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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.

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Au quartier-général de Cherasco, le 10 floréal an 4 (29 avril 1796).

Au citoyen Carnot.

La suspension d'armes conclue entre le roi de Sardaigne et nous me permet de communiquer par Turin, c'est-à-dire d'épargner la moitié de la route: je pourrais donc recevoir vos ordres et connaître vos intentions pour la direction à donner à l'armée.

Je suis maître de Coni, de Ceva, de Tortone; je vais passer le Pô et entrer dans le Milanais: en passant, je compte rançonner le duc de Parme, et lui faire payer cher son entêtement.

Mon projet serait d'atteindre les Autrichiens, et de les battre avant votre réponse, afin de me trouver à même de marcher sur Turin, sur Naples, ou sur l'Autriche en passant par le Tyrol.

Si le roi de Sardaigne se doutait, avant que je ne le sache, que vous ne voulussiez pas faire la paix, il me jouerait un mauvais tour. Si vous ne voulez pas la paix avec la Sardaigne, faites en sorte que ce soit moi qui le lui apprenne, afin que je sois maître de prendre mon temps, et que ses plénipotentiaires à Paris ne s'en doutent pas.

Si vous faites la paix avec le roi de Sardaigne, ordonnez ce que l'on doit faire vis-à-vis de Gênes, de Parme et de Rome.

Beaulieu a encore avec lui vingt-six mille hommes bien équipés; il avait trente-huit mille hommes au commencement de la campagne. Je marche avec vingt-huit mille hommes; il a quatre mille hommes de cavalerie, je n'en ai que trois mille six cents, et en mauvais état.

La cour de Turin et celle de Vienne s'attendaient à des succès sûrs, cette campagne: les armées combinées étaient de soixante-quinze mille hommes, je les ai battues avec trente-cinq mille hommes; j'ai besoin de secours, l'armée des Alpes peut me fournir quinze mille hommes.

Le général Châteauneuf-Randon devait me rendre les trois mille hommes qu'il a retenus à Nîmes, destinés pour ici; avec ce renfort l'Italie est à vous, et je puis en même temps marcher sur Naples et Mantoue, surtout si je parviens à battre les ennemis avant peu.

Il vient d'arriver un officier du génie, je vous prie de m'envoyer de l'artillerie légère.

Je désirerais avoir le général Baraguay-d'Hilliers, pour servir dans son grade dans l'armée; il me l'a demandé lui-même.

BONAPARTE.



Au quartier-général d'Acqui, le 12 floréal an 4 (1er mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Mon cher ministre, en vertu de la suspension d'armes que j'ai faite avec le roi de Sardaigne, nos troupes sont entrées dans Coni et dans Ceva, elles entrent demain dans Tortone. Nous avons trouvé à Coni, outre les munitions de ville, tous les magasins de l'armée sarde.

Beaulieu passe le Pô, et va chercher au fond de la Lombardie refuge contre l'armée française; il disait au roi de Sardaigne qu'il voulait ne se débotter qu'à Lyon, il n'en prend pas le chemin.

Il n'y a pas en Piémont la première idée d'une révolution, et la France ne voudrait pas, je pense, en faire une à ses Frais.

BONAPARTE.



Au quartier-général d'Acqui, le 12 floréal an 4 (1er mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Nous sommes arrivés à Acqui depuis hier; Beaulieu fuit si vite que nous ne pouvons l'attraper.

Demain Laharpe sera dans Tortone, où je désire beaucoup avoir une conférence avec vous sur des objets essentiels.

Envoyez-moi une note géographique, historique, politique et topographique sur les fiefs impériaux qui avoisinent Gênes, afin que j'en tire tout le parti possible.

Envoyez-moi une note sur les ducs de Parme, de Plaisance et de Modène, les forces qu'ils ont sur pied, les places fortes qu'ils ont, et en quoi consiste la richesse de ces pays-là; surtout envoyez-moi une note des tableaux, statues, cabinets et curiosités qui se trouvent à Milan, Parme, Plaisance, Modène et Bologne. Lorsque nous fîmes la paix avec l'Espagne, le duc de Parme devait y concourir: pourquoi ne le fit-il pas?

Faites partir de suite six mille souliers pour Tortone.

Quant au citoyen Giacomoni, laissons-le, couvert d'opprobre et d'ignominie, voguer où il voudra. J'ai instruit le gouvernement de sa conduite, afin qu'il ne soit plus admis à servir avec les Français.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Bosco, le 13 floréal an 4 (2 mai 1796).

Au général en chef de l'armée piémontaise.

J'apprends, monsieur, que les Napolitains se sont emparés de Valence: l'intérêt du roi, celui de la république, sont également d'accord et exigent que vous chassiez promptement ces troupes de Valence.

Le courage qui anime votre année, que j'ai été à même d'apprécier, ne me laisse pas de doute que vous ne réoccupiez promptement Valence; vous savez d'ailleurs que c'est une des clauses de la suspension que nous avons conclue.

Si vous êtes dans le cas d'en avoir besoin, je vous offre le secours d'une division de l'armée que je commande.

Le général-chef de l'état-major aura l'honneur de vous faire passer demain l'état des prisonniers piémontais que nous avons faits depuis que nous sommes en campagne.

Je m'empresserai de vous faire passer le plus tôt possible ceux que vous désirez avoir de préférence.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Bosco, le 14 floréal an 4 (3 mai 1796).

Au chevalier Solar, gouverneur d'Alexandrie.

J'ai reçu, monsieur, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire; je vous suis très-obligé des renseignemens que vous avez eu la complaisance de me donner. Je vous fais mon compliment sur l'évacuation de votre territoire par l'armée autrichienne. Je désire sincèrement pouvoir bientôt vous apprendre qu'ils ont également évacué les états de Sa Majesté au-delà du Pô. Incessamment une division de l'armée va se présenter a Valence pour y passer le Pô; je vous prie de me faire procurer les bateaux qui sont nécessaires; vous sentez qu'il est de l'intérêt du roi que les Autrichiens fassent un court séjour sur votre territoire.

J'aurai besoin aussi de quelques entrepreneurs pour nous procurer des moyens de charrois. Je vous prie d'autoriser les différens sujets du roi à passer des marchés avec l'armée.

Je suis, monsieur, avec estime, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Tortone, le l5 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du Piémont.

Sous peu de jours, monsieur, je serai maître des états du roi au-delà du Pô, si le sort des armes continue d'être favorable à l'armée que je commande. J'obligerai M. Beaulieu à évacuer ces pays, qui seront conquis sur l'armée autrichienne et qui appartiendront de droit à la république. Cependant, je sens combien il est dur pour le roi de voir presque tous ses états envahis par nos troupes. Je vous propose en conséquence de réunir une division de six mille hommes d'infanterie et quinze cents chevaux à l'armée que je commande, pour m'aider à chasser les Autrichiens; je les mettrai en garnison dans les états du roi au-delà du Pô.

Cela est si urgent, monsieur, qu'il serait nécessaire que j'eusse la réponse le plus tôt possible. L'envie que j'ai de concilier les intérêts du roi avec ceux de la république et de l'armée me porte, monsieur, à vous faire ces ouvertures, que vous jugerez sans doute très-raisonnables.

Je suis avec considération, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Tortone, le 15 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Les troupes de la république ont occupé ce matin le fort de Tortone: en conséquence, à dater d'aujourd'hui, il y a suspension d'armes entre les deux armées; je le mets à l'ordre, et j'espère que vous trouverez les officiers français disposés à vous donner les preuves de l'estime qu'ils ont pour votre armée.

Je donne des ordres pour que vous occupiez les villes de Fossano et de Bra.

J'adapterai à la ligne de démarcation tous les changemens que vous croirez nécessaires, en suivant cependant l'esprit de la suspension que nous avons conclue.

J'ai ordonné que l'on fasse venir quatre cents prisonniers pour échange des quatre cents que vous avez eu la bonté de faire passer à Cherasco.

Le chef de l'état-major vous fait passer l'état des officiers de votre armée que le sort des armes a rendus prisonniers. Je m'empresse de vous faire passer ceux à qui vous vous intéressez.

Je suis avec la considération la plus distinguée.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Tortone, le 15 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au, général en chef de l'armée piémontaise.

Le marquis de Saint-Marsan, que j'ai eu l'honneur de voir ce matin, m'a fait part, monsieur, des inquiétudes et des plaintes que vous avez contre différens habitans d'Albe: je vais m'en faire rendre compte, et je vous instruirai de ce que j'aurai fait.

Je dois, à cette occasion, vous remercier de m'avoir fait connaître M. de Saint-Marsan; il joint à des talens distingués un air prévenant qui lui captive l'estime de ceux qui ont affaire à lui.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Tortone, le 16 floréal an 4 (5 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du Piémont.

Monsieur le marquis de Saint-Marsan, que j'ai eu l'honneur de voir hier, monsieur, vous aura remis plusieurs lettres par lesquelles vous aurez vu que tout ce que vous désirez relativement à plusieurs objets concernant la suspension d'armes a été exécuté. J'ai ordonné que l'on donne des sauvegardes à tous ceux qui pourraient en avoir besoin. J'autorise les différens généraux à donner des passe-ports aux officiers de votre armée qui désireraient se rendre dans le pays occupé par l'armée. Je me trouverai trop heureux, dans toutes les circonstances, de pouvoir vous donner des marques de l'estime et de la considération distinguées avec lesquelles je suis, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Tortone, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

En conséquence de la suspension d'armes que le roi à conclue avec les deux armées des Alpes et d'Italie, et des probabilités de paix dont j'ai de nouvelles assurances, je fais filer de l'armée des Alpes dix-sept mille hommes à l'armée d'Italie, Neuf mille passeront par le col d'Argentières et se rendront à Coni, où ils passeront derrière la Stura pour venir me rejoindre. Huit mille passeront le Saint-Bernard par la vallée d'Aoste, et viendront passer le Tanaro à Alexandrie, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Bonaparte, général en chef, au directoire exécutif.

L'armée d'Italie a pris hier possession de Tortone, où nous avons trouvé une très-belle forteresse, qui a coûté plus de quinze millions au roi de Sardaigne. Je vous ai annoncé, par mon aide-de-camp Murat, que nous avions occupé Coni et Ceva, que nous avons trouvées dans un état de défense respectable et approvisionnées de tout. Le lendemain de la signature de la suspension d'armes, le général Laharpe marcha avec sa division par la route de Bossogno à Acqui, le général Augereau par Stefano, et le général Masséna par Nizza de la Paglia. Beaulieu évacua ce pays et se réfugia dans Valence, où il passa le Pô avec toute son armée. Le général Masséna est arrivé, avec toute sa division, à Alexandrie, assez à temps pour s'emparer des magasins, que les Autrichiens, ne pouvant les emporter, avaient vendus à la ville. Le 13, l'armée allemande a repassé le Pô, a coupé les bateaux, et a brûlé ceux qu'elle a trouvés sur le rivage.

Les Napolitains, qui ordinairement ne sont pas entreprenans, se sont emparés de Valence.

N.B. Cette lettre n'a point été achevée.



Au grand quartier-général à San-Giovani, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Du même au gouverneur du duché de Parme, à Plaisance.

Ayant à conférer avec vous, monsieur, sur des objets de la plus grande importance, vous voudrez bien vous rendre de suite à Castel-San-Giovani. Il serait nécessaire que vous fussiez rendu ici avant deux heures après minuit, devant monter à cheval a cette heure-là.

BONAPARTE.



Au grand quartier-général à Plaisance, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Du même au ministre d'Espagne à Parme.

J'ai reçu, monsieur, votre lettre. Comme il n'est pas dans mon coeur, ni dans l'intention du peuple français, de faire mal sans but et de nuire en rien aux peuples, je consens à suspendre toute hostilité contre le duc de Parme et la marche de mes troupes sur Parme; mais il faut que, dans la nuit, le duc envoie des plénipotentiaires pour conclure la suspension.

Je fais marcher quelques régimens de cavalerie, avec une brigade, à trois lieues de Plaisance: cela ne doit donner aucune inquiétude au duc de Parme, dès l'instant qu'il accepte les conditions dont nous sommes convenus. Je suis charmé que cette occasion me mette à même de vous prouver les sentimens d'estime et de considération avec lesquels, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Plaisance, le 20 floréal an 4 (9 mai 1796).

Du même au citoyen Carnot.

Nous avons enfin passé le Pô. La seconde campagne est commencée, Beaulieu est déconcerté; il calcule assez mal, et il donne constamment dans les pièges qu'on lui tend: peut-être voudra-t-il donner une bataille, car cet homme-là a l'audace de la fureur et non celle du génie; mais les six mille hommes que l'on a obligés hier de passer l'Adda, et qui ont été défaits, l'affaiblissent beaucoup; encore une victoire, et nous sommes maîtres de l'Italie. J'ai accordé une suspension d'armes au duc de Parme; le duc de Modène m'envoie des plénipotentiaires. Si nous avions un ordonnateur habile, nous serions aussi bien qu'il est possible de l'imaginer. Nous allons faire établir des magasins considérables de blé, des parcs de six cents boeufs sur le derrière. Dès l'instant que nous arrêterons nos mouvemens, nous ferons habiller l'armée a neuf; elle est toujours à faire peur, mais tout engraisse; le soldat ne mange que du pain de Gonesse, bonne viande et en quantité, bon vin, etc. La discipline se rétablit tous les jours; mais il faut souvent fusiller, car il est des hommes intraitables qui ne peuvent se commander.

Ce que nous avons pris a l'ennemi est incalculable. Nous avons des effets d'hôpitaux pour quinze mille malades, plusieurs magasins de blé, farine, etc. Plus vous m'enverrez d'hommes, plus je les nourrirai facilement.

Je vous fais passer vingt tableaux des premiers maîtres, du Corrége et de Michel-Ange.

Je vous dois des remercîmens particuliers pour les attentions que vous voulez bien avoir pour ma femme, je vous la recommande; elle est patriote sincère, et je l'aime à la folie.

J'espère que les choses vont bien, pouvant vous envoyer une douzaine de millions à Paris; cela ne vous fera pas de mal pour l'armée du Rhin.

Envoyez-moi quatre mille cavaliers démontés, je chercherai ici à les remonter.

Je ne vous cache pas que, depuis la mort de Stengel, je n'ai plus un officier supérieur de cavalerie qui se batte. Je désirerais que vous me pussiez envoyer deux ou trois adjudans-généraux sortant de la cavalerie, qui aient du feu, et une ferme résolution de ne jamais faire de savantes retraites.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Plaisance, le 20 floréal an 4 (9 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyen président, le brave Stengel est mort de la suite de ses blessures. J'ai envoyé à sa famille la lettre que vous lui aviez adressée. Vous recevrez incessamment les articles de la suspension d'armes que j'ai accordée au duc de Parme. Je vous enverrai le plus tôt possible les plus beaux tableaux du Corrége, entre autres un Saint Jérôme, que l'on dit être son chef-d'oeuvre, J'avoue que ce saint prend un mauvais temps pour arriver à Paris: j'espère que vous lui accorderez les honneurs du Muséum. Je vous réitère la demande de quelques artistes connus, qui se chargeront du choix et des détails de transport des choses rares que nous jugerons devoir envoyer à Paris.

Tous les arrangemens sont pris pour les renforts qui doivent venir de l'armée des Alpes; il n'y aura aucune difficulté pour les passages.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 22 floréal an 4 (11 mai 1796).

Au citoyen Carnot.

La bataille de Lodi, mon cher directeur, donne à la république toute la Lombardie. Les ennemis ont laissé deux mille hommes dans le château de Milan, que je vais nécessairement investir. Vous pouvez compter dans vos calculs comme si j'étais à Milan; je n'y vais pas demain, parce que je veux poursuivre Beaulieu et chercher à profiter de son délire pour le battre encore une fois.

Bientôt il est possible que j'attaque Mantoue. Si j'enlève cette place, rien ne m'arrête plus pour pénétrer dans la Bavière: dans deux décades je puis être dans le coeur de l'Allemagne. Ne pourriez-vous pas combiner mes mouvemens avec l'opération de ces deux armées? Je m'imagine qu'à l'heure qu'il est, on se bat sur le Rhin; si l'armistice continuait, l'armée d'Italie serait écrasée. Si les deux armées du Rhin entrent en campagne, je vous prie de me faire part de leur position et ce que vous espérez qu'elles puissent faire, afin que cela puisse me servir de règle pour entrer dans le Tyrol, ou me borner a l'Adige. Il serait digne de la république d'aller signer le traité de paix, les trois armées réunies, dans le coeur de la Bavière, ou de l'Autriche étonnée. Quant à moi, s'il entre dans vos projets que les deux armées du Rhin fassent des mouvemens en avant, je franchirai le Tyrol avant que l'empereur ne s'en soit sérieusement douté. S'il était possible d'avoir un bon commissaire ordonnateur? celui qui est ici serait bon en second, mais il n'a pas assez de feu et de tête pour être en chef.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 24 floréal an 4 (13 mai 1796).

A M. Ferdinandi, ministre des affaires étrangères du duc de Parme.

J'ai reçu, monsieur, la ratification de la suspension d'armes que vous avez acceptée de la part du duc de Parme. Je vous envoie le général Cervoni, afin que vous puissiez régler avec lui tous les détails de l'exécution de ladite suspension. Vous lui ferez remettre, dans la journée de demain, les 500.000 fr. qui, aux termes de la suspension, doivent être payés dans les cinq jours; il recevra également les chevaux, et il prendra les mesures nécessaires pour l'exécution de ladite suspension. Je suis charmé, monsieur, que cette circonstance me mette à même de vous exprimer la considération, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 24 floréal an 4 (13 mai 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre de la république, à Gênes.

Je vous suis très obligé des gravures que vous m'avez envoyées, et qui feront le plus grand plaisir à l'armée. Je vous prie d'envoyer, de ma part, vingt-cinq louis au jeune homme qui les a faites; engagez-le à faire graver le passage étonnant du pont de Lodi. Puisque le fief de Montogio n'est point fief impérial, il n'est pas compris dans l'ordre que j'ai donné pour l'imposition desdits fiefs.

Nous avons pris hier la ville de Pizzigithone, nous avons fait trois cents prisonniers et pris trois pièces de canon. Beaulieu se sauve à toutes jambes; Crémone est à la république.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Après le combat de Fiombio, nous poursuivîmes l'ennemi jusqu'à Pizzigithone, mais nous ne pûmes passer l'Adda. Après la bataille de Lodi, Beaulieu se retira par Pizzigithone; nous nous y rendîmes le 22; mais il s'était déjà retiré au-delà de Crémone. Nous avons aussitôt investi et attaqué la ville de Pizzigithone, qui, après une vive canonnade, a été obligée de nous ouvrir ses portes; nous y avons fait trois cents prisonniers et pris cinq pièces de canon de bronze.

Notre cavalerie s'est mise à la poursuite de l'ennemi. La ville de Crémone a ouvert ses portes; toute la Lombardie appartient à la république.

On dit que la suspension d'armes, au Rhin, continue toujours. J'imagine qu'à l'heure qu'il est, vous avez porté vos regards sur un objet aussi essentiel; il paraît même que les ennemis ont publié avec emphase, dans leur camp, que cette suspension était pour trois mois, et qu'ils allaient en conséquence recevoir de grands renforts.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au citoyen Carnot.

A la réception de la lettre du directoire, du 18, vos intentions étaient remplies, et le Milanais est à nous. Je marcherai bientôt, pour exécuter vos vues, sur Livourne et sur Rome; tout cela se fera dans peu de temps.

J'écris au directoire relativement à l'idée de diviser l'armée; je vous jure que je n'ai vu en cela que la patrie. Au reste, vous me trouverez toujours dans la ligne droite. Je dois à la république le sacrifice de toutes mes idées. Si l'on cherche à me mettre mal dans votre esprit, ma réponse est dans mon coeur et dans ma conscience.

Comme il serait possible que cette lettre, au directoire, ne fût pas bien interprétée, et que vous m'avez témoigné de l'amitié, je prends le parti de vous l'adresser, en vous priant d'en faire l'usage que vous suggéreront votre prudence et votre attachement pour moi.

Kellermann commandera l'armée aussi bien que moi; car personne n'est plus convaincu, que je ne le suis, que les victoires sont dues au courage et à l'audace de l'armée; mais je crois que, réunir Kellermann et moi en Italie, c'est vouloir tout perdre. Je ne puis pas servir volontiers avec un homme qui se croit le premier général de l'Europe; et, d'ailleurs, je crois qu'il faut plutôt un mauvais général que deux bons. La guerre est comme le gouvernement, c'est une affaire de tact.

Je ne puis vous être utile qu'investi de la même estime que vous me témoigniez à Paris. Que je fasse la guerre ici ou ailleurs, cela m'est indifférent: servir la patrie, mériter de la postérité une feuille de notre histoire, donner au gouvernement des preuves de mon attachement et de mon dévouement, voilà toute mon ambition. Mais j'ai fort à coeur de ne pas perdre, dans huit jours, deux mois de fatigues, de peines et de dangers, et de ne pas me trouver entravé. J'ai commencé avec quelque gloire, je désire continuer d'être digne de vous. Croyez, d'ailleurs, que rien n'altérera l'estime que vous inspirez à ceux qui vous connaissent.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Je reçois à l'instant le courrier parti, le 18, de Paris. Vos espérances sont réalisées, puisqu'à l'heure qu'il est, toute la Lombardie est à la république. Hier, j'ai fait partir une division pour cerner le château de Milan. Beaulieu est à Mantoue avec son armée; il a inondé tout le pays environnant; il y trouvera la mort, car c'est le plus malsain de l'Italie.

Beaulieu a encore une armée nombreuse: il a commencé la campagne avec des forces supérieures; l'empereur lui envoie dix mille hommes de renfort, qui sont en marche. Je crois très-impolitique de diviser en deux l'armée d'Italie; il est également contraire aux intérêts de la république d'y mettre deux généraux différens.

L'expédition sur Livourne, Rome et Naples est très-peu de chose: elle doit être faite par des divisions en échelons, de sorte que l'on puisse, par une marche rétrograde, se trouver en force contre les Autrichiens, et menacer de les envelopper au moindre mouvement qu'ils feraient. Il faudra pour cela non-seulement un seul général, mais encore que rien ne le gêne dans sa marche et dans ses opérations. J'ai fait la campagne sans consulter personne, je n'eusse rien fait de bon s'il eût fallu me concilier avec la manière de voir d'un autre. J'ai remporté quelques avantages sur des forces supérieures, et dans un dénuement absolu de tout, parce que, persuadé que votre confiance se reposait sur moi, ma marche a été aussi prompte que ma pensée.

Si vous m'imposez des entraves de toutes espèces; s'il faut que je réfère de tous mes pas aux commissaires du gouvernement; s'ils ont droit de changer mes mouvemens, de m'ôter ou de m'envoyer des troupes, n'attendez plus rien de bon.

Si vous affaiblissez vos moyens en partageant vos forces; si vous rompez en Italie l'unité de la pensée militaire, je vous le dis avec douleur, vous aurez perdu la plus belle occasion d'imposer des lois à l'Italie.

Dans la position des affaires de la république en Italie, il est indispensable que vous ayez un général qui ait entièrement votre confiance: si ce n'était pas moi, je ne m'en plaindrais pas; mais je m'emploierais à redoubler de zèle pour mériter votre estime dans le poste que vous me confieriez. Chacun a sa manière de faire la guerre. Le général Kellermann a plus d'expérience et la fera mieux que moi; mais tous les deux ensemble nous la ferons fort mal.

Je ne puis rendre à la patrie des services essentiels qu'investi entièrement et absolument de votre confiance. Je sens qu'il faut beaucoup de courage pour vous écrire cette lettre, il serait si facile de m'accuser d'ambition et d'orgueil! mais je vous dois l'expression de tous mes sentimens, à vous qui m'avez donné dans tous les temps des témoignages d'estime que je ne dois pas oublier.

Les différentes divisions d'Italie prennent possession de la Lombardie. Lorsque vous recevrez cette lettre, nous serons déjà en route, et votre réponse nous trouvera probablement près de Livourne. Le parti que vous prendrez dans cette circonstance est plus décisif pour les opérations de la campagne, que quinze mille hommes de renfort que l'empereur enverrait à Beaulieu.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 28 floréal an 4 (17 mai 1796).

Au citoyen Lallement, ministre à Venise.

Je vous remercie infiniment, citoyen ministre, des détails intéressans que vous me donnez sur la position des ennemis. Je vous envoie 6,000 liv. pour servir aux dépenses des espions à Trente, à Mantoue, et sur la route du Tyrol, et faites-moi savoir le jour où les bâtimens de Trieste sont partis pour Mantoue.

N'épargnez ni l'argent ni les peines, l'intérêt de la patrie le veut. Je vous ferai exactement toucher tout ce que vous dépenserez.

Envoyez-moi une carte exacte des états de Venise, et très-détaillée.

Il y a à Milan beaucoup de dispositions pour y créer une révolution.

Si les citoyens Jacob et Alliod ne sont pas indispensables à Venise, envoyez-les ici, je les emploierai dans le Milanais pour l'administration de ce pays.

Vous avez dû recevoir une lettre, de Lodi, du commissaire du gouvernement. Faites en sorte que vos lettres soient fréquentes et instructives: c'est sur vous que je compte pour avoir des nouvelles; établissez un prix pour les courriers, de sorte que, lorsqu'ils arriveront avant telle heure, ils aient une gratification.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Je viens d'ordonner, monsieur, que les deux bateaux de sel arrêtés à Plaisance continuent leur route sur Valence.

Peut-être jugerez-vous à propos d'envoyer à Plaisance un officier ou un préposé, qui veillera à ce que tous les bateaux et autres convois appartenant au roi ne soient pas interceptés par l'armée. Du moment que vous m'aurez fait connaître là-dessus vos intentions, je m'empresserai de donner à cet officier les facilités nécessaires pour pouvoir remplir sa mission; il pourrait également être chargé de parcourir les différentes rives du Pô, pour vous faire restituer les effets appartenans au roi, que nous aurions pu arrêter.

Le chef de l'état-major expédie les ordres aux troupes qui arriveront à Casale, de partir sur-le-champ pour Milan.

Je me suis occupé des différentes réclamations relatives à la province d'Alba. Je désire, monsieur, que vous soyez convaincu de l'empressement que j'aurai à faire quelque chose qui vous soit agréable.

Je vous prie de m'envoyer l'état des officiers que vous désirez que je vous renvoie en échange de ceux que vous avez eu la complaisance de relâcher sur parole.

J'envoie à Valence un officier du génie pour choisir un emplacement pour la construction du pont de Valence; mais comme je laisse au roi la jouissance de ses états en deçà du Pô, que M. Beaulieu n'a évacués que par mon passage du Pô à Plaisance, je crois qu'il serait convenable que vous donnassiez vous-même des ordres pour la construction dudit pont, qu'il me serait utile d'avoir avant huit jours.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Le duc de Parme paye sa contribution; il a déjà versé 500.000 liv., et il s'exécute pour le reste. Faypoult aurait voulu que l'on ne fît rien payer à ce prince; mais l'ambassadeur d'Espagne à Turin, qui est venu me voir, est convenu que nous avions été modérés. Je ne doute pas, cependant, que le duc de Parme ne porte plainte; mais pourquoi n'a-t-il pas accepté la médiation de l'Espagne?

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Je viens d'être informé, monsieur, que les différens agens militaires, dans le pays conquis, avaient séquestré les biens des seigneurs attachés à la cour.

Je viens de donner des ordres pour que les séquestres soient sur-le-champ levés, et qu'il n'y ait aucune espèce de différence entre les sujets du roi, soit qu'ils demeurent à Turin, ou dans les différentes villes soumises à la république.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 1er prairial an 4 (20 mai 1796).

Au citoyen Barthelemi, ambassadeur de la république, à Bâle.

Nous sommes maîtres de la Lombardie, Les troupes de la république, quoiqu'en petit nombre et dénuées de tout, ont surmonté tous les obstacles; les ennemis se sont retirés à Mantoue; demain notre corps de troupes sera ici. Je me presse de courir, et vous prie de me faire part des mouvemens de l'armée impériale dans la Bavière et dans la Souabe.

L'empereur peut-il affaiblir son armée du Rhin pour renforcer celle d'Italie? Quelles troupes pourrait-il encore envoyer dans le Tyrol? Je vous prie, citoyen ministre, de me faire part, là-dessus, des renseignemens que vous avez, et d'envoyer de tous côtés des agens, afin que vous puissiez m'instruire, avec précision, des forces que l'on ferait filer en Italie.

Je suis très-flatté, citoyen ministre, que cette circonstance m'ait procuré le plaisir de vous assurer, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 9 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au ministre des finances.

L'armée d'Italie éprouve les plus grands besoins; elle est dans la plus grande pénurie et le dénuement le plus affligeant des objets les plus essentiels; elle se renforce tous les jours en hommes, et ses besoins s'accroissent en proportion. Le directoire exécutif, qui m'a nommé au commandement de cette armée, a arrêté un plan de guerre offensif qui exige des mesures promptes et des ressources extraordinaires.

Le prêt de 2 sous en argent pour le soldat, et de 8 liv. pour les officiers, a manqué; ce qui a mécontenté et découragé l'armée. Je vous prie de vous faire rendre compte, et d'avoir la bonté de m'instruire si je dois compter que la trésorerie seule subviendra à ce que le prêt ne manque pas. De toutes les dépenses, c'est la plus sacrée: l'armée d'Italie est la seule où le prêt ait manqué. Le ministre de la guerre a ordonnancé, pour le service de pluviôse et d'une partie de celui de ventôse, à différentes fois, selon le bordereau ci-joint, la somme de....., et pour le service de l'artillerie, le 23 du mois, de 10,000 liv. en numéraire, et 500,000 liv. en assignats, et le 19 ventôse, 30,000 liv. en numéraire, et 1,500,000 liv. en assignats. On se plaint à l'armée de n'avoir reçu qu'une très-faible portion de cette somme. Je vous prie de vous faire rendre compte de celle qu'il reste à envoyer d'après les ordres ci-dessus, et de m'instruire de ce que vous espérez faire pour effectuer l'entier paiement.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Bonelli, chef de bataillon.

Vous vous rendrez en Corse avec dix-huit hommes de votre choix. Le citoyen Sapey est chargé de vous faire passer en Corse et de vous faire porter des secours en poudre et en armes.

Il vous sera remis, à votre départ, 24,000 liv. en argent, dont vous vous servirez pour encourager les patriotes. Le citoyen Brassini restera à Gênes, et vous fera passer les secours dont vous pourrez avoir besoin, et vous remettra cent fusils, trois cents paires de pistolets, six cents livres de poudre et dix mille livres de plomb.

Dès l'instant que l'on aura des nouvelles plus sûres, on enverra davantage, et des brevets d'officiers, pour lever des bataillons au compte de la république française.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Aux citoyens Braccini et Paraviccini.

Vous resterez à Gênes pour correspondre avec les patriotes corses, et me tenir informé de tout ce qui se passe dans ce département, et lui envoyer des secours.

Le citoyen Balbi, banquier de la république, vous remettra 15,000 liv. Vous achèterez, avec cette somme, cent fusils, trois cents paires de pistolets, trois mille pierres à fusil, cinq à six mille livres de poudre, et huit à dix mille livres de plomb, que vous remettrez au citoyen Bonelli. Je donne des ordres pour qu'on vous fasse passer de Nice six cents fusils de chasse, que vous ferez passer successivement.

Le ministre de la république à Gènes est instruit de votre mission. Vous vous présenterez à lui, afin qu'il vous donne tout ce dont vous pourriez avoir besoin.

Vous jouirez de 300 fr. d'appointemens par mois tant que durera votre mission.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Sapey.

Je fais partir le citoyen Bonelli avec trente hommes et cent fusils, trois cents paires de pistolets, six mille livres de poudre et dix mille livres de plomb, pour secourir les patriotes de Corse.

Je charge les citoyens Braccini et Paraviccini de rester à Gênes, et de se ménager une correspondance avec les patriotes corses.

Votre zèle m'étant connu, je vous charge de procurer au citoyen Bonelli tous les moyens nécessaires pour passer en Corse; je vous ferai rembourser les frais que vous ferez a ce sujet.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Je vous envoie ci-joint une lettre interceptée, vous y verrez que vous avez des espions autour de vous.

La paix avec le roi de Sardaigne est faite à des conditions très-avantageuses; elle a été signée le 26 de ce mois.

Tout est tranquille à Paris, et les révolutionnaires de 93 sont encore mis à l'ordre et déjoués.

Vous trouverez ci-joint une proclamation à l'armée. Je préfère cette tournure à celle d'écrire aux peuples. L'armistice avec le duc de Parme a été approuvé; le directoire ne l'a pas trouvé assez honteux pour ce duc.

Nous avons imposé le Milanais à 20,000,000 fr. Je vous choisirai deux beaux chevaux parmi ceux que nous requerrons à Milan; ils serviront à vous dissiper des ennuis et des étiquettes du pays où vous êtes. Je veux aussi vous faite présent d'une épée.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 3 prairial an 4 (22 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Je viens de recevoir, citoyens directeurs, le courrier qui est parti le 26 de Paris. Il nous a apporté les articles de la paix glorieuse que vous avez conclue avec le roi de Sardaigne. Je vous prie d'en recevoir mes complimens.

Le commissaire Salicetti vous fera passer l'état des contributions que nous avons imposées. Vous pouvez, à cette heure, compter sur 6 à 8,000,000 argent en or ou argent, lingots ou bijoux, qui sont à votre disposition à Gênes, chez un des premiers banquiers. Vous pouvez disposer de cette somme, étant superflue aux besoins de l'armée. Si vous le désirez, je ferai passer 1,000,000 à Bâle pour l'armée du Rhin.

J'ai fait passer au général Kellermann 10,000 liv. en argent, je lui ferai passer demain 200,000 liv.

Les troupes sont satisfaites; elles touchent la moitié de leurs appointemens en argent; le pillage est réprimé, et la discipline avec l'abondance renaissent dans cette glorieuse armée.

Neuf mille hommes de l'armée des Alpes arriveront dans dix jours; je ne les attendrai pas, et déjà les troupes sont en mouvement pour marcher sur les gorges du Tyrol.

L'armée autrichienne reçoit tous les jours des renforts; mais j'imagine que notre armée du Rhin ne permettra pas à l'empereur de trop s'affaiblir de ce côté-là.

Vous trouverez ci-joint des lettres de la plus grande importance, entre autres celle où il est question de l'entretien de Louis XVIII avec plusieurs de nos postes à l'armée du Rhin.

La nouvelle de ces pourparlers se répète dans toutes les lettres d'émigrés; je crois qu'il est urgent d'y mettre ordre.

Vous trouverez ci-joint l'état de ce que nous avons pris à Pavie: cela est très-considérable. Nous avons des magasins à Tortone, à Coni, à Ceva et à Mondovi.

Le duc de Parme n'ayant ni fusils, ni canons, ni places fortes, on n'a rien pu lui demander en ce genre.

Vous trouverez ci-joint une adresse à l'armée.

Vous trouverez aussi ci-joint la suspension que j'ai accordée au duc de Modène; vous y verrez que c'est 10,000,000 de plus pour la république. Comme il n'a ni forteresses, ni fusils, il n'a pas été possible de lui en demander.

BONAPARTE.

P.S. Parmi les lettres d'émigrés ci-jointes, vous en trouverez une d'un prêtre qui écrit de Paris au cardinal de Zelada: quoiqu'il ne signe pas, il sera facile de le connaître, puisqu'il dit avoir soupé avec le général Dumuy la veille du départ de celui-ci. Une fois que le ministre de la police connaîtra ce correspondant de monseigneur le cardinal, il lui sera facile, en le faisant suivre pendant plusieurs jours, de parvenir à en connaître d'autres. Vous y trouverez aussi le nom d'un négociant de Lyon, qui fait passer des fonds aux émigrés.




Au quartier-général à Milan, le 5 prairial an 4 (24 mai 1796).

Au citoyen Oriani.

Les sciences qui honorent l'esprit humain, les arts qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernemens libres. Tous les hommes de génie, et tous ceux qui ont obtenu un rang dans la république des lettres, sont frères, quel que soit le pays qui les ait vus naître.

Les savans dans Milan n'y jouissaient pas de la considération qu'ils devaient avoir. Retirés dans le fond de leurs laboratoires, ils s'estimaient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire de mal. Il n'en est pas ainsi aujourd'hui, la pensée est devenue libre dans l'Italie: il n'y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J'invite les savans à se réunir et a me proposer leurs vues sur les moyens qu'il y aurait à prendre, ou les besoins qu'ils auraient pour donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement. Le peuple français ajoute plus de prix à l'acquisition d'un savant mathématicien, d'un peintre en réputation, d'un homme distingué, quel que soit l'état qu'il professe, que de la ville la plus riche et la plus abondante.

Soyez donc, citoyen, l'organe de ces sentimens auprès des savans distingués qui se trouvent dans le Milanais.

BONAPARTE.

Brescia, le 10 prairial an 4 (29 mai 1796).

A la république de Venise.

C'est pour délivrer la plus belle contrée de l'Europe du joug de fer de l'orgueilleuse maison d'Autriche, que l'armée française a bravé les obstacles les plus difficiles à surmonter.

La victoire, d'accord avec la justice, a couronné ses efforts; les débris de l'armée ennemie se sont retirés au-delà du Mincio. L'armée française passe, pour les poursuivre, sur le territoire de la république de Venise; mais elle n'oubliera pas qu'une longue amitié unit les deux républiques.

La religion, le gouvernement, les usages seront respectés; la plus sévère discipline sera maintenue; tout ce qui sera fourni à l'armée sera exactement payé en argent.

Le général en chef engage les officiers de la république de Venise, les magistrats et les prêtres à faire connaître ses sentimens au peuple, afin que la confiance cimente l'amitié qui depuis long-temps unit les deux nations.

Fidèle dans le chemin de l'honneur comme dans celui de la victoire, le soldat français n'est terrible que pour les ennemis de la liberté et de son gouvernement.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Peschiera, le 13 prairial an 4 (1er juin 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Après la bataille de Lodi, Beaulieu passa l'Adige et le Mincio. Il appuya sa droite au lac Garda, sa gauche sur la ville de Mantoue, et plaça des batteries sur tous les points de cette ligne, afin de défendre le passage du Mincio.

Le quartier-général arriva, le 9, à Brescia; j'ordonnai au général de division Kilmaine de se rendre, avec quinze cents hommes de cavalerie et huit bataillons de grenadiers, à Dezinzano. J'ordonnai au général Rosca de se rendre, avec une demi-brigade d'infanterie légère, à Salo. Il s'agissait de faire croire au général Beaulieu que je voulais le tourner par le haut du lac, pour lui couper le chemin du Tyrol, en passant par Riva. Je tins toutes les divisions de l'armée en arrière, en sorte que la droite, par laquelle je voulais effectivement attaquer, se trouvait à une journée et demie de marche de l'ennemi. Je la plaçai derrière la rivière de Chenisa, où elle avait l'air d'être sur la défensive, tandis que le général Kilmaine allait aux portes de Peschiera, et avait tous les jours des escarmouches avec les avant-postes ennemis, dans une desquelles fut tué le général autrichien Liptay.

Le 10, la division du général Augereau remplaça à Dezinzano celle du général Kilmaine, qui rétrograda à Lonado, et arriva, la nuit, à Castiglione. Le général Masséna se trouvait à Monte-Chiaro, et le général Serrurier à Montze. A deux heures après minuit, toutes les divisions se mirent en mouvement, toutes dirigeant leur marche sur Borgetto, où j'avais résolu de passer le Mincio.

L'avant-garde ennemie, forte de trois à quatre mille hommes et de dix-huit cents chevaux, défendait l'approche de Borgetto. Notre cavalerie, flanquée par nos carabiniers et nos grenadiers, qui, rangés en bataille, la suivaient au petit trot, chargea avec beaucoup de bravoure, mit en déroute la cavalerie ennemie, et lui enleva une pièce de canon. L'ennemi s'empressa de passer le pont et d'en couper une arche: l'artillerie légère engagea aussitôt la canonnade. L'on raccommodait avec peine le pont sous le feu de l'ennemi, lorsqu'une cinquantaine de grenadiers, impatiens, se jettent à l'eau, tenant leurs fusils sur leur tête, ayant de l'eau jusqu'au menton: le général Gardanne, grenadier pour la taille et le courage, était à la tête. Les soldats ennemis croient revoir la fameuse colonne du pont de Lodi: les plus avancés lâchent pied; on raccommode alors le pont avec facilité, et nos grenadiers, en un instant, passent le Mincio, et s'emparent de Valeggio, quartier-général de Beaulieu, qui venait seulement d'en sortir.

Cependant les ennemis, en partie en déroute, étaient rangés en bataille entre Valeggio et Villa-Franca. Nous nous gardons bien de les suivre; ils paraissent se rallier et prendre confiance, et déjà leurs batteries se multiplient et se rapprochent de nous: c'était justement ce que je voulais; j'avais peine à contenir l'impatience ou, pour mieux dire, la fureur des grenadiers.

Le général Augereau passa, sur ces entrefaites, avec sa division; il avait ordre de se porter, en suivant le Mincio, droit sur Peschiera, d'envelopper cette place, et de couper les gorges du Tyrol: Beaulieu et les débris de son armée se seraient trouvés sans retraite.

Pour empêcher les ennemis de s'apercevoir du mouvement du général Augereau, je les fis vivement-canonner du village de Valeggio; mais l'ennemi, instruit par ses patrouilles de cavalerie du mouvement du général Augereau, se mit aussitôt en route pour gagner le chemin de Castel-Nuovo: un renfort de cavalerie qui leur arriva les mit à même de protéger leur retraite. Notre cavalerie, commandée par le général Murat, fit des prodiges de valeur; ce général dégagea lui-même plusieurs chasseurs que l'ennemi était sur le point de faire prisonniers. Le chef de brigade du dixième régiment de chasseurs, Leclerc, s'est également distingué. Le général Augereau, arrivé à Peschiera, trouva la place évacuée par l'ennemi.

Le 12, à la pointe du jour, nous nous portâmes à Rivoli; mais déjà l'ennemi avait passé l'Adige et enlevé presque tous les ponts, dont nous ne pûmes prendre qu'une partie. On évalue la perte de l'ennemi, dans cette journée, à quinze cents hommes et cinq cents chevaux, tant tués que prisonniers. Parmi les prisonniers se trouve le prince de Couffla, lieutenant-général des armées du roi de Naples, commandant en chef la cavalerie napolitaine. Nous avons pris également cinq pièces de canon, dont deux de 12, et trois de 6, avec sept ou huit caissons chargés de munitions de guerre. Nous avons trouvé à Castel-Nuovo des magasins, dont une partie était déjà consumée par les flammes. Le général de division Kilmaine a eu son cheval blessé sous lui.

Voilà donc les Autrichiens entièrement expulsés de l'Italie. Nos avant-postes sont sur les montagnes de l'Allemagne. Je ne vous citerai pas tous les hommes qui se sont signalés par des traits de bravoure, il faudrait nommer tous les grenadiers et carabiniers de l'avant-garde; ils jouent et rient avec la mort. Ils sont aujourd'hui parfaitement accoutumés avec la cavalerie, dont ils se moquent. Rien n'égale leur intrépidité, si ce n'est la gaieté avec laquelle ils font les marches les plus forcées. Ils servent tour à tour la patrie et l'amour.

Vous croiriez qu'arrivés au bivouac ils doivent au moins dormir? Point du tout: chacun fait son conte ou son plan d'opérations du lendemain, et souvent on en voit qui rencontrent très-juste. L'autre jour, je voyais défiler une demi-brigade, un chasseur s'approcha de mon cheval: «Général, me dit-il, il faut faire cela! Malheureux! lui dis-je, veux-tu bien te taire.» Il disparaît à l'instant. Je l'ai fait en vain chercher; c'était justement ce que j'avais ordonné que l'on fît.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Peschiera, le 13 prairial an 4 (1er juin 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

La république de Venise a laissé occuper par les Impériaux Peschiera, qui est une place forte; mais, grâce à la victoire de Borgetto, nous nous en sommes emparés, et je vous écris aujourd'hui de cette ville.

Le général Masséna occupe, avec sa division, Vérone, belle et grande ville qui a deux ponts sur l'Adige.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roverbello, le 15 prairial an 4 (3 juin 1796).

A monsieur le duc d'Aoste.

J'ai reçu, monsieur, votre courrier; la conduite du roi à l'occasion de M. Bounnafier est digne de lui.

Je vais prendre des mesures pour que, pendant le peu de temps que la police de la ville d'Alba appartiendra à l'armée, il ne se commette aucun trouble; mais j'espère que nous hâterons, le plus que possible, le moment de l'exécution du traité, afin de voir consolidée la paix qui doit désormais unir les deux puissances.

J'ai ordonné au commandant de la place d'Alba de faire relâcher différens particuliers, sujets du roi, qui avaient été arrêtés, pour je ne sais pas trop quelle espèce de représailles.

Je me flatte que vous êtes persuadé que je n'oublierai rien de ce qui pourra vous être agréable, me mériter votre estime, et vous convaincre des sentimens de considération, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roverbello, le 16 prairial an 4 (4 juin 1796).

Au ministre de la république à Venise.

Le sénat m'a envoyé deux sages du conseil; il est nécessaire que vous lui témoigniez le mécontentement de la république de ce que Peschiera a été livrée aux Autrichiens. Le sang français a coulé pour la reprendre. Il ne faut pas cependant nous brouiller avec une république dont l'alliance nous est utile.

J'ai parlé aux sages de la cocarde nationale; je crois que vous devez fortement tenir pour que les Français la portent, et que l'injure qui a été faite soit réparée.

Tenez-moi instruit de tout en détail. Je pars à l'instant pour Milan, adressez-moi là vos nouvelles; ne me laissez pas ignorer ce que fait Beaulieu et le mouvement des troupes en Bavière.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 19 prairial an 4 (7 juin 1796).

Au directoire exécutif.

Par l'armistice conclu entre les deux armées française et napolitaine, nous obtenons les résultats suivans: 1°. Nous ôtons deux mille quatre cents hommes de cavalerie à l'armée autrichienne, et nous les plaçons dans un lieu où ils sont à notre disposition. 2°. Nous ôtons aux Anglais cinq vaisseaux de guerre et plusieurs frégates. 3°. Nous continuons à mettre les coalitions en déroute.

Si vous faites la paix avec Naples, la suspension aura été utile, en ce qu'elle aura affaibli de suite l'armée allemande. Si, au contraire, vous ne faites pas la paix avec Naples, la suspension aura encore été utile, en ce qu'elle me mettra à même de prendre prisonniers les deux mille quatre cents hommes de cavalerie napolitaine, et que le roi de Naples aura fait une démarche qui n'aura pas plu à la coalition. Cela me porte à traiter la question militaire: pouvons-nous et devons-nous aller à Naples?

Le siège du château de Milan, la garde du Milanais et la garnison des places conquises, demandent quinze mille hommes.

La garde de l'Adige et des positions du Tyrol, vingt mille hommes.

Il ne reste, compris les secours qui arrivent de l'armée des Alpes, que six mille hommes.

Mais, eussions-nous vingt mille hommes, il ne nous conviendrait pas de faire vingt-cinq jours de marche, dans les mois de juillet et d'août, pour chercher la maladie et la mort. Pendant ce temps-là, Beaulieu repose son armée dans le Tyrol, la recrute, la renforce de secours qui lui arrivent tous les jours, et nous reprendra dans l'automne ce que nous lui avons pris dans le printemps. Moyennant cet armistice avec Naples, nous sommes à même de dicter à Rome toutes les conditions qu'il nous plaira; déjà, dans ce moment-ci, la cour de Rome est occupée à faire une bulle contre ceux qui prêchent en France la guerre civile, sous prétexte de religion.

Par la conversation que j'ai eue ce matin avec M. Azara, ministre d'Espagne, envoyé par le pape, il m'a paru qu'il avait ordre de nous offrir des contributions. Je serai bientôt à Bologne. Voulez-vous que j'accepte alors, pour accorder un armistice au pape, vingt-cinq millions de contributions en argent, cinq millions en denrées, trois cents cadres, des statues et des manuscrits en proportion, et que je fasse mettre en liberté tous les patriotes arrêtés pour faits de la révolution? J'aurai au reste le temps de recevoir vos ordres là-dessus, puisque je ne crois pas être à Bologne avant dix ou quinze jours. Alors, si les six mille hommes que commande le général Châteauneuf-Randon arrivent, il n'y aura pas d'inconvénient de se porter de Bologne jusqu'à Rome. Au reste, je vous prie de rester persuadé que lorsqu'une fois vous m'avez fait connaître positivement vos intentions, il faudrait qu'elles fussent bien difficiles, pour que je ne puisse pas les exécuter.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 19 prairial an 4 (7 juin 1796).

Au directoire exécutif.

Lorsque M. Beaulieu sut que nous marchions pour passer le Mincio, il s'empara de la forteresse de Peschiera, qui appartient aux Vénitiens. Cette forteresse, située sur le lac de Garda, à la naissance du Mincio, a une enceinte bastionnée en très-bon état, et quatre-vingt pièces de canon, qui, à la vérité, n'étaient pas montées.

M. le provéditeur général, qui était à Vérone avec deux mille hommes, aurait donc bien pu faire en sorte que cette place ne fût pas occupée par les Autrichiens, qui y sont entrés sans aucune espèce de résistance, lorsque j'étais arrivé à Brescia, c'est-à-dire à une journée de-là.

Dès que j'appris que les Autrichiens étaient à Peschiera, je sentis qu'il ne fallait pas perdre un instant à investir cette place, afin d'ôter à l'ennemi les moyens de l'approvisionner. Quelques jours de retard m'auraient obligé à un siège de trois mois.

Le combat de Borghetto et le passage du Mincio nous rendirent cette place deux jours après. Le provéditeur vint à grande hâte se justifier, je le reçus fort mal. Je lui déclarai que je marchais sur Venise porter moi-même plainte au sénat d'une trahison aussi manifeste. Pendant le temps que nous nous entretenions, Masséna avait ordre d'entrer à Vérone, à quelque prix que ce fût. L'alarme à Venise a été extrême. L'archiduc de Milan, qui y était, s'est sauvé sur-le-champ en Allemagne.

Le sénat de Venise vient de m'envoyer deux sages du conseil, pour s'assurer définitivement où en étaient les choses. Je leur ai renouvelé mes griefs, je leur ai parlé aussi de l'accueil fait à Monsieur; je leur ai dit que, du reste, je vous avais rendu compte de tout, et que j'ignorais la manière dont vous prendriez cela: que, lorsque je suis parti de Paris, vous croyiez trouver dans la république de Venise une alliée fidèle aux principes; que ce n'était qu'avec regret que leur conduite à l'égard de Peschiera m'avait obligé de penser autrement; que, du reste, je croyais que ce serait un orage qu'il serait possible à l'envoyé du sénat de conjurer. En attendant, ils se prêtent de la meilleure façon à nous fournir ce qui peut être nécessaire à l'armée.

Si votre projet est de tirer cinq ou six millions de Venise, je vous ai ménagé exprès cette espèce de rupture. Vous pourriez les demander en indemnité du combat de Borghetto, que j'ai été obligé de livrer pour prendre cette place. Si vous avez des intentions plus prononcées, je crois qu'il faudrait continuer ce sujet de brouillerie, m'instruire de ce que vous voulez faire, et attendre le moment favorable, que je saisirai suivant les circonstances: car il ne faut pas avoir affaire à tout le monde à la fois.

La vérité de l'affaire de Peschiera est que Beaulieu les a lâchement trompés; il leur a demandé le passage pour cinquante hommes, et il s'est emparé de la ville. Je fais dans ce moment-ci mettre Peschiera en état de défense, et, avant quinze jours, il faudra de l'artillerie de siège et un siège en règle pour la prendre.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 19 prairial an 4 (7 juin 1796).

A M. le prince de Belmonte-Pignatelli.

L'armistice que nous avons conclu hier sera, je l'espère, le préambule de la paix. Les négociations doivent commencer le plus tôt possible, et dès-lors, quoique les troupes tardent à arriver à leurs cantonnemens, je ne crois pas que ce puisse être une raison de guerre, dès l'instant que l'ordre de S. M. le roi de Naples serait parvenu, et que le corps de troupes serait en marche pour se rendre à sa destination.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 19 prairial an 4 (7 juin 1796).

Au citoyen Faypoult, à Gênes.

Je ne vous écris pas aussi souvent que je le voudrais.

Je vous ai envoyé la relation de l'affaire de Borghetto; aujourd'hui je vous annonce la prise du faubourg Saint-Georges de Mantoue et le cernement de cette ville.

Je suis venu à Milan pour mettre à exécution le traité de paix avec le roi de Sardaigne.

Je vous prie de m'instruire des affaires de Corse; je compte faire passer à Gênes quinze cents fusils de chasse pour les y envoyer pour soutenir l'insurrection des patriotes.

Je suis instruit que le ministre de l'empereur à Gênes excite les paysans à la révolte, et leur fait passer de la poudre et de l'argent. Si cela est, mon intention est de le faire arrêter dans Gênes même.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 19 prairial an 4 (7 juin 1796).

Au citoyen Lallement, à Venise.

Je vois avec plaisir que vos discussions avec le sénat se sont terminées comme elles le devaient.

Tenez-moi instruit du mouvement de Beaulieu; ne négligez rien et envoyez de tous côtés des espions pour connaître ses opérations et les renforts qu'il reçoit.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 20 prairial an 4 (8 juin 1796).

Au citoyen Carnot..

Je vous dois des remercîmens pour les choses honnêtes que vous me dites. La récompense la plus douce des fatigues, des dangers, des chances de ce métier-ci se trouve dans l'estime du petit nombre d'hommes qu'on apprécie.

Par ma lettre au directoire, vous verrez notre position. Si les bataillons annoncés nous joignent à temps, il nous sera facile d'aller jusqu'à Rome. Cependant, comme les opérations d'Allemagne peuvent changer notre position d'un moment à l'autre, je crois qu'il serait bon qu'on me laissât la faculté de conclure l'armistice avec Rome, ou d'y aller: dans le premier cas, me prescrire les conditions de l'armistice; dans le second, me dire ce que je dois y faire, car nos troupes ne pourraient pas s'y maintenir long-temps. L'espace est immense, le fanatisme très-grand, et la grande disproportion des distances rend les hommes hardis.

Je serai, dès l'instant que les inondations seront finies, à Livourne et à Bologne. Je recevrai là vos ordres, et si vous acceptez l'armistice avec Rome, je le conclurai là.

Nous sommes bientôt en juillet, où toutes les marches nous vaudront deux cents malades.

Il est arrivé un commissaire du directoire pour les contributions. Un million est parti pour Bâle pour l'armée du Rhin.

Vous avez à Gênes huit millions, vous pouvez compter là-dessus.

Deux millions encore partaient pour Paris; mais le commissaire m'a assuré que votre intention est que tout aille à Gênes.

Je mériterai votre estime; je vous prie de me continuer votre amitié, et de me croire pour la vie, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 20 prairial an 4 (8 juin 1796).

Au général Clarke.

Votre jeune cousin m'est arrivé hier: il m'a l'air actif, quoique encore un peu jeune. Je le tiendrai avec moi: il sera bientôt à même d'affronter le péril et de se distinguer. J'espère qu'il sera digne de vous, et que j'aurai un bon compte à vous en rendre.

Je suis bien aise de faire quelque chose qui vous soit agréable.

Ici, tout va assez bien; mais la canicule arrive au galop, et il n'existe aucun remède contre son influence dangereuse. Misérables humains que nous sommes, nous ne pouvons qu'observer la nature, mais non la surmonter.

La campagne d'Italie a commencé deux mois trop tard; nous nous trouvons obligés de rester dans le pays le plus malsain de l'Italie. Je ne vois qu'un moyen pour ne pas être battus à l'automne, c'est de s'arranger de manière à ne pas être obligés de s'avancer dans le sud de l'Italie.

Selon tous les renseignemens que l'on nous donne, l'empereur envoie beaucoup de troupes à son armée d'Italie. Nous attendons ici avec impatience des nouvelles du Rhin. Si notre armée a des succès, comme je l'espère, il faut que l'on fasse payer à l'empereur son entêtement: en attendant, je vous prie de croire aux sentimens de fraternité.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 21 prairial an 4 (9 juin 1796).

Au général Kellermann.

J'ai vu, avec le plus grand plaisir, les demi-brigades que vous nous envoyez: elles sont en bon état et bien disciplinées. Je ne crains pas d'abuser de votre bonté; je vous envoie un officier d'artillerie pour pourvoir, avec les fonds nécessaires, au transport de cinq mille fusils, que je vous prie instamment de nous faire passer, ainsi que douze obusiers de 6 pouces, et douze de 8.

J'attends avec empressement votre réponse pour les dix-huit cents hommes que je vous ai prié de faire mettre à Coni, afin d'en pouvoir retirer la garnison.

Vous devez avoir reçu cent mille francs; je donnerai des ordres pour que l'on vous en envoie cent mille autres.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 23 prairial an 4 (11 juin 1796).

Au citoyen Comeiras.

Je ferai fournir trois mille quintaux de blé aux Grisons, à condition qu'ils nous donneront des chevaux en paiement. J'ai, à votre demande, fait détruire le fort de........ Je vous enverrai tout ce que vous demandez. Il est nécessaire que vous ayez la plus grande surveillance du côté de la Valteline, pour connaître les mouvemens que Beaulieu pourrait faire, et m'en prévenir à temps.

Il me serait facile de vous faire passer quelques milliers de fusils de chasse; mais cela serait-il bien employé dans les mains de nos amis, et s'il est vrai que les chefs des ligues sont vendus à la maison d'Autriche, ne serait-il pas dangereux d'accroître leurs moyens de nuire?

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 23 prairial an 4 (11 juin 1796).

Au directoire exécutif.

Le général Laharpe était du canton de Berne: les autorités de ce canton lui ont confisqué ses biens au commencement de la révolution. Je vous prie de vous intéresser pour les faire rendre à ses enfans.

Les Suisses nous ont fait demander la circulation de quelques milliers de riz, nous ne leur avons accordé qu'à condition que le canton de Berne restituerait au jeune Laharpe les biens de son père. J'espère que vous approuverez cette mesure.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 23 prairial an 4 (11 juin 1796).

Au citoyen Barthélémy, ambassadeur à Bâle.

Le canton de Berne a confisqué, au commencement de la révolution, les biens de feu le général Laharpe; je vous prie de vous intéresser pour les faire rendre à son fils.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 23 prairial an 4 (11 juin 1796).

Au général Moreau.

Je vous fais passer un million que vous tirerez sur Bâle, des mains du citoyen Barthélémy, ambassadeur de la république à Gênes, à qui je donne ordre de l'adresser.

L'armée d'Italie a demandé au directoire la permission de vous faire passer cet argent, provenant des contributions de guerre, afin de soulager nos frères d'armes de l'armée du Rhin. Je suis flatté que cette occasion, etc.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Pavie, le 24 prairial an 4 (12 juin 1796).

Au chef de l'état-major.

Vous donnerez les ordres pour que l'on établisse dans le château de Pavie deux mille lits, avec des fournitures complètes. Le commissaire des guerres requerra, à cet effet, de la ville, les matelas, couvertures et draps nécessaires.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 25 prairial an 4 (13 juin 1796).

Le général en chef porte plainte à la commission militaire, contre le seigneur d'Arcquata, M. Augustin Spinola, comme étant le chef de la rébellion qui a eu lieu à Arcquata, où il a été assassiné plusieurs soldats, déchiré la cocarde tricolore, pillé les effets de la république, et arboré l'étendard impérial.

Le seigneur d'Arcquata et sa femme se sont toujours livrés à leurs instigations perfides.

Je demande que la commission militaire le juge conformément aux lois militaires.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 25 prairial an 4 (13 juin 1796).

Au gouverneur d'Alexandrie.

Les officiers et soldats de la garnison de Serravalle ont pris part à la dernière rébellion des fiefs impériaux; ils ont encouragé les paysans, en leur fournissant des munitions de guerre.

Cette conduite est très-éloignée d'être conforme aux intentions du roi et de M. le duc d'Aoste.

Je vous demande de faire punir sévèrement la conduite indigne de ces militaires.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 26 prairial an 4 (14 Juin 1796).

Au chef de l'état-major.

Vous donnerez l'ordre au vingt-deuxième régiment de chasseurs à cheval de se rendre à Vérone, au quartier-général du général Masséna, où il sera à sa disposition.

Vous donnerez l'ordre à toutes les compagnies de grenadiers ou détachemens de demi-brigades qui composent la division du général Masséna, de les rejoindre de suite.

Vous donnerez l'ordre au troisième bataillon de la deuxième demi-brigade de rejoindre sa demi-brigade.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 26 prairial an 4 (14 juin 1796).

Au sénat de la république de Gênes.

La ville de Gênes est le foyer d'où partent les scélérats qui infestent les grandes routes, assassinant les Français et interceptant nos convois, autant qu'il est en eux.

C'est de Gênes que l'on a soufflé l'esprit de rébellion dans les fiefs impériaux. M. Girola, qui demeure dans cette ville, leur a publiquement envoyé des munitions de guerre; il accueille tous les jours les chefs des assassins, encore dégoûttans du sang français.

C'est sur le territoire de la république de Gênes que se commettent une partie de ces horreurs, sans que le gouvernement prenne aucune mesure; il paraît au contraire, par son silence et l'asile qu'il accorde, sourire aux assassins.

Malheur aux communes qui voient avec joie et même avec indifférence ces crimes qui se commettent sur leur territoire, et le sang français répandu par des assassins!

Il est indispensable que ce mal ait un terme, et que les hommes qui, par leur conduite, protègent les brigands, soient très-sévèrement punis.

Le gouverneur de Novi les protège, je demande que le gouvernement en fasse un exemple sévère.

M. Girola, qui a fait de Gênes une place d'armes contre les Français, doit être arrêté, ou au moins chassé de la ville de Gênes.

Ces satisfactions préalables sont dues aux mânes de mes frères d'armes, égorgés sur votre territoire.

Pour l'avenir, je vous demande une explication catégorique. Pouvez-vous ou non purger le territoire de la république des assassins qui le remplissent? Si vous ne prenez pas des mesures, j'en prendrai: je ferai brûler les villes et les villages sur lesquels il sera commis l'assassinat d'un seul Français.

Je ferai brûler les maisons qui donneront refuge aux assassins. Je punirai les magistrats négligens qui auraient transgressé le premier principe de la neutralité, en accordant asile aux brigands.

L'assassinat d'un Français doit porter malheur aux communes entières qui ne l'auraient pas protégé.

La république française sera inviolablement attachée aux principes de la neutralité; mais que la république de Gênes ne soit pas le refuge de tous les brigands.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 27 prairial an 4 (15 juin 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre à Gênes.

Je vous envoie le général Murat, mon aide-de-camp. Je désire que vous le présentiez de suite au sénat pour lui remettre lui-même la note qu'il vous communiquera. Si vous la présentiez, il faudrait quinze jours pour avoir la réponse, et il est nécessaire d'établir une communication plus prompte, qui électrise ces messieurs.

L'armée du Rhin a battu les ennemis. Le général Berthier doit vous avoir envoyé le bulletin de Bâle.

Tout va bien; je vous embrasse. Les nouvelles de Paris sont du 19: rien de nouveau.

J'ai fait arrêter une quinzaine de chefs de brigands qui assassinaient nos soldats: ils seront impitoyablement fusillés. Dans ce moment-ci, une division fait justice d'Arcquata et des fiefs impériaux.

Faites placer à Novi un gouverneur meilleur que celui qui y est. Je n'entends pas que le sénat laisse assassiner nos soldats en détail. Je lui tiendrai parole.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 27 prairial an 4 (15 juin 1796).

Au même.

Nous avons établi beaucoup de batteries sur la rivière de Gênes; il faudrait en vendre aujourd'hui les canons et les munitions aux Génois, afin de ne pas avoir à les garder, et de pouvoir cependant les trouver en cas de besoin.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 28 prairial on 4 (16 juin 1796).

Au gouverneur de Novi.

Vous donnez refuge aux brigands, les assassins sont protégés dans votre territoire; il y en a aujourd'hui dans tous les villages. Je vous requiers de faire arrêter tous les habitans des fiefs impériaux qui se trouvent aujourd'hui sur votre territoire; vous me répondrez de l'exécution de la présente réquisition; je ferai brûler les villes et les maisons qui donneront refuge aux assassins ou qui ne les arrêteront pas.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Tortone, le 28 prairial an 4 (16 juin 1796).

Au chef de l'état-major.

Tous les détachemens de troupes qui sont dans les villes différentes des états du roi de Sardaigne rejoindront leurs corps, excepté les garnisons de Coni, Ceva, Cherasco, Tortone, Alexandrie, Oneille et Loano.

Il est défendu aux troupes et convois de l'armée de prendre d'autre route que par Nice, Coni, Fossano, Asti, Alexandrie, Tortone, Pavie, Milan, Cassano, Brescia, Peschiera, ou bien Pavie, Pizzigithone, Crémone, Casal-Major, Borgoforte, ou bien par Gênes, Novi, Tortone; ou bien par la vallée d'Aoste.

Les troupes du roi de Sardaigne s'étant chargées d'escorter les convois, on n'enverra qu'un ou deux hommes d'escorte.

Il ne sera plus fait de réquisitions dans les pays du roi de Sardaigne; on évacuera tous les magasins que l'on pourrait avoir dans ces pays, sur les places qui nous restent.

Il est expressément défendu aux commissaires des guerres d'accorder aucune route aux soldats isolés de leurs bataillons, jusqu'à ce qu'ils soient au nombre de vingt-cinq. A cet effet, les soldats qui se présenteront pour rejoindre leurs corps, resteront en subsistance dans la place jusqu'à ce qu'ils soient à ce nombre. Alors, le commissaire des guerres fera une feuille de route jusqu'à l'endroit où ils devront se séparer pour rejoindre chacun leurs corps.

Les commandans de place auront soin de faire armer les soldats, et de donner le commandement de ces détachemens à un sous-officier de garnison, s'il ne s'en trouve pas parmi ceux qui rejoignent; ce sous-officier accompagnera le détachement jusqu'à la garnison la plus prochaine.

Le général de division qui commande à Nice aura sous ses ordres tout le département des Alpes maritimes; il nommera des commandans dans toutes les étapes, afin de surveiller les soldats passagers et les étapiers.

Le général de division qui commande à Coni, aura sous sa surveillance tout le pays compris entre le département des Alpes maritimes, la Stura, le Tanaro, jusqu'aux états de Gênes: dès lors il commandera à Ceva et à Cherasco; il mettra, à chaque étape, un officier, auquel s'adresseront tous les militaires qui auront des feuilles de route, et sur le visa duquel les commandans piémontais feront délivrer l'étape à nos soldats.

Le général de division qui commandera à Tortone, aura sous sa surveillance tous les pays compris entre le Tanaro, la mer de Gênes, le Pô et les états du duc de Parme; il commandera dès-lors à Alexandrie: il nommera des officiers pour surveiller les soldats de passage dans chaque étape. Ce ne sera que sur son visa que les agens du roi de Sardaigne délivreront l'étape à nos soldats.

Le général commandant la Lombardie commandera; on nommera des officiers dans chaque étape pour surveiller les étapiers, et maintenir une bonne discipline chez les soldats de passage.

Le chef de l'état-major enverra à ces différens généraux la liste des officiers blessés, surnuméraires ou sans emploi, qui pourraient être employés à cet effet.

Le chef de l'état-major nommera deux officiers supérieurs pour surveiller les routes de Cassano à Peschiera, et de Pizzigithone à Goito: ces deux officiers se tiendront, le premier, à Chiaro, et le deuxième, à Casale-Major; ils nommeront des officiers à chaque étape pour surveiller les soldats et tenir la main à ce que les employés de Venise délivrent exactement, et en bonne fourniture, les étapes aux soldats et aux chevaux.

Chacun des officiers supérieurs aura avec lui quinze hommes de gendarmerie à cheval et un détachement de cent cinquante hommes, qui lui serviront à escorter les prisonniers et à se porter partout où il serait nécessaire pour la sûreté de la route.

Le général commandant le Mantouan établira des officiers dans toutes les étapes de son arrondissement, les généraux de division en feront autant, chacun dans son arrondissement, et jusqu'à l'étape qui joint la grande route.

La route de Plaisance joindra la grande communication de l'armée à Saint-Colombar.

L'officier supérieur qui commande la place de Plaisance aura la surveillance sur toute la route, depuis Saint-Colombar à Parme.

On mettra neuf jours pour aller de Coni à Pavie, sept de Pavie à Peschiera, et six de Pavie à Goito.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 3 messidor an 4 (21 juin 1796).

Au directoire exécutif.

La division du général Augereau, citoyens directeurs, a passé le Pô à Borgoforte, le 28 prairial; il est arrivé à Bologne le 1er messidor; il y a trouvé quatre cents soldats qui y ont été faits prisonniers.

Je suis parti de Tortone le 29 prairial; je suis arrivé le 1er messidor à Modène, d'où j'ai envoyé l'ordre, par l'adjudant-général Vegnat, à la garnison du château d'Urbin d'ouvrir ses portes, de poser les armes, et de se rendre prisonnière de guerre. J'ai continué ma route pour Bologne; je suis arrivé à minuit. Nous avons trouvé, dans le fort Urbin, cinquante pièces de canon bien approvisionnées, cinq cents fusils de calibre, de très-beau modèle, et des munitions de bouche pour nourrir six mille hommes pendant deux mois. Le fort Urbin est dans un bon état de défense; il a une enceinte bastionnée, revêtue et entourée de fossés pleins d'eau, avec un chemin couvert nouvellement réparé. Il était commandé par un chevalier de Malte, et trois cents hommes que nous avons faits prisonniers.

Nous avons fait prisonniers, à Bologne, le cardinal légat, avec tous les officiers de l'état-major, et pris quatre drapeaux. Nous avons également fait prisonnier le cardinal légat de Ferrare avec le commandant de ce fort, qui est un chevalier de Malte. Il y a dans le château de Ferrare cent quatorze pièces de canon.

L'artillerie que nous avons trouvée à Modène, au fort Urbin et au château de Ferrare, forme un équipage de siège qui nous mettra à même d'assiéger Mantoue.

Les vingt tableaux que doit nous fournir Parme sont partis. Le célèbre tableau de saint Jérôme est tellement estimé dans ce pays, qu'on offrait 1,000,000 pour le racheter.

Les tableaux de Modène sont également partis: le citoyen Barthelemy s'occupe, dans ce moment-ci, à choisir les tableaux de Bologne; il compte en prendre une cinquantaine, parmi lesquels se trouve la sainte Cécile, qu'on dit être le chef-d'oeuvre de Michel-Ange.

Monge, Berthollet, Thouin, naturaliste, sont à Pavie, où ils s'occupent à enrichir notre Jardin des Plantes et notre Cabinet d'histoire naturelle. J'imagine qu'ils n'oublieront pas une collection complète de serpens, qui m'a paru bien mériter la peine de faire le voyage. Je pense qu'ils seront après-demain à Bologne, où ils auront aussi une abondante récolte à faire.

J'ai vu, à Milan, le célèbre Oriani: la première fois qu'il vînt me voir, il se trouva interdit, et ne pouvait pas répondre aux questions que je lui faisais. Il revint enfin de son étonnement: «Pardonnez, me dit-il, mais c'est la première fois que j'entre dans ces superbes appartemens; mes yeux ne sont pas accoutumés....» Il ne se doutait pas qu'il faisait, par ce peu de paroles, une critique bien amère du gouvernement de l'archiduc. Je me suis empressé de lui faire payer ses appointemens et de lui donner tous les encouragemens nécessaires.

Au premier courrier, je vous enverrai une copie des lettres que je lui ai écrites, dès l'instant que j'ai reçu la recommandation que vous m'avez envoyée pour lui.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 3 messidor an 4 (21 juin 1796).

Bonaparte, général en chef, aux commissaires du gouvernement près l'armée d'Italie.

Les mouvemens actuels d'une partie de l'armée de Wurmser sur la frontière des Grisons, et les renforts que Beaulieu reçoit tous les jours, ceux plus considérables encore qui sont en marche; l'opération sur Livourne, que le gouvernement m'a ordonné d'entreprendre, et à laquelle je n'ai vu aucun inconvénient militaire, comptant sur l'arrivée de six mille hommes, que devait conduire le général Châteauneuf-Randon, lesquels ont reçu contre-ordre et sont toujours à Nîmes; la garnison que je serai obligé de laisser dans la place de Livourne; tout nous fait une nécessité de faire venir, le plus promptement possible, deux demi-brigades de l'armée des Alpes. Il serait possible d'en tirer une des deux qui sont à Lyon, et une existante dans le département de la Drôme. Il sera facile au général de l'armée des Alpes de remplacer les deux demi-brigades par des colonnes mobiles, composées de garde nationale sédentaire mise en réquisition, et je lui fais passer, à cet effet, 150,000 liv. en numéraire, pour subvenir à leur solde.

Je vous requiers donc de prendre les mesures les plus efficaces et les plus promptes pour que ces deux demi-brigades se rendent de suite à Milan: le besoin que nous en avons est tellement pressant, que je crois que l'on doit faire venir les plus près, et user de tous les moyens pour activer leur marche et leur arrivée à Milan.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 4 messidor an 4 (22 juin 1796).

Au citoyen Faypoult.

Je viens de recevoir votre courrier; je connais trop bien l'esprit du perfide gouvernement génois, pour ne pas avoir prévu la réponse qu'il aurait faite.

Je viens de recevoir, par un courrier extraordinaire du directoire, la copie de la note que vous avez présentée lors de la prise de cinq bâtimens.

Voilà donc deux sujets de plainte; tenez querelle ouverte sur l'un et l'autre objet. Je vous charge spécialement de prendre les moyens les plus efficaces pour que l'argent, les bijoux et autres objets précieux appartenans à la république, et qui se trouvent à Gênes, soient bientôt évacués de cette place.

Faites appeler chez vous le citoyen Suci, et envoyez-moi, par un courrier extraordinaire, l'inventaire des effets, quels qu'ils soient, qui se trouvent à Gênes.

Je vous prie de me tenir instruit, dans le plus grand détail, de ce qui concerne notre position avec le sénat de Gênes.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 4 messidor au 4 (22 juin 1796).

A l'adjudant-général Leclerc.

Vous vous rendrez à Coire, capitale du pays des Grisons; vous y verrez le citoyen Comeyras, ministre de la république; vous parcourrez le pays jusqu'au débouché de Souabe; vous enverrez des espions prendre des renseignemens sur la position et les mouvemens de l'ennemi, de l'autre côté des montagnes. Vous m'instruirez de ce qui pourrait en mériter la peine, par un courrier extraordinaire, que vous adresserez au général Despinois à Milan.

Vous choisirez les positions que l'ennemi pourrait prendre pour descendre des montagnes dans le Milanais, en supposant qu'il voulût le tenter.

Vous resterez le temps nécessaire dans ce pays pour le parcourir, le connaître et acquérir les connaissances sur l'esprit qui anime les habitans.

BONAPARTE.



Bologne, le 4 messidor an 4 (22 juin 1796).

Au général-chef des ligues grises.

Je vous adresse le citoyen Leclerc, adjudant-général, pour vous donner une marque de l'amitié de la république française et du désir que j'ai de vous être utile, comptant sur une parfaite réciprocité de votre part.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 5 messidor an 4 (23 juin 1796).

Au ministre de la république à Venise.

Je vous prie, citoyen ministre, de mettre plus d'activité dans votre correspondance secrète, et de pouvoir me faire passer tous les jours un bulletin des forces et des mouvemens de l'ennemi. Vous devriez avoir des espions à Trente, à Roveredo, à Inspruck, et avoir tous les jours des bulletins de ces endroits: c'est ainsi que fait le citoyen Barthélémy à Bâle, et qui, par là, rend des services majeurs à la république. Je suis instruit, par une voie indirecte, que Venise arme, et vous ne m'instruisez pas de quelle nature et de quelle force sont ces armemens. Vous sentez combien il importe que je sois instruit à temps sur des objets pareils.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 5 messidor an 4 (23 juin 1796).

Au citoyen Miot, ministre à Florence.

Je vous envoie le citoyen Marmont, mon aide-de-camp, chef de bataillon, pour remettre une lettre au grand-duc de Toscane; elle est sous cachet volant, afin que vous puissiez en voir le contenu. Je désirerais que vous le présentassiez à son Altesse Royale. Si vous voulez me parler, écrivez ici avant demain matin.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 8 messidor an 4 (26 juin 1796).

Au citoyen Miot.

J'apprends à l'instant qu'en conséquence d'un ordre général qui a été donné de ne rien laisser passer de ce qui se rendrait à Bologne, à Florence, il pourrait se faire que M. Manfredini n'eût pas pu passer, et qu'il fût encore à Bologne. Si cela était, je serais désespéré de ce contre-temps. Je vous prie de faire mes excuses au grand-duc, et de faire partir de suite un courrier pour Bologne avec l'ordre ci-joint.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Livourne, le 9 messidor an 4 (27 juin 1796).

Le général chef de l'état-major donnera sur-le-champ les ordres les plus précis au chef de bataillon Hulin, commandant la place de Livourne, de faire arrêter le gouverneur de la ville aussitôt qu'il sera informé que la soixante-quinzième demi-brigade arrivera; que ce gouverneur soit mis sous bonne garde dans une maison près du camp, pour le faire partir de là pour Florence, dans une voiture qui sera escortée, lorsque le général en chef aura déterminé l'heure du départ de cet officier, pour lequel on aura d'ailleurs tous les égards convenables.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Livourne, le 11 messidor an 4 (29 juin 1796).

Le général Vaubois tiendra garnison à Livourne avec la soixante-quinzième demi-brigade, une compagnie d'artillerie et un escadron du premier régiment de hussards; il fera mettre les batteries qui défendent l'entrée du port dans un bon état de défense, les fera arranger de manière qu'il n'y ait que des pièces d'un ou de plus deux calibres à chaque batterie; il fera monter des grils à boulets rouges, et aura soin que les pièces soient approvisionnées à cent coups; il choisira un fort de la ville, celui le plus dans le cas de se défendre, et qui a des communications avec l'intérieur; il fera mettre ce fort en état de défense; fera, à cet effet, les déplacemens d'artillerie qu'il jugera nécessaires; établira un magasin où il y ait de quoi nourrir deux mille hommes pendant quarante jours avec tous les accessoires pour soutenir le siège.

Il n'épargnera aucun moyen pour maintenir Livourne dans une parfaite tranquillité; il fera en sorte de s'attacher les troupes du grand-duc de Toscane, sur lesquelles il aura toujours l'oeil; il se maintiendra en bonne harmonie avec le gouverneur; il lui renverra toutes les affaires de détail; lui montrera de grands égards, surtout en particulier; mais conservera sur lui, surtout en public, une grande supériorité. S'il y avait à Livourne des complots ou toute autre chose qui intéressât l'existence des troupes françaises, il prendra alors toutes les mesures nécessaires pour rétablir le calme et punir les malintentionnés. Il n'épargnera ni les personnes, ni les propriétés, ni les maisons.

Dans toutes les affaires difficiles qui pourraient lui survenir, il consultera le citoyen Miot, ministre de la république française à Florence, qui sera à même de lui donner de bons renseignemens.

Il protégera le consul dans l'opération intéressante dont il est chargé: se trouvant le premier agent de la république à Livourne, il surveillera tous les intérêts de la république, et me rendra compte de tous les abus qu'il ne dépendrait pas de lui de réprimer.

Il vivra d'une manière convenable; il aura souvent à sa table les officiers du grand-duc et les consuls des puissances étrangères: il lui sera accordé à cet effet des dépenses extra-ordinaires. Il nommera un officier pour surveiller le port; il nommera un commandant de chaque fort; il maintiendra les corsaires dans une sévère discipline, et veillera à ce qu'ils respectent le pavillon neutre, et spécialement le pavillon espagnol. Il se fera, tous les jours, rendre compte des rapports des vigies; il me tiendra informé de tout ce qui se passe dans le pays où il se trouve, et m'enverra le rapport de toutes les nouvelles de Corse qui lui arriveront. Il écrira aux fiefs impériaux qui environnent la ville, afin qu'ils reconnaissent la république, et il me fera part du nombre de ces fiefs, et de leur population, de leur richesse, et de l'esprit qui les anime. Il maintiendra une sévère discipline vis-à-vis ses troupes; il tiendra la main à ce que tous les soldats soient casernés, et que personne, depuis le général, jusqu'au dernier employé, ne soit logé chez l'habitant. Il aura avec lui un adjudant-général, un commissaire des guerres, un employé de chaque partie de l'administration.

BONAPARTE.



Livourne, le 12 messidor an 4 (30 juin 1796).

Au consul de la république à Livourne.

Le consul de la république à Livourne fera lever les scellés et dresser les inventaires de tous les magasins appartenans à l'Angleterre et aux négocians anglais, à l'empereur, à la czarine de Russie, et enfin aux princes ou particuliers des états avec lesquels nous sommes en guerre. Il fera faire toutes les démarches, et prendra toutes les mesures nécessaires pour découvrir, faire restituer et saisir toutes les marchandises qui auraient été mises en dépôt par les différens particuliers chez des négocians livournais; il fera même solder à cet effet tout ce qu'il croira nécessaire.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Bologne, le 14 messidor an 4 (2 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Dès l'instant, citoyens directeurs, que l'armée impériale fut battue sur le Mincio, l'on vit avancer l'artillerie de siège, et, du 29 au 30 prairial, on ouvrit la tranchée devant le château de Milan. Le 9 messidor, nos batteries se dégagèrent à la fois, et, pendant quarante-huit heures, obtinrent une telle supériorité de feu, que le gouverneur battit la chamade, et capitula le 11 à trois heures du matin.

Nous avons trouvé dans ce fort cinq mille fusils, deux cent milliers de poudre, cent cinquante bouches à feu, et des approvisionnemens assez considérables. Le général Despinois a commandé ce siège. Il a reçu, le jour de l'ouverture de la tranchée, le brevet de général de division que vous lui avez envoyé 9. Le citoyen Lekain, chef de bataillon, a commandé le génie, et le citoyen Verrière, l'artillerie. Je suis bien aise de saisir cette occasion pour témoigner la satisfaction que j'ai de l'activité et du zèle du citoyen Chasseloup, chef de brigade, commandant le génie de l'armée.

BONAPARTE.

Footnote 9: (return) Ce général Despinois est le même qui commandait Paris en 1816.


Au quartier-général de Roveredo, le 17 messidor an 4 (5 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Après le combat de Borghetto, citoyens directeurs, les ennemis se sont retirés sur les hautes montagnes pour nous défendre les issues du Tyrol; ils ont tiré des lignes, qu'ils ont fortifiées avec beaucoup de soins, entre la tête du lac de Garda et l'Adige. Masséna ordonna au général Joubert d'attaquer les ennemis par la Bochetta de Campion. Le chef de bataillon Marchand se mit en marche, tourna l'ennemi par la droite: ce fut le signal de l'attaque. Les armes sur le bras et sans tirer un coup de fusil, nos soldats gravirent les rochers escarpés, tuèrent cent hommes, firent deux cents prisonniers, avec quatre cents tentes et tous les bagages. Pendant ce temps-là, le chef de bataillon Recco, officier de la plus grande bravoure, tourna l'ennemi par la gauche, s'empara de l'excellente position de Belone, tua trois cents hommes, et fit soixante-dix prisonniers. L'ennemi a abandonné des retranchemens que nous n'aurions pas construits en six mois, tout a été culbuté; et un mois de fatigues, de peines, est perdu en un instant.

Voilà le premier combat qui a eu lieu entre les deux armées, depuis que le nouveau général la commande.

J'irai bientôt attaquer l'escadre autrichienne qui tient le lac de Garda.

Voici les traits de bravoure qui ont honoré les républicains dans cette affaire:

Claude Roche, carabinier de la deuxième compagnie de la onzième demi-brigade d'infanterie légère, sauta le premier dans les retranchemens ennemis, tua l'officier; et, sans s'arrêter à sa montre qui paraissait, ni à ses dépouilles, il se saisit de son sabre nu, en tua un Autrichien, et en fit trois prisonniers.

Jean Gerrin, de la même compagnie, tombe sur douze Autrichiens, les met en joue: son fusil ratte, il se jette sur eux le sabre à la main, coupe le bras au premier; les autres tombent à ses genoux et se rendent.

Ardionne, sous-lieutenant de la même compagnie, le même qui, avec une vingtaine d'hommes, s'empara de la pièce de 13 à Borghetto, s'est toujours présenté dans les retranchemens, à la tête des carabiniers, auxquels son exemple fait affronter tous les dangers.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 17 messidor an 4 (5 juillet 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre de la république à Gênes.

Je préfère que les déserteurs allemands prennent plutôt du service dans l'armée espagnole que dans l'armée vénitienne, c'est pourquoi je vous prie de prévenir le recruteur espagnol que je l'autorise à se rendre à Brescia, où je lui ferai passer tous les déserteurs allemands.

Je suis ici depuis hier. Le général Masséna a été chercher l'ennemi, lui a tué quatre cents hommes, et lui a fait trois cent cinquante prisonniers.

Je m'approcherai à mesure de vos murs.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 17 messidor an 4 (5 juillet 1796).

A l'ordonnateur de la marine à Toulon,

Il va partir de Bologne quatre-vingt voitures chargées de chanvre pour Nice, où elles seront à votre disposition.

J'ai écrit au ministre de la marine, pour le prévenir qu'il pourrait envoyer des commissaires à Rome pour toucher jusqu'à concurrence de 4,000,000 liv. numéraire.

Je serai toujours empressé de faire quelque chose qui puisse contribuer à la restauration de notre marine, quoiqu'au fond il faille un ordre du gouvernement.

BONAPARTE.



Au quartier-général de Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Au citoyen Carnot, membre du directoire exécutif.

Le général Berthier est furieux de la victoire imaginaire que les gazetiers allemands font remporter à Beaulieu sur nous. Quant à moi, je trouve que ces messieurs ont raison de chercher à se consoler par le seul moyen qui leur reste: les rêves ont toujours été la consolation des malheureux!

Toutes nos affaires diplomatiques en Italie, hormis Gênes et Venise, sont terminées.

Venise, le moment n'est pas favorable; il faut auparavant prendre Mantoue et bien battre Wurmser.

Quant à Gênes, le juste moment est arrivé. J'écris là-dessus longuement au directoire: je suis de l'avis du citoyen Faypoult, qui est de chasser du gouvernement une vingtaine de familles qui nous ont trahis dans tous les temps, et de faire rappeler au contraire celles exilées qui ont montré de l'amitié pour nous. Dès l'instant que je connaîtrai vos intentions là-dessus, je me mettrai en devoir de les exécuter: en attendant, je vais commencer les négociations pour les dix millions.

Tout va assez bien; l'ennemi se renforce; nous ne le chercherons pas, à moins qu'il ne s'approche trop de l'Adige, et nous allons concentrer tous nos moyens pour enlever Mantoue.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Le général en chef Bonaparte au directoire exécutif.

J'apprends à l'instant, citoyens directeurs, que la garnison de Mantoue a fait une sortie; elle est rentrée plus vite qu'elle n'était sortie, en laissant une cinquantaine de morts.

Je ferai ce soir une dernière reconnaissance pour fixer les dernières opérations du siège; dans quatre ou cinq jours, la tranchée sera ouverte.

Les divisions de l'armée qui sont sur les montagnes du Tyrol se portent parfaitement bien. La division du général Serrurier, qui assiège Mantoue, et qui est forte de sept mille hommes, commence à avoir cinquante malades tous les jours. Il m'est impossible de tenir moins de monde autour de Mantoue, où il y a au moins huit ou dix mille hommes de garnison. Il y a un mois que je tiens cette place bloquée de cette manière. L'ennemi, instruit probablement de la faiblesse des assiégeans, a voulu souvent faire des sorties, et a été toujours battu.

Mais actuellement je suis obligé de renforcer cette division, puisque l'ouverture de la tranchée va commencer. J'espère que nous aurons bientôt la ville, sans quoi nous aurions bien des malades.

Wurmser commence à faire des mouvemens pour chercher à débloquer Mantoue. J'attends avec quelque impatience les dix bataillons de l'armée de l'Océan, que vous m'avez annoncés depuis long-temps, et dont je n'ai pas encore eu de nouvelles.

Je ne m'occuperai des demandes à faire à Venise que lorsque l'affaire de Gênes sera finie, Mantoue pris, et les affaires qui vont s'entamer terminées.

On porte les renforts arrivés à l'ennemi à trente-un mille hommes, dont dix mille Tyroliens; dix-huit mille, reste de l'armée de Beaulieu; huit mille, garnison de Mantoue: en tout, soixante-sept mille hommes.

Voici la force de notre armée: Division de Masséna, treize mille hommes; de Sauret, huit mille; d'Augereau, huit mille; Serrurier, sept mille; Despinois, cinq mille; cavalerie, trois mille: en tout, quarante mille hommes.

Vous voyez la grande supériorité qu'a sur nous l'ennemi.

Dans les quarante mille hommes dont il est question, les garnisons de Livourne, de Milan, de Pavie, de Tortone, etc., ne sont pas comprises.

Je vous ai annoncé, dans ma dernière lettre, que j'avais demandé six mille fusils à la république de Lucques: ils étaient déjà en chemin; mais, n'étant pas de calibre, je les ai renvoyés.

J'ai fait séquestrer à Livourne tous les biens appartenans aux Napolitains, vu que, par l'armistice, la suspension d'armes n'est censée devoir commencer qu'au moment où la cavalerie napolitaine sera rendue dans les positions qui lui sont indiquées. Je crois cependant que vous pourrez ordonner la restitution des biens appartenans aux Napolitains, par un article du traité de paix. J'ai ordonné que tous les inventaires des effets appartenans aux Napolitains fussent faits devant leur consul.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous ai fait passer, citoyens directeurs, par mon dernier courrier, la demande que j'avais faite au sénat de Gênes, pour qu'il chassât le ministre de l'empereur, qui ne cessait de fomenter la rébellion dans les fiefs impériaux, et de faire commettre des assassinats. Vous recevrez la note que le secrétaire d'état a communiquée au citoyen Faypoult, et qu'il m'a envoyée. Vous recevrez également une lettre du ministre Faypoult, relativement aux affaires de Gênes; je vous prie de la prendre en considération, et de me donner vos ordres là-dessus. Quant à moi, je pense, comme le ministre Faypoult, qu'il faudrait chasser du gouvernement de Gênes une vingtaine de familles qui, par la constitution même du pays, n'ont pas le droit d'y être, vu qu'elles sont feudataires de l'empereur ou du roi de Naples; obliger le sénat à rapporter le décret qui bannit de Gênes huit ou dix familles nobles: ce sont celles qui sont attachées à la France, et qui ont, il y a trois ans, empêché la république de Gênes de se coaliser. Par ce moyen-là, le gouvernement de Gênes se trouverait composé de nos amis, et nous pourrions d'autant plus y compter, que les nouvelles familles bannies se retireraient chez les coalisés, et dès-lors les nouveaux gouvernans de Gênes les craindraient, comme nous craignons le retour des émigrés. Si vous approuvez ce projet-là, vous n'avez qu'à m'en donner l'ordre, et je me charge des moyens pour en assurer l'exécution.

J'attends la réponse à cette lettre dans la première décade de thermidor.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Le général en chef est instruit qu'il s'est commis des abus de toute espèce, et que les bons habitans du duché de Mantoue sont foulés par des réquisitions abusives: il ordonne en conséquence:

1°. Qu'il y aura trois assemblées dans le duché de Mantoue, composées d'un député par commune, qui s'assembleront le 24 du mois.

La première assemblée se tiendra à Roverbello, et comprendra les députés de tous les pays entre le Mincio, le Pô et les états de Venise.

La seconde assemblée se tiendra à Couraque, et comprendra les députés de tous les pays compris au-delà du Pô.

La troisième se tiendra à Castiglione de Scrivia, et comprendra les députés de tous les pays compris entre le Mincio, le Pô, le Bressan et la Lombardie.

2°. Chaque député portera avec lui: 1° son acte de députation par sa municipalité; 2° un cahier des plaintes que les habitans ont à porter contre les différens individus de l'armée; 3° un état des contributions en argent que le pays a fournies, et entre les mains de qui; 4° un état des contributions en nature qui ont été fournies, et à qui données; 5° un état de ce qui a été trouvé dans les caisses publiques; 6° un état des impositions directes et indirectes, et ce qui est dû.

3°. Chaque assemblée sera présidée par le plus ancien d'âge; elle s'assemblera dans un local qui sera désigné par les municipalités où elles se réuniront.

4°. Chaque assemblée nommera trois députés pour se rendre avec tous les cahiers de plaintes et les états ci-dessus annoncés, auprès du général en chef. Immédiatement après, l'assemblée sera dissoute; elle ne pourra durer plus de douze Heures.

5°. Le général en chef défend, sous les peines les plus sévères, aux agens de services, aux commissaires des guerres, aux officiers, de faire aucune réquisition, à moins qu'elle ne soit signée de l'ordonnateur en chef.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Roveredo, le 19 messidor an 4 (7 juillet 1796).

À M. le provéditeur-général.

Je reçois plusieurs rapports des assassinats qui ont été commis par les habitans du Pont de Saint-Marc contre les Français.

Je ne doute pas que vous n'y mettiez ordre le plus tôt possible, sans quoi les villages se trouveront exposés au juste ressentiment de l'armée, et je ferai sur eux un exemple terrible.

Je me flatte que vous ferez arrêter les coupables, et que vous placerez de nouveaux détachemens dans cette ville pour assurer les communications.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Vérone, le 20 messidor an 4 (8 juillet 1796).

À M. le provéditeur-général.

Il y a entre les troupes françaises et les Esclavons une animosité que des malveillans se plaisent sans doute à cimenter. Il est indispensable, monsieur, pour éviter de plus grands malheurs, aussi fâcheux que contraires aux intérêts des deux républiques, que vous fassiez sortir, demain, de Vérone, sous les prétextes les plus spécieux, les bataillons d'Esclavons que vous avez dans cette ville.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Vérone, le 21 messidor an 4 (9 juillet 1796).

Au même.

Les circonstances actuelles de la guerre et la nécessité de défendre Vérone, m'obligent, monsieur, à placer de l'artillerie sur les remparts de cette ville. J'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai donné, à cet effet, des instructions au général d'artillerie.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Vérone, le 34 messidor an 4 (12 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Le général Sauret, avec trois mille hommes, défend depuis Salo, situé sur le lac de Garda, jusqu'au lac d'Iseo.

Le général Masséna, avec douze mille hommes, défend depuis Torre jusqu'à Rivalta sur l'Adige, et de là il défend le passage de l'Adige jusqu'à San-Giovanni, trois milles plus bas que Vérone. La ville de Vérone a été mise en état de défense, en se servant de l'artillerie trouvée dans cette place.

Le général Despinois défend, avec cinq mille hommes, depuis San-Giovanni jusqu'à Runco.

Le général Augereau, avec huit mille hommes, défend depuis Runco jusqu'à Gastaniara; il y a des écluses par le moyen desquelles on peut inonder tout le pays inférieur.

Le général Kilmaine, avec deux mille hommes de cavalerie et douze pièces d'artillerie légère, est à Valeze, pour se porter partout où l'ennemi voudrait tenter un passage.

Porto-Legnago, où il y a un pont sur l'Adige, est mis en état de défense, en se servant de l'artillerie vénitienne trouvée dans cette place.

Indépendamment des ponts que nous avons à Porto-Legnago et à Vérone, je fais établir, vis-à-vis la Chiusa, un pont de bateaux, défendu par de bonnes batteries de position.

Par le moyen de ces trois passages, l'armée passera rapidement, au premier mouvement de l'ennemi, de la défensive à l'offensive.

L'ennemi a ses avant-postes à Alta, à Malsesena, et il pousse maintenant des colonnes assez considérables derrière la Brenta; il a à peu près huit mille hommes à Bassano.

Nous sommes, depuis plusieurs jours, en observation dans cette position.

Malheur à celui qui calculera mal!...

Quant à nous, nous sommes uniquement occupés au siège de Mantoue. Je médite un coup hardi: les bateaux, les habits autrichiens, les batteries incendiaires, tout sera prêt le 28. Les opérations ultérieures dépendront entièrement de la réussite de ce coup de main, qui, comme ceux de cette nature, dépend absolument du bonheur, d'un chien ou d'une oie.

Cette position de choses m'a fait penser qu'il fallait différer de dix à douze jours l'opération de Gênes, d'autant plus que j'aurai reçu réponse d'une lettre que je vous ai écrite.

Vous trouverez, ci-joint, copie d'une lettre que j'ai en conséquence écrite au ministre de la république, Faypoult. M. Cattaneo, que le sénat de Gênes a envoyé près de moi, m'a joint ce matin, il a été, comme vous pensez, extrêmement satisfait de ce que je lui ai dit. Les démarches que fera Faypoult, et d'autres opérations accessoires, achèveront de nous faire parvenir à notre but, qui est de gagner une quinzaine de jours, au bout duquel temps notre situation en Italie sera tellement décidée, que je suivrai, sans obstacle, de point en point, les ordres que vous me donnerez sur Gênes et sur Venise.

Cette dernière république arme à force. Le citoyen Lallement ne m'a point prévenu, comme il aurait dû le faire, de la nature et de l'activité des armemens. Je vous fais passer copie de la note qu'il a écrite au sénat, et de la réponse du sénat. Au reste, je suis maître de toutes les places fortes de la république de Venise sur l'Adige. Peut-être jugerez-vous à propos de commencer dès à présent une petite querelle au ministre de Venise à Paris, pour que, après la prise de Mantoue et que j'aurai chassé les Autrichiens de la Brenta, je puisse trouver plus de facilité pour la demande que vous avez intention que je leur fasse de quelques millions.

Nous commençons à avoir beaucoup de malades devant Mantoue; mais pas un n'est encore mort. Les chaleurs sont excessives, et l'air de Mantoue extrêmement pestilentiel.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 25 messidor an 4 (13 juillet 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre à Gênes.

Je n'ai pas encore vu M. Cattaneo, citoyen ministre: lorsque je le verrai, il sera content de moi, et je n'oublierai rien de tout ce qui peut l'endormir, et donner au sénat un peu plus de confiance.

Le temps de Gênes n'est pas encore venu, pour deux raisons:

1°. Parce que les Autrichiens se renforcent, et que bientôt j'aurai une bataille. Vainqueur, j'aurai Mantoue, et alors une simple estafette à Gênes vaudra la présence d'une armée;

2°. Les idées du directoire exécutif sur Gênes ne me paraissent pas encore fixées.

Il m'a bien ordonné d'exiger la contribution; mais il ne m'a permis aucune opération politique. Je lui ai expédié un courrier extraordinaire avec votre lettre, et je lui ai demandé des ordres, que j'aurai à la première décade du mois prochain. D'ici à ce temps-là, oubliez tous les sujets de plainte que nous avons contre Gênes.

Faites-leur entendre que vous et moi nous ne nous en mêlons plus, puisqu'ils ont envoyé M. Spinola à Paris. Faites-leur entendre que nous sommes très-contens du choix, et que cela nous est garant de leurs bonnes intentions. Dites-leur positivement que j'ai été très-satisfait des mesures qu'ils ont prises relativement a M. Girola; enfin, n'oubliez aucune circonstance pour faire renaître l'espérance dans le coeur du sénat de Gênes, et l'endormir jusqu'au moment du réveil.

J'ai reçu toutes vos notes. Votre correspondance me devient extrêmement intéressante.

Vous trouverez, ci-joint, une lettre que m'écrit M. Vincent Spinola. Il me semble qu'il y a un territoire qui se trouve en discussion entre Gênes et le Piémont. Donnez-moi, là-dessus, des explications. Faites-moi savoir quel intérêt ils y mettent, et, sur la demande du sénat, dites-leur qu'il serait possible qu'on les mît de suite en possession; enfin, citoyen ministre, faites en sorte que nous gagnions quinze jours, et que l'espoir renaisse, ainsi que la confiance entre vous et le gouvernement génois, afin que, si nous étions battus, nous le trouvions ami.

Faites passer promptement à Tortone tout ce qui se trouve chez M. Balbi. L'intention du directoire est de réunir tout à Paris, pour faire une grande opération de finance. J'y ferai passer trente millions.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Milan, le 26 messidor an 4 (14 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Toutes les troupes des divisions qui ont été employées à l'expédition de Livourne et de Bologne ont repassé le Pô, j'ai seulement ordonné qu'on laissât dans la citadelle de Ferrare quatre cents hommes.

La légation de Ferrare, par le traité, doit rester unie à la république française.

Un moine, arrivé de Trente, a apporté la nouvelle dans la Romagne que les Autrichiens avaient passé l'Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées dans la Romagne. Des imprimés séditieux, des prédicateurs fanatiques prêchèrent partout l'insurrection; ils organisèrent en peu de jours ce qu'ils appelèrent l'armée catholique et papale; ils établirent leur quartier-général à Lugo, gros bourg de la légation de Ferrare, quoique enclavé dans la Romagne.

Le général Augereau donna ordre au chef de brigade Pouraillier d'aller soumettre Lugo. Cet officier, à la tête d'un bataillon, arriva devant cette bourgade, où le tocsin sonnait depuis plusieurs heures; il y trouva quelques milliers de paysans. Un officier de grenadiers se porta en avant en parlementaire: on lui fit signe d'avancer, et, un instant après, il fut assailli d'une grêle de coups de fusil. Ces misérables, aussi lâches que traîtres, se sauvèrent: quelques centaines sont restées sur la place.

Depuis cet événement, qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l'ordre et est parfaitement tranquille.

BONAPARTE.



Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (31 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

J'ai à vous parler, citoyens directeurs, de notre position militaire, administrative et politique à Livourne.

Les batteries contre la mer sont en bon état; nous avons réparé une citadelle où la garnison peut se mettre à l'abri contre une insurrection. Nous y avons deux mille huit cents hommes de garnison de très-bonnes troupes, deux compagnies d'artillerie, et un bon officier de génie. Si l'armée était obligée d'abandonner le nord de l'Italie, cette garnison se retirerait par Massa et la rivière de Gênes. Le général Vaubois, qui y commande, est un homme sage, ferme, et bon militaire.

Lors de notre entrée à Livourne, j'ai chargé le citoyen Belleville, consul de la république dans cette place, de mettre les scellés sur tous les magasins appartenans aux Anglais, Portugais, Russes, et à toutes les autres puissances avec qui nous sommes en guerre, ainsi qu'aux négocians de ces différentes nations. Je préviens le citoyen Belleville qu'il serait personnellement responsable des dilapidations qui pourraient avoir lieu. Cet homme est généralement estimé par sa probité. Après mon départ, une nuée d'agioteurs génois sont venus pour s'emparer de toutes ces richesses. Toutes les mesures que j'avais prises ont été dérangées, et l'on a substitué à un seul responsable, des commissions, où tout le monde dilapide en amusant son voisin. Vous trouverez ci-joint l'extrait de deux lettres du général Vaubois: on se conduit d'une manière dure envers les négocians livournais, on les traite avec plus de rigueur que vous n'avez intention que l'on se conduise envers les négocians anglais mêmes: cela alarme le commerce de toute l'Italie, et nous fait passer à ses yeux pour des Vandales, et cela a entièrement indisposé les négocians de la ville de Gênes; la masse du peuple de cette ville, qui nous a toujours été favorable, est actuellement très-prononcée contre nous.

Si notre conduite administrative à Livourne est détestable, notre conduite politique envers la Toscane n'est pas meilleure. Je me suis toujours gardé de faire aucune espèce de proclamation, et j'ai expressément ordonné qu'on ne fît en apparence aucun acte de gouvernement. La proclamation qui a été publiée vous prouvera combien l'on fait peu de cas de ma manière de voir et des ordres que j'ai donnés. La mesure de chasser les émigrés de Livourne et de vingt lieues à la ronde, par une proclamation, est aussi inutile qu'impolitique. Il y a très-peu d'émigrés dans Livourne, le grand-duc même a donné des ordres pour les chasser. Il était bien plus simple d'en faire arrêter trois ou quatre par les autorités même du pays: alors le peu qui reste se serait bientôt sauvé. Cette proclamation, où l'on s'attribue une juridiction sur vingt lieues de pays, est d'un très-mauvais effet, à moins que (ce qui est extrêmement contraire à vos instructions), nous ne voulions prendre le ton et la politique de l'ancienne Rome.

Les Anglais se sont emparés de Porto-Ferrajo. Maîtres de la mer comme ils le sont, il était difficile de s'opposer à cette entreprise. Quand nous serons maîtres de la Corse, ce qui ne doit pas tarder, il nous deviendra possible de les chasser de cette île. Je vous envoie copie de la lettre que m'a écrite le grand-duc de Toscane, de celle de notre ministre à Florence, et la copie de la réponse.

Dans la position actuelle de l'Italie, il ne faut nous faire aucun nouvel ennemi, et attendre la décision de la campagne pour prendre un parti conforme aux vrais intérêts de la république. Vous sentirez sans doute alors qu'il ne nous convient pas de laisser le duché de Toscane au frère de l'empereur. Je désirerais que jusqu'alors l'on ne se permît aucune menace, ni aucun propos à Livourne, contre la cour de Toscane. Les moindres de mes paroles et de celles de vos commissaires sont épiées et rapprochées avec une grande importance; mais l'on croit toujours être ici dans les couloirs de la convention.

BONAPARTE.

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