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Relation des choses de Yucatan de Diego de Landa: Texte espagnol et traduction française en regard, comprenant les signes du calendrier et de l'alphabet hiéroglyphique de la langue maya; accompagné de documents divers histori

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Les Cares en Amérique. Leur extension considérable sur ce continent. Culte des dieux. Macares en Asie, dans l’Inde, en Amérique. Macar, Cipactli, Ymox, Macar-Ona. Le Melcarth des Tyriens et les dieux poissons du Guatémala. Quetzalcohuatl.

En Amérique, nous voyons se produire le même fait qu’en Asie. Dimivan Caracol et ses trois frères sont présentés comme une des causes de l’inondation qui déchire le continent et produit la mer. C’est de son épaule que sort la tortue qui sera la première terre où ils aborderont et qu’ils cultiveront de leurs mains, et c’est avec leur aide que les hommes auront des femmes à qui ils pourront s’unir[150]. Une tradition antique conservée parmi les Guarani, rapportait également l’origine de cette grande famille à deux frères Tupi et Guarani[151], qui, à la suite de la grande inondation, abordèrent aux côtes du Brésil, avec leurs femmes et leurs enfants et bâtirent les premières villes qu’on eût vues dans ce pays[152]. En conséquence de graves dissentiments, survenus entre les deux frères ou les deux familles, ils résolurent de se séparer, et ils se dispersèrent insensiblement dans toute l’étendue de ces vastes régions, où on les reconnaît au nom de Tupi et de Guar, gar, ou car, que l’on retrouve dans les noms d’un si grand nombre de nations. Les traditions antiques du royaume de Quito nous montrent les Caras, débarquant de l’Océan Pacifique au Rio Esmeraldas, d’où ils s’étendent dans l’intérieur où leurs chefs établissent plus tard la dynastie des Scyris[153]: on en voit d’autres apparaître en plusieurs endroits des côtes du Pérou et du Chili, où ils fondent des villes qui portent leur nom, et c’est à un chef cara sorti de la vallée de Coquimbo que les souvenirs antiques du lac de Titicaca attribuent le massacre des hommes blancs de Chucuyto[154]. Les innombrables États d’origine care ou caraïbe, qui existaient encore à l’époque de la conquête, soit à l’intérieur de l’Amérique, soit sur les côtes que baignent les deux mers, attestent l’antique puissance de cette race prodigieuse[155].

«Le culte des dieux Macares est celui des Cares, premiers dominateurs de la mer, ajoute M. d’Eckstein[156], comme il fut très-anciennement aussi celui des Lydiens, des Phout, des Ibères, en tant que navigateurs des côtes de la Méditerranée et des rivages de l’Atlantique, tout cela bien longtemps avant qu’il passât aux Pélasges, après avoir été le bien commun des Cares et des Phéniciens. Ce culte naquit sur les rives de l’Océan Indien et domine dans les régions du Guzzurate, du Katch, des bouches de l’Indus, des côtes de la Gédrosie, de la Perside, du golfe Persique et de l’Arabie, jusqu’aux extrémités des régions éthiopiennes. Le nom de Makara fleurit partout et cela avec un sens précis, dans les légendes du Guzzurate.

»Partout où nous rencontrons les dieux Macares, nous les découvrons avec le double caractère, 1º de dieux des îles Fortunées, d’hommes d’une race divine, et 2º de dieux infernaux, d’hommes d’une race barbare, offrant des holocaustes humains. L’abolition de ces holocaustes a lieu, lorsque le dieu Kâma se dévoue, lui, le grand dieu des côtes de l’Inde occidentale. C’est un vrai Cham par le nom et par l’idée; c’est l’Erôs de l’Océan Indien. Spécialement adoré dans la péninsule du Guzzurate, il est le premier navigateur de l’Océan. Pour triompher du monstre, du tyran de l’abîme, il s’enfonce dans sa gueule, comme le Melcarth de Tyr, comme le dieu des îles et des côtes de la terre ferme des Cares. Dieu des extrémités du globe où l’Amour trouve son chemin; dieu des Libyens et des Ibères, il a passé aux Grecs avec des modifications nombreuses. Il renaît sur les côtes du Guzzurate, où il célèbre son premier triomphe comme vainqueur du Macare, du monstre ou de la baleine qu’il porte en sa bannière; d’où lui vient le nom de Makara-kétou, de Makara-dhvadscha. Il s’entoure partout d’un harem de femmes qui l’enlacent et le dominent; il est le bien-aimé de la Gynécocratie, dans tous les lieux où sa lumière abonde et se promène.»

Si des régions et des mers de l’Asie, nous repassons de nouveau en Amérique, nous y retrouvons les mêmes symboles que dans l’ancien monde, souvent avec les mêmes noms, toujours sous des noms analogues. Celui des dieux Macares, inexplicable ailleurs, d’une manière rationnelle, s’explique là. Macar, dans l’ancien Quiché[157], est le poisson, le monstre marin antique, celui qui s’élève au-dessus des autres, le Cipactli des Mexicains, le premier signe, représenté par un cétacé formidable, appelé aussi Ymox[158] en quiché et Ymix dans la langue yucatèque. Macar, dans le quiché encore, signifie symboliquement l’amour et l’embrassement d’une prostituée[159]. Or, peut-on rien qui corresponde plus franchement à l’idée de la divinité des Cares de l’Asie, navigateurs sur toutes les mers, fondateurs des institutions gynécocratiques et des temples, dont des prostituées étaient les prêtresses? Remarquons également que ce sont les lieux où les Cares paraissaient avoir établi le plus solidement leur domination, dans les provinces situées entre le Darien et le golfe de Maracaibo, que le nom de Macar a survécu aux révolutions de la nature et du temps, dans celui de Macar-Ona, que gardèrent jusqu’à leur entier assujettissement aux Espagnols, les rois des tribus de Bonda, de Malambó et de Tayrona[160]. Ce sont ces provinces, où le nom de presque chaque localité importante commence en car, cara ou cari, dont les montagnes d’Abibe, d’Abraime, d’Abraiva, si riches en métaux et en bois précieux, dont les côtes étaient naguère si célèbres par leurs pêcheries de perles, que se conserva, avec le titre de Macar-Ona, le souvenir des Limnées fameuses des Tayronas, où se forgeaient les armures d’or dont se couvraient tous les rois de l’Amérique[161].

Macar, disons-nous, était aussi le même que Melcarth, l’Hercule phénicien[162] que les médailles antiques, trouvées à Cadix, représentent aussi par deux poissons[163], symboles également des deux jumeaux Hunahpu, de Guatémala, moitié hommes, moitié poissons qu’on voit, sous cette image, dans le MS, dit Mexicain, nº 2, de la bibliothèque impériale. D’une extrémité à l’autre du globe, on le retrouve donc avec les mêmes caractères, dans la Méditerranée, aussi bien qu’en Amérique et que dans l’Inde. Ici le Macar se montre sous le nom de Shambarah, dit M. d’Eckstein[164], le Macar ou Macaryah, monstre marin qui avait englouti Kâma (Erôs), dont il est aussi le symbole, comme Oannès à Babylone. Macar est le premier navigateur ou plutôt l’image du ciste qui transporte les premiers colons avec la civilisation, d’un monde à l’autre. C’est ainsi qu’au début des histoires religieuses et astronomiques des Mexicains, Cipactli, appelé aussi Cipactonal, le premier-né, au retour de la lumière, celui qui le premier fut sauvé du déluge[165], est figuré tantôt comme le monstre marin, vomissant un homme de sa gueule entr’ouverte, tantôt avec le nom de Quetzalcohuatl, sous la forme d’un dragon, d’un serpent épouvantable, engloutissant une forme humaine, ou bien, blessé à mort et se débattant dans l’agonie, baigné de flots de sang[166].

Chose remarquable, d’ailleurs, c’est du moment de son apparition que date la mesure du temps; c’est pourquoi on l’appelle encore Ce Acatl, Une Canne, nom du jour où se montra pour la première fois Tlahuizcalpan-teuctli ou l’Etoile du matin, après les convulsions de la terre abîmée par le déluge[167]. C’est ce serpent qui ondule en replis monstrueux autour de l’édifice qu’on admire à Uxmal, sous le nom de Palais des Vestales, et entre les mâchoires duquel se montre une tête couronnée du diadème royal[168]. Ce serpent est orné de plumes: c’est pourquoi on l’appelle Quetzalcohuatl, Gucumatz ou Kukulcan. Au moment où le monde s’apprête à sortir du chaos de la grande catastrophe, on le voit apparaître, «comme le Créateur et le Formateur, lorsqu’il n’y avait encore que l’eau paisible, que la mer calme et seule dans ses bornes;.... enveloppé de vert et d’azur, il est sur l’eau comme une lumière mouvante[169]

§ XII.

La création suivant le Livre sacré des Quichés. Origine des cosmogonies antiques. Identification de Hurakan, l’Ouragan américain avec Horus. L’Uraeus égyptien et le Quetzalcohuatl au Mexique. Epervier et Vipère, Quetzal et Serpent.

«Voici le récit comme quoi tout était en suspens, dit le Livre Sacré; tout était calme et silencieux; tout était immobile, tout était paisible, et vide était l’immensité des cieux.—C’est au milieu des ténèbres de la nuit, lit-on ailleurs, que le monde a été formé; car la nature de la vie et de l’humanité sont l’œuvre de celui qui est le cœur du ciel, dont le nom est Hurakan[170].» Ainsi que dans la plupart des cosmogonies antiques, c’est du sein des ténèbres primitives que sort, suivant la cosmogonie quichée, le principe créateur; c’est du sein de la nuit qui précède les jours et les nuits, qu’il apparaît sur l’eau comme une lumière mouvante. Mais si l’on entend bien le sens du Popol Vuh, il y a dans les pages de la création quichée deux idées bien distinctes: il y a la création première, au moment où l’univers sortit du néant, et la seconde qui fait allusion aux divers bouleversements physiques du globe terrestre, après la naissance de l’homme. «Admirable, dit l’écrivain quiché, admirable est le récit du temps auquel acheva de se former tout ce qui est au ciel et sur la terre, la quadrature et la quadrangulation de leurs signes, la mesure de leurs angles, leur alignement et l’établissement des parallèles au ciel et sur la terre, aux quatre extrémités, aux quatre points cardinaux, comme il fut dit par le Créateur et le Formateur, la Mère, le Père de la vie, de l’existence, celui par qui tout agit et respire, père et vivificateur de la paix des peuples, de ses vassaux civilisés. Celui dont la sagesse a médité l’excellence de tout ce qui existe au ciel, sur la terre, dans les lacs et les mers.»

La Bible n’offre rien de plus sublime, et aucune nation antique, pas même l’Égypte, avec toute sa sagesse, n’a conservé de la création un souvenir qui réunisse à tant de simplicité et de grandeur, un tableau si frappant de la science cosmogonique. C’est là un reflet des connaissances que possédait l’antiquité américaine, aux temps où l’Égypte édifiait ses plus beaux monuments. Mais quand nous arrivons aux images du monde, sortant du chaos des catastrophes diluviennes, les idées américaines se rapprochent de celles du continent opposé. Le créateur n’est plus le même. C’est maintenant le serpent orné de plumes qui agit; il apparaît sur les eaux, comme une lumière mouvante. Le monde ne sort pas de la nuit; non, il est créé dans les ténèbres, dans la nuit; le texte est clair, chi gekumal, chi agabal. C’est le commencement de tous les systèmes idolâtriques, bâtis sur les idées cosmogoniques relatives à la terre, sortant du cataclysme, sur les terreurs des hommes échappés au naufrage et oubliant, dans leur effroi, les lumières de la religion primitive, source de cette civilisation prodigieuse, vers laquelle le christianisme les fait tendre de nouveau.

En effet, dit le texte quiché, «la nature et la vie de l’humanité se sont opérées dans les ténèbres, dans la nuit, par celui qui est au centre du ciel, dont le nom est Hurakan,» c’est-à-dire l’ouragan, la tempête, qui a renouvelé le monde par les eaux du déluge et par le vent, en éteignant les feux des volcans qui venaient de le bouleverser. Dès ce moment, toutes les forces de la nature vont être divinisées: avec Hurakan apparaissent les trois signes qui sont ses manifestations: «L’éclair, est-il dit, est le premier signe de Hurakan, le second est le sillonnement de l’éclair; le troisième est la foudre qui frappe, et ces trois sont du cœur du ciel.» Ce sont eux qui vont créer le monde, de concert avec Gucumatz, le serpent orné de plumes. «Que cette eau se retire, disent-ils, et cesse d’embarrasser, afin que la terre ici existe; qu’elle se raffermisse et présente sa surface, qu’elle s’ensemence et que le jour luise...—Ainsi fut la création de la terre lorsqu’elle fut formée par ceux qui sont le centre du ciel (l’ouragan) et le cœur de la terre (le feu des volcans, Typhon); car ainsi se nomment ceux qui les premiers la fécondèrent, le ciel et la terre, encore inertes, étant suspendus au milieu de l’eau[171]

Ne trouve-t-on pas là tout l’ensemble des théogonies et des cosmogonies orphiques de l’Asie Mineure et des traditions que reproduit Hésiode? C’est le vieil hiéroglyphe de l’œuf du monde, traité par Lobeck, qui a réuni les fragments de ces cosmogonies dans les Orphica. «S’engendrant de soi-même, mais au sein des ténèbres primitives, le dieu créateur sort de soi-même dans l’œuf du monde. Il féconde la déesse Nuit, la Nuit qui précède la naissance des jours et des nuits. Le sein de la déesse prend la figure de l’œuf. C’est de cet œuf qu’il sort comme l’amour ailé, comme le dieu fort (Tepeu Gucumatz, le dominateur, serpent orné de plumes), comme le principe ailé du temps, ou comme le dieu qui ouvre la série des cycles ou des évolutions qui composent et achèvent le système des mondes. Cette œuvre s’accomplit quand le dieu, sorti de l’œuf, le partage en deux moitiés, l’une qui comprend les cieux, l’autre qui comprend la terre et l’abîme. Le troisième monde se compose de la mer atmosphérique qui constitue le lien intermédiaire entre les deux mondes. Le génie des trois mondes est le dragon aux trois têtes, ou aux trois corps. C’est l’hiéroglyphe d’un triple feu, d’un feu créateur, conservateur et destructeur, par lequel s’achève le mouvement des temps, dans un cercle éternel de créations et de destructions[172]

Ainsi qu’en Asie, remarquons-le bien, nous trouvons en Égypte un fond d’idées cosmogoniques en tout semblables à celles du Livre Sacré. «Créés par Horus, dit Brugsch[173], ils formaient, d’après leur opinion, la première des quatre races du monde connu.» Qui était Horus? Appelé ailleurs le Soleil et Amon-Ra, le seigneur des cieux, ainsi que le Hurakan des Quichés, Horus était la tempête, exactement comme dans le Popol-Vuh. «Ἔσι δὲ Ὥρος ἡ πάντα σώζουσα καὶ τρέφουσα, τοῦ περιέχοντος, ὥρα, καὶ κρᾶσις ἀέρος, dit Plutarque[174]; autrement, «est autem Orus TEMPESTAS, ac temperies aeris ambientis, omnia servans ac alens.» C’est-à-dire qu’Horus est l’ouragan, huracan ou urogan, dans les dialectes des Antilles, mots où l’on trouve, comme dans le nom d’Horus ou Orus, non-seulement la même idée et la même signification, mais aussi le même son, une racine absolument identique. Allons plus loin. Nous découvrons un autre symbole de la même divinité hiéroglyphe dans l’Uraeus, ce reptile singulier qui orne, comme chacun le sait, la coiffure des dieux égyptiens et des pharaons, qui a la faculté de s’enfler la portion supérieure du corps, lorsqu’il s’irrite[175]. Or, dans ce nom d’Uraeus, ne voit-on pas que la première syllabe est encore la racine du mot, hurakan, urogan? Ainsi que le serpent qui représente l’ouragan en Amérique, en Égypte, c’est l’aspic οὐραῖος, l’OURO antique des dieux de Memphis glyphes, glyphes; c’est le Quetzal-cohuatl, emblème également de la puissance royale au Mexique, ainsi qu’en Égypte, le Quetzal-cohuatl qui se dresse en fureur, tel qu’on le voit dans un si grand nombre de monuments, serpent orné de plumes, ainsi que l’Uraeus, décoré également d’un diadème de plumes hiéroglyphe dans les monuments égyptiens; c’est le même symbole, dont Salvolini trouvait la valeur phonétique K, sans pouvoir se l’expliquer[176] et qui se montre parfaitement d’accord avec tous les noms de l’Uraeus américain Quetzal-cohuatl (Ketzal-cohuatl), en mexicain, Gukumatz en quiché, et Kukulcan, dans la langue maya[177].

Continuons. L’Épervier, selon tous les égyptologues, est le symbole spécial d’Horus, il est Horus lui-même. Champollion donne, en effet, l’image de cet oiseau pour la légende du nom d’Horus[178] et Salvolini ajoute[179] que «les monuments et les anciens auteurs attestent que l’image d’un Épervier servait habituellement à représenter dans les textes le nom du dieu Horus.» Encore une fois, n’est-ce pas là la lecture du nom de Quetzal-cohuatl, Quetzal, l’oiseau royal au Mexique et dans l’Amérique centrale, cohuatl, le serpent, aussi bien que Kukul-can et Gukumatz, ou bien encore l’Ara ou grand perroquet représentant le soleil au Yucatan, dont le symbole apparaît dans les monuments yucatèques presque partout où, dans les monuments égyptiens, se montre l’Épervier?

§ XIII.

Pan et ses diverses personnifications. Amon-Ra, Pan et Maïa en Grèce et au Mexique. Peutecatl et Maïaoel à Panuco. Les quatre cents mamelles de la déesse. Khem et Itzamna. Les quatre Canopes en Égypte et au Mexique. Le Sarigue et Sutech.

Un symbole non moins ordinaire dans les monuments égyptiens, c’est le signe hiéroglyphe, que les égyptologues traduisent par neter, dieu, et qui accompagne, dans les hiéroglyphes, toutes les divinités égyptiennes: dans son acception la plus commune, en dehors du cercle divin, ce signe s’exprime par ter, qui a le sens d’une hache ou d’un marteau, on bien par le mot TOUT, omnis[180], et de là l’identification de ce signe par quelques écrivains avec le Pan des Grecs, symbole de la génération universelle. Ce qui semblerait confirmer cette opinion, c’est l’interprétation que M. de Rougé donne aux diverses variantes du groupe hiéroglyphe ou hiéroglyphe, qui, en opposition du sens qui leur est donné par M. Birch, d’après Champollion, désigne un ensemble de dieux, groupe que le savant égyptologue français lit PAU, signifiant au pluriel un cycle de dieux[181]. Cette explication vient parfaitement à l’appui de la précédente: car il est reconnu de tout le monde que Pan, Mendès, Priape, Amon, Amon-Cnouphis, Knèph et Horus, sont également des personnifications symboliques du SOLEIL, le grand Démiurge des Égyptiens; et que toutes ces divinités ne sont rigoureusement qu’un seul et même personnage mythologique.

«Le Démiurge, dit Champollion[182], la lumière éternelle, l’être premier qui mit en lumière la force des causes cachées, se nomma Amon-Ra ou Amon-Ré (Amon Soleil); et ce créateur premier, l’esprit démiurgique, procédant à la génération des êtres, s’appela Amon et plus particulièrement Mendès... Étienne de Byzance (de Urbibus, au mot Πανὸς πόλις) parle en ces termes de la statue du dieu qu’on adorait à Panopolis: Là existe, dit-il, un grand simulacre du dieu habens veretrum erectum. Il tient de la main droite un fouet pour stimuler la lune; on dit que cette image est celle de Pan.» C’est là une description exacte et très-détaillée de l’Amon-Générateur, figuré sur notre planche.

En Grèce, à côté du culte de Pan et d’Hermès, se montre celui de Maïa, donnée comme la mère d’Hermès qu’elle aurait eu de Zeus, qui n’est autre que Pan lui-même[183], et Maïa est regardée comme une sorte de Cybèle et une personnification de la terre. Ouvrons de nouveau le livre des traditions américaines et nous y retrouvons, ainsi qu’en Grèce et en Égypte, Pan et Maïa, sous les mêmes noms, avec les mêmes attributs, avec la même variété de personnifications et de symboles. Pan-tecatl, dans le rituel mexicain, l’homme par excellence, Pan est le même que Cipactonal qui est considéré comme le premier-né de la lumière après la catastrophe du déluge[184]: il est le dieu des amours lubriques et de l’ivrognerie; car c’est lui qui ensuite, sous le nom de Cuextecatl[185], parcourt les campagnes, dans les folies de l’ivresse, en exposant partout sa nudité, et sa compagne est Maïa ou Maïaoel, qui a inventé l’art de faire le vin, octli, qu’elle a tiré du maguey ou aloès[186]. Ce dieu était adoré dans tout le Mexique et dans l’Amérique centrale, et il avait à Panuco ou Panco, exactement Panopolis[187], des temples superbes où les Espagnols trouvèrent, à leur entrée au Mexique, des simulacres de Pan aussi prodigieux qu’ils étaient obscènes[188]. On en découvre encore chaque jour dans ces contrées, et nous avons vu fréquemment nous-mêmes des statues de ce genre, habentes veretrum erectum entre les mains et d’une dimension énorme[189].

Le nom de Pan a d’ailleurs son étymologie parfaitement claire, phonétiquement parlant, dans les langues maya, mexicaine ou quichée. Dans la langue du Yucatan, c’est le drapeau, l’étendard, la chose principale, la raison d’être supérieure, ce qui joint au nom de Maïa ou Maya, qui était le nom principal de celle péninsule, faisait Mayapan, l’étendard de Maya, qui était celui de son ancienne capitale[190]. De là vient qu’on trouve le mot pan, représenté dans les hiéroglyphes mexicains, exactement comme les dieux de l’Égypte par une hachette ou un petit drapeau[191]. Pa, dans le vieux quiché, signifie au-dessus; pan a le sens de protecteur, maya celui de la douceur qu’on aspire d’une plante[192]. En langue nahuatl pan ou pani signifie également ce qui est au-dessus, ce qui pousse en dehors, qui se découvre tout d’abord; de là encore une foule de mots, tels que pantli, l’étendard, la muraille, la ligne droite, la citadelle, qui découlent de celui-là, et Pantecatl, le dieu de la lubricité, de la fécondation et de l’ivresse, dont la signification première paraît être l’homme par excellence, le producteur au-dessus de tous les autres[193].

Si la Maïa des Grecs était considérée comme l’épouse du soleil, en tant que Zeus était assimilé à cet astre, il en était de même de la Maïa mexicaine, adorée encore sous le nom de Centeotl ou Cinteotl, la déesse du maïs et des fruits de la terre[194], de Meahuatl, signifiant le jet ou la pousse de l’aloès, qu’on est obligé de trancher dès sa naissance, au sein même de la plante, pour pouvoir y recueillir la séve, l’octli ou pulqué; c’est à cause de sa fécondité ou plutôt de la fécondation dont elle était la source, qu’on se l’imaginait couverte de quatre cents mamelles, comme l’Arthémis d’Éphèse[195] qui n’était peut-être qu’une copie de Centeotl, portée dans cette ville par les Cares qui, ainsi que les Lydiens, passaient pour être les propagateurs de son culte. Ainsi que les prêtres de la déesse d’Éphèse, ceux de la déesse mexicaine devaient garder une chasteté perpétuelle, de même que les vierges qu’on lui consacrait[196]. Dans la mythologie américaine Centeotl, indistinctement mâle ou femelle, porte un caractère d’hermaphroditisme qui lui venait peut-être de la plante où le sexe de la femme pouvait se représenter par la forme évasée de l’aloès, après le retranchement de son jet, lequel, à son tour, exprimait si visiblement le caractère du mâle. Mère et nourricière du genre humain, on donnait encore à cette divinité le titre de Tonacayohua, celle de notre chair, et, dans cette qualité, elle était l’épouse de Tonacateuctli, le chef de notre chair, autre personnification du soleil[197], considéré, de son côté, comme le père du genre humain.

Pan, dans les monuments égyptiens, est appelé Khem, le dieu des Chemmis, où il apparaît sous les emblèmes d’un dieu phallique, enveloppé de langes; c’est pour cela que son nom est Khem glyphes, glyphes, glyphes, le Renfermé[198]. Ainsi en est-il des Chemes, Chemens, Zemes ou Cemis, dieux ou génies protecteurs et provéditeurs à Haïti, où sous la forme d’un os, d’un bâton, ils sont enveloppés dans des langes de coton[199], exactement comme le Tlaquimilolli, le paquet sacré des Mexicains, ou le dieu Priape des Mandans, qui célébraient encore, il y a si peu d’années, la fête de ce dieu avec des cérémonies d’une obscénité dont rien n’approchait[200]. En nous reportant à l’idée première de cette divinité, nous la retrouvons tout naturellement dans la gerbe de maïs, bien nommée Centeotl, dieu ou déesse unique[201], enveloppée d’abord des feuilles qui recouvrent l’épi, exactement comme des langes qui en étaient l’image. Pan, considéré quelquefois comme Hermès ou le père d’Hermès[202], reparaît encore au Yucatan sous les symboles de ce dieu, comme l’inventeur de l’écriture et des arts, comme le maître de la sagesse humaine, dans le personnage de Zamnà ou Itzamna, qui est regardé comme le premier qui civilisa la péninsule, et le fils du dieu tout-puissant Hunab-ku seul saint[203]. Mais le vrai nom de Zamnà, celui qu’il se donnait lui-même dans l’opinion des peuples[204], était Itzen-Muyal, Itzen-Caan, la substance des nuages, la rosée du ciel, noms dont la première syllabe est encore celle du dieu des Chemmis[205]. Ainsi que ce dernier, il s’appelait aussi Ahcoc-ah-Mut[206], et de lui venait le nom d’Ytzmat-Ul ou Tzemat-Ul à la plus antique des pyramides d’Izamal, élevée, assurait-on, sur le tombeau de Zamnà.

Sous ces divers symboles que nous venons d’examiner, comme sous le nom de Zeus, Pan, ainsi que nous l’avons vu, s’identifie parfaitement avec l’Amon des Égyptiens. Si Pan est la force cachée, la puissance génératrice, nous savons également, au rapport de Plutarque, appuyé sur l’autorité de Manethon[207], que le mot amen, chez les Égyptiens, signifiait «ce qui est caché,» et «l’action de cacher» de la racine glyphes, voiler, cacher. Champollion, qui cherchait comment d’Amon, le dieu caché, on avait pu faire Amon-Ra, le soleil, en trouve l’explication dans un manuscrit où ce nom est écrit «Amoun, glyphes, qui paraît dérivé, dit-il[208], de la même racine que l’ancien nom du soleil ΩΝ, et qui, tous deux, ont la plus grande analogie avec ουων, glyphes et ΤΟΥΩΝΧ, illuminare, ostendere, apparereAmon-Ra est donc le soleil caché, dans son acception la plus vulgaire. Mais qu’est-ce que le soleil caché, sinon le soleil qui se plonge dans la mer, le soleil passé à l’Occident? de là les titres divers, de Seigneur de l’Amenti, de Seigneur du monde d’en bas, attribués à Osiris, de Seigneur des deux hémisphères, que lui donnent tous les monuments égyptiens, et que les égyptologues lui refusent systématiquement, en y substituant celui de Seigneur de la haute et de la basse Égypte. C’est dans le même sens que Tetzcatlipoca, appelé aussi, comme le Pan mexicain, Tonacateuctli, devient la personnification du soleil Tonatiuh ou Τουωνχ, Touônch, l’illuminateur, au Mexique, puis, en descendant au fond des eaux, le Seigneur des ombres et de la mort, Mictlanteuctli, le prince de l’Enfer[209], lequel est encore ailleurs le père de Tlaloc, dieu des eaux, des orages et des tempêtes, l’ouragan, dont il a été question plus haut.

La coïncidence n’est pas moins remarquable, si nous observons que, dans toutes les fêtes qui se célébraient à l’occasion de cette divinité, quatre prêtres portant, au Mexique, le nom de Tlaloque et Chac, au Yucatan, ainsi que le dieu dont ils étaient les ministres spéciaux, plaçaient aux quatre angles de la cour du temple, quatre grandes amphores, toujours remplies d’eau, dont ils avaient la garde. Dans une de ces fêtes consacrées à Zamnà, ces prêtres ayant fait un grand feu au milieu de la cour, y jetaient les cœurs de tous les animaux qu’ils pouvaient rassembler, et quand ils étaient consumés, éteignaient le feu avec l’eau contenue dans les quatre amphores[210]. C’est ainsi qu’en Égypte, les vases dits canopes, où l’on enfermait les entrailles des défunts, se trouvaient «toujours réunis quatre par quatre, ainsi que le sont les génies de l’Amenti ou enfer égyptien: Amtet, Hapi, Satmauf et Namès, dont ils portent ordinairement les têtes respectives qui les caractérisaient, c’est-à-dire humaine, de cynocéphale, de chacal et d’épervier[211]

Ces canopes sont, sous le même nom, les dieux pénates du Pérou[212]. Can, ou con-op, ou con-ub, la puissance qui souffle, ou le vase supérieur; on les retrouve comme les quatre soutiens du monde, dans les quatre Bacab, qu’ils représentent dans les fêtes au Yucatan[213]; dans les quatre grands dieux du Mexique et de l’Amérique centrale, et le Livre Sacré nous les montre presque avec les mêmes symboles qu’en Égypte. C’est, en premier lieu, Hun-Ahpu-Vuch, un Tireur de sarbacane au Sarigue, dont le nom se retrouve dans celui de Sat ou Sutech[214], figuré, sans qu’on puisse s’y méprendre, dans le Sarigue, sur un grand nombre de monuments égyptiens, mais qu’aucun égyptologue n’a su expliquer jusqu’aujourd’hui, et qu’on n’expliquera pas facilement, si on ne le cherche en Amérique, le seul continent où se trouve cet animal[215]. Puis vient Hun-Ahpu-Utiu, un Tireur de sarbacane au chacal[216], puis Zaki-Nima-Tziiz, la grande Épine blanche ou le grand Porc-Épic-Blanc[217]; enfin, Tepeu-Gucumatz, l’Élevé, le Dominateur, le Maître de la Montagne, le Serpent aux plumes de quetzal, que le lecteur connaît déjà. Observons encore, à propos de ce nombre quatre, ceux des quatre animaux, dont les noms caractérisaient les initiés aux mystères de Mithras ou d’Osiris, du Lion ou Chacal, de la Hyène, de l’Aigle et du Corbeau, qui se représentent constamment, sous les mêmes noms et avec les mêmes symboles, dans les mystères antiques de la chevalerie au Mexique[218].

§ XIV.

Les dieux de l’Orcus mexicain, Ixcuina, déesse des amours, personnification de Mictecacihuatl, déesse de l’enfer. Ehecatl au Mexique, Yk au Yucatan, Eikton en Grèce, Hik en Égypte, l’air, l’esprit, le souffle. Phtha et Hun-Batz. Chouen et Chou-n-aten, etc.

Du fond des eaux qui couvraient le monde, ajoute un autre document mexicain[219], le dieu des régions d’en bas, Mictlan-Teuctli fait surgir un monstre marin nommé Cipactli ou Capactli[220]: de ce monstre, qui a la forme d’un caïman, il crée la terre[221]. Ne serait-ce pas là le crocodile, image du temps, chez les Égyptiens, et, ainsi que l’indique Champollion[222], symbole également de la Région du Couchant, de l’Amenti? Dans l’Orcus mexicain, le prince des Morts, Mictlan-Teuctli, a pour compagne Mictecacihuatl, celle qui étend les morts. On l’appelle Ixcuina, ou la déesse au visage peint ou au double visage, parce qu’elle avait le visage de deux couleurs, rouge avec le contour de la bouche et du nez peint en noir[223]. On lui donnait aussi le nom de Tlaçolteotl, la déesse de l’ordure, ou Tlaçolquani, la mangeuse d’ordure, parce qu’elle présidait aux amours et aux plaisirs lubriques avec ses trois sœurs[224]. On la trouve personnifiée encore avec Chantico, quelquefois représenté comme un chien, soit à cause de sa lubricité, soit à cause du nom de Chiucnauh-Itzcuintli ou les Neuf-Chiens, qu’on lui donnait également[225]. C’est ainsi que dans l’Italie anté-pélasgique, dans la Sicile et dans l’île de Samothrace, antérieurement aux Thraces et aux Pélasges, on adorait une Zérinthia, une Hécate, déesse Chienne qui nourrissait ses trois fils, ses trois chiens, sur le même autel, dans la demeure souterraine; l’une et l’autre rappelaient ainsi le souvenir de ces hétaires qui veillaient au pied des pyramides, où elles se prostituaient aux marins, aux marchands et aux voyageurs, pour ramasser l’argent nécessaire à l’érection des tombeaux des rois. «Tout un calcul des temps, dit Eckstein[226], se rattache à l’adoration solaire de cette déesse et de ses fils. Le Chien, le Sirius, règne dans l’astre de ce nom, au zénith de l’année, durant les jours de la canicule. On connaît le cycle ou la période que préside l’astre du chien: on sait qu’il ne se rattache pas seulement aux institutions de la vieille Égypte, mais encore à celles de la haute Asie.» En Amérique le nom de la déesse Ixcuina se rattache également à la constellation du sud, où on la personnifie encore avec Ixtlacoliuhqui, autre divinité des ivrognes et des amours obscènes: les astrologues lui attribuaient un grand pouvoir sur les événements de la guerre, et, dans les derniers temps, on en faisait dépendre le châtiment des adultères et des incestueux[227].

Ainsi, de quelque côté qu’on jette les yeux sur les cosmogonies antiques, en Afrique, en Asie ou en Amérique, de chaque côté, on leur trouve, non-seulement, des analogies, mais des ressemblances si grandes, qu’il serait inconséquent de n’y voir que de simples coïncidences, entièrement dues au hasard: il ne reste donc plus qu’à leur attribuer une origine commune. Dans les cieux, sur la terre ou au fond des mers, en Égypte et au Mexique, ce sont des mythes identiques: Amon-Ra, le soleil, devient Aiumu, l’Osiris infernal, le roi des demeures souterraines, comme Tetzcatlipoca se personnifie en Cipactonal, celui-ci en Mictlanteuctli, en descendant des cieux au fond de l’Océan. Osiris et Horus apparaissent sous le nom de Sat ou Typhon; puis c’est Chnouphis, Knèph, l’Esprit, le souffle divin. C’est ainsi que Quetzalcohuatl, l’Oiseau-serpent devient Ehecatl au Mexique, et Yk dans les langues de l’Amérique centrale «Chnouphis, remarque Champollion[228], porte dans plusieurs inscriptions hiéroglyphiques une légende de laquelle il résulte que cette divinité présidait à l’inondation. Puis il ajoute: Cnèf, Cnouphis ou Chnoubis, se rapportent évidemment aux racines égyptiennes nèf, nèb, nife et nibe, afflare, πνεῖν,» mots qu’on retrouve presque identiques dans ub, pub, la sarbacane, l’instrument par où la terre souffle le feu des volcans, dans la légende de Hun-Ahpu ou Ahpub, dont le nom se retrouve encore dans celui de l’Anupu égyptien.

«Or, par Knèf, continue Champollion, on voulait indiquer l’être inconnu et caché, l’Esprit, πνεῦμα, qui anime et gouverne le monde[229],» dont la forme, dans Jamblique[230] Ημῆφ, se retrouve dans l’Ymox ou Ymix du maya et du quichée[231]: mais allons plus loin; car Jamblique, parlant au nom d’Hermès, c’est-à-dire des Gnostiques, ajoute[232] au sujet de cette divinité δν καὶ Εῖκτων ἐπονομάζει. Le dieu Knèf portait donc également le nom d’Eikton. Là-dessus, Champollion déclare[233] qu’«il ne saurait être douteux que le premier Hermès n’ait été bien certainement le même que le dieu nommé par Jamblique, d’après les livres sacrés de l’Égypte Eikton, le premier des dieux célestes (Οὐράνιοι θεοὶ) intelligence supérieure, émanée de l’intelligence première Knèph, le grand Démiurge.»

Ainsi, rien de plus clair: Eikton, comme Ehec ou Ehecatl[234] chez les Mexicains, comme Yk ou Hyk, au Yucatan et dans toutes les régions voisines, ainsi que dans l’Amérique centrale, est identique avec Knèph; il est l’Esprit qui parcourt le monde et le pénètre dans toutes ses parties, l’ouragan encore, hurakan ou ur-ik-an, qu’on peut traduire en quiché, l’esprit qui vient rapidement; il est le glyphes, glyphes ou glyphes des Égyptiens, le modérateur universel[235], le même euphoniquement et symboliquement en Grèce, en Égypte, au Yucatan, au Mexique et dans l’Amérique centrale. Veut-on continuer la comparaison, qu’on ouvre la Symbolique de Creuzer, traduite et si bien complétée par M. Guigniaut[236], et l’on y trouvera la figure d’un personnage à longue queue, un instrument de musique entre les mains: «Vieillard assis, dit le savant secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions, et jouant d’un instrument à cordes: le caractère de sa physionomie et sa coiffure le rapprochent naturellement d’une des principales figures du numéro suivant. Nous voyons ici Phtha, le démiurge, inventeur des arts et de la musique en particulier, organisant toutes choses par sa divine harmonie.» Creuzer le représente lui comme le créateur Knèph ou Agathodémon, le bon esprit, tandis que M. Guigniaut insiste en disant «que ce vieillard barbu, nain à gros ventre et à face bizarre, portant une coiffure de plumes, est plutôt Phtha, le démiurge et l’artisan céleste.»

Knèph et Phtha, Bunsen le remarque judicieusement[237], sont clairement identifiés dans les monuments égyptiens, ce avec quoi nous sommes parfaitement d’accord. Bunsen observe ensuite que Phtha avait une grande ressemblance avec les Pataikoi, ces statues de nains monstrueux que les Phéniciens attachaient à la poupe de leurs navires, ce qui ramène à l’idée de M. Guigniaut que le vieillard en question serait le dieu Phtha. Mais ce que d’autres n’ont pu remarquer comme nous, c’est la ressemblance frappante de ce personnage, c’est celle de la plupart des images de Phtha, avec celle que nous a laissée le Livre sacré des Quichés dans la description des deux frères Hun-Batz et Hun-Chouen, métamorphosés en singes par Hunahpu, et qui retournent ensuite danser et grimacer devant leur aïeule[238]. «Or Hun-Batz et Hun-Chouen étaient de très-grands musiciens et chanteurs, est-il dit: ils étaient également joueurs de flûte, chanteurs, peintres et sculpteurs; tout sortait parfait de leurs mains.» Ce que nous ajouterons au sujet de cette fiction, c’est que les deux paires de jumeaux, Hun-Batz et Hun-Chouen, d’un côté, qui se montrent si fréquemment dans les bas-reliefs et sculptures de l’Amérique centrale, de l’autre, ceux de Hun-Ahpu et Xbalanqué, paraissent avoir été les symboles antiques de deux sectes religieuses, toujours ennemies, dans ces contrées, dès les temps les plus reculés. N’y aurait-il pas lieu de croire que ces symboles auraient été également, en Égypte, ceux de deux formes de culte, distinctes et opposées l’une à l’autre, quand on observe, précisément sous Amenhotep IV, les changements introduits à Thèbes, dans la religion, celui qui s’opère dans la physionomie même des princes de la famille royale, et qu’on voit le pharaon adopter le nom de Chou-n-aten, qui rappelle si bien celui de Hun-Chouen? Remarquons, en outre, ce que Brugsch ajoute à ce sujet[239]: «Le roi, les membres de sa famille, les grands fonctionnaires, les guerriers, enfin, toute la population de la nouvelle résidence, ont presque l’aspect d’une race étrangère...» Cela ne pourrait-il pas indiquer quelque autre invasion libyenne, des Éthiopiens de l’ouest ou des populations atlantiques?

On signale le culte des dieux-singes, des pontifes-singes dans les diverses théogonies de l’Inde, de l’Égypte et de l’Amérique: dans les peintures égyptiennes et mexicaines, ces animaux sont représentés dans une même posture d’adoration devant la divinité. On a trouvé dans des tombeaux en pierre de l’Amérique centrale des ossements parfaitement conservés de ces cynocéphales, dont la tête de mort est figurée dans les sculptures du grand palais de Copan: dans les provinces d’Oaxaca et de Yucatan, ils recevaient les honneurs divins sous les noms de Hun-Chouen et de Hun-Ahau, et ils y étaient regardés comme les fils d’Ixchel et d’Itzamna, dont les sexes sont changés dans le texte que nous citons ici[240]. C’est d’ailleurs dans l’ensemble des régions, comprises entre ces deux provinces, que se présentent les souvenirs les plus complets de l’Orcus antique dans les noms de Xibalba et de Mictlan, où l’on trouvait, non trois juges, mais treize, dont les noms, conservés de siècle en siècle, font encore frémir les populations[241]. Là aussi, il fallait qu’une pièce de monnaie, représentée par une pierre fine, fût placée dans la bouche du défunt, afin qu’il pût se faire admettre au séjour infernal, et chacun se faisait précéder d’un ou de deux petits chiens roux, destinés à le porter à travers les eaux du fleuve qui tournait neuf fois autour de l’enfer[242]. C’est dans cette demeure funèbre que le Codex Chimalpopoca nous montre Quetzalcohuatl, descendant un jour par ordre des dieux, afin de demander au Seigneur des morts les os de jade dont il fera des hommes[243]: le prince infernal présente à Quetzalcohuatl sa conque que celui-ci saisit, et, ainsi que le Yadus, dans l’enfer sous-marin de Narakah[244], il s’en sert comme d’une trompe; l’enfer tremble, les vers et les autres insectes mystérieux qui étaient endormis s’éveillent et lui prêtent leur aide; les portes de Mictlan s’ouvrent et il s’empare des jades sacrés qu’il porte au monde.

§ XV.

Le Thoth mythique. Viracocha, Bochica, Quetzalcohuatl. Civilisation qu’ils établissent. Opinion des philologues modernes sur les races couschites. Où était leur berceau? Mythes de l’Occident. Gaïa et Iaïa. Peuples divers. Origine des métaux, etc.

Quetzalcohuatl, Kukulcan ou Zamna, c’est lui, nous l’avons dit, qui est l’inventeur des arts graphiques, le démiurge américain, le propagateur des sciences, qui civilise le Mexique et le Yucatan; c’est lui qui reparaît sous le nom de Bochica, à la Nouvelle-Grenade, et de Viracocha au Pérou. Il représente partout «le personnage hiéroglyphique de Thoth, qui sert d’expression, dit Eckstein[245], aux rudiments d’un corps littéraire et scientifique de la plus vieille Égypte,» et j’ajouterai de l’Amérique plus primitive, peut-être, que l’Égypte elle-même. «Le mythique Thoth, continue cet écrivain, agissait comme le mythique Oannès, comme le mythique Pârâsharya, comme le mythique dragon de la primitive Chine. Il posait, comme eux, les fondements d’un ordre de civilisation au milieu de races sauvages, aborigènes de la vallée du Nil, du delta de l’Euphrate et du Tigre, du delta de l’Indus, du delta des confluents de la Gangâ et de la Yamunâ, et des contrées voisines des rives de la mer de Kokonor. Des étrangers sortaient, disaient-ils, d’un Hadès, d’un foyer souterrain, porteurs d’une science d’organisation qui reposait sur un principe de géométrie et d’astronomie, qui ordonnait un calendrier mythico-astronomique, qui canalisait le pays et faisait le cadastre de son territoire, fixait l’enceinte des villages et des cités, ordonnait celle des temples, des résidences pontificales et des résidences royales, qui ébauchait un code de lois, un corps d’ouvrages sur l’anatomie et la médecine, relevant d’un principe sacré. Elle apportait un système d’écriture hiéroglyphique pour exprimer toutes ces choses[246]. Elle se révélait dans un ensemble qui ne permet pas d’y voir le développement d’une culture autochtone aux lieux où elle s’y applique.

»Tout cela se développe, il est vrai, dans le cours des âges, comme on peut le voir partout où se rencontre un principe d’organisation: en Chine, dans la Mésopotamie de l’Inde centrale; dans les régions de l’Indus et du Guzzerate, en Babylonie, dans l’Arabie méridionale, dans l’Éthiopie, y compris Méroë, dans l’Égypte et finalement dans la Phénicie. Mais l’identité du principe se rapporte à un ordre de civilisation complétement importé d’ailleurs. C’est ce qui force l’esprit de critique à attribuer ces rayons de lumière au centre d’une vieille culture que tout concourt à placer dans les régions du Gihon et du Pishon. La Genèse biblique les place immédiatement dans le voisinage du berceau de l’espèce humaine. Ce n’est que dans ces régions de Kusch et de Chavila que la culture a pu parcourir la longue période de ses commencements; ce n’est que là qu’elle a pu avoir son histoire et sa genèse. Son développement ultérieur émane partout ailleurs dans l’ensemble primitif d’un tout complétement formé. Il va de soi qu’un tel ensemble s’élabore, se subdivise, se fractionne de nouveau et se développe comme un arbre de culture nouvelle, conformément aux accidents du sol, des contrées, des climats et des populations autochtones. Il est d’origine thibétaine dans l’Inde, ou encore d’origine malaisienne, nègre, quelque soit le mélange d’éléments auxquels tout cela ait primitivement appartenu.»

Ces deux paragraphes jettent certainement un grand jour sur l’histoire primitive du monde: ils placent à leur véritable point de vue les origines de la civilisation qu’ils ramènent précisément dans le cadre de nos recherches sur l’Amérique. Au premier coup d’œil, ils sembleraient tout à fait d’accord avec les observations de M. Fresnel et de M. Oppert, qui attribuent au pays de Mahrah l’ancienne langue de Cousch, à laquelle se rattacheraient toutes celles dont M. Renan est tenté de créer un groupe distinct sous le nom de sémitique-couschites, «renfermant l’himyarite, le ghez, le mahri, la langue des inscriptions babyloniennes. Mais, dans l’état actuel de la science, ajoute le savant académicien[247], il serait prématuré d’adopter à cet égard aucune formule définitive.» D’autant plus prématuré qu’il faudrait ainsi faire de l’Arabie le point de départ des Couschites de Nemrod, que M. d’Eckstein met, lui, dans le voisinage immédiat du berceau de l’espèce humaine. Mais dans l’une ou l’autre hypothèse, comment accorder ces idées avec le fait de l’origine attribuée par Diodore de Sicile à Bélus, que la plupart des auteurs identifient, d’ailleurs, avec l’Hercule assyrien, avec Nemrod[248]? S’il est vrai, comme l’affirme cet auteur[249], que Bélus était fils de Libye et de Neptune, c’est-à-dire d’un mélange de libyen et d’atlantique, il est clair qu’il ne venait pas de l’Arabie.

En admettant, toutefois, les conclusions de M. d’Eckstein sur les sources de la civilisation primitive, il sera toujours difficile de trouver une solution aux questions qu’il soulève, aussi longtemps qu’on n’aura pas fixé d’une manière satisfaisante la situation du pays de Cousch et de Chavila, le berceau de la race brune, des Égyptiens, des Cares, des populations libyennes et des Américains. S’il était dans l’Asie centrale, comme bien des indices inclinent à le supposer, en voyant de quel côté l’Égypte et la Phénicie paraissent avoir reçu leurs dieux et leurs institutions, il faudrait admettre que cette civilisation, marchant au rebours de celle des Aryâs, se serait répandue d’abord sur les régions les plus orientales de l’Asie, puis en Amérique, d’où elle aurait fait retour sur notre continent, par l’ouest. Ceci n’est qu’une simple supposition; mais elle s’énonce comme la conséquence des faits dont nous avons entretenu nos lecteurs et des cosmogonies qui font sortir de l’Océan atlantique les dieux d’Homère et d’Hésiode, ainsi que les populations de race rouge et cuivrée qui envahirent l’Europe et l’Afrique aux périodes primitives de la terre. Si M. d’Eckstein, de ce regard qui a si bien pénétré au fond des mystères de l’histoire du vieux monde, avait pu, comme nous, voir et juger d’ensemble les deux hémisphères, peut-être eût-il tiré des faits que nous avons exposés des conséquences plus larges que nous-mêmes.

Ce ne pouvait être que par un souvenir de leur antique filiation, que les Égyptiens montraient l’Occident comme la patrie de leurs ancêtres, comme l’Amenti, où les âmes des morts allaient rejoindre leurs pères. En dehors de toute hyperbole, la Genèse, dans sa concision, indique les deux extrémités d’une mappemonde chamitique où nous avons le droit de chercher le continent qui nous intéresse. Elle connaît les Éthiopiens de l’orient et ceux de l’occident, dont Homère et Hésiode nous ont également conservé le souvenir[250]. L’Odyssée les partage en deux διχθὰ, les appelant les hommes des deux bouts ou des deux extrémités du monde, ce qui ne peut convenir qu’aux Éthiopiens des bords de la mer Rouge, à l’orient, et aux populations atlantiques, Américains et Libyens de l’occident qui s’enchaînaient autrefois par des liens rompus depuis par le cataclysme. «Les grands dieux s’y réunissent à certaines époques de l’année, une fois chez les Éthiopiens de l’orient, une autre fois chez les Éthiopiens de l’occident; c’est chez ces derniers que Zeus passe les douze fameuses nuits de la fin de l’année[251] que nous rencontrons dans les mythologies anciennes et qui appartiennent à la constitution d’un vieux calendrier.

«Il est inutile, ajoute plus loin M. d’Eckstein[252], d’insister sur les richesses d’une mythologie dont les détails se perdent à l’infini. Où ne retrouve-t-on pas cet Atlas du Mont au nombril de la terre? cet Atlas de l’Océan au nombril de l’Océan? ce père de la nymphe des séductions, de la Kalypsô? ce père d’une nombreuse postérité de filles qui se partagent les constellations célestes et qui figurent dans la couche mythique des rois de la terre? ces dangers de la navigation de l’Océan? ce thème des dieux Macares, des îles Macares, des femmes Macares, des tyrans et des monstres Macares?... C’est là que l’Erôs des Céphènes sortait de la gueule du poisson qui l’avait avalé, c’est-à-dire du ciste où il avait été exposé sur les flots de l’Océan, et que, triomphant de la mer en courroux, il allait fonder un empire dans ces îles Macares ou sur les continents qui étaient au bout de la traversée.»

C’est dans ces îles de l’occident, où les Cares apparaissent à l’origine de l’histoire, que nous retrouvons le mythe de Gaïa qui donne naissance à Ouranos dans la nuit; nous l’avons vu dans Giaïa ou Iaïa, l’être puissant de la tradition haïtienne, le père de Giaïa-el, qu’il enferme dans le sein de la terre, figurée par une calebasse, d’où ses os, changés en poissons, sortent bientôt après avec l’Océan qui submerge une partie du monde. Les dieux qui habitent la sphère de cet Ouranos sont les dieux Macares, issus comme Ouranos lui-même de la terre et de l’Océan[253]: c’est ainsi qu’à Haïti les Caras apparaissent avant l’existence même de la mer dont ils causent bientôt après l’épanchement. Dans les traditions haïtiennes, comme dans celles de l’Inde et de la haute Asie, «il s’agit ici d’une foule d’événements extraordinaires, de comètes dans les cieux, de baleines et autres monstres marins, des flammes d’un volcan sous-marin qui exigent une victime pour le salut de la navigation. Kâmâ, l’Erôs qui sort de l’Océan et qui est la victime engloutie par Keto ou par le Makarah, le monstre marin, est en même temps la victime et celui qui rachète la victime par le sacrifice de la personne divine.» Dans la légende haïtienne, il y a également une victime: c’est Dimivan Caracol qui détache la calebasse où étaient renfermés la mer et les poissons; c’est de son épaule que sort la tortue sur laquelle les Caras bâtissent leur demeure et commencent la culture de la terre[254].

Ici nous retrouvons avec les Caras la plupart des populations auxquelles les Cares se rattachaient dans les temps antiques en Orient. Ce sont les Cauuna et les Hi-Auna qui rappellent les Caucones et les Cauniens de l’Asie; puis les Hadruvava, les Kâdru ou hommes bruns de la Gédrosie[255]. Nous n’aurions point songé à signaler ces noms ni à les comparer avec aucun de ceux de l’ancien monde, s’ils s’étaient présentés isolément; mais ils se rattachent à tant de symboles dont les analogues se retrouvent en Asie, à tant d’autres indices d’antiques communications, que nous aurions cru manquer à notre devoir d’historien fidèle, si nous les avions passés sous silence. Ces noms s’enchaînent constamment à des traditions et à des vestiges d’institutions disparues qui se retrouvent à la fois sur l’un et l’autre continent. Voleur de femmes, comme les Cares, et après ceux-ci les Phéniciens, Gua-Ha-Hiona (celui ou le chef des fils de Hiona), enlève les femmes de la grotte du soleil à Caunau et les transporte à Matinino, où il fonde un royaume de femmes, dont le souvenir durait encore à l’époque de Colomb[256]: au fond de l’Océan, il rencontre le beau Cobo, le dieu de la conque marine, puis une femme, une enchanteresse qui le retient dans ses bras et lui fait payer le tribut de l’amour[257].

Tout cela est le pendant des traditions de l’ancien monde; on en voit comme un reflet dans la région des Barbaras (varvaras, gargara, caracara) où les hommes sont les esclaves voluptueux de la déesse des plaisirs, où, suivant Arrien[258], les femmes règnent sur les hommes. C’est encore comme cette île des côtes de la Gédrosie, où une nymphe de l’Océan exigeait, ainsi que Circé, le tribut des amours des marins, qui passaient de ses bras dans ceux de l’abîme. Ce peuple d’amants transformés en phoques par la déesse rappelle les enfants de Haïti, abandonnés de leurs mères et métamorphosés en grenouilles[259]. Mais ce qu’on voit ici de bien particulier à l’Amérique, c’est que Gua-Ha-Hiona, au lieu d’être sacrifié comme les amants de l’île de la Gédrosie, reçoit de son amante un mal qu’on ne reconnaît que trop aisément pour la syphilis[260], et dont il doit aller se guérir dans la Nara, la retraite sacrée, où il est avec son amante et les baigneurs qui prennent soin de lui. C’est dans ce lieu qu’en le quittant Gua-Bonito, cette femme par excellence[261], en échange de son amour, donne au chef des Ha-Hiona, la connaissance des métaux précieux, des pierres fines, l’art de les travailler et de les mettre en usage; elle ne le quitte qu’après l’avoir mis en possession de cet art, lui et les autres chefs qui l’accompagnaient, Albeborael et son père Albebora[262]. Combien d’autres souvenirs s’éveillent encore dans toutes ces traditions! Nara, la retraite sacrée, se retrouve dans le Nâr, Nara, Nairrit des légendes antiques de l’Inde et, en Amérique, dans le Nare, l’un des plus grands affluents du Magdalena; dans ce royaume de l’autre crépuscule[263], antipode de l’Inde, celui peut-être où la Matsyâ, la nymphe de la traversée, conduit le marchand, le marin, le passager, dont elle était l’amante.

Ainsi, dit encore M. d’Eckstein, dans un passage analogue[264], «la nymphe reste au service du roi des pêcheurs; elle appartient au Tîrtha, au lieu saint de la traversée d’une rive de la Jamunâ. Les Tîrthas sont des institutions fondées par les Céphènes et les Chamites, à travers toute l’Asie et l’Afrique. C’est par elles qu’on initie les marchands et les marins aux mystères de leur route. La route terrestre et la route maritime servent de figure à celle de la vie. Le soleil voyageur va de l’orient au couchant, du couchant à l’orient, du royaume oriental d’un Kuverah des richesses métalliques et des gommes précieuses, trésors de la montagne, pleines de vertus magiques et curatives, au royaume occidental d’un Nairrit possesseur des perles, des coraux, des conques précieuses, trésors de l’Océan. Les deux abîmes se correspondent ainsi, le gouffre du mont et le gouffre de la mer. Le marchand va aussi d’un bout du monde à l’autre sous la tutelle du dieu.»

On le voit, malgré l’incohérence des traditions haïtiennes, elles renferment encore de précieux renseignements pour l’histoire primitive. On y retrouve les origines de la métallurgie dans ces îles, où elles se rapportent à des événements antérieurs, ou postérieurs au cataclysme qui acheva la séparation des continents, aujourd’hui réunis de nouveau, grâce au génie de Colomb. Avec l’art de fondre et de ciseler l’or, nous avons celui de travailler le marbre et les pierres précieuses, ce qui est indiqué par le guanin et le ciba dans la légende haïtienne[265]. Les grandes grottes de Haïti où Bartolomé Colomb découvrit, jusqu’à seize milles de profondeur, des mines et des travaux métallurgiques, abandonnés depuis des siècles[266], témoignent de l’antique exploitation de l’or aux Antilles. Pierre Martyr mentionne les travaux d’art retrouvés de son temps, et Saint-Méry affirme[267] qu’on découvrit en 1787, dans les montagnes de Guanaminto, un sépulcre avec une pierre, gravée de lettres inconnues. Dans ces montagnes, comme dans toutes les îles voisines, il existe des grottes considérables, travaillées de main d’homme, ornées de sculptures analogues à celle du soleil et de la lune de Caunau, et précédées d’ordinaire des deux stèles des chemis qu’on découvre toujours deux par deux, ainsi qu’en Asie.

L’état de civilisation «où les Caraïbes, aussi bien que les autres naturels des îles et des Guyanes, furent trouvés, dit un auteur haïtien[268], ne permet pas de supposer qu’ils étaient capables de construire des monuments de l’importance de ceux qu’on a découverts ensevelis dans leurs forêts. Ce sont de vastes cryptes creusées dans le roc, et des murailles d’une longue étendue, en pierre sèche ou seulement en terre. Une autre race, d’autres hommes plus policés, auraient donc occupé ces pays, dans des temps reculés, et les Indiens de la dernière époque auraient succédé à la civilisation et à ces peuples éteints par on ne peut savoir quelles révolutions! Ces premiers occupants, d’où venaient-ils? étaient-ils autochtones? Les savants sont partagés sur ces questions; elles sont obscures et inextricables.»

§ XVI.

La Limné de l’Occident. Si elle était située en Amérique? Nations Cares de l’Amérique méridionale et leurs alliés. Les Tayronas ou peuples forgerons des montagnes de Santa-Marta. Leur habileté dans la mise en œuvre des métaux et des pierres précieuses. Cultes divers qui s’y rattachaient. Mythe de Bochica et de Chia.

Les questions d’origine présentent partout de grandes difficultés, et ce n’est qu’en recherchant dans les traditions des peuples les lambeaux de leur histoire, et en les comparant entre eux qu’on parvient quelquefois à faire sortir une lueur de ce chaos. Celles qui se rapportent aux origines de la métallurgie américaine, dont nous parlions tout à l’heure, ne sont pas des moins importantes. C’est sur ce point qui paraît se rattacher encore d’une manière si curieuse au nom des Cares, que nous désirons porter maintenant l’attention du lecteur. On sait la quantité de métaux précieux qui ont été tirés du continent américain depuis Colomb; mais on a vu également la preuve que dans les temps anciens ce continent n’avait pas moins de célébrité sous ce rapport. M. d’Eckstein, que nous aimons à citer à l’occasion, va lui-même nous donner une description poétique et savante à la fois, des lieux où la tradition des Cares plaçait anciennement les mines les plus renommées: «L’Hélios d’Homère, dit-il[269], sort d’une Limné empourprée par les feux du couchant et remonte ensuite à l’Orient pour trôner dans un ciel d’airain. Voss et Welker, ainsi que Völker, ont rapproché ce passage de celui d’un fragment du Prométhée délivré d’Eschyle, où le chœur des Titans vient retrouver Prométhée attaché au mont Caucase; il arrive de la Limné qui est d’un rouge ardent ou d’un golfe du couchant sur les rives de l’Okeanos, fleuve qui enveloppe le globe. C’est là que descend Hélios avec ses coursiers fatigués de la course du jour, dans le pays des Éthiopiens de l’occident.»

Maintenant, si l’on jetait les yeux sur une carte de la mer des Antilles et des côtes voisines du Darien et de Sainte-Marthe, on pourrait s’imaginer, en réunissant, avec cela, les données géographiques et les traditions de ces contrées, que c’est là précisément que l’auteur aurait voulu placer cette Limné ainsi que le séjour des véritables Éthiopiens de l’occident. C’est, en effet, dans les montagnes qui s’élèvent en amphithéâtre autour du golfe de Darien, entre la baie de Maracaibo et l’isthme de Panama, que se trouvent encore aujourd’hui des mines d’or et d’argent, des plus riches et des moins exploitées du globe: c’est entre les sommets les plus inaccessibles de ces montagnes qu’existent les ruines gigantesques des cités cares, ainsi que les débris des forges célèbres où les cyclopes de l’Amérique forgeaient les armures d’or des rois et des princes de ces régions. C’est là, nous l’avons dit, aussi bien que dans les portions du continent qui s’étendent au sud et à l’est, arrosées par les plus grands fleuves du monde, que se retrouve plus qu’en aucun lieu de l’Asie et de l’Amérique elle-même, ce nom de car ou de cara, dans les noms des populations et des villes, sans compter une multitude d’autres noms, dont le son et l’étymologie sont familiers à tous ceux qui ont présents les souvenirs de la Phénicie et de l’Asie Mineure.

A la suite de Panama, vient Pananome, puis les provinces et les rivières de Tabor, d’Abinamechi, d’Abibeiba, etc.[270]; les montagnes d’Oromina, d’Abibi, baignées au sud par le grand fleuve Cauca, dont le nom rappelle encore le Caucase et les Caucaunes; puis Cartama, Caramanta, et plus au nord les Cofanes, tribu puissante habitant les bords d’un fleuve du même nom[271], autre souvenir des Cophanes ou Cephènes de l’orient, issus d’une souche chamitique comme les Cariens. Aux bords de la mer vers le nord, dans ces régions de Terre-Ferme, où presque chaque nom de tribu ou de bourgade commence encore aujourd’hui par car, se présente Malambó, dont le son phénicien n’échappera à personne; c’est celui d’une tribu célèbre anciennement avec les Bondas, les Chimilas et les Tayronas ou les forgerons, les gens de l’enclume, populations essentiellement métallurges et des plus distinguées entre toutes les nations cares dont ils faisaient partie, et qui fournissaient d’or et de bijoux la plus grande partie de l’Amérique méridionale et des Antilles[272]. Toute la chaîne des montagnes, avec ses ramifications, aux cimes couvertes de neige, entre le golfe de Darien et la ligne de l’Équateur, où l’on devrait chercher peut-être le véritable Atlas, ce nombril du monde, était renommée pour l’abondance et la richesse de ses veines métalliques, pour la splendeur de ses cristaux, pour la beauté de ses pierres précieuses, et surtout l’existence de ses mines de jade vert, la pierre sacrée de l’Amérique qu’on ne trouvait, qu’on ne taillait que là[273].

Les immenses ruines que les premiers conquérants espagnols découvrirent dans ces contrées, surtout en s’avançant dans la direction de Cartama et de Caramanta, au bassin du haut Magdalena, les routes taillées dans le roc vif, ou construites de pierres énormes, dans des proportions plus vastes encore qu’au Pérou[274], tout cela avec des traces remarquables d’antique canalisation, et, en face des vestiges de la civilisation qu’avaient conservés les nations riveraines de ce fleuve, prouve de quel haut degré de culture celles-ci étaient alors descendues. Dans les montagnes, l’or et l’argent, travaillés avec tant d’art[275], le cuivre si admirablement trempé[276], les pierres fines et dures, le jaspe, le porphyre et le marbre qu’on ciselait encore avec tant d’habileté[277]; aux bords de la mer, la pêche des perles les plus brillantes, rappelaient sans nul doute cette civilisation des Cares, qui avaient couvert le monde de leurs colonies. Au souvenir de ces traditions extraordinaires, en face de ces montagnes qui portent le nom de la Limné, par excellence, nous sommes bien souvent tenté de voir là la source de ces légendes mexicaines où Quetzalcohuatl joue un si grand rôle; nous sommes tenté d’y placer cet Orcus de l’Océan et de la terre; ce Mictlan où ce personnage mythique allait chercher ces os de jade[278], ces pierres si précieuses au point de vue religieux, dont il voulait faire des hommes, de reculer jusque dans cette terre puissante des Cares, le Tlapallan, si longtemps mystérieux et où Quetzalcohuatl avait puisé tous les éléments de la civilisation primitive du Mexique.

Établis au centre des montagnes les plus élevées de l’Amérique, entourés des fleuves gigantesques qui s’en échappent entre les scènes de la nature la plus riche du monde, et qui semblent l’image la plus vraie du paradis terrestre, est-il étonnant que les Cares, quel que soit d’ailleurs leur berceau primitif, aient pu rayonner de là vers toutes les régions, dans les deux hémisphères? est-il étonnant qu’ainsi que dans les contrées phlégéennes de l’Asie centrale, il aient eu, les premiers, le monopole des métaux précieux, et qu’on ait retrouvé encore au XVIᵉ siècle, parmi les peuples descendus d’eux, en Amérique, ou parmi lesquels ils se mêlèrent, l’art métallurgique porté à un si haut degré de perfection? peut-on s’étonner, enfin, que ce qui restait d’eux et de leurs institutions, malgré la barbarie relative où ils étaient tombés, depuis leur mélange avec des tribus anthropophages, eût un caractère d’analogie si frappant avec les institutions primitives de l’Asie? Car il est une chose dont on devrait toujours se souvenir, en lisant les histoires de la conquête de l’Amérique; c’est que bien des populations qu’on se représente si souvent comme des nations sauvages, l’étaient bien moins alors qu’on ne saurait se l’imaginer aujourd’hui[279]: que ce n’est qu’en lisant les relations originales des conquérants qu’on entrevoit la vérité à l’égard de ces nations, dont plusieurs ne sont devenues sauvages et anthropophages même qu’à la suite de la conquête.

Au-dessous des volcans qui continuent à remuer la terre dans ces régions phlégéennes, les populations, de leur côté, continuent encore aujourd’hui à porter leurs hommages au lac d’Iguague, à quatre lieues de Tunja, dans la Nouvelle-Grenade, où la tradition place une des scènes de leur antique cosmogonie. Dans ce lac, qui paraît avoir succédé à un volcan éteint[280], ils adoraient naguère la déesse Bachué qui, fécondée par son fils, né sans père, était devenue la mère des hommes, et après avoir peuplé le monde, s’était précipitée avec lui dans les eaux du lac, où ils avaient été l’un et l’autre transformés en de gigantesques serpents. Le plateau de Bogota est également entouré de montagnes élevées: le niveau parfait de son sol, sa construction géologique, la forme des rochers de Suba et de Facativa, qui se dressent comme des îlots au milieu des savanes, tout y semble indiquer l’existence d’un ancien lac. La rivière du Funzhà, communément appelée Rio de Bogota, après avoir réuni les eaux de la vallée, s’est frayé un chemin à travers les montagnes situées au sud-ouest de la ville de Santa-Fé. C’est là que la mythologie des Muyscas ou Chibchas place encore une des scènes de ses origines cosmogoniques. Dans les temps les plus reculés, avant que la lune accompagnât la terre, dit la tradition, les habitants du plateau de Bogota vivaient comme des sauvages, nus, sans agriculture, sans lois et sans religion. Alors apparut Bochica, appelé quelquefois le fils du soleil, d’autres fois identifié lui-même avec cet astre: il était accompagné d’une femme appelée Chia, non moins remarquable par sa beauté que par son extrême méchanceté. Par son art magique, elle fit enfler la rivière de Funzha, dont les eaux inondèrent bientôt toute la vallée. Ce déluge fit périr la plupart des habitants; quelques-uns seulement s’échappèrent, en se réfugiant au sommet des montagnes voisines. Bochica, irrité, chassa Chia de la terre, et elle de vint la lune qui, depuis cette époque, commença à éclairer notre planète. Ayant ensuite pitié des hommes, il brisa par sa puissance la barrière de rochers qui fermaient le plateau, et fit écouler ainsi les eaux en créant la rivière de Funzha[281].

Le temps reculé où la lune n’existait pas encore rappelle la prétention des Arcadiens sur l’antiquité de leur origine[282]. L’astre de la nuit est peint comme un être malfaisant, qui augmente l’humidité sur la terre, tandis que Bochica, fils du soleil, sèche le sol, protège l’agriculture et devient le bienfaiteur des Muyscas. Ces Muyscas ou Moscas de la Nouvelle-Grenade, nation métallurge également comme les Tibareni et les Moschici, ces autres alliés des Cariens, dans l’Asie occidentale, adoraient encore Nemodocon, ou Nemiatocoa, regardé en particulier comme le dieu des orfèvres et des tisserands. C’était lui qui présidait aux orgies, où il apparaissait sous la forme d’un ours, affublé d’un manteau, qui dansait et s’enivrait avec les danseurs. On ne lui offrait jamais de sacrifices, parce qu’il se contentait de la chicha ou hydromel qu’il buvait dans ces occasions. On le désignait aussi sous le nom de Fo, le renard[283].

Ce culte et celui de Chia, la lune, se rattachaient encore aux conceptions lascives des Cares, à qui toutes ces contrées devaient leur civilisation primitive. Car Chia était la déesse des sortiléges et des amours, souveraine des lieux souterrains, où elle avait ses sanctuaires; c’est pourquoi les dieux ne lui permettaient de paraître que dans les ténèbres ou de nuit. Véritable Hécate, elle était représentée sous la forme d’une chouette, et son culte se célébrait par des danses, mêlées d’orgies licencieuses, ce qu’on retrouve chez les Caras et ensuite chez les nations de la race nahuatl[284]. Au culte de Chia paraissait se rapporter celui de Dobayba, la mère des dieux[285], dont le temple, caché au fond d’une caverne, dans les montagnes les plus âpres du Darien, recélait, disait-on, des richesses prodigieuses; mais soit que ces richesses n’existassent que dans l’imagination avide des Espagnols, soit que les indigènes eussent réussi à leur en dérober le chemin, il est certain que les conquérants ne parvinrent jamais à le découvrir.

§ XVII.

Antiques sanctuaires. Les Cabires et Curètes. Souvenirs des dieux Macares, existant encore en Amérique. Dieux et cosmogonie du Pérou. Signes distinctifs de la civilisation antique, couschite, assyrienne, égyptienne, américaine, etc.

Un autre sanctuaire du soleil et de la lune existait au confluent de la rivière de Carare et du fleuve Magdalena, sous la forme de deux colonnes naturelles, sculptées et cannelées de main d’homme, d’une hauteur prodigieuse: elles portaient aussi l’une et l’autre le nom de Furatena, et elles étaient regardées comme les génies tutélaires des montagnes, des fleuves et de la mer[286]. Les nations voisines y accouraient en foule pour y présenter leurs offrandes. De petits simulacres de ces colonnes étaient placés à côté des morts dans les tombeaux, et l’on en emportait, ainsi que ceux des Dioscures et des Cabires[287], sur la terre, sur les fleuves et sur l’Océan, comme des dieux protecteurs des voyageurs, des marins et des marchands. De même qu’en Asie et en Grèce, on les retrouvait sous cette forme, ou sous celle de phallus ou de serpents, presque toujours unis deux par deux: car sous ces divers symboles, les Américains représentaient aussi parfois les jumeaux, Hun-Batz et Hun-Chouen, changés en singes, ou leurs adversaires Hun-Ahpu et Xbalanqué, les deux serpents, couverts de plumes, Quequetzalcohua, tels qu’ils se trouvent sur le titre de cet ouvrage[288], ou bien formant le caducée de Mercure, symbole non moins américain que grec, les deux colonnes ou les deux bras, les vrais Cabirim ou Gabirim, dont le sens, dans le quiché et ses dialectes[289], les Deux, les Bras ou Ceux qui ouvrent la bouche en bâillant, comme les Pataikoi, ne se trouve nulle part aussi complet qu’en Amérique.

C’étaient donc eux, les vrais Pataikoi, Hun-Batz et Hun Chouen, les artisans célestes, les démiurges, qu’on adorait sous ces diverses formes, les dieux singes, les génies protecteurs des travaux de la civilisation dans l’Amérique centrale, dans les montagnes de Bonda et de Tayrona, comme au Cundinamarca, au pied des deux colonnes de Furatena, modèles, peut-être, de celles que les Phéniciens placèrent depuis à l’entrée de la Méditerranée. Du pied d’une de ces colonnes sortait une source sacrée où les pèlerins s’abreuvaient: leur situation, au centre des plus hautes montagnes du noyau américain, dans une contrée où tout annonçait le nom des Cares ou des races qui leur furent apparentées, le culte dont elles étaient l’objet, ne rappellent que trop les colonnes d’Hercule, si fréquentes dans l’ancien monde, entre l’Océan et la Palestine; mais ce qui n’est pas moins remarquable, c’est qu’avec tous ces souvenirs, elles existaient précisément dans ces lieux, comme les signes des richesses minérales, des pierres précieuses et des forges d’or, apanage des dieux Macares et des Hercules, dont le nom même s’y conserva jusqu’au temps de la conquête, comme le titre des rois de Bonda et de Malambó. En effet, la plus grande partie de l’Amérique était déjà soumise aux armes espagnoles et plus de soixante ans s’étaient écoulés depuis la découverte du continent par Colomb, que le Macar-Ona des forges de Sainte-Marthe continuait à résister avec les Tayronas aux envahisseurs étrangers et à tenir cette ville en éveil[290]. Aujourd’hui même, que ces populations sont en grande partie disparues, sans laisser d’autre souvenir que celui de leurs antiques richesses, le nom de l’Hercule Macar s’est maintenu comme un dernier signe de la puissance et de l’extension maritime des Cares, aux embouchures de plusieurs des plus grands fleuves du Nouveau-Monde. Une montagne et un cap de la côte du Rio de la Hacha[291] en a pris le nom de Macaira. La plus grande des îles situées à l’embouchure de l’Orénoque, porte celui de Macare, et l’un de ses bras celui de Macareo. Entre Caracas et Victoria, une localité de la côte porte le nom de Macarao. Une autre s’appelle Macarapana, dans la province de Cumana; Macara en est une autre de la province de Jaen, dans l’Équateur; Macarabita, dans celle de Tunja de la Nouvelle-Grenade, sans en compter bien d’autres qu’il serait fastidieux d’énumérer.

Cabires ou Curètes, nous les retrouvons dans le même pays, offrant partout, dans leurs étymologies, un sens raisonnable. Stèles, colonnes ou phallus, deux à deux, comme les chemin du soleil et de la lune, à l’entrée des grottes de Cauuna, à Haïti; Pataikoi jumeaux et protecteurs des arts, dans les forêts ou au fond des forges souterraines, comme Hun-Batz et Hun-Chouen; volcans sublimes au Guatémala et fils d’une prostituée de l’Enfer, comme les deux Hun-Ahpu, qui reparaissent sous la forme de deux êtres, moitié hommes, moitié poissons, après avoir été livrés au bûcher de Xibalba, ils sont identiques avec les Dioscures qui se montrent sous la forme d’Ichtyes, issus de Derketo[292], dans les régions chamitiques de la Syrie. Cabires, ce sont encore les Hun-Ahpu qui allument les fourneaux et soufflent le feu intérieur de la terre, de manière à faire trembler le monde; stèles, colonnes ou phallus, ils se présentent à l’entrée des montagnes de Carare et de Caracua, protégeant les orfèvres et les forgerons dans la montagne, comme les pêcheurs de perles au fond de la mer[293].

Continuons à monter vers l’équateur, et du Mexique jusqu’au pied du Chimborazo, du Cotopaxi jusqu’au Cuzco, nous retrouverons, comme un symbole des mêmes idées, les indigènes, amassant de distance en distance des tas de pierres, ainsi qu’on l’a vu dans plus d’un canton de la Grèce et de l’Asie Mineure: nul ne passera sans y jeter sa pierre; souvent il y ajoutera un brin d’herbe ou une branche d’arbre, en hommage au génie du lieu; d’autres fois, il réunira trois autres petites pierres, dont il formera un foyer éphémère, où il brûlera quelques grains de copal. Là aussi nous rencontrerons les mêmes symboles mythologiques qu’au Cundinamarca, souvent encore avec les mêmes noms que dans le monde ancien. Au Pérou, on adorait sous le nom de Curi, les dieux jumeaux, et semblables aux Dioscures et aux Curètes, les Curacas ou chefs des races primitives étaient sortis d’un œuf[294].

Dans les idées cosmogoniques des prêtres de Guamachuco, Ataguyu était le principe de toutes choses: de son sein étaient sortis deux éléments opposés, Sagad-Çaura et Vanu-Gaurad[295], lesquels à leur tour créèrent une trinité qui gouvernait le monde, Gua-Mansuri, Uvigaicho et Vustigui: ceux-ci étaient les dieux de la génération, producteurs des moissons, et ils s’étaient adjoint Llaygen, le fécondateur, le dieu des eaux et des pluies. Gua-Mansuri, d’après la tradition recueillie à Guamachuco était né dans la province de ce nom, qu’il avait trouvée, à sa naissance, habitée par des êtres semi-divins comme lui, et qu’on appelait Gua-Chemin[296]. Ceux-ci avaient une sœur du nom de Cauptaguan, et Gua-Mansuri l’ayant vue, l’aima et la féconda. Ses frères irrités la tuèrent et réduisirent son corps en poussière, après l’avoir brûlé, et Gua-Mansuri retourna au ciel annoncer à Ataguyu que la création des hommes n’avait pas pu avoir lieu. Mais Cauptaguan, en mourant, avait mis au monde deux œufs que ses frères jetèrent à la voirie. Il en sortit deux jeunes gens, Apo-Catequil et Piguerao: ils naquirent à Porcon[297]. Le premier était l’auteur de tous les maux, et, à l’époque de la conquête, ajoute le document d’où nous tirons ces détails, Apo-Catequil était, de tous les dieux ou génies du Pérou, le plus craint et le plus respecté, de Quito au Cuzco. A peine venu au monde, celui-ci ressuscita sa mère qui lui remit la guaraca ou fronde, laissée par son père Gua-Mansuri. À l’aide de cette arme, il tua ou chassa tous les Gua-Chemin et monta ensuite au ciel annoncer à Ataguyu que la terre était libre. Ataguyu l’envoya alors à la puna de Guacat[298], au-dessus de Santa[299], avec son frère: là, par son ordre, ils creusèrent la terre d’où sortirent les hommes, puis tirant avec sa fronde, Apo-Catequil produisit la foudre et les éclairs.

Dans ces fictions, ainsi que dans bien d’autres, on retrouve toute cette suite de créations que signalent les mythologies de l’Asie Mineure et de la Babylonie; elles se combinent ici avec la pensée des mystères de la vie et de la mort, de la résurrection et des jugements, ainsi que dans l’épopée des Hun-Ahpu, au Guatémala. Pour le moment, nous nous contentons de signaler ce nouveau point de contact avec quelques cosmogonies du vieux monde; mais en terminant, ajoutons que pour se rendre à l’enfer péruvien, Upamarca, dans la langue qquichua[300], il fallait que l’âme, dépouillée de son enveloppe mortelle, passât une rivière sur un pont étroit, formé de quelques cheveux, en se faisant précéder par de petits chiens noirs[301].

De tant de ressemblances et d’analogies entre les origines et les cultes de l’ancien et du nouveau monde, il est impossible de douter que ces deux continents n’aient eu autrefois des communications fort fréquentes et que l’un ne soit venu de l’autre. Auquel donnerons-nous la priorité? C’est là, comme nous l’avons déjà dit, une question que nous laissons au temps et à des investigations plus complètes à décider. La science arrivera-t-elle jamais, d’ailleurs, à préciser l’âge du monde? Ce à quoi nous nous intéressons davantage en ce moment, c’est aux l’origines de la civilisation dont on retrouve des vestiges si considérables dans les antiques traditions de l’Amérique. Nous parlons surtout de cette civilisation matérielle, aux constructions gigantesques, dont Babylone en Asie, Thèbes et Memphis en Égypte, étaient l’expression; de cette civilisation, «de cette puissante organisation de la force, de ce despotisme où le roi usurpait la place de Dieu[302],» telle que nous la voyons dans les débris des sociétés antiques, d’un bout à l’autre du continent américain.

Dans cette communauté d’idées, de culte et de cosmogonies que nous avons montrée entre l’Amérique, l’Égypte et la Phénicie, il y a surtout une chose qui nous a frappé et que nous n’avons point hésité un instant à faire remarquer tout d’abord, c’est l’embarras où se montrent la plupart des philologues et des historiens pour assigner un berceau aux peuples qui étaient en possession de cette civilisation étonnante et que rien, ni leurs langues, ni leurs institutions, ne rattachent aux autres populations de l’Asie. Si, comme l’avance M. d’Eckstein[303], les Cares sont d’origine couschite, si aux Cares se rattachent en Asie, les Lydiens, les Léléges, les Cauniens, les Chaldéens, les Cephènes, etc., et de l’autre, en Afrique, les Égyptiens et les populations libyennes, il faudra bien admettre que si le premier berceau de Cousch, en tant qu’origine première, est en Asie, son berceau comme père de tant de nations, de langues et d’institutions analogues, aurait bien des chances de se retrouver un jour en Amérique. C’est de ce continent que «les Cariens, dont l’origine est un des problèmes les plus importants et les plus obscurs de l’ethnographie ancienne[304],» ont rayonné sur tous les points du globe, et bien que M. Renan assure que «la question d’une intrusion de races de «l’Occident parmi les Sémites ne peut être agitée qu’à propos des Philistins[305],» nous croyons avoir présenté déjà suffisamment de preuves tendant à établir le contraire.

«Le caractère de l’ancienne civilisation assyrienne[306], qui se rapproche parfois de celle de l’Égypte,» nous rappelle les paroles de Diodore de Sicile, qui dit positivement que Bélus était «fils de Neptune et de Libya; il conduisit des colons à Babylone, et, établi sur les rives de l’Euphrate, il institua des prêtres qui étaient, comme ceux de l’Égypte, exempts d’impôt et de toute charge publique.» Diodore ajoute encore[307], ce qui est très-significatif: «les Babyloniens les appellent Chaldéens.» Or on sait que Bélus et Nemrod sont des personnages identiques, et «le Livre de Daniel distingue expressément la langue des Chaldéens de la langue vulgaire de Babylone, (la sémitique sans doute), et nous présente l’étude de la littérature des Chaldéens comme un privilége de la classe noble, une sorte d’enseignement réservé, qui se donnait dans une école du palais[308]

Ainsi les Chaldéens, les maîtres de Babylone, cette race de prêtres étrangers, devenue la noblesse du pays, était bien d’origine libyenne et occidentale, et, ce qui est plus significatif, sortie de l’Atlantique, ainsi que l’indique le nom de Neptune. M. Renan va achever de les identifier: «A une époque également anté-historique, dit-il, nous rencontrons sur le Tigre et le bas Euphrate une race qui paraît étrangère aux Sémites, les Couschites, représentés dans les souvenirs des Hébreux par le personnage de Nemrod[309], et dont le nom se retrouve peut-être dans celui des ‏כּותׅים‎ ou Cuthéens, des Κίσσιοι d’Hérodote, des Κοσσαῖοι et du Kouzistan actuel. Tout porte à croire qu’identiques aux Céphènes, auxquels la tradition grecque attribuait la fondation du premier empire chaldéen, ils procédèrent du sud au nord et se portèrent de la Susiane et de la Babylonie vers l’Assyrie. Babylone, Ninive, plusieurs des grands centres de population groupés autour de Ninive et que les explorations récentes viennent de rendre à la lumière, durent à ces peuples leur première fondation. Le caractère grandiose des constructions babyloniennes et ninivites, le développement scientifique de la Chaldée, les rapports incontestables de la civilisation assyrienne avec celle de l’Égypte, auraient leur cause dans cette première assise de peuples matérialistes, constructeurs, auxquels le monde entier doit, avec le système métrique, les plus anciennes connaissances qui tiennent à l’astronomie, aux mathématiques et à l’industrie.

»Ces conjectures sont, du reste, en accord avec les travaux de M. Oppert sur les inscriptions babyloniennes et avec les recherches de M. Fresnel sur les langues de l’Arabie méridionale. Tous deux sont persuadés que la langue des inscriptions babyloniennes est un dialecte sémitique analogue au dialecte du pays de Mahrah, situé au nord-est d’Hadramant. Or le dialecte du pays de Mahrah semble représenter un reste de l’ancienne langue de Cousch. M. Fresnel conclut de là que c’est en Arabie qu’il faut aller chercher le point de départ des Couschites de Nemrod[310]

Mais nous avons déjà vu, avec Diodore, que c’est de la côte libyenne, et comme colonie de l’Égypte et non de l’Arabie, que Nemrod et les Chaldéens sont allés à Babylone. Pourquoi s’étonner après cela qu’on trouve entre les langues sémitiques et l’égyptien, ainsi que les autres langues d’origine couschite, des analogies quelquefois si marquées? le contraire serait presque un prodige, après le long séjour des Hébreux en Égypte, où les Béni-Israël eurent tout le temps d’oublier leur propre langue; après la certitude que nous avons acquise de la parenté des populations couschites avec les Égyptiens, avec Cham, après les nombreuses alliances de celui-ci avec les fils de Sem, en Égypte ou ailleurs. Ajoutons encore ici, pour en finir avec nos emprunts à M. Renan, que «cette redoutable organisation militaire, cette vaste féodalité qui faisait tout aboutir à un même centre, cette science du gouvernement,» représentant si bien l’esprit de la race couschite, se trouvaient encore dans toute leur force dans les empires du Mexique, du Cundinamarca et du Pérou, au moment même de la conquête espagnole. Tout ce que cet écrivain dit de Ninive, où «nous trouvons, dit-il[311], un grand développement de civilisation proprement dite, une royauté absolue, des arts plastiques et mécaniques très-avancés, une architecture colossale, un culte mythologique qui semble empreint d’idées iraniennes, la tendance à envisager la personne du roi comme une divinité, un grand esprit de conquête et de centralisation,» tout cela existait dans l’empire des Incas, comme au Michoacan et à Mexico, lorsque les conquérants espagnols apparurent sur les côtes de l’Amérique.

§ XVIII.

Résultats de ces recherches. Décadence d’une civilisation et d’une navigation antiques. Les Phéniciens en héritent, puis les Carthaginois. Souvenirs affaiblis des anciennes connaissances maritimes. L’Amérique dans Diodore de Sicile, etc.

Maintenant une dernière question reste à faire au sujet de tous ces peuples, soit de ceux qui existaient sur le continent américain, soit de ceux qu’on trouve si intimement liés avec eux, en Europe, en Afrique et en Asie. A quelle époque se séparèrent-ils, quand cessèrent les relations qui paraissent avoir relié autrefois, presque comme aujourd’hui, toutes les nations du monde? Ainsi que nous l’avons vu, au commencement de ce récit, on ne peut en attribuer l’interruption qu’à ces catastrophes immenses antérieures à tous les souvenirs précis de l’histoire, et qui nous reportent évidemment aux époques diluviennes, dont parlent les différentes traditions de la terre. C’est à quoi semble faire allusion également le nom de Phaleg ou Peleg, un des descendants de Sem, suivant la Bible, et qui signifie, ajoute l’Écriture, que ce fut de son temps que la terre fut divisée[312]. Mais c’est là une question trop ardue et sur laquelle nous ne nous appesantirons pas: notre tâche était de chercher à relier les deux mondes en comparant les traditions qui de part et d’autre ont conservé le souvenir d’antiques communications. Nous l’avons tenté; le lecteur dira si nous avons réussi[313], et si nous avons apporté suffisamment de preuves pour justifier le titre de cet essai.

À la suite de toutes les recherches que nous avons faites, dans ce dessein, nous ajouterons que ce qui semblerait résulter des documents variés que nous avons eus sous les yeux, ce serait l’idée vague d’une doctrine analogue au dogme chrétien de la déchéance, qu’on trouve répandue surtout dans les traditions mexicaines[314] et qui s’expliquerait ici par la décadence d’une immense civilisation primitive dont on ne connaît jusqu’à présent, quant à l’Amérique, que des souvenirs et des traditions, mais dont l’Égypte ainsi que l’Assyrie auraient été peut-être les reflets dans l’ancien monde. Ce qui paraît hors de doute, c’est qu’à dater du cataclysme, cause de la grande séparation des peuples, les connaissances humaines se seraient trouvées partout abaissées sur la terre, dans l’ordre matériel, aussi bien que dans l’ordre moral. De là paraissent dater, ainsi que nous l’avons observé précédemment, la plupart des systèmes idolâtriques, fondés sur les terreurs de l’homme au sortir du cataclysme, et organisés par un petit nombre de prêtres, instruits de la science antique, dans le but d’établir leur puissance sur les sociétés renaissantes. Avec la décadence de la civilisation s’arrêtèrent également ces étonnantes navigations où les Cares avaient pris une si large part: le souvenir même tendit à s’en effacer de siècle en siècle parmi les nations, et l’on oublia presque qu’il y avait un autre continent, opposé à l’Europe et à l’Afrique. À l’exception des indices mystérieux que nous trouvons des voyages des Phéniciens et des Carthaginois entre l’Afrique et l’Amérique tropicale, en dehors des invasions partielles entreprises par le nord de la Scandinavie à l’Islande et de là aux côtes septentrionales de l’Amérique, antérieurement, peut-être, et postérieurement à l’ère chrétienne, on ignore s’il a existé, par l’Atlantique, quelque communication avec le continent occidental, jusqu’au jour où le génie de Colomb est venu renouer les deux mondes.

Cette décadence de la navigation, cette interruption qui se produit insensiblement dans les relations entre les deux continents, cet oubli de l’occident ou plutôt l’obscurcissement des idées à cet égard, seraient encore l’objet de plus d’une question intéressante. On ne saurait encore s’expliquer ces choses que par des cataclysmes partiels et consécutifs, brisant l’un après l’autre des nœuds antiques, en faisant descendre de nouvelles portions de terre au fond des mers; par des bouleversements terribles dans les continents ou des émigrations de peuples, fuyant dans l’épouvante leur patrie déchirée par les convulsions de la nature, comme celles qui obligèrent les tribus du nord de l’Asie à descendre vers l’Inde, qui de Céphène alors devint Arya[315]. Sans doute les nations échappées au cataclysme atlantique, du côté de l’Orient, durent penser d’abord que c’en était fait à jamais de toutes les terres occidentales, et ce fut apparemment un hasard heureux, comme celui dont parle Diodore,[316] à propos de la grande île découverte par les Phéniciens, qui leur fit reconnaître que tout n’avait pas été englouti par les flots, au delà de l’Océan.

Quelles que soient, d’ailleurs, les causes de la décadence de la navigation antique, il n’en demeure pas moins établi que les peuples qui nous apparaissent aujourd’hui comme les principaux navigateurs, dans les siècles passés, étaient les peuples de la race de Cham et en particulier les Cares. Des Cares, cette science passa aux Phéniciens et aux Étrusques: mais déjà elle avait perdu de son caractère d’universalité. En prenant tour à tour les rares fragments conservés dans les écrits des anciens, on la voit décliner avec les notions des terres transatlantiques, qui deviennent de siècle en siècle plus vagues et plus obscures. Les Phéniciens, craignant sans doute qu’on ne leur enlevât le monopole du commerce de l’Occident, en dérobaient, autant que possible, la connaissance aux autres nations, et l’Égypte, qui devait être mieux qu’aucune d’elles instruite de l’existence de l’Amérique, se taisait par orgueil national ou par esprit de secte, ne disant que ce que ses prêtres voulaient qu’on sût, afin d’empêcher les Grecs, trop curieux et trop bavards, d’approfondir ses origines.

«Dès les temps homériques, dit Humboldt[317], les Hellènes avaient la croyance que des pays riches et fertiles étaient situés vers le couchant; mais leur connaissance précise du bassin méditerranéen ne s’étendait pas alors au delà du méridien de la Grande-Syrte et de la Sicile. Toute la partie occidentale de ce bassin, depuis longtemps parcourue par les Phéniciens, ne fut connue aux Hellènes que depuis le voyage de Colœus de Samos, dont Hérodote a reconnu l’importance[318].» Leur horizon géographique s’agrandit peu à peu, de la mer Égée au méridien des Syrtes, de là aux colonnes d’Hercule et hors du détroit, avec Hannon vers le sud, avec Pythéas vers le nord[319]. A l’ouest, les Carthaginois suivaient en Amérique les traces des Cares, auxquels ils avaient succédé. Diodore nous l’apprend dans les termes les plus clairs. Déjà le récit de Platon nous a fait connaître ce qu’on savait de l’Atlantide; ceux de Plutarque et de Théopompe sur le grand continent Cronien ou transatlantique ne laissent presque rien à désirer, si on les compare à la description du Groenland et de l’Amérique du nord[320]. Voici maintenant en quels termes Diodore décrit l’Amérique méridionale:

«Après avoir parlé des îles situées en deçà des colonnes d’Hercule, nous allons décrire celles qui sont dans l’Océan. Du côté de la Libye, on trouve une île dans la haute mer, d’une étendue considérable, et située dans l’Océan. Elle est éloignée de la Libye de plusieurs journées de navigation, et située à l’occident. Son sol est fertile, montagneux, peu plat et d’une grande beauté. Cette île est arrosée par des fleuves navigables. On y voit de nombreux jardins plantés de toutes sortes d’arbres, et des vergers traversés par des sources d’eau douce. On y trouve des maisons de campagne somptueusement construites et dont les parterres sont ornés de berceaux couverts de fleurs. C’est là que les habitants passent la saison d’été, jouissant voluptueusement des biens que la campagne leur fournit en abondance. La région montagneuse est couverte de bois épais et d’arbres fruitiers de toutes espèces; le séjour dans les montagnes est embelli par des vallons et de nombreuses sources. En un mot, toute l’île est bien arrosée d’eaux douces qui contribuent, non-seulement aux plaisirs des habitants, mais encore à leur santé et à leur force. La chasse leur fournit nombre d’animaux divers et leur procure des repas succulents et somptueux. La mer, qui baigne cette île, renferme une multitude de poissons, car l’Océan est naturellement très-poissonneux. Enfin l’air y est si tempéré, que les fruits des arbres et d’autres produits y croissent en abondance pendant la plus grande partie de l’année. En un mot, cette île est si belle qu’elle paraît plutôt le séjour heureux de quelques dieux que celui des hommes[321].

»Jadis cette île était inconnue à cause de son grand éloignement du continent, et voici comment elle fut découverte: les Phéniciens exerçaient de toute antiquité un commerce maritime fort étendu; ils établirent un grand nombre de colonies dans la Libye et dans les pays occidentaux de l’Europe. Leurs entreprises leur réussissaient à souhait, et, ayant acquis de grandes richesses, ils tentèrent de naviguer au delà des colonnes d’Hercule, sur la mer qu’on appelle l’Océan. Ils fondèrent d’abord sur le continent, près des colonnes d’Hercule, dans une presqu’île de l’Europe, une ville qu’ils nommèrent Gadira. Ils y firent toutes les constructions convenables à cet emplacement. Ils y élevèrent un temple magnifique consacré à Hercule et instituèrent de pompeux sacrifices d’après les rites phéniciens. Ce temple est encore de nos jours en grande vénération. Beaucoup de Romains célèbres par leurs exploits y ont accompli les vœux qu’ils avaient faits à Hercule pour le succès de leurs entreprises. Les Phéniciens avaient donc mis à la voile pour explorer, comme nous l’avons dit, le littoral situé en dehors des colonnes d’Hercule, et, pendant qu’ils longeaient la côte de la Libye, ils furent jetés par des vents violents fort loin dans l’Océan. Battus par la tempête pendant beaucoup de jours, ils abordèrent enfin dans l’île dont nous avons parlé. Ayant pris connaissance de la richesse du sol, ils communiquèrent leur découverte à tout le monde[322]. C’est pourquoi les Tyrrhéniens, puissants en mer, voulaient aussi y envoyer une colonie; mais ils en furent empêchés par les Carthaginois. Ces derniers craignaient d’un côté qu’un trop grand nombre de leurs concitoyens, attirés par la beauté de cette île, ne désertassent leur patrie. D’un autre côté, ils la regardaient comme un asile où ils pourraient se retirer dans le cas où il arriverait quelque malheur à Carthage[323]. Car ils espéraient qu’étant maîtres de la mer, ils pourraient se transporter, avec toutes leurs familles, dans cette île qui serait ignorée de leurs vainqueurs.»

Un passage, presque en tout semblable, mais beaucoup moins détaillé, existe dans le pseudo-Aristote, qui attribue la découverte de l’île aux Carthaginois, que Diodore ne nomme qu’après avoir parlé des Phéniciens et de la volonté des Tyrrhéniens d’y fonder une colonie. Le faux Aristote ajoute que ce fut la crainte de voir les colons secouer la dépendance et nuire ainsi au commerce de la mère-patrie, qui engagea le Sénat à sévir, en portant peine de mort contre quiconque serait tenté de naviguer de nouveau dans cette île[324]. Le savant auteur de la géographie d’Aristote, Konigsmann, conjecture que le philosophe de Stagire, en parlant des anciens traités de commerce conclus entre les Carthaginois et les Tyrrhéniens, a voulu désigner le traité romain dont Polybe nous a conservé la traduction[325]; mais Diodore, dans le passage en discussion, fait sans doute allusion à une époque beaucoup plus ancienne. Beckmann, commentateur des Mirabiles Auscultationes, a discuté, de son côté, l’opinion des philologues qui ont cru reconnaître le Brésil ou d’autres parties de l’Amérique dans ces deux passages. Wesseling, après avoir traité ces interprétations de très-douteuses, finit pourtant par ajouter qu’on pourrait y trouver des indices de l’Amérique, comme ayant été plus ou moins connue des Carthaginois.

Après avoir discuté avec sa sagacité accoutumée les opinions diverses qui se sont produites de son temps pour identifier la situation de l’île, décrite par Diodore, l’auteur de l’Histoire de la géographie du Nouveau Continent ajoute: «Il est impossible, je pense, de s’arrêter à une localité déterminée au milieu de tant de descriptions incertaines. La tradition est ancienne, car le trait «de l’asile offert dans le cas d’un renversement de fortune, ou de la chute de Carthage,» n’appartient qu’à Diodore, et pourrait bien être un ornement oratoire, ajouté après la destruction de la cité de Didon. Ce même asile s’offrit, du moins en espérance, à Sertorius[326], lorsqu’à l’embouchure du Bœtis, il vit entrer un navire revenant «de deux îles atlantiques qu’on croyait éloignées de dix mille stades.» Les Récits Merveilleux, qui sont la seule source à laquelle nous pouvons remonter, ont été compilés, pour le moins[327] avant la fin de la première guerre punique, car ils nous dépeignent la Sardaigne tyrannisée par les Carthaginois. Le mystère dont ceux-ci avaient intérêt d’envelopper leurs navigations lointaines, ne permet que de vagues conjectures.»

C’est dans cet ouvrage et dans d’autres du même genre, aujourd’hui perdus, mais dont les traces se trouvent dans la plupart des classiques anciens, que les Grecs et les Romains curieux puisaient les renseignements qu’ils désiraient sur cette matière intéressante[328]. Mais ces renseignements, bien que vagues souvent, présentent encore assez d’indices pour nous faire douter quelquefois si les Romains eux-mêmes, à la suite des Étrusques et des Carthaginois, ne connurent pas, par leur expérience personnelle, ce continent enveloppé de tant de fables et d’obscurités. On peut néanmoins s’imaginer qu’en général les philosophes et les curieux se contentaient de discuter scientifiquement sur ces questions, sans en aborder le côté pratique, ni se soucier des intérêts immenses qu’une connaissance plus approfondie de ces contrées aurait pu faire surgir et favoriser. Privées des ressources de l’imprimerie qui a tant aidé à la diffusion des lumières, surtout depuis la découverte de Colomb, les populations s’inquiétaient sans doute fort peu de ces régions lointaines abandonnées au monopole de quelques marchands; et il devait en être alors du commerce extérieur de l’Atlantique à peu près comme il en fut pour les nations européennes au moyen âge, relativement au commerce des Vénitiens dans l’Inde.

FIN DE L’INTRODUCTION.

NOTES

[1] Guanaco est un nom de la langue haïtienne; gua est un article démonstratif; naco peut signifier lieu fertile. C’est le nom d’une ville, considérable par son commerce et sa grande population, qui existait dans le voisinage, du golfe Dulce, à peu de distance de la mer, à l’entrée de la montagne de San-Gil, où doivent se trouver ses ruines.

[2] Herrera, Hist. Gen. de las Ind. occid. decad. 1, lib. V, cap. V.

[3] Herrera, Hist. Gen. decad. 1, lib. VI, cap. VII. Les montagnes de Caria sont celles qui s’appellent aujourd’hui el Gallinero, qui s’élèvent entre les llanos de Santa-Rosa et la vallée de Copan. Le nom de Caria que leur donne Herrera leur vient des Cares, nation puissante entre celles que l’on appela depuis Choles et dont Copan paraîtrait avoir été la capitale. Leur nom se retrouve encore aujourd’hui dans le mont Cari et dans quelques petites localités au nord-ouest de Copan.

[4] Cette lettre, dit Humboldt (Examen critique de l’histoire de la géographie du nouveau continent, tom. 1ᵉ, note 1, page 4), qui peint si bien les plaisirs de l’intelligence, a été écrite, selon l’opinion commune, à la fin de décembre 1493. (Opus Epistolarum Petri Martyris Anglerii Mediolanensis, Protonotarii Apostolici, Prioris Archiepiscopatus Granatensis, atque à consiliis rerum Indicarum Hispanicis. Amstelodami, 1670. Ep. CLII, page 84.)

[5] Pomponius Lœtus, le célèbre propagateur de la littérature classique romaine, généralement assez mal vu d’une portion du clergé romain, à cause de la liberté de ses opinions religieuses. (Voir Humboldt, loc. cit.)

[6] Popol-Vuh.—Le Livre sacré et les mythes de l’antiquité américaine, dans l’Introduction.

[7] Humboldt, Hist. de la géogr. du Nouv. Continent, section première, passim.

[8] Katun, mot de la langue maya composé de kat, interroger, et de tun, pierre, c’est-à-dire pierre qu’on interroge, à qui on demande l’histoire du pays. C’est le nom qu’on donnait anciennement au Yucatan aux pierres gravées, portant des dates et des inscriptions relatives aux événements historiques et qu’on incrustait dans les murs des édifices publics. Voir plus loin, page 53.

[9] Vues des Cordillières et monuments des peuples indigènes de l’Amérique, tom. II, pl. XXVI.

[10] Humboldt, Examen de l’hist. de la géogr. du nouv. continent, tom. I, page 177.

[11] Sur les sources de la Cosmogonie du Sanchoniathon, Paris, 1860, page 227.

[12] Brasseur de Bourbourg, Popol-Vuh. Le Livre sacré, et les mythes de l’antiquité américaine, etc. Introd., page LXV.

[13] Sur les sources de la Cosmogonie du Sanchoniathon, page 127.

[14] Le Codex américain de la bibliothèque royale de Dresde, reproduit dans la collection de Kingsborough, est écrit de caractères analogues à ceux dont nous donnons l’alphabet d’après Landa (voir page 320): il y en a quelques-uns, toutefois, que nous ne sommes pas encore parvenus à identifier, bien que tous les autres signes des jours et des mois soient les mêmes. Le Codex de Dresde, autant qu’il nous a été donné d’en juger actuellement, d’après le court examen que nous en avons fait dans Kingsborough, est un Tonalamatl ou Rituel religieux et astrologique, dont la langue se rapproche de celle du Yucatan.

[15] «Nous avons vu, dit Humboldt, que les astrologues mexicains ont donné à la tradition des destructions et des régénérations du monde un caractère historique, en désignant les jours et les années des grandes catastrophes, d’après le calendrier dont ils se servaient au seizième siècle. Un calcul très-simple pouvait leur faire trouver l’hiéroglyphe de l’année qui précédait de 5206 ou de 4804 ans une époque donnée. C’est ainsi que les astrologues chaldéens et égyptiens indiquaient, selon Macrobe et Nonnus, jusqu’à la position des planètes à l’époque de la création du monde et à celle de l’inondation générale. (Vue des Cordillières, etc. tom. II, page 132.)

[16] Conquista de Mexico, 2ª parte de la Cronica de las Indias.

[17] MS. De la coll. de Boturini, sous le titre de Historia de los reyes de Culhuacan y Mexico. Copie de ma collection.

[18] Dans certains documents, il est parlé de quatre catastrophes, dans d’autres de cinq, et ces catastrophes, à l’exception de celle du feu, de celle de l’eau et de celle de l’ouragan, ne paraissent pas toujours bien s’accorder l’une avec l’autre.

[19] «Izcalli, Enero, est-il dit dans ce document, la fiesta del fuego, porque en tal tiempo les calentaban los arboles para brotar.—Fiesta de Pilquixtia, la natura humana que nunca se perdio en las vezes que se perdio el mundo.—De cuatro en cuatro años, ayunaban otros ocho dias, en memoria de las tres vezes que se a perdido el mundo, y asi lo llaman a este cuatro vezes señor, porque siempre que se perdia, esto no se perdia, y azi dizen la fiesta, de la Renovacion, y asi dizen que acabado este ayuno y fiesta, se volvian los hombres como niños los cuerpos, y asi para representar esta fiesta en el vayle trayan unos niños de las manos» (Cod. Tell. Rem. Mex. N. I, fol. 6. v).

[20] Ce sont aussi les idées de quelques philosophes anciens. Saint Augustin les reproduit, tantôt en les combattant, tantôt inclinant à l’opinion que «la désolation partielle de la terre par des déluges et des embrasements laisse quelques hommes survivre pour réparer les pertes du genre humain.» (De Civit. Dei, lib. XII, 10-11.)

[21] Popol Vuh, etc. chap. III.

[22] Ne serait-ce pas à des souvenirs de ce genre que feraient allusion les fêtes des Renaissances dont il est question dans la légende du VIIIᵉ tableau de la grande salle du temple d’Ammon à Karnac, dont parle Lepsius et, avec lui, Brugsch? Histoire de l’Égypte, dès les premiers temps de son existence jusqu’à nos jours. Leipzig, 1859—I part., page 131.

[23] Le tetzontli est une amygdaloïde poreuse qui a servi à bâtir la plupart des édifices de Mexico. Suivant Bustamante, le commentateur de Sahagun, ce seraient les petits volcans qui environnent au sud-est la vallée de Mexico, qui auraient formé le tetzontli, et le Quauhnexac, dit volcan d’Axuzco, suivant Betancurt (Teatro Mexicano, part. I, trat. 2, cap. IV), appuyé sur les traditions de quelques Indiens, aurait donné naissance à la célèbre couche de lave, appelée el Pedregal de San-Augustin et vomi les vastes torrents de lave qui s’étendent jusqu’à Acapulco.

[24] Le texte ajoute ailleurs, dans le même document, que tous les seigneurs périrent dans cette circonstance. Une preuve singulière de l’existence des villes antiques, ensevelies alors sous la lave, se trouva au Pedregal de San-Augustin, ainsi nommé de la villa de ce nom, auprès de Mexico: car, de dessous la lave qui l’entoure, sort un large ruisseau qui roule avec ses eaux des débris de poteries antiques, provenant indubitablement des habitations, ensevelies sous les masses de laves qui coulèrent dans la vallée. Combien d’Herculanum et de Pompeii ont été recouverts des laves des volcans mexicains!

[25] Ce fait est mentionné dans le Codex Chimalpopoca et dans la plupart des traditions du Mexique.

[26] Voir l’Ecrit du frère Romain Pane, à la fin de ce volume, page 440 et note (2).

[27] Codazzi, Resumen de la geografia de Venezuela, Paris, 1841, pag. 46 y 47.

[28] Lehmann, Œuvres physiques, dans la préface du tom. III.—De la Borde, Voyages, etc. pages 6 et 7.

[29] Cogolludo, Hist. de Yucatan, lib. IV, cap. 6.—Voir Landa, page 61.

[30] Incidents of travel in Yucatan, vol. I, chap. 6.

[31] Voir le Livre Sacré, page 35 et suiv.

[32] C’est l’étymologie qu’en donne Ordoñez, Hist. del Cielo y de la Tierra, etc., MS. Le bon chanoine en fait Lucifer brûlant sept fois au fond de l’enfer. Vukub-Caquix, dans son acception ordinaire, signifie, comme je l’ai dit ailleurs, Sept-Aras.

[33] Voir le Livre Sacré, prem. part., aux chapitres IV et V.

[34] Zipacna est composé de zip ou zipoh, verbe qui signifie gonfler, et de na, demeure, maison, en langue mame et vieux quiché.

[35] Ces montagnes appartiennent aux contrées guatémaliennes: le Chi-Kak-Hunahpu, c’est-à-dire Au feu de Hunahpu ou d’un tireur de Sarbacane, est le même que le volcan dit del Fuego qui domine à peu de distance la Antigua-Guatémala. Le Yaxcanul, appelé par les Cakchiquels Gagxanul, est le volcan de Santa-Maria, près de Quezaltenango; les autres paraissent être les mêmes que l’on voit dans la cordillère entre ce dernier et les volcans de Soconusco.

[36] Voir le Livre Sacré, deuxième partie.

[37] Hun-ahpu se compose de hun, un ou le premier, et de ahpu, tireur de Sarbacane, mot composé lui-même de la particule possessive ah, celui de, et de pu, pub ou ub, souffle, tuyau qui souffle.

[38] Avila, Tratado y Relacion de los errores, falsos dioses y otras supersticiones y ritos diabolicos en que vivian antiguamente los Indios de las provincias de Huarocheri, Mama y Chacllo, etc. MS. de la Bibl. nat. de Madrid, Copie de ma collection. Suivant ce document le monde d’avant le déluge est appelé Purun-pacha, c’est-à-dire monde faux ou différent de celui d’aujourd’hui, et les hommes d’alors Yanañamca.

[39] Id. ibid. Ce document est le seul en espagnol, où il soit parlé de Coniraya-Viracocha; il paraît être la plus ancienne divinité du Pérou, et son histoire est racontée au long dans le document en langue qquichua qui vient à la suite de ce manuscrit et que j’ai copié à Madrid. Le bambou dont il est question ici, à l’aide duquel Coniraya soulève ou aplanit les montagnes, rappelle la sarbacane de Hunahpu.

[40] Pachacamac, lieu célèbre autrefois par le fameux temple consacré à cette divinité, le créateur du monde, à 4 l. de Lima et à peu de distance de l’Océan Pacifique.

[41] Avila, Tratado y Relation, etc. Le fleuve de Pachacamac est le même appelé aujourd’hui Rio de Lurin, dans la province du même nom, près de Lima, où se trouvait le temple de Pachacamac.

[42] Molina, Relacion de las fabulas y ritos de los Ingas, etc. MS. des archives de Madrid, copie de ma collection.

[43] Ce groupe d’étoiles rappelle les six tzontemocque, ou étoiles qui tombèrent du ciel, au temps du déluge, d’après les traditions mexicaines.

[44] Ancasmarca est à 5 lieues du Cuzco, d’après le document d’où cette histoire est tirée. Le document cité avant celui-ci, Tratado y Relacion, les rapporte également, avec une légère variante, et met le lieu de la scène dans les montagnes de Huarocheri, beaucoup plus près de l’Océan.

[45] C’est la province des Cañaris où se trouvent les ruines de la célèbre forteresse de Cañar, citée par Humboldt (Vues des Cordillères et monuments des peuples indigènes de l’Amérique, pl. 20, édit. in-fol.)

[46] Ou plutôt deux femmes, portant le nom d’Ara.

[47] Voir, au sujet du culte de l’ara, le chapitre de Lizana, à la suite de Landa, page 361.

[48] Le docteur Avila, curé de Huarocheri, qui recueillit ces faits, les discuta en théologien de son époque, et tout en convenant de la véracité des Indiens qui les lui donnaient, ne trouva moyen ni de les rejeter, ni de les admettre. La géologie avait fait fort peu de progrès à cette époque, et le soulèvement des terres yunga ou chaudes, devenues dans l’espace de cinq jours une puna glacée, lui paraissait une chose impossible.

[49] Velasco, Hist. du roy. de Quito, liv. II, § 2, n. 1, et § 4, n. 4.

[50] Bunsen, Egypt’s place in universal history, vol. 1, page 392.

[51] Zamora, Hist. de la prov. de Nueva Grenada, lib. II, cap. 16.—De Suha Con, Cun, Chun, ou Chum, noms identiques, vient probablement celui de Cundinamarca ou Cun-li-na-marca, qui est donné à cet ensemble de provinces, comprenant Bogota, Velez, Pamplona, la Grita, Merida, Muso, Ebate, Panches, Neyba, Marquetones, Sutagaos, Ubague, Tensa, Lengupa, Sogamoso et Chita. (Piedrahita, Hist. Gen. de las Conquistas del reyno de Nueva-Grenada, Part. I, lib. 1, cap. 1.)

[52] Simon, Hist. de Tierra-Firm, Part. II, noticia IV, cap. 4.

[53] «Un tremblement de terre se présente à l’homme comme un danger indéfinissable, mais partout menaçant. On peut s’éloigner d’un volcan, on peut éviter un torrent de lave, mais que la terre tremble, où fuir? Partout on croit marcher sur un foyer de destruction.» (Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde, trad. de Faye, tom. I, pag. 168.)

[54] C’est ainsi que la tradition rapportait que la pyramide de Cholula avait été construite par Xelhua, un des géants antédiluviens, en mémoire de la montagne de Tlaloc où il s’était réfugié avec ses frères, au moment de l’inondation. (Rios, Cod. Mex. Vatican.)

[55] Tepeyolotl signifie le cœur des montagnes, en langue nahuatl.—«Dicese deste nombre á reverencia de como quedo la tierra despues del diluvio.—Este Tepeyolotl es lo mesmo que el retumbo de la voz, cuando retumba en un valle de un cerro á otro.—Ponenle este nombre á la tierra de tiguere (tigre, traduction figurée de Tepeyolotl) por ser el tiguere el animal mas bravo y aquel retumbido que dan las vozes en los cerros dizen que quedo del diluvio.» (Cod. Tell. Rem. Mex. fol. 9. v. et 10. r.)

[56] Ru Qux huyu, le cœur des monts, en langue cakchiquèle et quichée, le même que le Tepeyolotl en mexicain. (Manuscrit cakchiqel, etc.)

[57] Guevara. Historia del Paraguay, Rio de la Plata y Tucuman, etc. en la Colec. de la Hist. Argentina, Buenos-Ayres, 1854, tom. I, page 210.

[58] A. d’Orbigny, Voyage dans l’Amérique mérid. tom. III, part. 1, page 107.

[59] Le Codex Chimalpopoca en parle d’une manière particulière, et c’est là qu’on trouve la mention d’une nuit de vingt-cinq ans; il en est parlé également dans le Popol Vuh ou Livre Sacré, bien qu’il semble souvent que ce ne soit, dans cet ouvrage, qu’une image d’un temps de ténèbres intellectuelles.

[60] Cosmos, etc. tom. I, page 165.

[61] Solin. de situ et mirabilibus orbis, cap. XVII.

[62] De Civitate Dei, lib. XXI, § 8.

[63] Tzontemocque, pluriel de tzontemoc, mot à mot chevelure qui descend ou qui tombe; c’est le nom donné généralement dans les histoires mexicaines aux dieux déchus du ciel au fond de la terre avec Mictlanteuctli, le dieu des morts ou du séjour infernal. «Quecholli. Entra la fiesta de la bajada del Miquitlantecotli y del Tzontemocque y los demas, y por este le pintan con los adereços de guerra, porque la truxo al mundo.—Propiamente se a de dezir la cayda de los demonios que dizen que eran estrellas y asi ay aora estrellas en el cielo que se dizen del nombre que ellos tenian que son estos, que se dizen Yyacatecuytli, Tlahuizcalpantecoyntli, Ce-Yacatl, Achitumetl, Xacupantal..., Mixcohuatl, Tezcatlipoca, Çontemoctli. Como estos llamavanse deste nombre antes que cayesen del cielo, y aora se llaman... tzitzimitli, como quiere dezir cosa mostruosa o temerosa.» (Cod. Tell. Rem. Mex. fol. 4. V.)

[64] «Tlahuizcalpantecutli o la estrella Venus (c’est-à-dire le Seigneur qui éclaire le haut des maisons). Este Tlahuizcalpan-tecutli estrella Venus es el Queçalcovatl... Dizen que es aquella estrella que llamamos Luzero del alva y asi lo pintan con una caña, que era su dia.» (Cod. Tell. Rem. Mex. loc. cit.)

[65] Platon, Timée, trad. de M. Victor Cousin, tome XII, page 3.

[66] Œuvres morales, trad. de Ricard. Tom. XVI.

[67] Les mots atlas et atlantique n’ont d’étymologie satisfaisante dans aucune langue connue en Europe. Dans la langue nahuatl nous trouvons tout d’abord le radical a, atl, qui signifie eau, guerre et le sommet de la tête. (Molina, Vocab. en lengua mexicana y castellana, etc.) De là une série de mots, tels qu’atlan, au bord ou au milieu de l’eau, dont on fait l’adjectif atlantic. Nous avons encore atlaça, combattre ou être en agonie; il peut signifier également lancer de l’eau et le prétérit fait atlaz. Une ville d’Atlan existait au temps de la découverte de l’Amérique, à l’entrée du golfe d’Urabà au Darien, avec un bon port: elle est réduite aujourd’hui à un pueblo sans importance, nommé Acla.

[68] Ce qu’on appelait l’Asie à cette époque ne comprenait que l’Asie Mineure.

[69] Ces autres îles auraient-elles été les Antilles et la mer intérieure, bordée par ce continent, l’Océan Pacifique, puisque cette mer seule (sans doute à cause de son étendue) pouvait s’appeler une véritable mer, et ce continent un véritable continent?

[70] Cette mer en deçà du détroit était la Méditerranée.

[71] D’après cette description, l’île Atlantide aurait été beaucoup plus rapprochée de l’Europe et de l’Afrique que de l’Amérique, et le lac Triton dont parle Diodore, disparu depuis par suite d’un tremblement de terre, et qui se trouvait à l’extrémité occidentale de l’Afrique, n’aurait été que l’étendue de mer intérieure entre l’Atlantide et la Libye.

[72] C’est précisément dans cette circonscription, comprenant la Libye, l’Égypte et l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie, qu’on trouve les débris des races les plus différentes des races indo-européennes, celles dont la constitution physique, les antiques coutumes et les langues se rapprochent le plus de la constitution, des mœurs et des langues des peuples de l’Amérique.

[73] Cette grande invasion de peuples, sortis des mers de l’Ouest et dont on retrouve déjà tant de traces en Afrique et en Europe, dans les races et les langues qui ne sont pas d’origine âryane ou sémitique, devrait, ce nous semble, donner quelque peu à réfléchir aux savants qui prétendent réduire la philologie, comparée à l’hébreu et au sanscrit. C’est dans cette invasion qu’on sera forcé peut-être un jour de chercher l’origine des Hycsos, qui en étaient probablement le dernier flot.

[74] N’est-ce pas à une des grandes invasions âryanes que Platon pouvait faire allusion, quand il oppose cette armée athénienne, venant de l’Est, pour combattre l’invasion atlantique, que les Athéniens, d’origine âryane, repoussèrent, et dont ils conservèrent le souvenir dans la célébration des petites Panathénées? De là probablement date la prépondérance de la race blanche âryane sur les races plus ou moins brunes qu’elle trouva en Europe.

[75] Platon, Timée, traduct. de M. Victor Cousin, tom. XII, page 3 et suiv.

[76] Egypt’s place in universal history, etc., vol. IV, pag. 421.

[77] Lettres sur l’Atlantide, p. 43.

[78] Odyssée, trad. de Mme Dacier, tome I, page 5; tome II, page 7. Remarques; tome I, page 65; tome II, pages 45 et 47.

[79] Examen critique de l’hist. de la géogr. du N. Continent, tom. I, page 167 et suiv.

[80] Plutarque, De facie in orbe lunæ, page 941, 2. Voir mon ouvrage Popol Vuh ou Livre Sacré, dans l’introduction, page XCIX.

[81] Ce nom de Méropis, ajoute en note Humboldt, faisait-il allusion, en se liant au Titan Atlas, à la seule de ses filles, qui s’était unie à un mortel, et qui, dans les Pléiades, restait voilée (obscurcie), presque cachée au regard des hommes? (Apollod. Bibl., III, 10, 1, page 83, éd. Heyne.)

[82] Vers. 1274-1281. Sur un passage analogue de Callimaque. Voyez Ukert, Geogr. der Romer und Griech., tome I, Abth. 2, pag. 246-348, et tom. II, Abth. 1, pag. 194.

[83] Voyez Kleine, Quæst. quædam de Solonis vita et fragmentis. Duitsb., 1832, pag. 8. D’un autre côté, M. Bach (Solonis Athen. carmina quæ supersunt, Bonnæ ad Rhen., 1825, page. 35-56 et 113) croit que la famille de Platon avait conservé, non comme traduction, mais comme poëme, un écrit désigné par les mots λογός Ἀτλαντικὀς.

[84] «Cette objection élevée contre le récit de Platon, et les noms des deux prêtres égyptiens que les dialogues ne désignent pas, me paraît indiquer que Plutarque, malgré l’éloignement du temps, puisait à des sources qui nous sont inconnues.» (Humboldt, Examen, etc., tom. I, page 174.)

[85] Bekkeri, Comment. in Plat., tom. II, pag. 395.—Schol. in Rempubl., I, 3, 1. Voir aussi les mêmes renseignements dans Proclus in Tim., pag. 26. Humboldt, ibid.

[86] Comment., tom. II, pag. 427.

[87] Examen crit. de l’hist. de la géogr. du N. Continent, tom. I, page 176.

[88] Diod., Bibl. hist., trad. de M. Ferd. Hoefer, lib. II, § 55-60.—M. de Sainte-Croix (Examen des historiens d’Alexandre, page 737) croyait cependant que la Gulliveriade d’Iambulus avait quelque fond de vérité. Un écrivain, profondément versé dans les langues et les alphabets de l’Asie méridionale et orientale, M. Jacquet, a récemment fixé l’attention (Nouveau journal asiatique, tom. VIII, page 30; tom. IX, page 308) sur ce peuple qui «se servait de lettres d’après la valeur des signes indicateurs, au nombre de vingt-sept, qui, d’après les figures qu’elles affectent seulement au nombre de sept, éprouvent chacune quatre modifications,» comme dans les alphabets syllabiques des Indiens. Ne peut-on pas admettre que dans ces Voyages imaginaires, on se plaisait à mêler aux fictions des descriptions locales, quelques traits de mœurs et d’usage que l’on connaissait vaguement par les relations incohérentes d’anciens navigateurs? Le mélange de vérité et de fiction paraît avoir existé surtout dans la Panchaia d’Evhemere, malignement traitée de Bergæen, par Eratosthène (Gosselin, tom. II, pag. 138). Cette note est de Humboldt et pourrait s’appliquer à une foule de relations modernes de voyages, où les auteurs ne se gênent guère pour mêler le roman à la réalité. Combien de lecteurs ne connaissent le Pérou que par les Incas, de Marmontel, et le Mexique par les récits de Gabriel Ferry? Est-ce une raison pour nier l’existence de ces deux pays?

[89] Letronne, Idées cosmogoniques, pages 8 et 9. (Heeren, tome I, 1, pag. 206-240; tom. II, 2, pag. 438) croit, d’après la route des caravanes, indiquée par Hérodote au delà des Garamantes, devoir placer les Atlantes de cet historien entre le Fezzan et le Bornou. C’était là peut-être un reste de ces populations, confondues depuis sous le nom de Berbères, et desquels peuvent être sortis les Hycsos ou rois pasteurs qui envahirent l’Égypte et élevèrent si haut les arts dans cette contrée, quoi qu’en dise Manethon.

[90] Hérodote, Histoire, etc. liv. IV, 191.

[91] Les Gorgones, dont le masque hideux se retrouve en Europe et en Asie, dans une foule de monuments anciens et modernes, existe en Amérique, dans un grand nombre de sculptures, de plusieurs siècles antérieures à Christophe Colomb.

[92] Diodor., Bibliot. Hist. lib. III, § 52-56.

[93] Id. ibid.—C’est là peut-être ce qui explique le silence de Diodore sur la disparition de l’Atlantide.

[94] Herodot., Hist., lib. IV, 179.

[95] Sallust., Bell. Jugur., cap. 18.—Plin., lib. V, 8.—Strab., lib. XVII, pag. 828, cas.—Ces Perses dont parle Salluste ne pourraient-ils pas être identifiés avec quelques-unes des tribus âryanes qui envahirent l’Europe et chassèrent ou soumirent à leur domination les populations d’origine brune ou atlantique?

[96] Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, passim.

[97] «A part les principaux livres de l’Ancien Testament, à part les Kings des Chinois, le Véda, quelques Gâthas du Zend-Avesta, et le soi-disant Livre des Morts de la vieille Égypte, dont le texte a été publié par Lepsius, mais dont nul égyplologue n’a encore brisé le sceau, nous ne possédons de toute l’antiquité que les œuvres d’une muse épique, dont la forme actuelle ne remonte pas très-haut, à commencer par Homère (Eckstein, Sur les sources de la cosmogonie de Sanchoniathon, page 136).

[98] Bassin de l’Ouest. Ainsi doivent s’interpréter les mots Amen oli de l’hiéroglyphe.

[99] Men, est le nom du douzième signe ou personnage du calendrier maya, l’un des vingt chefs primitifs suivant Nuñez de la Vega, et son nom, en maya comme en égyptien, signifie fondateur, édificateur.

[100] Iliad., lib. XIV, etc.—Homère ou celui qui écrivit sous son nom, était parfaitement instruit de la géographie de son temps; il distingue parfaitement l’Océan du Nil, que la vanité égyptienne cherchait toujours à confondre. Voir Diod., Biblioth. hist., lib. I.

[101] Hist. d’Égypte, dès les premiers temps de son existence jusqu’à nos jours, etc. Leipzig, 1859, prem. part., chap. 1.

[102] Brugsch, ibid., page 25, texte et note.

[103] Id. ibid., page 2.

[104] Id. ibid., page 3.

[105] Il existe au Guatémala un cours d’eau considérable, du nom de Nil, qui descend de la Cordillère de Soconusco à l’Océan Pacifique. Ce nom, dons le vocabulaire quiché de Ximenez, est traduit par ces mots, cosa sosegada, que está en paz, tranquille, paisible. Deux documents anciens en font mention: le Titulo de los señores de Totonicapan et le Titulo de los señores de Quezaltenango. Un Vocabulaire quiché donne au Couchant, c’est-à-dire au côté du Pacifique, le nom de Pa-Nile, la région du Nil.

[106] Il résulterait des travaux, de Lepsius, aussi bien que d’autres égyptologues, d’après MM. Nott et Gliddon, qu’avant la fondation du premier empire.... la population de cette contrée (l’Égypte) était africaine, et la langue originaire de la vallée du Nil (Nott and Gliddon, Indigenous races of the earth, vol. 1, ch. I, num. 9-10.—Perier, Sur l’Ethnogénie égyptienne, etc., dans les Mém. de la Société d’Anthropologie, tom. I, pag. 464).

[107] Brugsch, Histoire d’Égypte, etc. page 3.—Aubin, Mémoire sur la peinture didactique et l’écriture figurative des anciens Mexicains, page 13.—Pruner-Bey. Recherches sur l’origine de l’ancienne race égyptienne, dans les Mémoires de la société d’Anthropologie, Paris, 1863, tom. I, page 462.

[108] Le lecteur qui voudra se donner le plaisir de voir un spécimen de la race américaine des bords du Nil, n’a qu’à jeter les yeux sur le petit grammate assis sur un socle, au centre de la salle nº 2 du Musée égyptien du Louvre. Quiconque a vu et observé de près l’indigène américain, ne saurait s’y méprendre; pour moi c’est le portrait vivant d’un Indien de Rabinal.

[109] Ceci est un fait généralement admis et sur lequel il est inutile de s’appesantir. On pourrait y objecter qu’en bien des lieux les hommes se peignaient en rouge, en signe de supériorité ou de victoire; mais où a-t-on vu ailleurs que dans les peintures égyptiennes ou mexicaines, qu’ils fussent à la fois rouges et sans barbe, surtout sans moustaches? L’appendice qui leur est attaché au menton ne peut être qu’un ornement et ne passera jamais pour de la barbe, aux yeux de gens non prévenus.

[110] Essai sur l’hist. de la géogr. du N. Continent, tome I, page 170.

[111] Voir le Critias, trad. de M. Victor Cousin, tom. XII.

[112] Pruner-Bey, Recherches sur l’origine de l’ancienne race égyptienne, dans les mémoires de la Société d’Anthropologie, tome I, Conclusions, page 632 et autres, ainsi que dans le Bulletin, passim.

[113] Broca, Sur l’ancienne race égyptienne, dans le Bulletin de la Société d’Anthropologie, tome II, page 551, etc.

[114] Sur les brachycéphales de la France, dans le Bulletin de la Société d’Anthropologie, tome II, page 651.

[115] Charencey, La langue basque et les idiomes de l’Oural. Paris, 1862.

[116] Pruner-Bey, Sur la mâchoire d’Abbeville, dans le Bulletin de la Société d’Anthropologie, tome IV, page 302.

[117] Chavée, Sur les origines étrusques, dans le Bulletin de la Société d’Anthrop., tome III, pag. 447.

[118] Diodore, Biblioth. hist., lib. 1, 28.

[119] Herrera, Hist. gén. de las Indias occid., decad. VI, lib. III, cap. XIX.—Les belles ruines de l’antique cité de Copan appartenaient aux tribus de race care. Voir plus haut, § 1, note 3.

[120] Le Diccion. geogr. d’hist. d’Alcedo et la table générale des matières d’Herrera donnent à eux seuls plus de trois cents noms de peuples ou de localités commençant par car ou cara, mot qui, dans la plupart des langues américaines, était synonyme, comme en Asie, d’homme par excellence, guerrier, etc. C’est le Karl des langues germaniques.

[121] Les Cares ou Cariens de l’antiquité, 2ᵉ part. VI, dans la Revue archéologique, XVᵉ année.

[122] Herodot. Hist., lib. II, 158.

[123] Les Cares et Cariens, part. VII.

[124] Reisen und Entdeckungen in Nord un Central Africa, etc., vol. I, pag. 256.

[125] Voir l’Ecrit du frère Romain Pane, à la suite de Landa, pag. 438, 440. Les Caracaracols sont d’entre les populations les plus antiques de Haïti et des autres Antilles.—Carib est un pluriel quiché de car et caraib de cara.

[126] Rochefort, Hist. nat. et morale des Antilles, page 401. D’après cet écrivain, Caraib signifiait belliqueux, vaillant, doué d’une dextérité, d’une force extraordinaire. C’est le même sens que donne au mot Guarani le père Antonio Ruiz (Tesoro de la lengua Guarani). Alors Guarani, Carini, Caribe auraient la même origine que le mot war, guerre, ainsi que dans plusieurs langues germaniques (Al. d’Orbigny, L’homme américain, tom. II, page 268).

[127] Les Cares ou Cariens dans l’antiquité, IIᵉ part. I.

[128] Popol Vuh ou Livre sacré des Quichés. Introduction, pages CLXVIII, CCXXIII et CCXLIII.

[129] Genèse, cap. X, v. 6.

[130] Nahum, cap. III, v. 9.

[131] Matute, Prosop. de Christ., edad. II, cap. 2, § 2, fol. 76.—Mortier, Ætymolog. sacr. ad verb. Africa, fol. 19.

[132] Pierre Martyr d’Anghiera, De Insulis, etc.

[133] Pruner-Bey, Sur l’origine de l’ancienne race égyptienne, dans les Mém. de la Société d’Anthrop., tome I, page 401.—Eckstein, les Cares et les Cariens, etc., 2ᵉ part. IX.—Berthelot, Mémoire sur les Guanches, dans les Mém. de la Société ethnologique de Paris, tome I, 1841.—Barnard Davis, Sur les déformations plastiques du crâne, dans les Mém. de la Société d’Anthr. 1863, tome I, page 379.

[134] Eckstein, Les Cares et les Cariens, 2ᵉ part. VIII.

[135] Je renvoie encore au Mémoire si intéressant et à la fois si savant de M. Pruner-Bey Sur l’origine de l’ancienne race égyptienne, passim.

[136] Si cet empire atlantique, dont le prêtre de Saïs entretenait Platon, a pu étendre son influence jusqu’en Égypte, qui sait si ce n’est pas de là qu’il faut dater le commencement de Menés? Les Hycsos seraient les épaves de ces invasions, restées en Afrique après le bouleversement. Les belles statues et les sphinx trouvés par M. Mariette dans les fouilles de Tanis, ont bien plus le caractère berbère et américain que sémite; les poissons dont les premiers font offrande à Soutech, rappelleraient d’ailleurs l’océan d’où ils sont sortis, et les dieux Makares ou poissons, autres symboles du dieu. Voir les deux lettres de M. Mariette Sur les fouilles de Tanis, dans la Revue Archéologique, datées du Caire du 20 décembre 1860 et du 30 décembre 1861.

[137] Strabon, lib. III, 3.

[138] Eckstein, les Cares ou Cariens, etc. 2ᵉ part, VII, VIII, etc.

[139] Strabon, lib. III, 4.

[140] Relacion del licenciado Palacios.—Herrera, Hist. gen. de las Ind. Occ. decad. IV, lib. 10, cap. 14.

[141] Popol Vuh ou Livre Sacré, etc. Introd. pages CLXXI et CCII.

[142] Houzé, Atlas universel historique et géographique, cartes d’Espagne, I à IV.

[143] Les Cares ou les Cariens, etc. page 197.—Brugsch, Dic. Géogr. der Nachbarlænder Egyptens, pag. 83-88.

[144] Momsen, Hist. Romaine, trad. édit. de Bruxelles. Tom. I, chap. 9.

[145] Calancha, Coronica moralizada de la provincia de San Augustin del Peru, tom. I, pag. 473.

[146] Voir mon Popol Vuh, etc. page CLXVIII, etc.

[147] Eckstein. Les Cares ou Cariens, 2ᵉ part. page 197.

[148] Eckstein, loc. cit.

[149] Sur les sources de la Cosmogonie de Sanchoniathon, p. 209.

[150] Pierre Martyr, Sum. Rel. delle Indic. Occid. Coll. di Ramuzio, tom. III, f. 34-5.—Ecrit. du frère Romain Pane. Voir ci-après pages 440, 442, 437.

[151] Guevara, Hist. del Paraguay, etc. en la col. de Hist. Argentina, tom. I, pag. 76.

[152] Ce texte est d’autant plus curieux qu’à l’époque de la découverte de l’Amérique, les Guarani ne bâtissaient plus de villes, mais de simples bourgades. «Resolvieron levantar ciudades para su morada, las primeras, segun ellos decian, de todo el pais.»

[153] Velasco, Hist. du royaume de Quito, trad. Ternaux, lib. I, § 1.

[154] Herrera, Hist. gen. dec. v, lib. III, cap. 6.—Dans le même chapitre, l’auteur parle d’une ville de Changara, commandée et défendue, dans la suite, par des amazones contre un chef contraire aux Cares, et qui, suivant Zarate, aurait été la tige des Incas du Pérou: ce qui rappelle l’existence de la gynécocratie carienne.

[155] Voir tous les auteurs qui ont traité de l’histoire de la découverte et de la conquête, principalement de l’Amérique méridionale.

[156] Eckstein, Sur les sources de la cosmogonie de Sanchoniathon, page 150.—C’est ainsi que dans les vestiges des traditions de Haïti, on voit Guahagiona enlever les femmes et les transporter à Matinino (Martinique), île de la mer des Antilles, puis jouir d’une autre dans l’Océan, etc. Voir plus bas l’Ecrit du frère Romain Pane, pages 434-435.

[157] Macar, composé de ma, mot dont ils usent dans le sens de vieux, ancien, et aussi comme une parole d’amour,—et de car, poisson et femme mondaine, prostituée (Ximenez, Tesoro de las lenguas quiché, cakchiquel y zutuhil, etc. part. I). Qui sait même si le mot maquereau, ou makerel, fils de macar, ne viendrait pas de là? Les étymologies ont quelquefois une origine si étrange.

[158] Ymox se traduit encore par espadon, sorte de monstre marin, dans le Vocabulaire de la langue quichée.

[159] Voir la note précédente.—Du mot car, quiché, se dérivent une foule de mots servant à indiquer l’obscénité, la prostitution, etc. plus ou moins, comme le mot poissarde en français. A propos du mot Makarah, Eckstein dit qu’il n’a pas de racine dans l’idiome des Aryas: «Il aura appartenu à la vieille race des Éthiopiens de l’Orient et de l’Occident, ajoute-t-il, en passant d’eux et de leur culte aux Sémites et aux Aryas. Movers en a largement traité dans le premier volume de son important ouvrage; mais il a la manie de vouloir tout ramener à un type strictement phénicien.» (Sur les sources de la cosmogonie de Sanchoniathon, pages 150-151.) Qu’eût dit Eckstein, s’il avait connu les sources américaines de ce nom?

[160] Castellanos, Elegias de varones ilustres de Indias, en la Bibl. de Autores esp. Madrid, 1847. Part. II, canto 3ᵉ, page 533. Ce nom est répété à plusieurs reprises, tantôt comme titre, tantôt comme nom propre, et il est donné aussi interverti en Maracona et Marona, peut-être par licence poétique, aux montagnes où ces chefs commandaient. Le nom du lac ou golfe Maracaibo n’est lui-même que le nom de Macaraibo interverti.

[161] Piedrahita, Hist. gén. de las conquistas del nuevo Reyno de Granada, lib. III, cap. 1.—Julian, La Perla de la América, prov. de Santa-Marta, reconocida, etc. Dis. VIII, § 4.—Laet. (De novo orbe) dit: «Ab oppido Santae Marthae ad Ramadam auri reperiuntur metalla: in Tayrona quoque plurima Lemma, quantumvia pretii.»

[162] Melcarth, en supprimant le th final, a encore un sens analogue dans le quiché: mel, parole d’amour, signifie ma chérie, etc. et car, poisson, ou femme mondaine, etc. (Ximenez, Tesoro de las lenguas, etc.) Dans le canon d’Eusèbe, édité par Scaliger, ce nom est traduit par θεοδας, qui signifie, dit-il, Dieu des amants. (Scaliger ad Euseb. 1, 498.)

[163] Anton. August. Dialog. VIII. Monet. 9, fol. 323.

[164] Eckstein. Sur les sources de la cosmog., etc. pag. 153.

[165] Cod. Mex. Tell. Rem.

[166] Ibid.—Fabregat, Exposizione del Cod. Borgia, MS. de macoll.

[167] Cod. Mex. Tell. Rem. fol. 17. verso.—«L’homme, le Tchâkchuschah, issu du fleuve de l’Oxus, et d’origine fluviale, y invente une science, une industrie. Le jour ou la canne sert d’hiéroglyphe, et pour la mesure du temps. L’heure de vingt-quatre minutes reçoit le nom d’une nâdi, nâdikâ; elle est indiquée sur la tige du jour aquatique, elle y est gravée ou incrustée comme une mesure du temps. Le nâdi mandalam est l’expression de l’équateur céleste; le nâdi-nakchatram est l’étoile de la naissance de l’homme, etc. Le nâdi-taranga est l’astronome, l’astrologue qui calcule les ondes dans le mouvement des temps.» (Eckstein, Sur les sources de la Cosmogonie de Sanchoniathon, page 249.)

[168] Stephens, Incidents of travel in Yucatan, vol. I, page 302.—Voir aussi les photographies de M. Charnay et son ouvrage Cités et ruines américaines.

[169] Popol Vuh, Livre Sacré, etc. page 7. Les mots qo pa ha zaktetoh, être sur l’eau comme une lumière mouvante; dans le Popol Vuh nous traduisons comme une lumière grandissante, ce qu’exprime le mot zaktetoh qui signifie le reflet d’une lumière brillante, mais tremblottante sur l’eau, légèrement ridée; c’est bien là l’idée d’une étoile réfléchie sur la mer par un beau temps.

[170] Popol Vuh, Livre Sacré, etc. page 7.

[171] Ibid. pages 11, 12 et 13.

[172] Aglaophamus, vol. I, cap. v, pages 465-593, et Eckstein, Sur les sources de la Cosmogonie de Sanchoniathon, page 11.

[173] Histoire d’Égypte, part. I, page 3.

[174] De Iside et Oriside, page 444, 365.

[175] Champollion, Grammaire égyptienne ou principes généraux de l’Écriture sacrée égyptienne, Paris, 1836. Ch. II, n. 62, page 39.

[176] Salvolini, Analyse raisonnée, pag. 68, 69.

[177] Quetzal-cohuatl, l’oiseau quetzal et le serpent, ou le serpent aux plumes de quetzal; gucumatz ou guk-cumatz, serpent aux plumes (de quetzal); kukul-can, la même chose, en tzendal cuchut-chan.

[178] Grammaire égyptienne, p. 110 et 118.

[179] Analyse raisonnée, page 196.

[180] Peyron, Dictionnaire de la langue copte, au mot Pan.—Goulianof, Archéologie égyptienne, tom. III, page 284 et suiv.

[181] E. de Rougé, Étude sur une stèle égyptienne, appartenant à la Bibliothèque impériale. Paris, 1858, p. 24-25.

[182] Panthéon égyptien, texte h. pl. 1 et 5.

[183] A. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique, depuis leur origine jusqu’à leur plus parfaite constitution. Paris, 1857, tome I, pages 106-106.

[184] Cod. Mex. Tell. Rem. fol. 15. v. «Pantecatl, marido de Mayaguel, que por otro nombre se dixo Cipactonal, que salio del diluvio.—Este Pantecatl es señor destos trece dias y de unas rayces quellos echavan en el vino, porque sin estas rayces no se podian emborrachar, aunque mas beviessen. Y este Pantecatl dio el arte de hacer el vino, porque como este hizo, o dio orden como se hiciesse el vino, y los hombres que han bevido estan valientes, bien assi los que aqui naciessen, serian esforçados.»

[185] Sahagun, Hist. gen. de las cosas de Nueva España, édit. Bustamante, Mexico, 1830, tom. III, lib. X, cap. XXIX, § 12. «Era muger la que començo y supo primero, ahugerar los magueyes para sacar la miel de que se hace el vino, y llamabase Maiaoel, y el que hallo primero las raices que echan en la miel se llamaba Pantecatl..... y hubo un Cuexteco, que era caudillo y señor de los Guaxtecas, que bebio cinco tasas de el, con las cuales perdio su juicio, y estando sin él, echo por ahi sus maxtles, descubriendo sus vergüenzas....»

[186] Maya ou Maïa, nom antique d’une partie du Yucatan, paraît signifier aussi la terre, et le complément de son nom huel, oel ou el, est ce qui sort ou surgit, comme le jet ou la pousse du maguey ou aloès dont il va être question. Quant au vin dont on parle ici, c’est l’octli nahuatl, aujourd’hui pulqué au Mexique, c’est-à-dire la sève de l’aloès qui se réunit dans le centre de la plante, lorsqu’on en a tranché le cœur ou le jet.

[187] Panuco a dans Sahagun une tout autre étymologie; il fait venir ce nom de panoaia, débarquer, et dit que le lieu s’appelait anciennement Pantlan ou Panutla, qui présentent néanmoins la même étymologie, pan ou pantli étant le drapeau, l’étendard, etc. Tlan et co, désignant également une localité, etc. C’est ainsi que de mexitl on a fait Mexico, de challi, Chalco, etc.

[188] «In altre provincie, dit le Conquérant anonyme, e particularemente in quella di Panuco adorano il membro, que portano gli huomini fra le gambe, e lo tengono nella meschita, e posto similmente sopra la piazza insieme con le imagini di rilievo di tutti modi di piaceri che possono essere fra l’uomo e la donna, e gli hanno di ritratto con le gambe alzate in diversi modi. In questa provincia di Panuco sono gran sodomiti gli huomini, e gran poltroni, e imbriachi, in tanto che stanchi di non poter bere più vino per bocca si colcano, e alzando le gambe se lo fanno metter con una cannella per le parti di sotto, fin tanto che il corpo ne puo tenere.» (Relacione d’alcune cose della Nuova Spagna e della gran città di Temistitan Messico, falta per un gentilhuomo del signor Fernando Cortese.) Coll. de Ramusio, tom. III, page 257.

[189] Voir aussi à ce sujet Stephens, Incidents of travel in Yucatan, vol. I. Note en latin, dans l’appendice, page 434.

[190] Voir plus bas, Landa, pages 36 et 37.

[191] Aubin, Mémoire sur la peinture didactique, etc., page 43.

[192] Basseta, Vocabulario en lengua quiche, etc. MS de ma collection.

[193] Molina, Vocab. en lengua mexicana.—Ajoutons ici pour ce qui concerne l’explication du mot pan, en tant que hache, qu’une tradition antique de la province d’Oaxaca disait que les dieux du monde, établis au sommet du mont d’Apoala, y avaient bâti un palais somptueux, et que sur la cime la plus élevée de cet édifice existait une hache de cuivre, dont le tranchant tourné par en haut soutenait le ciel. (Ex quodam MS Vicarii Cuylapensis. Ord. Præd. ap. Garcia, Origen de las Indios, lib. V, cap. IV, page 37.)

[194] Centeotl ou Cinteotl, de centli, ou cintli, la gerbe de maïs. Voir Torquemada, Mon. Ind. lib. VI, cap. XXV.

[195] Cod. Mex. Vatic. ap. Rios, et Fabregat, Esposizione delle figure del Cod. Borgia, n. 19.—«Mammis multis et uberibus exstructa, dit Minutius.» (Octav. 22.) ap. A. Maury, Hist. des relig. de la Grèce antique, tome III, page 156. Ce symbole des mamelles pourrait fort bien avoir pris son origine de l’épi même du maïs, recouvert de ses graines, en forme de mamelles, et dont le nombre quatre cents centzontli, en mexicain, donne l’idée de l’année la plus fertile, lorsque d’un grain la terre en rend 400.

[196] A. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique, tome III, page 157.—Torquemada, loc. cit. lib. IX, cap. XXVI.

[197] Torquemada, loc. cit. lib. VIII, cap. v.

[198] Bunsen, Egypt’s place in universal history, vol. I, page 373.

[199] Voir à la suite de Landa, etc. l’Ecrit du frère Romain Pane, dans ce volume, pages 431-432.

[200] Catlin, Lettres and notes on the manners, customs and conditions of the North American Indians, vol. I, page 215.—Nous tenons de M. Catlin lui-même des détails particuliers, extrêmement curieux sur cette matière.

[201] Centeotl, composé de ce ou cen, un, et teotl, dieu, ou de centli, la gerbe de maïs et de teotl.

[202] A. Maury. Hist. des relig. de la Grèce antique, tom. I, pag. 108 et suiv.

[203] Voir Cogolludo, Hist. de Yucatan, lib. IV, cap. vi.—Hunab-ku, un ou unique dieu, a exactement le même sens que centeotl.

[204] A la suite de Landa, Relacion de las cosas de Yucatan, page 357 dans ce volume.

[205] Itzen pour tzen ou tzem, ou tzam, d’où Itzamna ou Zamna, comme on appelle indifféremment cette divinité.

[206] Bunsen, loc. cit. page 374.—Voir Landa dans ce volume, page 221. Dans le manuscrit original, ce nom est écrit tout d’une pièce. Nous avons fait ahcoc, ahmut; le premier signifie celui de la tortue; nous n’avons pu trouver le sens du second, à cause de l’insuffisance de notre vocabulaire: dans le tzendal, langue assez rapprochée du maya, mut, est un oiseau. Conjointement avec Zamna on adorait au Yucatan une déesse qui passait pour la mère des dieux; on l’appelait Xchel ou Ixchel. Le mot chel s’appliquait à un oiseau sacré, c’était aussi le nom d’une famille sacerdotale; x ou ix, prononcer ish, désignait le féminin ixix ou ishish, le sexe de la femme.

[207] De Iside et Osiride, page 396.

[208] Champollion, l’Égypte sous les Pharaons, tom. I, page 217 et suiv.

[209] Cod. Mex. Tell. Rem, fol. 3. v.

[210] Motolinia, Hist. de los Indios de la Nueva-España, partie inédite, Manuscrit de don José Maria Andrade de Mexico.—Voir Landa, plus bas, page 255. Chac, l’orage, la pluie, le Dieu des eaux ainsi que Tlaloc au Mexique, et par conséquent des productions de la terre. Cette fête de l’éteignement du feu s’appelait Tuppkak, qui en est la signification et qui symboliquement, peut-être, rappelait l’éteignement par le déluge des feux allumés par les volcans, au temps du cataclysme.

[211] Passalaqua, Catalogue raisonné des antiquités découvertes en Égypte, etc. page 168 (ad. XXVI). Des vases d’un genre analogue servaient au Mexique, au Yucatan, ainsi qu’en Égypte, à renfermer là les cendres, ici les entrailles des défunts. Il existe au musée de Mexico deux ou trois vases de ce genre d’une grande beauté: nous possédons les copies de deux des plus curieux, dessinés par M. Ed. Pingret.

[212] Calancha, Coronica moralisada, etc. lib. II, cap. x. Ces pénates sont appelés indifféremment canapa ou conopa, nom où l’on reconnaît celui de con ou chon, dont il a été parlé précédemment.

[213] Voir Landa, page 207 et suiv.

[214] Bunsen, Egypt’s place in universal history, vol. I, page 514. Au nº 254 de la liste des signes hiéroglyphiques idéographiques, se trouve l’animal précité, sous le nom de jerboa ou jerboise, ce qui n’est pas exact, suivi de ces mots sense unknown. On le retrouve dans un grand nombre de documents, quelquefois très-exact, d’autres fois plus ou moins défiguré; ceci s’explique par l’interruption des communications de l’Égypte avec l’Amérique, seul pays où existe le Sarigue, qu’on finit par oublier avec le temps et qu’on regarda peut-être comme un animal symbolique. Tel l’énonce M. de Rougé, en le donnant comme l’animal symbolique de Set, à la suite d’une explication touchant le groupe de la page 16 de son ouvrage Étude sur une stèle égyptienne, page 17. Dans la Gramm. Égypt. de Champollion, on le retrouve avec la même tête de Sarigue, page 114, ayant la légende: «Avec la tête d’un animal fantastique et sous le nom de Bôr ou Boré,» page 119, ayant la légende: «une espèce de griffon.» Page 120, cette tête de sarigue est devenue, par l’oubli du temps sans doute, une tête d’âne et ensuite d’antilope.

[215] Dans le Livre Sacré, le Sarigue apparaît d’abord comme un des quatre grands dieux, page 2. Il revient ensuite, page 167, dans une fiction fort difficile à interpréter. Toute la scène, cependant, paraît faire allusion à un tremblement de terre, quatre fois répété, exprimé par l’idée que le Sarigue ouvre ses jambes, et où le volcan Hunahpu joue encore son rôle: ce qui se serait répété quatre jours de suite.

[216] Utiu est l’animal appelé coyotl en nahuatl; c’est le chacal américain. Hun-ahpu-utiu, un Tireur de sarbacane au chacal, est le même que l’anupu ou anubis des monuments d’Égypte, également représenté par un chacal.

[217] Tziz ou zitz signifie l’épine, l’aiguille ou l’animal, que Ximenez traduit par pizote, le pitzotl mexicain, que Molina traduit à son tour par puerco et qui paraît être une sorte de porc-épic.

[218] Rouleau de papyrus de M. Fontana, expliqué par M. de Hammer, page 11.—Codex Chimalpopoca, dans l’hist. des Soleils, MS de ma Coll.—Cadastre et rôle des habitants de Huexolzinco et autres lieux, etc. MS de la bibl. impér.

[219] Cod. Mex. Tell.-Rem., fol. 4, V.

[220] Motolinia, Hist. antig. de los Indios, part. MS. Dans ce document, au lieu de cipactli il y a capactli, qui n’est peut-être qu’une erreur du copiste, mais qui, peut-être aussi est le souvenir d’une langue perdue et qui se rattacherait au capac ou Manco-Capac du Pérou.

[221] Motolinia, ibid.

[222] Dans Herapollon, I, 69 et 70, le crocodile est le symbole du couchant et des ténèbres.

[223] Cod. Mex. Tell.-Rem., fol. 18, V.

[224] Ixcuina, au pluriel ixcuiname, dans la langue nahuatl; ainsi le donne le Cod. Mex. Letellier, et Sahagun (Hist. de las cosas de N. España, lib. I, cap. XII.)

[225] Cod. Mex. Tell.-Rem., fol. 21, V.

[226] Sur les sources de la Cosmogonie de Sanchoniathon, page 101, 197.

[227] Cod. Mex. Tell.-Rem., p. 16, V.

[228] Panthéon égyptien, liv. IV, ch. 1, texte 3, page 2.

[229] Ibid., texte 3 a, page 1.

[230] Goulianof, Archéol. égyp., tom. III, p. 330.

[231] Ymox ou Ymix est le premier signe du calendrier, Yk est le second, et se traduit par souffle, vent, esprit.

[232] Goulianof, loc. cit.

[233] Panthéon égyp., 15 b.

[234] Ehecatl ou eecatl, se traduit viento, aire, dans Molina, Vocab. de la leng. Mex., etc.

[235] Goulianof, Archéol. égypt, tom. III, page 408.

[236] Religions de l’antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques, pl. XXXVIII, n. 156. On voit au Musée égyptien du Louvre un grand nombre de ces simulacres de grandeurs diverses, correspondant, on ne peut mieux, à l’idée que nous en donnons ici.

[237] Egypt’s place in Univ. hist., vol. I, pag. 382.

[238] Popol Vuh, page 413.

[239] Histoire d’Égypte, etc., page 118.

[240] Les deux premiers dieux furent, d’après cette tradition, un homme appelé Xchel et une femme appelée Xlçamna, lesquels engendrèrent trois fils. L’aîné s’étant enorgueilli, voulut créer des êtres humains; mais il n’y réussit point: il ne sortit de ses mains que des œuvres de terre glaise sans consistance; c’est pourquoi il fut lancé aux enfers avec ceux qui l’y avaient aidé. Les deux autres fils, appelés Hun-Cheuen et Hun-Ahau, ayant obtenu la permission de travailler à de nouvelles créatures, créèrent les cieux, la terre et les planètes, après quoi ils firent un homme et une femme, de qui descendit le genre humain. (Roman, Republica de las Ind. Occid., lib. II, cap. xv, en las Repub. del Mundo.)

[241] Livre Sacré, deux. part., ch. I et XIV.

[242] Sahagun, Hist. gen. de las cosas de N. España, apend. del lib. III, cap. II.

[243] Dans l’Hist. des Soleils.—Torquemada rapporte une tradition analogue; mais celui qui va chercher les os de jade, s’appelle Xolotl (Mon. Ind., lib. VI, cap. LXI). Cette histoire ne ferait-elle pas allusion aux grottes mystérieuses où se travaillait le jade et dont on a été jusqu’ici dans l’impossibilité de découvrir les mines? Etaient-elles situées au Tlapallan fameux, tour à tour placé dans le nord et dans l’Amérique centrale, et qu’il faudrait peut-être encore reculer jusque dans l’Amérique méridionale?

[244] Eckstein, Sur les sources de la cosmogonie, etc., page 157.

[245] Loc. cit., page 234.

[246] N’est-ce pas là exactement ce qui se dit de Kukulcan et de Zamnà au Yucatan (Voir plus bas, Landa, pages 35 et 356 et note 2), de Quetzalcohuatl, qui enseigna au Mexique toutes les sciences, énumérées ici?

[247] Histoire générale et système comparé des langues sémitiques. Paris, 1864, liv. I, ch. II, page 60.

[248] Movers, Die Phônizier, tom. 1, pag. 471, etc.

[249] Biblioth. hist., lib. I, 28.

[250] Odyssée, I, 22-26, dans Eckstein, Sur les sources de la cosm. de Sanchoniathon, page 132.

[251] Iliade, I, 423-425; XIII, 204-206.

[252] Loc. cit., page 135.

[253] Hesiod., Theogon. 126-128. Eckstein, loc. cit. page 142.—Voir plus haut, page 24.

[254] Voir plus bas Ecrit du frère Romain, page 440 et suiv.—Eckstein, loc. cit. page 214. «Il s’agit, dans le dernier cas, d’une science du genre de la science hermésienne, qui est attribuée à la katchapé, à la tortue femelle de la vieille Inde. Le Cercops pontifical, le Kapivaktrah en forma une lyre.» Dimivan Caracol en tira l’art de cultiver et de bâtir, et tous les peuples de l’Amérique centrale en ont fait un instrument de musique sacré.

[255] Voir plus bas Ecrit du frère Romain, page 433, etc.

[256] Cette île était la même que la Martinique. Voir dans la Coll. de Ramusio, Della historia dell’Indie, lib. II, cap. VIII, pag. 70, V.

[257] Voir plus bas, loc. cit. page 435.

[258] Indic., cap. XXII, ap. Eckstein, loc. cit. page 139.

[259] Voir plus bas, page 434.

[260] Voir plus bas, pages 435-436.—On sait déjà que la syphilis joue un rôle assez important dans les antiques traditions américaines. Voir le Livre Sacré, etc., introd., page CXLII et suiv.

[261] C’est probablement là l’étymologie du nom de Gua-Bonito. Voir au Vocab. haïtien, à la fin du volume.

[262] Ces noms ne sont pas moins intéressants que les précédents, à comparer avec ceux de l’ancien monde.

[263] Il y avait également une province de Naïrit ou Nayarit au Mexique, ainsi appelé du dieu principal qu’adoraient ses habitants. Elle était située dans les montagnes entre les provinces de Zacatecas, de Culiacan et de Durango. (Alcedo, Dicc, geogr. hist., etc., art. Nayarith.—Frejes, Hist. breve de la conquista de los estados indep. del imp. mex., pag. 150.)

[264] Sur les sources de la cosmog. de Sanchon., etc., page 226.

[265] Voir l’Ecrit du frère Romain, plus bas, page 436.

[266] «Repertæ etiam in Aiti mirabiles fodinæ, ex quibus aurum à Salomonis classe petitum Columbus judicavit. De illis in navigation. Columbi ita scribitur: Barthol. Columbus in Hispaniola invenit specus altissimos et vetustissimos, unde aiunt Salomonem aurum suum eruisse. Hæc auri fodina protendebatur ultra milliaria XVI. Hæc ille. Ingens omnino argumentum, gentes olim eam insulam accessisse metallicas, quales ab omni ævo Phœnices et Hispani fuerunt. Nam illæ fodinæ, non ab Aitanis, quales reperti, quos metallicæ rei penitus ignaros fuisse, et venas in terræ visceribus ignorasse, constat. Aurum ex rivis sublegebant. (Hornii, De originibus americanis, lib. II, cap. VIII, pag. 99.)

[267] Description de la partie française de Saint-Domingue.

[268] E. Nau, Histoire des Caciques d’Haïti, Port-au-Prince, pages 49-50.

[269] Sur les sources de la cosmog. de Sanchoniathon, page 130.

[270] Sans compter les suivants: Abacachi ou Abacari, dans le territoire des Amazones; Abanos, tribu de la Nouvelle-Grenade; Abigira, Abipi, Abitani, noms de tribus et de villes; Abibeya, Abraya, Abraiba, Abrayme, etc., comme noms de chefs dans ces contrées.

[271] Montesinos, Memorias antiguas historiales del Peru, lib. I, cap. IX. MS. de ma Coll., tiré des Arch. de l’Acad. royale d’hist. de Madrid.—Alcedo, Dicc. geogr. hist., art. Cofanes.

[272] Voici ce que dit à ce sujet l’évêque de Panama, Piedrahita: «Oyo la voz (Ursua) que celebrada la riquezas del Tayrona, del cerro y valle en que estaban los minerales de oro, y plateria, en que se fundian las primorosas joyas de feligrana en varias figuras, de aguilas, de sapos y culebras, orejeras, chagualas, medias lunas, y canutillos, de que tan vistosa y ricamente se arreaban todas las naciones que corren desde el cabo de la Vela, hasta las extremidades de Urabà, y la suma quantiosa de oro en puntas y polvos, etc.» (Hist. gen. del reyno de Nueva Granada, etc., lib. II, cap. 9.)

[273] Julian, la Perla de la America, etc., part. I, disc. III, IV, VIII et part. II, disc. II.

[274] Relacion de lo que sucedio al Magnifico señor capitan Jorge Robledo en el descubrimiento que hizo de las provincias de Antiochia, etc. MS. des Archives de l’Acad. roy. de Madrid. Copie de ma Coll.

[275] Piedrahita, Hist. de N. Granada, etc., lib. cap. XIV.—Julian, la Perla de la America, passim.—«Il est certain que les mathématiciens français, dit Carli, n’ont jamais pu comprendre comment ces peuples sont parvenus à faire des statues d’or et d’argent toutes d’un jet, vides au dedans, minces et déliées, etc.» (Lettres américaines, tome I, lettre 21.) «J’en ai tenu une, dit l’annotateur de ces lettres, qui était une espèce de momie. On n’y voit aucune soudure. On a pareillement admiré des plats à huit faces, chacune d’un métal différent, c’est-à-dire alternativement d’or et d’argent, sans aucune soudure; des poissons jetés en fonte, dont les écailles étaient mêlées d’or et d’argent; des perroquets qui remuaient la tête, la langue et les ailes; des singes qui faisaient divers exercices, tels que filer au fuseau, de manger des pommes, etc. Ces Indiens entendaient fort bien l’art d’émailler, qu’a tant cherché Palissy, et de mettre en œuvre toutes sortes de pierres précieuses.» Je possède un vase à dessins émaillés dans ma collection, provenant des ruines de Palenqué; il me fut donné par le dernier gouverneur de l’État de Chiapas, don Angel Corso, et je crois que c’est l’unique en Europe. B. de B.

[276] «Parmi les arts que nous avons appris des Américains, ou que nous aurions pu en apprendre, nous rangerons celui de donner au cuivre une trempe aussi dure que celle de l’acier et d’en faire des haches excellentes et d’autres instruments tranchants. C’est un secret qui nous est totalement inconnu. Le comte de Caylus examina une de ces haches en France et la jugea de la plus haute antiquité; parce qu’elle était semblable aux anciens ouvrages analogues de la Grèce. Ils savaient aussi donner au cuivre un poli qui réfléchissait parfaitement les images des objets et servait de miroir. C’était l’espèce des miroirs communs; car ceux des femmes de la cour étaient d’argent.... Ils mêlaient aussi l’or au cuivre et donnaient à ce métal mixte une trempe assez dure pour en faire des haches de bon usage. Oviedo nous apprend, dans son Histoire générale, que parmi les présents que les Indiens apportèrent au port Saint-Antoine, il y avait trente-six haches de métal mêlé d’or et de cuivre. L’ancien Ulloa dit avoir observé, dans le Journal de Colomb, que lorsqu’il arriva à la terre ferme d’Amérique (ou continent), que certainement il découvrit avant Vespuce, il y avait parmi ces peuples des rasoirs et autres instruments faits de bon cuivre, c’est-à-dire bien trempés.» (Carli, loc. cit.) «L’art de tremper le cuivre, ajoute l’annotateur, connu des Grecs et des Romains, se conserva en Occident jusqu’à la prise de Constantinople.» Voyez Art des siéges, par M. Joly de Maizeroy, 1778, page 4.—Je possède plusieurs haches de cuivre mêlé d’or et de bronze, trouvées dans des tombeaux américains, et un masque en bronze admirablement fondu, le seul objet de ce genre qui existe en Europe. Un membre de l’Institut fort distingué, M. Rossignol, a publié Sur les métaux dans l’antiquité, etc., un ouvrage remarquable de recherches et d’érudition. Mais il en eût doublé l’intérêt, s’il y avait ajouté quelque chose de l’art métallurgique des Américains, si analogue à celui de l’antiquité classique. Les détails à ce sujet dans les auteurs espagnols sont aussi curieux que nombreux et intéressants. B. de B.

[277] «Les académiciens français et espagnols en virent (des miroirs) chez les Guanches, et l’on ne sait pas s’ils sont de pierre naturelle ou de composition. Ceux de Gallinace (obsidienne) étaient ovales, et quelques-uns avaient même un pied et demi de diamètre. La surface en était concave ou convexe. La Condamine assure qu’ils étaient aussi bien travaillés que si ces gens avaient eu les instruments les plus parfaits et avaient connu les règles les plus précises de l’optique. La Condamine avait mis un de ces miroirs d’Inca dans la caisse qu’il envoyait à Paris et qui périt dans le voyage» (Carli, loc. cit.)—«Je suis étonné, ajoute ici l’annotateur, que l’auteur ne nous dise rien de ces miroirs d’un très-beau métal blanc particulier, aussi brillant que l’argent, qui faisaient partie des riches présents que Montézuma envoya la première fois à Cortès. Ils étaient enchâssés en or. Était-ce du platine? Cela me paraît fort probable. On savait donc le fondre et le traiter.» (Ibid. loc. cit.)

[278] Alcedo dit quelque part que l’on trouvait le jade vert dans les mines d’argent (Dicc. geogr. hist.).

[279] Voir le Popol Vuh, introd., page XXII et suiv.

[280] Simon, Noticias de Tierra-firme, etc., part. II, not. IV, cap. IV.—Ternaux Compans, Essai sur l’ancien Cundinamarca, page 8.

[281] Simon, loc. cit.—Ternaux, ibid.—Piedrahita, Hist. de N. Granada, lib. I, part. I, cap. 3.

[282] Humboldt, Vues des Cordillères, etc., tome I, page 89.

[283] Simon, Noticias, etc., part. II, lib. IV, not. 4.

[284] La race nahuatl paraît s’être apparentée de bonne heure avec les Caras, avec lesquels elle s’identifie en bien des lieux.

[285] Herrera, Hist. gen. de las Ind. occid., decad. II, lib. I, cap. I, et lib. II, cap. XIV.

[286] «Su adoratorio (de los Musos) mas principal eran dos elevados peñascos en forma de hermosísimas columnas, llamadas Furatenas, ambas de piedra histriadas, etc.» (Zamora, Hist. de la prov. del N. Reyno de Granada, lib. III, cap. XXVIII.)

[287] «Tuve en Santa-Marta el gusto de ver algunas alhagas de estos sepulcros... Eran dos columnitas de marmol blanco, pero con algunas manchas de jaspe... todo labrado con tanto primor y finura, que no podia salir con mayor perfeccion, de las manos de un artifice europeo... las columnas eran chiquitas, a manera de las que suelen verse en los Sagrarios, con su basa y chapitel pulidas y hermosas a maravilla.» (Julian, la Perla de Santa-Marta, etc., part. I, disc, X, § 1.)

[288] La gravure des deux serpents enlacés du titre de ce volume, a été dessinée d’un anneau en pierre du Jeu de paume antique de Chichen-Itza, au Yucatan.

[289] Cab, dans le quiché, et kab, dans le maya, signifie main, bras, dans son acception la plus ordinaire; de là cabir, verbe quiché, et kabul, maya, qui signifie se faire bras et se faire deux, se doubler, de cab, qui veut dire deux dans ces deux langues. Cab, dans les mêmes langues signifie aussi le miel, la douceur; prononcé gutturalement comme gab en quiché, il signifie ouvrir la bouche, saisir avec les dents et bâiller, comme le mot gape en anglais.

[290] Castellanos, Varones ilustres de Indias, etc., part. II, canto 3, pag. 533.

[291] Sur la côte de terre-ferme de la Nouvelle-Grenade. Il n’est pas jusqu’au Mississippi qui ne présentât autrefois un souvenir du même genre, dans la rivière Macaret, un de ses affluents dans la Louisiane (Alcedo, Dicc. geogr. hist., au mot Macara, etc.)

[292] Eckstein, Sur les sources de la cosm. de Sanchoniathon, page 118.

[293] À l’exception du nom de Macar, dont le nom subsiste en tant de lieux, il n’est resté dans la tradition rien de bien clair sur les divinités spéciales des Cares dans ces contrées. Ce qu’il y a de curieux, toutefois, c’est que la langue quichée, dont un dialecte était parlé par les Cares de Copan, donne une fort bonne étymologie d’Osôgo, nom du dieu national des Cariens d’Asie, soit qu’on le fasse dériver d’otz ou otzoy, le homard, et de ogo, resplendir sur l’eau; ce qui ferait le homard resplendissant, nom qui conviendrait à merveille à une divinité de l’élément humide, comme l’était celle des Cariens; soit qu’on le fasse venir d’ox, trois ou trois fois, et d’ogo, celui qui brille trois fois sur l’eau, étymologie également admissible dans ce cas. Ajoutons que le nom même de Labrandeus, dieu guerrier des Cares, identique probablement avec Osôgo, a une racine tout à fait américaine: lab est l’augure qu’on cherchait avant de commencer le combat, en quiché, et de là labal, guerre. Dans la langue maya, lob est le mal. Voir pour ces dieux cariens, A. Maury, Hist. des religions de la Grèce antique, etc., tom. III, page 139 et suiv.

[294] Calancha, Hist. mor. del Peru, etc., lib. II, cap. XIX.

[295] Ritos de los naturales del Peru, Memoria escrita por los Augustinos de la misma provincia. MS. des Archives de l’Acad. roy. d’hist. de Madrid, copie de ma Coll.

[296] Ces mots gua-chemin, semblent tout à fait d’origine haïtienne: gua, ce, il, le, et chemin, la divinité, etc.

[297] Porcon était une ville considérable, suivant le même document, avec un temple immense dédié à Apocatequil, et de vastes logements pour les pèlerins qui y venaient de toutes parts. Alcedo (Dicc. geogr.) écrit Porco et en fait une petite ville de la province du même nom.

[298] Guacat paraît un nom d’origine nahuatl, aussi bien que la fable de la fronde, qui rappelle, avec ses divers autres détails, l’histoire de Hunahpu et de Xbalanqué.

[299] Santa, orthographié quelquefois Sancta et que nous trouvons écrit Santapor, dans Calancha, loc. cit. lib. II, cap. VIII. C’était une ville et une province confinant au Pacifique entre Guailas et Truxillo.

[300] Calancha, Hist. moral. del Peru, lib. II, cap. XII.

[301] Au Mexique, c’étaient des chiens roux qu’il fallait.

[302] Renan, Hist. gén. des langues sémitiques, liv. I, ch. III, page 33.

[303] Des Cares ou Cariens de l’antiquité, IIᵉ part. passim.

[304] Renan, loc. cit., page 49.

[305] Id. ibid., page 53.

[306] Renan, ibid. ut sup., page 34.

[307] Biblioth. hist., lib. I, 28.

[308] Renan, loc. cit., page 65.

[309] Nemrod est un nom dont l’étymologie se trouve également fort satisfaisante dans le quiché: Nim, grand, fort, et rut, bruit, effort violent, ou bien lancer, remuer avec fracas, et aussi le verbe qui signifie roter en français, dont la racine est tout à fait quichée.

[310] Id. ibid., pages 60-61.

[311] Ibid., page 62.

[312] C’est au sens d’un déchirement matériel des diverses contrées de la terre, à la suite d’une catastrophe physique, cause ainsi d’une séparation forcée des nations, que ferait allusion le nom de Phaleg, suivant quelques commentateurs de l’Écriture. Ce serait à peine deux ou trois siècles avant Abraham. Car on ne peut guère fixer la chronologie de la Bible antérieurement à ce patriarche d’une manière positive. Moïse n’en donne point, et l’Église, en adoptant celle des Septante dans le Martyrologe romain, a toutefois adopté la plus longue. Elle a agi avec sa prudence accoutumée et pris celle-là, faute d’une autre qui fût meilleure.

[313] À propos de ces recherches, quelques amis nous ayant témoigné la crainte qu’elles ne vinssent à se trouver en opposition avec la Bible, au sujet de la tradition du déluge universel, nous avons répondu ce que d’autres avaient dit avant nous: que la Bible, comme la vérité, ne pouvait que gagner aux recherches scientifiques, de quelque nature qu’elles pussent être. En ce qui concerne le déluge, nous dirons que l’Église n’a pas plus décidé cette question que celle de la chronologie. Rappelons à ceux dont la conscience pourrait s’alarmer, que la Congrégation de l’Index ayant été réuni à Rome en 1686, à propos du livre de Vossius, intitulé Dissertatio de vera ætate mundi, le docte Mabillon invité à donner son avis, soutint que l’opinion émise par le savant hollandais, sur ce que le déluge n’avait pas été universel, peut être acceptée ou au moins tolérée, comme ne contenant aucune erreur capitale contre la foi, ni contre les bonnes mœurs: «Principio hæc opinio nullatenus continet errorem capitalem, neque contra fides, neque contra bonos mores. Itaque tolerari potest et criticorum disputationi permitti.» Tel fut l’avis de Mabillon. La congrégation, composée de neuf cardinaux, d’un grand nombre de prélats et de religieux éminents, et du maître du Sacré Palais, l’écouta avec une grande admiration et s’en tint à la décision du savant bénédictin français. Voir pour plus de détails les Ouvrages posthumes de Don Mabillon, Paris, 1724, pag. 59, 61, etc. Aussi la Vie de Don Mabillon, par Don Ruinart, Paris, 1709, page 127; la Correspondance inédite de Mabillon et de Montfaucon, par Valery, tome 1, p. 213. Je dois les détails de cette note à l’obligeance de M. Schæbel, savant allemand, résidant à Paris.

[314] C’est ce qu’exprimé encore le Codex Letellier, à propos d’Itzpapalotl, le Papillon aux couteaux d’obsidienne, donnée comme la même qu’Ixcuina, la déesse des amours impudiques, la même, ajoute le document, qui apporta la mort au monde. Itzpapalotl est présentée aussi comme une des six constellations qui tombèrent du ciel au temps du déluge, lesquelles étaient enfants de Citlallicué et de Citlallatonac, images de la voûte céleste. Elle est identifiée avec Xochiquetzal, déesse des fleurs et de l’amour, l’habitante du paradis terrestre. «Esta fingen, dit le Codex Letellier, que estando en aquel huerto, que comia de aquellas rosas, que esto duro poco, que luego se quebro el arbol.» Après cela vient l’image d’un tronc d’arbre couvert de fleurs, rompu par le milieu et dont les racines sont des ruisseaux de sang. En tête, il y a ces mots: «Tamoanchan o Xuchitlycacan; quiere dezir en romance (langue vulgaire): Alli es su casa, donde abaxaron y donde estan sus rosas levantadas.» Au bas, il continue d’une autre main: «Para dar a entender »que esta fiesta no era buena y lo que hazian era de temor, pintan este arbol ensangrentado y quebrado por medio, como quien dize fiesta de travajos por aquel pecado.»—«Este lugar que se dize Tamoanchan,» continue la première main, «y Xuchitlycacan es el lugar donde fueron criados estos dioses que ellos tenian, que asi estando como dezir en el parayso terrenal, y asi dizen que estando estos dioses eh aquel lugar, se desmandaron en cortar rosas y ramas de los arboles, y que por esto se enojo mucho el Tonacaleuctli y la muger Tonacaciuatl, y que los hecho dalla de aquel lugar, y asi vinieron unos a la tierra y otros al infierno y estos son los que a ellos ponen los temores.» L’arbre couvert de fleurs paraît être l’image d’un pays magnifique, détruit par quelque catastrophe; les dieux qui descendent aux enfers, sont ceux qui périssent, et ceux qui vont sur la terre, ceux qui échappent à la mort.

[315] Eckstein, Sur les sources de la cosmogonie de Sanchoniathon, pages 216-217 et 227.

[316] Biblioth. hist., lib. V, 19-20.

[317] Essai sur l’hist. de la géogr. du N. Continent, tome I, page 34.

[318] Hist., lib. IV, cap. CLII, ed. Steph., 1618, pag. 273. Voss, en se fondant sur l’époque de la colonisation de Cyrène, place l’expédition de Colœus, avant la dix-huitième olympiade, plus de 708 ans avant notre ère (Krit. Blätter, tom. II, p. 335 et 344). D’après les recherches de Letronne, l’expédition des Samiens tombe dans la première année de la trente-cinquième olympiade.

[319] Un travail moderne d’un grand intérêt archéologique et géographique a prouvé que le Thulé, où aborda Pythéas, et qu’il décrit, ne peut être que l’Islande (Nilsson, Die ureinwohner des Scandinavischen Nordens, Hamburg, 1863, pag. 102 et 109.)

[320] Voir le Popol Vuh, introd., page XCIX et suiv.

[321] «Quelle est cette île, dit le savant annotateur de notre traduction de Diodore; quelle est cette île dont parle ici Diodore? Est-ce l’Atlantide de Platon, ou même l’Amérique? Quoi qu’il en soit, je ne saurais partager l’opinion de Miot, d’après laquelle le récit de Diodore ne serait qu’une tradition fabuleuse, embellie par l’imagination des historiens et des poëtes. Il me semble que la description que Diodore fait du climat et du sol de cette île inconnue peut, sous plusieurs rapports, s’appliquer aux îles Canaries ou aux îles Açores (mais ni les Canaries, ni les Açores n’ont de grandes rivières navigables).» Diod. Biblioth. hist., trad. de M. Ferd. Hoefer, lib. V, 19-20.

[322] Ceci peut être légèrement exagéré: les Phéniciens n’étaient pas si bavards.

[323] Dans le discours que Quetzalcohuatl adresse à ses compagnons, en les laissant, il semble faire allusion à l’idée émise ici par Diodore. Cf. Popol Vuh, Intr. p. LXXXV et suiv.

[324] Aristot., De Mirab. Auscult., cap. LXXXIV, pag. 836. Bœkk.

[325] Letronne, dans le Journal des Savants, février-mai 1825, p. 236.

[326] Plutar., In vita Sertor., cap. VIII.—Sallust., Fragm., 489.

[327] Mannert, Geogr. der Alten, part. I, pag. 44, 77.

[328] Voici, entre autres passages curieux, celui où Silène raconte à Midas (Ælian. III, Histor.): «Europam, Asiam, Lybiam, insulas Oceano circumfusas esse; extra eas continentem quamdam infinitæ magnitudinis quæ nutriat grandia animalia et homines duplo majores et longæviores quam nostri sint Ibidem esse magnas civitates, diversa vitæ instituts et leges nostris contrarias.» Et plus loin: «Hanc terram possidere grandem vim auri et argenti, ita ut inter illos populos minoris pretii sit quam apud nos ferrum.»—De son côté, Marcellin disait: «In Atlantico mari Europæo orbe potior insula,» et Avienus: «Fertiles in Oceano jacere terras, ultraque eum rursus alia littora alium jacere orbem.»


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