Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
Au quartier-général à Montebello, le 16 messidor an 5 (4 juillet 1797).
A la municipalité provisoire de Venise.
L'embargo qui a été mis sur les vaisseaux existans dans le port de Venise, n'a eu d'autre but que de maintenir le plus possible l'expédition du Levant.
Vous pourrez donc, à dater du 26 prairial, rouvrir votre port comme avant la révolution; mais il est indispensable que vous preniez les mesures nécessaires pour que les vaisseaux appartenant à une puissance ennemie de la république soient arrêtés.
Prenez des mesures pour que toutes les richesses qui, de tous les points de l'Italie, ont été envoyées à Venise, n'en sortent pas, afin que vous puissiez, dans toutes les circonstances de votre révolution, avoir des garans pour subvenir aux dépenses publiques.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 18 messidor an 5 (6 juillet 1797).
Au citoyen Antonio Garruchio, astronome à Verone.
J'ai donné l'ordre, citoyen, au citoyen Haller de vous faire rembourser la somme de 4000 francs, pour vous indemniser des pertes que vous avez faites pendant les malheureux événemens de Verone. Je lui ai ordonné de prendre des mesures pour faire augmenter de 10,000 liv. le fonds de la société italienne de Verone, légué par le célèbre Loerga. Nous sommes redevables à cette société de plusieurs mémoires utiles sur les sciences exactes.
Vous ne devez avoir aucune espèce d'inquiétude pour la société italienne, et je vous prie de me faire connaître tout ce qu'il y aurait moyen de faire pour améliorer son organisation, et pour la rendre plus utile au progrès des connaissances humaines.
Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de faire quelque chose qui soit avantageux à votre société.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 18 messidor an 5 (6 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien donner l'ordre au général de brigade Dufresse, de restituer sur-le-champ tout ce que sa femme a pris, à Mestre, aux différens propriétaires, et entre autres les voitures de la maison où l'a logée le citoyen Erizzo.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 21 messidor an 5 (9 juillet 1797).
A M. le marquis de Saint-Marsan.
Je reçois, monsieur le marquis, la lettre que vous avez bien voulu me remettre, de M. Priocca, ministre de S. M. le roi de Sardaigne. Je donne ordre au général de division Sauret et au général qui commande Coni, de laisser entrer dans les citadelles de Tortone, d'Alexandrie, de Cherasco, Ceva, Coni, l'officier du génie ou d'artillerie que S. M. voudra bien nommer, pour visiter lui-même les travaux que M. Priocca suppose que l'on fait dans ces forts, et qui, à ce qu'il me paraît, font naître quelques inquiétudes.
Les officiers que S. M. enverra la convaincront que je n'ai fait faire à aucun des postes du Piémont aucune espèce de travail, qu'il est impossible d'être plus satisfait que nous ne le sommes, de la conduite du cabinet de S. M. envers la république française; que non-seulement on ne doit avoir aucune espèce d'inquiétude de notre côté, mais qu'encore je ferai tout ce que S. M. peut désirer pour la rassurer et pour contribuer à la tranquillité d'une cour qui, depuis quelques mois, nous a donné de véritables marques de ses bons sentimens à notre égard.
Je n'ai point envoyé de troupes lombardes en Piémont, et mon intention n'a jamais été d'en envoyer. Il est vrai que mon projet serait de faire passer un bataillon polonais à Coni, afin de pouvoir réunir à l'armée la quarante-cinquième demi-brigade; mais si S. M. témoigne le moindre désir que cela ne se fasse pas, et même, si elle est mécontente de quelques officiers généraux employés dans ses états, je m'empresserai de les changer sur-le-champ.
Sachant que M. Ranza cherchait, par des écrits incendiaires, à prêcher l'insurrection dans les états de S. M., je l'ai fait arrêter et conduire à la citadelle de Milan.
Je vous prie, M. le marquis, avant de quitter Milan, de me faire connaître ce qu'il serait possible que je fisse pour témoigner à S. M. les sentimens d'amitié qu'a pour elle la république française, et le désir que j'ai de lui être agréable et de contribuer à sa prospérité et à son bonheur particulier.
Je vous prie, M. le marquis, de croire à l'estime, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 23 messidor an 5 (11 juillet 1797).
A son altesse royale le duc de Parme.
Depuis que la république française a conclu la paix avec votre A. R., j'ai saisi tontes les occasions qui se sont offertes pour prouver à votre A. R. le désir que j'ai de lui être utile. J'ai donc été très-surpris de voir dans une note qu'a remise M. d'El Campo au directoire exécutif de la république française, des plaintes que votre A. R. porte sur je ne sais quel projet extravagant dont elle pense que le directoire exécutif de la république française est occupé.
Il paraît, par la note de M. d'El Campo, que c'est M. le comte de Paliti qui a imaginé, probablement pour se faire valoir, ce beau projet. Je prie donc votre A. R de vouloir bien rappeler M. le comte de Paliti, ne voulant pas avoir auprès de moi un intrigant qui fait mauvais usage de la confiance que vous avez en lui.
Je vous prie, au reste, de croire aux sentimens d'estime et à la considération distinguée, avec laquelle, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 messidor an 5 (13 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, prendre des mesures pour qu'aucune gazette tendant à porter le découragement dans l'armée, à exciter les soldats à la désertion et à diminuer l'énergie pour la cause de la liberté, ne s'introduise dans l'armée.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 messidor an 5 (13 juillet 1797).
Proclamation à l'armée d'Italie.
Soldats!
C'est aujourd'hui l'anniversaire du 14 juillet: vous voyez devant vous les noms de nos compagnons d'armes morts au champ d'honneur pour la liberté de la patrie. Ils vous ont donné l'exemple: vous vous devez tout entiers à la république; vous vous devez tout entiers au bonheur de trente millions de Français; vous vous devez tout entiers à la gloire de ce nom qui a reçu un nouvel éclat par vos victoires.
Soldats! je sais que vous êtes profondément affectés des malheurs qui menacent la patrie; mais la patrie ne peut courir de dangers réels. Les mêmes hommes qui l'ont fait triompher de l'Europe coalisée, sont là. Des montagnes nous séparent de la France, vous les franchirez avec la rapidité de l'aigle, s'il le fallait, pour maintenir la constitution, défendre la liberté, protéger le gouvernement et les républicains.
Soldats! le gouvernement veille sur le dépôt des lois qui lui est confié. Les royalistes, dès l'instant qu'ils se montreront, auront vécu. Soyez sans inquiétude, et jurons, par les mânes des héros qui sont morts à côté de nous pour la liberté, jurons sur nos nouveaux drapeaux guerre implacable aux ennemis de la république et de la constitution de l'an 3.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 27 messidor an 5 (16 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie la copie d'une lettre que je reçois du général Clarke: vous y verrez que l'on allonge toujours. Il est hors de doute que l'empereur veut voir la tournure que prendront les affaires en France, et que l'étranger est pour plus que l'on ne croit dans toutes ces machinations.
L'armée reçoit une grande partie des journaux qu'on imprime à Paris, surtout les plus mauvais; mais cela produit un effet tout contraire à celui qu'ils se promettent. L'indignation est à son comble dans l'armée. Le soldat demande à grands cris si, pour prix de ses fatigues et de six ans de guerre, il doit être, à son retour dans ses foyers, assassiné comme sont menacés de l'être tous les patriotes. Les circonstances s'aggravent tous les jours, et je crois, citoyens directeurs, qu'il est imminent que vous preniez un parti. Je vous fais passer la proclamation que j'ai faite à l'armée, le 25 de ce mois: elle a produit le meilleur effet.
Il n'y a pas un seul homme ici qui n'aime mieux périr les armes à la main, que de se faire assassiner dans un cul-de-sac de Paris.
Quant à moi, je suis accoutumé à une abnégation totale de mes intérêts; cependant je ne puis pas être insensible aux outrages, aux calomnies que quatre-vingts journaux répandent tous les jours et à toute occasion, sans qu'il y en ait un seul qui les démente; je ne puis pas être insensible à la perfidie et au tas d'atrocités contenues dans cette motion d'ordre imprimée par l'ordre du conseil des cinq-cents. Je vois que le club de Clichi veut marcher sur mon cadavre pour arriver à la destruction de la république. N'est-il donc plus en France de républicains? Et, après avoir vaincu l'Europe, serons-nous donc réduits à chercher quelque angle de la terre pour y terminer nos tristes jours?
Vous pouvez d'un seul coup sauver la république, deux cent mille têtes peut-être qui sont attachées à son sort, et conclure la paix en vingt-quatre heures. Faites arrêter les émigrés; détruisez l'influence des étrangers; si vous avez besoin de force, appelez les armées; faites briser les presses des journaux vendus à l'Angleterre, plus sanguinaires que ne le fut jamais Marat.
Quant à moi, citoyens directeurs, il est impossible que je puisse vivre au milieu des affections les plus opposées: s'il n'y a point de remède pour faire finir les maux de la patrie, pour mettre un terme aux assassinats, et à l'influence des royalistes, je demande ma démission.
Je vous envoie un stylet pris sur les assassins de Verone.
Mais, dans toutes les circonstances, le souvenir des marques constantes que vous m'avez données de la confiance la plus illimitée, ne sortira jamais de ma mémoire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie copie de la lettre que m'écrit le général Clarke.
M. Baptiste est parti de Montebello le 5 messidor. Quatre jours avant, MM. les plénipotentiaires avaient fait partir un courrier, qui portait à peu près la même chose. Voilà donc près d'un mois que la cour de Vienne laisse ses plénipotentiaires et ne répond à rien.
Il est bien évident que la cour de Vienne n'est pas de bonne foi, et qu'elle traîne en longueur pour attendre la décision des affaires intérieures, que toute l'Europe croit très-prochaine.
Voulez-vous épargner cinquante mille hommes de l'élite de la nation qui vont périr dans cette nouvelle campagne? Faites briser avec quelque appareil les presses du Thé, du Mémorial, de la Quotidienne15; faites fermer le club de Clichi, et faites faire cinq ou six bons journaux constitutionnels.
Cette crise, qui, en réalité, sera extrêmement légère, suffira pour faire voir à l'étranger qu'il n'a encore rien à espérer: elle rétablira l'opinion et ôtera aux soldats cette vive inquiétude qui anime toutes les têtes, et qui finira par des explosions dont les conséquences ne peuvent pas se prévoir.
Il est bien malheureux que, lorsque nous commandons à l'Europe, nous ne puissions pas commander à un journal de la faction royale qui lui est évidemment vendu!
À quoi sert que nous remportions des victoires à chaque instant du jour? Les menées dans l'intérieur annulent tout, et rendent inutile le sang que nous versons pour la patrie.
Le gouvernement de ce pays-ci se consolide.
À Gênes, l'esprit public est comme en 1789 en France.
BONAPARTE.
Footnote 15: (return) Le Thé, le Mémorial et la Quotidienne étaient trois journaux royalistes qui paraissaient à cette époque.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
Le commandant de Lombardie doit agir dans la Lombardie et à Milan, comme s'il n'y avait à Milan que deux ou trois cents hommes pour garder la citadelle; car il est possible que, d'un instant à l'autre, il se trouve effectivement réduit à ces seules troupes pour garder la citadelle: dès lors, toutes les gardes à Milan, même les gardes de nos établissemens, même celles des spectacles, doivent être de la garde nationale.
Il est également inutile que la police envoie tous les jours un rapport au commandant de la place; elle sera seulement tenue de lui donner des renseignemens toutes les fois qu'il lui en demandera.
La demande qu'a faite l'adjudant-général de la légion lombarde, des registres du commandant de la place, n'est pas fondée; il doit faire ses registres à part. J'approuve fort que le commandant de la Lombardie ait des agens secrets qui l'instruisent de tout ce qui se passe à Milan et dans les autres places de la Lombardie; mais cette police doit être secrète et n'avoir pour but que de connaître ce qui se tramerait.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au ministre de la marine.
Venise, qui fournit de grands avantages à la marine, réclame de vous, citoyen ministre, douze ou quinze permissions qui mettent les bâtimens les plus riches à l'abri des Algériens: ces corsaires lui ont déclaré la guerre depuis environ trois mois, ce qui ruine entièrement son commerce. Si vous pouvez prendre en considération cet objet, il sera très-avantageux pour indemniser ce pays des pertes qu'il fait tous les jours.
BONAPARTE.
Au quartier-général de Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
Je vous prie, citoyen général, d'envoyer sur-le-champ un courrier au général Augereau pour lui dire que, ne pouvant pas encore de quelques jours me rendre à Verone, je désire qu'il vienne le plus tôt possible à Milan; vous le préviendrez que mon appartement d'en bas étant vide, il peut y descendre.
Vous accorderez une permission de deux mois au général Mireur, qui me l'a demandée pour terminer des affaires de famille.
Vous écrirez au général Belliard que, dès l'instant que le général Joubert sera de retour du congé qu'il a demandé, je lui accorderai la permission d'aller à Rome.
Vous donnerez l'ordre au général Dessoles de partir demain pour rejoindre sa division.
Vous ordonnerez au général de brigade Leclerc de partir demain pour se rendre à Monza, où il prendra le commandement de la onzième et de la douzième d'infanterie légère.
Vous écrirez au général de brigade Dupuy, qu'étant instruit par le général Brune qu'il a pris connaissance de l'affaire dont il m'a porté des plaintes, je pense que le général Brune y aura mis ordre: ou, dans le cas contraire, j'attendrai le rapport que me fera ce général, pour prendre les mesures que je croirai nécessaires.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au général Clarke.
Je reçois dans l'instant votre lettre du 23 messidor: comme je vois que les choses en sont toujours au même point, j'attendrai, pour me rendre à Udine, l'arrivée du tant désiré M. Baptiste.
Je vous ai fait passer, par un courrier, les dernières nouvelles de Paris, j'en attends un autre à chaque instant. Les affaires se brouillent de plus en plus, et on ne peut presque plus douter que ce ne soit l'effet des machinations de l'étranger pour entraver les négociations.
Demain, nous célébrons ici la fête de l'armée. Je vous envoie l'imprimé que j'ai fait passer à Udine et à toutes les divisions de l'armée, ne pouvant m'y rendre moi-même.
Dès que vous m'aurez annoncé l'arrivée du secrétaire de légation, M. Baptiste, je partirai sur-le-champ pour Udine.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au même.
Il est difficile, je crois, de mettre en doute aujourd'hui que l'empereur veut gagner du temps: quel en est le motif? Il est difficile de l'imaginer, à moins que de le voir dans les journaux royalistes, le club de Clichi et la rentrée des émigrés. Je l'ai dit positivement au gouvernement; il me semble qu'il est aisé de fermer le club de Clichi, de briser toutes ses presses, et de faire arrêter une douzaine d'émigrés: cela seul peut nous assurer la paix.
Croyant que je devais partir pour Udine, j'étais revenu à Milan, où il fait une chaleur affreuse. Je suis bien fâché d'avoir quitté actuellement Montebello.
Si M. Baptiste n'est pas arrivé lorsque vous recevrez ce courrier, je suis d'avis que vous pressentiez ces MM. les plénipotentiaires par une lettre courte et ferme, que vous leur déclariez qu'il est notoire qu'on vous joue, que S.M. rompt les préliminaires, et qu'elle sera responsable, aux yeux de l'Europe, des suites funestes qu'aura pour l'humanité la guerre cruelle qui va recommencer.
Il paraît que les négociations de Lille sont commencées.
Si jamais il était possible de conclure la paix avec l'Angleterre, il faudrait que l'empereur se souvînt de sa mauvaise foi.
Les choses vont parfaitement ici et à Gênes.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 30 messidor an 5 (18 juillet 1797).
Au même.
Je reçois à l'instant même, citoyen général, votre lettre du 28. J'espère en recevoir une demain avec le récit de l'entrevue que vous aurez eue avec M. de Gallo, cela me décidera à partir: je passerai par Verone, Vicence, Padoue et Trévise, où je passerai la revue de ces quatre divisions.
Tout est ici fort tranquille. J'ai reçu de nouveaux ordres du directoire pour réunir Bologne et Ferrare avec les Cisalpins; j'ai pris le mezzo termine de laisser ces pays maîtres de faire ce qu'ils voudront, puisque nous avons reconnu l'indépendance des républiques cisalpine et cispadane. S'ils veulent se réunir, nous ne pouvons pas les en empêcher: j'ai préféré ce parti, quoiqu'il puisse entraîner quelques inconvéniens, à celui de donner un ordre de réunion.
Ce courrier-ci ne partira que lorsque la poste sera arrivée, afin de vous envoyer vos lettres, si vous en avez, et les principaux journaux.
J'ai fait partir hier, par un courrier extraordinaire, copie de la lettre que vous m'avez écrite; je fais partir à l'instant même votre dernière.
Je joins ici copie de la lettre que j'ai écrite au directoire en envoyant l'une et l'autre.
Comme vous le verrez, je me suis lancé très-avant et mis très-volontiers en butte à toutes les factions. Cela serait très-mal calculé, si je trouvais dans l'ambition et l'occupation de grandes places ma satisfaction et le bonheur; mais ayant placé de bonne heure l'une et l'autre dans l'opinion de l'Europe entière et dans l'estime de la postérité, j'ai pensé que je ne devais pas être arrêté par tous ces calculs et ce grand tapage des factions: je vous avoue cependant que je désire bien de rentrer dans la vie privée; j'ai payé ma part.
BONAPARTE.
Milan, le... messidor an 5 (... juillet 1797).
Au même.
Je vous fais passer les deux notes que vous devez remettre à MM. les plénipotentiaires, je vous envoie en conséquence deux morceaux de papier signés en blanc.
Talleyrand a remplacé Ch. Lacroix; Hoche, Petiet, François de (Neuchâteau), Benezech, Pléville, Truguet, Lenoir la Roche, Cochon, Merlin et Ramel restent.
D'après ce que disent quelques journaux, il paraît qu'il y a eu quelques divisions entre Carnot et Barthélemi: d'un côté est Barras; Rewbell et Laréveillère-Lépaux de l'autre.
Le Piémont est en pleine insurrection, j'attends à chaque instant un courrier de Paris.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 30 messidor an 5 (18 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie copie de la lettre que je reçois du général Clarke.
Le célèbre M. Baptiste est arrivé, il n'apporte rien de décisif: voilà de la mauvaise foi bien caractérisée.
Je vais partir incessamment pour Udine, quoique je voie que je n'ai pas grand'chose à y faire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 30 messidor an 5 (18 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie la copie de deux adresses de la division Masséna et Joubert; l'une et l'autre sont revêtues de douze mille signatures.
La situation des esprits à l'armée est très-prononcée pour la république et la constitution de l'an 3. Le soldat, qui reçoit un grand nombre de lettres de l'intérieur, est extrêmement mécontent de la tournure sinistre que paraissent y prendre les choses.
Il paraît aussi que l'on a été affecté du bavardage de ce Dumolard, imprimé par ordre de l'assemblée et envoyé en grande profusion à l'armée.
Le soldat a été indigné de voir que l'on mettait en doute les assassinats dont il a été la victime. La confiance de l'armée d'Italie dans le gouvernement est sans borne: je crois que la paix et la tranquillité dans les armées dépendent du conseil des cinq-cents. Si cette première magistrature de la république continue à prêter une oreille complaisante aux meneurs de Clichi, elle marche droit à la désorganisation du gouvernement; nous n'aurons point de paix, et cette armée-ci sera presque exclusivement animée par le désir de marcher au secours de la liberté et de la constitution de l'an 3. Soyez bien persuadés, citoyens directeurs, que le directoire exécutif et la patrie n'ont pas d'armée qui leur soit plus entièrement attachée.
Quant à moi, j'emploie toute mon influence ici à contenir dans les bornes le patriotisme brûlant, qui est le caractère distinctif de tous les soldats de l'armée, et à lui donner une direction avantageuse au gouvernement.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 4 thermidor an 5 (22 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je partais pour Udine, citoyens directeurs, lorsque j'ai reçu la lettre que je vous fais passer, du général Clarke. M. de Gallo et M. Baptiste étant partis pour Vienne, et ne restant plus à Udine que M. de Meerveldt, qui ne se trouve revêtu d'aucune espèce de pouvoir, je n'ai pas cru devoir me rendre dans cette ville, ma présence étant très-nécessaire dans tous ces pays-ci pour y prendre des mesures, afin que, dans tout événement, nos derrières se trouvent parfaitement organisés et assurés.
Il n'est plus possible de concevoir le moindre espoir et de mettre en doute que nous sommes horriblement joués. La cour de Vienne ne paraît avoir été de bonne foi que jusqu'à l'arrivée de M. le général de Meerveldt à Montebello.
Aujourd'hui je ne vois qu'un seul parti à prendre, c'est que vous déclariez vous-mêmes, afin de donner encore plus d'importance à la chose, que si, vers la fin du mois d'août, tout n'est pas fini, les préliminaires se trouveraient d'eux-mêmes annulés, et la guerre recommencerait. Il faudrait en même temps donner des ordres à vos différens généraux pour que tous se tinssent prêts à entrer en campagne.
La guerre commençant à l'entrée de septembre, nous donnerait deux mois et demi à trois mois, dans lesquels il serait possible de forcer l'empereur à conclure une paix plus avantageuse encore que celle qui devait être conclue en conséquence des préliminaires.
Si septembre se passe en négociations, il deviendra difficile, en octobre, de frapper la maison d'Autriche de ce côté-ci, et dès-lors l'empereur nous tiendra tout l'hiver dans l'incertitude où nous sommes aujourd'hui.
Quant aux opérations de la guerre, si elle doit avoir lieu, je ne vois pas de difficultés majeures qui m'empêchent de me trouver à Gratz dans le mois de la reprise des hostilités.
Je ne suis point assez fort en cavalerie, quoique celle que j'ai soit dans un très-bon état: elle ne se monte qu'à cinq mille hommes présens sous les armes, d'où vous voyez qu'après les premiers combats et quelques marches forcées, je me trouverai réduit à quatre mille hommes de cavalerie. Je crois nécessaire que vous envoyiez ici trois à quatre mille hommes de cavalerie, parmi lesquels je désirerais au moins quinze cents hommes de grosse cavalerie. Je désirerais aussi trois nouvelles compagnies d'artillerie à cheval. Si vous donnez actuellement les ordres nécessaires, tout cela pourra arriver à Milan à la fin d'août.
Vous voyez que le temps est extrêmement précieux: vous seuls, qui êtes au centre de la négociation de Lille, de celle d'Udine et des affaires intérieures, pouvez prendre un parti décisif.
Si vous pensez devoir obliger l'empereur à se décider promptement, vous pourrez, ce me semble, envoyer à M. Thugut un courrier avec votre note. Par ce moyen-là, il y aurait une douzaine de jours de gagnés, ce qui est bien essentiel dans le moment où nous nous trouvons.
Il est hors de doute que la cour de Vienne espère tout du bénéfice du temps, et pense qu'en vous tenant dans l'incertitude où nous sommes, c'est faire une diversion en faveur de l'Angleterre, et fomenter d'autant les malveillans, si puissans et si nombreux dans l'intérieur de la France. Il n'y a donc qu'une résolution prompte de notre part qui puisse mettre ordre aux affaires de l'intérieur, et obliger l'empereur à donner la paix à l'Europe.
J'écris au général Clarke pour l'engager à faire passer son secrétaire de légation à Vienne. Je ne sais pas si le sieur Meerveldt voudra lui donner un passeport sans avoir au préalable consulté le cabinet de Vienne.
J'ai proposé à l'envoyé de Gênes de conclure un traité entre les deux républiques, moyennant lequel Gênes s'engagerait à nous fournir et à entretenir deux ou trois mille hommes; ce qui serait extrêmement avantageux.
Je vous envoie la lettre que vient de m'écrire M. Priocca, avec la réponse que je lui ai faite. Je crains bien que, malgré tous nos ménagemens et tous nos soins pour maintenir dans ce pays la bonne harmonie, il n'y arrive d'un instant à l'autre de très-grands changemens: les finances sont le mal de ce pays, son papier-monnaie se discrédite tous les jours davantage. Ce qui me fâche dans tout cela, c'est que je crains que la situation actuelle du roi de Sardaigne ne le mette hors d'état de nous fournir son contingent.
Les étrangers ne peuvent plus croire à la stabilité de notre gouvernement, lorsqu'ils savent que tous les émigrés, que tous les prêtres rentrent, et lorsqu'ils voient dans l'esprit qui anime les hommes influens dans les conseils l'envie de perdre le gouvernement et la république.
Je conjecture que M. de Gallo commence à être disgracié à la cour de Vienne.
Du reste, tout va bien en Italie; le nouveau gouvernement de Milan commence peu à peu à s'organiser.
Venise, dans l'incertitude de son sort, est sans organisation et sans force.
Je vais autoriser la levée de deux ou trois bataillons dans les états de terre-ferme vénitienne, dont je me servirai, si les choses se montrent, pour la police de nos derrières.
Gênes va parfaitement bien: s'il y a quelque chose à craindre, c'est trop d'enthousiasme.
Toutes les personnes qui viennent de ce pays, assurent que, dans aucune époque de notre révolution, nous n'avons montré autant d'unanimité et d'enthousiasme.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 4 thermidor an 5 (22 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
J'ai vu avec la plus grande peine que les Autrichiens se soient renforcés sur l'Isonzo, et qu'ils aient placé des vedettes comme si nous étions en guerre.
Je vous prie d'écrire sur-le-champ au général ennemi qui vous est opposé, pour lui faire connaître voire surprise sur ce changement de manière d'être, et si, lorsque votre lettre arrivera, ce commandant ne fait pas rétablir les choses comme elles étaient, c'est-à-dire, six hommes à Cervignano, vous placerez une demi-brigade, deux escadrons de cavalerie et deux pièces d'artillerie légère à Roncano, que je crois être du territoire vénitien; mais si Roncano était un village autrichien, vous placeriez ces troupes dans un village vénitien, de manière que les troupes qui sont a Cervignano et sur toute la gauche de l'Isonzo, pussent être coupées au moment où elles feraient un mouvement, ou quelque chose qui fût contraire.
Vous ferez ramasser tous les bateaux que vous pourrez trouver, pour jeter un pont sur l'Isonzo, du côté de San-Pietro, de manière cependant que vous vous trouviez toujours sur le territoire vénitien. Vous ferez faire à ce pont deux bonnes têtes de pont; vous tiendrez des postes le plus près possible de Gradisca, en vous tenant cependant sur le territoire vénitien.
Vous me ferez connaître les travaux que l'ennemi ferait ou aurait fait faire au château de Goritzia, à la chiuza di Pluze; vous ferez reconnaître le chemin depuis la frontière vénitienne au-delà de Puffero jusqu'à Caporetto, et vous vous assurerez qu'ils n'ont fait aucune espèce de retranchement dans toute cette partie.
J'ai fait passer à la division du général Victor la cinquante-huitième demi-brigade, qui est forte de deux mille cinq cents hommes, et au moindre mouvement je vous ferai passer la division de cavalerie du général Dugua.
Assurez-vous que votre artillerie est bien approvisionnée et en état d'entrer en campagne.
Rendez-vous vous-même à Palma-Nova; visitez avec le plus grand soin les travaux de la place, les approvisionnemens d'infanterie; donnez ordre que l'on redouble d'ardeur aux travaux, et que l'on n'oublie rien pour rendre cette place respectable. Envoyez des espions dans la Carniole et dans la Carinthie, et instruisez-moi dans le plus grand détail des positions qu'occupe l'ennemi, de ses forces, et des points qu'il fait retrancher.
Le général Berthier écrira également au général Victor pour qu'il presse les travaux d'Ozopo; pour qu'il envoie des espions, afin de s'assurer si les ennemis ont fait des travaux à Clagenfurth, s'ils en ont fait à Tarvis, et enfin s'ils en ont fait aux différentes têtes de pont de la Dresse.
Vous donnerez l'ordre également au citoyen Andréossi pour qu'il envoie des officiers, afin de construire le pont sur l'Isonzo d'une manière solide, et qu'il puisse nous servir, quelque temps qu'il fasse.
Vous donnerez l'ordre au général Masséna et au général Miollis, pour que l'un et l'autre prennent des mesures pour raccommoder les chemins depuis Mantoue jusqu'à Padoue.
Vous donnerez les ordres pour qu'on recommence les travaux des places de Porto-Legnago et de Peschiera, et au commandant du génie pour continuer et redoubler avec la plus grande activité les travaux de celles d'Ozopo et de Palma-Nova.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 4 thermidor an 5 (22 juillet 1797).
À monsieur Damian Priocca, ministre de S.M. le roi de Sardaigne.
Je ne vois aucun inconvénient, monsieur, à ce que vous fassiez passer sur la ligne de démarcation les troupes que vous jugerez nécessaires pour maintenir le bon ordre et la tranquillité dans les états de S.M.
J'ai donné les ordres les plus positifs pour que nos garnisons des différentes villes qui sont dans nos mains ne se mêlent en aucune manière des affaires intérieures.
Ne doutez pas, monsieur, de la part que je prendrai toujours à ce qui pourra être agréable à S.M., et du désir que j'ai de faire quelque chose qui puisse contribuer à la tranquillité de ses états.
M. Borghèse m'a parlé du désir qu'avait S.M. de pouvoir faire quelques achats de blé dans les états occupés par les troupes françaises, je m'y prêterai avec plaisir.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 4 thermidor an 5 (22 juillet 1797).
Au général Clarke.
Je suis d'avis de répondre tout simplement à la note des plénipotentiaires de l'empereur, que la convention signée à Léoben, le 5 prairial, a tout prévu; que nous nous en rapportons entièrement à son contenu; que, après deux mois, il est singulier qu'on vienne remettre en discussion une question déjà décidée; qu'il est donc évident que l'on ne cherche que des prétextes pour traîner en longueur et gagner du temps.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 5 thermidor an 5 (23 juillet 1797).
Au général Clarke.
Je partais lorsque j'ai reçu votre courrier: Gallo et Baptiste n'étant plus à Udine, Meerveldt n'ayant aucun pouvoir, et leur note caractérisant à chaque ligne leur mauvaise foi, je ne vois aucune utilité dans mon voyage à Udine: tandis que le nouveau gouvernement de ce pays-ci, les affaires du Piémont, celles des Grisons, rendent ma présence à Milan plus utile.
Je vous fais passer copie de la lettre que j'écris au directoire exécutif.
Je pense que nous n'avons rien à répondre à une note qui n'a point de bon sens: la seule réponse serait de prévenir S. M. l'empereur que, si, le 18 août, les négociations ne sont point terminées, nous regarderons les préliminaires comme nuls; mais, dans la position actuelle de la république, je né pense pas que ni vous ni moi nous puissions faire cette opération.
J'ai ordonné de jeter un pont sur l'Isonzo, et de faire des têtes de pont; je fais marcher une légion cisalpine à Palma-Nova, et j'augmente de trois mille hommes la division du général Victor.
Si la république se trouvait dans une situation ordinaire, et que les négociations de Lille ne nous fissent pas une loi impérieuse de ne rien prendre sur nous, je vous avoue qu'à la réception de votre lettre j'eusse mis en marche toutes mes divisions, et que, sous quinze jours, j'eusse été sous Vienne; mais, dans les circonstances actuelles, c'est au gouvernement seul à prendre le parti que sa sagesse et la situation des choses peuvent lui prescrire.
Je désirerais que vous demandassiez un passe-port pour votre secrétaire de légation, et que vous le fissiez passer à Vienne: il pourrait être chargé d'une lettre pour M. de Gallo; il pourrait voir M. Thugut et revenir avec des renseignemens certains sur la situation des choses dans ce pays-là. Vous ne manqueriez pas de lui recommander de tenir note de tout ce qu'il verra en route, soit de troupes, soit de nouveaux ouvrages de campagne.
Je ferai partir mon aide-de-camp Marmont pour Vienne; il passera par le Tyrol, et, par ce moyen, il n'aura pas de passe-port de M. de Meerveldt. Le but de sa mission sera de connaître les espèces d'ouvrages que l'on fait à Vienne, la situation militaire des esprits, le véritable état de leurs troupes.
N'oubliez rien pour que M. de Meerveldt vous accorde le passe-port pour votre secrétaire.
Dès l'instant que quelque plénipotentiaire arrivera avec des pleins pouvoirs et une envie sincère de commencer les négociations, je me transporterai rapidement à Udine.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 5 thermidor an 5 (23 juillet 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, prévenir les généraux Masséna, Joubert et Augereau, que mon intention est qu'il soit levé un bataillon de cinq cents hommes dans chacun des arrondissemens de Padoue, Vicence et Verone; chaque bataillon sera commandé par un chef de bataillon et un adjudant-major français, un major du pays; la moitié des officiers, français, ainsi que le tiers des sous-officiers.
Ils seront habillés en vert, en pantalon et veste seulement; ils auront le collet, les paremens blancs; les officiers auront les épaulettes d'argent.
Ces corps seront habillés, équipés, formés, soldés par les différens gouvernemens centraux: ils porteront le nom de bataillon italien de Padoue, de Vicence, de Verone.
Ils seront divisés en cinq compagnies, dont une de grenadiers. Si les habitans ont des fusils, ils seront armés avec ces fusils, sans que je donne ordre au général Miollis que sur votre récépissé il soit délivré un nombre suffisant de fusils autrichiens, que les gouvernemens centraux feront alléger, comme l'ont fait les Lombards.
L'intention du général en chef est d'attacher ces bataillons à ses différentes divisions, pour servir aux différentes escortes, pouvoir les opposer aux paysans et avoir avec nous, en cas que nous allions en Allemagne, des otages qui nous assurent d'autant de la fidélité des pays vénitiens.
Vous recommanderez expressément à ces différens généraux de ne se mêler que secrètement de l'organisation et de la levée de ces bataillons, mais de laisser faire toutes les démarches publiques et ostensibles aux gouvernemens centraux.
Lesdits généraux de division autoriseront les gouvernemens centraux à faire quelques aliénations de biens nationaux, afin de pouvoir subvenir à l'organisation et à l'entretien desdits bataillons.
D'ici à huit jours, et lorsque ces trois bataillons seront en organisation, vous donnerez les mêmes ordres aux généraux Serrurier et Bernadotte; mais, comme les pays qu'ils occupent sont moins populeux et moins portés, à ce qu'il paraît, pour la liberté, il faut s'assurer que ces trois premiers bataillons prendront bien.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 8 thermidor an 5 (22 juillet 1797).
Aux inspecteurs du conservatoire de musique, à Paris.
J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 16 messidor, avec le mémoire qui y était joint. On s'occupe, dans ce moment-ci, dans les différentes villes d'Italie, à faire copier et mettre en état toute la musique que vous demandez.
Croyez, je vous prie, que je mettrai le plus grand soin à ce que vos intentions soient remplies et à enrichir le conservatoire de ce qui pourrait lui manquer.
De tous les beaux arts, la musique est celui qui a le plus d'influence sur les passions, celui que le législateur doit le plus encourager. Un morceau de musique morale, et fait de main de maître, touche immanquablement le sentiment, et a beaucoup plus d'influence qu'un bon ouvrage de morale, qui convainc la raison sans influer sur nos habitudes.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 8 thermidor an 5 (26 juillet 1797).
Au général Joubert.
Dans la position des négociations avec les Autrichiens, ce serait un très-mauvais effet de faire juger par un conseil militaire des gens accusés d'avoir eu quelques intelligences avec eux. Je préfère que vous fassiez passer à Mantoue les trois hommes que vous avez arrêtés, où le général Miollis les tiendra en arrestation jusqu'à nouvel ordre.
Quant aux sept communes, je ne suis point du tout content de ce que le général Belliard, après y avoir été, s'en est retourné aussi promptement: la raison des subsistances n'en peut pas être une: nous avons bien vécu sur le sommet des Alpes! On pouvait donc laisser dans ces villages, pendant quelques jours, des troupes pour les contenir et les plier.
Prenez toutes les mesures nécessaires pour faire désarmer toutes les sept communes; faites brûler les maisons des quatre principaux chefs, entre autres celle de ce prêtre dont vous me parlez; prenez vingt-cinq otages parmi ceux qui ont le plus de crédit, et faites-les conduire à Mantoue; mettez dans le gouvernement les patriotes qu'ils ont chassés.
Après que tout cela sera fait, exigez de l'évêque de Vicence qu'il envoie des missionnaires dans ce pays-là pour leur prêcher tranquillité, obéissance, sous peine de l'enfer. À cet effet, faites venir chez vous les missionnaires, en donnant à chacun quinze louis pour leurs frais de route, en disant qu'au retour vous leur en donnerez autant.
Faites en sorte qu'il ne reste des armes dans aucune ville du Vicentin, pas même à Vicence. Vous savez que, dans l'ordre général du désarmement, il avait été dit que vous enverriez toutes les armes à Porto-Legnago.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 9 thermidor an 5 (27 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Le général Augereau m'a demandé de se rendre à Paris, où ses affaires l'appellent. Je profite de cette occasion, pour vous faire passer la pétition originale de l'armée.
Je vous ferai connaître de vive voix le dévouement absolu des soldats d'Italie à la constitution de l'an 3 et au directoire exécutif.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 9 thermidor an 5 (27 juillet 1797).
À M. le cardinal légat de Bologne.
J'ai reçu dans le temps, monsieur le cardinal, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire. Je n'ai pas ajouté foi, un seul instant, aux bruits qui peuvent vous être désavantageux. Je connais trop bien le véritable esprit religieux qui vous anime, pour penser que vous employiez voire influence autrement que pour la tranquillité et l'ordre public. J'apprends avec beaucoup de peine, monsieur le cardinal, les chagrins domestiques qui troublent, dans ce moment-ci, votre repos: si je puis contribuer en quelque chose à votre tranquillité et à votre satisfaction, je vous prie de m'en faire part, et de croire aux sentimens d'estime et de considération, etc., etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 10 thermidor an 5 (27 juillet 1797).
Au général Clarke.
Il faudra, citoyen général, envoyer une note au duc de Bavière et aux autres princes qui doivent de l'argent aux armées du Rhin en conséquence de l'armistice, pour les requérir d'achever leur paiement.
Il faudra demander à chacun de ces princes qu'ils aient à verser, dans le délai de huit jours, une telle somme à Bâle, entre les mains du chargé d'affaires de France, de manière qu'il y ait deux millions payés le plus tôt possible.
Déclarer que, si lesdites sommes ne sont pas payées, les armées françaises rentreront dans les états desdits princes et seraient obligées de les traiter en ennemis irréconciliables, et qui ont déjà manqué à la foi des traités et aux engagemens les plus sacrés: ces notes devront être envoyées par des courriers extraordinaires à Munich et ailleurs.
BONAPARTE.
Note des citoyens plénipotentiaires de la république française.
Les plénipotentiaires de la république française ont reçu les cinq notes, datées du 18 juillet 1797, qui leur ont été adressées par leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi, d'après la remise de celle du même jour, relative à la tenue de deux congrès. Ils continuent à voir, avec douleur, que le cabinet de Vienne saisit tous les prétextes pour faire naître des obstacles, et s'opposer à la conclusion de la paix: ils ne peuvent se dissimuler que les apparences mêmes ne sont plus gardées. Le ton qui règne dans les notes remises aux plénipotentiaires français; les nombreuses protestations qu'elles contiennent; la nature extraordinaire des demandes qui y sont présentées; les diverses marches des troupes autrichiennes: tout, en un mot, annonce la guerre. La reprise des hostilités, de la part de l'Autriche, ne semble retardée par elle que pour gagner du temps, et se donner celui de fasciner les yeux de l'Europe par des protestations de désir de la paix, au moment où le cabinet de Vienne paraît être dans des intentions absolument contraires à ces protestations.
Comment croire à la sincérité de ce cabinet, puisque, lorsqu'il paraît insister si fortement sur l'exécution des préliminaires de Léoben, il la viole lui-même de la manière la plus évidente? En effet, quoiqu'on ait cherché à donner à ces préliminaires une interprétation que les plénipotentiaires français refusent d'admettre, et qui ne peut avoir d'autre but que d'éloigner encore davantage de la conclusion de la paix, il n'en est pas moins certain qu'on était convenu de conclure la paix définitive dans l'espace de trois mois, à dater de leur signature; et cet article principal des préliminaires, dont l'Europe entière désire l'exécution, se trouve manifestement violé.
Déjà près de quatre mois se sont écoulés depuis cette époque; il y en a trois que les soussignés ont fait connaître aux plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi les pleins pouvoirs qu'ils avaient reçus du directoire exécutif de la république française pour conclure et signer la paix définitive: tandis que le cabinet de Vienne, loin d'imiter cette conduite, s'est constamment attaché à ne faire porter les discussions entre les négociateurs respectifs, que sur les objets qui ne se liaient que par des rapports éloignés au but principal de la négociation.
L'article des préliminaires par lequel S. M. consentirait à une paix séparée ne se trouve-t-il pas encore violé par la manifestation consignée dans les notes de leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens, de l'envie de S. M. l'empereur et roi de ne traiter qu'en commun avec ses anciens alliés?
Mais ce qu'il est impossible de ne pas considérer comme une violation manifeste de l'article premier des préliminaires secrets, c'est la protestation remise par leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens contre l'indépendance de la Lombardie, puisque cet article porte textuellement:
«S. M. l'empereur renonce (et non pas renoncera) à la partie de ses états en Italie qui se trouve au-delà de la rive droite de l'Oglio et de la rive droite du Pô.»
S. M. l'empereur ne devait occuper le territoire vénitien qu'à la paix définitive, et cependant elle s'empare de la Dalmatie et de l'Istrie, c'est-à-dire des plus belles provinces de la république de Venise; elle en chasse les garnisons, y établit son gouvernement, et le cabinet de Vienne se plaint du changement de gouvernement de Venise!
S. M. l'empereur ne dissimule pas son impatience d'entrer en possession des états de cette république, elle les voudrait tous: elle n'en excepte ni les débouchés de l'Adige et de la Brenta, ni lu ville de Venise elle-même, et cependant le cabinet de Vienne se dit animé d'une grande sollicitude pour cette ancienne république!
L'armée française occupe, il est vrai, les états de Venise, comme elle le faisait avant les préliminaires; elle occupe de plus la ville de Venise; mais elle ne s'y tient que comme auxiliaire; ses troupes ne s'y mêlent en aucune manière d'affaires politiques, et si quelques agens subalternes de S. M. l'empereur ont été insultés, on ne doit sans doute l'attribuer qu'au ressentiment de la part des Vénitiens de la violence qu'a exercée l'armée impériale en entrant dans l'Istrie et la Dalmatie: les plénipotentiaires ne pouvaient qu'interposer leur médiation entre S. M. l'empereur et roi et la république de Venise; ils l'ont fait.
C'est cependant en conséquence des préliminaires, sur lesquels le cabinet de Vienne n'insiste que lorsqu'il les a expliqués d'une manière désastreuse pour la France, et quelquefois pour l'empereur lui-même, que cinq provinces autrichiennes ont été restituées à S. M., que le port intéressant de Trieste, et, avec lui, la faculté de reprendre son commerce, lui ont été rendus.
Quant au changement de gouvernement à Venise et à Gênes, la république française n'y a pris aucune part: elle ne s'en est mêlée qu'à la demande des peuples, et pour éloigner les excès qui s'attachent ordinairement au berceau des révolutions.
C'est donc aux gouvernemens de ces deux peuples que doivent s'adresser les plénipotentiaires de S. M. impériale, pour tout ce qui les concerne. Et comment les plénipotentiaires français ne seraient-ils pas frappés de l'insincérité apparente du cabinet de Vienne, lorsqu'il paraît affecté d'un changement arrivé à Venise, qui rend beaucoup plus facile l'exécution des préliminaires? Cette conduite ne semble-t-elle pas offrir une preuve d'un dessein formel du cabinet de Vienne de ne pas les exécuter?
Pour ce qui est de l'affaire du duc de Modène, elle ne regarde en aucune manière le gouvernement français: c'est une affaire de lui à ses peuples.
S. M. l'empereur, sur la seule promesse de conclure sa paix séparée, a obtenu la restitution de cinq provinces et l'éloignement de l'armée française de sa capitale: aujourd'hui, que cette paix n'est pas encore conclue, nonobstant le texte des préliminaires, le cabinet de Vienne veut avoir cinq ou six forteresses et une grande partie de l'Italie, et c'est en faisant également des promesses qu'il croit les obtenir! Mais, après avoir vu élever tant d'obstacles qu'il était facile d'écarter; après que les lenteurs extrêmes du cabinet de Vienne, et ses refus prolongés d'adopter une marche qui convient aux intérêts des deux puissances, ont si considérablement ajouté aux difficultés qui s'opposent à la paix, les soussignés se voient forcés de recueillir les voeux du cabinet de Vienne pour cette paix, plutôt dans des faits que dans des protestations qui, jusqu'ici, n'ont rien produit que d'illusoire, doivent à la république, qui les a honorés de sa confiance, de ne s'écarter aucunement, dans le dessein de faire quelque chose d'agréable à S. M. I., du strict sens des préliminaires, d'après lesquels S. M. ne doit entrer qu'à la paix définitive dans les états de Venise.
Si S. M. croit qu'il est de son intérêt d'occuper sur-le-champ ces états, qu'elle fasse la paix sans délai; mais si le cabinet de Vienne veut continuer à en empêcher la conclusion, l'intérêt de la république française exige que les pays de Venise et les forteresses soient entre les mains de son armée.
Quelque affligeant qu'il serait pour les plénipotentiaires français de voir des négociations entamées depuis si long-temps se terminer par la guerre, ils doivent à l'honneur de leur nation de demander si l'Autriche la veut, et d'annoncer que la république française est plutôt disposée à la faire, qu'à se laisser jouer par des subtilités ou des demandes à la fois défavorables aux deux puissances, et singulièrement éloignées de la bonne foi que les plénipotentiaires français n'ont cessé d'apporter dans tout le cours de la première négociation.
Mais, dans cette situation de choses, les soussignés espèrent que MM. les plénipotentiaires autrichiens emploieront tous leurs efforts pour faire adopter, par le cabinet de Vienne, une marche plus convenable aux intérêts mutuels, et un système qui rapproche immédiatement de la paix, que les soussignés ne cessent d'offrir de conclure.
Les plénipotentiaires français pourraient répondre par des contre-protestations aux notes qui leur ont été remises par leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens; ils pourraient retracer, dans des mémoires historiques, les efforts qu'ils n'ont cessé de faire pour arriver à la conclusion de la paix définitive; mais ils écartent ces moyens, parce que leur intention est d'éloigner tout ce qui pourrait troubler encore davantage l'harmonie, qu'il est si essentiel d'établir dans les négociations dont ils sont chargés. Ils savent parfaitement que la paix, qu'il est instant de conclure, doit, pour être solide et durable, être basée sur les intérêts mutuels; et l'ensemble des préliminaires de Léoben a dû témoigner à S. M. l'empereur et roi, que l'intention de la république française n'avait jamais été de priver la maison d'Autriche d'une puissance égale à celle qu'elle avait avant la guerre: les compensations qu'elle doit recevoir en offrent la preuve. Elle se trouve encore dans la marche que les négociateurs français n'ont cessé de suivre, et lorsqu'ils ont demandé quelques avantages pour la république française, ils en ont toujours proposé d'équivalens pour la maison d'Autriche. Si le cabinet de Vienne imitait cet exemple, les deux puissances verraient bientôt succéder aux désastres enfantés par la guerre le repos si ardemment désiré par les peuples: le directoire exécutif de la république française a toujours voulu que la paix fût également avantageuse et à l'Autriche et à la France, et surtout qu'elle éloignât toute possibilité d'une guerre future entre elles, tant en Italie qu'en Allemagne, en déterminant les frontières de telle manière qu'aucune des deux puissances ne fût, en temps de paix, dans une situation en quelque sorte offensive ou alarmante vis-à-vis de l'autre. Ne point se renfermer dans ce cercle raisonnable; faire dépendre la paix de quelques mille hommes de population de plus, qui n'ajoutent rien à la puissance d'un grand peuple, c'est oublier tous les maux dont gémit l'humanité souffrante, c'est demander une guerre qui ne peut avoir de but utile à aucune des deux nations.
En finissant, les soussignés ont l'honneur de prier MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi de ne pas se servir, lorsqu'ils parlent des gouvernemens démocratiques et des peuples, de termes qui seraient injurieux pour le gouvernement que les plénipotentiaires de la république française représentent.
Il n'est jamais arrivé aux soussignés, en parlant des ministres des rois et de leurs cours, de se servir d'aucune épithète qui pût leur être injurieuse.
Les citoyens plénipotentiaires de la république française demandent à leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi de vouloir bien agréer l'assurance réitérée de leur haute considération.
A Udine, le 10 thermidor an 5 de la république française, une et indivisible (28 juillet 1797).
BONAPARTE et CLARKE.
Note des citoyens plénipotentiaires de la république française.
Si les soussignés plénipotentiaires de la république française ont été surpris de voir les troupes de S. M. impériale et royale s'emparer, contre la teneur des préliminaires de Léoben, et avant la conclusion définitive, de l'Istrie et de la Dalmatie, ils ne peuvent dissimuler que leur étonnement a été extrême en apprenant que ces mêmes troupes ont pris possession de la république de Raguse; ils protestent fortement contre la destruction de ladite république, et espèrent que S. M. l'empereur, animée par les sentimens de justice qui la caractérisent, sentira combien il est impossible que les autres puissances, et particulièrement la république française et la Porte-Ottomane, voient avec indifférence l'occupation d'un état neutre et indépendant, qui n'est jamais intervenu en aucune façon dans la guerre actuelle, et ils ne doutent pas que leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens ne contribuent de tout leur pouvoir à faire donner par S. M. les ordres les plus prompts, pour que ses troupes se retirent du territoire de la république de Raguse.
Les soussignés réitèrent à leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. impériale et royale l'assurance de leur haute considération.
Udine, le 10 thermidor an 6 (28 juillet 1797).
BONAPARTE et H. CLARKE.
Note des généraux Bonaparte et Clarke.
Les citoyens plénipotentiaires de la république française ont pris en considération la note relative à la tenue de deux congrès, datée d'Udine le 18 juillet 1797, qui a été remise par leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. impériale et royale, et se sont rappelé les diverses demandes et allégations relatives à son contenu. Après s'être référés à leur note du 3 messidor, et particulièrement pour ce qui a rapport à la demande faite par leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens eux-mêmes, tant à Léoben qu'à Gratz, de traiter de la paix définitive et séparée de S. M. impériale et royale dans une ville d'Italie, les soussignés pensent que la convention signée à Montebello, le 5 prairial dernier, a tout prévu, et ils ont l'honneur de déclarer à leurs excellences MM. les plénipotentiaires autrichiens qu'ils s'en rapportent entièrement à son contenu.
Les soussignés sont d'autant plus portés à insister à cet égard, qu'ils ne peuvent voir sans surprise et sans éprouver un sentiment pénible, reproduire à l'époque actuelle une question déjà décidée depuis deux mois; et ils avouent, avec franchise, que cette conduite tend à les confirmer dans la persuasion que la cour de Vienne ne cherche que des prétextes pour traîner la négociation en longueur et gagner du temps.
Le meilleur moyen de prouver qu'on veut la paix, c'est de la conclure sur-le-champ, ainsi que les soussignés n'ont cessé de l'offrir et l'offrent encore, et sans sacrifier les intérêts des deux puissances à des considérations étrangères.
Les soussignés assurent leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. impériale de leur parfaite considération.
Udine, le 10 thermidor an 5 (28 juillet 1797).
BONAPARTE et CLARKE.
Au quartier-général à Milan, le 10 thermidor an 5 (28 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie, citoyens directeurs, la lettre que m'écrit le général Clarke: son secrétaire de légation est parti pour Vienne.
Toujours rien de nouveau sur les négociations; il est impossible de se moquer de nous avec aussi peu de prudence.
Il y a beaucoup de fermentation dans les états de Piémont, je ne sais pas trop comment cela finira; nous ne nous mêlons de rien.
Je fais jeter un pont sur l'Isonzo, j'en fais fortifier les deux têtes, et je prends toutes les mesures, afin de faire voir aux ennemis que nous ne craignons pas la guerre, et que nous sommes prêts à la recommencer.
Si la guerre recommence, il faudra faire en sorte que l'armée du Rhin-et-Moselle et celle de Sambre-et-Meuse n'en fassent qu'une, afin que l'ennemi se trouve entre l'armée d'Italie et celle-là.
L'armée du Rhin, qui a déjà six mille hommes de cavalerie, se trouverait, avec les douze mille de l'armée de Sambre-et-Meuse, en avoir dix-huit mille. L'infanterie de l'armée de Rhin, jointe à celle de Sambre-et-Meuse, ferait une armée immense. Si vous voulez me faire passer quatre nouvelles demi-brigades avec trois mille hommes de cavalerie, je vous promets d'être dans Vienne aux vendanges, de me réunir sur le Danube avec l'armée du Rhin et de faire boire du vin de Tockai aux paysans hongrois.
Nos troupes sont arrivées à Corfou, et y ont été reçues avec le plus grand plaisir. On se souvient encore en Albanie et en Grèce, de Sparte et d'Athènes. J'ai déjà quelques correspondances avec les principaux chefs du pays, et la Grèce pourrait peut-être renaître de ses cendres.
Les députés suisses sont venus me trouver, nous nous sommes quittés fort bons amis.
Conformément aux ordres que vous m'avez donnés, Bologne, Ferrare et la Romagne sont réunis à la république cisalpine. Mais j'ai pris le mezzo termine de ne pas m'en mêler. Je vous envoie l'arrêté du directoire exécutif de la république cisalpine.
Si les choses se rompent, nous pourrions conclure un traité d'alliance avec la république de Gênes, qui nous fournirait trois mille hommes d'infanterie, trois cents hommes de cavalerie et six pièces de canon attelées, ce qui est toujours un très-bon secours dans l'immense carrière que je puis avoir à parcourir.
Je vous envoie la lettre que je voulais écrire à l'empereur, et que je voulais envoyer par un de mes aides-de-camp.
Mais tout ce qui arrive à Paris m'a fait craindre que l'on ne s'amusât à gloser sur cette démarche.
Le brave général Desaix est venu voir l'armée d'Italie. Ce qu'il m'a dit de la situation de l'armée du Rhin n'est point du tout rassurant.
Quant à l'armée d'Italie, je vous assure qu'elle est digne de la république, et que, si les choses se rompent, les Autrichiens le paieront.
Le général Augereau est parti hier pour Paris, où il m'a demandé à aller pour des affaires particulières. Je profite de cette occasion pour vous envoyer les adresses des divisions de l'armée.
Ces braves soldats ne reposent leur confiance que dans le gouvernement.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 11 thermidor an 5 (29 juillet 1797).
Au général Clarke.
Je vous fais passer, citoyen général, deux notes que je crois essentielles et devoir être présentées à S. M. l'empereur: l'une, relative à Raguse, que l'armée autrichienne a occupée; l'autre, relative à l'argent qui est dû à l'armée du Rhin par les princes d'Allemagne.
Vous y trouverez également une note pour celles que je crois que nous devons présenter au duo de Bavière et aux autres princes qui doivent de l'argent aux armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse: si l'on pouvait sur-le-champ tirer un ou deux millions, ce serait un grand gain.
Hoche n'ayant pas l'âge, n'a pu être ministre de la guerre; on m'assure que c'est Schérer qui sera être nommé.
Il y a beaucoup de division entre le conseil des cinq-cents et le directoire.
Lenoir de la Roche, étant d'une santé faible, sera remplacé par un autre ministre de la police.
Il paraît que Hoche va s'embarquer pour l'Irlande.
J'imagine que vous avez un chiffre pour correspondre avec Perret: n'oubliez pas de lui dire de prendre tous les renseignemens possibles sur la situation militaire de l'empereur dans ce moment-ci, et sur la valeur de ses levées en Hongrie et ailleurs, ainsi que sur les fortifications qu'il pourrait avoir faites à Gratz, Clagenfurth, ainsi que sur les têtes de pont de la Drave et de la Save, et sur la route de Clagenfurth à Bruck.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 12 thermidor an 5 (30 juillet 1797).
Au chef des Mainottes.
Le consul de la république française à Trieste m'a instruit de l'attention qu'avait eue votre seigneurie de m'envoyer une députation pour me faire connaître le désir qu'elle avait de voir dans son port des bâtimens français, et d'être de quelque utilité aux braves soldats français de l'armée d'Italie.
Les Français estiment le petit, mais brave peuple Mainotte, qui, seul de l'ancienne Grèce, a su conserver sa liberté. Dans toutes les circonstances qui pourront se présenter, ils lui donneront toujours des marques de leur protection et prendront un soin particulier de favoriser ses bâtimens et tous ses citoyens.
Je prie votre seigneurie d'accueillir favorablement les porteurs de cette présente, qui ont le plus grand désir de voir de plus près les dignes descendans de Sparte, auxquels il n'a manqué, pour être aussi renommés que leurs ancêtres, que de se trouver sur un plus vaste théâtre.
La première fois que quelques-uns des parens de votre seigneurie auront occasion de venir en Italie, je la prie de vouloir bien me les adresser. J'aurai un vrai plaisir à leur donner des marques de l'estime que j'ai pour votre personne et pour vos compatriotes.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 14 thermidor an 5 (1er août 1797).
Au directoire exécutif.
Après quinze jours d'une navigation assez heureuse, la flotte qui était partie de Venise, composée de plusieurs vaisseaux de ligne et de quelques frégates, sous les ordres du capitaine Bourdet, ayant à bord quelques troupes de débarquement commandées par le général Gentili, a mouillé dans la rade de Corfou. Quatre bâtimens de guerre vénitiens, qui s'y trouvaient, ont augmenté notre escadre.
Le 10 messidor, nos troupes ont débarqué et pris possession des forts de Corfou, où elles ont trouvé six cents pièces de canon, la plus grande partie en bronze. Un peuple immense était sur le rivage pour accueillir nos troupes avec les cris d'allégresse et d'enthousiasme qui animent les peuples lorsqu'ils recouvrent leur liberté.
A la tête de tout ce peuple était le papas ou chef de la religion du pays, homme instruit et d'un âge avancé.
Il s'approcha du général Gentili et lui dit: «Français, vous allez trouver dans cette île un peuple ignorant dans les sciences et les arts qui illustrent les nations; mais ne le méprisez pas pour cela, il peut devenir encore ce qu'il a été. Apprenez, en lisant ce livre, à l'estimer».
Le général Gentili ouvrit avec curiosité le livre que lui présentait le papas, et il ne fut pas médiocrement surpris en voyant l'Odyssée d'Homère.
Les îles de Zante et de Céphalonie, de Saint-Maure ont le même désir et expriment les mêmes sentimens pour la liberté. L'arbre de la liberté est dans tous les villages; des municipalités gouvernent toutes les communes, et les peuples espèrent qu'avec la protection de la grande nation, ils recouvreront les sciences, les arts et le commerce qu'ils avaient perdus sous la tyrannie des olygarques.
L'île de Corcyre était, selon Homère, la patrie de la princesse Nausicaa. Le citoyen Arnaut, qui jouit d'une réputation méritée dans les belles-lettres, me mande qu'il va s'embarquer pour faire planter le drapeau tricolore sur les débris du palais d'Ulysse.
Le chef des Mainottes, peuple vrai descendant des Spartiates et qui occupe la péninsule où est situé le cap de Matapan, m'a envoyé un des principaux du pays pour me marquer le désir qu'il aurait de voir dans son port quelques vaisseaux français, et d'être utile en quelque chose au grand peuple.
Je lui ai répondu la lettre dont je vous envoie la copie.
Je n'ai pas encore de nouvelles de l'amiral Brueys.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 14 thermidor an 5. (1er août 1797).
Au général Joubert.
Il y a à Vicence, citoyen général, la veuve Brissac, fille du respectable Mancini-Nivernois: elle est hors de France depuis 1787. Je ne vois point d'inconvénient à ce que vous lui donniez un passe-port pour se rendre au quartier-général, comme je lui en ferai donner un pour se rendre en France; je vous prie même, si l'occasion s'en présentait naturellement, de lui faire des honnêtetés. Son père, que vous connaissez peut-être de réputation, est un littérateur célèbre.
L'adresse de votre division a été goûtée à Paris.
Hoche n'ayant pas l'âge, le général Schérer a été nommé ministre de la guerre.
On est toujours à Paris aussi agité: les messieurs sont divisés entre eux.
L'armée de Sambre-et-Meuse se prononce avec la plus grande vigueur.
Le général Desaix est ici depuis plusieurs jours: il m'assure que l'armée du Rhin partage les mêmes sentimens que l'armée d'Italie.
Le général Serrurier vient d'arriver; il est indigné du royalisme qui agite l'intérieur.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 16 thermidor an 5 (3 août 1797).
Note remise au ministre de Sa Sainteté.
Lors du traité de Tolentino, messieurs les plénipotentiaires de Sa Sainteté et les plénipotentiaires français entrevirent le moment où il serait possible de rapprocher le Saint-Siège de la France, et où le pape et le gouvernement français pourraient employer réciproquement leur prépondérance pour consolider la tranquillité intérieure des deux états et concourir à leur satisfaction commune.
Le moment actuel est l'instant propice pour commencer à mettre à exécution ce grand oeuvre, où la sagesse, la politique et la vraie religion doivent jouer un grand rôle.
Le gouvernement français vient de permettre de r'ouvrir les églises du culte catholique, apostolique et romain, et d'accorder à cette religion tolérance et protection.
Ou les prêtres profiteront de ce premier acte du gouvernement français dans le véritable esprit de l'Évangile, en concourant à la tranquillité publique et en prêchant les véritables maximes de charité, qui sont le fondement de la religion de l'Évangile: alors je ne mets plus en doute qu'ils n'obtiennent une protection plus spéciale, et que ce ne soit un heureux commencement vers le but tant désiré.
Ou si les prêtres se conduisent d'une manière tout opposée, ils seront de nouveau persécutés et chassés.
Le pape, comme chef des fidèles et centre commun de la foi, peut avoir une grande influence sur la conduite que tiendront les prêtres. Il pensera peut-être qu'il est digne de sa sagesse, de la plus sainte des religions, de faire une bulle ou mandement qui ordonne aux prêtres obéissance au gouvernement, et de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour consolider la constitution établie. Si cette bulle est conçue dans des termes précis et convenables au grand but qu'elle peut produire, elle sera un grand acheminement vers le bien et extrêmement avantageuse à la prospérité de la religion.
Après cette première opération, il serait utile de connaître les mesures qui pourraient être prises pour réconcilier les prêtres constitutionnels avec les prêtres non constitutionnels; enfin les mesures que pourrait proposer la cour de Rome pour lever tous les obstacles et pour ramener aux principes de religion la majorité du peuple français. Je prie M. le ministre de Sa Sainteté de vouloir bien communiquer ces idées au pape, et de me faire connaître le plus tôt possible sa réponse.
Le désir d'être utile à la religion est un des principaux motifs qui m'ont dicté la présente note.
La théologie simple et pure de l'Évangile; la sagesse, la politique et l'expérience du pape peuvent, si elles sont exclusivement écoutées, avoir des résultats heureux pour la chrétienté et la gloire personnelle de Sa Sainteté, qui connaît les sentimens particuliers d'affection que je lui ai voués.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 17 thermidor an 5 (4 août 1797).
Au contre-amiral Brueys.
Je crois essentiel, citoyen général, que vous vous rendiez le plus tôt possible à Venise, en laissant à Corfou le vaisseau vénitien que vous y prendrez à votre retour.
Vous trouverez à Venise des habillemens pour deux mille matelots et sept cents hommes d'infanterie, vos vivres pour deux mois, et 500,000 fr. pour payer vos matelots.
Pendant ce temps-là, vous donnerez une instruction à l'officier que vous laisserez à Corfou, pour qu'il complète les équipages des vaisseaux vénitiens, et qu'on les mette dans le meilleur état pour leur retour.
Votre présence à Venise vous mettra à même de prendre vos vivres et les hommes dont vous avez besoin pour armer les vaisseaux vénitiens.
Vous vous mettrez à même de pouvoir cacher pendant près de deux mois l'intention où nous sommes d'enlever tous les vaisseaux vénitiens, et pendant cet intervalle les cinq vaisseaux qui sont sur le chantier se trouveront à peu près terminés.
La présence de votre escadre à Venise ne fera qu'un bon effet aux négociations qui sont entamées dans ce moment-ci avec l'empereur, qui, devant être nécessairement terminées dans un mois, nous mettront à même de nous être extrêmement utiles dans les opérations de la campagne, si elle devait avoir lieu.
Avant de partir de Corfou, vous devez dire à tous les officiers, gouverneurs et agens vénitiens, que votre intention est de réunir les forces vénitiennes avec l'escadre française pour reconquérir la Dalmatie, et que vous vous rendez en conséquence à Venise pour y prendre des troupes.
Quand vous arriverez à Venise, vous y verrez le général Baraguay d'Hilliers: vous vous présenterez au gouvernement central de cette république, et, sans prononcer proprement le nom de Dalmatie, vous leur direz qu'il est important de réunir les forces navales françaises et vénitiennes, pour vous mettre à même de remplir une grande mission dont vous devez recevoir les dernières instructions de moi, et vous laisserez entrevoir que cette mission est l'expédition de la Dalmatie.
Lorsque vous serez arrivé à Venise, si mes occupations me le permettent, je m'y transporterai: nous aurons de toute manière l'occasion de nous y voir et d'y conférer sur nos opérations ultérieures.
Je vous prie de croire au désir que j'ai de renouveler votre connaissance, et de vous donner des preuves de l'estime et de la considération que je vous ai vouées.
P.S. On charge, à Venise, deux bâtimens d'objets de marine de toute espèce, vous pourrez les escorter en France avec votre escadre.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 thermidor an 5 (7 août 1797).
A son altesse royale le duc de Parme.
On cherche à donner des inquiétudes à V.A.R., on suppose des sujets de brouillerie entre elle et la république française.
Je me fais un devoir d'assurer V.A.R. que le directoire exécutif de la république française, n'ayant qu'à se louer de la conduite de V.A.R. pendant toute la guerre d'Italie, saisira toutes les occasions de témoigner à V.A.R. les sentimens qu'il doit à ses bons procédés: en mon particulier, ayant été le témoin de l'accueil et des bons soins que S.A.R. a toujours eus pour nos frères d'armes, je serai toujours flatté de pouvoir faire quelque chose qui lui soit agréable. A ce sentiment de reconnaissance doit se joindre un sentiment d'estime: j'ai vu les états de V.A.R., et je me suis dit qu'il faudrait que les princes de l'Europe apprissent en Toscane à conserver leurs trônes, en les fondant sur la modération et la félicité de leurs peuples.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 thermidor an 5 (7 août 1797).
Au général Clarke.
Dès l'instant, citoyen général, que j'aurai des nouvelles de l'arrivée de M. le marquis de Gallo et de M. de Degelmann, et qu'ayant pris connaissance de leurs pouvoirs, vous m'assurerez qu'ils ont la faculté nécessaire pour négocier, je me rendrai en toute diligence à Udine: je vous prie de m'envoyer par le courrier les notes de Perret sur la situation de Vienne et de l'armée impériale de Gratz et de Clagenfurth.
J'attends à chaque instant un courrier de Paris.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 22 thermidor an 5 (9 août 1797).
Au ministre des relations extérieures.
J'ai l'honneur de vous faire passer, citoyen ministre, copie d'une lettre que je reçois d'Udine, du général Clarke. Je me rendrai à Udine dès l'instant que je saurai l'arrivée de M. de Gallo avec ses pleins pouvoirs.
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 14 thermidor. J'attends à chaque instant que vous me fassiez connaître le parti que prendra le directoire, voulant la paix promptement; je ne doute pas qu'il ne soit nécessaire de faire quelques démarches qui en imposent à la cour de Vienne, sans quoi ils traîneront toujours en longueur, parce qu'ils attendent tout de leurs menées dans l'intérieur.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 22 thermidor an 5 (9 août 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous ai annoncé, après la bataille de Rivoli, vingt-un drapeaux, et je ne vous en ai envoyé que quinze ou seize.
Je vous envoie, par le général Bernadotte, les autres, qui avaient été laissés par mégarde à Peschiera.
Cet excellent général, qui a fait sa réputation sur la rive du Rhin, est aujourd'hui un des officiers les plus essentiels à la gloire de l'armée d'Italie. Il commande les trois divisions qui sont sur les frontières d'Allemagne, je vous prie de vouloir bien l'envoyer à l'armée d'Italie le plus tôt possible.
Je ne dois pas laisser passer cette occasion sans donner à sa brave division et aux troupes qui, l'année dernière, sont venues du Rhin et de Sambre-et-Meuse pour l'armée d'Italie, le tribut d'éloges que je dois à leurs services.
Dans toutes les occasions, elles ont culbuté ce qui était devant elles. Au passage du Tagliamento, comme à l'attaque de Gradisca, elles ont montré ce courage et ce zèle ardent pour la gloire nationale, qui distinguent les armées de la république.
Vous voyez dans le général Bernadotte un des amis les plus solides de la république, incapable, par principes comme par caractère, de capituler avec les ennemis de la liberté pas plus qu'avec l'honneur.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 22 thermidor an 5 (9 août 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien donner ordre que l'on fasse arrêter sur-le-champ le garde-magasin de vivres de Milan, le faire traduire en prison, et le faire juger par un conseil militaire, pour avoir donné, depuis huit jours, du pain détestable à la troupe et capable de faire tomber malades les soldats;
Comme convaincu, en outre, d'avoir fabriqué du pain blanc et d'en avoir donné à qui la loi n'en accorde pas, et d'avoir offert aux soldats une ration de pain blanc pour deux rations de pain ordinaire, lorsqu'il est évident qu'il ne fait fabriquer ce pain blanc qu'en faisant celui de la troupe de la plus mauvaise qualité.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 22 thermidor an 5 (9 août 1797).
Au chef de l'état-major.
Le général en chef arrête:
ART 1er. Le général de brigade Point est nommé inspecteur des hôpitaux entre la Brenta et le Mincio.
2. Le général Dessoles est nommé inspecteur des hôpitaux entre l'Isonzo et la Brenta.
3. Le général Vignolles est nommé inspecteur des hôpitaux entre le Tesin et le Mincio.
4. Ils se mettront sur-le-champ en route pour faire la tournée de tous les hôpitaux: ils auront soin de s'assurer du nombre des malades y existans, de la moralité des différens employés; de prendre note des plaintes qui pourront être portées par les malades: ils sont autorisés à faire arrêter sur-le-champ les employés contre lesquels il y aurait des plaintes; ils prendront note des approvisionnemens de la pharmacie et de ce qui est dû à chaque employé, soit pour sa solde, soit pour les différens abonnemens que les entrepreneurs auraient faits avec eux.
5. Ils auront soin d'ordonner aux commissaires des guerres chargés du service des hôpitaux et au contrôleur ambulant, que l'on ne fasse aucune évacuation, mais que l'on proportionne, dans chaque ville, le nombre des hôpitaux au nombre des malades.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 thermidor an 5 (11 août 1797).
Au général Berthier.
Vous voudrez bien ordonner au général Duphot, qui doit partir cette nuit pour Verone, de suspendre son départ, et, au lieu de cela, de partir, dans le plus court délai, pour se rendre à Gênes, organiser les troupes de cette république, en conséquence de la demande qui m'a été faite d'un général français par le gouvernement de Gênes: il s'adressera au citoyen Faypoult, et viendra chercher demain ici ses lettres de créance pour le gouvernement provisoire.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 24 thermidor an 5 (11 août 1797).
A l'administration centrale du département de Saône-et-Loire.
Je reçois, citoyens, votre lettre du 15 thermidor. Je vous remercie des soins que vous avez bien voulu avoir pour les blessés de l'armée d'Italie: vous en trouverez le prix dans votre satisfaction, et dans la reconnaissance de tous les défenseurs de la patrie. Je me suis empressé de faire mettre à l'ordre du jour de l'armée les obligations que nous nous trouvons avoir contractées envers vous.
Je vous prie de croire, citoyens administrateurs, aux sentimens d'estime que m'inspire votre conduite, et au désir que j'ai de pouvoir vous témoigner ma gratitude.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 23 thermidor an 5 (12 août 1797).
Au citoyen Faypoult.
L'ordonnance qui interdit l'entrée du territoire cisalpin aux Piémontais a eu véritablement pour but d'empêcher beaucoup d'individus de la cour de Turin qui craignaient la révolution, de venir à Milan. Il est cependant vrai que, nous étant maintenus en bonne harmonie avec la cour de Turin pendant tout le temps qu'a duré son mouvement, il est plus essentiel que nous continuions ainsi dans les circonstances présentes; mais le citoyen Miot se plaint déjà de ce que la cour de Turin abuse de sa victoire et se porte à des excès de toute espèce. La cour de Turin arme les paysans, quoique je lui eusse fait sentir combien cette mesure était dangereuse.
Plusieurs Français ont déjà été assassinés, à ce qu'on assure, du côté d'Alexandrie. Je crois donc que, jusqu'à ce qu'on voie le parti que prendra la cour, il ne faut rien faire qui puisse nous ôter les moyens de la tenir en respect; et d'ailleurs il serait contre le droit des gens et contre nos principes de refuser de donner refuge à des hommes persécutés.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 thermidor an 5 (12 août 1797).
Au citoyen Miot.
On ne peut voir qu'avec horreur, citoyen ministre, les excès auxquels se porte la cour de Turin: quoique je lui aie fait dire par M. Bossi que je m'opposerais à l'armement des paysans, elle arme de tous côtés, et déjà les assassinats commencent.
Je vous prie donc de présenter sur-le-champ une note, pour qu'elle ait à désarmer sans délai les paysans, et à ramener la tranquillité dans ses états.
Les paysans qu'elle a armés en masse du côté d'Alexandrie ont déjà assassiné plusieurs Français: vous voyez combien il est urgent de faire finir cela le plus tôt possible.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 thermidor an 5 (16 août 1797).
Au directoire exécutif.
L'empereur paraît diriger toutes ses forces vers l'Italie: les nombreuses recrues qu'il fait, jointes aux prisonniers qu'on lui a rendus et qu'il a le temps d'exercer, le mettront dans le cas de m'opposer une armée formidable. Peut-être jugerez vous essentiel de faire passer à l'armée d'Italie une augmentation de cavalerie, quelques compagnies d'artillerie et quelques demi-brigades d'infanterie.
Vous jugerez également nécessaire d'ordonner au général Kellermann de renvoyer de l'armée des Alpes tous les détachemens qu'il a des demi-brigades appartenant à l'armée d'Italie.
J'ai envoyé à la citadelle de Corfou les deux premiers bataillons de la soixante-dix-neuvième, je désirerais que vous donnassiez l'ordre au général Sabuguet de nous faire passer le troisième, qui se trouve à Avignon, et que je ferai également partir pour Corfou.
Les îles de Corfou, de Zante et de Céphalonie sont plus intéressantes pour nous que toute l'Italie ensemble.
Je crois que si nous étions obligés d'opter, il vaudrait mieux restituer l'Italie à l'empereur, et garder les quatre îles, qui sont une source de richesses et de prospérité pour notre commerce. L'empire des Turcs s'écroule tous les jours.
La possession de ces îles nous mettra à même de le soutenir autant que cela sera possible, ou d'en prendre notre part.
Les temps ne sont pas éloignés où nous sentirons que, pour détruire véritablement l'Angleterre, il faut nous emparer de l'Égypte. Le vaste empire ottoman, qui périt tous les jours, nous met dans l'obligation de penser de bonne heure à prendre des moyens pour conserver notre commerce du Levant.
Les citadelles de Corfou, de Zante et de Céphalonie sont en très-bon état, pourvues d'une nombreuse artillerie: je fais réparer les affûts et je viens d'y envoyer des vivres et des munitions pour un an. Je désirerais donc avoir le troisième bataillon de la soixante-dix-neuvième demi-brigade, que j'y ferais passer. Je vais y envoyer deux mille Cisalpins.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 thermidor an 5 (16 août 1797).
Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie.
Voulant donner, au nom de la république française, à la Sublime-Porte une marque de son estime et de son amitié, ordonne:
ART 1er. Aux généraux commandant les différentes places de commerce occupées par les Français en Italie, d'accorder une protection spéciale aux sujets ottomans, grecs, et surtout aux Albanais.
2. Tout sujet ottoman sera maître de se loger où il lui plaira, sans que l'on puisse les astreindre à demeurer tous dans une même maison, et à rentrer à une heure fixe.
3. Les bâtimens de la république accorderont protection et secours aux bâtimens portant pavillon ottoman, et spécialement aux Grecs et aux Albanais.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 thermidor an 5 (16 août 1797).
Au pacha de Scutari.
J'ai lu avec le plus grand plaisir les choses flatteuses contenues dans la lettre de votre seigneurie.
La république française est l'amie vraie de la Sublime-Porte; elle estime plus particulièrement la brave nation albanaise qui est sous vos ordres.
J'ai entendu avec douleur le malheur arrivé à votre illustre frère: cet intrépide guerrier méritait un sort digne de son courage; mais il est mort de la mort des braves.
J'envoie à votre seigneurie l'ordre que j'ai donné pour que désormais le pavillon ottoman puisse voyager sans inquiétude dans l'Adriatique. Non seulement les Turcs seront traités comme les autres nations, mais même avec une espèce de partialité. J'ai détruit l'usage barbare des..... Dans toutes les occasions, je protégerai les Albanais, et je me ferai un plaisir de donner à votre seigneurie une marque de mon estime et de la haute considération que j'ai pour elle.
Je prie votre seigneurie de recevoir comme une marque de mon amitié les quatre caisses de fusils que je lui envoie.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 3 fructidor an 5 (20 août 1797).
Au citoyen Grogniard, ordonnateur de la marine, à Toulon.
J'ai reçu, citoyen, votre lettre du 13 thermidor, avec celle qui y était jointe.
Pitt n'aurait pas pu se conduire d'une manière plus contraire à notre marine, que viennent de le faire, à l'égard de la marine de Toulon, les commissaires de la trésorerie.
La solde des marins du département de Toulon était arriérée depuis trois mois; ils refusaient, en conséquence, de s'enrôler, et empêchaient par-là le contre-amiral Brueys de partir.
La même raison vous empêchait de m'envoyer des officiers marins et des matelots pour l'armement des vaisseaux vénitiens.
Je vous envoie un million provenant des contributions de l'armée d'Italie, afin de vous mettre à même de subvenir à ces dépenses urgentes, et de remplir le premier devoir qui est imposé par la loi à la trésorerie: et ses commissaires ont l'impudence de vous ôter ce million! et vous avez la faiblesse d'y consentir!
Je ne suis pas votre juge; mais si vous étiez sous mes ordres, je vous mettrais aux arrêts pour avoir obtempéré à une réquisition ridicule et avoir laissé partir ce million pour Paris, lorsque la trésorerie ne remplit pas son devoir le plus sacré, qui est la solde de vos marins: peut-être que les commissaires ne se doutaient pas combien ils entravaient la marche de nos opérations, et combien ils faisaient de tort aux armes de la république, en vous ôtant ce million dans ce moment-ci.
La trésorerie, me dites-vous, donne l'ordre au payeur de l'armée d'Italie de fournir un autre million à Toulon; les commissaires savent cependant mieux que personne que l'argent que la caisse de l'armée d'Italie a fourni, joint aux dépenses immenses d'une armée aussi nombreuse, nous mettent désormais dans l'impossibilité de subvenir aux besoins d'autres services que celui de l'armée.
L'amiral Brueys me mande de Corfou qu'il arrive à Venise, et qu'il est arriéré de quatre mois de solde: c'est encore un surcroît de dépense très-considérable pour la caisse de l'armée; mais nous chercherons à y subvenir en tout ou en partie. Le soldat de l'armée d'Italie se fera toujours un plaisir de partager son pain avec les braves marins.
Croyez, je vous prie, aux sentimens, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 4 fructidor an 5 (21 août 1797).
Au général Clarke.
Je pars demain, citoyen général, pour me rendre à la campagne près de Godroïpo: si l'intention des plénipotentiaires est de se loger à la campagne, je dirai au général Victor de se donner les sollicitudes nécessaires pour trouver aux environs un logement convenable. S'ils préfèrent rester à Udine, on pourra tenir alors nos conférences alternativement à Udine et à la campagne.
La paix avec le Portugal est signée. Je vous prie de me renvoyer le courrier par Trévise, Padoue, Vicence et Verone, afin que je sois instruit si le troisième plénipotentiaire est arrivé; car, comme j'ai beaucoup à faire dans mes divisions, je ne voudrais pas arriver avant M. Degelmann; je trouverais fort désagréable de rester cinq ou six jours à la campagne sans rien faire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 5 fructidor an 5 (23 août 1797).
Au directoire exécutif.
Je n'ai que six mille hommes de grosse cavalerie, le général Kellermann en a trois cents à Lyon qui y sont très-inutiles, et cela me compléterait tout le cinquième régiment de cavalerie; il est indispensable que vous me l'envoyiez à l'armée.
Le neuvième de dragons a aussi 300 hommes à Lyon, et le dix-huitième de dragons, 409 hommes à Marseille et à Bordeaux.
Il serait bien utile que vous donnassiez les ordres pour que ces détachemens rentrassent. L'armée d'Italie est très-faible en cavalerie. L'arrivée, d'ailleurs, de ces détachemens fera un très-bon effet dans l'esprit de l'empereur, qui a redoublé d'activité pour armer et se mettre en défense.
Si la campagne s'ouvre, il me faudrait un peu de cavalerie.
BONAPARTE.