Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
Au quartier-général à Milan, le 19 floréal an 5 (8 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer, citoyens directeurs, la ratification du grand-duc de Toscane, que j'ai oublié de vous envoyer. Les Anglais ayant évacué Porto-Ferrajo, j'ordonne que l'on évacue également Livourne.
BONAPARTE.
P. S. Je vous fais tenir également une note explicative, remise par les plénipotentiaires de l'empereur.
Au quartier-général à Milan, le 19 floréal an 5 (8 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je suis parti, le 12 floréal, de Palma-Nova, et je me suis rendu à Mestre. J'ai fait occuper par les divisions des généraux Victor et Baraguay d'Hilliers toutes les extrémités des lagunes. Je ne suis éloigné actuellement que d'une petite lieue de Venise, et je fais les préparatifs pour pouvoir y entrer de force, si les choses ne s'arrangent pas. J'ai chassé de la terre-ferme tous les Vénitiens, et nous en sommes en ce moment exclusivement les maîtres. Le peuple montre une grande joie d'être délivré de l'aristocratie vénitienne: il n'existe plus de Lion de Saint-Marc.
Comme j'étais sur les bords des lagunes, sont arrivés trois députés du grand conseil, qui me croyaient encore en Allemagne et qui venaient avec des pleins pouvoirs du même conseil, pour finir tous les différens. Ils m'ont remis la note que je vous envoie. En conséquence, je leur ai fait répondre par le général Berthier la lettre que je vous fais tenir; je viens de recevoir une nouvelle députation, qui m'a remis la note que je vous envoie.
Les inquisiteurs sont arrêtés; le commandant du fort de Lido, qui a tué Laugier, est arrêté; tout le corps du gouvernement a été destitué par le grand conseil; et celui-ci lui-même a déclaré qu'il allait abdiquer sa souveraineté et établir la forme du gouvernement qui me paraîtrait la plus convenable. Je compte d'après cela y faire établir une démocratie, et même faire entrer dans Venise trois ou quatre mille hommes de troupes. Je crois qu'il devient indispensable que vous renvoyiez M. Quirini.
Depuis que j'ai appris le passage du Rhin par Hoche et Moreau, je regrette bien qu'il n'ait pas eu lieu quinze jours plus tôt, on que du moins Moreau n'ait pas dit qu'il était dans le cas de l'effectuer. Notre position militaire est tout aussi bonne aujourd'hui qu'il y a quinze jours; j'occupe encore Clagenfurth, Goritzia et Trieste. Tous les paysans vénitiens sont désarmés; dans toutes les villes, ceux qui nous étaient opposés sont arrêtés; nos amis sont partout en place, et toute la terre-ferme est municipalisée. On travaille tous les jours sans relâche aux fortifications de Palma-Nova.
Je vous prie de désigner le Frioul pour le lieu où les Autrichiens doivent nous faire passer les prisonniers français. Nous ne leur en restituerons qu'à mesure qu'ils nous restitueront les nôtres.
Le choix des membres qui composent le directoire de la Cisalpine est assez mauvais; il s'est fait pendant mon absence, et a été absolument influencé par les prêtres; mais comme Modène et Bologne ne doivent faire qu'une seule république avec Milan, je suspens l'activité du gouvernement, et je fais rédiger ici par quatre comités différens toutes les lois militaires, civiles, financières et administratives qui doivent accompagner la constitution. Je ferai, pour la première fois, tous les choix, et j'espère que d'ici à vingt jours toute la nouvelle république italienne sera parfaitement organisée et pourra marcher toute seule.
Mon premier acte a été de rappeler tous les hommes qui s'étaient éloignés, craignant les suites de la guerre. J'ai engagé l'administration à concilier tous les citoyens et à détruire toute espèce de haine qui pourrait exister. Je refroidis les têtes chaudes et j'échauffe les froides. J'espère que le bien inestimable de la liberté donnera à ce peuple une énergie nouvelle et le mettra dans le cas d'aider puissamment la république française dans les guerres futures que nous pourrions avoir.
BONAPARTE.
Milan, le 20 floréal an 5 (9 mai 1797).
Le général en chef voit avec indignation les vols que commettent plusieurs agens français, qui, sous différens prétextes, s'introduisent dans les monts-de-piété des villes vénitiennes, y mettent les scellés pour y voler tout ce qui est à leur convenance.
En conséquence, il ordonne:
1°. Aux généraux de division de faire lever tous les scellés des monts-de-piété et de les restituer à leurs administrateurs, et, en attendant, qu'il ne soit porté aucun changement auxdites administrations (hormis celui de la ville de Verone).
2°. De faire vérifier par les administrateurs et les membres des municipalités ce qui manque aux monts-de-piété et autres établissemens publics, depuis l'apposition des scellés, et de faire arrêter sur-le-champ les agens ou commissaires qui auraient mis les scellés ou qui seraient coupables de dilapidations, et de les faire traduire devant le conseil militaire de sa division.
3°. Les municipalités de la terre-ferme vénitienne enverront sur-le-champ au général en chef une note de tout ce qui aurait été pris et qui serait à leur connaissance.
4°. La propriété des villes et des habitans de la terre-ferme vénitienne est sous la responsabilité des généraux de division qui y commandent: ils prendront toutes les mesures possibles pour faire arrêter les coupables, réprimer les abus, et garantir ce pays des ravages de cette nuée de voleurs qui semble s'y être donné rendez-vous.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 floréal an 5 (9 mai 1797).
Au général chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, conformément au traité d'alliance qui existe entre la république française et sa majesté le roi de Sardaigne, ordonner que tous les déserteurs des troupes sardes soient sur-le-champ rendus, et défendre aux différens chefs de corps, soit français, soit milanais, de recevoir aucun déserteur sarde.
Vous voudrez bien donner l'ordre aux commandans de la Lombardie pour qu'ils prennent les mesures afin qu'il existe une sévère discipline sur les frontières du Piémont, et s'opposent à tout ce qui pourrait troubler la tranquillité des états du roi de Sardaigne.
Vous voudrez bien également ordonner au commandant de Tortone de faire tout ce qui dépendra de lui pour maintenir la tranquillité dans les états du roi de Sardaigne, s'opposer à la contrebande du blé et des bestiaux, et enfin avoir pour sa majesté le roi de Sardaigne les sentimens que notre position actuelle doit lui assurer.
Vous le préviendrez également que l'évêque de Tortone va prendre possession de son évêché, et qu'il ait pour lui tous les égards qui sont dus à son caractère.
Vous voudrez bien ordonner au général Casabianca de faire ôter l'arbre de la liberté de la ville de Ceva, et de faire tout son possible pour maintenir le bon ordre dans les états de sa majesté le roi de Sardaigne.
Vous donnerez les ordres pour que les nommés Viniatteri, Rozetti et Strovengo, chefs de la conspiration qui a eu lieu pour assassiner le roi de Sardaigne, soient arrêtés.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 floréal an 5 (13 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Le dernier courrier que j'ai reçu de vous est du 3 floréal, et je ne connais pas encore vos intentions relativement aux préliminaires de la paix: cela ne laisse pas que de m'embarrasser dans la direction à donner aux différentes affaires actuelles.
Je vous ai rendu compte, par mon dernier courrier, du terme où en était la négociation de Venise. Les négociateurs et le citoyen Lallemant sont ici; mais, pendant ce temps-là, les affaires marchent à grands pas dans Venise même, où l'emprisonnement des inquisiteurs et l'effervescence populaire rendent les propriétés incertaines, sans la présence d'une force française.
Je vous envoie une lettre du citoyen Villetard, secrétaire de la légation française à Venise.
J'ai donné ordre au général Baraguay d'Hilliers d'y entrer avec cinq mille hommes.
J'ai envoyé ordre au citoyen Bourdé, commandant la flottille de l'Adriatique, de s'y rendre également.
Vous ordonnerez au général Lahoz d'éloigner de Milan les citoyens Lerese, Anisette et Barnabitte, et de les employer hors de cette ville, les engageant à ne rien faire qui trouble la tranquillité des états du roi de Sardaigne.
Il est probable, quoiqu'il ne soit cependant pas sûr, que lorsque vous lirez cette lettre, vous serez maîtres de Venise et de son arsenal.
La république cispadane paraît vouloir se réunir avec Venise, si cette ville accepte le gouvernement représentatif, plutôt que de se réunir avec le Milanez.
La république lombarde serait alors composée des pays compris entre le Tesin, le Pô, l'Oglio et le Modénais; ce qui ferait deux millions de population.
La république de Venise démocrate serait composée, 1°. du Trévisan, deux cent mille habitans; 2°. du Dogodo, cent mille; 3°. de la Polésine, de Rovigo et d'Adria, quatre-vingt mille; 4° de la ville de Venise, cent cinquante mille; 5°. des îles du Levant, deux cent mille; 6°. de la Cispadane, six cent mille; 7°. de la Romagne, trois cent mille: en tout, un million six cent mille habitans.
Les deux républiques concluraient une alliance offensive et défensive avec la France contre les Anglais.
Nous trouverons dans l'arsenal de Venise quelques ressources pour notre marine, et quelques vaisseaux de guerre, s'ils sont d'une bonne construction.
J'ai fait partir de Trieste pour Toulon six bâtimens chargés de blé et d'acier.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 floréal an 5 (14 mai 1797).
Extrait d'une lettre au directoire exécutif.
Je vous envoie une lettre du citoyen Villetard, une autre du général Baraguay d'Hilliers, et enfin la délibération du grand-conseil, qui a abdiqué. Je crains fort que cette pauvre ville de Venise ne soit en partie pillée par les Esclavons, à l'heure où je vous écris.
J'ai envoyé, par un courrier extraordinaire, au doge la proclamation que je vous fais passer, afin de chercher à y rétablir la tranquillité.
Demain, je conclurai un traité avec les députés vénitiens: j'espère que cette affaire s'achèvera heureusement, et que, si nous ne sommes pas, à l'heure qu'il est, dans Venise, nous ne tarderons pas à y être.
La marine pourra y gagner quatre ou cinq vaisseaux de guerre, trois ou quatre frégates, pour 3 ou 4,000,000 de cordages, de bois et d'autres objets qui lui sont nécessaires.
J'ai envoyé des courriers a Gênes et à Livourne, pour qu'on me fasse passer en toute diligence tous les matelots français ou corses qui s'y trouveraient; je prendrai ceux des lacs de Mantoue et de Garda, et je diminuerai le nombre de ceux que j'ai sur la flottille.
Je vous prie de m'envoyer en poste un contre-amiral, un major d'escadre, etc.
J'aurais aussi besoin de quatre ou cinq cents matelots, qui pourraient se rendre à Gênes, d'où ils viendraient à Tortoue, où ils recevront, du commandant de la place, les ordres, et trouveront les moyens de s'embarquer sur le Pô jusqu'à Venise.
J'espère, si tout réussit conformément à mes espérances, avoir:
Quatre bâtimens de guerre, tout équipés et approvisionnés pour six mois; trois frégates françaises, compris la Brune; deux corvettes françaises et quinze chaloupes canonnières.
Ces vingt-quatre bâtimens seront prêts, j'espère, à mettre à la voile avant l'arrivée du contre-amiral.
Je trouverai les bâtimens et les frégates vénitiennes prêtes à mettre à la voile, parce qu'elles viennent de croiser dans l'Archipel.
BONAPARTE.
Traité de paix entre la république française et la république de Venise.
Le directoire exécutif de la république française et le grand-conseil de la république de Venise, voulant rétablir sans délai l'harmonie et la bonne intelligence qui régnaient ci-devant entre elles, conviennent des articles suivans:
ART 1. Il y aura paix et amitié entre la république française et la république de Venise; toutes les hostilités cesseront dès à présent.
2. Le grand-conseil de Venise, ayant à coeur le bien de sa patrie et le bonheur de ses concitoyens, et voulant que les scènes qui ont eu lieu contre les Français ne puissent plus se renouveler, renonce à ses droits de souveraineté; ordonne l'abdication de l'aristocratie héréditaire, et reconnaît la souveraineté de l'état dans la réunion de tous les citoyens, sous la condition cependant que le gouvernement garantira la dette publique nationale, l'entretien des pauvres gentilshommes qui ne possèdent aucun bien fonds, et les pensions viagères accordées sous le titre de provisions.
3. La république française, sur la demande qui lui en a été faite, voulant contribuer, autant qu'il est en elle, à la tranquillité de la ville de Venise et au bonheur de ses habitans accorde une division de troupes françaises pour y maintenir l'ordre et la sûreté des personnes et des propriétés, et seconder les premiers pas du gouvernement dans toutes les parties de son administration.
4. La station des troupes françaises à Venise n'ayant pour but que la protection des citoyens, elles se retireront aussitôt que le nouveau gouvernement sera établi, ou qu'il déclarera n'avoir plus besoin de leur assistance. Les autres divisions de l'armée française évacueront également toutes les parties du territoire vénitien qu'elles occuperont dans la terre ferme, lors de la conclusion de la paix continentale.
5. Le premier soin du gouvernement provisoire sera de faire terminer le procès des inquisiteurs et du commandant du fort de Lido, prévenus d'être les auteurs et instigateurs des Pâques vénitiennes et de l'assassinat commis dans le port de Venise; il désavouera d'ailleurs ces faits de la manière la plus convenable et la plus satisfaisante pour le gouvernement français.
6. Le directoire exécutif, de son côté, par l'organe du général en chef de l'armée, accorde pardon et amnistie générale pour tous les autres Vénitiens qui seraient accusés d'avoir pris part à toute conspiration contre l'armée française; et tous les prisonniers seront mis en liberté après la ratification.
Ainsi a été arrêté et convenu, savoir: au nom de la république française, par les citoyens Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie; et Lallemant, ministre plénipotentiaire de la république française près celle de Venise; et, au nom du grand conseil vénitien, par MM. François Dona, Léonard Justiani et Louis Moncenigo, députés munis de pleins pouvoirs, dont l'original est annexé aux présentes, lesquelles devront être ratifiées par les hautes puissances contractantes, dans le plus court délai possible, pour sortir leur entière exécution.
Fait à Milan, le 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797).
Signé BONAPARTE, etc.
Articles secrets faisant suite et partie du traité de paix conclu cejourd'hui 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797), entre la république française et telle de Venise.
ART Ier. La république française et la république de Venise s'entendront entre elles pour l'échange des différens territoires.
2. La république de Venise versera dans la caisse du payeur de l'armée d'Italie trois millions tournois en numéraire; savoir, un million dans le mois de prairial prochain, un second million dans le mois de messidor, et le troisième million lorsque le gouvernement provisoire sera entièrement organisé.
3. La république de Venise fournira pour la valeur de trois autres millions tournois en chanvres, cordages, agrès et autres objets nécessaires à la marine, sur la réquisition des commissaires qui seront nommés par le général en chef de l'armée, et en tant que ces objets existeront réellement dans les magasins ou dépôts de l'arsenal.
4. La république de Venise fournira en outre trois vaisseaux de ligne et deux frégates en bon état, armés et équipés de tout le nécessaire, sans comprendre l'équipage, et au choix du général en chef, qui, de son côté, promet au gouvernement vénitien la médiation de la république française pour terminer promptement les différens survenus entre celle de Venise et la régence d'Alger.
5. La république de Venise remettra enfin aux commissaires à ce destinés vingt tableaux et cinq cents manuscrits au choix du général en chef.
Les cinq articles ci-dessus, quoique convenus et transcrits séparément, sont néanmoins essentiellement inhérens au traité ostensible conclu cejourd'hui entre les deux républiques, et n'en sont de fait que la continuation: en sorte que la non exécution d'un seul desdits articles secrets rendrait le traité en entier nul et non stipulé.
Ainsi a été arrêté et convenu; savoir, au nom de la république française, par le citoyen Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, et par le citoyen Lallemant, ministre plénipotentiaire de la république française près celle de Venise, et au nom du directoire exécutif.
Et au nom du grand conseil vénitien, par MM. François Dona, Léonard Justiniani et Louis Moncenigo, députés munis de pleins pouvoirs, dont l'original est annexé au traité ostensible de ce jour.
Fait et signé à Milan, le 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797).
Signé BONAPARTE, etc.
Milan, le 25 floréal an 5 (14 mai 1797).
Aux citoyens de Venise.
Les citoyens de la ville de Venise sont sous la protection de la république française: en conséquence, je déclare que je traiterai en ennemi de la république française tout homme qui porterait la moindre atteinte aux personnes et aux propriétés des habitans de Venise.
Si, vingt-quatre heures après la publication du présent ordre, les Esclavons n'ont pas, conformément à l'ordre qui leur a été donné par les magistrats de Venise, quitté cette ville pour se rendre en Dalmatie, les officiers et les aumôniers des différentes compagnies d'Esclavons seront arrêtés, traités comme rebelles, et leurs biens, en Dalmatie, confisqués. Le général en chef fera, à cet effet, marcher une division de l'armée en Dalmatie, et ils seront la cause de ce que la guerre et ses horreurs seront transplantés au milieu de leurs foyers.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 floréal an 5. (14 mai 1797).
Au directoire exécutif14.
Footnote 14: (return) Cette lettre, relatée déjà en partie par extrait, se trouve complète ici.
J'organise la république cisalpine: j'ai à cet effet quatre comités qui travaillent sans relâche à la confection des lois organiques qui doivent accompagner la publication de la constitution.
Le citoyen Serbelloni, par la réputation dont il jouit dans ce pays-ci, et par l'ascendant que donne la fortune, est propre à remplir avec succès une place de membre du directoire exécutif; il est d'ailleurs tellement compromis avec les Autrichiens, que c'est une des personnes de l'opinion de laquelle nous devons être les plus sûrs: je l'ai donc fait prévenir par l'administration de la Lombardie qu'il était nommé à la place de directeur; je vous prie de faire en sorte qu'il parte de suite pour Milan.
Je vous envoie une lettre du citoyen Villetard, une autre du général Baraguay d'Hilliers, et enfin la délibération du grand conseil, qui a abdiqué; je crains fort que cette pauvre ville de Venise ne soit en partie pillée par les Esclavons à l'heure où je vous écris.
J'ai envoyé, par un courrier extraordinaire, au doge la proclamation que je vous fais passer, afin de chercher à y rétablir la tranquillité.
Demain, je conclurai un traité avec les députés vénitiens; j'espère que cette affaire s'achèvera heureusement, et que si nous ne sommes pas à l'heure qu'il est dans Venise, nous ne tarderons pas à y être.
La marine pourra y gagner quatre ou cinq vaisseaux de guerre, trois ou quatre frégates, pour trois ou quatre millions de cordages, de bois et d'autres objets nécessaires à la marine.
J'ai envoyé des courriers à Gênes et à Livourne, pour qu'on me fasse passer en toute diligence tous les matelots français ou corses qui s'y trouveraient; je prendrai ceux des lacs de Mantoue et de Garda, et je diminuerai le nombre de ceux que j'ai sur la flottille.
Je vous prie de m'envoyer en poste un contre-amiral, un major d'escadre, etc.
J'aurais aussi besoin de quatre ou cinq cents matelots, qui pourraient se rendre à Gênes, d'où ils viendraient à Tortone, où ils recevront, du commandant de la place, les ordres et trouveront les moyens de s'embarquer sur le Pô jusqu'à Venise.
J'espère, si tout réussit conformément à mes espérances, avoir quatre bâtimens de guerre tout équipés et approvisionnés pour six mois; trois frégates françaises, compris la Brune; deux corvettes françaises et quinze chaloupes canonnières.
Ces vingt-quatre bâtimens seront prêts, j'espère, à mettre à la voile avant l'arrivée du contre-amiral.
Je trouverai les bâtimens et frégates prêtes à mettre à la voile, parce qu'elles viennent de croiser dans l'Archipel.
Le million pour Toulon, que je vous ai annoncé, part demain; un autre million, dont cinq cent mille francs en or et autant en argent, part après demain 27 pour Paris; il pourra servir à vivifier notre marine à Brest.
Les deux millions que le ministre des finances a tirés sur le citoyen André, négociant, seront acquittés en marchandises ou en terres; ce qui, joint à un million pour l'armée de Sambre-et-Meuse, autant pour celle du Rhin, et cinq cent mille francs pour celle des Alpes, cinq cent mille francs que nous coûte la Corse, formera la somme de cinq millions que l'armée d'Italie aura fournis depuis la nouvelle campagne.
Vingt-cinq mille quintaux de blé, et pour cent mille francs de chanvre avec de l'acier, sont partis de Trieste pour Toulon.
Le pape nous a donné huit millions de diamans, qui, à l'évaluation de Modène, ne valent pas davantage que quatre millions cinq cent mille francs.
Le service de l'armée est assuré pour prairial, messidor, thermidor et fructidor.
Treize ou quatorze millions d'arriéré, que nous avions à l'armée, vont être payés en biens nationaux du pays.
Les objets de Rome se réunissent tous à Livourne: il serait urgent que le ministre de la marine envoyât le prendre par trois ou quatre frégates, afin de les mettre à l'abri de tous risques.
Une soixantaine de citoyens de différentes villes du midi se sont présentés à moi pour avoir des secours; je les ai distribués dans toute l'Italie pour y être employés chacun son métier. Le chef de l'état-major enverra au ministre de la police générale les noms, âge, demeure, profession de ces citoyens.
J'ai chargé Comeyras de se rendre à Sion, peur chercher à ouvrir une négociation avec le Valais, afin de conclure un traité au nom de la France et de la république cisalpine, qui nous accorde le passage depuis le lac de Genève au lac Majeur, en suivant la vallée du Rhône. J'ai envoyé un excellent ingénieur des ponts et chaussées pour savoir ce que coûterait cette route à établir: elle irait de Versois à Bouveret par le lac, quinze lieues; de Bouveret à Sion, dix lieues; de Sion à Brigge, huit lieues; de Brigge à Dossola, huit lieues; de Dossola au lac Majeur, huit lieues; du lac Majeur à Milan, douze lieues: ce qui ferait soixante et une lieues de Versois à Milan, ou cent soixante de Milan à Paris: sur ces soixante et une lieues, les quinze du lac et les vingt de Dossola à Milan, c'est-à-dire trente-cinq, sont en grande route; il reste donc vingt-six lieues à faire, dont se chargerait le Milanez.
J'ai chargé le même ingénieur d'aller jusqu'au pont de... et de voir ce qu'il faudrait pour faire sauter le rocher dans lequel s'enfuit le Rhône, et par-là rendre possible l'exploitation des bois du Valais et de la Savoie, bois immenses et qui peuvent seuls relever notre marine. On m'assure qu'il ne faut pas plus de 2 ou 300,000 fr. pour cette opération.
La Toscane et les Grisons vont conclure un traité d'alliance avec la nouvelle république cisalpine: il faudrait obtenir des Suisses les bailliages italiens, qui n'ont qu'une population de quarante mille âmes; nous pourrions leur donner le Freythal, et, s'il était nécessaire, la nouvelle république s'obligerait à fournir tous les ans une certaine quantité de riz et de blé.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 floréal an 5 (14 mai 1797).
À M. le général-major comte de Meerveldt, ministre de S. M. l'empereur.
J'ai l'honneur de vous prévenir, Monsieur le général, que je viens de recevoir à l'instant du directoire exécutif de la république française la ratification des préliminaires que nous avons signés à Léoben.
Je me rendrai dans la ville que vous voudrez bien indiquer, afin de procéder aux échanges.
Je vous prie de faire passer le courrier que vous m'enverrez, par Trévise, où il s'adressera au général Gauthier, qui lui indiquera l'endroit où je pourrai me trouver.
J'ai également l'honneur de vous faire part, comme j'ai eu l'honneur d'en prévenir M. le marquis de Gallo par l'envoi de mon aide-de-camp, que le directoire exécutif de la république française a bien voulu munir de ses pleins pouvoirs pour traiter de la paix définitive, le général Clarke et moi; je vous prie de le faire connaître à S. M. l'empereur, afin que les plénipotentiaires qu'elle voudra envoyer se réunissent le plus promptement possible dans la ville de Brescia, comme nous en étions convenus, ou dans toute autre qui paraîtra plus convenable.
Je vous prie de vouloir bien donner des ordres pour qu'à Trieste on se hâte de payer le reste de la contribution, afin de me mettre dans le cas, comme nous en étions convenus, de l'évacuer.
L'évacuation de Clagenfurth a souffert quelque retard par celui qu'a mis l'administration de cette ville à fournir les chariots nécessaires au transport des effets militaires.
Je vous prie de donner aussi des ordres à cet égard, et de croire aux sentimens d'estime et de considération avec lesquels, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 26 floréal an 5 (15 mai 1797).
Au citoyen Faypoult, ministre de la république française, à Gênes.
Je réponds à votre lettre du 21 floréal, citoyen ministre. Je pense, comme vous, que la chute entière de Venise amène celle de l'aristocratie de Gênes; mais il faut pour cela encore quinze jours pour que les affaires de Venise soient bien complètement terminées.
Il est hors de doute qu'il faut laisser Gênes république indépendante; mais il n'est pas moins vrai qu'en réunissant à Gênes tous les fiefs impériaux, il faudrait chercher à avoir le golfe de la Spezzia pour la nouvelle république. Cette seconde pensée s'exécuterait naturellement lorsque le gouvernement aristocratique serait dissous, et le corps de l'état en fusion: alors nous serions toujours sûrs d'avoir avec nous Gênes ou la Spezzia.
Je vous salue et vous prie de m'écrire un peu plus souvent relativement à l'idée que vous avez:
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 30 floréal an 5 (19 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous ai envoyé le traité que j'ai conclu avec Venise, en conséquence duquel cinq à six mille hommes sous les ordres du général Baraguay d'Hilliers ont dû prendre, le 27, possession de la ville. J'ai eu plusieurs buts en concluant ce traité.
1°. D'entrer dans la ville sans difficultés: avoir l'arsenal et tout en notre possession, et pouvoir en tirer ce qui nous convient, sous le prétexte de l'exécution des articles secrets.
2°. De nous trouver à même, si le traité de paix avec l'empereur ne s'exécutait pas, de rallier à nous et de faire tourner à notre avantage tous les efforts du territoire vénitien.
3°. De ne pas attirer sur nous l'espèce d'odieux de la violation des préliminaires relatifs au territoire vénitien, et en même temps de donner des prétextes et de faciliter leur exécution.
4°. Et enfin de calmer tout ce qu'on pourrait dire en Europe, puisqu'il est constaté que notre garnison de Venise n'est qu'une opération momentanée, et un acte de protection sollicité par Venise même.
Le pape est très-malade et a quatre-vingt-trois ans. Sur la première nouvelle que j'en ai eue, j'ai fait réunir tous mes Polonais à Bologne, d'où je les pousserai jusqu'à Ancône. Quelle conduite dois-je tenir si le pape meurt?
Gênes demande à grands cris la démocratie, le sénat m'envoie des députés pour sonder là-dessus mes intentions. Il est très possible qu'avant dix ou douze jours l'aristocratie de Gênes subisse le même sort que celle de Venise.
Il y aurait alors en Italie trois républiques démocratiques, qui, pour le moment, ne pourraient être que difficilement réunies, vu les coupures qu'y produisent les états intermédiaires de Parme et de l'empereur, et vu d'ailleurs l'enfance dans laquelle sont encore les Italiens; mais, et la liberté de la presse, et les événemens futurs ne manqueront pas de réunir ces trois républiques en une seule.
1°. La république cisalpine comprenant la Lombardie, le Bergamasque, le Crémasque, le Modénois, Massa-Carara, la Graffiniana, le golfe de la Spezzia, forme une population de dix-huit à dix-neuf cent mille habitans.
2°. La république cispadane, comprenant le Bolonais, le Ferrarois, la Romagne, Venise, Rovigo, et une partie du Trévisan et les îles de l'Archipel, forme une population de seize à dix-huit cent mille habitans.
3°. La république ligurienne, comprenant les fiefs impériaux, Gênes et les états de Gênes, hormis le golfe de la Spezzia.
Les états du duc de Parme et ceux du roi de Sardaigne ne tarderont pas à s'insurger; je fais cependant ce qui est possible pour soutenir le duc de Parme et le roi de Sardaigne.
La république cisalpine et cispadane se réuniront difficilement, de sorte que si l'empereur s'arrange à laisser la Marche trévisane et la Polésine de Rovigo, il sera possible de laisser Venise avec la république cispadane.
Si, au contraire, il ne voulait pas, l'on réunirait ces deux républiques en une, parce qu'alors il est bien prouvé que la république cispadane ne serait pas assez forte pour maintenir la ville de Venise, comme ville de province.
En attendant, je laisse subsister la Cispadane organisée séparément, puisque sa réunion avec la Lombardie mécontenterait beaucoup de monde, et pourrait être regardée par l'empereur comme une violation des préliminaires, et que d'ailleurs la capitale à Bologne nous permettra d'avoir une grande influence sur toutes les affaires de Rome.
Je vous envoie donc l'ordre que je donne aujourd'hui pour la réunion de la Romagne à la république cispadane. Je profiterai de cette circonstance pour leur faire renommer un autre directoire, celui qu'ils ont nommé étant assez mal composé.
Quand ensuite la paix définitive avec l'empereur sera faite, je prendrai des mesures pour réunir ces deux républiques; mais en attendant il faut que je profile des momens de repos pour organiser parfaitement l'une et l'autre, afin que si les choses se brouillent avec l'empereur, nous puissions être sûrs que nos derrières soient tranquilles, et que si les affaires de Rome viennent à se brouiller par la mort du pape, l'on puisse partir de là pour faire toutes les opérations qui deviendraient nécessaires.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 30 floréal an 5 (19 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie, citoyens directeurs, plusieurs lettres relatives à la conduite des Vénitiens:
1°. Plusieurs lettres du général de division Kilmaine.
2°. Un échantillon des manifestes, et autres lettres anonymes que l'on fait imprimer dans l'état de Venise pour exciter le peuple contre les Français.
3°. Plusieurs lettres du général commandant à Verone, et du général commandant à Mantoue.
4°. Une lettre du citoyen Lallemant.
Vous y verrez que toutes sont extrêmement alarmantes sur les intentions des Vénitiens, et ont dû m'obliger à prendre un parti.
Je vous envoie également quelques lettres interceptées sur un courrier de Naples, qui vous donneront quelques renseignemens sur les mouvemens extraordinaires qui se passaient à Vienne.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 30 floréal an 5 (19 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie, citoyens directeurs, une convention militaire faite avec un officier de l'état-major du roi de Sardaigne, pour régler différens objets de police relativement à ses troupes. Je ne vous l'ai pas envoyée, parce que j'ai attaché fort peu d'importance à cette transaction, qui n'est qu'une opération purement militaire. Les troupes sont toujours restées à Novare; elles ne sont jamais sorties des états du roi, et tout est encore, jusqu'à cette heure, in statu quo. Il est cependant nécessaire de ménager le roi de Sardaigne, afin que si jamais la négociation traîne en longueur, on puisse se servir de ses troupes pour donner une inquiétude de plus à l'empereur. Ce roi est au reste fort peu de chose, et, dès l'instant que Gênes, la France et le Milanez seront gouvernés par les mêmes principes, il sera très-difficile que ce trône puisse continuer à subsister; mais il s'écroulera sans nous, et par le seul poids des événemens et des choses.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 1er prairial an 5 (20 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Le général Baraguay d'Hilliers a pris possession de la ville de Venise, de tous les forts, de toutes les îles qui en dépendent.
Cette malheureuse ville était en proie à l'anarchie et à la guerre civile. Les Français y ont été reçus aux acclamations de tout le peuple, et chacun, depuis l'instant qu'ils sont entrés, tient sa personne et sa propriété comme sûres.
La confiance que les différens peuples qui ont vu de près l'armée d'Italie, ont dans sa bonne discipline et l'esprit de justice qui anime les officiers et les soldats, est un des fruits les plus doux d'une bonne conduite, qui leur assure un titre plus sûr à la reconnaissance de l'humanité, que les victoires qu'ils ont remportées.
Je vous fais passer deux proclamations du gouvernement provisoire de Venise.
Je vous ferai tenir deux lettres du secrétaire de légation à Venise, qui vous donneront quelques détails sur les derniers événemens qui ont précédé l'entrée des Français.
Les ministres d'Angleterre, de Russie et M. d'Entraigues s'étaient sauvés de la ville.
J'attends avec impatience un contre-amiral, des matelots et quelques capitaines de vaisseaux, pour pouvoir promptement équiper une escadre à Venise.
J'attends, sous deux ou trois jours, M. de Gallo, pour l'échange des ratifications.
Je vous prie de ne pas perdre un instant à me donner et à m'envoyer des instructions sur la conduite à tenir envers Rome; le Pape a une mauvaise santé, il peut mourir d'un instant à l'autre: il y a d'ailleurs beaucoup de fermentation à Rome.
Je vous ai déjà rendu compte que l'aristocratie est agonisante à Gênes.
Toutes les marchandises appartenant aux Anglais, aux Russes et aux Portugais, à Venise, sont confisquées.
Je vous enverrai, par le prochain courrier, un recueil de toutes les pièces que j'ai fait imprimer, relatives aux affaires de Venise.
BONAPARTE.
Au quartier-général de Montebello, le 2 prairial an 5 (21 mai 1797).
Au général Baraguay d'Hilliers.
Le citoyen Haller vous aura remis une lettre, dans laquelle je vous parlais de la nécessité de ne pas mécontenter le commerce de Venise, et de ne faire aucune démarche ostensible qui pût servir de prétexte aux puissances étrangères de réclamer contre vous. Il faut maintenir la police dans la ville, veiller à la sûreté de vos troupes et des positions que vous occupez, et ne vous mêler en aucune manière du gouvernement de la ville. La position actuelle de Venise est extrêmement critique. Je préfère que le gouvernement provisoire ou le citoyen Lallemant fassent les démarches ostensibles. Il est extrêmement nécessaire que vous paraissiez le moins possible. Procurez à la ville toutes les facilités qui seront en votre pouvoir, soit pour les subsistances, soit pour ce qui pourrait dépendre de vous; ne laissez cependant rien sortir, et ne souffrez pas qu'on touche à ce qui est dans l'arsenal ou dans les magasins d'armes.
Exigez que l'on rappelle le plus promptement possible l'escadre qui est à Corfou, et faites qu'on envoie les troupes italiennes qui sont à Venise, pour remplacer les Esclavons dans Corfou et les îles de l'Adriatique.
BONAPARTE.
NOTE DES PLÉNIPOTENTIAIRES.
Articles convenus dans la séance du 24 mai 1797 (5 prairial an 5 de la république française), entre les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi, et ceux de la république française.
ART. 1er. Les négociations pour la paix définitive entre S. M. l'empereur et roi et la république française seront ouvertes demain 15 mai 1797 (6 prairial an 5 de la république française), à Montebello, entre S. Exc. monsieur le marquis de Gallo, plénipotentiaire de S. M. l'empereur et roi; les citoyens Bonaparte, général en chef de l'armée française en Italie, et Clarke, général de division des armées de la république française, plénipotentiaires de ladite république.
2. Le traité de cette paix définitive devra être conclu et notifié par S. M. l'empereur et roi et par le directoire exécutif de la république française, avant l'ouverture des négociations pour la paix de l'empire. Il sera tenu secret, et ne sera soumis à la ratification du corps législatif de France qu'au moment dont les deux puissances contractantes conviendront.
3. Les négociations pour la paix définitive entre l'empire germanique et la république française auront lieu a Rastadt; elles commenceront le 1er juillet 1797 (3 messidor an 5 de la république).
3. Aucune puissance étrangère ne sera admise à ces négociations; mais S. M, l'empereur et roi offrira par un des articles du traité définitif entre elle et la république française, sa médiation pour la paix à conclure entre ladite république et les alliés de S. M. impériale et royale. Cette médiation sera acceptée dans le même article, pour la république française.
4. Si dans quinze jours le plénipotentiaire de S. M. impériale préfère, au lieu de la condition stipulée dans les articles précédens, que les puissances alliées soient appelées au congrès de Rastadt, S. M. l'empereur et roi et le directoire de la république française se chargeront, chacun de son côté, d'y inviter leurs alliés respectifs; et il sera donné des passeports de part et d'autre pour les plénipotentiaires des alliés invités.
Fait à Montebello, le 24 mai 1797 (5 prairial an 5 de la république française une et indivisible).
Signé DE GALLO, BONAPARTE, etc.
Au quartier-général à Montebello, le 6 prairial an 5 (25 mai 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, prendre les mesures et donner les ordres pour la réunion d'une colonne mobile, qui sera sous le commandement du général de brigade Lasnes, et qui sera composée de la treizième demi-brigade de ligne, de six pièces d'artillerie, savoir: deux pièces de 3, deux pièces de 12, deux obusiers et cinq caissons d'infanterie; un caisson d'outils tranchans, douze cents haches, avec une compagnie de pionniers.
Vous donnerez les ordres sur-le-champ, par un courrier extraordinaire, pour faire partir demain de Mantoue la quarante-neuvième demi-brigade.
Vous donnerez l'ordre à la onzième et à la neuvième demi-brigade d'infanterie légère de se rendre sur-le-champ à Mantoue pour y tenir garnison.
Le général de brigade Lasnes passera demain la revue, à huit heures du matin, de la treizième demi-brigade, de la partie de la vingt-deuxième qui est à Milan, de l'artillerie et des caissons. L'escadron du vingt-deuxième régiment de chasseurs qui est à Mantoue, et le neuvième, qui est aussi dans cette ville, auront ordre de se rendre à Pizzighitone, où ils recevront de nouveaux ordres. Demain, après la revue, le général Lasnes viendra me rendre compte de la situation dans laquelle se trouve sa troupe.
Le huitième de dragons recevra l'ordre de se rendre à Milan, et laissera, en passant, vingt-cinq hommes de ceux qui sont le plus en état à Mantoue.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 6 prairial an 5 (25 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je profite, citoyens directeurs, du retour d'un courrier, pour vous faire part de l'ouverture des négociations pour la paix définitive.
Je vous envoie copie des articles que nous avons arrêtés hier; je vous enverrai, par un courrier extraordinaire que j'expédierai demain matin, l'échange des ratifications.
Je vous envoie aussi copie d'une lettre que je reçois du citoyen Faypoult. Il parait que le parti qui se disait patriote s'est extrêmement mal conduit, et qu'il a, par ses sottises et par son imprudence, donné gain de cause aux aristocrates.
Si les patriotes avaient voulu être quinze jours tranquilles, l'aristocratie était perdue, et mourait d'elle-même.
J'attends des renseignemens ultérieurs pour connaître le parti à prendre.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 7 prairial an 5 (26 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer, citoyens directeurs, le traité préliminaire et la ratification de l'empereur. Le plénipotentiaire de l'empereur aurait désiré que ce traité eût été transcrit sur du parchemin, et que les sceaux eussent été plus volumineux. Je crois effectivement que la première observation est juste, et peut-être trouverez-vous utile de l'appliquer désormais à des transactions dont le souvenir doit se conserver long-temps.
Je vous envoie l'espèce de protestation qu'il a faite à ce sujet: je l'ai reçue purement et simplement sans même lui en accuser la réception.
Il paraît qu'en traitant avec le Roi de France, l'empereur ne donnait point l'initiative: cela est pour ce prince d'une importance singulière; ses plénipotentiaires allèguent que le roi de Prusse agirait comme agira la France, et que l'empereur serait dégradé de son rang et déshonoré.
Comme l'empereur met à cela autant d'importance qu'au traité du Rhin, je vous prie de me marquer l'importance que vous y mettrez vous-mêmes.
Peut-être serait-ce une sottise de notre part d'insister sur une pure formalité qui nous maintiendrait en Europe au rang où nous étions, contre des avantages réels.
J'aimerais beaucoup mieux que l'on continuât à agir dans toutes les transactions comme a agi le roi de France, et ensuite, d'ici à deux ou trois ans, lorsque la circonstance se présentera de passer une transaction nécessaire à l'empereur, déclarer, au nom du corps législatif, que les peuples sont indépendans et égaux en droits; que la France reconnaît pour ses égaux tous les souverains qu'elle a conquis, et qu'elle n'en reconnaît point de supérieur. Cette manière de faire tomber une étiquette qui s'écroule d'elle-même par sa vétusté, me paraît plus digne de nous et surtout plus conforme à nos intérêts dans le moment actuel: car, s'il est prouvé que l'empereur veut plutôt persister dans cette étiquette, que de nous empêcher d'avoir deux ou trois villages, ce serait un mauvais calcul que de s'y refuser.
Je vous ai expédié hier, par un courrier d'occasion, la tournure que nous prétendions donner à la négociation: vous avez dû recevoir l'original, je vous en envoie une copie.
M. de Gallo est à la fois le favori de l'impératrice, de l'empereur et de Thugut, dont il est le vieil ami: il paraît jouir d'un grand crédit à Vienne.
Nous avons eu aujourd'hui la première conférence sur le traité définitif. Nous nous sommes résumés et nous sommes convenus d'écrire réciproquement pour présenter les projets suivans:
1°. La ligne du Rhin à la France; 2°. Salzbourg, Passau, à l'empereur; 3°. au roi de Prusse, l'équivalent du duché de Clèves en Allemagne, et, en cas qu'il ne voulût pas de cet arrangement, la restitution du duché de Clèves; 4°. le maintien du corps germanique, aux changemens ci-dessus près; 5°. la garantie réciproque desdits articles.
Pour l'Italie: 1°. Venise à l'empereur; 2°. Mantoue, Brescia, jusqu'à l'Adige, à la nouvelle république.
L'empereur paraît désirer des indemnités pour le duc de Modène: cela n'est pas facile à arranger, à moins qu'on ne lui donne et qu'il ne se contente de l'île de Zante.
Aucun de ces articles n'est convenu, et c'est seulement ce qui m'a paru le plus raisonnable de part et d'autre: c'est d'ailleurs dans ce sens que M. de Gallo a écrit à Vienne.
Dans quinze jours, la négociation prendra véritablement une tournure sérieuse; car jusqu'à cette heure le cabinet de Vienne a été conduit par un seul homme, qui paraît être fort peu habile, pas du tout prévoyant, et divaguant sur tout; il est même sans système, flottant au milieu des intrigues de toute l'Europe, et n'ayant, en dernière analyse, qu'une idée, que je crois de bonne foi, c'est de ne plus renouveler la guerre.
Il m'a paru aussi que c'était moins à nous accorder les limites du Rhin que l'on avait répugnance, qu'à faire aucun changement qui accrût la puissance du roi de Prusse, ou qui culbuterait entièrement le corps germanique.
Nous avons besoin: 1°. des articles secrets faits avec le roi de Prusse; 2°. de connaître si vous adoptez le système posé pour la limite du Rhin, c'est-à-dire le faire garantir par l'empereur; garantir le corps germanique, en lui accordant Salzbourg et Passau; offrir au roi de Prusse une compensation à ce qu'il a sur la rive gauche du Rhin, et même, s'il veut s'en servir de prétexte pour se fâcher, le lui restituer. Culbuter le corps d'Allemagne, c'est perdre l'avantage de la Belgique, de la limite du Rhin: car c'est mettre dix ou douze millions d'habitans dans la main de deux puissances dont nous nous soucions également.
Si le corps germanique n'existait pas, il faudrait le créer tout exprès pour nos convenances.
Approuvez-vous notre système pour l'Italie?
Venise, qui va en décadence depuis la découverte du cap de Bonne-Espérance et la naissance de Trieste et d'Ancône, peut difficilement survivre aux coups que nous venons de lui porter. Population inepte, lâche et nullement faite pour la liberté; sans terre, sans eau, il paraît naturel qu'elle soit laissée à ceux à qui nous donnons le continent.
Nous prendrons les vaisseaux, nous dépouillerons l'arsenal, nous enlèverons tous les canons, nous détruirons la banque, et nous garderons Corfou et Ancône. Le premier sera stipulé dans le traité; le second, que nous avons, devient tous les jours plus redoutable, et nous le conserverons jusqu'à ce que les nouvelles affaires de Rome nous le donnent sans retour.
On dira que l'empereur va devenir puissance maritime; mais il lui faudra bien des années, il dépensera beaucoup d'argent, ne sera jamais que du troisième ordre, et il aura effectivement diminué sa puissance.
Si l'on persiste, à Vienne, à s'en tenir aux préliminaires, alors nous réunirons tout en une seule république; en cas de guerre, nous filerons derrière le Pô par les états de Modène et de Ferrare; nous nous porterons à Venise, et nous attaquerons le Frioul et la Carinthie sans nous embarrasser ni de Mantoue, ni de l'Adige, ni de la Brenta.
Il me faudrait tous les décrets de la convention relatifs aux pays réunis. Je désirerais encore que vous m'envoyassiez en poste quelqu'un qui connût jusqu'aux villages et aux moindres circonstances des nouvelles frontières que nous accepterions, si l'on en adoptait d'autres que celle du Rhin.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 7 prairial an 5 (26 mai 1797).
Au ministre des relations extérieures.
J'ai reçu, citoyen ministre, toutes les lettres que vous m'avez écrites; comme j'écris aujourd'hui au directoire sur l'objet qui regarde les négociations, je me dispense de vous répéter les mêmes détails. Je crois qu'il est très-essentiel que vous m'envoyiez les descriptions que vous avez fait faire du pays entre Meuse et Rhin; je demande aussi que vous m'envoyiez les traités secrets conclus avec le roi de Prusse.
Je crois qu'il faut que nous gardions l'île de Corfou, nous trouverons à avoir l'île d'Elbe, lors de l'héritage du pape, qui est moribond. Le Roi de Naples m'a même déjà fait faire des propositions d'arrangement: sa majesté ne voudrait avoir rien moins que la Marche d'Ancône; mais il faut bien se garder de donner un aussi bel accroissement à un prince aussi mal intentionné et si évidemment notre ennemi le plus acharné.
Je vous remercie, citoyen ministre, de la promotion de mon frère au ministère, à Rome.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 7 prairial an 5 (26 mai 1797).
Au général de division Gentili.
L'état-major a dû vous donner, citoyen général, des ordres pour vous rendre à Venise.
Le général Baraguay d'Hilliers mettra à votre disposition deux bataillons de la soixante-dix-neuvième demi-brigade, cinquante canonniers, quatre pièces de campagne, un officier du génie et cent cinquante mille cartouches.
Vous trouverez à Venise cinq frégates commandées par le citoyen Bourdet; vous vous embarquerez avec votre troupe sur ces frégates et sur quelques autres bâtimens de transport, s'il est nécessaire; et vous partirez le plus promptement et le plus secrètement possible, pour vous rendre à Corfou et vous emparer de tous les établissemens vénitiens au Levant.
Vous aurez soin de n'agir que comme auxiliaire de la république de Venise, et de concert avec les commissaires que le nouveau gouvernement aurait envoyés; enfin, de faire l'impossible pour nous captiver les peuples, ayant besoin de vous maintenir le maître, afin que, quel que soit le parti que vous preniez pour ces îles, nous soyons dans le cas de l'exécuter.
Mon intention est également que l'on fasse partir de Venise avec vous deux ou trois frégates vénitiennes ou corvettes, avec six cents soldats italiens vénitiens: par ce moyen, votre petite escadre sera renforcée, et vous vous trouverez commander plus de deux mille hommes.
À Corfou ou en mer, vous vous emparerez, si cela est possible, de tous les vaisseaux de guerre vénitiens qui seraient encore incertains du parti qu'ils veulent prendre.
Vous écrirez, dès l'instant que vous serez arrivé à Corfou, à notre ambassadeur à Constantinople, Aubert-Dubayet; vous lui ferez part de la situation des affaires en Italie avec Venise, et si vous vous trouviez avoir besoin de secours, n'importe de quelle espèce, vous vous adresseriez à lui. Si les habitans du pays étaient portés à l'indépendance, vous flatteriez leur goût, et vous ne manqueriez pas, dans les différentes proclamations que vous ferez, de parler de la Grèce, d'Athènes et de Sparte.
Vous m'instruirez de tout ce que vous ferez et de la situation des choses. Je tiens, à Ancône, mille hommes prêts à partir dès l'instant que vous le croirez nécessaire et que les circonstances exigeront que vous soyez secondé. Vous correspondrez avec moi par Ancône, en adressant vos lettres au général commandant à Ancône, et par Venise.
Dès l'instant que l'escadre ne vous sera pas d'une indispensable nécessité, vous la renverrez à Venise.
Le citoyen Darbois, officier distingué, vous accompagnera dans cette mission; vous vous ferez accompagner également par cinq ou six officiers du département de Corse, qui sont accoutumés au manège des insulaires et à la langue du pays, et que vous pourrez même, dans l'occasion, mettre à la tête des colonnes mobiles du pays, que vous jugerez à propos d'organiser, ou des troupes vénitiennes, que je suppose commandées par des officiers pusillanimes et peu accoutumés à la guerre.
Le citoyen Arnault, homme de lettres distingué, suivra l'expédition, avec les rations et le traitement de chef de brigade; il observera ces îles, tiendra avec moi une correspondance suivie de tout ce qu'il verra, vous aidera dans la confection des manifestes, et vous pourrez même, s'il est nécessaire, le mettre à la tête de l'administration du pays.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 7 prairial an 5. (26 mai 1797).
À la municipalité de Venise.
Conformément à vos désirs, citoyen, j'ai ordonné aux municipalités de Padoue et de Trévise de laisser passer les vivres nécessaires à l'approvisionnement de la ville de Venise.
J'ai également ordonné l'expédition de différentes troupes, de Venise et d'Ancône, pour vos îles du Levant, afin de seconder les commissaires que vous y avez envoyés, et empêcher que les ennemis de leur patrie et de la liberté ne profitent des circonstances pour s'emparer des îles et les soumettre à l'esclavage de quelque puissance étrangère.
Je vous engage également à réunir tous vos efforts et à envoyer dans lesdites îles, indépendamment des troupes que vous y avez déjà, sept ou huit cents hommes avec quelques bâtimens armés.
Si vous avez besoin d'officiers français pour l'organisation de vos troupes, j'autorise le général Baraguay d'Hilliers à vous accorder tous ceux qui voudront prendre du service dans vos troupes.
Le traité qui a été conclu à Milan avec les députés du grand-conseil, peut être, en attendant, ratifié par la municipalité, et les articles secrets par un comité de trois membres. Dans toutes les circonstances, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour vous donner des preuves du désir que j'ai de voir se consolider votre liberté, et de voir la misérable Italie se placer enfin avec gloire, libre et indépendante des étrangers, sur la scène du monde, et reprendre parmi les grandes nations le rang auquel l'appellent la nature, sa position et le destin.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 7 prairial an 5 (26 mai 1797).
Au général Baraguay d'Hilliers.
Mon intention, citoyen général, est, conformément à ce que vous aura mandé l'état-major, que les deux bataillons de la soixante-dix-neuvième, cinquante canonniers, quatre pièces d'artillerie de campagne que vous prendrez dans l'arsenal de Venise, et un officier du génie, se rendent à Corfou le plus tôt possible, sous les ordres du général Gentili. Vous vous concerterez avec le citoyen Lallemant pour faire sentir à la municipalité, que ce n'est qu'en conséquence de sa demande que je me suis déterminé à leur offrir les secours qui leur seraient nécessaires pour que les îles du Levant ne se détachent pas de la mère-patrie.
Vous ferez sentir au gouvernement qu'il est indispensable qu'il fasse partir sur-le-champ les bâtimens armés qui peuvent être disponibles, avec des commissaires énergiques, et au moins sept ou huit cents hommes de leurs troupes vénitiennes italiennes.
Le général Gentili commandera le tout et agira de concert avec leurs commissaires.
Le citoyen Bourdet, qui doit être actuellement à Venise avec toute son escadre, commandera également la marine des deux républiques réunies; il amènera avec lui toutes les frégates qu'il a sous ses ordres, s'il le juge nécessaire; je serais cependant fort aise qu'il laissât une des nôtres à Venise.
J'espère que, moyennant la promptitude que vous mettrez dans cette affaire, toute l'expédition sera partie trois jours au plus tard après la réception du présent ordre.
Si, par un cas imprévu, la flottille n'était pas encore arrivée à Venise, vous enverriez un courrier extraordinaire à Trieste et à Ancône, pour qu'elle s'y rendît sur-le-champ, et en attendant vous prépareriez toujours le tout.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 7 prairial an 5. (26 mai 1797).
Au directoire exécutif.
Le pape, citoyens directeurs, continue à se mal porter. Je vous prie de m'envoyer, pour faire passer dans l'occasion au ministre de France à Rome, de nouveaux pouvoirs auprès du conclave, et de tracer la conduite à tenir dans une circonstance aussi délicate. Nous avons le droit d'exclure un cardinal: cette exclusion doit tomber sur le cardinal Albani, s'il était sur les rangs.
Le marquis de Gallo désirerait fort la Marche d'Ancône pour Naples. Comme vous voyez, cela n'est pas maladroit, mais c'est la chose du monde à laquelle nous devons le moins consentir.
Dans la position actuelle des choses, je crois qu'il serait bien essentiel que le roi d'Espagne voulût bien envoyer quatre ou cinq mille Espagnols à Parme, de sorte qu'aux moindres circonstances à Rome, je mêlerais ces Espagnols avec nos troupes; ce qui ne laisserait pas d'en imposer singulièrement au roi de Naples, et nous mettrait à même de placer le duc de Parme du côté de Rome, et de joindre Parme aux nouvelles républiques. Cinq mille hommes d'infanterie et douze cents hommes de cavalerie feraient un très-bon effet pour cet objet. Dans la position actuelle du duc de Parme, ses troupes serviraient même à maintenir la tranquillité dans ses états.
L'Espagne ayant, par sa marine, une prépondérance décidée sur Naples, il est indispensable de les entremêler un peu dans les affaires d'Italie. L'empereur et le roi de Naples visent évidemment à l'héritage du pape. Je crois donc qu'il serait préférable qu'on fût obligé de donner à l'Espagne contre le Portugal cinq mille hommes de plus, et d'avoir cinq mille Espagnols à Parme.
J'envoie le général Gentili avec quinze cents hommes, cinq ou six cents Vénitiens, et une partie de nos flottilles, pour s'emparer de Corfou, de Zante et de Céphalonie. Pour Corfou, je crois que nous devons irrévocablement le garder.
Le général Vaubois, avec quinze cents hommes, est arrivé en Corse, où tout paraît être parfaitement tranquille aujourd'hui.
L'île de Malte est pour nous d'un intérêt majeur. Le grand-maître est mourant, il paraît que ce sera un Allemand qui sera son successeur. Il faudrait 5 ou 600,000 fr. pour faire faire grand-maître un Espagnol.
(Note: N.B. Cette lettre n'est point terminée dans le manuscrit.)
Au quartier-général à Montebello, le 8 prairial an 5 (27 mai 1797).
Au citoyen Faypoult, envoyé de la république à Gênes.
Je vous envoie, citoyen ministre, la lettre que j'écris au sénat. Je ne puis pas vous dissimuler que vous avez eu tort d'empêcher notre escadre d'entrer dans Gênes, et votre conduite a une faiblesse qui ne sied pas à l'intérêt de la république, ni à sa dignité. Les puissances d'Italie se joueront-elles donc toujours de notre sang? Je vous requiers si, vingt-quatre heures après que mon aide-de-camp aura lu la présente lettre au doge, les conditions n'en sont point remplies dans tous les détails, de sortir sur-le-champ de Gênes et de vous rendre à Tortone. Je crois qu'il est nécessaire de prévenir les Français établis à Gênes, qui auraient des craintes, de chercher à se mettre en sûreté. Puisque l'aristocratie veut nous faire la guerre, il vaut mieux qu'elle la déclare actuellement que dans toute autre circonstance; elle ne vivra pas dix jours.
Si le sénat a à coeur de maintenir l'amitié entre les deux républiques après qu'il aura rempli les préliminaires ci-dessus, vous vous rendrez à Milan avec les députés du sénat, pour aviser à prendre les moyens nécessaires pour établir pour toujours la tranquillité dans Gênes, et pourvoir aux réparations dues à la république pour les crimes commis envers les citoyens français.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 8 prairial an 5 (27 mai 1797).
Au doge de la république de Gênes.
J'ai reçu la lettre que votre sérénité s'est donné la peine de m'écrire. J'ai tardé à y répondre jusqu'à ce que j'aie reçu des renseignemens sur ce qui s'était passé à Gênes, dont votre sérénité m'a donné les premières nouvelles.
Je suis sensiblement affecté des malheurs qui ont menacé et menacent encore la république de Gênes. Indifférente à vos discussions intérieures, la république française ne peut pas l'être aux assassinats, aux voies de fait de toutes espèces qui viennent de se commettre dans vos murs contre les Français.
La république de Gênes intéresse sous tant de rapports la république française et l'armée d'Italie, que je me trouve obligé de prendre des mesures promptes et efficaces pour y maintenir la tranquillité, y protéger les propriétés, y conserver les communications et assurer les nombreux magasins qu'elle contient.
Une populace effrénée et suscitée par les mêmes hommes qui ont fait brûler la Modeste, aveuglée par un délire qui serait inconcevable, si l'on ne savait que l'orgueil et les préjugés ne raisonnent pas, après s'être assouvie du sang français, continue encore à maltraiter les citoyens français qui portent la cocarde nationale.
Si, vingt-quatre heures après la réception de la présente lettre que je vous envoie par un de mes aides-de-camp, vous n'avez pas mis à la disposition de la France tous les Français qui sont dans vos prisons; si vous n'avez pas fait arrêter les hommes qui excitent le peuple de Gênes contre les Français; si enfin vous ne désarmez pas cette populace, qui sera la première à se tourner contre vous lorsqu'elle connaîtra les conséquences terribles qui en résulteront pour elle, l'égarement où vous l'avez entraînée, le ministre de la république française sortira de Gênes, et l'aristocratie aura existé.
Les têtes des sénateurs me répondront de la sûreté de tous les Français qui sont à Gênes, comme les états entiers de la république me répondront de leurs propriétés.
Je vous prie, du reste, de croire aux sentimens d'estime et de considération distinguée que j'ai pour la personne de votre sérénité.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 13 prairial an 5 (1er juin 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer, citoyens directeurs, copie de la note que nous vous avons présentée relativement à M. de la Fayette. Vous y trouverez également copie d'une note que m'a présentée M. de Gallo pour le duc de Modène.
M. le marquis de Gallo m'a montré ses pleins pouvoirs de S.M. le roi des Deux-Siciles, et m'a fait la proposition officielle de l'échange de l'île d'Elbe contre la province de terre-ferme et la Marche d'Ancône, y compris la ville et le port. Je lui ai répondu que nous ne pouvions pas disposer de ce qui n'était pas à nous; il répliqua que le roi des Deux-Siciles s'arrangerait avec le pape pour en obtenir le consentement.
La cour de Naples arme toujours, quoiqu'elle soit aux expédiens pour vivre.
Il n'y a pas de cour plus furibonde et plus profondément décidée contre la république; il faut donc bien nous garder de jamais consentir à ce qu'elle obtienne aucune espèce d'accroissement.
Ceux qui possèdent la Sicile et le port de Naples, s'ils devenaient une grande puissance, seraient les ennemis nés et redoutables de notre commerce.
Si le pape meurt, ou s'il y a quelque révolution à Rome, je ne doute pas que le roi de Naples ne fasse marcher dix mille hommes à Rome.
Les deux républiques italiennes réunies n'ont aucune puissance militaire, puisqu'elles n'ont, à elles deux, qu'à peu près deux cents hommes de très-mauvais chasseurs, cinq mille Polonais, et quatre mille Italiens. Je pense donc qu'il serait fort bien, comme je vous l'ai déjà demandé, de chercher à avoir encore de quatre à cinq mille Espagnols à Parme, afin de tenir en respect la cour de Naples.
Les Polonais inquiètent beaucoup l'empereur: effectivement, il vient du fond de la Pologne beaucoup d'officiers, et les soldats voient leur uniforme polonais avec un plaisir qui redouble leurs moyens.
M. de Gallo m'a communiqué que S.M. l'empereur, en même temps qu'elle donnerait une preuve de son désir de procurer et de contribuer à la tranquillité intérieure de la république, en licenciant le corps d'émigrés français, s'attendait à la réciprocité, de notre part, à l'égard des Polonais, sinon à un entier licenciement, du moins à des modifications pour son exécution.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 13 prairial an 5 (1er juin 1797).
Au ministre de la marine.
Il existe, citoyen ministre, dans les chantiers de Venise cinq vaisseaux de 74, trois de 70 et un de 64.
Selon le rapport qu'on m'a fait, il faudrait deux ou trois mois de travaux pour terminer ces bâtimens.
Il y a, outre cela, trois vaisseaux de 74 armés et équipés, qui étaient en mer lors de la révolution, et que j'ai eu beaucoup de peine à faire rentrer. J'ai ordonné qu'on mît à bord des troupes françaises, et qu'on y répartît le peu d'officiers de marine que nous avions sur les lacs et dans les différentes petites embarcations; je leur ai fait donner les noms suivans: le Stengel, le Laharpe, le Beraud et le Robert. J'ai fait nommer les deux frégates: la Muiron, la Carrère.
J'ai fait ramasser tous les bois, chanvres et cordages: cela sera embarqué pour être, sous l'escorte des frégates et de différens vaisseaux de guerre, conduit à Toulon.
Je suis très-fâché de ne pas avoir ici le contre-amiral que je vous ai demandé, il y a plus de quinze jours. Si vous voulez que cette escadre puisse arriver à Toulon, et si vous voulez tirer profit des événemens de Venise, dépêchez-vous de nous envoyer en poste au moins une soixantaine d'hommes; savoir, un contre-amiral pour Venise, un commandant d'armes pour Venise, un contre-amiral pour commander l'escadre, cinq ou six capitaines de vaisseau, dix-huit ou vingt officiers, soixante ou quatre-vingts contre-maîtres, chefs d'artillerie des vaisseaux, et autres officiers qui puissent surveiller, diriger les équipages italiens, et nous assurer qu'au moins, au lieu d'aller à Toulon, l'équipage ne conduise pas l'escadre à Londres.
Cela, joint aux matelots, aux troupes que j'y mettrai, pourra nous assurer de cette escadre. Si vous pouvez m'envoyer un millier de matelots, faites-le.
J'ai peur que les Anglais ne viennent nous bloquer, c'est pourquoi je désirerais que cinq ou six vaisseaux de ligne de Toulon vinssent à Venise: en répartissant alors également les équipages étrangers sur tous les vaisseaux, cette escadre pourrait monter à dix ou douze vaisseaux, et partir de Venise pour la destination que vous lui donneriez, sans être obligée d'aller à Toulon.
Je ferai donner ici à votre escadre des vivres, des objets de rechange et de l'argent pour autant de mois que vous voudrez.
Je le répète, je vous recommande surtout de m'envoyer en poste (je ferai payer ici les frais) la centaine d'hommes que je vous ai demandée, et qui, s'ils n'arrivent dans huit ou dix jours, me feront tout perdre. Envoyez aussi le chef des constructeurs de Toulon, et des constructeurs entendus, afin qu'ils voient ce qu'ils veulent faire des vaisseaux qui sont sur les chantiers.
Je n'ai pas avec moi un seul officier de marine qui soit entendu; tous les hommes qui sont sur les frégates ou sur les chaloupes canonnières sont incapables de faire un rapport.
J'ai nommé à la place d'ordonnateur de la marine de Venise le citoyen Ricard, ancien ordonnateur de Toulon, et je lui ai ordonné de correspondre avec vous.
L'ordonnateur de la marine à Toulon doit, à l'heure qu'il est, avoir touché le million que je vous ai annoncé: je vous en ai envoyé un autre à Paris en or et en argent, qui doit être arrivé. Envoyez-nous promptement des hommes.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 15 prairial an 5 (3 juin 1797).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Je vous envoie, par le général de division Serrurier, vingt-deux drapeaux pris dans les dernières affaires qui ont eu lieu en Allemagne, ou sur les Vénitiens.
Le général Serrurier a, dans les deux dernières campagnes, déployé autant de talens que de bravoure et de civisme. C'est sa division qui a remporté la bataille de Mondovi; qui a si puissamment contribué à celle de Castiglione, a pris Mantoue, et s'est distinguée au passage du Tagliamento, de l'Isonzo, et spécialement à la prise de Gradisca.
Le général Serrurier est extrêmement sévère pour lui-même, il l'est quelquefois pour les autres. Ami rigide de la discipline, de l'ordre et des vertus les plus nécessaires au maintien de la société, il dédaigne l'intrigue et les intrigans; ce qui lui a quelquefois fait des ennemis parmi ces hommes qui sont toujours prêts à accuser d'incivisme ceux qui veulent que l'on soit soumis aux lois et aux ordres de ses supérieurs.
Je crois qu'il serait très-propre à commander les troupes de la république cisalpine; je vous prie donc de le renvoyer le plus tôt possible à son poste.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 16 prairial an 5 (4 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous ordonnerez, citoyen général, que M. d'Entraigues soit logé dans le château d'une manière à ce qu'il puisse avoir avec lui sa femme et qu'il ait les commodités que paraît nécessiter sa santé. Si le château n'offre point ces commodités, il pourra choisir un logement en ville, où il sera mis sous bonne garde.
Vous lui enverrez tous ses papiers, hormis les trois ou quatre pièces qui seront relatives aux objets politiques.
Vous ordonnerez au médecin Moucati de lui donner ses soins.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 17 prairial an 5 (5 juin 1797).
Au général Baraguay d'Hilliers.
D'après les explications que vous m'avez données, citoyen général, j'approuve le départ de deux vaisseaux de 64 pour l'expédition de Corfou; mais j'exige absolument à bord de l'un, pour commander, le citoyen Lallemant, et à bord de l'autre le citoyen Bourdet, qui fera les fonctions de contre-amiral.
Faites que sur ces deux vaisseaux la moitié des matelots soient français, et que la garnison soit française. Je ne vois aucune espèce de nécessité à faire marcher avec ces deux vaisseaux, comme vous vous le proposez, quatre ou cinq bâtimens armés par des Français; je préférerais de bien s'assurer des deux vaisseaux de guerre, et de laisser monter les autres par des Vénitiens, en leur laissant arborer dessus leur pavillon.
Il doit y avoir un troisième bâtiment dans le port de Venise prêt à partir. Si vous pouviez y mettre la moitié de l'équipage, en Français, un bon commandant, et garnison française, il n'y aurait point d'inconvénient que ce bâtiment partît.
Ces deux, ou même trois bâtimens, si cela est possible, avec deux frégates, un des deux bricks que commande Bourdet, et plusieurs bricks vénitiens montés par des Vénitiens, seraient suffisans; de sorte qu'il resterait à Venise la corvette la Brune et un des deux bricks. Ces trois vaisseaux de guerre s'appelleront, le premier le Laharpe, le deuxième, le Stengel, le troisième, le Beraud.
Ils pourront dès aujourd'hui être considérés comme faisant partie de la marine française. Faites-moi connaître dans quelle année les vaisseaux ont été construits, s'ils sont bons.
Comme je ne veux mettre aucun retard dans le départ du courrier, vous communiquerez cette lettre au citoyen Bourdet et au général Gentili.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 17 prairial an 5 (3 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, donner les ordres au général Brune, qui commande le Padouan, de faire arrêter et traduire devant un conseil militaire, le citoyen Arnoult, commandant de la place de Padoue, comme accusé:
1°. De s'être emparé des sels de la Chiuza, et d'en avoir vendu à différens particuliers.
2°. D'avoir refusé de les remettre à la disposition des autorités du pays, conformément à mon ordre et à la réquisition qui lui en a été faite par des agens administratifs de l'armée.
3°. D'avoir manqué à l'ordonnateur en chef.
4°. D'avoir, sans ordre supérieur, ordonné la vente desdits sels, et par là déconcerté l'administration du pays, et fait le plus grand tort à la république.
Je vous envoie les pièces relatives à ces faits.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 19 prairial an 5 (5 juin 1797).
Au sérénissime Doge de la république de Gênes.
Les députés que le petit conseil de la république de Gênes a bien voulu envoyer près de moi, ont été satisfaits des sentimens de bienveillance que la république française conserve pour la république de Gênes.
Bien loin de vouloir démembrer votre territoire, la république française aidera de toute son influence à l'accroissement et à la prospérité de la république de Gênes, désormais libre et gouvernée par ces principes sacrés, fondemens de la grandeur et du bonheur des peuples.
Votre sérénité trouvera ci-dessous la note des personnes que, conformément à la convention que nous avons faite, j'ai cru convenable de choisir comme les plus propres à former le gouvernement provisoire.
Je me servirai de tous les moyens et de toute la force que la république française a mis dans mes mains pour le faire respecter, et protéger la sûreté des personnes et des propriétés des différens citoyens de la république de Gênes.
J'ai pensé qu'il était utile de choisir des personnes de différens rangs, des citoyens connus des différentes villes des états de la république, qui, désormais, ne formera qu'une même famille, afin d'étouffer les haines et de réunir tous les citoyens.
Le vif intérêt que la république française prend au peuple de Gênes, est encore augmenté par la nécessité où je me trouve d'exiger que les derrières de l'armée et les principaux dépôts soient tranquilles et exempts de troubles.
(Ici se trouve la liste des membres qui doivent composer le gouvernement provisoire de la république de Gênes).
Je prie votre sérénité de vouloir bien faire réunir lesdits citoyens, les faire installer comme gouvernement provisoire, le 14 du présent mois de juin, leur faire prêter serment d'obéissance par tous les corps militaires, et rétablir promptement la tranquillité dans la ville de Gênes. La république française et l'armée d'Italie, qui prend tant d'intérêt à ladite tranquillité, aura une reconnaissance particulière pour votre sérénité.
Je la prie de croire aux sentimens d'estime et de considération distinguée avec lesquels je suis, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 16 prairial an 5 (6 juin 1797).
Au ministre de l'intérieur.
On m'assure que le célèbre manuscrit de Joseph de la Bibliothèque ambroisienne, qui a été envoyé de Milan à Paris, n'y est pas parvenu. Comme ce manuscrit est peut-être le seul sur papier papyrus, et qu'il est très-intéressant qu'il ne se perde pas, je vous prie de m'apprendre s'il est arrivé a la Bibliothèque nationale.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 19 prairial an 5 (7 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien faire interroger le comte d'Entraigues, et lui faire demander de qui est un mémoire intitulé: Des intérêts de la Prusse dans la guerre actuelle?
Où étaient tous les papiers sur la guerre de la Vendée?
Comment un ministre de l'empereur de Russie se trouvait chargé de fomenter la guerre de la Vendée, et de faire des instructions pour les agens de Louis XVIII?
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 22 prairial an 5 (10 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous donnerez l'ordre, général, que le citoyen Liotaud, entrepreneur des transports militaires, casa Coalli à Milan, soit arrêté; que le général Vignolles lui-même mette les scellés sur ses papiers, et qu'après il l'interroge pour savoir pourquoi des soldats français, débauchés de leurs corps et enrégimentés pour faire les brigands, s'adressent à lui, lui écrivent, et comment il les connaît.
Vous ferez également arrêter et mettre les scellés sur les papiers des personnes auxquelles les trois lettres que je vous envoie étaient adressées: après quoi, et dans la journée de demain, le général Vignolles me fera un rapport sur cette affaire; il appellera, pour interroger, le général Lahoz et le comité militaire de Milan, si cela est nécessaire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 22 prairial an 5 (10 juin 1797).
À son altesse royale le duc de Parme.
Son altesse royale verra par l'ordre dont je lui envoie une copie, que j'ai pris en considération les objets sur lesquels elle m'a écrit.
J'ai fait part à M. le comte de Politi de l'arrangement qu'il y aurait à faire pour déterminer ce que doivent devenir les biens des moines supprimés.
Je prendrai en considération la recommandation que V.A.R. me fait au sujet de la ville de Casalmaggiore.
Je la prie de croire aux sentimens d'estime et à la considération, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 23 prairial an 5 (11 juin 1797).
Au directoire exécutif.
M. le marquis de Gallo, immédiatement après avoir signé les quatre articles que je vous ai envoyés, les expédia par un courrier à Vienne: il en a reçu la réponse. Son gouvernement tient pour la réunion d'un congrès; il attend une réponse au second courrier, qui portait 1°. l'échange des ratifications; 2°. les bases de l'arrangement général de la paix particulière, tant pour l'Italie que pour l'Allemagne: il attend sans doute ce second courrier, pour nous faire une note officielle sur ces deux objets.
Nous persistons dans l'idée de conclure la paix sans congrès: il faudra bien qu'ils en passent par là.
Nous attendons avec impatience les détails relatifs à l'expulsion de Pitt du ministère de Saint-James.
Vous ne devez pas calculer que la paix puisse être signée avec l'empereur, si elle l'est, avant deux mois. Ces gens-ci sont longs, et il faut sept jours pour aller à Vienne.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 25 prairial an 5 (13 juin 1797).
Au chef de division commandant la marine française dans le golfe Adriatique.
Vous vous rendrez, citoyen général, dans le plus court délai, à Venise, avec tous les officiers sous vos ordres.
L'ordonnateur Aubernon fera solder à vous et à chacun de vos officiers les frais de poste de Milan à Venise, conformément à ce qui est pratiqué pour les troupes de terre.
La marine de l'Adriatique se divise: 1°. dans les forces navales qui sont parties pour l'expédition du Levant; 2°. dans les forces navales vénitiennes qui se trouvent à Corfou; 3°. dans ce qui se trouve au port d'Ancône; 4°. dans ce qui se trouve sur les chantiers ou dans la rade de Venise.
Vous ferez partir un chef de division avec douze ou quinze officiers pour aller rejoindre les vaisseaux qui doivent être partis depuis plusieurs jours pour le Levant, et vous donnerez pour instructions à ce chef de division, dès l'instant qu'il aura rejoint notre escadre, qui va au Levant, de prendre le commandement du tout, et, dès l'instant qu'il aura rencontré les autres vaisseaux vénitiens qui sont à Corfou, de se concerter avec le général Gentili, pour s'assurer desdits vaisseaux, y mettre des officiers et une garnison française, et faire en sorte que ces vaisseaux ne puissent pas nous échapper.
Vous enverrez également un commissaire de la marine à Corfou pour être attaché à l'arsenal de cette place.
Vous resterez à Venise, afin d'y organiser la marine, et, dès l'instant que les matelots et autres officiers que j'attends seront arrivés, pouvoir, s'il est nécessaire, vous rendre avec tous les vaisseaux qui seront prêts à Venise, et tous les moyens nécessaires, à Corfou, prendre le commandement de toute l'escadre.
Vous trouverez, dans l'instruction que je vous envoie, la conduite que vous avez à tenir à Venise.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 25 prairial an 5 (13 juin 1797).
Au même.
Arrivé à Venise, citoyen général, vous vous concerterez avec le général de division Baraguay d'Hilliers pour toutes les opérations que vous aurez à faire.
Le citoyen Ricard fait les fonctions d'ordonnateur; il connaît déjà les ressources qu'offre l'arsenal.
Vous vous présenterez, avec le général Baraguay d'Hilliers et le ministre de la république, au gouvernement provisoire de la république de Venise: vous lui direz que la conformité de principes qui existe aujourd'hui entre la république française et celle de Venise, et la protection immédiate que la république française accorde à celle de Venise, rendent nécessaire de mettre promptement les forces maritimes de la république de Venise sur un pied respectable, afin de pouvoir de concert se maintenir maîtres dans l'Adriatique et des îles du Levant; protéger le commerce des deux républiques, et que déjà, à cet effet, j'avais fait partir des troupes pour assurer la possession de Corfou à la république vénitienne; que désormais il était indispensable de travailler avec activité à mettre en bon état la marine vénitienne.
Vous vous emparerez, sous ce prétexte et dans cet esprit, de tout, tâchant cependant de vivre en bonne intelligence, et de faire passer à notre service tous les marins et employés de la marine de la république de Venise, en vous servant toujours du nom de marine vénitienne.
Les opérations que vous avez à faire, consistent: 1°. à armer le plus promptement possible tous les petits et les gros batimens qui en seront susceptibles, afin que, quand nous serons sûrs d'avoir Corfou, nous puissions les joindre avec la grande escadre.
2°. À prendre toutes les mesures pour faire passer à Toulon tous les approvisionnemens qui peuvent être nécessaires à ce port.
Par un article secret, les Vénitiens doivent fournir à la république trois millions d'approvisionnemens pour la marine de Toulon; mais mon intention est de m'emparer, pour la république, de tous les vaisseaux vénitiens et de tous les approvisionnemens possibles pour Toulon.
Il restera à savoir le parti que l'on devra prendre pour les vaisseaux qui sont sur le chantier.
Il est très-essentiel que les dépenses qui se feront à l'escadre qui est à Corfou, que celles qui se font à Ancône, forment une même comptabilité avec celles qui se font à Venise.
Vous jouirez du même traitement qu'un contre-amiral, et vous correspondrez avec moi le plus souvent possible sur tous les objets de service qui regardent l'armement de l'Adriatique.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 25 prairial an 5 (13 juin 1797).
Au général Baraguay d'Hilliers.
Dix-huit officiers de marine se rendent en poste, demain, à Venise. J'ai donné au citoyen Perrée, chef de division, qui les commande, les ordres pour la destination de ces officiers: mon intention est qu'une partie parte de suite sur un bâtiment léger, et cherche à rejoindre notre escadre, afin de pouvoir concourir au succès, et de pouvoir se mettre sur les quatre bâtimens qui sont à Corfou, dès l'instant qu'ils seront en notre pouvoir.
Je vous prie de présenter le citoyen Roubaud, commissaire ordonnateur, et le citoyen Perrée, qui fait les fonctions de contre-amiral, au gouvernement provisoire; vous lui direz que, dans la position actuelle des deux républiques, nos intérêts sont tellement liés, que nous devons désirer que notre marine prenne promptement une tournure redoutable, afin de se maintenir dans l'Adriatique, et pouvoir rester maîtres des îles et du continent de la Dalmatie, si l'empereur ou quelque autre puissance voulaient s'en emparer. Comme il faut que le grand provéditeur fasse les fonds, entretienne tous les hommes et fournisse les matelots, il faut dire et avoir toujours l'air de faire tout de concert avec et pour eux; il faut les ménager et faire tout ce qui est possible pour qu'ils soient contens de nous.
Le général d'artillerie Sugny doit demander à son chef la poudre et les munitions dont il pourrait avoir besoin pour l'armement des îles.
Je ne tarderai point à me rendre moi-même à Venise.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 25 prairial an 5 (13 juin 1797).
Au chef de l'état major.
Vous voudrez bien ordonner, citoyen général, au général Brune de faire écrire sur le drapeau de la dix-huitième demi-brigade de ligne l'inscription suivante:
Brave dix-huitième! je vous connais; l'ennemi ne tiendra pas devant vous, et sur celui de la vingt-cinquième: La vingt-cinquième s'est couverte de gloire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 26 prairial an 5 (14 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, mettre à l'ordre les dispositions suivantes.
Le général en chef voit avec indignation que le prêt des soldats et la paye des officiers sont arriérés de deux mois.
ART. 1er. Il ordonne, en conséquence, aux généraux de division de prévenir les payeurs de leur division d'expédier sur-le-champ un exprès au payeur central Estève, à Trévise, avec la demande des fonds qui sont nécessaires pour faire le prêt jusqu'au 10 messidor;
La solde des chirurgiens de l'ambulance jusqu'au 10 messidor;
La solde des charretiers jusqu'au 10 messidor;
La solde de ce qui est dû aux régimens de cavalerie pour le fourrage des chevaux.
Chacune de ces sommes sera portée sur une colonne séparée.
2. Le général de division enverra une copie de cet état au général en chef.
3, Le citoyen Estève, ou celui qui le remplace à Trévise, soldera ce que demandent les différens payeurs de division, vingt-quatre heures après la réception de la demande.
4. Le citoyen Haller, administrateur général des finances, fera passer sur-le-champ à Trévise tout l'argent nécessaire pour que tous les officiers, chirurgiens, soldats et charretiers soient soldés jusqu'au 10 messidor. Il prendra des mesures telles que ladite somme soit entre les mains du payeur central à Trévise avant le 2 messidor, afin qu'avant le 5 les payeurs de division aient dans leurs caisses l'argent nécessaire pour solder ce qui est dû aux différentes divisions.
5. Les payeurs particuliers m'enverront directement une note de ce qu'ils ont donné à chaque demi-brigade, afin de m'assurer par moi-même qu'il n'y a aucune espèce d'abus.
6. L'administrateur général des finances, les payeurs des divisions, et le payeur de l'armée sont, chacun en ce qui le concerne, responsables de la stricte exécution du présent ordre.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 26 prairial an 5 (14 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, donner ordre au général Dallemagne de se rendre à Ancône pour remplacer le général Rey.
Vous ordonnerez au général Dallemagne de maintenir la tranquillité à Ancône, de ne se mêler d'aucune affaire politique, et de ne pas souffrir qu'il soit fait aucune injure ou outrage aux statues du pape, et aux ministres de ce prince, avec lequel nous sommes en paix.
Vous rappellerez le général Rey, qui se rendra au quartier-général dès l'instant que le général Dallemagne l'aura remplacé.
Vous motiverez le rappel du général Rey sur ce qu'en se mêlant des affaires politiques, il a contrarié les dispositions générales, et sur ce que la cour de Rome a, en conséquence, porté des plaintes sur sa conduite.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 27 prairial an 5 (15 juin 1797).
Au comité central de Boulogne.
J'apprends avec peine, citoyens, qu'il y a des troubles dans la ville de Boulogne, la garde nationale y est cependant organisée: pourquoi ne vous en servez-vous pas pour dissiper tous les rassemblemens, pour protéger les citoyens tranquilles, et faire respecter les lois que vous-mêmes vous vous êtes données?
Je donne des ordres au général Balland pour qu'il vous aide à maintenir le calme et à faire respecter les propriétés et les lois.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 28 prairial an 5 (16 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Les rapports que vous m'avez faits, citoyen général, sur les désordres, les assassinats et l'anarchie qui règnent dans la terre-ferme vénitienne, me déterminent à prendre une mesure générale et à donner sur-le-champ une organisation à ces pays, qui régularise l'administration, assure le cours de la justice, et aux habitans la jouissance de leurs propriétés et la sûreté de leurs personnes.
En conséquence, vous voudrez bien ordonner:
ART 1er. Le Brescian s'étendra jusqu'au Mincio.
2. Le Véronais commencera au Mincio et comprendra le pays de Cologne.
3. Le Vicentin et le Bassanèse seront réunis dans un seul arrondissement.
4. Le Padouan et la Polésine de Rovigo, d'Adria jusqu'au Pô, non compris ce qui appartient au Fermais, formeront un seul arrondissement.
5. Le Feltrin, le pays de Cadore, le Bellunèse formeront un seul arrondissement.
6. Le Trévisan, hormis le district de Mestre, formera un arrondissement avec le Coneglianèse.
7. Le Frioul, y compris Monte-Falcone, formera un arrondissement.
8. Chaque arrondissement sera administré par un gouvernement central, composé de vingt-trois membres; chaque commune aura une municipalité plus ou moins nombreuse selon sa population.
9. Le gouvernement central sera composé de personnes choisies dans tout l'arrondissement par le général de division qui y commande.
10. Chaque gouvernement central fera un règlement sur la manière dont la justice doit être administrée, désignera le nombre des tribunaux, et choisira les juges qui doivent les composer.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 28 prairial an 5 (16 juin 1797).
Au gouvernement provisoire de Gênes.
J'ai reçu votre lettre par le citoyen Emmanuel Balleti. Les premiers pas de votre gouvernement justifient la confiance dont la nation génoise vous a investi.
Les gouvernemens provisoires, placés dans des circonstances difficiles, doivent exclusivement prendre conseil du salut public et de l'intérêt de la patrie.
La république de Gênes n'existe que par le commerce, le commerce n'existe que par la confiance; il n'y a pas de confiance sous un gouvernement faible, il n'y a pas de confiance dans un pays où il y a des factions.
Un état est faible, est déchiré par les factions lorsque plusieurs centaines de citoyens s'organisent en assemblée exclusive, prennent part dans toutes les discussions, jouent la popularité, sont sans cesse armés par l'exagération, et n'ont jamais en but que la distinction.
Pendant votre gouvernement provisoire, une commission choisie doit former votre constitution et les lois organiques de votre république. Votre principal devoir est d'imposer silence aux passions, d'empêcher que la commission législative puisse être influencée, et, par là, éviter qu'on vous donne une constitution et des lois de circonstances.
La sagesse et la modération sont de tous les pays et de tous les siècles, parce que l'une et l'autre sont fondées sur notre organisation physique; mais elles sont absolument nécessaires aux petits états et aux villes de commerce.
Pendant tout le temps de votre gouvernement provisoire et jusqu'à ce que vous ayez des lois et une constitution stables, agissez-en comme dans un vaisseau battu par les flots; exigez que chaque citoyen soit à ses fonctions, et que personne ne rivalise avec le gouvernement.
Comme vous ne savez pas ce que votre constitution permettra ou défendra, empêchez provisoirement toute espèce de coalition de citoyens.
Votre garde nationale est nombreuse et bien intentionnée.
Si sous votre gouvernement la république perd quelque chose de son commerce ou de son bonheur, la responsabilité pèsera toute entière sur vous.
BONAPARTE.
Note de MM. les plénipotentiaires français.
Le général en chef Bonaparte et le général de division Clarke, ministres plénipotentiaires de la république française, ont reçu la note que M. le marquis de Gallo, ambassadeur du roi des Deux-Siciles près S. M. l'empereur et roi, et M. le comte Meerveldt, général-major au service de S. M. impériale, leur ont adressée, sous la date du 19 juin.
M. le marquis de Gallo avait annoncé verbalement aux plénipotentiaires français, lors de son armée, que S. M. l'empereur et roi ne lui avait pas remis de pouvoirs pour sa paix séparée, parce que son ministre, M. le baron de Thugut, désirait connaître la forme de ceux que le directoire exécutif donnerait aux plénipotentiaires de la république française, et dont copie a été remise à M. de Gallo, pour lui en envoyer de semblables, qu'il attendait par le retour du courrier expédié alors par lui à Vienne.
En conséquence, les plénipotentiaires français n'ont point hésité à entrer en conférence avec le marquis de Gallo sur tout ce qui était relatif à la paix définitive avec l'empereur; mais près d'un mois s'étant écoulé depuis son arrivée, et plus de deux depuis la signature des préliminaires de Léoben, et MM. le marquis de Gallo et le comte de Meerveldt ayant annoncé, l'un et l'autre verbalement, n'avoir d'autres pouvoirs que ceux qui leur avaient été remis pour les préliminaires, lesquels, à cause de l'échange des ratifications desdits préliminaires, se trouvent surannés, sans objet, et conséquemment inadmissibles, les plénipotentiaires français croient devoir demander à MM. de Gallo et Meerveldt de déclarer par écrit s'ils ont d'autres pouvoirs que ceux qui leur ont servi pour les préliminaires de Léoben, et de vouloir bien leur faire part de ceux en vertu desquels ils ont écrit la note du 19 juin, dont les soussignés leur assurent la réception par la présente.
Les plénipotentiaires français attendront que ces derniers pouvoirs leur soient communiqués, pour répondre définitivement à la note de MM. le marquis de Gallo et le comte de Meerveldt.
Cependant, comme l'intention du directoire exécutif de la république française est de terminer sur-le-champ la paix définitive et séparée avec S. M. l'empereur et roi, et pour ne point ajouter aux délais désastreux qui ont été et sont encore apportés par la cour de Vienne à la conclusion de cette paix, quoiqu'il soit évident que ces délais lui sont infiniment plus préjudiciables qu'à la France, les plénipotentiaires français, qui ont communiqué leurs pouvoirs depuis très-long-temps, et qui sont restés en Italie pour y achever cette paix, ainsi qu'on en était convenu verbalement à Gratz, déclarent que l'intention de la république française est de s'en tenir à la clause des préliminaires, qui stipule que la paix définitive entre les deux puissances sera traitée et conclue dans l'espace de trois mois, à compter de la date des préliminaires, ou plus tôt, si faire se peut.
Les plénipotentiaires français ne doutent nullement de la loyauté personnelle de S. M. impériale et royale, ni de celle de MM. le marquis de Gallo et le comte de Meerveldt, pour lesquels ils ont la plus haute considération; mais ils font observer que les intérêts de la France, leur patrie, leur sont trop chers pour pouvoir se permettre d'en exposer le sort à des protestations de désir de la paix, qui ne seraient point appuyées par des faits, et ils ont vu avec une profonde affliction les délais qu'a mis et que met encore le cabinet de Vienne à terminer sa paix définitive, dans les trois mois fixés par les préliminaires, ces délais n'ayant pu que produire le mauvais effet de donner un libre cours à toutes les intrigues publiques et secrètes des états intéressés à la continuation de la guerre entre les deux puissances.
L'évacuation de cinq provinces autrichiennes par les troupes françaises, et l'entrée en Istrie et en Dalmatie de celles de l'empereur, à laquelle la France ne s'est point opposée, sont des preuves inattaquables de la loyauté de la république française, contre laquelle l'être le plus confiant et le moins bien intentionné ne pourrait rien articuler qui put soutenir un examen impartial.
Si des défiances mal fondées; si le dessein formel de sacrifier les intérêts mutuels de deux puissances à des formalités et à des lenteurs préjudiciables à l'une et à l'autre devaient prévaloir, les plénipotentiaires français verraient avec la plus extrême douleur rallumer de nouveau les torches de la guerre, qu'ils désirent si ardemment d'éteindre pour jamais.
Ils ont l'honneur de saluer MM. le marquis de Gallo et le comte de Meerveldt, les priant de communiquer la présente note à S. M. impériale et royale elle-même.
A Montebello, près Milan, le 2 messidor an 5 de la république française (20 juin 1797).
BONAPARTE ET CLARKE.
Au quartier-général à Montebello, le 3 messidor an 5 (21 juin 1797).
A M. le marquis de Gallo.
Je reçois, M. le marquis, votre lettre: je suis très fâché de votre incommodité, quoique j'espère que cela ne nous empêchera pas de vous voir à dîner.
Il est vrai que j'ai fait embarquer à Venise, sur des bâtimens vénitiens, quelques troupes pour Corfou et pour Zante; mais il n'existe aucune espèce de rassemblement du côté du midi de l'Italie. Je ne peux pas concevoir d'où peuvent venir des bruits aussi absurdes qu'injurieux pour la république.
La plus grande union existe entre les deux cabinets, et il serait difficile de concevoir l'intérêt que pourrait avoir la république française à troubler le paix existante et dont l'un et l'autre peuple se trouvent, je crois, fort bien.
Croyez, je vous prie, M. le marquis, que je saisirai toutes les circonstances, et que je ferai tout ce que vous désirerez, pour vous prouver l'attachement qu'a la république française pour S. M. le roi des Deux-Siciles.
En mon particulier, je désire de faire quelque chose qui soit agréable à S. M. le roi des Deux-Siciles.
Je vous prie de croire aux sentimens d'estime, et à la haute considération avec laquelle je suis, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 4 messidor an 5 (22 juin 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous ai annoncé, par ma dernière, que la réponse du cabinet de Vienne paraissait être contre les articles qui ont été arrêtés le 24 mai.
M. le comte de Meerveldt est arrivé il y a trois jours. Nous avons eu plusieurs conférences, après lesquelles les plénipotentiaires de sa majesté impériale nous ont remis une note, à laquelle nous avons répondu par une autre que je vous envoie.
Vous voyez la tournure longue et indéterminée que prend la négociation. Je pense qu'il n'y a qu'un moyen, c'est d'envoyer le général Clarke à Vienne.
M. Thugut a toujours la confiance du cabinet de Vienne: il est d'un caractère difficile et malintentionné; mais je ne pense pas que l'on ait tacitement idée d'une rupture. Ces messieurs ne font rien que longuement et pesamment; ils paraissent se méfier beaucoup de l'intérieur: quoiqu'ils aient été attrapés cent fois, ils sont incorrigibles.
J'imagine que, par le premier courrier, c'est-à-dire, dans quinze jours, nous aurons des réponses plus favorables, et que l'on consentira enfin à une négociation séparée.
On craint à Vienne beaucoup les Russes; leur système politique est très-vacillant. L'empereur est paresseux et inexpérimenté; Thugut, de mauvaise humeur, vieux, tracassé par les grands, offre à tout bout de champ sa démission, que l'on n'ose pas accepter, mais qui, l'on croit, le sera enfin lorsque tout sera arrangé, pour mettre à sa place M. de Cobentzel.
Thugut paraît très-mécontent de M. de Gallo; M. de Meerveldt a peu de moyens et n'est nullement diplomate. Je ne vous cacherai pas que je crois que tout ceci sera encore long. Ce moment est embarrassant pour la cour de Vienne; elle ne sait sur qui reposer sa confiance, tout lui fait ombrage.
Ils voudraient en Italie avoir Venise, Mantoue et le Brescian.
Il voudraient avoir Venise pour l'équivalent du Brisgaw, qu'ils destineraient au duc de Modène: dans ce système, ils nous céderaient peut-être en dédommagement la rive du Rhin.
Je vous prie de nous faire connaître ce que nous devons répondre:
1°. S'ils persistent dans l'opinion de vouloir un congrès;
2°. Si vous céderiez Venise pour le Rhin: dès lors l'empereur aurait une influence immense en Italie.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 4 messidor an 5 (22 juin 1797).
Au contre-amiral Brueys en rade à Toulon.
Vous devez avoir reçu à cette heure, citoyen général, les ordres du ministre de la marine pour vous rendre dans l'Adriatique.
Je pense qu'il est nécessaire que vous touchiez à Corfou, où vous trouverez six vaisseaux de guerre vénitiens, montés par les officiers que vous nous avez envoyés. Je vous prie de me faire connaître le moment de votre départ, et de m'envoyer des courriers de tous les endroits où vous vous trouverez à portée, et qui pourraient faire connaître le temps à peu près où vous vous trouverez dans l'Adriatique.
Dès l'instant où vous serez arrivé a Corfou, je vous prie de m'en faire prévenir par un aviso, qui pourrait aborder à Ancône, et le général qui y commande m'enverrait un courrier.
Si vous aviez nouvelle que l'escadre anglaise eût l'intention de venir en force dans l'Adriatique, il serait nécessaire que j'en fusse instruit, afin de fortifier la garnison de Corfou, qui est dans ce moment-ci de quinze cents hommes. Vous pourriez alors envoyer à Ancône quelques bâtimens légers d'escorte, avec un bon officier pour commander tout le convoi portant les nouvelles troupes que j'enverrais à Corfou.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 4 messidor an 5 (22 juin 1797).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien, citoyen général, traduire devant le conseil militaire de sa division le citoyen Hibert, capitaine de la quatre-vingt-cinquième demi-brigade, pour avoir marché à la tête d'un rassemblement armé, composé partie de Français tirés des dépôts, partie d'Italiens, à l'instigation de plusieurs étrangers soi-disant patriotes, ayant à cet effet surpris un ordre à l'adjudant-général de la division de la Lombardie: le but de ce rassemblement étant de troubler l'harmonie existante entre la république française et celle de Gênes, et comme tel, étant coupable d'un délit d'autant plus grand, que les conséquences pouvaient en être plus funestes:
L'effet de ce rassemblement ayant été de faire périr trois ou quatre soldats français qui croyaient servir leur patrie en marchant sous les ordres du citoyen Hibert;
L'effet de ce rassemblement ayant encore été 1°. de troubler la tranquillité du peuple de Piève; 2°. d'accoutumer les Italiens à verser le sang français sans scrupule et sans crainte: ce qui, par la suite, pourrait avoir des conséquences plus considérables encore.
BONAPARTE.
Note.
Les soussignés plénipotentiaires de la république française ont transmis à leur gouvernement la note remise par M. le marquis de Gallo lors de l'échange des ratifications des préliminaires de Léoben: ils ont l'honneur de faire part à leurs excellences, MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi, de la réponse qui leur a été faite par le directoire exécutif de la république française.
Elle autorise les plénipotentiaires français à déclarer que l'intention du directoire exécutif est de se conformer exactement, dans toutes les circonstances, à la teneur de l'article second des préliminaires de Léoben, relatif au cérémonial, auquel il n'a point été porté atteinte dans l'acte de ratification des préliminaires remis par le général en chef Bonaparte, puisque ces préliminaires établissent seulement les bases préparatoires des négociations relatives à la paix séparée de S. M. impériale, en sa qualité de roi de Hongrie et de Bohême.
Les plénipotentiaires de la république française prient leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi d'agréer l'assurance de leur haute considération.
A Montebello, le 3 messidor an 5 de la république française (23 juin 1797).
BONAPARTE et H. CLARKE.
Note de MM. les plénipotentiaires français
Le gouvernement de la république batave ayant réclamé, par l'entremise de son ministre à Paris, l'intervention du directoire exécutif de la république française auprès de S. M. l'empereur et roi, en faveur du citoyen Pernet, secrétaire du ministre batave près M. le duc de Wurtemberg, retenu prisonnier, et pour lequel le ministre batave van Haestein a reçu l'ordre de faire des démarches à Vienne, les soussignés plénipotentiaires de la république française sont chargés, de la part du directoire exécutif, de demander à leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. impériale et royale, que le citoyen Pernet soit remis en liberté le plus promptement possible.
Les soussignés s'estiment heureux d'avoir à présenter à S. M. l'empereur et roi cette occasion de satisfaire son inclination à faire le bien, et ils ne doutent point du succès d'une demande dont l'accomplissement intéresse particulièrement le directoire exécutif de la république française.
Ils ont l'honneur de saluer leurs excellences MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur et roi.
Montebello, le 3 messidor an 5 de la république française (23 juin 1797).
BONAPARTE et H. CLARKE.
Au quartier-général à Montebello, le 8 messidor an 5 (26 juin 1797).
Au chef de l'état major.
Vous voudrez bien, citoyen général, vous faire remettre, par le chef de brigade Landrieux, les lettres interceptées sur un courrier que M. d'Entraigues envoyait, dont une était adressée au représentant du peuple Boissy d'Anglas, et que lui a remise l'administration de la police de la Lombardie.
Vous voudrez bien lui donner en outre l'ordre de se rendre en prison pour ne m'avoir pas fait passer sur-le-champ ces papiers qu'il a depuis deux jours.
BONAPARTE.
Du 11 messidor an 5 (29 juin 1797).
PROCLAMATION.
A la république cisalpine.
La république cisalpine était depuis long-temps sous la domination de la maison d'Autriche: la république française a succédé à celle-ci par droit de conquête, elle y renonce dès ce jour, et la république cisalpine est libre et indépendante. Reconnue par la France et par l'empereur, elle le sera bientôt par toute l'Europe.
Le directoire de la république française, non content d'avoir employé son influence et les victoires des armées républicaines pour assurer l'existence politique de la république cisalpine, ne borne pas là ses soins. Convaincu que si la liberté est le premier des biens, une révolution entraîne à sa suite le plus terrible des fléaux, il donne au peuple cisalpin sa propre constitution, le résultat des connaissances de la nation la plus éclairée.
Du régime militaire le peuple cisalpin doit donc passer à un régime constitutionnel.
Afin que ce passage puisse s'effectuer sans secousse, sans anarchie, le directoire exécutif a cru devoir, pour cette seule fois, faire nommer les membres du gouvernement et du corps législatif, de manière que le peuple ne nommera qu'après un an aux places vacantes, conformément à la constitution.
Depuis longtemps il n'existait plus de républiques en Italie. Le feu sacré de la liberté y était étouffé, et la plus belle partie de l'Europe était sous le joug des étrangers.
C'est à la république cisalpine à montrer au monde, par sa sagesse, par son énergie et par la bonne organisation de ses armées, que l'Italie moderne n'a pas dégénéré, et qu'elle est encore digne de la liberté.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 14 messidor an 5 (2 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie différentes notes qui nous ont été remises par MM. les plénipotentiaires de l'empereur; ils sont parus pour Udine, où le général Clarke va se rendre: je m'y rendrai dès l'instant que les susdits plénipotentiaires auront reçu les pouvoirs et les instructions pour la paix définitive.
Je ne sais à quoi attribuer, si ce n'est à la situation intérieure de la France, les longueurs que l'empereur porte dans la négociation.
J'ignore quand ces messieurs se décideront; mais il me semble que l'on cherche à allonger. L'empereur se comporte comme s'il ne voulait plus la paix; son état militaire augmente, et il fait faire des têtes de pont sur toutes les rivières, telles que la Save et la Drave.
Je vous envoie aussi copie de la lettre que m'écrit la république des Grisons, et celle de ma réponse.
La Valteline est en pleine insurrection, elle veut s'incorporer avec le Milanez; mais il me semble qu'il serait plus avantageux et plus juste qu'elle restât avec les Grisons, en formant une quatrième ligue: cependant on aura de la peine à faire comprendre cela aux Valtelins.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 15 messidor an 5 (3 juillet 1797).
A M. Bataglia, ancien provéditeur de la république de Venise.
J'ai reçu avec le plus grand plaisir, monsieur, la dernière lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire de Venise. Lorsque j'ai vu votre nom à une infâme proclamation qui a paru dans le temps, j'ai reconnu que ce ne pouvait être que l'oeuvre de vos ennemis et des méchans. La loyauté de votre caractère, la pureté de vos intentions, la véritable philosophie que j'ai reconnue en vous pendant tout le temps que vous avez été chargé du pouvoir suprême sur une partie de vos compatriotes, vous ont captivé mon estime: si elle peut vous dédommager des maux de toute espèce que vous avez endurés pendant ce dernier temps, je me trouverai heureux.
Comptez, monsieur, que, dans toutes les circonstances, je saisirai l'occasion de pouvoir faire quelque chose qui vous soit agréable. Pourquoi, au lieu de M. Pezaro, ne me fûtes-vous pas envoyé à Goritzia? La force des raisons et des choses que vous auriez entendues, vous eût mis à même de triompher dès-lors de la ridicule oligarchie qui a voulu se naufrager jusqu'au port.
Oui, monsieur, je me plais à le dire, quatre ou cinq cents Français qui ont été assassinés à Verone vivraient encore, et l'oligarchie de Venise, désormais trop en dissonance avec les lumières et le nouveau système de toute l'Europe, aurait dû céder à un gouvernement plus sage; elle aurait au moins fini sans se rendre coupable d'un crime dont les historiens français ne pourront trouver le semblable sans être obligés de remonter à plusieurs siècles.
Je vous ai connu dans un temps où je prévoyais peu ce qui devait arriver, et je vous ai vu dès-lors ennemi de la tyrannie et désirant la véritable liberté de votre patrie.
Je vous prie, monsieur, de croire aux sentimens, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 15 messidor an 5 (3 juillet 1797).
A l'administration municipale de Marseille.
J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 4 prairial. Votre ville, si intéressante par l'étendue de son commerce, a besoin de la tranquillité, de la confiance et d'un bon gouvernement. Je me flatte que bientôt elle reprendra le même lustre qu'elle avait dans le temps passé. L'armée d'Italie, qui a contribué, en quelque chose, à donner de la considération à la république française en Italie, se trouve par là même avoir rendu à la ville de Marseille un service tout particulier. J'ai lu avec intérêt et avec un sentiment de gratitude les choses flatteuses pour l'armée d'Italie contenues dans l'arrêté que vous m'avez envoyé. La vraie récompense des armées ne consiste-t-elle pas dans l'opinion de leurs concitoyens? Croyez, je vous prie, aux sentimens d'estime, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 16 messidor an 5 (4 juillet 1797).
Au président de l'administration centrale de la Drôme.
J'ai reçu, citoyen, les différentes lettres qu'a bien voulu m'écrire le département de la Drôme pendant le cours de la campagne. Je reçois, de tous les côtés de la république, un si grand nombre de lettres, qu'il ne m'est pas toujours possible de répondre exactement. L'estime de mes concitoyens est la seule récompense digne du dévouement et des services que le soldat a rendus à la république.
Votre département, qui a fourni à l'armée de très-bons bataillons et de forts bons officiers, a, sous ce point de vue, acquis un titre particulier à la reconnaissance de la France.
Croyez, je vous prie, que, de mon côté, j'attache le plus grand prix à votre estime.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Montebello, le 16 messidor an 5 (4 juillet 1796).
Au citoyen Canclaux, ministre de la république à Naples
J'ai reçu, citoyen général, les deux lettres que vous m'avez écrites. Je vous remercie de ce que vous avez bien voulu vous donner la peine de remplir la commission qui m'intéressait.
On assure que le roi de Naples arme toujours, qu'il y a beaucoup d'alarmes à Naples sur le projet qu'on nous suppose avoir d'envahir ce pays: cela me paraît si extravagant, que je ne puis croire que cette crainte affecte la cour. Je vous prie de me faire connaître de quelle nature sont les armemens que fait la cour de Naples, l'emploi et le nombre des troupes que le roi de Naples a aujourd'hui sur pied.
BONAPARTE.