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Saint Paul

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XVII
L’APPEL A CÉSAR

Césarée, bâtie par Hérode, semblait presque une ville romaine, pourvue d’un vaste port qu’avoisinaient des magasins voûtés. Ses rues s’alignaient sur un plan sévère ; beaucoup de ses maisons offraient un aspect italien : un péristyle, une cour plantée d’arbustes, comme à Pompéi. Auguste et les Césars y avaient leurs statues et leur temple. La tour du palais où saint Paul fut enfermé, dont un pan reste debout aujourd’hui, est une tour de château romain.

Il arriva vers le soir[388], avec son escorte de soixante-dix cavaliers. Les fantassins, une fois dépassées les montagnes propices aux embuscades, l’avaient quitté à Antipatris, étaient remontés vers Jérusalem.

[388] Ils avaient dû faire dans la journée, d’Antipatris à Césarée, une étape de vingt-six milles.

Le procurateur, Antonius Félix, après avoir lu le rapport (l’élogium) du tribun, interrogea Paul sur-le-champ. Il s’enquit de quelle province il était. Paul, malgré la lassitude du voyage, aurait voulu présenter son immédiate apologie ; il avait hâte d’obtenir une décision libératrice et de s’embarquer pour l’Italie. Mais Félix se déroba ; il remit à plus tard l’examen de la cause :

— Je t’entendrai, dit-il, lorsque tes accusateurs seront venus.

Dès le premier contact, l’ascendant de l’Apôtre paraît l’avoir inquiété ; il se tient en garde.

Ce Félix, ancien esclave, Arcadien de naissance, fonctionnaire des plus méprisables, méritait le jugement de Tacite :

« Dans toutes sortes de cruautés et de débauches, il exerça, avec une âme d’esclave, les pouvoirs d’un roi[389]. »

[389] Histoires, V, IX.

Affranchi de Claude, ayant pour frère Pallas, le favori du prince, il se croyait tout permis. Il avait pris Drusilla, une Juive, au roi Aziz, son époux. Il traitait avec les sicaires pour avoir part aux rapines, et avec les princes des prêtres, pour les rassurer contre les sicaires.

Dans le procès de Paul, il entrevit aussitôt des intérêts complexes, de l’argent à extorquer. C’est pourquoi, au lieu de lui rendre sa liberté, il ordonna de le retenir dans le palais d’Hérode.

A Jérusalem, Lysias s’était empressé d’avertir Ananie et les notables juifs qu’ils pouvaient porter leur plainte devant le procurateur. Ils ne perdirent point de temps. Cinq jours après, on vit, dans les rues de Césarée, passer la délégation du sanhédrin, accompagnée d’un jeune avocat latin, qui avait nom Tertullus. Les sanhédrites signifièrent au procurateur leur requête contre Paul. Le lendemain, dans la matinée, le prisonnier fut conduit au prétoire du magistrat ; et Tertullus plaida contre lui : ou plutôt il répéta, en grec, l’accusation que le sanhédrin lui avait soufflée.

Il commença par les flagorneries d’usage à l’égard du potentat romain. Il le loua « de la paix abondante » dont jouissait la Judée, grâce à sa prévoyance, puis attaqua sans préparation « cet homme-peste, qui remuait la discorde parmi les Juifs dans tout l’univers, le protagoniste de la secte des Nazaréens ». Paul avait essayé de profaner le Temple ; les Juifs l’avaient arrêté et voulaient le juger selon leur Loi. Mais le tribun Lysias l’avait arraché de force à leurs mains ; et c’était lui qui avait ordonné aux plaignants de venir jusqu’au procurateur.

La conclusion implicite, ou qu’il n’osa pas émettre aussitôt, devait être : « Le procès de cet homme nous appartient ; livre-nous-le. »

Tertullus, porte-parole aux gages d’Ananie, argumenta d’une façon gauche et lourde. Toute haine furieuse est maladroite. En chargeant de leurs griefs le tribun, les sanhédrites indisposaient contre eux le procurateur. Paul eut beau jeu pour se défendre. Il mit, dans son exorde, un mot de louange, mais sans bassesse, à l’endroit de Félix, « encouragé, dit-il, à se justifier devant un juge qui, depuis de longues années, connaissait bien ce peuple ».

Il était monté à Jérusalem, parce qu’il voulait adorer. On pouvait scruter l’emploi de son temps, du premier au septième jour de son pèlerinage. Pas une fois il n’avait, dans le Temple, conversé avec quelqu’un, ni causé un attroupement dans les synagogues ou les rues. Il défiait ses adversaires de prouver un seul délit.

— Mais, continua-t-il, je le reconnais, je sers le Dieu de nos pères selon la voie qu’ils appellent « hérésie », croyant à tout ce qui est selon la Loi et à tout ce qui est écrit dans les Prophètes, espérant ce qu’ils (les pharisiens) attendent eux-mêmes, la résurrection des morts, des justes et des injustes. Sur cela, moi aussi, je m’exerce à garder une conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes. Et, après de nombreuses années, je suis venu pour faire à ceux de mon peuple des aumônes et offrir des sacrifices…

La silhouette de ce discours démontre une fois de plus combien fut simple et stable la dialectique de l’Apôtre : la « voie » chrétienne n’est pas une rébellion contre la Loi ; Paul n’apporte rien de nouveau, d’hérétique, quand il annonce la Résurrection et le Jugement. Mais ce qu’il veut révéler aux Juifs, parce qu’ils le méconnaissent et le nient, c’est le Juge, le Christ ressuscité.

Ici, devant Félix, il ne semble pas être allé jusqu’au bout de son enseignement. Le procurateur savait les tendances de la secte nazaréenne ; il dut faire comprendre à Paul que son apologie suffisait. Il pénétrait l’inanité des griefs juifs. Pourtant, il tenait à ménager Ananie et les notables sadducéens. Au lieu de rendre à Paul la liberté, il ajourna sa sentence, sous couleur d’attendre un supplément d’information :

— Quand le tribun Lysias sera venu, je jugerai votre affaire.

Mais, si Paul resta détenu dans la tour d’Hérode, le centurion qui le gardait reçut l’ordre de lui donner quelque détente. Il fut allégé de ses chaînes, ses amis purent l’assister, même l’approcher. Philippe l’évangéliste, d’autres fidèles de Césarée, et, sans doute, ses compagnons de voyage, Luc, Timothée, Aristarque le Thessalonicien lui portèrent des nouvelles de Jérusalem. Pour l’Apôtre, tout était là : continuer son Évangile ; prêcher, diriger. Dans ses années de captivité, pas un jour, sa grande voix ne s’est tue. Même relégué au fond d’une basse fosse il aurait chanté la gloire du Christ, accompli ce qui manquait aux souffrances du Seigneur pour l’Église, son corps mystique. Sa qualité de citoyen romain, son pouvoir de persuasion lui valurent partout des égards ; en sorte que chacune de ses prisons deviendra une chaire où sa condition douloureuse commentera, amplifiera sa doctrine.

Dans celle de Césarée, il troubla l’entourage de Félix et le procurateur lui-même. Drusilla prit fantaisie de le voir, de l’écouter discourir. C’était, comme sa sœur Bérénice, une Juive cosmopolite, ambitieuse, perverse et mystique. Les sciences occultes la captivaient. Elle avait fréquenté Simon le Magicien. Félix s’était servi des prestiges de cet enchanteur pour la décider à quitter son époux Aziz et à vivre avec lui. Elle avait, en ce temps-là, quinze ou seize ans ; elle était belle.

Un caprice de curiosité l’intéressa au prêcheur juif. Amené devant elle et Félix, Paul leur parla de la foi en Jésus-Christ. Mais, avec la rudesse d’un prophète, comme Jean-Baptiste en face d’Hérode Antipas, il insista « sur la justice, la continence, le Jugement à venir ». Félix, effrayé, l’interrompit :

— Pour l’instant, va ; et, quand j’aurai un moment, je te manderai.

Plus saisie encore par l’Apocalypse du Nazaréen, Drusilla ne chercha point d’autre entrevue. Elle devait périr, à Pompéi, sous la cendre du volcan, elle et le fils qu’elle avait eu de Félix.

Le procurateur fit venir Paul « assez souvent », dans l’espoir que les communautés chrétiennes offriraient pour sa liberté une forte rançon. Paul répugnant à ses vues cupides, il fit traîner l’instruction du procès. Il suivait à son égard une de ses coutumes iniques. Josèphe aurait pu dire de lui comme d’un de ses successeurs, Albinus :

« Il ne retenait en prison que les gens qui ne lui avaient rien donné[390]. »

[390] Bell. Jud., II, XXIV.

Mais il fut disgracié lui-même. Néron, en 55, avait éloigné du pouvoir Pallas, créature d’Agrippine ; l’affranchi gardait encore assez d’influence pour protéger Félix ; Poppée, quand elle régna sur le prince, obtint le rappel du procurateur. Les Juifs la pressaient d’agir ; ils pouvaient aisément prouver les forfaitures et les violences dont ils s’étaient plaints.

Avant son départ, Félix enjoignit qu’on resserrât Paul dans sa geôle. Il espérait, par cette ignoble complaisance, ramener à soi le parti sadducéen, esquiver l’acharnement de ses représailles.

Depuis deux ans, Paul endurait sa captivité. A cette épreuve, aucun terme ne semblait poindre. Ses chaînes, lorsqu’on les lui remit, furent doublement lourdes. Mais son âme entendait le psaume de sa délivrance, la promesse du Seigneur : « Il faut qu’à Rome aussi tu témoignes. »

Porcius Festus, le successeur de Félix, avait été choisi comme un magistrat zélé, juste et sage. A peine arrivé, trois jours après, il se mit en route pour Jérusalem. Il voulait témoigner aux chefs d’Israël son souci de leurs intérêts. Exploitant ses bonnes dispositions, les ennemis de Paul le chargèrent âprement ; ils demandèrent qu’il fût ramené à Jérusalem où il leur appartenait de le juger. Festus, averti qu’entre Césarée et Jérusalem, des sicaires soudoyés essaieraient un coup de main, déçut les sanhédrites par cette ferme réponse :

— Je repars bientôt. Vous n’avez qu’à descendre avec moi, et vous accuserez cet homme, s’il y a quelque chose contre lui.

A son retour, dès le lendemain matin, il manda Paul au prétoire. Devant le tribunal, de l’estrade où il le fit monter — pour qu’il fût mieux en vue — l’accusé dominait ses accusateurs rangés en demi-cercle comme au sanhédrin. Il aurait pu dire avec le Psalmiste : « Des taureaux gras m’entourent. » Le grand prêtre, Ismaël, fils de Phabi, était venu afin de l’accabler. Les plus éloquents des Juifs redoublèrent des imputations échafaudées avec une perfidie savante. La plus grave était de le présenter comme un séditieux. En attaquant, soutenaient-ils, les traditions juives, cet homme bravait le peuple romain qui s’engageait à les défendre. Il promettait, au nom d’un certain Jésus, un royaume supérieur aux empires terrestres. De ceux-ci Paul annonçait la ruine, et le Jugement universel au tribunal d’un Roi qui ferait comparaître tous les rois de la terre. Doctrine dangereuse pour la paix romaine, insultante pour César. Celui qui l’enseignait était un scandale ; on ne devait pas le laisser vivre. Mais ils n’auraient su alléguer un seul fait qui justifiât leurs diatribes.

Paul, avec l’assurance de l’innocent, répliqua :

— Je ne suis coupable ni envers la loi des Juifs, ni envers le Temple, ni envers César.

Festus le voyait bien : tout ce procès tournait autour d’une querelle religieuse et de « ce Jésus mort que Paul déclarait vivant ». La sauvage insistance des Juifs l’embarrassait ; d’autre part, son équité, comme la jurisprudence romaine, lui imposait de protéger un citoyen. L’idée lui vint d’un biais politique pour satisfaire les Juifs et mettre sa conscience en repos. Tout d’un coup il interrogea Paul, sans l’arrière-pensée de lui tendre un piège :

— Voudrais-tu monter à Jérusalem, et, là-bas, être jugé sous ma protection ?

Paul savait que le procurateur n’aurait pu contraindre un citoyen romain à subir sans appel le jugement d’un tribunal juif. La question de Festus lui fit plus nettement sentir son avantage :

— Je suis, répondit-il, au tribunal de César ; c’est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs ; toi-même tu le reconnais fort bien. Si j’ai fait tort et si j’ai commis un acte qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Mais si rien n’est vrai dans leurs accusations, nul ne peut leur faire don de moi. J’en appelle à César.

Les Juifs, sous ce coup de foudre, baissèrent la tête. Festus se retira pour délibérer avec ses assesseurs. Il revint, prononça la sentence :

— Tu en appelles à César ; tu iras à César.

Le mot : J’en appelle à César, si un autre Juif l’eût prononcé, eût signifié seulement la confiance des Israélites en un pouvoir suprême qui dominait les factions et les intérêts particuliers. Les Juifs étaient, en masse, conquis par le prestige de l’Empire ; ils croyaient à son avenir stable ; ils se battaient même dans ses armées où il passaient pour bons soldats. Si Jérusalem, en 70, succomba, l’inertie des Juifs de la diaspora, trop attachés aux Romains, ou trop égoïstes, causa, en grande partie, cette catastrophe.

Dans la bouche de Paul, l’appel à César marque une date plus grande et décisive. L’Église déclare périmée la justice de la synagogue ; elle remet sa cause à l’Empire qui, dans la suite, voudra l’exterminer, mais dont elle attendait alors une protection ; au reste, elle l’envahira, elle le convertira peu à peu, tandis qu’Israël, jusqu’à la plénitude des temps, lui résistera.

Donc Paul allait voir les fidèles de Rome ; il comparaîtrait devant César ; et César entendrait la parole de Dieu. La décision du procurateur l’établit dans une visible allégresse.

Quelques jours après, Festus eut la visite du jeune roi Agrippa II et de sa sœur Bérénice. Agrippa avait été nourri à Rome, dans l’entourage de Claude, pour devenir un de ces roitelets dont l’État romain savait faire des esclaves. Il vivait en compagnie de Bérénice ; leur intimité scandalisait les Juifs. Veuve d’un premier mari, de son oncle Hérode, Bérénice avait cohabité avec son frère ; leur liaison déchaîna les langues malveillantes ; afin de leur imposer silence, elle offrit sa main au roi de Cilicie, Polémon. Il accepta, parce qu’elle était immensément riche. Elle l’abandonna, revint à son frère. Plus tard, elle saura plaire « au vieux Vespasien par la magnificence de ses présents[391] ». Titus l’aimera d’un amour autre que Racine ne le donne à entendre.

[391] Tacite, Hist. II, LXXXI.

Cette Orientale, plus ensorceleuse et pervertie que Drusilla, eut des accès de dévotion. Elle vint à Jérusalem accomplir un vœu de nazirat[392]. La foi chrétienne dut, par moments, la préoccuper. Sa sœur lui avait parlé de Paul. A son tour, elle fut curieuse de l’approcher.

[392] Voir Josèphe, Bell. Jud., l. II, XXVI.

Festus prévint son désir ; lui-même souhaitait de connaître l’impression d’Agrippa sur l’homme qu’il devait envoyer à César. Ainsi, dans son rapport, il pourrait mieux préciser si Paul méritait ou non la haine tenace des Juifs.

Le lendemain, au cours d’une réception officielle, devant les officiers des cinq cohortes de la garnison, devant la suite qui accompagnait Agrippa et Bérénice en grand apparat, Paul fut introduit, les bras liés, vieilli par la prison, dans son humilité de captif, plein d’aisance cependant et portant sur son visage une joie grave, la confiance de ne pas témoigner en vain. Agrippa, touché de son aspect douloureux et saint, l’invita lui-même à présenter son apologie.

Paul étendit sa main (ses chaînes légères lui permettaient ce geste d’habitude)[393]. On l’écouta, d’abord, comme un étrange et attirant visionnaire. Il reprit l’histoire de ses égarements, le récit de la vision qui avait retourné son âme. Il insista sur l’orthodoxie juive de sa doctrine :

[393] C’était aussi, nous l’avons vu, un geste traditionnel d’orateur : deux doigts repliés, les autres allongés.

« C’est pour l’espérance de la promesse venue de Dieu à nos pères que je suis mis en jugement, promesse dont nos douze tribus, servant Dieu nuit et jour avec persévérance, espèrent l’accomplissement, c’est pour cette espérance, ô roi Agrippa, que je suis accusé par les Juifs… C’est à cause de ces choses que les Juifs, m’ayant saisi dans le Temple, ont essayé de me mettre à mort. Ayant donc obtenu l’assistance de Dieu jusqu’à ce jour, je me tiens en témoin devant petit et grand, ne disant rien que ce que les prophètes, après Moïse, ont dit des temps à venir, si le Christ doit souffrir, s’il doit, ressuscité le premier d’entre les morts, annoncer la lumière au peuple et aux gentils… »

Jusqu’à cette phrase, l’étonnement, et, pour quelques-uns, la révélation d’un mystère avaient maintenu le silence. Mais Festus, représentant les divins Césars, ne pouvait admettre qu’un Juif, en sa présence, imposât comme ressuscité, comme seul vrai Dieu, un Messie universel, espéré par Moïse et les prophètes. L’hypothèse de la Résurrection et du Jugement lui paraissait d’ailleurs extravagante :

— Tu es fou, cria-t-il soudain ; Paul, trop de lectures te tournent à la folie.

La grossière brusquerie de l’apostrophe arrêta le discours, mais sans que Paul fût déconcerté.

— Non, releva-t-il, je ne suis point fou, éminent Festus ; les paroles que je prononce sont vérité et sagesse. Le roi ici présent le sait bien, lui devant qui je parle avec confiance. Il n’ignore aucun des événements dont je parle ; car ils ne se sont point passés dans un coin. Tu crois aux prophètes, roi Agrippa ? Oui, je sais que tu y crois.

Agrippa, loin de rembarrer ce hardi langage, fit à Paul une réponse obligeante :

— Pour un peu tu me convaincrais d’être chrétien.

Mot dit en l’air, mot de prince dilettante et d’homme du monde, qu’on aurait tort cependant de supposer ironique. Agrippa était vraiment séduit par la force persuasive du croyant Paul ; il ne réfléchissait pas à ce qu’eût exigé une conversion.

Avec une grâce cavalière et charmante, Paul l’encouragea :

— Plût à Dieu que, pour un peu, et pour beaucoup, non seulement toi, mais tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui fussent semblables à moi… sauf ces chaînes.

Paul confesse le désagrément des chaînes ; mais il accepterait, à lui seul, tout le fardeau des douleurs terrestres, si, à ce prix, ses frères obtenaient le don sans prix, celui qu’il a reçu. Dans cette saillie spirituelle éclate une merveilleuse charité. Le trait n’achève pas seulement l’épisode, il le soutient tout entier ; car il n’a de sens que s’il conclut la scène indiquée par l’historien.

Des sourires, un murmure d’approbation témoignèrent que l’assistance était conquise. En se retirant, les invités disaient entre eux de l’Apôtre :

— Cet homme n’a rien fait qui mérite la mort ou la prison.

Agrippa suggéra même au procurateur une mesure que celui-ci n’osa point prendre :

— S’il n’avait fait appel à César, on aurait pu le mettre en liberté.

C’est, les chaînes aux mains, que Paul débarquera sur la terre d’Italie. Un hôte comme lui, Rome se devait de le défrayer jusqu’au terme du voyage. Mais il faillit ne pas arriver.

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