fleurs, kemmamîn, aussi employé en médecine ;
Enfin, la tige du palmier, khechba, débitée comme le bois des autres arbres, et qu’à raison de ses services on a appelée sapin du Sahara. On l’emploie dans les constructions, dans les coffrages des puits, sous forme de planches, de poutres ou de madriers. Dans la région saharienne, le dattier est la seule essence qui donne des bois droits et de longueur.
En présence de tant de produits fournis par le dattier, on ne peut s’empêcher de reconnaître que, si la Providence a été avare envers les Sahariens, en limitant à un petit nombre les arbres utiles de leur pays, elle a tellement prodigué ses faveurs au dattier, qu’à lui seul il peut remplacer tous les autres arbres.
Mais le dattier n’est pas seulement utile par les produits directs dont il comble l’habitant des oasis, il l’est encore, au même degré, par les produits indirects qu’il permet d’obtenir à l’ombre de sa cime parasolaire qu’on peut comparer, contre la chaleur, à l’effet des serres contre le froid.
Les extrêmes se touchent en tout : dans nos climats tempérés, les plantes tropicales ne peuvent germer, croître, fructifier, qu’à l’aide d’une chaleur factice ; dans le Sahara, les plantes des climats tempérés ne peuvent prospérer qu’à l’abri d’une chaleur excessive et d’une lumière intense ; et cet abri, le dattier le donne en permettant à l’air de circuler, à la lumière et à la chaleur de pénétrer dans les proportions réclamées par la végétation sous-palméenne.
Que, dans les oasis, les palmiers soient décapités, le sol qu’ils couvrent de leur ombre rentre dans les conditions climatériques des terres voisines frappées de mort, de juin à septembre, par l’excès de la chaleur, comme ailleurs, de novembre à mars, par l’excès du froid.
Sous l’abri protecteur des palmiers, l’Oasien peut cultiver une cinquantaine de plantes alimentaires ou industrielles dont il serait complétement privé sans l’auxiliaire que la Providence a mis si libéralement à sa disposition : j’ai donc raison de dire que le dattier rend à l’habitant du Sahara autant de services par ses produits indirects que par ses produits directs, si nombreux qu’ils soient.
On ne sera donc pas étonné d’apprendre que le dattier, dans le Sahara, soit l’objet de soins qui ne sont donnés à aucun arbre, dans aucun autre pays du monde.
J’estime à l’égal des plus grandes conquêtes de l’homme sur la nature les travaux exécutés par les Sahariens pour assurer à cet arbre les conditions nécessaires à son existence.
Dans l’Ouâd-Rîgh et le bassin d’Ouarglâ, des puits artésiens creusés à bras d’homme jusqu’à la couche d’eau jaillissante ; dans l’Ouâd-Mezâb, d’immenses barrages jetés en travers des torrents ; dans le Fezzân et dans le Touât, des puits à galeries souterraines pour créer des rivières artificielles ; dans le Soûf et dans les autres oasis de l’’Erg, la lutte de tous les instants contre les envahissements des sables, constituent des efforts de géants que tout homme impartial compare, avec la différence des moyens, aux plus beaux résultats obtenus par la science et l’industrie dans nos États civilisés.
Le dattier, disent les Sahariens, doit, pour produire de bons fruits, avoir la tête dans le feu et les pieds dans l’eau.
Le soleil africain pourvoit suffisamment aux besoins de sa cime ; l’homme doit procurer à ses racines l’eau qu’elles réclament. Ce n’est pas toujours facile, mais, partout où il y a des dattiers, on leur sert, d’une manière ou de l’autre, l’eau nécessaire.
Dans les oasis pourvues de puits artésiens, de puits à galeries, de fontaines aménagées, l’irrigation est facile et se pratique à eau courante ; mais là où il n’y a que des puits ordinaires, l’eau doit être élevée par des machines ou à bras d’hommes, et l’arrosage, dans ce cas, impose des peines considérables.
Dans l’oasis du Soûf, où l’eau se trouve au-dessous du sol à des profondeurs variables de 0m 85 à 2m 55 et 4m 10, on plante le dattier de manière à ce que ses racines plongent dans l’eau. Là, du moins, le planteur est exonéré de l’obligation d’irriguer, mais cet avantage est chèrement acheté par la nécessité de lutter continuellement contre l’envahissement des sables et de féconder ces sables par de nombreux engrais.
La charge d’engrais de crottin de chameaux (150 kilos) coûte, dans le Soûf, 10 francs, et on n’hésite pas à donner, à un seul palmier, douze charges d’engrais, d’une valeur de 120 francs, ce qui, à raison d’une fumure tous les huit ou dix ans, porte à 12 et à 15 fr. par an la dépense d’engrais de chaque palmier. Mais, il faut le dire, les dattes de cette oasis sont de qualité très-supérieure.
Généralement, dans tout le Sahara, on préfère les plantations par boutures à celles par noyaux, parce que la bouture produit le même fruit que le pied de l’arbre d’où elle a été extraite, tandis qu’avec le noyau on n’est jamais certain de la qualité du fruit.
Cependant, c’est par les semis de noyaux qu’on a obtenu les nombreuses variétés de dattes du Sahara. On n’en compte guère moins de quarante. Il est vrai de dire qu’elles ne sont pas toutes également bonnes.
Les boutures provenant d’arbres faibles et maladifs paraissent mieux reprendre ; on leur donne le nom de arhedd.
On a remarqué aussi que les boutures tirées de pays lointains acquièrent en voyage plus d’aptitude à la reprise. Il suffit, pour les conserver en bon état, de leur enlever leurs feuilles.
Certaines boutures sont obtenues du tronc mère avec des racines ; elles portent le nom de zalloûch. On se borne à éviter de blesser les racines en les détachant du tronc. De même, pour les boutures sans racines, on a soin de faire des incisions nettes, sans mâchures ni déchirures.
On plante les boutures à l’automne, et, pour cette opération, on reconnaît plusieurs procédés.
Le plus sûr est celui appelé mechtoûla : il consiste à planter les boutures auprès d’un puits qui en permet l’arrosage. Au bout de six mois, elles ont pris racine et on les transporte dans des terrains défoncés, nommés toloûa’.
Au Soûf, on emploie un procédé appelé hachchâna : à cet effet, on met de suite en place les boutures dans les trous qui leur sont destinés et qu’on a préalablement creusés jusqu’à apparition de l’eau. La bouture est plantée de manière à ce qu’elle ait le pied dans l’humidité. Quand elle a réussi, au bout de six mois, elle a poussé trois petites branches, djerîdât, et, au bout de trois ans, l’arbre est assez développé pour qu’il puisse être fécondé. Alors on creuse la terre tout autour pour mettre du fumier de chèvre sous ses racines.
Au Soûf, on a aussi, pour rajeunir les vieux dattiers, un procédé qui n’est pas usité dans les autres oasis.
Quand un sujet, atteint de vieillesse, ne produit plus, on creuse le sol sous ses racines, on supporte le tronc pendant l’opération et, sans le faire changer de place, on lui donne un nouveau lit de sable, de fumier et d’eau, qui ne tarde pas à lui faire recouvrer sa jeunesse. Les palmiers ainsi restaurés sont appelés meseggueta.
En toute plantation, on distingue les dattiers mâles, dhokkâra, des dattiers femelles, nakhla. Il suffit de quelques mâles pour féconder une plantation entière de femelles.
On distingue deux sortes de dattiers mâles : le sersâr, dont les spathes renferment une semence peu abondante, peu active et qui tombe dès qu’on la touche ; cette espèce ne féconde pas toujours et quelquefois même, après la fécondation, on ne récolte que des dattes avortées, sîch. L’autre espèce, appelée khowwâr, produit des spathes d’une farine abondante, tenace et conservant ses propriétés fécondantes pendant deux années. Cette variété est, de beaucoup, la préférée.
Inutile d’ajouter que les Oasiens aident à la fécondation de leurs dattiers par la caprification.
Dans le Fezzân, on trouve souvent des forêts de palmiers dattiers qui se sont créées spontanément de graines. Venus sans culture, ne recevant aucun soin de l’homme, au lieu de s’élever en un tronc élancé, comme le dattier cultivé, ils se développent en broussailles, à la façon des palmiers nains (Chamærops humilis) du Tell. On donne à ces palmiers le nom de hachchâna. Ils produisent des fruits maigres et peu savoureux qui sont cependant récoltés par les pauvres, quand la concurrence des gazelles laisse les régimes intacts.
Cucifera Thebaica Delile.
Doûm (arabe) ; Tâgaït (temâhaq).
Ce palmier, dont la véritable région est beaucoup plus au Sud, est représenté par quelques pieds dans une des oasis méridionales du Fezzân, celle de Tedjerri.
LILIACÉES.
Asphodelus tenuifolius Cav.
Tâzia (arabe) ; Iziân (temâhaq).
Récolté, le 9 février 1860, dans la vallée de l’Ouâdi-Târât, seule station où je l’aie rencontré.
Allium Cepa L.
Boçla (arabe) ; Efelêli (temâhaq).
Cultivé dans les oasis.
L’oignon est non moins nécessaire dans la cuisine monotone des Sahariens que dans celle plus variée des Européens. Ici, il n’est qu’un auxiliaire dont on se passe facilement ; là, il est souvent l’unique élément de la digestion.
Allium sativum L.
Thoûm (arabe) ; Têskart (temâhaq).
Je n’ai pas pris le soin de constater si l’ail, vendu sur tous les marchés, était cultivé dans toutes les oasis ou provenait du Nord ; cependant je crois, sans en être certain, qu’il est le produit des cultures locales. Pour l’oasis de Ghadâmès, je puis l’affirmer.
Toute la matière médicale, à l’usage du chameau, comme application interne, se résume dans l’unique emploi de l’ail.
MÉLANTHACÉES.
Erythrostictus punctatus Schlecht.
Kaïkoût (arabe) ; Afahlêhlé-n-ehedan (temâhaq).
Récolté entre les dunes d’El-’Arefdji et Hassi-Ma’ammer, le 21 février, et dans la plaine d’Ihanâren, au pied des montagnes du Tasîli, le 1er avril 1851.
L’oignon de cette plante répand une odeur aromatique agréable. Les ânes fuient cette odeur, d’où son nom, poison des ânes, en temâhaq.
La fécule de cet oignon est quelquefois introduite dans le pain ou dans le couscoussou pour l’aromatiser.
JONCÉES.
Juncus maritimus Link.
Semâr (arabe) ; Talegguît (temâhaq).
Récolté, le 18 septembre 1860, près la source de Tagotta, et le 8 mai 1861, près de la source de Serdélès.
Commun autour des sources, mais rare comme elles.
TYPHACÉES.
Typha... ?
Berdi (arabe) ; Tahelé (temâhaq).
Reconnu en beaucoup de points, à peu près partout où il y a de l’eau permanente. Commun dans les montagnes, autour des lacs et des sources.
Les chaumières des serfs des Touâreg sont presque toutes couvertes avec la feuille de cette plante.
CYPÉRACÉES.
Cyperus conglomeratus Rottb.
Sa’ad, Se’ad (arabe).
Récolté, le 29 juillet 1860, dans les sables de l’’Erg, autour du puits de Mâleh-ben-’Aoûn, entre El-Ouâd et Berreçof ; reconnu sur d’autres points de ma route, entre El-Ouâd et Ghadâmès et autour de Ghadâmès.
Cyperus rotundus L.
Azejmîr (mezabite).
Récolté à Ghardâya, dans les mares d’irrigation des dattiers (août 1859).
Cyperus lævigatus L.
Récolté autour de la source de Tagotta, le 18 septembre 1860.
Cyperus lævigatus L. var. distachyus. Cyperus junciformis Cav.
Merga, le plongeur (arabe).
Récolté dans les sources de l’Ouâd-Nafta, le 8 mars 1861.
Scirpus Holoschœnus L.
Sommîd (arabe) ; Iregga, Ilegga (temâhaq).
Récolté près de la source d’Ahêr, le 28 février, et près de celle de Serdélès, le 3 mai 1861.
Scirpus maritimus L.
Leoulîoua (arabe et temâhaq).
Récolté, le 1er janvier 1861, autour du Rhedîr de Sâghen. Reconnu en trois autres stations, entre Ghadâmès et Rhât.
GRAMINÉES.
Lygeum Spartum Lœfl.
Senrha, dans l’Ouest ; Halfâ, dans l’Est (arabe).
Récolté dans le Djebel-Nefoûsa et entre Chefî et Djâdo,le 1er novembre 1860.
Au Sud de l’Algérie, le senrha croît dans les mêmes régions que le halfâ (Stipa tenacissima), et, à première vue, quand les deux plantes n’ont pas atteint tout leur développement, on peut les confondre ; mais dès que l’épi se montre, les deux espèces apparaissent bien distinctes.
En Algérie, on préfère le halfâ au senrha pour les travaux de sparterie, parce que le chaume du premier est trois fois aussi long que celui du second. En Tunisie, le senhra est plus estimé, parce qu’on le croit plus solide.
Les chameliers, conducteurs des caravanes, qui font grand usage de cordes en sparterie pour l’arrimage de leurs chargements, ne règlent leur choix entre le halfâ et le senrha que par le prix de vente. La préférence est toujours acquise au meilleur marché.
Phalaris minor Retz.
Seboûs (arabe) ; Tanâla (temâhaq).
Trouvé et récolté en une station unique à Sâghen.
Panicum turgidum Forsk.
Boû-rekoûba (arabe) ; Afezô (temâhaq).
Échantillons récoltés sur l’Ouâdi-Tîn-Guezzîn et à Ouarâret, le 1er avril 1851. Reconnu en huit stations, entre Ghadâmès et Rhât, et en six stations, entre Tîterhsîn et la Cherguîya.
Plante commune dans tout le Sahara central, où elle concourt à la nourriture des chameaux. Ses graines sont récoltées par les Touâreg et mangées comme celle du drîn (Arthratherum pungens).
Setaria verticillata P.B.
Oulâffa (mezabite).
Récolté dans les jardins de Ghardâya (août 1859), autour des mares formées par les canaux d’irrigation.
Pennisetum dichotomum Delile.
Boû-roukeba (arabe) ; Tehaoua (temâhaq).
Récolté à Sâghen, le 2 janvier 1861. Reconnu entre El-Ouâd et Ghadâmès, entre Ghadâmès et Rhât, entre Tîterhsîn et la Cherguîya.
Plante fourragère, mais en général peu recherchée par les animaux.
Imperata cylindrica P.B.
Dîs (arabe) ; Bastô, Taïsest (temâhaq).
Récolté dans la plaine d’Ihanâren, le 1er avril 1861. Reconnu en quatre stations, entre Ghadâmès et Rhât ; en six stations, de Tîterhsîn à la Cherguîya. Signalé comme étant commun entre Rhât et In-Sâlah, dans la montagne et sur le plateau de Tâdemâyt.
Comme le gueçob du Tell (Phragmites communis Trin.), celui du Sahara croît en touffes épaisses et couvre souvent de grands espaces. Ses feuilles droites, vertes, servent également à la nourriture des troupeaux.
Andropogon laniger Desf.
Lemmâd (arabe) ; Tiberrimt (temâhaq).
Récolté, le 24 août 1859, sur le plateau des Benî-Mezâb, et le 1er mars 1861, à Tîn-Arrây.
Cette Graminée a une odeur aromatique prononcée.
Piptatherum miliaceum Coss. Agrostis miliacea L.
Récolté le 27 octobre 1860 dans les rochers de Djâdo.
Stipa tenacissima L.
Halfâ, en Algérie ; Gueddîm, Bechna, en Tripolitaine (arabe).
Récolté entre Zintân et Riâyna, le 27 septembre 1860, et dans les montagnes de Guettâr, le 23 mars 1861.
La solidité des fibres de cette plante textile, avec laquelle on fait tous les travaux de sparterie dans le Sud de l’Algérie, a l’inconvénient, comme plante fourragère, de ne pas se prêter facilement à la digestion. Son usage, chez les animaux, amène des constipations qui réclament l’emploi d’eaux laxatives. Ces eaux se trouvent heureusement être assez communes dans les parties du Sahara algérien où croît le halfâ. Aussi, tous les quatre ou cinq jours, les bergers de chameaux et ceux de moutons conduisent-ils leur troupeaux à ces sources pour combattre les effets constipants du halfâ.
La limite méridionale de cette plante, qui couvre de si grands espaces dans la région des steppes, me paraît être : au Sud de l’Algérie, au point de partage des eaux du bassin de l’Ouâd-Djédi et de celui de l’Ouâd-Miya ; au Sud de la Tunisie, la limite de l’’Erg ; au Sud de la Tripolitaine, un point mitoyen entre Chefî et Djâdo.
La connaissance de cette limite a son importance, car souvent les caravanes qui doivent la franchir sont forcées de changer de relais de chameaux. La loi de la circulation dans le Sahara, subordonnée à celle de la végétation, sera l’objet d’un examen particulier dans le deuxième volume de cette étude, spécialement consacré au commerce.
Aristida Adscensionis L.
Neçi-oueddân (arabe) ; Arhemmoûd-ouân-ihedân (temâhaq).
Récolté dans l’Ouâdi-Alloûn, le 29 février 1861. Reconnu entre El-Ouâd et Ghadâmès et entre Ghadâmès et Rhât.
Arthratherum pungens P.B.
Drîn, en Algérie, Sebot en Tripolitaine (arabe) ; Toûlloult (temâhaq).
Récolté sur l’Ouâdi-Alloûn, le 29 février 1861. Reconnu dix-neuf fois entre El-Ouâd et Ghadâmès, quarante-trois fois entre Ghadâmès et Rhât, deux fois entre Tîterhsîn et la Cherguîya, en de nombreuses stations entre Golêa’a et Methlîli. Signalé comme étant commun entre Rhât et In-Sâlah, ainsi qu’au Touât.
C’est incontestablement la plante la plus répandue et celle qui couvre le plus d’espace dans la partie du Sahara au Nord des montagnes des Touâreg, car dès qu’il y a un peu de terre végétale sur le sol, on est assuré de la voir paraître.
C’est incontestablement aussi la Graminée qui rend le plus de services aux Sahariens, car, si son chaume nourrit les troupeaux, son grain est souvent le seul aliment de l’homme.
Le grain de l’Arthratherum pungens se nomme loûl. Chez les Touâreg, comme dans tout le reste du Sahara, on le récolte, et après l’avoir réduit en farine, on le mange, soit en bouillie, soit en galette. Je me suis trouvé moi-même, faute d’autres provisions, dans la nécessité d’en faire usage, et je reconnais volontiers, la faim aidant, que ce n’est pas un aliment à dédaigner.
Le loûl se vend comme les autres céréales, mais son prix est toujours inférieur. Dans le Sahara algérien, trois mesures de loûl sont échangées contre une mesure d’orge.
Quand on se préoccupera d’améliorer les voies de communication dans le Sahara, en y creusant des puits et en créant autour de ces puits des pacages pour les caravanes, on fera bien certainement des semis de loûl, car on ne peut trouver une plante qui convienne mieux au climat du Sahara que l’Arthratherum pungens.
Arthratherum plumosum Nees var. floccosum.
Neçi (arabe) ; Arhemmoûd (temâhaq).
Récolté le 24 août 1861 sur l’Ouâdi-Tîn-Guezzîn, dans les montagnes de la Sôda. Reconnu en huit stations, entre Ghadâmès et Rhât, en deux entre Tîterhsîn et la Cherguîya. Signalé en quelques stations, dans les montagnes, entre Rhât et In-Sâlah.
Plante fourragère, basse, croissant en touffes, recherchée par les animaux.
Arthratherum obtusum Nees.
Récolté, le 24 août 1859, sur le plateau des Benî-Mezâb.
Arthratherum brachyatherum Coss. et Balansa ?
Seffâr (arabe) ; Imateli (temâhaq).
J’ai reconnu cette plante en cinq stations, dans les dunes de l’’Erg, entre El-Ouâd et Ghadâmès, mais je ne l’ai pas récoltée, de sorte que sa détermination exacte reste douteuse.
Cette Graminée est mangée par les animaux comme fourrage.
Agrostis verticillata Vill.
Récolté dans l’Ouâd-Mezâb (août 1859).
Polypogon Monspeliensis Desf.
Seboûl-el-fâr, Dheïl-el-fâr (arabe), syn. Coss. ; Tamatasast (temâhaq).
Récolté près de la source de Serdélès, le 4 mai 1861.
Polypogon maritimus Willd.
Seboûl-el-fâr (arabe).
Récolté, le 5 juin 1860, sous les dattiers de Sîdi-Khelîl.
Phragmites communis Trin.
Gueçob (arabe).
Récolté à Hassi-’Arefdji, le 20 février 1861, et dans l’Ouâdi-Tagotta, le 18 septembre 1861.
Cynodon Dactylon Rich.
En-nedjem (arabe) ; Ajezmîr (mezabite) ; Aoukeraz (temâhaq).
Récolté à Ghardâya, autour des dattiers et des petites mares formées par les canaux d’irrigation. Commun autour des sources, dans les montagnes des Touâreg.
Cette plante toujours verte, parce qu’elle choisit toujours des endroits humides, est d’une grande ressource pour les troupeaux, quand tout le reste de la végétation est desséché par le soleil.
Plus d’une fois, les troupeaux de l’Algérie, comme ceux du Sahara, lui ont dû leur salut dans les mauvaises années.
On en fait des tisanes diurétiques.
Danthonia Forskalii Trin.
Aharay (temâhaq).
Récolté à Tîterhsîn le 5 mars 1861.
Hordeum murinum L.
Zer’a-el-boû-’Aoud (arabe) ; Imendi-n-boû-’Aoud (mezabite).
Récolté dans l’Ouâd-Mezâb (août 1859).
Hordeum vulgare L.
Ch’aïr (arabe) ; Tîmzin (temâhaq).
Cultivé dans toutes les oasis, alternativement avec le blé, de manière à ne pas épuiser les terres.
Hordeum vulgare var.
Ch’aïr-hamra (arabe) ; Tarîda (temâhaq).
Spécialement cultivé au Fezzân.
On donne la préférence à l’orge noire parce qu’elle craint moins l’action du soleil.
Triticum durum Desf. ?
Guemh (arabe) ; Tîmzîn (temâhaq).
Le blé est cultivé dans toutes les oasis, mais sa culture exige le concours des irrigations, ce qui en restreint nécessairement l’étendue.
La récolte se fait ordinairement au mois de mai.
En 1861, le cheïkh du Ahaggâr, El-Hâdj-Ahmed, a fait entreprendre des cultures assez importantes à Tâzeroûk, au Sud-Est d’Idélès. Elles paraissent y avoir parfaitement réussi, puisque le cheïkh, pour sa part de dîme, a reçu trente-deux charges de chameaux de grains.
Cet exemple a engagé le Cheïkh-’Othmân à acheter à Alger un chargement de pioches, en vue de donner plus d’extension à la culture, car chez les Touâreg les céréales sont cultivées à la pioche.
A Rhât, où l’espace cultivable est grand, on compte quelques attelages de zébus pour les labours ; mais les Touâreg n’ont aucune bête de travail qui puisse leur venir en aide, si ce n’est l’âne, qui est heureusement de première force. On rendrait un immense service à ces peuplades en introduisant parmi elles des charrues légères avec des colliers d’ânes, le tout confectionné de manière à ce que leurs ouvriers puissent en copier les modèles.
Penicillaria spicata Willd.
Bechna (arabe) ; Abôra (temâhaq).
Cultivé dans toutes les oasis, surtout par les nègres, qui affectionnent cette céréale.
Sorghum vulgare Pers. Holcus sorghum L.
Gafoûli (arabe) ; Gafoûli (temâhaq).
La graine de cette plante entre pour une part considérable dans l’alimentation de ceux des Sahariens assez éloignés pour ne pas recevoir le blé du Tell méditerranéen.
On la cultive dans les oasis, mais en quantité inférieure aux besoins. On tire généralement cette graine de l’Afrique centrale.
Les Touâreg distinguent trois variétés de sorgho : le gafoûli, l’abôra, le tâbsout.
Panicum miliaceum L.
Gueçob-el-abiodh, Gueçob-hamra (arabe) ; Enelî (temâhaq).
Le millet blanc et le millet noir sont également cultivés dans les oasis, mais la plus grande partie de celles de ces graines que consomme le Sahara vient du Soûdân.
Dans les oasis, on sème le gueçob en août et on le récolte en octobre et novembre.
Lolium Italicum A. Br. ?
Khortân (arabe).
Pendant mon séjour à Rhât, ma jument a été nourrie avec le chaume vert d’une Graminée cultivée dans l’oasis et que j’assimile, à raison de l’identité du nom indigène, au Lolium Italicum récolté aussi dans le Soûf.
BALANOPHORÉES.
Cynomorium coccineum L.
Tertoûth (arabe) ; Aoukal (temâhaq).
Reconnu, mais non récolté, en trois stations, entre Ghadâmès et Rhât.
La fécule fournie par la racine de cette plante est souvent mêlée aux aliments pour en relever le goût.
Chez les Touâreg, quand le tertoûth se dessèche et devient noir, signe de maturité, on le réduit en farine et on en fait une galette au beurre. Ce mets est considéré comme un spécifique contre les engorgements de la rate.
FOUGÈRES.
Adiantum Capillus-Veneris L.
Rafraf (arabe).
Récolté sur l’Ouâdi-Arhlân le 28 octobre 1860. Croît sur les racines des dattiers et sur les pierres qui bordent les rigoles des canaux d’irrigation.
Les médecins arabes emploient les feuilles de cette plante en fumigations.
CHARACÉES.
Chara gymnophylla A. Br.
Récolté le 4 février à ’Aïn-ed-Dowwîra, et le 7 novembre 1860 à Tânout-Tirekîn.
Cette petite plante affectionne le voisinage des sources.
CHAMPIGNONS.
Cheiromyces leonis L.R. Tul. Tuber niveum Desf.
Terfâs (arabe) ; Tirfâsen (temâhaq).
Commun après les pluies dans tous les terrains sablonneux du Sahara, surtout dans les environs de Ghadâmès.
Ben-’Abd-en-Noûri-el-Hamîri-et-Toûnsi, auteur d’un traité de géographie saharienne, prétend qu’autour de Ghadâmès les terfâs deviennent assez grosses pour que des gerboises et des lièvres puissent y aller faire leurs nids.
Pline indique comme originaire de la Cyrénaïque une truffe blanche, probablement le terfâs, d’un goût et d’un parfum exquis, qui était très-renommée dans l’antiquité sous le nom indigène de misy.
J’avoue n’avoir jamais trouvé dans le Sahara des terfâs ni aussi grosses que celles de Ben-’Abd-en-Noûri, ni aussi parfumées que celles de Pline. Celles que j’ai mangées avaient un goût intermédiaire entre la truffe et le champignon, goût agréable, sans doute, mais perdant beaucoup de sa valeur par le sable qui pénètre dans la chair du tubercule et qui craque désagréablement sous la dent.
Quoi qu’il en soit, des tribus entières font une grande consommation de ce champignon, dès qu’il devient abondant.
ALGUES.
Danga (arabe fezzanien).
Parmi les produits rencontrés dans mon voyage, je ne dois pas oublier une plante Cryptogame qui croît dans les lacs producteurs de vers comestibles du Fezzân et que les indigènes appellent danga.
On récolte ce fucus, soit seul, soit en mélange avec les vers. Quand ces derniers sont nombreux, le danga est rare, et vice versâ. Les riverains disent que les vers en font leur pâture. A l’époque de ma visite aux lacs, la plupart de ces insectes étant formés en chrysalides, le danga était plus abondant.
Le danga, pêché avec les vers, entre dans la conserve alimentaire préparée avec ces larves. Quand il est récolté seul, on en fait des petits pains qui, desséchés, ont la couleur brune de l’aloès, une cassure vitreuse, et sont employés comme condiment. (Voir page 244.)
PLANTES INDÉTERMINÉES.
Aucun échantillon des plantes suivantes n’a été rapporté : par conséquent, la détermination scientifique de ces espèces n’a pu être faite.
PLANTES DE HAMADA.
Goçeyba (arabe) ; Tikamayt (temâhaq).
Entre El-Ouâd et Ghadâmès ; indiquée aussi dans le Ahaggâr.
Cette plante fourragère est incontestablement une Graminée.
Beresmoun (arabe).
Entre Ghadâmès et Rhât.
Probablement un Hypericum. Beresmoun est, en effet, le nom que les indigènes du Tell donnent au Millepertuis officinal.
’Aggâya (arabe) ; Tabelkost (temâhaq).
Trouvé dans le Fezzân. Indiqué aussi dans le Ahaggâr et au Touât.
Techt-edh-dheba’ (arabe).
L’échantillon de mon herbier, après trois années de voyage, est arrivé dans un état qui n’a pas permis de le déterminer. Heureusement, c’est le seul.
Khorîdh (arabe).
Reconnu entre Ghadâmès et Rhât.
Sedna (arabe).
Reconnu entre Ghadâmès et Rhât.
Gueçob (arabe) ; Tisendjelt (temâhaq).
Roseau à canne trouvé autour des sources.
Commun au Fezzân, au Soûdân et dans les montagnes des Touâreg.
Probablement le Phragmites communis Trin. ou une espèce voisine.
Gueçob (arabe) ; Alemès (temâhaq).
Trouvé comme le précédent autour des sources.
Plus grand et plus fort que le tisenguelt, probablement l’Arundo donax.
Ces deux roseaux me sont indiqués comme existant sur plusieurs points du territoire des Touâreg.
Comme dans le Tell, ils servent à dresser les murailles et les toitures des cabanes. Les serfs en font des manches de ligne ; les nègres et les bergers, des chalumeaux.
La tabatière à priser des Touâreg consiste en un tube de ces roseaux, plus ou moins couvert de dessins ou d’inscriptions en langue temâhaq.
Fers (arabe et temâhaq).
Reconnu en plusieurs points de ma route.
Assimilé à une Anabasis.
Nota : Les neuf plantes indéterminées qui précèdent ont été reconnues par moi, et leurs stations sont indiquées dans mon journal de voyage ; celles qui suivent me sont connues seulement par les renseignements des indigènes.
PLANTES DE MONTAGNES.
Taroût (temâhaq).
Thuya articulé ? Thuya articulata Desf. ?
Forêt sur le versant Sud du Tasîli, entre Rhât et Djânet.
Échantillon de planche rapporté.
La forêt qui produit cette essence paraît considérable, car tous les bois employés dans les constructions de Rhât et de Djânet en proviennent.
Les dimensions des planches, la couleur, la finesse et la solidité du bois, rappellent celles du thuya.
Le nom de taroût, forme berbérisée du mot ’ar’ar, employé dans le Tell pour désigner le Thuya articulata, m’engage à identifier, provisoirement, le taroût des Touâreg avec l’’ar’ar des Arabes.
Cet arbre fournit une résine, du nom de tighanghert, qui est employée pour rendre sonores les cordes des rebâza ou violons du pays.
On en extrait du goudron.
Ces deux faits viennent à l’appui de l’identification du taroût avec le Thuya articulata.
D’après les indigènes, quelques sujets atteignent 24 coudées de circonférence.
Cet arbre commence à se montrer à Tarharha, dans le haut de l’Ouâdi-Tarât, et à Eriey, dans le haut de l’Ouâdi de Rhât.
Yâbnoûs (temâhaq).
Grand arbre, probablement l’ébénier, auquel on assigne comme station plusieurs points du mont Ahaggâr.
Jusqu’à ce jour, le bois d’ébène n’avait été fourni au commerce que par des plaqueminiers originaires de l’Inde et de l’Amérique du Sud. D’après M. le docteur Barth, l’ébénier aurait été rencontré par lui sur son parcours de Kanô à Timbouktou, dans le bassin du Niger, mais il n’indique pas le nom botanique de l’espèce.
Le Cheïkh Mohammed-et-Toûnsi, dans son Voyage au Darfour, dit que les Fôriens reçoivent l’ébène du Dâr-Fertît.
« Ce qu’on appelle l’ébène, dit-il, est le bois d’un arbre de grandeur moyenne, dont l’écorce est d’un vert foncé. Lorsqu’on l’enlève, on met à découvert un bois noirâtre qui, par la dessiccation, acquiert une nuance plus franche et plus noire. La plus belle ébène, ajoute-t-il, est celle qu’on retire des racines. »
Mohammed-et-Toûnsi, si scrupuleux pour indiquer le nom indigène de toutes les plantes signalées par lui, ne donne pas celui de l’ébénier, ou plutôt le traducteur n’aura pas jugé nécessaire de mettre yabnoûs à côté du mot ébénier, ces deux noms étant les mêmes.
La synonymie du nom, la découverte de l’ébénier plus au Sud, la coloration en noir du bois, sa dureté et sa finesse, l’emploi qui en est fait, permettent de penser que le yabnoûs du mont Oudân (prolongement Nord du Ahaggâr) est l’ébénier.
Le bois de cet arbre est principalement employé pour faire des hampes de lance et des manches de poignards.
Le yabnoûs n’existerait pas seulement dans le Ahaggâr ; on le trouverait encore sur le Tasîli, mais toujours isolé et jamais en massifs.
Aleo (temâhaq).
Grand arbre, dit-on, en tout semblable à l’olivier, à l’exception que son fruit n’est pas une olive. Il se montre par petits groupes dans quelques stations du Ahaggâr.
Je suis d’autant plus disposé à identifier l’aleo au Phylliræa, que, d’après le rapport de Valentin Ferdinand, le phylliræa existerait dans une île au Sud de celle d’Arguin sur la côte de l’Océan.
Rien d’étonnant, d’ailleurs, de trouver cet arbre là où vivent le thuya et le laurier rose. L’altitude explique la présence de ces arbres dans ces stations méridionales.
Nerion oleander L.
Defla (arabe) ; Elel (temâhaq).
En quelques points, sur les rives des ouâdi.
Le delfa est trop facile à reconnaître pour que des Touâreg, ayant beaucoup voyagé, puissent se tromper en assimilant l’elel de leur pays au Nerion si caractéristique des berges des ouâdi du Tell.
El-iatîm (arabe) ; Adjâr (temâhaq).
Grand arbre, sans épines, unisexuel, à fruits petits qui n’appellent pas l’attention. L’arbre mâle se dit adjâr ; l’arbre femelle se dit tâdjart ; ce dernier est toujours moins développé que le mâle.
Les Touâreg recommandent de ne pas le confondre avec l’agâr du Tasîli dont j’ai récolté un échantillon et qui a été reconnu être le Mærua rigida.
Les deux noms s’écrivent d’ailleurs avec une orthographe différente.
Cet arbre est commun dans le Ahaggâr ; il se montre quelquefois sur les points les plus élevés du Tasîli.
On l’exploite comme l’ébénier pour la monture des armes. Son bois est couleur marron, fin, léger et souple.
Isarhêr (temâhaq).
L’isarhêr, disent les Touâreg, appartient à la même famille que le tamât et le talha (Acacia Arabica), mais il ne peut pas être confondu avec cette espèce, parce que, vivant ensemble sur les flancs du Ahaggâr, leurs caractères distinctifs sont trop faciles à constater.
Les Arabes donnent à l’isarhêr le nom de talha.
Kînba (temâhaq).
D’après les Touâreg, le kînba est une variété d’acacia (talha) qui croît plutôt en gaulis qu’en arbre, très-commun dans le pays d’Aïr, mais qu’on trouve aussi dans le Tasîli et le Ahaggâr et dont les gaules sont employées, concurremment avec les branches du Mærua rigida, à faire les hampes des javelots et des lances.
El-bergou (arabe) ; Ekaywod (temâhaq).
Roseau, le même que celui du Niger, produisant une sorte de miel. Il croît autour des sources et des mares.
Amateltel (temâhaq).
Plante grasse grimpante.
Kermâyet-edh-dhîb (arabe) ; Tâhert-n-abeggui (temâhaq).
Plante à fruits en forme de grappe de raisin.
Les Arabes de l’Algérie donnent le nom de kermâyet-edh-dhîb (petites figues de chakal) au Solanum nigrum.
Myrtus communis.
Rehân (arabe).
D’après les Touâreg, le myrte existe en assez grande quantité sur le plateau de Tâderart dans l’Akâkoûs.
Gaota (fezzanien).
A Trâghen, les indigènes cultivent sous le nom de gaota un fruit légumineux, de la grosseur d’une tomate. On le mange cru. J’en ai goûté. Il est sucré et légèrement amer. On le dit très-digestif.
Wortemès (temâhaq).
Broussaille, peu commune dans les montagnes des Touâreg, mais abondante au Touât où elle porte le nom de chaliât.
Aharadj (temâhaq).
Plante herbacée, grimpante, venant mêler ses feuilles jaunes à la verdure foncée des bois de tamarix, d’où lui est venu son nom arabe d’es-soffâr-el-ahrech, le jaunissant les arbres verts. Probablement une clématite.
Adal (temâhaq) ; El-khozz (arabe).
Mousse aquatique.
Tânedfert (temâhaq) ; El-’attâsa (arabe).
Commune. Pas de renseignements.
Farsîga (arabe et temâhaq).
Commune dans les montagnes du Ahaggâr et au Touât.
Akerfal (temâhaq) ; El-iadhîdh (arabe).
Quelques stations.
PLANTES DE PLAINES.
Tassak (temâhaq) ; Askâf (arabe).
Commune. S’élève quelquefois dans la montagne.
Afessôr (temâhaq) ; Et-tolîha (arabe).
Commune.
Tameddoûnet (temâhaq) ; Oumm-es-sîma (arabe).
Commune.
Tahenna (temâhaq) ; Et-tehenna (arabe).
Herbe toujours verte. Commune.
Afarfar (temâhaq) ; El-Foûla (arabe).
Légumineuse.
Rhassâl (arabe).
Commune sur le plateau de Tâdemâyt.
CONCLUSION.
Je le répète, si, dans cet inventaire, figure le plus grand nombre des plantes qui composent la végétation persistante du pays, celle sur laquelle comptent ses habitants pour la nourriture de leurs troupeaux, il est hors de doute que la végétation annuelle, celle qui naît, vit et meurt dans une courte saison, n’y est représentée que pour une très-minime partie. Mon exploration directe ou indirecte ne comprend d’ailleurs que le versant méditerranéen des montagnes des Touâreg ; quand on pourra explorer le versant nigritien de ces montagnes, quand surtout on pourra pénétrer dans le massif du Ahaggâr, plus élevé que le Tasîli, plus riche en eau, mieux boisé, il est probable que la flore du plateau central comprendra presque autant de plantes que celle du Sahara algérien aujourd’hui parfaitement connue par les voyages botaniques de M. le docteur Cosson et de ses collaborateurs.
Plus on avance dans l’étude de la région désertique, et plus le désert, tel que notre imagination l’avait créé, disparaît pour faire place à une région exceptionnelle, sans doute, mais plus aride par le fait de l’homme que par l’abandon du Créateur.
Tous les voyageurs chargés d’explorer le Sahara ont constaté que la morte-saison des végétaux correspondait aux mois des plus grandes chaleurs, et qu’après chaque pluie le sol se couvrait presque instantanément de plantes qu’on n’aurait pas soupçonnées s’y trouver en germe. Mon témoignage doit confirmer le leur. J’ai eu l’occasion de me trouver chez les Touâreg au moment où, après neuf années de sécheresse absolue, des pluies abondantes venaient d’arroser la terre, et j’ai vu se produire sous mes yeux le miracle de vastes espaces, nus la veille, transformés instantanément en pacages de la plus belle verdure. Sept jours suffisent pour que l’herbe nouvelle puisse nourrir les troupeaux. On donne à cette production spontanée le nom d’’acheb ou celui de rebîàa, printemps.
Mon exploration confirme aussi une loi bien connue de la géographie botanique : celle qui subordonne les stations des plantes bien plus à l’altitude des lieux qu’à leur latitude. Ainsi, alors que dans les vallées au Nord du Tasîli je trouvais des représentants de la flore intertropicale, au sommet de la montagne, au Sud, les plantes des environs de Montpellier n’étaient pas rares.
Le lecteur comprendra pourquoi j’ai donné autant de développement à cette étude :
Le pays, objet de mon exploration, est réputé un désert sans végétation ; j’ai tenu à constater que la Providence avait, même pour les lieux les plus arides, des ressources spéciales.
Les botanistes qui avaient exploré le Sahara algérien avaient prévu, par la comparaison de leurs herbiers avec ceux du Sénégal, de la haute Égypte et de l’Arabie, qu’à partir de la zone reconnue par eux jusqu’à la limite des pluies tropicales, la végétation saharienne ne pouvait pas se modifier sensiblement ; j’avais à démontrer cette vérité.
Enfin la marche des caravanes est souvent subordonnée aux lois naturelles du développement des plantes qui alimentent les chameaux ; j’avais à mettre sous les yeux du lecteur les éléments d’appréciation des causes qui règlent les départs et obligent à avoir des relais d’animaux.
J’ose espérer que ces motifs feront excuser l’aridité d’une nomenclature très-étendue.
CHAPITRE III.
ANIMAUX.
La faune du pays des Touâreg est en rapport avec sa flore. En général, les animaux y sont relativement plus rares que dans les parties du Sahara rapprochées du littoral. Cette remarque s’applique aussi bien aux animaux domestiques qu’aux animaux sauvages.
§ Ier. — Animaux domestiques.
Les animaux domestiques que possèdent les Touâreg sont :
| Le chameau, | Amadjoûr[90] ; |
| Le cheval, | Aïs ; |
| Le zébu, | Esoû ; |
| L’âne, | Eyhad ; |
| Le mouton, | Akerêr ; |
| La chèvre, | Tîrhsi, plur. Oûlli ; |
| Le chien, | Eydi. |
On trouve, dans les villes seulement :
| Le chat, | Akârouch ; |
| Le pigeon, | Tidebîrt, plur. Idebîren ; |
| Le coq, | Ikahi ; la poule, Tîkahit. |
Inutile de dire que le porc est exclu pour des motifs religieux.
Les Touâreg n’ont aucun oiseau domestique, par la raison qu’ils n’en mangent pas.
Chameau.
La vie des Touâreg, plus encore que celle des autres Sahariens, est intimement liée à celle du chameau ; car ce noble animal est non-seulement sa monture de guerre, la locomotive de ses trains de caravane, l’express qui fait disparaître l’espace, ce grand ennemi de l’habitant du désert, mais encore il est le pourvoyeur de ses principaux besoins.
Son lait est presque l’unique aliment de la famille dans la saison des pâturages ;
Sa viande est le nec plus ultra de l’hospitalité offerte à l’hôte de distinction ;
Son cuir, l’un des meilleurs qui existe, donne le tissu de la tente, la matière première des selles, des bâts, des chaussures et de la plupart des ustensiles de ménage ;
Son poil fournit la matière textile des cordes d’arrimage des convois ;
Sa fiente, récoltée, sert, ici, d’engrais fécondant pour les palmiers ; là, dans les grands espaces sans aucune végétation, de combustible avec lequel on fait cuire les aliments ;
Enfin, sa trace, interrogée dans toutes les marches, fournit au voyageur des indications précieuses dont il est toujours tenu compte, soit qu’elle annonce le voisinage pacifique d’un troupeau au pacage, soit qu’elle signale le passage d’individus, isolés ou en caravanes, chargés ou non, amis ou ennemis ; car la largeur du pied, la longueur des ongles, la nature des déjections, révèlent à l’homme expérimenté tout ce qu’il a besoin de savoir sur les dispositions de ceux qui suivent la même route ou la traversent.
La nécessité de pourvoir à la nourriture d’un animal si utile, on le comprendra sans peine, a obligé les Touâreg à adopter la vie nomade pour aller, suivant les saisons, suivant les pluies, chercher, ici l’eau, là les pacages que le chameau réclame.
On distingue le chameau de selle du chameau de bât, qui diffèrent l’un de l’autre comme le cheval de course du cheval de trait :
Le chameau de bât (taouti, plus communément âmis, fém. tâlamt, plur. imenâs, hongre, indân) constitue la base des troupeaux, l’élément des transports par caravanes ;
Le dromadaire de selle (arhelâm, fém. tarhelâmt, hongre aredjdjân) est un animal presque de luxe, que les riches seuls possèdent.
A son défaut, les pauvres montent souvent dans leurs courses des chameaux de bât dressés pour la marche accélérée auxquels on donne le nom spécial de imenâs-wân-terîk.
La chamelle laitière, tasaghârt, providence des ménages, et l’étalon, amâli, objet de soins particuliers, représentent encore des individualités distinctes, ainsi que le chameau ayant la moitié de la tête blanche et l’autre moitié noire, azerghâf, considéré avec raison comme appartenant à une race en dégénérescence.
Tandis que, pour les différents âges de l’homme, on ne connaît que l’enfance, la virilité, l’âge mur et la vieillesse, pour le chameau et la chamelle, il y a une série de périodes qui n’en finissent pas.
Voici, par sexes, cette nomenclature :
| Mâle. | Femelle. | |
|---|---|---|
| A la naissance | Aoura, | Taouraït. |
| Avant un an | Asâka, | Tesâkaït. |
| A un an | Aledjôd (âledjôd), | Tâledjot. |
| A deux ans | Aleggès (âleggès), | Tâleggest. |
| A trois ans | Akkanafoûd, | Takkanafoûd. |
| A quatre ans | Arhâir, | Tarhâirt. |
| A cinq ans | Egg-essîn, | Ouelt-essîn. |
| A six ans | Egg-ekkôz, | Ouelt-ekkôz. |
| A sept ans | Ameçadîs (âmeçadîs), | Tâmeçadîst. |
| A huit ans | Ouân-tahelât, | Tahelât. |
Ces distinctions ont leur importance pour la détermination des charges à mettre sur le dos des animaux. Des proverbes qui, dans le Sahara comme ailleurs, formulent les préceptes de l’expérience, règlent les questions de poids à porter suivant l’âge des animaux.
Mon intention n’est pas de faire ici une monographie du chameau, quoique l’importance du rôle de cet animal dans la vie saharienne exigerait quelques développements ; je me bornerai à dire que le chameau des Touâreg, de selle ou de bât, comparé à celui du Nord, a généralement les formes délicates, le poil ras, la robe d’un ton clair, se rapprochant de la couleur des sables ou des plaines jaunâtres au milieu desquels il vit.
Sa sobriété aussi est plus grande, il endure mieux la faim et la soif ; cependant sept journées sont la plus grande limite d’abstinence qu’il puisse supporter en été, lorsqu’il est en marche et chargé. En hiver, quand les herbes sont aqueuses, il peut rester au pâturage un et deux mois, même plus, sans avoir besoin d’être abreuvé.
Par les immenses quantités de chameaux que possèdent les tribus du Sahara algérien, on serait tenté de croire que ces animaux doivent être plus nombreux encore chez les Touâreg ; il n’en est pas ainsi. Le plus riche propriétaire de chameaux, dans tout le pays d’Azdjer, n’en a qu’une soixantaine environ. Il y a lieu d’ajouter que la sécheresse et le manque de pâturages, dans les neuf dernières années, y ont beaucoup diminué la richesse cameline.
Le chameau, chez les Touâreg, est abattu comme bête de boucherie, et sa viande, avec celle du mouton et de la chèvre, est à peu près la seule qu’ils mangent, soit fraîche, soit salée, soit séchée. J’ai dû m’en nourrir souvent dans mon voyage et je lui ai reconnu de bonnes qualités.
Quoique le lait des chamelles soit la principale nourriture des familles pendant la saison des pâturages, il est toujours rare dans les tribus, parce que les bonnes laitières, sans pacages suffisants, sont difficiles à trouver dans l’espèce cameline comme dans toutes les autres races d’animaux : aussi les Touâreg croyaient-ils me faire un grand cadeau en m’envoyant un litre de lait.
Cheval.
Le cheval est aujourd’hui très-rare chez les Touâreg, la période de sécheresse que le pays vient de traverser en ayant réduit beaucoup le nombre. Jadis quelques chefs avaient des juments poulinières et faisaient des élèves, maintenant ceux qui veulent avoir des chevaux les tirent du Touât où l’espèce chevaline paraît être belle.
En temâhaq, le cheval se dit aïs, la jument tâbedjoût, tâbedjooût, le poulain ahoûdj, la pouliche tahôk.
Quoique les chevaux soient rares dans le Sahara, et quoiqu’il soit très-difficile de les y nourrir et de les y abreuver, j’ai acquis, par expérience personnelle, la preuve qu’un voyageur, avec des provisions d’eau et d’orge suffisantes, n’est pas obligé d’adopter exclusivement la monture incommode du chameau, même dans les régions sablonneuses.
Si je dois en croire le marabout Sîdi-el-Bakkây et le Cheïkh-’Othmân, deux autorités indiscutables dans les questions sahariennes, les Arabes nomades des rives de l’Océan viennent avec des chevaux, jusque sur la route d’In-Sâlah à Timbouktou, pour y piller les caravanes. Des chameaux, chargés d’eau et de suif, accompagnent ces expéditions. On nourrit d’abord les chevaux avec le suif, et dès qu’un chameau est déchargé, on le tue, et sa viande est employée à nourrir hommes et chevaux. Ainsi approvisionnés, ces pillards peuvent attendre, pendant des mois entiers, dans les solitudes les plus arides.
Des expéditions de cavalerie ont été entreprises par les sultans de Mourzouk contre le Kânem, dans l’Afrique centrale, et elles ont surmonté les difficultés de la nourriture des chevaux.
Le cheval s’habitue très-bien à ne boire que tous les deux jours.
Zébu.
Le zébu ou bœuf à bosse, très-commun dans le Soûdân, est représenté, chez les Touâreg, par quelques individus dont les habitants de Rhât font usage pour leurs labours.
On lui donne, dans le pays, le nom d’esoû, pl. tisita. La vache s’appelle têsout, le veau tahârhôlt, le veau qui tette alôki.
Cet animal doux, intelligent, sobre, facile à manier, sert maintenant comme bête de somme ; autrefois on l’employait comme bête de trait.
Avant l’importation du chameau dans le Sahara, à une époque incertaine, mais qu’on peut fixer approximativement du IIIe au IVe siècle de notre ère, tous les transports entre le Nord et le centre de l’Afrique étaient faits par des zébus, non pas à dos, ainsi que cela se pratique aujourd’hui encore dans la zone des pluies tropicales et à l’exclusion du chameau, qui n’est même plus connu au delà du Niger, mais au moyen de chariots que les zébus traînaient.
Sur la route que suivaient les Garamantes, de Djerma au pays d’Aïr, route encore parfaitement tracée, comme sont les anciennes voies romaines, on trouve, à la station d’Anaï[91], de grandes sculptures sur le rocher, qui représentent très-distinctement des chariots avec roues, traînés par des bœufs à bosse.
Je n’ai pas pu visiter cette contrée, mais d’après les renseignements qui m’ont été donnés, je ne puis douter de la signification de ces sculptures.
En traversant la vallée de Telizzarhên, sur la route directe de Mourzouk à Rhât, M. le docteur Barth a trouvé plusieurs sculptures analogues à celles d’Anaï, dans lesquelles le bœuf à bosse joue le principal rôle. Il est à remarquer qu’aucune des sculptures de l’époque garamantique trouvées jusqu’à ce jour ne rappelle le chameau, et que cet animal n’apparaît, à l’exclusion du bœuf, que dans les épigraphies grossières des Touâreg modernes.
L’emploi exclusif du bœuf pour les transports, dans les temps anciens, implique une richesse en eaux et en pâturages beaucoup plus grande que celle de l’époque actuelle. J’aurai l’occasion de faire remarquer, dans le cours de ce chapitre, qu’il a dû en être ainsi.
Ane.
En temâhaq, l’âne s’appelle eyhad, l’ânesse têihêt, l’ânon amâïnou.
Après le chameau, l’âne est l’animal domestique qui rend le plus de services aux Touâreg, surtout aux serfs, dont le plus grand nombre est réduit à cette unique bête de somme.
Les ânes du pays des Touâreg sont remarquables par leur taille élevée et leur sobriété, presque égale à celle du chameau. Ils ont le pelage gris cendré sur le dos, blanc sous le ventre, avec une croix très-marquée, d’un beau noir, sur les épaules.
L’âne existant encore à l’état sauvage, dans quelques contrées du pays, il en est beaucoup, parmi ceux domestiqués aujourd’hui, qui ont été arrachés à la liberté depuis peu de temps : aussi sont-ils généralement peu dociles et se ressentent-ils de l’état sauvage dans lequel ils ont vécu.
Mouton.
Les seuls troupeaux de bétail de rente, chez les Touâreg, se composent de chèvres et de moutons à poils comme ceux du Soûdân.
Le mouton, en général, s’appelle akerêr en langue temâhaq. Les Touâreg distinguent le mouton à laine des Arabes du Nord du mouton à poil de leur pays, en donnant au premier le nom d’akerêr-âjelbi ou ouân-tedoûft, et au second celui de akerêr-Emmôhagh ou mouton des Imôhagh.
Cette variété de la race ovine se distingue surtout de ses congénères par la hauteur de ses membres : c’est pourquoi les zoologistes lui ont donné le nom d’Ovis longipes, ou mouton à longues jambes.
A la taille il joint un développement considérable de toutes les parties de son corps.
La tête est allongée, le nez arqué, les oreilles pendantes, la queue longue et fine.
Sa toison, blanche et noire ou de couleur fauve, à poil long et rude, ne rappelle nullement celle des moutons à laine.
Le mâle seul a des cornes, et il en a souvent quatre.
La brebis se dit tâheli, l’agneau âbedjoûdj, le petit qui vient de naître, âkarouât, le mouton bistourné, adjoûr.
Ce mouton supporte la marche du cheval, sans doute par suite de l’habitude qu’il a contractée de parcourir de grands espaces pour trouver sa nourriture.
Les Touâreg n’élèvent le mouton que pour sa viande et son cuir ; sous ce double rapport, l’animal ne laisse rien à désirer, car il donne autant de viande et un cuir aussi grand que deux moutons de l’Algérie. J’ai trouvé sa viande bonne : il est vrai que je n’ai pu la juger comparativement.
Chèvres.
Les Touâreg distinguent deux espèces de chèvres : celle à poils ras, tîrhsi, pl. oûlli, et celle à longs poils, tâjelbît. Ils nomment le bouc ahôlagh, le chevreau aboûledj, le petit erheïd ou tirheïdet, suivant son sexe.
Les troupeaux de chèvres sont beaucoup plus nombreux que ceux de moutons, parce que leur aptitude à aller dans tous les terrains et à vivre de broussailles leur permet de trouver plus facilement leur nourriture.
Les chèvres du pays des Touâreg n’ont rien qui les différencie sérieusement de celles de l’espèce commune du Nord de l’Afrique ; elles sont d’une grande ressource pour les serfs auxquels elles donnent viande, lait, poil et cuir, qu’ils utilisent.
Chiens.
Les Touâreg possèdent trois sortes de chiens : le lévrier, ôska, le chien arabe, à long poil, âbar-hoûh, très-rare, et un bâtard de ces deux espèces, à poil ras, qui porte le nom commun de l’espèce, eydi teydît, suivant les sexes. Ce dernier, de beaucoup le plus nombreux, sert à la fois de chien de garde et de chien de chasse.
Quand j’aurai ajouté à cette liste le chat ordinaire, quelques poules et des pigeons, mais seulement dans les villes, j’aurai énuméré tous les animaux domestiques qui se trouvent dans le pays.
Sans aucun doute le nombre des espèces, et, dans chaque espèce, le nombre des individus, pourraient être plus considérables malgré l’aridité générale du sol ; mais le servage est un obstacle presque insurmontable à l’accroissement des animaux domestiques. Le serf n’a aucun intérêt à accroître les troupeaux de son seigneur ; car leur augmentation doublerait son travail de garde. Quant à ceux qui lui appartiennent en propre, il aurait un bénéfice réel à les multiplier, si le seigneur n’était là, prélevant une sorte de dîme et quelquefois plus que la dîme, puisqu’il peut prendre tout ce que possède et produit l’homme attaché à la glèbe.
§ II. — Animaux sauvages.
Si la nomenclature des animaux domestiques laisse à désirer, celle des bêtes fauves, quoique plus riche, dénonce également un pays pauvre.
Mammifères.
Parmi les mammifères on compte :
La chauve-souris, watwat, thîr-el-lîl (ar.) ;
La hyène, irkenî, bêtfen (tem.), dhebaá (ar.) ;
Un carnivore ? tahoûri (tem.) ;
Le chacal, âbaggui (tem.), dhîb (ar.) ;
Le loup ? adjoûlé (le mâle en temâhaq) ;
Id. tarhsît (la femelle), pl. tirhés ;
Le fennec (Fennecus Brucei), akhôr-hi, akôzhekkal, khônchekki, arhôleh (tem.), el-fenek (ar.) ;
Le renard, abârrân (tem.), thaáleb (ar.) ;
Le guépard (Felis jubata) amayâs (tem.), fehed (ar.) ;
Le chat sauvage (Felis catus) târhda (tem.) ;
Id. bârheda (tem.) ;
Id. el-gatt (tem.) ;
Le rat rayé (Mus barbarus) akoûnder (tem.), djird (ar.) ;
Le rat ordinaire, akôteh (tem.), fâr (ar.) ;
Le Ctenodactyle de Masson, têlout (tem.), goundi (ar.) ;
La gerboise, idhaoui (tem.), djerbouá (ar.) ;
Le lièvre isabelin, tîmerouelt (tem.), arneb (ar.) ;
L’onagre, ahoûlil ( tem.) ;
Le hérisson, tikanêsit (tem.), ganfoûd (ar.) ;
L’antilope addax, amellâl (m.), tamellâlt (fém. tem.), el-meha(ar.) ;
L’antilope mohor, êner (tem.), el-mohor (ar.) ;
L’Alcelaphe bubale (ant. orix) tiderît (tem.), beguer-el-ouahch (ar.) ;
Le mouflon à manchettes, oûdad (tem.), laroui (ar.) ;
La gazelle commune, akankôd, pl. ihinkâd (tem.), ghozâl (ar.) ;
La gazelle des dunes, tedemît (tem.), er-rîm (ar.) ;
Un petit mammifère ? akaokao (tem.) ;
Un rat des champs (au Fezzân), koroumbâko.
Le lion âhar ; la panthère, anâba, dâmesâ ; le sanglier, azhîbara (appelé adaouiydaouay dans l’Aïr et aganguera dans le Ahaggâr) ; l’éléphant, êlou, le buffle, tahâlmous, ainsi que le rhinocéros et l’hippopotame, quoique connus des Touâreg du Nord, dans leurs voyages au Nord et au Sud, ne sont pas des animaux propres à leur pays, trop pauvre en eaux, en végétaux ou en gibier, pour qu’ils viennent s’y aventurer.
Quelquefois les Touâreg rapportent du Soûdân, soit comme articles de commerce, soit comme objets de curiosité, des singes, adâguel (tem.), guerd (ar.), connus sous le nom de Guenon patas (Cercopithecus ruber) ; j’en ai acheté deux qui sont au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Oiseaux (îguedâd).
Parmi les oiseaux figurent :
Un aigle noir et blanc, îhadar (tem.) ;
Un aigle à tête blanche, azhîzh (tem.) ;
Le néophron, tarhâldji (tem.) ;
Le gypaète, tamîdda ( tem.) ;
Le faucon, imestarh (tem.) ;
La chouette, taouîk (tem.) ;
Le hibou, bôinhên (tem.) ;
Le corbeau, arhâlidj, arhâla (tem.) ;
Le moineau des arbres, çiden-n-izelán (tem.) ;
Un motteux, belrhô (tem.), boû-bechîr (ar.) ;
Une bergeronnette, meçîçi (ar.) ;
L’hirondelle, amêstarh (tem.), khotteïfa (ar.) ;
Le pigeon ramier, tîdebîrt (tem.) ;
Le flamant, adjâïs (tem.) ;
Le Pteroclurus alchata, erak (tem.) ;
Le ganga, tîkedouin (tem.), gatâ (ar.) ;
La bécassine, tenêq (tem.) ;
Le canard sauvage, tenêq-en-âman (tem.) ;
La demoiselle de Numidie, arhellendjoûm (tem.) ;
L’autruche, ânhil (m.), tânhîlt (fém.), plur. tînhâl (tem.).
Tels sont, sauf quelques omissions, les seuls oiseaux que nourrit et que peut nourrir le pays, oiseaux voraces pour la plupart, et qui trouveraient à vivre là où il n’y a rien.
Quant aux autres espèces, celles qui aiment l’ombrage, les fleurs, les eaux, le voisinage de l’homme, la vie et le mouvement, que feraient-elles au milieu d’une nature désolée, aride, où la mort règne sur d’immenses espaces ?
Un des caractères du désert, celui qui surprend le plus les voyageurs européens, est l’absence d’oiseaux. On peut voyager une semaine, dans certaines contrées, sans en rencontrer un seul.
Souvent les caravanes rapportent aussi du Soûdân des perroquets, akoû (tem.).
Reptiles.
La série des reptiles est plus complète, quoique la famille des chéloniens manque entièrement.
Parmi les sauriens, on compte :
Le crocodile, arhôchchâf (tem.) ;
Le gecko des murailles, amazregga (tem.) ;
Le gecko des sables, timakouert (tem.), boû-kechâch (ar.) ;
Un lézard vert et rouge, ametarhtarh (tem.) ;
Un lézard jaune, tîmekelkelt (tem.) ;
Le scinque, tân-ahâlmouit (tem.), zelgâg (ar.) ;
Le même (jeune), imechellerh (tem.) ;
Le fouette-queue (Uromastix), aguezzarâm (tem.), dhobb (ar.) ;
Le varanus, arhâta (tem.), el-ourân (ar.).
Les batraciens n’ont que deux représentants : la grenouille, âdjeroû, autour des sources et des lacs, et le crapaud des joncs, autour des oasis.
Les ophidiens venimeux sont très-connus, et même au delà du chiffre de leur nombre réel, car la nomenclature locale comprend deux espèces dont l’existence est au moins douteuse.
Voici cette nomenclature :
Vipère cornue, tâchchelt (tem.), lefa’a (ar.) ;
Vipère des jongleurs, seffeltès (tem.) ;
Vipère minute, zorreïg (ar.) ;
Serpent fabuleux, âchchel (tem.) ;
Autre serpent fabuleux, tânerhouet (tem.).
Les ophidiens non venimeux, probablement plus nombreux que les précédents, sont tous confondus sous deux noms communs : âchchel et emedjel (tem.).
Poissons.
Dans un pays où l’eau manque, les poissons doivent être rares ; cependant on en distingue trois espèces :
Le Clarias lazera, asoûlmeh (tem.) ;
Une autre espèce, isâttafen (tem.) ;
Id. imanân (tem.).
Arachnides.
Deux familles de cette classe sont représentées dans le pays par les scorpions, tâzherdâmt, et les araignées, sârâs, dont l’une, très-grande, tîn-aghrân, est réputée venimeuse par les indigènes.
Insectes.
L’entomologie intéresse assez peu les Touâreg pour qu’ils ne s’amusent pas à donner des noms particuliers aux myriades de petits êtres qui composent cette classe d’animaux ; ils se bornent à distinguer par des noms particuliers les grandes familles qui ont des caractères bien tranchés. Leur classification peut être résumée ainsi qu’il suit :
Coléoptères, éguélê (gros), téguéleyt (petits) ;
Orthoptères (sauterelles), tâhouâlt ;
Névroptères (libellules), tâtel-oûlarhet (mot-à-mot, qui vole bien).
Hyménoptères (abeilles), tîhenkêkert-en-toûraout ;
Id. Id. tîhenkêkert-en-tâment ;
Hémyptères (punaises du chameau), tachelloûft ;
Id. ( Id. sa larve), adjôrmel ;
Id. (punaises des maisons), bîzbîz ;
Lépidoptères (papillons), ehellêloû ;
Diptères (moustiques), tadast ;
Id. (mouches du chameau), aheb ;
Id. (mouches de l’homme), ehi, pl. ehân ;
Id. (Arthemia Oudneii, larve), ed-doûda.
Myriapodes.
Cette classe très-nombreuse d’animaux inférieurs n’est représentée que par un seul type, la scolopendre, téouânt des Touâreg, sott-el-kheïl des Arabes.
Annélides.
Un seul genre de cette famille, les sangsues, tâdelît, appelle l’attention par les accidents qu’elle détermine sur les animaux qui vont boire avec avidité dans les eaux troubles.
Le ver de terre se dit tâoukki.
Mollusques.
Toutes les coquilles sont confondues sous le nom général d’issînen-tafoûk (tem.).
Cependant les Touâreg donnent le nom d’izhabi à une volute venant de la côte de Guinée, et qui est employée comme pendant d’oreille ; de tâmguelloût à la Cyprea moneta, qui sert de monnaie au Soûdân ; de ifarghas aux coquilles d’eau douce et particulièrement à celles du genre Melania.
Parmi les coquilles fluviales ou palustres que j’ai recueillies dans mon voyage se trouvent :
Une Planorbis nouvelle et la Physa contorta récoltées à Bîr-ez-Zouâït, région des dunes ;
La Melania fasciolata, commune dans les environs de Ghadâmès et de Titerhsîn ;
La Melanopsis Dufouri de l’Ouâd-Biskra ;
Une Paludine à déterminer, provenant d’Aïn-Temôguet (environs de Djâdo).
Parasites.
L’un est spécial au pays, le ver de Guinée, arhân ; l’autre, le pou, tillik, commun à toute la partie de l’espèce humaine qui vit dans la malpropreté.
Les vers intestinaux, fréquents chez les enfants, se nomment achchellen (serpents).
Un parasite des végétaux, donnant un miel de qualité inférieure, porte le nom de kharnît.
ESPÈCES REMARQUABLES.
Cette nomenclature aride exige, comme complément, quelques lignes sur les espèces qui appellent l’attention.
Tahoûri.
Sous ce nom, les Touâreg connaissent un grand carnivore, de la taille de la hyène, commun dans toute l’Afrique centrale et qui porte les noms suivants dans les pays qu’il habite :
| Au Haoussa, | Kora ; |
| A Timbouktou, | Kourou ; |
| Au Touât, | Gabou. |
D’après les Touâreg venus à Paris, il y aurait au Jardin des plantes un tahoûri originaire du Sénégal.
D’après M. le commandant Hanoteau, il en existerait dans le Ahaggâr deux variétés : l’une noire, l’autre blanche. Cette dernière serait très-craintive.
Loup. — Adjoûlé.
Je donne le nom de loup à une espèce très-féroce qui vit dans le haut du Tasîli et dans les montagnes du Ahaggâr. Je n’ai pas vu cet animal et je n’ose pas affirmer qu’il soit réellement un loup ; cependant, par les renseignements qui m’ont été donnés, je ne puis que l’assimiler à cet animal.
« Il ressemble à un grand chien fauve, disent les Touâreg, et il est le seul carnivore de notre pays qui attaque l’homme sans même être provoqué à la défense. »
Les anciens auteurs avaient signalé la présence du loup dans le Nord de l’Afrique : il n’est donc pas étonnant qu’il s’y retrouve là où la présence de l’homme ne lui dispute pas le terrain.
Cette espèce semble d’ailleurs tendre à disparaître des montagnes des Touâreg, comme elle a disparu du Tell, car aujourd’hui, si l’on en croit les indigènes, elle serait déjà assez rare.
Guépard.
Le guépard est assez commun dans toute la région de l’’Erg, au Sud de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc ; il entre peu dans les montagnes des Touâreg.
Les Souâfa le chassent pour sa peau, plus petite, mais aussi belle que celle de la panthère.
Dans l’Asie méridionale, où cet animal existe, on le dresse pour la chasse : d’où lui est venu le nom vulgaire de tigre-chasseur. Dans les contrées de l’Afrique septentrionale, où on le rencontre, le guépard chasse pour son compte seulement.
Onagre.
L’onagre ou âne sauvage vit en troupeaux dans le Tasîli du Nord, dès la plus haute antiquité, car Pline le signale à peu près dans les mêmes lieux. C’est un bel animal, assez grand, très-rapide, mais d’une domestication difficile.
Les Touâreg ont renoncé à le poursuivre ; ils lui tendent des piéges. Les jeunes seuls, susceptibles d’être dressés, sont conservés vivants. On tue les vieux pour avoir leur peau.
Antilope mohor.
Ce ruminant, si remarquable par ses cornes recourbées en avant, par la blancheur de son pelage, par la gracieuseté de sa démarche, vit en grand nombre dans la plaine d’Admar. On commence à le trouver dans les dunes de l’’Erg. Il est très-commun dans le pays d’Aïr. Les Touâreg le chassent pour sa viande et pour sa peau dont ils font leurs boucliers.
Le cuir de l’antilope mohor est épais et assez résistant pour parer utilement les coups de flèche, de sabre, de javelot et de lance. Il peut dévier la balle, l’amortir, mais non la repousser.
Antilope oryx.
La viande de cet animal, appelé bœuf sauvage par les indigènes, sert en grande partie à l’alimentation des Sahariens et des caravanes.
Les Cha’anba et les Souâfa lui font de grandes chasses dans l’’Erg et viennent vendre à Ghadâmès la chair salée et séchée qui en est le produit.
Pendant mon séjour dans cette ville, j’ai souvent fait usage de cette viande.
Akaokao.
Les Touâreg donnent ce nom à un petit mammifère noir, à peau excessivement dure, qu’on trouve dans les ouâdi de l’Akâkoûs et du Tasîli, et qui vit sur les arbres dont il mange les feuilles.
Cet animal est très-craintif et fuit dans les fentes des rochers dès qu’il entend venir quelqu’un.
Autruche.
L’autruche est rare dans le pays des Touâreg et on ne chasse même pas celles qui y sont, parce que les habitants de cette contrée, n’utilisant pas, comme les Arabes, sa graisse et sa chair, ne trouvent pas d’intérêt sérieux à la poursuivre. Quant aux plumes, déchirées par les rochers, elles n’ont aucune valeur.
Celles de la région sablonneuse de l’’Erg sont, au contraire, très-renommées pour leur belle conservation. Les Souâfa obtiennent des dépouilles de ces oiseaux des prix plus élevés que de celles de toute autre provenance.
Le 7 mars 1861, au puits de Tarz-Oûlli, sur la route de Rhât, j’ai rencontré un marchand de Ghadâmès, El-Hâdj-Mohammed-ben-Deloû, qui suivait une caravane lui appartenant. Il était accompagné dans son voyage par une autruche femelle privée. On lui mettait des entraves comme aux chameaux qui vont au pacage. Ce fait ne parut pas extraordinaire à mes compagnons de route.
Gypaète.
Les Touâreg tirent cet oiseau, d’ailleurs commun, pour en avoir la graisse et la viande. L’une et l’autre sont préconisées contre les piqûres et les morsures d’animaux venimeux.
Crocodile.
Je signale la présence du crocodile dans les lacs de Mîherô, et aussi à la tête de l’Ouâdi-Tedjoûdjelt, en un endroit appelé Tadjeradjeré, sur le rebord Sud du Tasîli du Nord.
Les grandes inondations qui ont eu lieu à l’époque de mon passage à Tikhâmmalt m’ont empêché d’aller moi-même constater l’identité de cet animal amphibie avec ceux du Nil ou du Niger, mais les renseignements précis et certains qui m’ont été donnés par des personnes ayant vu le crocodile en Égypte et dans le Soûdân, l’effroi qu’il inspire aux serfs riverains, la dîme qu’il prélève sur les troupeaux qui vont boire aux lacs, enfin les blessures dont quelques Touâreg portent la cicatrice, ne me laissent aucun doute à cet égard.
D’après les Touâreg, ce reptile reste caché dans des grottes sous-aquatiques pendant l’hiver et il vient à partir du printemps sur le rivage.
A la saison des amours, disent-ils, les femelles poussent des cris semblables à ceux des chameaux en rut.
Toutefois, l’existence d’un aussi grand animal dans de petits lacs de quelques hectares à peine et dans un pays où les pluies sont rares semble d’abord improbable. Cependant l’histoire et la constatation récente de l’existence du crocodile dans des régions similaires m’autorisent à maintenir ce saurien dans la nomenclature de la faune du pays des Touâreg du Nord.
Pline nous apprend que le fleuve Nigris (l’Igharghar moderne) était habité par des crocodiles ; que l’éléphant se trouvait à l’état sauvage sur les bords du Guîr, rivière saharienne qui aboutit au Touât, et même dans les belles vallées de Ghariân, au pied des montagnes de la Tripolitaine, au Nord des lacs de Mîherô.
Les historiens, d’accord avec les géographes et les naturalistes, nous enseignent en outre que les Carthaginois se servaient d’éléphants domestiques dans leurs guerres.
Pour que des éléphants aient pu vivre en liberté dans le Nord de l’Afrique, il a fallu que le pays fût alors plus boisé et mieux arrosé qu’aujourd’hui.
Là où il y a assez d’eau pour l’éléphant, il y en a assez pour le crocodile, car l’un et l’autre se rencontrent à peu près partout dans les mêmes localités.
On a été aussi surpris en apprenant, par les explorations de MM. V. Guérin et Roth, que le crocodile se trouvait encore en Palestine dans l’Ouâdi-Timsah, torrent analogue à ceux du Sahara. Désormais ce fait est accepté par la géographie zoologique.
D’ailleurs, l’existence du crocodile dans les lacs du Tasîli du Nord ne serait pas une exception dans la région saharienne, car, s’il faut en croire les Teboû, plusieurs lacs de leurs pays, notamment celui de Domor, sur la frontière du Borgou, seraient aussi peuplés de crocodiles.
L’étonnement du lecteur sera moins grand, s’il se rappelle que les lacs à crocodiles de Mîherô sont une des têtes de l’Igharghar ; que, dans les temps anciens, l’Igharghar était, d’après Hérodote, un grand fleuve « ποταμός μέγας, » qui, sous le nom de Triton, se jetait dans la mer après avoir traversé trois grands lacs.
Si le grand fleuve, dont le lit, à sec, n’a pas moins de 6 kilomètres de largeur au point où je l’ai traversé, roulait encore de grandes eaux, personne ne serait surpris que le crocodile fut un de ses hôtes ; par la même raison, on doit accepter comme vraisemblable, l’eau à ciel ouvert ayant manqué dans la partie inférieure du fleuve, que les animaux auxquels il donnait la vie soient remontés jusqu’à ses sources.
Si le ποταμός μέγας d’Hérodote explique la présence des crocodiles dans les eaux des petits lacs de Mîherô, au besoin, ces crocodiles justifient l’identification de l’Igharghar moderne avec l’ancien fleuve Triton.
Avec le temps tout a changé : faute d’eau, le chameau a remplacé le zébu ; faute d’eau, l’Igharghar est devenu un grand ouâdi au lieu d’être un grand fleuve, et de même qu’il y a encore quelques zébus dans l’oasis, riche en eau, de Rhât, de même il y a encore des crocodiles dans les lacs de Mîherô.
La zoologie, dans ces cas, vient confirmer les traditions de l’histoire.
Gecko des sables.
Les Touâreg et les Arabes sont unanimes pour proclamer le gecko venimeux. Dans le midi de la France aussi le gecko des murailles est réputé dangereux. Tout au plus peut-on admettre que les plaies contuses résultant de la morsure de ce lézard ne guérissent pas comme des plaies simples.
Ametarhtarh.
Ce lézard, que j’ai rapporté du pays des Touâreg dans de l’alcool, a été reconnu, au Muséum d’histoire naturelle, n’être autre que l’Agama colonorum.
Les Touâreg le disent venimeux et prétendent que son virus tue les chiens et rend les hommes malades.
Ce saurien, comme beaucoup d’autres Agames, inspire de l’effroi quand on le voit, pour sa défense, dresser sa tête et son cou armé de piquants, mais il n’est certainement pas venimeux.
Autres lézards.
Parmi les lézards dont mon exploration constate de nouveau l’existence dans le Sud de l’Algérie se trouvent :
| L’Acanthodactylus Savignyi, | timekelkelt des Touâreg. | |
| L’Acanthodactylus vulgaris, | ||
| L’Agama agilis. |
Toutes ces déterminations, ainsi que celles des poissons, m’ont été données par M. le professeur Duméril.
Vipère cornue.
La vipère cornue ou Cerastes Ægyptiaca se trouve dans tout le Sahara : commune dans les bas-fonds et les vallées, rare dans les lieux élevés, recherchant les points où le sol est blanc, fuyant ceux où il est noir.
Plus encore que les autres vipères, ce reptile a besoin d’une grande chaleur pour être dangereux. En hiver, engourdi, il reste enfoui sous les sables ; en été, il se tient volontiers dans son trou pendant tout le temps que le soleil n’échauffe pas la terre de ses rayons. D’ailleurs, craintif, il fuit avec la rapidité de l’éclair au moindre bruit, de sorte qu’une double surprise est nécessaire pour qu’un accident ait lieu.
Quoique plus rare chez les Touâreg que dans les autres parties du Sahara, cette vipère n’en est pas moins redoutée à cause de la gravité de sa morsure, et on prend des précautions pour s’en préserver.
Vipère des jongleurs.
La vipère des jongleurs, si remarquable par sa marche, la tête relevée et le cou étalé, en signe de menace, lorsqu’elle voit quelqu’un, est rare chez les Touâreg ; on la trouve plus communément au pied du versant Sud de l’Aurès à El-Faïdh et à Chegga, points les plus chauds et les mieux abrités du Sahara algérien.
Les Arabes de ces deux contrées appellent le mâle tha’abân et la femelle na’adja, nom conforme à celui sous lequel cette vipère est connue en zoologie : Naja haje.
Ce serpent, m’a-t-on dit, atteint la grosseur de la cuisse de l’homme et une longueur de deux à quatre mètres. Il est noir, et, quand il devient vieux, il porterait sur le cou une touffe de poils !
Il est de remarque générale que l’effroi causé par la vue des reptiles leur fait attribuer des dimensions en longueur et en grosseur qu’ils n’ont pas : il y a donc lieu de se tenir en garde contre l’appréciation et les descriptions des gens d’El-Faïdh et de Chegga.
On sait que cette vipère est venimeuse, mais on ne se souvient pas que quelqu’un ait été atteint par son poison.
Zorreïg.
Le zorreïg est la vipère vulgairement connue en Algérie sous le nom de Vipère minute, par une fausse identification avec la vipère du cap de Bonne-Espérance, rapportée par Levaillant. Son nom scientifique est Échis carinata ou Vipère des Pyramides de Geoffroy.
On l’a trouvée aux environs d’Oran, mais elle est plus commune dans le Sud, sans y être très-fréquente. Elle n’existe pas chez les Touâreg.
Desfontaines, qui, le premier, a signalé l’existence du zorreïg dans le Sud de l’Algérie, mais sans l’assimiler à aucune vipère connue, n’ayant pu se la procurer, lui attribue, d’après les indigènes, la faculté de s’élancer comme une flèche contre l’animal ou l’homme qu’elle veut atteindre. Sans avoir cette faculté au degré que la peur a peut-être amplifiée, il est incontestable que le zorreïg se dresse et se lance contre son ennemi, mais toujours à très-faible distance.
L’identification de l’Échis carinata avec le zorreïg des indigènes n’est pas douteuse, car, à Biskra, M. le capitaine Pigalle en possède un exemplaire trouvé dans la contrée, et les Arabes ne lui donnent pas d’autre nom.
Psammophis punctatus.
Parmi les reptiles que j’ai rapportés du pays des Touâreg et qu’ils confondent avec d’autres sous le nom général d’âchchel, s’en trouve un petit que j’ai capturé sur un arbre et qui a été reconnu être le Psammophis punctatus.
En l’examinant, on lui a trouvé à la mâchoire supérieure des dents cannelées, à venin, et à la base des dents une glande produisant nécessairement une sécrétion sur les propriétés toxiques de laquelle la science n’est pas bien fixée.
Ce reptile est rangé dans la classe des Opisthoglyphes.
Cœlopeltis insignitus.
Je signale ici, pour mémoire seulement, une couleuvre trouvée dans le Sahara algérien, qui a été reconnue être le Cœlopeltis insignitus.
Serpents fabuleux.
Ils sont au nombre de deux.
Le plus petit, quoique ayant quatre fois la longueur de l’homme, porte une robe grise argentée avec des taches jaunes rougeâtres.
On l’appelle âchchel.
Cet animal sort peu l’hiver, il craint le froid.
Le plus grand s’appelle tânerhouet ; il est rare.
Sa peau est tachetée, sa tête est couronnée de cornes, il crie comme un chevreau.
Quand ce serpent marche, il laisse sur le sol des traces profondes de son passage.
Voilà ce que disent les Touâreg.
Mais, leur demande-t-on s’ils ont vu ces serpents, de leurs yeux vu, tous reconnaissent qu’ils en ont seulement entendu parler.
Rien d’étonnant à ces créations imaginaires. Les ancêtres des Touâreg ont probablement, eux aussi, entendu parler de ce fameux serpent de Régulus qui anéantit une armée romaine près de Carthage.
Poissons.
J’ai déjà dit que les Touâreg avaient trois espèces de poissons dans leur pays : les imanân qui vivent dans quelques rivières, l’asoûlmeh et l’isattâfen qui se tiennent dans les lacs.
Pendant que je séjournais à Tikhâmmalt, les eaux de débordement venues du Tasîli, en traversant les lacs, emmenèrent dans la plaine quelques poissons. Le seul que je pus me procurer est le Clarias lazera, l’asoûlmeh des Touâreg, armé de longues barbes, comme ceux de la même espèce trouvés dans le Nil et dans le Niger[92]. (Voir la planche ci-contre.)
D’après les Touâreg, les isattâfen atteindraient la grosseur de la cuisse de l’homme et auraient une longueur de deux à trois coudées.
Les poissons des lacs de Mîhero donnent lieu à une pêche qui contribue à l’alimentation des serfs riverains. A cet effet, ils creusent sur les bords des lacs de petits canaux étroits, aboutissant à des réservoirs dans lesquels les poissons viennent pour y chercher une nourriture qu’ils ne trouvent pas dans les profondeurs des lacs. Quand ils y sont entrés, on referme les conduits et on les prend.
La présence des crocodiles dans ces lacs rend ce mode de pêche difficile et en interdit tout autre.
J’ai rapporté de mon voyage, mais non du pays des Touâreg, d’autres poissons qui ont été reconnus être :
L’un, trouvé dans les fossés de Tougourt, le Glyphisodon Zillii. Val. ;
Deux autres, fournis par les eaux artésiennes de l’Ouâd-Rîgh, le Cyprinodon doliatus et le Cyprinodon cyanogaster.
Enfin, un quatrième, un Chromis, encore indéterminé, commun dans les eaux du Belâd-el-Djérîd, oasis de la Tunisie.