Saint Paul
XII
LE DISCOURS DE L’ARÉOPAGE
Si Paul avait été, comme certains le veulent, un hellénisant, il n’aurait pas touché le sol attique, pénétré dans le sanctuaire de l’hellénisme, sans être saisi d’une admiration et d’une secrète volupté. Au contraire, Athènes lui déplut fortement. Cette ville auguste l’attrista, lui pesa, « l’exaspéra[278] ».
[278] Actes XVII, 16.
D’abord il s’y trouva seul[279], dans une solitude hostile. Timothée l’y avait rejoint. Mais, à la nouvelle des vexations qu’enduraient les chrétiens de Thessalonique, Paul « n’y put tenir ». Il envoya son disciple à ses Thessaloniciens bien-aimés ; car il souffrait trop de ne point les revoir lui-même. Timothée les conforterait, les maintiendrait dans l’espérance et la charité une.
[279] I Thessal. III, 1-2.
Pourquoi Paul, jusqu’au retour de Timothée, fut-il en proie à une telle angoisse qu’il éprouva, ensuite, le besoin d’y faire allusion ? Il semble avoir eu à surmonter une crise de lassitude, comme en traversent tous les Saints, épreuve où se retrempe leur humilité confiante. Tant d’efforts, et, en apparence, un si fragile succès ! Il tremblait pour les églises qu’il avait dû abandonner à peine instruites :
« Si celui qui tente, dira-t-il aux Thessaloniciens, allait vous avoir tentés ! Si mon labeur était tombé dans le vide[280] ! »
[280] I Thessal. III, 5.
Son isolement, au milieu d’Athènes, aggravait ses inquiétudes. Il sentait, dans cette ville, plus que nulle part ailleurs, l’énorme poids de la résistance païenne. Les idoles étaient là chez elles, comme dans leur Panthéon, tranquilles, triomphantes, innombrables. Depuis les portes jusqu’au Céramique, dans chaque rue, sous chaque portique, des temples, des statues[281]. Combien de Zeus, de Pallas, de Bacchus, d’Aphrodites ! Au-dessus du Céramique, le temple d’Héphaistos ; tout près, celui de l’Aphrodite Ouranienne qu’avait sculptée Phidias dans un bloc de Paros. Rue des Trépieds, le Satyre de Praxitèle. Vers le théâtre, encore Bacchus. En allant du théâtre à l’Acropole, les temples d’Esculape et de Thémis, de Gé Kourotrophos et de Déméter Chloé. Et tous les héros éponymes, les hommes illustres, les déités allégoriques, et, sur l’agora, l’autel de la Pitié, déesse que, seuls d’entre les peuples, les Athéniens vénéraient.
[281] Voir Pausanias, l’Attique.
Pour celle-là, Paul aurait eu spontanément quelque indulgence. Mais il la jugeait bien misérable elle-même. Adorer une idée, quand on peut s’approcher de la Vie éternelle et vivre dans le Principe d’où cette idée procède, le faire vivre en soi, Dieu et homme, lui « par qui et pour qui tout a été créé[282] », c’est encore se vouer aux ténèbres et repousser Dieu.
[282] Coloss. I, 16.
Paul s’affligea de voir les Athéniens profondément attachés aux légendes des faux dieux, aux pompes des liturgies, donc d’autant plus difficiles à convertir. Les processions, les fêtes interminables heurtaient ses yeux. Le pharisien qu’il avait été abhorrait jusqu’à « l’ombre de l’ombre d’une idole ». La beauté des formes, dans les statues, l’irritait parce qu’elle animait un mensonge d’un semblant de vérité plus vivace. Pour lui, l’attrait des créatures ne pouvait être qu’en leur ressemblance avec le Christ, image du Père, avec le Dieu réel, absolu dont il avait entrevu le visage humain.
Un jour cependant qu’il était descendu au vieux port de Phalère ou à Munychie, il remarqua une pierre d’autel qui portait cette inscription : « Au dieu inconnu[283]. » Les dévots avaient ainsi voulu capter la bienveillance de quelque dieu étranger ; sans savoir son nom, ils lui apportaient un hommage, des offrandes ; et leur piété croyait au moins conjurer les rancunes de Puissances occultes que personne autre n’invoquait.
[283] M. Loisy soutient, en s’appuyant sur Pausanias (I, I, 4), que la forme exacte de l’inscription devait être : Aux dieux inconnus. Mais Diogène de Laerce, dans la vie d’Epiménide (Vitae philos., I, 10), constate qu’on dédiait des autels « au dieu qu’il regarde, au dieu inconnu » ; et Norden (Agnôstos theos, p. 30) rappelle que, chez les Arabes aussi, on voyait une pierre carrée, autel « du dieu inconnu ».
Dans la pensée de Paul, ces idolâtres, à leur insu, faisaient place au Dieu unique que leurs cœurs cherchaient, parce qu’Il les attendait.
Cette découverte lui donna comme l’apaisement d’un conflit. Auparavant déjà il avait aperçu que le paganisme, en ses modes épurés de croyance, était un mouvement vers l’Inconnu qui demeurait, sans la Révélation, difficile à connaître. Mais, dès lors, il sentit mieux où pouvait aboutir, avec la discipline chrétienne, l’effort désordonné de la philosophie grecque. La mission de l’Hellade lui apparut : conduire les âmes à la recherche d’un Dieu supra-sensible. Sans pouvoir se réconcilier avec Athènes, il y prêcha dans l’espérance.
Au début, il parla, le jour du sabbat, à l’intérieur de la synagogue. Peu puissante, la colonie juive d’Athènes s’abstint de provoquer des émeutes, mais elle ne semble guère avoir compris sa parole, et il s’adressa directement aux païens.
Athènes avait perdu, pour des siècles, toute énergie politique ; dans l’art, elle ne créait plus rien. Elle vivait sur la splendeur de son histoire ; c’était une ville d’université où les jeunes gens de l’Empire venaient, par mode, achever leur formation. Elle avait encore des grammairiens, des rhéteurs et des philosophes. Probabilistes, cyniques, épicuriens, stoïciens, voisinaient sans trop de heurts dans un milieu de dilettantes décadents où l’élégance était de railler toutes les convictions.
Les Athéniens restaient ce qu’ils n’ont pas cessé d’être, un peuple à l’humeur légère, curieux et vif d’intelligence, amoureux des spectacles éclatants et de beau langage, plus flâneur qu’agité, plus vantard que patriote, plus dévot envers les images que solidement religieux. Comme au temps de Démosthène, « quoi de nouveau ? » restait la formule journalière de leur inconstance ou de leur esprit blasé. Sauf aux heures trop chaudes, les citoyens qui avaient du loisir et le goût des bavardages — c’est-à-dire presque tous — vivaient sous les portiques, autour des temples, sur l’agora. C’est là que Paul osa disputer contre des philosophes, personnages notoires ; il leur exposait l’essentiel de son Évangile, Jésus et la Résurrection. Il ne payait guère de mine ; la puissance de son Verbe et l’étrangeté de sa doctrine arrêtaient cependant l’attention ; on faisait cercle pour l’entendre ; les survenants s’enquéraient :
« Que nous veut ce pierrot ? »
Ils le comparaient, avec leur morgue d’intellectuels satisfaits d’eux-mêmes, aux oiseaux qui picorent, en sautillant, sur les dalles, ce qu’ont laissé tomber les passants, aux gueux qui ramassaient, pour se nourrir, les graines éparses sur le marché, ou à ces péroreurs de carrefour, débitant des drôleries qu’ils ont quêtées partout. Et d’autres expliquaient dédaigneusement :
« C’est un colporteur de divinités étrangères. Il annonce Jésus et Anastasis. »
Anastasis voulait dire : la Résurrection. Était-ce en manière de sarcasme qu’ils prenaient pour une déesse Anastasis ? Les Athéniens avaient dressé des autels à l’Impudence ; pourquoi Résurrection ne serait-elle pas aussi une divinité ?
Tout au moins, s’ils affectaient de l’ironie en face du petit prêcheur juif, ils le trouvaient amusant, « intéressant », comme diraient les snobs, parce qu’il faisait sonner à leurs oreilles des mots et des choses qu’ils ignoraient.
Certains, pris du désir de mieux connaître sa doctrine, eurent la fantaisie d’exiger qu’il la présentât dans une conférence publique. Cavalièrement, ils l’appréhendèrent et l’emmenèrent, sans lui donner le temps de la réflexion, en un lieu bien choisi pour l’orateur comme pour l’auditoire, au flanc occidental de l’Acropole, sur la colline d’Arès[284]. Paul ne résista point, considérant que l’Esprit leur inspirait cette volonté imprévue, joyeux aussi d’affronter l’erreur polythéiste dans la citadelle même de ses hautes traditions, de crier aux idoles : Vous n’existez pas[285].
[284] Il ne s’agissait nullement de le faire comparaître devant l’Aréopage, bien que ce tribunal siégeât certains jours en cet endroit. Le texte est clair : « Ils le conduisirent sur la colline d’Arès. » L’orateur ne s’adresse pas à des juges, mais commence : Hommes athéniens… Quand il sent l’auditoire mal disposé, il se retire, et personne ne l’inquiète ; aucun jugement n’intervient.
[285] « Cela n’existe vraiment pas, les idoles » (I Cor. VIII, 4).
Du sommet des degrés il avait devant lui tous les temples de la colline, Athènes en bas, l’horizon des montagnes, et la mer[286]. Une foule pouvait, à son aise, s’échelonner sur la butte, sans rien perdre d’une voix sonore que renvoyait, sans doute, le mur de fond d’un portique.
Son discours, d’une portée immense, allait marquer la solennelle rencontre du dogme chrétien et de la pensée grecque. L’exégèse négative s’est acharnée à prouver que le fond même n’est pas authentique. Harnack en a pourtant défendu l’historicité. Elle s’impose, si on examine la convenance du texte avec les idées générales de l’Apôtre, avec les nécessités du temps et du lieu.
Le narrateur, évidemment, reproduit, à gros traits, sans établir des transitions, les lignes dominantes. S’il était un rhéteur, il aurait, comme un Tite-Live, composé d’après les données traditionnelles, une harangue exemplaire. Un auditeur ému avait retenu certaines phrases et l’ensemble du mouvement. Luc a consigné ce qu’il savait par lui ou par saint Paul lui-même.
Voici d’abord une thèse commune à toutes les prédications chrétiennes, chaque fois que les missionnaires combattaient l’idolâtrie :
Il est un seul Dieu qui a fait le monde et tout ce qui existe dans le monde. Il est le Maître du ciel et de la terre. Donc il n’habite pas en des temples faits de main d’homme (Étienne, avec un semblable argument, avait bravé le sanhédrin), et les mains des hommes ne peuvent le servir, comme s’il avait besoin de quelque chose, lui qui a donné à tous les êtres la vie et le souffle.
Dans une langue rationnelle, intelligible à des Hellènes cultivés, Paul énonce la même réprobation logique du paganisme qu’il reprendra, plus véhémente, au début de l’épître aux Romains. Nous reconnaissons le vieil anathème juif contre les idoles, celui du psaume CXIII : « Elles ont une bouche et elles ne parleront pas, des yeux, et elles ne verront pas », et, mieux encore, ceux du livre de la Sagesse[287], où est tournée en dérision l’impuissance de l’artiste à figurer un dieu qui ait la ressemblance humaine :
[287] Ch. XIII, 11-19, et XV, 15-19.
« Alors qu’il est mortel, il façonne un mort de ses mains iniques. Car il a sur les dieux qu’il adore cet avantage d’être un vivant, tandis qu’ils n’ont jamais vécu. »
Mais Paul ne s’arrête pas à condamner. Si Dieu est esprit, quel culte devons-nous lui rendre ? Nous sommes tous issus d’un seul homme que Dieu fit à son image. Donc nous sommes « de la race » de Dieu. Nous venons de Lui, nous avons en lui la vie, le mouvement, l’être. Il nous a donné des signes pour le chercher dans l’univers, pour sentir sa présence et bénir ses bienfaits. La conclusion, Paul dut la déduire, c’est qu’il faut adorer le Père « en esprit et en vérité » selon la parole du Maître à la femme de Samarie.
Ce Dieu, « les temps d’ignorance » l’ont méconnu. A présent, Il mande « à tous les hommes, en tous lieux, de se repentir, parce qu’il a fixé un jour où il va juger le monde dans la justice, par un homme qu’il y a destiné, donnant à tous une raison de croire, en le ressuscitant d’entre les morts ».
Telle est, réduite à ses éléments, la dialectique de Paul. Dix-neuf siècles de christianisme nous l’ont rendue familière. Pour les Athéniens, elle sembla bizarre au point qu’ils eurent peine à la saisir, et, surtout, à l’admettre.
Combien prudente cependant, ingénieuse était l’accommodation des vérités qu’il leur dispensait ! En évoquant « le dieu inconnu » son éloquence avait l’air, pour prendre son vol, de s’élancer du sol même d’Athènes. Il loue leur piété en tant qu’elle peut être dirigée vers le Dieu vrai qu’ils adoraient sans le connaître. Dieu n’est point représenté comme inconnaissable. L’Apôtre, au rebours, veut leur faire entendre que les lumières de leur raison devaient les acheminer à le découvrir. « Depuis la création du monde, enseignera-t-il ailleurs[288], ses invisibles perfections se laissent concevoir par ses œuvres. » Ici, une vue générale sur la philosophie de l’histoire enveloppe une réflexion précise suggérée par le lieu même où l’orateur parlait.
[288] Rom. I, 20.
« Dieu, dit-il, a fait qu’issue d’un seul, toute race d’hommes habitât sur toute la face de la terre, où il a fixé des temps réglés et les limites des pays qu’ils habitent. »
En présence de l’Attique déployée sous son regard, de l’Acropole taillée si visiblement pour porter un temple, Paul songeait que l’Hellade, comme la Judée, avait été prédestinée à l’avenir d’un peuple unique. Aucun horizon, sauf celui de Jérusalem, n’aurait mieux attesté l’évidence d’une harmonie préétablie entre un site et la mission du peuple qui devait y vivre. En quel lieu aurait-il senti davantage que « la divinité ne peut être semblable à l’or, à l’argent, à la pierre, aux images qui sont l’œuvre de l’art et de la méditation des hommes » ? Il ose le déclarer en face du Parthénon, de la Pallas chryséléphantine, de l’autre Pallas, celle devant qui était allumée une lampe qu’on remplissait d’huile une fois par an, de l’Athéné Areia, dressée dans l’Aréopage, et près du temple des Semnae (des Érinyes), des statues de Pluton, d’Hermès et de la Terre.
Pour qu’on écoutât sans murmure des impiétés pareilles, il fallait que l’assistance fût composée surtout de philosophes et de sceptiques. Paul savait bien quel public il se proposait de toucher. Son langage était semé d’expressions qui pouvaient plaire à des stoïciens détachés des cultes nationaux et polythéistes. Témoin la citation fameuse :
De sa race aussi nous sommes,
réminiscence du poète cilicien, Aratus, mais qui se rencontre aussi dans l’hymne de Cléanthe à Zeus. La formule : « En lui, nous avons la vie, le mouvement, l’être », convenait aux oreilles de panthéistes stoïciens. Seulement Paul entendait ces termes dans un sens nouveau ; il en usait pour bien faire cheminer à travers les esprits des vérités qu’il voulait expliquer ensuite. Comme on utilise un tronc d’arbre, s’il faut franchir un fossé, il jetait, de lui à son auditoire, les ponts qui s’offraient. Les philosophes avaient défini comme ils pouvaient les rapports de l’univers avec Dieu. Aucun n’avait établi la notion d’un Dieu personnel et transcendant, infiniment libre et si bien uni à l’homme, sa créature, que nous respirons corporellement et vivons davantage d’une vie mystique dans l’intimité de l’Être divin, et que Dieu s’est fait chair, afin de nous vivifier en mourant, en ressuscitant pour nous.
Certaines conceptions, certains mots de la philosophie païenne n’en étaient pas moins aptes à se transposer selon l’esprit du Christ. Paul, sans hésiter, se les approprie[289].
[289] Il serait sophistique d’en conclure avec Norden que sa doctrine est celle d’un stoïcien ; pas plus qu’il ne professe la philosophie stoïcienne, quand il déclare (Rom. XI, 36) : « C’est de lui (Dieu), par lui, et pour lui que sont toutes choses. » Marc-Aurèle, longtemps après Paul d’ailleurs, a pu s’exprimer d’une façon presque identique. Il logeait sous les mêmes mots des réalités tout autres.
Son discours en devient-il celui d’un philosophe ? Il parle comme devait le faire un Apôtre et un Prophète, avec la certitude et la puissance de la Révélation :
« Ce que vous adoriez sans le connaître, moi, je vous l’annonce. »
Si, tout d’abord, il sous-entend l’Évangile, en vue de mieux asseoir le dogme fondamental, l’existence et la nature du Dieu unique, il proclame ensuite les grands articles de sa foi. L’histoire du genre humain apparaît divisée en deux périodes : « les temps d’ignorance » et les temps de la connaissance. Ceux-ci doivent être les temps du repentir. Il faut se préparer à la venue du Juge, de l’Homme, à qui est donné l’empire sur les vivants et les morts. Paul appelle Jésus simplement « un homme », de peur que l’Homme-Dieu ne soit pris pour une divinité mythique. Mais quelle audace devant des philosophes, devant le Parthénon, et les temples orgueilleux, d’appeler le passé d’Athènes une ère « d’ignorance », d’affirmer que cette vaine gloire croulera, qu’il faut se mettre à genoux dans la poussière et se repentir d’avoir ignoré !
De telles perspectives pouvaient-elles être accueillies sans murmures ? Lorsque l’Apôtre prophétisa « la résurrection des morts », parmi les assistants se propagèrent des sourires, des éclats de rire, des haussements d’épaules. Beaucoup se levèrent, déclarant : « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » Les Grecs savaient que certains héros, Héraclès, Adonis, étaient ressuscités ; et encore, pour l’élite des gens cultivés, ces fables apparaissaient comme de vieux symboles. Socrate avait parlé de l’âme immortelle. Mais la résurrection et le jugement de tous les hommes, c’était absurde, inintelligible !
Paul comprit que, s’il allait jusqu’au bout de son homélie, sa cause était perdue aux yeux des Athéniens, et il brusqua sa péroraison, réservant à des auditeurs mieux préparés une catéchèse qui leur expliquerait Jésus mis en croix.
Il fit dans Athènes peu de disciples. On garda leur mémoire, d’autant plus aisément qu’ils étaient plus rares. L’un d’eux, assesseur de l’Aréopage, ancien archonte, s’appelait Denys, et la tradition ecclésiastique[290] l’honora comme le premier évêque d’Athènes. Une femme aussi reçut le baptême. Elle avait nom Damaris ou Damalis.
[290] Voir Eusèbe, H. E. IV, XXIII.
Les Athéniens résistèrent longtemps à l’Évangile. Le scepticisme philosophique, le goût des fêtes et des processions, l’enchantement des images coutumières, la vanité nationale, tout les retenait dans les voies du passé. Même convertis, on les verra, au second siècle, après le martyre de leur évêque Publius, déserter en masse les églises et revenir passagèrement aux pratiques païennes[291].
[291] Voir Duchesne, Hist. anc. de l’Église, t. I, p. 261.
S’ils n’avaient imposé à Paul ce qu’on appellerait aujourd’hui un discours-programme, son passage au milieu d’eux n’eût laissé qu’un souvenir inconsistant. Mais ce discours allait être, dans sa carrière d’Apôtre, une date culminante. La Pallas Athéné de l’Acropole figurait la sagesse antique, selon son rêve de terrestre et courte perfection. Paul, en montant vers elle, lui avait démontré son insuffisance, sinon son néant. Désormais, la déesse n’avait qu’à mourir, la lampe du sanctuaire devait s’éteindre. La raison ne voulait plus vivre qu’illuminée par la foi.