Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face: Histoire d'une âme écrite par elle-même
La Reine du ciel à sa petite Marie.
A une postulante nommée Marie.
Air: Petit oiseau, dis, où vas-tu?
——
Je cherche un enfant qui ressemble
A Jésus, mon unique Agneau,
Afin de les cacher ensemble,
Tous deux en un même berceau.
L'Ange de la sainte patrie
De ce bonheur serait jaloux;
Mais je le donne à toi, Marie,
L'Enfant-Dieu sera ton Epoux!
C'est toi-même que j'ai choisie
Pour être de Jésus la sœur.
Veux-tu lui tenir compagnie?
Tu reposeras sur mon cœur!
Je te bercerai sous le voile
Où se cache le Roi des cieux,
Mon Fils sera la seule étoile
Désormais brillante à tes yeux.
Mais pour que, toujours, je t'abrite
Sous mon voile, près de Jésus,
Il te faudra rester petite
Avec d'enfantines vertus.
Je veux que sur ton front rayonne
La douceur et la pureté;
Mais la vertu que je te donne
Surtout, c'est la simplicité.
Le Dieu, l'Unique en trois Personnes,
Qu'adorent les anges tremblants...
L'Eternel veut que tu lui donnes
Le simple nom de Fleur des champs!
Comme une blanche pâquerette
Qui toujours regarde le ciel,
Sois aussi la simple fleurette
Du petit Enfant de Noël.
Le monde méconnaît les charmes
Du Roi qui s'exile des cieux;
Bien souvent tu verras des larmes
Briller en ses doux petits yeux.
Il faudra qu'oubliant tes peines
Pour réjouir l'aimable Enfant,
Tu bénisses tes nobles chaînes,
Et que tu chantes doucement...
Le Dieu dont la toute-puissance
Arrête le flot qui mugit,
Empruntant les traits de l'enfance,
Est devenu faible et petit.
Le Verbe, Parole du Père,
Qui, pour toi, s'exile ici-bas,
Mon doux Agneau, ton petit Frère,
Enfant, ne te parlera pas!
Le silence est le premier gage
De son inexprimable amour.
Comprenant ce muet langage,
Tu l'imiteras chaque jour.
Et si parfois Jésus sommeille,
Tu reposeras près de lui;
Son Cœur divin, qui toujours veille,
Te servira de doux appui!
Ne t'inquiète pas, Marie,
De l'ouvrage de chaque jour;
Ton seul travail en cette vie
Doit être uniquement l'amour!
Et si quelqu'un vient à redire
Que tes œuvres ne se voient pas:
J'aime beaucoup, pourras-tu dire:
Voilà mon travail ici-bas.
Jésus tressera ta couronne,
Si tu ne veux que son amour;
Si ton cœur à lui s'abandonne,
Il te fera régner un jour.
Après la nuit de cette vie,
Tu verras son très doux regard;
Et là-haut ton âme ravie
Volera sans aucun retard...
Noël 1894.
Dernière poésie de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus.
Pourquoi je t'aime, ô Marie!
Air: La plainte du Mousse.
——
Oh! je voudrais chanter, Mère, pourquoi je t'aime!
Pourquoi ton nom si doux fait tressaillir mon cœur!
Et pourquoi de penser à ta grandeur suprême
Ne saurait à mon âme inspirer de frayeur.
Si je te contemplais dans ta sublime gloire,
Et surpassant l'éclat de tous les bienheureux;
Que je suis ton enfant, je ne pourrais le croire.....
Marie, ah! devant toi je baisserais les yeux.
Il faut, pour qu'un enfant puisse chérir sa mère,
Qu'elle pleure avec lui, partage ses douleurs.
O Reine de mon cœur, sur la rive étrangère,
Pour m'attirer à toi, que tu versas de pleurs!
En méditant ta vie écrite en l'Evangile,
J'ose te regarder et m'approcher de toi;
Me croire ton enfant ne m'est pas difficile,
Car je te vois mortelle et souffrant comme moi.
Lorsqu'un Ange des cieux t'offre d'être la Mère
Du Dieu qui doit régner toute l'éternité,
Je te vois préférer, quel étonnant mystère!
L'ineffable trésor de la virginité.
Je comprends que ton âme, ô Vierge immaculée,
Soit plus chère au Seigneur que le divin séjour.
Je comprends que ton âme, humble et douce vallée,
Contienne mon Jésus, l'Océan de l'amour!
Je t'aime, te disant la petite servante
Du Dieu que tu ravis par ton humilité.
Cette grande vertu te rend toute-puissante,
Elle attire en ton cœur la Sainte Trinité!
Alors l'Esprit d'amour te couvrant de son ombre,
Le Fils égal au Père en toi s'est incarné...
De ses frères pécheurs bien grand sera le nombre,
Puisqu'on doit l'appeler: Jésus, ton premier-né!
où se trouve actuellement la «Vierge de la chambre de Thérèse».
(Cet oratoire communique avec la cellule de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus
dont ou voit la porte entr'ouverte.
Là sont déposées journellement les nombreuses suppliques adressés à la Servante de Dieu.)
Marie, ah! tu le sais, malgré ma petitesse,
Comme toi je possède en moi le Tout-Puissant.
Mais je ne tremble pas en voyant ma faiblesse:
Le trésor de la Mère appartient à l'enfant...
Et je suis ton enfant, ô ma Mère chérie!
Tes vertus, ton amour ne sont-ils pas à moi?
Aussi, lorsqu'en mon cœur descend la blanche Hostie,
Jésus, ton doux Agneau, croit reposer en toi!
Tu me le fais sentir, ce n'est pas impossible
De marcher sur tes pas, ô Reine des élus!
L'étroit chemin du ciel, tu l'as rendu visible
En pratiquant toujours les plus humbles vertus.
Marie, auprès de toi j'aime à rester petite;
Des grandeurs d'ici-bas je vois la vanité.
Chez sainte Elisabeth recevant ta visite,
J'apprends à pratiquer l'ardente charité.
Là, j'écoute à genoux, douce Reine des Anges,
Le cantique sacré qui jaillit de ton cœur;
Tu m'apprends à chanter les divines louanges,
A me glorifier en Jésus, mon Sauveur.
Tes paroles d'amour sont de mystiques roses
Qui doivent embaumer les siècles à venir:
En toi, le Tout-Puissant a fait de grandes choses:
Je veux les méditer, afin de l'en bénir.
Quand le bon saint Joseph ignore le miracle
Que tu voudrais cacher dans ton humilité,
Tu le laisses pleurer tout près du tabernacle
Qui voile du Sauveur la divine beauté.
Oh! que je l'aime encor ton éloquent silence!
Pour moi, c'est un concert doux et mélodieux
Qui me dit la grandeur et la toute-puissance
D'une âme qui n'attend son secours que des cieux...
Plus tard, à Bethléem, ô Joseph, ô Marie,
Je vous vois repoussés de tous les habitants;
Nul ne veut recevoir en son hôtellerie
De pauvres étrangers... la place est pour les grands!
La place est pour les grands, et c'est dans une étable
Que la Reine des cieux doit enfanter un Dieu.
O Mère du Sauveur, que je te trouve aimable!
Que je te trouve grande en un si pauvre lieu!
Quand je' vois l'Eternel enveloppé de langes,
Quand, du Verbe divin, j'entends le faible cri...
Marie, à cet instant, envierais-je les Anges?
Leur Seigneur adorable est mon Frère chéri!
Oh! que je te bénis, toi qui sur nos rivages
As fait épanouir cette divine Fleur!
Que je t'aime, écoutant les bergers et les mages,
Et gardant avec soin toute chose en ton cœur!
Je t'aime, te mêlant avec les autres femmes
Qui, vers le Temple saint, ont dirigé leurs pas;
Je t'aime, présentant le Sauveur de nos âmes
Au bienheureux vieillard qui le presse en ses bras;
D'abord en souriant j'écoute son cantique;
Mais bientôt ses accents me font verser des pleurs...
Plongeant dans l'avenir un regard prophétique,
Siméon te présente un glaive de douleurs!
O Reine des martyrs, jusqu'au soir de ta vie
Ce glaive douloureux transpercera ton cœur.
Déjà tu dois quitter le sol de ta patrie,
Pour éviter d'un roi la jalouse fureur.
Jésus sommeille en paix sous les plis de ton voile,
Joseph vient te prier de partir à l'instant;
Et ton obéissance aussitôt se dévoile:
Tu pars sans nul retard et sans raisonnement.
Sur la terre d'Egypte, il me semble, ô Marie,
Que dans la pauvreté ton cœur reste joyeux;
Car Jésus n'est-il pas la plus belle patrie?
Que t'importe l'exil?... Tu possèdes les cieux
Mais à Jérusalem une amère tristesse,
Comme un vaste océan, vient inonder ton cœur...
Jésus, pendant trois jours, se cache à ta tendresse.
Alors c'est bien l'exil dans toute sa rigueur!
Enfin tu l'aperçois, et l'amour te transporte...
Tu dis au bel Enfant qui charme les Docteurs:
«O mon Fils, pourquoi donc agis-tu de la sorte?
«Voilà ton père et moi qui te cherchions en pleurs!...»
Et l'Enfant-Dieu répond—oh! quel profond mystère!—
A la Mère qu'il aime et qui lui tend les bras:
«Pourquoi me cherchiez-vous?... Aux œuvres de mon Père
«Je dois penser déjà!... Ne ne le savez-vous pas?»
L'Evangile m'apprend que, croissant en sagesse,
A Marie, à Joseph, Jésus reste soumis;
Et mon cœur me révèle avec quelle tendresse
Il obéit toujours à ses parents chéris.
Maintenant je comprends le mystère du Temple,
La réponse, le ton de mon aimable Roi:
Mère, ce doux Enfant veut que tu sois l'exemple
De l'âme qui le cherche en la nuit de la foi...
Puisque le Roi des Cieux a voulu que sa Mère
Fût soumise à la nuit, à l'angoisse du cœur,
Alors, c'est donc un bien de souffrir sur la terre?
Oui!... souffrir en aimant, c'est le plus pur bonheur!
Tout ce qu'il m'a donné, Jésus peut le reprendre,
Dis-lui de ne jamais se gêner avec moi;
Il peut bien se cacher, je consens à l'attendre
Jusqu'au jour sans couchant où s'éteindra ma foi.
Je sais qu'à Nazareth, Vierge pleine de grâces,
Tu vis très pauvrement, ne voulant rien de plus;
Point de ravissements, de miracles, d'extases
N'embellissent ta vie, ô Reine des élus!
Le nombre des petits est bien grand sur la terre,
Ils peuvent, sans trembler, vers toi lever les yeux;
Par la commune voie, incomparable Mère,
Il te plaît de marcher pour les guider aux cieux!
Pendant ce triste exil, ô ma Mère chérie,
Je veux vivre avec toi, te suivre chaque jour;
Vierge, en te contemplant je me plonge ravie,
Découvrant dans ton cœur des abîmes d'amour!
Ton regard maternel bannit toutes mes craintes:
Il m'apprend à pleurer, il m'apprend à jouir.
Au lieu de mépriser les jours de fêtes saintes,
Tu veux les partager, tu daignes les bénir.
Des époux de Cana voyant l'inquiétude
Qu'ils ne peuvent cacher, car ils manquent de vin,
Au Sauveur tu le dis, dans ta sollicitude,
Espérant le secours de son pouvoir divin.
Jésus semble d'abord repousser ta prière:
«Qu'importe, répond-il, femme, à vous comme à moi?»
Mais, au fond de son cœur il te nomme sa Mère,
Et son premier miracle il l'opère pour toi!
Un jour que les pécheurs écoutent la doctrine
De Celui qui voudrait au ciel les recevoir:
Je te trouve avec eux, Mère, sur la colline;
Quelqu'un dit à Jésus que tu voudrais le voir.
Alors ton divin Fils, devant la foule entière,
De son amour pour nous montre l'immensité;
Il dit: «Quel est mon frère, et ma sœur, et ma mère,
«Si ce n'est celui-là qui fait ma volonté?»
O Vierge immaculée, ô Mère la plus tendre!
En écoutant Jésus tu ne t'attristes pas,
Mais tu te réjouis qu'il nous fasse comprendre
Que notre âme devient sa famille ici-bas.
Oui, tu te réjouis qu'il nous donne sa vie,
Les trésors infinis de sa Divinité!
Comment ne pas t'aimer, te bénir, ô Marie!
Voyant, à notre égard, ta générosité?...
Tu nous aimes vraiment comme Jésus nous aime,
Et tu consens pour nous à t'éloigner de lui.
Aimer, c'est tout donner, et se donner soi-même:
Tu voulus le prouver en restant notre appui.
Le Sauveur connaissait ton immense tendresse,
Il savait les secrets de ton cœur maternel...
Refuge des pécheurs, c'est à toi qu'il nous laisse
Quand il quitte la croix pour nous attendre au ciel!
Tu m'apparais, Marie, au sommet du Calvaire,
Debout, près de la Croix, comme un prêtre à l'autel;
Offrant, pour apaiser la justice du Père,
Ton bien-aimé Jésus, le doux Emmanuel.
Un prophète l'a dit, ô Mère désolée:
«Il n'est pas de douleur semblable à ta douleur!»
O Reine des martyrs, en restant exilée,
Tu prodigues pour nous tout le sang de ton cœur!
La maison de saint Jean devient ton seul asile;
Le fils de Zébédée a remplacé Jésus!
C'est le dernier détail que donne l'Evangile:
De la Vierge Marie il ne me parle plus...
Mais son profond silence, ô ma Mère chérie,
Ne révèle-t-il pas que le Verbe éternel
Veut lui-même chanter les secrets de ta vie
Pour charmer tes enfants, tous les élus du ciel?
Bientôt je l'entendrai cette douce harmonie;
Bientôt, dans le beau ciel, je vais aller te voir!
Toi qui vins me sourire au matin de ma vie,
Viens me sourire encor... Mère, voici le soir!
Je ne crains plus l'éclat de ta gloire suprême;
Avec toi j'ai souffert... et je veux maintenant
Chanter sur tes genoux, Vierge, pourquoi je t'aime.....
Et redire à jamais que je suis ton enfant!
Mai 1897.
A saint Joseph.
Air: Par les chants les plus magnifiques.
——
Joseph, votre admirable vie
Se passa dans l'humilité;
Mais de Jésus et de Marie
Vous contempliez la beauté!
Le Fils de Dieu dans son enfance,
Plus d'une fois, avec bonheur,
Soumis à votre obéissance
S'est reposé sur votre cœur!
Comme vous dans la solitude
Nous servons Marie et Jésus;
Leur plaire est notre seule étude,
Nous ne désirons rien de plus.
Sainte Thérèse, Notre Mère,
En vous se confiait toujours;
Elle assure que sa prière
Vous l'exauciez d'un prompt secours.
Quand l'épreuve sera finie,
Nous en avons le doux espoir,
Près de la divine Marie,
O Père, nous irons vous voir!
Alors nous lirons votre histoire
Inconnue au monde mortel;
Nous découvrirons votre gloire
Et la chanterons dans le ciel.
A mon Ange gardien.
Air: Par les chants les plus magnifiques.
——
Glorieux gardien de mon âme,
Toi qui brilles dans le beau ciel
Comme une douce et pure flamme,
Près du trône de l'Eternel;
Tu viens pour moi sur cette terre,
Et m'éclairant de ta splendeur,
Bel Ange, tu deviens mon frère,
Mon ami, mon consolateur!
Connaissant ma grande faiblesse,
Tu me diriges par la main;
Et je te vois, avec tendresse,
Oter la pierre du chemin.
Toujours ta douce voix m'invite
A ne regarder que les cieux;
Plus tu me vois humble et petite,
Et plus ton front est radieux.
O toi qui traverses l'espace
Plus promptement que les éclairs,
Vole bien souvent à ma place
Auprès de ceux qui me sont chers;
De ton aile sèche leurs larmes,
Chante combien Jésus est bon!
Chante que souffrir a des charmes,
Et tout bas murmure mon nom.
Je veux, pendant ma courte vie,
Sauver mes frères les pécheurs;
O bel Ange de la patrie,
Donne-moi tes saintes ardeurs.
Je n'ai rien que mes sacrifices,
Et mon austère pauvreté;
Unis à tes pures délices,
Offre-les à la Trinité.
A toi, le royaume et la gloire,
Les richesses du Roi des rois.
A moi, le Pain du saint ciboire,
A moi, le trésor de la Croix.
Avec la Croix, avec l'Hostie,
Avec ton céleste secours,
J'attends en paix, de l'autre vie,
Le bonheur qui dure toujours!
Février 1897.
A mes petits Frères du ciel, les saints Innocents.
Air: Le fil de la Vierge ou La Rose mousse.
«Le Seigneur rassemblera les petits Agneaux et les prendra sur son sein.» Is., XL, II.
«Heureux ceux que Dieu tient pour justes sans les œuvres! car à l'égard de ceux qui font les œuvres, la récompense n'est point regardée comme une grâce, mais comme une chose due. C'est donc gratuitement que ceux qui ne font pas les œuvres sont justifiés par la grâce, en vertu de la Rédemption dont Jésus-Christ est l'Auteur.»
Rom., IV, 4, 5, 6.
Heureux petits enfants! avec quelles tendresses
Le Roi des cieux
Vous bénit autrefois, et combla de caresses
Vos fronts joyeux!
De tous les Innocents vous étiez la figure,
Et j'entrevois
Les biens que, dans le ciel, vous donne sans mesure
Le Roi des rois.
Vous avez contemplé les immenses richesses
Du paradis,
Avant d'avoir connu nos amères tristesses,
Chers petits lis!
O boutons parfumés, moissonnés dès l'aurore
Par le Seigneur...
Le doux soleil d'amour qui sut vous faire éclore,
Ce fut son Cœur!
Quels ineffables soins, quelle tendresse exquise,
Et quel amour
Vous prodigue ici-bas notre Mère l'Eglise,
Enfants d'un jour!
Dans ses bras maternels vous fûtes en prémices
Offerts à Dieu.
Toute l'éternité vous ferez les délices
Du beau ciel bleu.
Enfants, vous composez le virginal cortège
Du doux Agneau;
Et vous pouvez redire, étonnant privilège!
Un chant nouveau.
Vous êtes, sans combats, parvenus à la gloire
Des conquérants;
Le Sauveur a pour vous remporté la victoire,
Vainqueurs charmants!
On ne voit point briller de pierres précieuses
Dans vos cheveux,
Seul, le reflet doré de vos boucles soyeuses
Ravit les cieux...
Les trésors des élus, leurs palmes, leurs couronnes,
Tout est à vous!
Dans la sainte patrie, enfants, vos riches trônes
Sont leurs genoux.
Ensemble vous jouez avec les petits anges
Près de l'autel;
Et vos chants enfantins, gracieuses phalanges,
Charment le ciel!
Le bon Dieu vous apprend comment il fait les roses,
L'oiseau, les vents;
Nul génie ici-bas ne sait autant de choses
Que vous, Enfants!
Du firmament d'azur, soulevant tous les voiles
Mystérieux,
En vos petites mains vous prenez les étoiles
Aux mille feux.
En courant vous laissez une trace argentée;
Souvent le soir,
Quand je vois la blancheur de la route lactée,
Je crois vous voir.....
Dans les bras de Marie, après toutes vos fêtes,
Vous accourez;
Sous son voile étoilé cachant vos blondes têtes,
Vous sommeillez...
Charmants petits lutins, votre enfantine audace
Plaît au Seigneur;
Vous osez caresser son adorable Face,
Quelle faveur!
C'est vous que le Seigneur me donna pour modèle,
Saints Innocents!
Je veux être ici-bas votre image fidèle,
Petits enfants.
Ah! daignez m'obtenir les vertus de l'enfance;
Votre candeur,
Votre abandon parfait, votre aimable innocence
Charment mon cœur.
O Seigneur, tu connais de mon âme exilée
Les vœux ardents:
Je voudrais moissonner, beau Lis de la vallée,
Des lis brillants...
Ces boutons printaniers, je les cherche et les aime
Pour ton plaisir;
Sur eux daigne verser l'eau sainte du baptême:
Viens les cueillir!
Oui, je veux augmenter la candide phalange
Des Innocents;
Ma joie et mes douleurs, j'offre tout en échange
D'âmes d'enfants.
Parmi ces Innocents je réclame une place,
Roi des élus,
Comme eux je veux au ciel baiser ta douce Face,
O mon Jésus!
Février 1897.
La mélodie de sainte Cécile.
——
«Pendant le son des instruments, Cécile chantait en son cœur.»
Off. de L'Eglise.
O Sainte du Seigneur, je contemple ravie
Le sillon lumineux qui demeure après toi;
Je crois entendre encor ta douce mélodie,
Oui, ton céleste chant arrive jusqu'à moi!
De mon âme exilée écoute la prière,
Laisse-moi reposer sur ton cœur virginal:
Ce lis immaculé qui brilla sur la terre
D'un éclat merveilleux et presque sans égal.
O très chaste colombe, en traversant la vie
Tu ne cherchas jamais d'autre époux que Jésus;
Ayant choisi ton âme, il se l'était unie,
La trouvant embaumée et riche de vertus.
Cependant un mortel, radieux de jeunesse,
Respira ton parfum, blanche et céleste fleur;
Afin de te cueillir, de gagner ta tendresse,
Valérien voulut te donner tout son cœur.
Bientôt il prépara des noces magnifiques,
Son palais retentit de chants mélodieux;
Mais ton cœur virginal redisait des cantiques
Dont l'écho tout divin s'élevait jusqu'aux cieux...
Que pouvais-tu chanter si loin de ta patrie,
Et voyant près de toi ce fragile mortel?
Sans doute tu voulais abandonner la vie
Et t'unir pour jamais à Jésus dans le ciel?
Mais non! j'entends vibrer ta lyre séraphique,
Lyre de ton amour, dont l'accent fut si doux;
Tu chantais au Seigneur ce sublime cantique:
«Conserve mon cœur pur, Jésus, mon tendre Epoux!»
Ineffable abandon! divine mélodie!
Tu révèles l'amour par ton céleste chant:
L'amour qui ne craint pas, qui s'endort et s'oublie
Sur le Cœur de son Dieu, comme un petit enfant...
Dans la voûte d'azur parut la blanche étoile
Qui venait éclairer, de ses timides feux,
La lumineuse nuit qui nous montra sans voile
Le virginal amour des époux dans les cieux.
. . . . . . . . . . . . . . . .
Alors Valérien rêvait la jouissance,
Cécile, ton amour était tout son désir;
Il trouva plus encor dans ta noble alliance:
Tu lui montras d'en haut l'éternel avenir!
«Jeune ami, lui dis-tu, près de moi toujours veille
«Un Ange du Seigneur qui garde mon cœur pur;
«Il ne me quitte pas, même quand je sommeille,
«Et me couvre joyeux de ses ailes d'azur.
«La nuit, je vois briller son aimable visage
«D'un éclat bien plus doux que les feux du matin;
«Sa face me paraît la transparente image,
«Le pur rayonnement du Visage divin.»
Valérien reprit: «Montre-moi ce bel Ange,
«Afin qu'à ton serment je puisse ajouter foi;
«Autrement, crains déjà que mon amour ne change
«En terrible fureur, en haine contre toi.»
O colombe cachée aux fentes de la pierre,
Tu ne redoutais pas les filets du chasseur!
La Face de Jésus te montrait sa lumière,
L'Evangile sacré reposait sur ton cœur...
Tu lui dis aussitôt avec un doux sourire:
«Mon céleste Gardien exauce ton désir;
«Bientôt tu le verras, il daignera te dire
«Que pour voler aux cieux, tu dois être martyr...
«Mais avant de le voir, il faut que le baptême
«Répande dans ton âme une sainte blancheur;
«Il faut que le vrai Dieu l'habite par lui-même,
«Il faut que l'Esprit-Saint donne vie à ton cœur.
«Le Verbe, Fils du Père, et le Fils de Marie,
«Dans son immense amour s'immole sur l'autel;
«Tu dois aller t'asseoir au Banquet de la vie,
«Afin de recevoir Jésus, le Pain du ciel.
«Alors le Séraphin t'appellera son frère,
«Et, voyant dans ton cœur le trône de son Dieu,
«Il te fera quitter les plages de la terre;
«Tu verras le séjour de cet esprit de feu.»
—«Je sens brûler mon cœur d'une nouvelle flamme»,
S'écria, transformé, l'ardent patricien;
«Je veux que le Seigneur habite dans mon âme,
«Cécile, mon amour sera digne du tien!»
Revêtu de la robe, emblème d'innocence,
Valérien put voir le bel Ange des deux;
Il contempla ravi sa sublime puissance,
Il vit le doux éclat de son front radieux.
Le brillant Séraphin tenait de fraîches roses,
Il tenait de beaux lis éclatants de blancheur...
Dans les jardins du ciel, ces fleurs étaient écloses
Sous les rayons d'amour de l'Astre créateur.
—«Epoux chéris des cieux, les roses du martyre
«Couronneront vos fronts, dit l'Ange du Seigneur.
«Il n'est pas une voix, il n'est pas une lyre
«Capable de chanter cette grande faveur.
«Je m'abîme en mon Dieu, je contemple ses charmes,
«Mais je ne puis pour lui m'immoler et souffrir,
«Je ne puis lui donner ni mon sang, ni mes larmes;
«Pour dire mon amour, je ne saurais mourir.
«La pureté, de l'Ange est le brillant partage,
«Son immense bonheur ne doit jamais finir;
«Mais sur le Séraphin vous avez l'avantage:
«Vous pouvez être purs et vous pouvez souffrir!
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
«De la virginité, vous voyez le symbole
«Dans ces lis embaumés, doux présent de l'Agneau;
«Vous serez couronnés de la blanche auréole,
«Vous chanterez toujours le cantique nouveau...
«Votre chaste union enfantera des âmes
«Qui ne rechercheront d'autre époux que Jésus;
«Vous les verrez briller comme de pures flammes,
«Près du trône divin, au séjour des élus.»
Cécile, prête-moi ta douce mélodie;
Je voudrais convertir à Jésus tant de cœurs!
Je voudrais, comme toi, sacrifier ma vie,
Je voudrais lui donner tout mon sang et mes pleurs...
Obtiens-moi de goûter, sur la rive étrangère,
Le parfait abandon, ce doux fruit de l'amour;
O Sainte de mon cœur! bientôt, loin de la terre,
Obtiens-moi de voler près de toi, sans retour...
28 avril 1893.
Cantique de sainte Agnès.
Air: Le Lac (Niedermeyer).
——
Le Christ est mon amour, il est toute ma vie,
Il est le Fiancé qui seul ravit mes yeux;
J'entends déjà vibrer de sa douce harmonie
Les sons mélodieux.
Mes cheveux sont ornés de pierres précieuses,
Déjà brille à mon doigt son anneau nuptial;
Il a daigné couvrir d'étoiles lumineuses
Mon manteau virginal.
Il a paré ma main de perles sans pareilles,
Il a mis à mon cou des colliers de grand prix;
En ce jour bienheureux, brillent à mes oreilles
De célestes rubis.
Oui, je suis fiancée à Celui que les Anges
Serviront en tremblant toute l'éternité;
La lune et le soleil racontent ses louanges,
Admirent sa beauté.
Son empire est le ciel, sa nature est divine,
Une Vierge ici-bas, pour Mère, il se choisit;
Son Père est le vrai Dieu qui n'a pas d'origine,
Il est un pur esprit.
Lorsque j'aime le Christ et lorsque je le touche,
Mon cœur devient plus pur, je suis plus chaste encor;
De la virginité, le baiser de sa bouche
M'a donné le trésor...
Il a déjà posé son signe sur ma face,
Afin que nul amant n'ose approcher de moi;
Mon cœur est soutenu par la divine grâce
De mon aimable Roi.
De son sang précieux je suis tout empourprée,
Je crois goûter déjà les délices du ciel!
Et je puis recueillir sur sa bouche sacrée
Le lait avec le miel.
Aussi je ne crains rien, ni le fer, ni la flamme,
Non, rien ne peut troubler mon ineffable paix;
Et le feu de l'amour qui consume mon âme
Ne s'éteindra jamais...
Au Vénérable Théophane Vénard.
Air: Les adieux du Martyr.
——
Tous les élus célèbrent tes louanges,
O Théophane, angélique martyr!
Et je le sais, dans les saintes phalanges,
Le Séraphin aspire à te servir.
Ne pouvant pas, sur la rive étrangère,
Mêler ma voix à celle des élus,
Je veux du moins, sur cette pauvre terre,
Prendre ma lyre et chanter tes vertus.
Ton court exil fut comme un doux cantique
Dont les accents savaient toucher les cœurs,
Et, pour Jésus, ton âme poétique,
A chaque instant, faisait naître des fleurs...
En t'élevant vers la céleste sphère,
Ton chant d'adieu fut encore printanier;
Tu murmurais: «Moi, petit éphémère,
«Dans le beau ciel, je m'en vais le premier!»
Heureux martyr, à l'heure du supplice,
Tu savourais le bonheur de souffrir!
Souffrir pour Dieu te semblait un délice;
En souriant, tu sus vivre et mourir.
A ton bourreau tu t'empressas de dire,
Lorsqu'il t'offrit d'abréger ton tourment:
«Plus durera mon douloureux martyre,
«Mieux ça vaudra, plus je serai content!»
Lis virginal, au printemps de ta vie,
Le Roi du ciel entendit ton désir;
Je vois en toi «la fleur épanouie
«Que le Seigneur cueillit pour son plaisir».
Et maintenant tu n'es plus exilée,
Les bienheureux admirent ta splendeur;
Rose d'amour, la Vierge immaculée
De ton parfum respire la fraîcheur...
Soldat du Christ, ah! prête-moi tes armes;
Pour les pécheurs, je voudrais ici-bas
Lutter, souffrir, donner mon sang, mes larmes;
Protège-moi, viens soutenir mon bras.
Je veux pour eux, ne cessant pas la guerre,
Prendre d'assaut le royaume de Dieu;
Car le Seigneur apporta sur la terre,
Non pas la paix, mais le glaive et le feu.
Je la chéris, cette plage infidèle
Qui fut l'objet de ton ardent amour;
Avec bonheur je volerais vers elle,
Si mon Jésus le demandait un jour...
Mais devant lui s'effacent les distances;
Il n'est qu'un point tout ce vaste univers!
Mes actions, mes petites souffrances
Font aimer Dieu jusqu'au delà des mers.
Ah! si j'étais une fleur printanière
Que le Seigneur voulût bientôt cueillir!
Descends du ciel à mon heure dernière,
Je t'en conjure, ô bienheureux Martyr!
De ton amour aux virginales flammes,
Viens m'embraser en ce séjour mortel,
Et je pourrai voler avec tes âmes
Qui formeront ton cortège éternel.
2 février 1897.
TROISIÈME PARTIE
————
La Bergère de Domremy
écoutant ses Voix.
Fragments.
Récréation Pieuse
——
Moi, Jeanne la bergère,
Je chéris mon troupeau;
Ma houlette est légère
Et j'aime mon fuseau.
J'aime la solitude
De ce joli bosquet;
J'ai la douce habitude
D'y venir en secret.
J'y tresse une couronne
De belles fleurs des champs;
Je l'offre à la Madone
Avec mes plus doux chants.
J'admire la nature,
Les fleurs et les oiseaux;
Du ruisseau qui murmure
Je contemple les eaux.
Les vallons, les campagnes
Réjouissent mes yeux;
Le sommet des montagnes
Me rapproche des cieux.
J'entends des voix étranges
Qui viennent m'appeler...
Je crois bien que les anges
Doivent ainsi parler.
J'interroge l'espace,
Je contemple les cieux;
Je ne vois nulle trace
D'êtres mystérieux.
Franchissant le nuage
Qui doit me les voiler,
Au céleste rivage
Que ne puis-je voler!
. . . . .
. . . . .
. . . . .
Sainte Catherine et Sainte Marguerite.
Air: L'Ange et l'âme.
Aimable enfant, notre douce compagne,
Ta voix si pure a pénétré le ciel,
L'Ange gardien qui toujours t'accompagne
A présenté tes vœux à l'Eternel.
Nous descendons de son céleste empire,
Où nous régnons pour une éternité;
C'est par nos voix que Dieu daigne te dire
Sa volonté.
Il faut partir pour sauver la patrie,
Garder sa foi, lui conserver l'honneur;
Le Roi des cieux et la Vierge Marie
Sauront toujours rendre ton bras vainqueur.
(Jeanne pleure.)
Console-toi, Jeanne, sèche tes larmes,
Prête l'oreille et regarde les cieux:
Là, tu verras que souffrir a des charmes,
Tu jouiras de chants harmonieux.
Ces doux refrains fortifieront ton âme
Pour le combat qui doit bientôt venir;
Jeanne, il te faut un amour tout de flamme,
Tu dois souffrir!
Pour l'âme pure, en la nuit de la terre,
L'unique gloire est de porter la croix;
Un jour au ciel, ce sceptre tout austère
Sera plus beau que le sceptre des rois.
Saint Michel.
Air: Partez, hérauts.
Je suis Michel, le gardien de la France,
Grand Général au royaume des cieux;
Jusqu'aux enfers j'exerce ma puissance,
Et le démon en est tout envieux.
Jadis aussi, très brillant de lumière,
Satan voulut régner dans le saint lieu;
Mais je lançai comme un bruit de tonnerre
Ces mots: «Qui peut égaler Dieu?»
Au même instant la divine vengeance,
Creusant l'abîme, y plongea Lucifer;
Car pour l'ange orgueilleux il n'est point de clémence,
Il mérite l'enfer.
Oui, c'est l'orgueil qui, renversant cet ange,
De Lucifer a fait un réprouvé:
Plus tard aussi, l'homme chercha la fange,
Mais de secours il ne fut pas privé.
C'est l'Eternel, le Verbe égal au Père,
Qui, revêtant la pauvre humanité,
Régénéra son œuvre tout entière
Par sa profonde humilité.
Ce même Dieu daigne sauver la France;
Mais ce n'est pas par un grand conquérant.
Il rejette l'orgueil et prend de préférence
Un faible bras d'enfant.
Jeanne, c'est toi que le ciel a choisie,
Il faut partir pour répondre à sa voix;
Il faut quitter tes agneaux, ta prairie,
Ce frais vallon, la campagne et les bois.
Arme ton bras! vole et sauve la France!
Va... ne crains rien, méprise le danger;
Va! je saurai couronner ta vaillance,
Et tu chasseras l'étranger.
Prends cette épée et la porte à la guerre;
Depuis longtemps Dieu la gardait pour toi:
Prends pour ton étendard une blanche bannière,
Et va trouver le roi...
Jeanne seule.
Air: La plainte du Mousse.
Pour vous seul, ô mon Dieu, je quitterai mon père,
Tous mes parents chéris et mon clocher si beau.
Pour vous je vais partir et combattre à la guerre,
Pour vous je vais laisser mon vallon, mon troupeau.
Au lieu de mes agneaux je conduirai l'armée...
Je vous donne ma joie et mes dix-huit printemps!
Pour vous plaire, Seigneur, je manierai l'épée,
Au lieu de me jouer avec les fleurs des champs.
Ma voix, qui se mêlait au souffle de la brise,
Doit bientôt retentir jusqu'au sein du combat;
Au lieu du son rêveur d'une cloche indécise,
J'entendrai le grand bruit d'un peuple qui se bat!
Je désire la croix, j'aime le sacrifice:
Ah! daignez m'appeler, je suis prête à souffrir.
Souffrir pour votre amour, ô Maître, c'est délice!
Jésus, mon Bien-Aimé, pour vous je veux mourir...
Saint Michel.
Air: Les Rameaux (de Faure).
Il en est temps, Jeanne, tu dois partir.
C'est le Seigneur qui t'arme pour la guerre;
Fille de Dieu, ne crains pas de mourir,
Bientôt viendra l'éternelle lumière!
Sainte Marguerite.
O douce enfant, tu régneras.
Sainte Catherine.
Tu suivras de l'Agneau la trace virginale...
Les deux Saintes ensemble.
Comme nous tu chanteras
Du Dieu Très-Haut, la puissance royale.
Saint Michel.
Jeanne, ton nom est écrit dans les cieux,
Avec les noms des sauveurs de la France;
Tu brilleras d'un éclat merveilleux,
Comme une reine en sa magnificence.
Les saintes offrant à Jeanne la palme et la couronne.
Avec bonheur nous contemplons
Ce reflet qui déjà sur ta tête rayonne,
Et du ciel nous t'apportons.
Sainte Catherine.
La palme du martyre.
Sainte Marguerite.
Et la couronne.
Saint Michel, présentant l'épée.
Il faut combattre avant d'être vainqueur;
Non, pas encor la palme et la couronne!
Mérite-les dans les champs de l'honneur;
Jeanne, entends-tu le canon qui résonne?
Les Saintes ensemble.
Dans les combats nous te suivrons,
Nous te ferons toujours remporter la victoire,
Et bientôt nous poserons
Sur ton front pur l'auréole de gloire.
Jeanne seule.
Avec vous, saintes bien-aimées,
Je ne craindrai pas le danger;
Je prierai le Dieu des armées,
Et je chasserai l'étranger.
J'aime la France, ma patrie;
Je veux lui conserver la foi,
Je lui sacrifierai ma vie
Et je combattrai pour mon roi.
Non, je ne crains pas de mourir,
C'est l'éternité que j'espère.
Maintenant qu'il me faut partir,
O mon Dieu, consolez ma mère...
Saint Michel, daignez me bénir!
Saint Michel.
J'entends déjà tous les élus du ciel
Chanter joyeux en écoutant la lyre
Du Pape-Roi, du Pontife immortel
Appelant Jeanne une sainte Martyre.
J'entends l'univers proclamer
Les vertus de l'enfant qui fut humble et pieuse;
Et je vois Dieu confirmer
Le beau nom de Jeanne la Bienheureuse!
En ces grands jours la France souffrira,
L'impiété souillera son enceinte;
De Jeanne, alors, la gloire brillera;
Toute âme pure invoquera la Sainte.
Des voix monteront vers les cieux,
S'harmonisant en chœur, vibrantes d'espérance:
Jeanne d'Arc, entends nos vœux;
Une seconde fois, sauve la France!
1894.
Hymne de Jeanne d'Arc
après ses victoires.
Air: Les regrets de Mignon.
——
A vous tout l'honneur et la gloire,
O mon Dieu, Seigneur tout-puissant!
Vous m'avez donné la victoire
A moi, faible et timide enfant.
Et vous, ô ma divine Mère,
Bel astre toujours radieux,
Vous avez été ma lumière,
Me protégeant du haut des cieux!
De votre éclatante blancheur,
O douce et lumineuse étoile,
Quand donc verrai-je la splendeur?
Quand serai-je sous votre voile,
Me reposant sur votre cœur?...
Mon âme en l'exil de la terre
Aspire au bonheur éternel;
Rien ne saurait la satisfaire...
Il lui faut son Dieu dans le ciel!
Mais, avant de le voir sans ombre,
Je veux combattre pour Jésus,
Lui gagner des âmes sans nombre,
Je veux l'aimer de plus en plus.
L'exil passera comme un jour;
Bientôt au céleste rivage
Je m'envolerai sans retour;
Bientôt, sans ombre, sans nuage,
Je verrai Jésus, mon amour!
Prière de Jeanne d'Arc dans sa prison.
Air: La plainte du Mousse.
——
Mes voix me l'ont prédit: me voici prisonnière;
Je n'attends de secours que de vous, ô mon Dieu!
Pour votre seul amour j'ai quitté mon vieux père,
Ma campagne fleurie et mon ciel toujours bleu;
J'ai quitté mon vallon, ma mère bien-aimée,
Et montrant aux guerriers l'étendard de la croix,
Seigneur, en votre nom j'ai commandé l'armée:
Les plus grands généraux ont entendu ma voix.
Une sombre prison, voilà ma récompense,
Le prix de mes travaux, de mon sang, de mes pleurs!...
Je ne reverrai plus les lieux de mon enfance,
Ma riante prairie avec ses mille fleurs...
Je ne reverrai plus la montagne lointaine
Dont le sommet neigeux se plonge dans l'azur,
Et je n'entendrai plus, de la cloche incertaine,
Le son doux et rêveur onduler dans l'air pur...
Dans mon cachot obscur, je cherche en vain l'étoile
Qui scintille le soir au firmament si beau!
La feuillée, au printemps, qui me servait de voile,
Lorsque je m'endormais en gardant mon troupeau.
Ici, quand je sommeille au milieu de mes larmes,
Je rêve les parfums, la fraîcheur du matin;
Je rêve mon vallon, les bois remplis de charmes,
Mais le bruit de mes fers me réveille soudain...
. . . . .
. . . . .
. . . . .
. . . . .
Seigneur, pour votre amour j'accepte le martyre,
Je ne redoute plus ni la mort, ni le feu.
C'est vers vous, ô Jésus, que mon âme soupire;
Je n'ai plus qu'un désir, et c'est vous, ô mon Dieu!
Je veux prendre ma croix, doux Sauveur, et vous suivre,
Mourir pour votre amour, je ne veux rien de plus.
Je désire mourir pour commencer à vivre,
Je désire mourir pour m'unir à Jésus.
Les Voix de Jeanne
pendant son martyre.
Air: Au sein de l'heureuse patrie.
——
Nous descendons de la rive éternelle
Pour te sourire et t'emporter aux cieux;
Vois en nos mains la couronne immortelle
Qui brillera sur ton front glorieux.
Viens avec nous, vierge chérie,
Oh! viens en notre beau ciel bleu;
Quitte l'exil pour la patrie,
Viens jouir de la vie,
Fille de Dieu!
De ce bûcher la flamme est embrasée,
Mais plus ardent est l'amour de ton Dieu;
Bientôt pour toi l'éternelle rosée
Va remplacer le supplice du feu.
Enfin voici la délivrance,
Regarde, ange libérateur...
Déjà la palme se balance,
Vers toi Jésus s'avance,
Fille au grand cœur!
Vierge martyre, un instant de souffrance
Va te conduire au repos éternel.
Ne pleure pas, ta mort sauve la France;
A ses enfants tu dois ouvrir le ciel!
Jeanne, expirant.
J'entre dans l'éternelle vie,
Je vois les anges, les élus...
Je meurs pour sauver ma patrie!
Venez, Vierge Marie;
«Jésus... Jésus!...»
Le jugement divin.
Air: Mignon regrettant sa patrie.
——
Je te réponds d'en haut, puisque ta voix m'appelle;
Je brise le lien qui t'enchaîne en ces lieux.
Oh I vole jusqu'à moi, colombe toute belle,
Viens... l'hiver est passé; viens régner dans les cieux!
Jeanne, ton Ange te réclame,
Et moi, le Juge de ton âme,
En toi, toujours, je le proclame,
J'ai vu briller la flamme de l'amour.
Oh! viens, tu seras couronnée,
Tes pleurs, je veux les essuyer.
De l'exil l'ombre est déclinée,
Je veux te donner mon baiser!
Avec tes compagnes,
Viens sur les montagnes;
Et dans les campagnes,
Tu suivras l'Agneau.
O ma bien-aimée,
Je t'ai réclamée;
Chante, transformée,
Le refrain nouveau.
De tous les saints Anges,
Les blanches phalanges
Chantent tes louanges
Près de l'Eternel.
Timide bergère,
Vaillante guerrière,
Ton nom sur la terre
Doit être immortel.
Timide bergère,
Vaillante guerrière,
Je te donne le ciel!...
Le cantique du triomphe.
Air: Oui, je le crois, elle est immaculée.
——
Les Saints.
Elle est à toi l'immortelle couronne;
Martyre du Seigneur, cette palme est à toi.
Nous t'avons préparé cet admirable trône,
Tout près du Roi.
Ah! reste dans les cieux, Jeanne, colombe pure
Echappée à jamais du filet des chasseurs.
Tu trouveras ici le ruisseau qui murmure,
L'espace avec des champs en fleurs.
Prends ton essor, ouvre tes blanches ailes,
Et tu pourras voler en chaque étoile d'or;
Tu pourras visiter les voûtes éternelles.
Prends ton essor!
Jeanne, plus d'ennemis, plus de prison obscure,
Le brillant Séraphin va te nommer sa sœur;
Epouse de Jésus, ton Bien-Aimé t'assure
L'éternel repos sur son Cœur!
Jeanne.
Il est à moi... quelle douceur extrême!
Tout le ciel est à moi!
Les Saints.
Tout le ciel est à toi!
Jeanne.
Les anges et les saints, Marie et Dieu lui-même,
Ils sont à moi!
. . . . .
. . . . .
. . . . .
Les Saints.
Des siècles ont passé sur la terre lointaine
Depuis l'instant heureux où tu volas au ciel.
Mille ans sont comme un jour en la céleste plaine;
Mais ce jour doit être éternel!
Jeanne.
Jour éternel, sans ombre, sans nuage,
Nul ne me ravira ton éclat immortel.
Du monde elle a passé la fugitive image...
A moi le ciel!
Les Saints.
A toi le ciel!
Prière de la France à la Vénérable Jeanne d'Arc.
Air: Rappelle-toi.
——
Oh! souviens-toi, Jeanne, de ta patrie,
De tes vallons tout émaillés de fleurs.
Rappelle-toi la riante prairie
Que tu quittas pour essuyer mes pleurs.
O Jeanne, souviens-toi que tu sauvas la France.
Comme un ange des cieux tu guéris ma souffrance,
Ecoute dans la nuit
La France qui gémit:
Rappelle-toi!
Rappelle-toi tes brillantes victoires,
Les jours bénis de Reims et d'Orléans;
Rappelle-toi que tu couvris de gloire,
Au nom de Dieu, le royaume des Francs.
Maintenant, loin de toi, je souffre et je soupire.
Viens encor me sauver, Jeanne, douce martyre!
Daigne briser mes fers...
Des maux que j'ai soufferts,
Oh! souviens-toi!
Je viens à toi, les bras chargés de chaînes,
Le front voilé, les yeux baignés de pleurs;
Je ne suis plus grande parmi les reines,
Et mes enfants m'abreuvent de douleurs!
Dieu n'est plus rien pour eux! Ils délaissent leur Mère
O Jeanne, prends pitié de ma tristesse amère!
Reviens, «fille au grand cœur».
Ange libérateur,
J'espère en toi!
1894
Cantique pour obtenir la canonisation de la Vénérable Jeanne d'Arc.
Air: Pitié, mon Dieu.
——
O Dieu vainqueur! l'Eglise tout entière
Voudrait bientôt honorer sur l'autel
Une martyre, une vierge guerrière
Dont le doux nom retentit dans le ciel.
Par ta puissance,
O Roi du ciel!
Donne à Jeanne de France
L'auréole et l'autel.
Un conquérant pour la France coupable,
Non, ce n'est pas l'objet de son désir;
De la sauver Jeanne seule est capable:
Tous les héros pèsent moins qu'un martyr!
Jeanne, Seigneur, est ton œuvre splendide.
Un cœur de feu, une âme de guerrier,
Tu les donnas à la vierge timide,
La couronnant de lis et de laurier.
Elle entendit, dans son humble prairie,
Des voix du ciel l'appeler aux combats;
Partant alors pour sauver la patrie,
Son seul aspect ébranla les soldats.
Des fiers guerriers, Jeanne gagna les âmes:
L'éclat divin de cet ange des cieux,
Son pur regard, ses paroles de flammes,
Surent courber les fronts audacieux.
Par un prodige unique dans l'histoire,
On vit alors un monarque tremblant
Reconquérir sa couronne et sa gloire
Par le moyen d'un faible bras d'enfant.
Ce ne sont pas de Jeanne les victoires
Que nous voulons célébrer en ce jour;
Nous appelons ses véritables gloires:
La pureté, le martyre et l'amour.
En combattant elle sauva la France,
Mais il fallait à ses grandes vertus
Le sceau divin d'une amère souffrance,
Cachet béni de son Epoux, Jésus.
Sur le bûcher, sacrifiant sa vie,
Jeanne entendit la voix des bienheureux,
Elle quitta l'exil pour la patrie.
L'ange sauveur remonta vers les cieux!...
Enfant, c'est toi notre douce espérance;
Nous t'en prions, daigne entendre nos voix;
Descends vers nous! Viens convertir la France,
Viens la sauver une seconde fois!
Par la puissance
Du Dieu vainqueur,
Sauve, sauve la France,
Ange libérateur!
Chassant l'Anglais hors du pays de France,
Fille de Dieu, que tes pas étaient beaux!
Mais souviens-toi qu'aux jours de ton enfance,
Tu ne gardais que de faibles agneaux.
Prends la défense
Des impuissants,
Conserve l'innocence
Dans le cœur des enfants.
Douce martyre, à toi nos monastères!
Tu le sais bien, les vierges sont tes sœurs:
Et, comme toi, l'objet de leurs prières
C'est de voir Dieu régner dans tous les cœurs.
Sauver les âmes
Est leur désir,
Ah! donne-leur tes flammes
D'apôtre et de martyr!
Bien loin de nous s'enfuira toute crainte,
Quand nous verrons l'Eglise couronner
Le front si pur de Jeanne notre sainte;
Et c'est alors que nous pourrons chanter:
Notre espérance
Repose en vous,
Sainte Jeanne de France,
Priez, priez pour nous!
8 mai 1894.
Histoire d'une Bergère devenue Reine.
A une jeune Sœur converse du nom de Mélanie Marie-Madeleine pour le jour de sa profession.
——
En ce beau jour, ô Madeleine,
Nous venons chanter près de vous
La merveilleuse et douce chaîne
Qui vous unit à votre Epoux.
Ecoutez la charmante histoire
D'une bergère qu'un grand Roi
Voulut un jour combler de gloire,
Et qui répondit à sa voix:
Refrain:
Chantons la bergère,
Pauvre sur la terre,
Que le Roi du ciel
Epouse en ce jour au Carmel.
Une petite bergerette,
En filant, gardait ses agneaux.
Elle admirait chaque fleurette,
Ecoutait le chant des oiseaux;
Comprenant bien le doux langage
Des grands bois et du beau ciel bleu,
Tout pour elle était une image
Qui lui révélait le bon Dieu.
Elle aimait Jésus et Marie
Avec une bien grande ardeur.
Ils aimaient aussi Mélanie,
Et vinrent lui parler au cœur.
«Veux-tu, disait la douce Reine,
Près de moi, sur le Mont Carmel,
Veux-tu devenir Madeleine,
Et ne plus gagner que le ciel?
«Enfant, quitte cette campagne,
Ne regrette pas ton troupeau;
Là-bas, sur ma sainte Montagne,
Jésus sera ton seul Agneau.»
—«Oh! viens, ton âme m'a charmée»,
Redisait Jésus à son tour;
«Je te prends pour ma fiancée,
Tu seras à moi sans retour.»
Avec bonheur l'humble bergère
Répondit à ce doux appel,
Et, suivant la Vierge, sa Mère,
Parvint au sommet du Carmel.
. . . . .
. . . . .
. . . . .
C'est vous, petite Madeleine,
Que nous fêtons en ce grand jour.
La bergère est maintenant reine
Près du Roi Jésus, son Amour!
Vous le savez, ô sœur chérie,
Servir notre Dieu, c'est régner.
Le doux Sauveur, pendant sa vie,
Ne cessait de nous l'enseigner:
«Si, dans la céleste patrie,
Vous voulez être le premier,
Il faudra, toute votre vie,
Vous cacher, être le dernier.»
Heureuse êtes-vous, Madeleine,
De votre place, en ce Carmel!
Serait-il pour vous quelque peine,
Etant si proche du beau ciel?
Vous imitez Marthe et Marie:
Prier, servir le doux Sauveur,
Voilà le but de votre vie;
Il vous donne le vrai bonheur.
Si parfois l'amère souffrance
Venait visiter votre cœur,
Faites-en votre jouissance;
Souffrir pour Dieu, quelle douceur!
Alors les tendresses divines
Vous feront bien vite oublier
Que vous marchez sur les épines,
Et vous croirez plutôt voler...
Aujourd'hui l'Ange vous envie,
Il voudrait goûter le bonheur
Que vous possédez, ô Marie,
Etant l'épouse du Seigneur!
Bientôt, dans les saintes phalanges,
Parmi les Trônes, les Vertus,
Vous direz bien haut les louanges
De votre Epoux, le Roi Jésus.
Bientôt la bergère,
Pauvre sur la terre,
S'envolant au ciel,
Régnera près de l'Eternel!
20 novembre 1894.
Le divin petit Mendiant de Noël.
Récréation pieuse.
——
Un ange apparaît portant l'Enfant-Jésus dans ses bras et chante ce qui suit:
Air: Sancta Maria—J'ai vu les séraphins en songe. (Faure.)
Au nom de Celui que j'adore,
Mes sœurs, je viens tendre la main,
Et chanter pour l'Enfant divin,
Car il ne peut parler encore!
Pour Jésus, l'Exilé du ciel,
Je n'ai rencontré dans le monde
Qu'une indifférence profonde;
C'est pourquoi je viens au Carmel.
Toujours, toujours, que vos caresses,
Votre louange et vos tendresses,
Soient pour l'Enfant!
Brûlez d'amour, âme ravie;
Un Dieu pour vous s'est fait mortel.
O mystère touchant! Celui qui vous mendie
C'est le Verbe éternel!
O mes sœurs, approchez sans crainte:
Venez, chacune à votre tour,
Offrir à Jésus votre amour;
Vous saurez sa volonté sainte.
Je vous apprendrai le désir
De l'Enfant couché dans les langes,
A vous, pures comme des anges
Et qui, de plus, pouvez souffrir!
Toujours, toujours, que vos souffrances,
Et de même vos jouissances
Soient pour l'Enfant
(Cette statue est ici à la place même ou Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus l'ornait de fleurs.)
L'Ange ayant déposé l'Enfant-Jésus dans la crèche, présente à la Mère Prieure, puis à toutes les carmélites, une corbeille remplie de billets; chacune en prend un au hasard, et, sans l'ouvrir, le donne à l'Ange qui chante l'aumône demandée par le divin Enfant.
Les strophes suivantes se chantent sur l'air du Noël (d'Holmès).
Un trône d'or.
De Jésus, votre seul trésor,
Ecoutez le désir aimable:
Il vous demande un trône d'or,
N'en trouvant aucun dans l'étable.
L'étable est comme le pécheur
Où Jésus ne voit nulle chose
Qui puisse réjouir son Cœur,
Où jamais il ne se repose...
Sauvez, ma sœur,
L'âme du pécheur!
Vers ce trône, Jésus soupire.
Mais, plus encor,
Pour son trône d'or,
C'est votre cœur pur qu'il désire.
Du lait.
Celui qui nourrit les élus
De sa sainte et divine essence,
S'est fait pour vous l'Enfant-Jésus;
Il réclame votre assistance!
Au ciel son bonheur est parfait;
Mais il est pauvre sur la terre...
Donnez, ma sœur, un peu de lait
A Jésus votre petit Frère!
Il vous sourit,
Tout bas vous redit:
C'est la simplicité que j'aime.
Noël! Noël!
Je descends du ciel;
Mon doux lait d'amour, c'est toi-même.
Des petits oiseaux.
Ma sœur, vous brûlez de savoir
Ce que l'Enfant-Jésus désire;
Eh bien! je vous dirai ce soir
Comment vous le ferez sourire:
Attrapez des oiseaux charmants;
Faites-les voler dans l'étable.
Ils sont l'image des enfants
Que chérit le Verbe adorable.
A leurs doux chants,
Leurs gazouillements,
Son visage enfantin rayonne.
Priez pour eux;
Un jour dans les cieux,
Ils formeront votre couronne.
Une étoile.
Parfois, lorsque le ciel est noir
Et couvert d'un nuage sombre,
Jésus est bien triste le soir,
Etant sans lumière, dans l'ombre.
Pour réjouir l'Enfant-Jésus,
Comme une étoile scintillante,
Brillez par toutes vos vertus...
Soyez une lumière ardente!
Ah! que vos feux,
Les guidant aux cieux,
Des pécheurs déchirent le voile.
L'Enfant divin,
L'Astre du matin,
Vous choisit pour sa douce étoile.
Une lyre.
Ecoutez, ma petite sœur,
Ce que l'Enfant-Jésus désire:
Il vous demande votre cœur
Pour sa mélodieuse lyre!
Il avait bien, dans son beau ciel,
L'harmonie et l'encens des Anges;
Mais il veut que, sur le Carmel,
Comme eux, vous chantiez ses louanges.
Aimable sœur,
C'est de votre cœur
Que Jésus veut la mélodie...
La nuit, le jour,
En des chants d'amour,
Se consumera votre vie.
Des roses.
Votre âme est un lis embaumé
Qui charme Jésus et sa mère;
Ecoutez votre Bien-Aimé
Dire tout bas avec mystère:
Ah! si je chéris la blancheur
Des lis, symboles d'innocence,
J'aime aussi la riche couleur
Des roses de la pénitence.
Lorsque tes pleurs
Arrosent les cœurs,
Quel charmant plaisir tu me causes!
Car je pourrai,
Tant que je voudrai,
A pleines mains, cueillir des roses!
Une vallée.
Comme, par l'éclat du soleil,
La nature est tout embellie;
Qu'il dore de son feu vermeil
Et la vallée, et la prairie:
Ainsi Jésus, Soleil divin,
N'approche rien qu'il ne le dore.
Il resplendit à son matin,
Bien plus qu'une brillante aurore.
A son réveil,
Le divin Soleil
Répand sur votre âme exilée,
Avec ses dons,
Ses plus chauds rayons:
Soyez sa riante vallée!...
Des moissonneurs.
Là-bas, sous d'autres horizons,
Malgré les frimas et la neige,
Déjà se dorent les moissons
Que le divin Enfant protège.
Mais, hélas! pour les recueillir
Il faudrait de brûlantes âmes:
Des Moissonneurs voulant souffrir,
Se jouant du fer et des flammes;
Noël! Noël!
Je viens au Carmel,
Sachant que mes vœux sont les vôtres.
Au doux Sauveur
Enfantez, ma sœur,
Un grand nombre d'âmes d'apôtres...
Une grappe de raisin[265].
Je voudrais un fruit savoureux,
Une grappe toute dorée,
Pour rafraîchir du Roi des cieux
La petite bouche altérée.
Ma sœur, qu'il est doux votre sort!
C'est vous cette grappe choisie;
Jésus vous pressera bien fort
Dans sa main mignonne et chérie.
En cette nuit,
Il est trop petit
Pour manger le raisin lui-même;
Le jus sucré,
Par lui tout doré,
Voilà simplement ce qu'il aime!
Une petite hostie.
Jésus, le bel Enfant divin,
Pour vous communiquer sa vie,
Transforme en lui, chaque matin,
Une petite et blanche hostie;
Avec bien plus d'amour encor,
Il veut vous changer en lui-même.
Votre cœur est son cher trésor,
Son bonheur, son plaisir suprême.
Noël! Noël!
Je descends du ciel,
Pour dire à votre âme ravie:
L'Agneau si doux
S'abaisse vers vous;
Soyez sa blanche et pure hostie!
Les strophes suivantes se chantent sur l'air: Au Rossignol. (Gounod.)
Un sourire.
Le monde méconnaît les charmes
De Jésus votre aimable Epoux,
Et je vois de petites larmes
Scintiller en ses yeux si doux.
Consolez, ô ma sœur chérie,
Cet Enfant qui vous tend les bras.
Pour le charmer, je vous en prie,
Souriez toujours ici-bas!
Voyez... son regard semble dire:
Lorsque tu souris à tes sœurs,
O mon épouse, ton sourire
Suffit pour essuyer mes pleurs!
Un jouet.
Voulez-vous être sur la terre
Le jouet de l'Enfant divin?
Ma sœur, désirez-vous lui plaire?
Restez en sa petite main.
Si l'aimable Enfant vous caresse,
S'il vous approche de son Cœur,
Ou si, parfois, il vous délaisse,
De tout, faites votre bonheur!
Recherchez toujours ses caprices,
Vous charmerez ses yeux divins.
Désormais, toutes vos délices
Seront ses désirs enfantins.
Un oreiller.
Dans la crèche où Jésus repose,
Souvent je le vois s'éveiller.
Voulez-vous en savoir la cause?
Il n'y trouve pas d'oreiller...
Je le sais, votre âme n'aspire
Qu'à le consoler nuit et jour;
Eh bien! l'oreiller qu'il désire,
C'est votre cœur brûlant d'amour.
Ah! soyez toujours humble et douce,
Et le plus chéri des Trésors
Pourra vous dire: Mon épouse,
En toi doucement je m'endors!...
Une fleur.
La terre est couverte de neige,
Partout règnent les durs frimas.
L'hiver et son triste cortège
Ont flétri les fleurs d'ici-bas.
Mais pour vous s'est épanouie
La ravissante Fleur des champs
Qui vient de la sainte patrie,
Où règne un éternel printemps.
Ma sœur, cachez-vous dans l'herbette,
Près de la Rose de Noël;
Et soyez aussi la fleurette
De votre Epoux, le Roi du ciel.
Du pain.
Chaque jour, en votre prière,
Parlant à l'Auteur de tout bien,
Vous répétez: O notre Père!
Donnez-nous le pain quotidien.
Ce Dieu, qui s'est fait votre Frère,
Comme vous souffre de la faim.
Ecoutez son humble prière:
Il vous demande un peu de pain!...
O ma sœur, soyez-en bien sûre,
Jésus ne veut que votre amour.
Il se nourrit de l'âme pure;
Voilà son pain de chaque jour.
Un miroir.
Tout enfant aime qu'on le place
Devant un fidèle miroir,
Alors il sourit avec grâce
A l'autre petit qu'il croit voir.
Ah! venez dans la pauvre étable:
Votre âme est un cristal brillant;
Reflétez le Verbe adorable,
Les charmes du Dieu fait enfant...
Oui, soyez la vivante image,
Le pur miroir de votre Epoux;
L'éclat divin de son Visage,
Il veut le contempler en vous!
Un palais.
Les grands, les nobles de la terre
Ont tous des palais somptueux;
Des masures sont, au contraire,
Les asiles des malheureux.
Ainsi, voyez dans une étable
Le petit Pauvre de Noël:
Il voile sa gloire ineffable
En quittant son palais du ciel.
La pauvreté, votre cœur l'aime,
En elle vous trouvez la paix;
Aussi, c'est votre cœur lui-même
Que Jésus veut pour son palais!
Une couronne de lis.
Les pécheurs couronnent d'épines
La tête aimable de Jésus.
Admirez les grâces divines
Que la terre ne connaît plus...
Oh! que votre âme virginale
Lui fasse oublier ses douleurs;
Et, pour sa couronne royale,
Offrez-lui les vierges, vos sœurs.
Approchez tout près de son trône...
Pour charmer ses yeux ravissants,
Devant lui, tressez sa couronne:
Formez-la de beaux lis brillants!
Les strophes suivantes se chantent sur l'air du Passant. (Massenet.)
Des bonbons.
Ma sœur, les petits poupons
Aiment beaucoup les bonbons;
Remplissez-en donc bien vite,
De Jésus la blanche main.
A ce don, l'Enfant divin
Par son regard vous invite.
Les pralines du Carmel
Qui charment le Roi du ciel,
Ce sont tous vos sacrifices.
Ma sœur, votre austérité,
Votre grande pauvreté,
De Jésus font les délices!
Une caresse.
A vous le petit Jésus
Ne demande rien de plus
Qu'une très douce caresse.
Donnez-lui tout votre amour;
Et vous saurez en retour
La charité qui le presse.
Si quelqu'une de vos sœurs
Venait à verser des pleurs,
Aussitôt, avec tendresse,
Suppliez l'Enfant divin,
Que, de sa petite main,
Doucement il la caresse.
Un berceau.
Sur terre il est peu de cœurs
Qui n'aspirent aux faveurs
De Jésus, le Roi de gloire;
Mais, s'il vient à s'endormir,
Ils cessent de le servir,
En lui ne voulant plus croire.
Si vous saviez le plaisir
Que l'Enfant trouve à dormir
Sans craindre qu'on le réveille,
Vous serviriez de berceau
A Jésus, le doux Agneau,
Souriant lorsqu'il sommeille!
Des langes.
Voyez que l'aimable Enfant,
De son petit doigt charmant,
Vous montre la paille sèche.
Ah! comprenez son amour,
Et garnissez en ce jour,
De langes, la pauvre crèche.
Excusant toujours vos sœurs,
Vous gagnerez les faveurs
De Jésus, le Roi des Anges;
C'est l'ardente charité,
L'aimable simplicité
Qu'il réclame pour ses langes.
Du feu.
Ma sœur, le petit Jésus,
Le doux foyer des élus,
Tremble de froid dans l'étable...
Cependant, au beau ciel bleu,
Des Anges, flammes de feu,
Servent le Verbe adorable!
Mais, sur la terre, c'est vous
Le foyer de votre Epoux...
Il vous demande vos flammes.
C'est vous qui devez, ma sœur,
Pour réchauffer le Sauveur,
Embraser toutes les âmes!
Un gâteau.
Vous savez que tout enfant
Préfère un gâteau brillant
A la gloire d'un empire.
Offrez donc au Roi des cieux
Un gâteau délicieux,
Et vous le verrez sourire.
Savez-vous, du Roi des rois,
Quel est le gâteau de choix?
C'est la prompte obéissance!
Votre Epoux vous ravissez,
Lorsque vous obéissez
Comme lui, dans son enfance.
Du miel.
Aux premiers feux du matin,
Formant son riche butin,
On voit la petite abeille
Voltiger de fleur en fleur,
Visitant avec bonheur
Les corolles qu'elle éveille.
Ainsi, butinez l'amour:
Et revenez chaque jour,
Près de la crèche sacrée,
Offrir au divin Sauveur
Le miel de votre ferveur,
Petite abeille dorée!
Un agneau.
Pour charmer le doux Agneau,
Ne gardez plus de troupeau;
Et, délaissant toute chose,
Ne songez qu'à le ravir;
Désirez le bien servir,
Tout le temps qu'il se repose.
O ma sœur, dès aujourd'hui,
Abandonnez-vous à lui,
Et vous dormirez ensemble...
Marie, allant au berceau,
Verra près de son Agneau
Un agneau qui lui ressemble!
L'Ange, ayant pris de nouveau l'Enfant-Jésus dans ses bras, chante ce qui suit:
Air: «Ainsi soit-il.» Chaque matin dans sa prière... (Rupés.)
L'Enfant divin vous remercie;
Il est charmé de tous vos dons.
Aussi, dans son Livre de vie,
Il les écrit avec vos noms.
Jésus a trouvé ses délices
En ce Carmel;
Et pour payer vos sacrifices,
Il a son beau ciel!
Si vous êtes toujours fidèles
A contenter ce doux Trésor,
L'amour vous donnera des ailes
Pour voler d'un sublime essor!
Un jour, dans la sainte patrie,
Après l'exil,
Vous verrez Jésus et Marie:
Ainsi soit-il!
Les Anges à la Crèche.
Récréation pieuse
——
(Rôle rempli par Sr Thérèse.)
Air: Tombé du nid.
O Verbe-Dieu! gloire du Père!
Je te contemplais dans le ciel;
Maintenant je vois sur la terre
Le Très-Haut devenu mortel!
Enfant, dont la lumière inonde
Les Anges du brillant séjour,
Jésus, tu viens sauver le monde,
Qui donc comprendra ton amour?
O Dieu dans les langes,
Tu ravis les Anges!
Verbe fait enfant,
Vers toi, je m'incline en tremblant.
Qui donc comprendra ce mystère:
Un Dieu se fait petit enfant?
Il vient s'exiler sur la terre,
Lui, l'Eternel, le Tout-Puissant!
Divin Jésus, beauté suprême,
Je veux répondre à ton amour:
Pour témoigner combien je t'aime,
Je te veillerai nuit et jour.
L'éclat de tes langes
Attire les Anges;
Verbe fait enfant,
Vers toi, je m'incline en tremblant.
Depuis que ce séjour de larmes
Possède le Roi des élus,
Pour moi, les cieux n'ont plus de charmes,
Et j'ai volé vers toi, Jésus!
Je veux te couvrir de mes ailes,
Te suivre partout ici-bas;
Et toutes les fleurs les plus belles,
Je les sèmerai sous tes pas.
Je veux d'une étoile brillante,
Enfant, te former un berceau;
Et, de la neige éblouissante,
Te faire un gracieux rideau.
Je veux, des lointaines montagnes,
Abaisser pour toi les hauteurs;
Je veux que pour toi les campagnes
Produisent de célestes fleurs.
De Dieu, la fleur est le sourire;
Elle est l'écho lointain du ciel,
Le son fugitif de la lyre
Que tient en sa main l'Eternel.
Cette note mélodieuse
De la bonté du Créateur
Veut, de sa voix mystérieuse,
Glorifier le Dieu Sauveur.
Douce mélodie,
Suave harmonie,
Silence des fleurs,
D'un Dieu vous chantez les grandeurs!
Je sais que tes chères amies,
Jésus, sont les vivantes fleurs...
Tu viens des célestes prairies
Pour chercher les âmes, tes sœurs.
Une âme est la fleur embaumée,
Enfant, que tu voudrais cueillir;
Ta petite main l'a semée
Et pour elle tu veux mourir!
Mystère ineffable!
Le Verbe adorable
Versera des pleurs
En cueillant sa moisson de fleurs!
Air: L'encens divin.
Divin Jésus, au matin de ta vie,
Ton beau Visage est tout baigné de pleurs!
Larmes d'amour, sur la Face bénie,
Vous coulerez jusqu'au soir des douleurs...
Divine Face,
Oui, ta beauté,
Pour l'Ange efface
La céleste clarté!
Je reconnais, de ton divin Visage
Tous les attraits, sur ce voile sanglant;
Je reconnais, Jésus, en cette image,
L'éclat si pur de ta Face d'enfant.
Divin Jésus, la souffrance t'est chère,
Ton doux regard pénètre l'avenir:
Tu veux déjà boire la coupe amère;
Dans ton amour, tu rêves de mourir!
Rêve ineffable!
Enfant d'un jour,
Face adorable,
Vous m'embrasez d'amour!
L'Ange de la Résurrection.
Air: Noël! Noël! læta voce Noël!
Ne pleurez plus, Anges du Dieu Sauveur,
Je viens du ciel consoler votre cœur.
Ce faible Enfant
Un jour sera puissant;
Il ressuscitera,
Et toujours régnera.
O Dieu caché sous les traits d'un enfant,
Je te vois rayonnant,
Et déjà triomphant!
Je lèverai la pierre du tombeau,
Et, contemplant ton Visage si beau,
Je chanterai
Et me réjouirai,
Te voyant de mes yeux
T'élever glorieux!
Je vois briller des divines splendeurs
Tes yeux d'enfant, ce soir mouillés de pleurs.
Verbe de Dieu,
Ta parole de feu
Doit retentir un jour
Consumante d'amour!
L'Ange de l'Eucharistie.
Air: Par les chants les plus magnifiques.
Contemplez, bel Ange, mon frère,
Notre Roi montant vers le ciel;
Moi, je descends sur cette terre
Pour l'adorer au saint autel.
Voilé dans son Eucharistie,
Je reconnais le Tout-Puissant,
Je vois le Maître de la vie
Bien plus petit qu'un humble enfant.
Ah! désormais, au sanctuaire
Je veux établir mon séjour,
Offrant au Très-Haut ma prière,
L'hymne de mon ardent amour.
Sur ma lyre mélodieuse,
Je chanterai le Dieu Sauveur,
Et la Manne délicieuse
Qui nourrit l'âme du pécheur!
Que ne puis-je, par un miracle,
Me nourrir aussi de ce Pain!
Ah! que ne puis-je au Tabernacle,
Prendre ma part du Sang divin!
Du moins, à l'âme aimante et sainte,
Je communiquerai mes feux,
Afin que, sans la moindre crainte,
Elle approche du Roi des cieux.
L'Ange du jugement dernier.
Air: Noël (d'Adam).
Bientôt viendra le jour de la vengeance,
Ce monde impur passera par le feu.
Tous les mortels entendront la sentence
Qui sortira de la bouche de Dieu.
Nous le verrons dans l'éclat de sa gloire,
Non plus caché sous les traits d'un enfant,
Nous serons là pour chanter sa victoire,
Et proclamer qu'il est le Tout-Puissant!
Ils brilleront d'un éclat ineffable,
Ces yeux voilés de larmes et de sang.
Nous la verrons cette Face adorable,
Dans la splendeur de son rayonnement!
Sur le nuage, en voyant apparaître
Jésus, portant le sceptre de sa croix:
L'impie, alors, pourra le reconnaître
Ce Roi, ce Juge, aux éclats de sa voix!