Chroniques de J. Froissart, tome 11/13 : $b 1382-1385 (depuis la bataille de Roosebeke jusqu'à la paix de Tournai)
The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 11/13
Title: Chroniques de J. Froissart, tome 11/13
1382-1385 (depuis la bataille de Roosebeke jusqu'à la paix de Tournai)
Author: Jean Froissart
Editor: Gaston Raynaud
Release date: November 21, 2023 [eBook #72189]
Language: French
Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869
Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France, BnF/Gallica)
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CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR
A NOGENT-LE-ROTROU.
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
DEUXIÈME LIVRE
PUBLIÉ POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR GASTON RAYNAUD
TOME ONZIÈME
1382-1385
(DEPUIS LA BATAILLE DE ROOSEBEKE JUSQU’À LA PAIX DE TOURNAI)
A PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD
H. LAURENS, SUCCESSEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6
MDCCC XCIX
EXTRAIT DU RÈGLEMENT.
Art. 14.—Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.
Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable, chargé d’en surveiller l’exécution.
Le nom de l’éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome XI de l’édition des Chroniques de J. Froissart, préparé par M. Gaston Raynaud, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.
Fait à Paris, le 15 octobre 1899.
Signé: L. DELISLE.
Certifié:
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
A. DE BOISLISLE.
SOMMAIRE.
CHAPITRE XVII.
1382, 12 novembre. LE ROI CHARLES VI QUITTE ARRAS POUR ENTRER EN FLANDRE.—17-19 novembre. PASSAGE DE LA LYS.—21 novembre. SOUMISSION D’YPRES ET DES VILLES VOISINES.—27 novembre. BATAILLE DE ROOSEBEKE.—30 novembre. SOUMISSION DE BRUGES.—1er décembre. ENTRÉE DU ROI A COURTRAI.—18 décembre. LE ROI SE REND A TOURNAI, OÙ IL SÉJOURNE JUSQU’AU 28 (§§ 313 à 351).
Depuis quelque temps déjà le roi Charles VI est à Arras, désireux de faire campagne contre les Flamands et de les châtier. Il y reste huit jours[1], puis se rend à Lens. Le 3 novembre il est à Seclin[2], où les chefs de l’armée tiennent conseil pour savoir comment on pourra entrer en Flandre, malgré le mauvais temps, malgré les garnisons préposées à la défense des gués. Les opinions sont partagées: les uns, comme le connétable Olivier de Clisson, sont d’avis de marcher droit devant eux et de passer la Lys à Comines et à Warnéton, ou un peu plus en amont, à Estaires et à Saint-Venant; les autres, comme le sire de Couci, craignant de s’aventurer dans des pays peu sûrs, préféreraient se diriger sur Tournai, et, après avoir traversé l’Escaut, aller sur Audenarde pour y rencontrer Philippe d’Artevelde. Le premier avis est finalement adopté; il faut, en effet, agir vite avant que les secours que les Flamands sont allés demander aux Anglais aient pu arriver[3]. P. 1 à 5, 317 à 319.
Les dispositions sont prises pour la marche en avant. Josse d’Halewin et le seigneur de Rambures[4] iront en tête, avec 1,760 hommes de pied, chargés de préparer le chemin. L’avant-garde, commandée par les maréchaux de France, de Flandre et de Bourgogne, comptera 1,200 hommes d’armes et 700 arbalétriers, sans parler des 4,000 hommes de pied fournis par le comte de Flandre, qui viendra ensuite avec 16,000 hommes, tant chevaliers qu’écuyers et gens de pied. Le roi sera accompagné de ses trois oncles, les ducs de Berri, de Bourgogne et de Bourbon, du comte de la Marche, de Jacques de Bourbon, son frère, du comte de Clermont, dauphin d’Auvergne, du comte de Dammartin, du comte de Sancerre, de Jean, comte d’Auvergne et de Boulogne, et de 6,000 hommes d’armes et 2,000 arbalétriers[5]. L’arrière-garde, forte de 2,000 hommes d’armes et de 200 arbalétriers, sera conduite par Jean d’Artois, comte d’Eu, par Gui, comte de Blois, par Waleran, comte de Saint-Pol, par Jean[6], comte d’Harcourt, par Hugues de Châtillon et le seigneur de Fère[7]. L’oriflamme sera portée par Pierre de Villiers[8], escorté de quatre chevaliers, Robert le Baveux[9], Gui de Saucourt, Maurice de Tréséguidi et Baudrain de la Heuse[10]; les deux bannières seront gardées par le Borgne de Ruet et le Borgne de Montdoucet[11]. Le comte d’Albret, le sire de Couci et Hugues de Châlon[12] sont chargés du service d’état-major; les maréchaux des logis du roi sont Guillaume de Masmines et le seigneur de Campremi. La garde du roi est confiée à huit vaillants chevaliers[13], qui ne doivent pas le quitter: Raoul de Raineval, le Bègue de Villaines, Aimenion de Pommiers, Enguerran d’Eudin, Jean la Personne, vicomte d’Aci, Gui le Baveux, Nicolas Painel et Guillaume des Bordes. Enfin Olivier de Clisson, connétable de France, l’amiral Jean de Vienne et Guillaume de Poitiers, bâtard de Langres, doivent recueillir tous les renseignements sur la situation de l’armée ennemie.
Ces dispositions prises, on décide que le lendemain[14] le roi quittera Seclin, passera par Lille[15] sans s’y arrêter et ira gîter à l’abbaye de Marquette[16], tandis que l’avant-garde avancera plus loin. P. 5 à 8, 319.
Le lendemain donc, l’avant-garde se dirige sur Comines, suivant les chemins tracés par Josse d’Halewin et le seigneur de Rambures. Mais le pont détruit est défendu par Pierre du Bois et ses troupes[17], les gués manquent, impossible de passer; impossible aussi d’aller chercher à Lille des bateaux par la Deule[18], car la rivière, semée de pieux, n’est plus navigable. Le connétable et les maréchaux de France et de Bourgogne ne savent à quel parti se résoudre. P. 8 à 10, 320.
Ceux d’entre les chevaliers qui connaissent le pays n’ont pas de ces hésitations; c’est ainsi que plusieurs seigneurs, le seigneur de Sempi, puis Herbaut de Belleperche, Jean de Roie, Hervé de Mauni[19], Jean de Malestroit et Jean Chauderon, en venant de Lille à Comines, se sont procuré de petits bateaux et les ont transportés avec eux sur des chariots; ils s’en servent pour passer en cachette la Lys au-dessous de Comines, malgré les conseils de prudence que leur donne le maréchal Louis de Sancerre. Après eux, c’est le tour de Louis d’Enghien, comte de Conversano[20], d’Eustache et de Fierabras de Vertaing et d’autres encore. P. 10 à 13, 320 à 322.
Cent cinquante chevaliers passent ainsi, parmi eux le seigneur de Rieux. Le connétable, craignant alors que les Flamands du pont de Comines ne s’aperçoivent de quelque chose, donne l’ordre de les occuper par une attaque d’arbalétriers[21], qui protège ainsi le passage de ses troupes. P. 13, 14, 322.
Le lundi soir[22], quatre cents hommes d’armes, la fleur de la noblesse, ont passé la rivière. Louis de Sancerre se joint à eux, ainsi que le seigneur de Hangest et Perceval d’Esneval; il se met à leur tête, et la petite troupe, à travers les marais, s’achemine vers Comines, où elle compte entrer le soir même.
Pierre du Bois les aperçoit de loin, mais les laisse approcher, attendant pour agir que la nuit soit tout à fait noire. P. 14 à 16, 322, 323.
Le connétable, resté de l’autre côté de la rivière, se rend compte du danger qui menace ses gens, guettés par une armée qu’il estime à dix ou douze mille hommes. Il ordonne alors de refaire le pont et permet à tout chevalier et écuyer de passer la rivière à ses risques et périls. P. 16 à 18, 323.
La nuit est venue; forcés de s’arrêter, les Français attendent le jour, les pieds dans la bourbe des marais, tremblants de froid, manquant de vivres, mais résolus au combat qui se prépare. P. 18, 19, 323, 324.
Pierre du Bois, d’autre part, prend ses mesures pour livrer bataille; il espère bien, avec ses six ou sept mille hommes, venir facilement à bout de la petite troupe française fatiguée par le froid et la pluie.
Les Français ne se découragent pas; commandés par le seigneur de Sempi, qui a fait le guet toute la nuit, ils marchent dès l’aube contre les Flamands qui croient les surprendre. P. 19 à 21, 324, 325.
La lance en avant, poussant chacun leur cri, chevaliers et écuyers français bousculent bientôt la troupe ennemie qui ne peut soutenir le choc; Pierre du Bois est blessé dans la mêlée[23]. P. 21 à 23, 325, 326.
Chassés du pont et du chemin menant à la ville, les Flamands essayent d’abord de lutter en incendiant tout sur leur passage; mais ils se débandent bientôt. Les uns se réfugient soit à Ypres, soit à Courtrai, où ils mettent en sûreté leurs femmes et leurs biens; les autres retournent à Comines pour continuer la lutte. Pendant ce temps, le connétable fait réparer le pont et toute l’avant-garde traverse la Lys. Les renforts envoyés par le comte de Flandre arrivent quand tout est fini.
Le connétable ordonne aussi de refaire le pont de Warnéton par où passeront les chariots. P. 23 à 25, 326, 327.
Dès le mardi matin (18 novembre), le roi apprend à l’abbaye de Marquette que la Lys est franchie. Reste à rendre tout à fait sûr le chemin de Comines. L’avant-garde installée dans la ville en chasse les Flamands, dont plus de 4,000 sont tués; les Bretons, sous les ordres des seigneurs de Rieux, de Laval et autres, balaient le pays et vont jusqu’à Wervicq[24] qu’ils brûlent et pillent. Partout aux alentours les villes sont pillées, et les routiers bretons[25], normands et bourguignons font un riche butin. P. 25, 26, 327, 328.
A la même date (18 novembre), Philippe d’Artevelde a connaissance à Audenarde de tout ce qui s’est passé. Il consulte le seigneur d’Herzeele, qui lui conseille d’aller à Gand chercher du secours et de se fortifier à Courtrai, en attendant les renforts promis par le roi d’Angleterre. Le roi de France dispose de 20,000 hommes, c’est-à-dire de 60,000 combattants; il sera facile d’en mettre autant sur pied.
Avant son départ, Philippe reçoit le héraut d’armes d’Angleterre, Chandos, qui lui annonce le retour prochain de ses ambassadeurs[26], accompagnés de Guillaume de Faringdon; ils sont porteurs du traité d’alliance à signer. Toutes ces lenteurs préoccupent fort Philippe, qui se dirige sur Gand. P. 26 à 28, 328.
Le roi cependant quitte l’abbaye de Marquette et arrive le mardi à Comines avec ses oncles[27]. Le lendemain il gîte sur la hauteur, devant Ypres, pendant que les convois de l’armée et l’arrière-garde, forte de deux mille hommes et de deux cents arbalétriers, passent la Lys et s’établissent à Comines, sous la direction des comtes d’Eu, de Blois, de Saint-Pol et d’autres. Durant la nuit, tenus perpétuellement en alerte, ces seigneurs doivent, malgré leur fatigue, rester armés, les pieds dans la boue, prêts à tout événement. P. 28 à 30, 329.
Le lendemain matin l’arrière-garde rejoint près d’Ypres le gros de l’armée, et l’on délibère si l’on attaquera Courtrai, Ypres ou Bruges. Craignant d’être assiégés, les habitants d’Ypres se révoltent contre Pierre Wanselaere[28], capitaine de la ville établi par Philippe d’Artevelde, le mettent à mort, et font leur soumission au roi moyennant quarante mille francs[29]. P. 30 à 32, 329, 330.
Le roi est devant Ypres, quand il apprend la rébellion des Parisiens[30], qui, au nombre de vingt ou trente mille, armés de maillets et couverts d’armures, attendent l’issue de la campagne de Flandre pour aller détruire les châteaux royaux de Beauté et du Louvre, ainsi que tous ceux des environs de Paris. Nicolas le Flamand[31] est un des chefs de ce mouvement populaire, qui ne tend à rien moins qu’à anéantir toute la noblesse et qui déjà a gagné la province: à Reims, à Châlons, à Orléans[32], à Rouen[33], à Blois, les vilains menacent les seigneurs et les dames; c’est une nouvelle Jacquerie qui se prépare. P. 32, 33, 330.
Les habitants de Cassel[34], de Bergues, de Bourbourg, de Gravelines, de Furnes, de Dunkerque, de Poperinghe[35], de Thourout, de Bailleul et de Messines[36], apprenant la soumission d’Ypres, imitent bientôt cet exemple et se rendent à merci, moyennant soixante mille francs et la vie sauve, sans garantie pour les propriétés rurales. Les capitaines, aux ordres de Philippe d’Artevelde, sont livrés et mis à mort, sans que le comte de Flandre ait en rien connaissance de tout cela. P. 33 à 35, 330, 331.
Le roi reste sur la hauteur d’Ypres quelques jours encore, pendant lesquels le butin est vendu sur place ou envoyé au loin; puis il entre dans la ville avec sa suite et s’y repose quatre ou cinq jours[37].
Les gens de Bruges, qui ont 7,000 des leurs avec Philippe à Audenarde, ne savent trop que faire; finalement, craignant pour leurs otages que Philippe détient à Gand et poussés à la résistance par Pierre du Bois et Pierre de Wintere, qui leur promettent le succès, ils refusent de traiter avec le roi. P. 35, 36, 331.
Pendant ce temps, Philippe apprend que ses ambassadeurs ainsi que Guillaume de Faringdon sont arrivés à Calais, où ils sont arrêtés, ne pouvant traverser, pour venir jusqu’à lui, des pays devenus français. Il n’en est pas moins décidé à combattre. Il se rend à Gand pour faire l’appel des réserves; en y joignant les contingents de Bruges, du Damme, d’Ardembourg, de l’Écluse, des Quatre-Métiers, de Grammont, de Termonde et d’Alost, il se trouve à la tête d’une armée de près de 50,000 hommes, avec laquelle il se rend à Courtrai[38]. P. 36 à 38, 331, 332.
A ces nouvelles, l’avant-garde française, le connétable et les maréchaux quittent Ypres pour venir camper plus loin entre Roulers et Roosebeke. Le lendemain, le roi et tout le reste de l’armée y viennent aussi, désireux d’en finir au plus vite. Il pleut et fait froid. Pourquoi Philippe ne reste-t-il pas à Audenarde? Le mauvais temps serait son meilleur auxiliaire. P. 38, 39, 332.
Le mercredi soir (26 novembre), veille de la bataille, Philippe fait prendre position à son armée entre le Mont-d’Or et Roosebeke, en un lieu protégé d’une part par un fossé et de l’autre par des haies et un petit bois; puis il rassemble ses capitaines, les harangue et leur donne l’ordre, pour le combat du lendemain, de n’épargner personne, sauf le roi qu’il veut faire prisonnier[39]. P. 39 à 41, 332, 333.
La nuit se passe en alertes continuelles. P. 41, 42, 333, 334.
Le jeudi matin, de bonne heure, Philippe fait prendre le repas à ses hommes, leur ordonne de s’armer et d’aller occuper leur poste de combat. Plus de 50,000 hommes d’élite, soutenus par soixante archers anglais, composent son armée[40]. Il garde auprès de lui les 9,000 hommes fournis par Gand: tout autour se placent les autres contingents, armés de maillets et de bâtons ferrés, recouverts de cottes aux couleurs de leur ville et portant les bannières de leurs métiers. P. 42 à 44, 334, 335.
Du côté des Français on se prépare aussi à combattre. Dès le mercredi soir, toute l’armée est réunie à Roosebeke[41], et le roi traite les chefs et les seigneurs étrangers venus à son service. Après souper, sur le conseil de ses oncles, il propose à Olivier de Clisson de rester le lendemain auprès de lui pendant la bataille et de confier pour ce jour-là sa charge de connétable au sire de Couci. Olivier refuse de déserter son commandement d’avant-garde. P. 44 à 47, 335, 336.
Le jeudi matin, par une bruine épaisse et pénétrante, on prend les armes; le roi entend la messe. Le connétable part en éclaireur avec Jean de Vienne et Guillaume de Poitiers[42]. Ils constatent que les Flamands, fatigués d’attendre l’attaque jusqu’à huit heures du matin, ont quitté leurs positions et marchent sur le Mont-d’Or, où ils comptent s’appuyer. Mais la vue des éclaireurs leur fait modifier leur plan: ils s’arrêtent et se forment en bataille; Philippe donne ses derniers ordres aux bombardiers et aux arbalétriers. P. 48 à 50, 337, 338.
Il dispose son armée pour le combat, sans oublier les quarante archers anglais qui ont toute sa confiance. P. 50, 51, 337.
D’après les renseignements donnés par les trois éclaireurs, l’armée française[43] prend ses dispositions de combat, et l’on crée en ce jour 467 nouveaux chevaliers[44].
L’oriflamme portée par Pierre de Villiers est développée, cette oriflamme qui ne se montre jamais d’ordinaire devant des ennemis chrétiens, mais qui peut bien marcher contre les Flamands, dont la foi ne reconnaît pas le pape Clément[45]. A cet instant la bruine se dissipe et le soleil fait reluire les armures des chevaliers, attendant en silence l’attaque des troupes flamandes qui marchent contre eux. P. 51 à 53, 337 à 339.
Les Flamands s’avancent en rangs serrés, lançant leurs traits et tirant leurs bombardes. Les gens du roi reçoivent les premiers[46] le choc et commencent à faiblir; le seigneur de Wavrin, Morelet d’Halewin et Jaques de Heere tombent morts[47]. Aussitôt l’avant-garde et l’arrière-garde arrivent à la rescousse, et, poussant de chaque côté l’armée flamande, la pressent et l’accablent; Philippe d’Artevelde est tué dans la mêlée[48]. P. 53 à 55, 339, 340.
Les gens du roi reviennent alors, et le carnage est grand[49]; les pillards, armés de coutelas, se glissent entre les combattants et massacrent tous ceux qui tombent. Les morts sont nombreux de part et d’autre[50]; Louis[51] de Cousan et Floton de Revel succombent, victimes de leur imprudence.
Affolés, les Flamands jettent les armes et s’enfuient vers Courtrai, poursuivis par les Bretons et les Français.
La bataille eut lieu entre Roosebeke et Courtrai, le jeudi 27 novembre 1382, le roi Charles étant dans sa quatorzième année. P. 55 à 57, 340, 341.
Elle n’avait duré qu’une demi-heure; les pertes des Gantois se montent à 9,000 hommes; celles de leurs alliés à 26,000.
Le roi, retiré sous sa tente, reçoit les félicitations de ses oncles et des grands barons[52]. Il demande à voir le corps de Philippe d’Artevelde; on le cherche, on le trouve, on le montre au roi, qui le fait pendre à un arbre. P. 57 à 59, 341, 342.
Le jeudi même, vers minuit, le seigneur d’Herzeele apprend sous les murs d’Audenarde la défaite et la mort de Philippe. Il abandonne le siège et se dirige sur Gand, laissant Daniel d’Halewin maître de la place[53].
Les habitants de Bruges ont connaissance de la nouvelle quelques heures plus tôt; craignant d’être pillés, ils dirigent toutes leurs richesses sur la Hollande. Pierre du Bois, blessé à Comines, se fait transporter en litière à Ardembourg, où il couche le vendredi soir, puis arrive à Gand assez à temps pour rendre courage aux Gantois, tout prêts à se soumettre. P. 59 à 61, 342.
Dès le vendredi (28 décembre), le roi quitte Roosebeke[54] et prend le chemin de Courtrai, précédé du Hase de Flandre et de 200 lances flamandes, qui pillent la ville. Le roi n’y entre que le 1er décembre; mais son arrivée n’arrête pas le pillage et le massacre: les Français ont à cœur de venger la défaite de Robert d’Artois en 1302[55].
Daniel d’Halewin, à la tête de 50 lances, vient d’Audenarde pour voir le roi et s’en retourne le jour suivant. P. 61, 62, 342, 343.
Bruges échappe au pillage des Bretons grâce à l’intervention du comte de Flandre et du duc de Bourgogne et moyennant le paiement d’une somme de 120,000 francs, exigible moitié sur l’heure et moitié à la Chandeleur prochaine[56]. P. 62 à 64, 343, 344.
Mécontentement des Bretons et autres routiers, Bourguignons et Savoyards, qui veulent retourner chez eux en pillant le Hainaut[57]. Médiation du comte Gui de Blois, qui réussit à les apaiser, et aussi à obtenir de Thierri de Dixmude[58] de renoncer à ses attaques contre la ville de Valenciennes. P. 64 à 66, 344, 345.
Les Français espèrent quelque jour la soumission de Gand, mais la ville, soutenue par Pierre du Bois, est décidée à continuer la lutte[59]. P. 66 à 68, 345.
Cependant à Calais attend toujours Guillaume de Faringdon, porteur du traité d’alliance, accompagné de François Ackerman et de six bourgeois de Gand. La défaite de Roosebeke remet tout en question[60]: Guillaume de Faringdon retourne en Angleterre, et les ambassadeurs flamands, séjournant à Londres, rentrent chez eux en passant par les Pays-Bas, ainsi que François Ackerman[61]. P. 68, 69, 345, 346.
Le roi hésite à porter le siège devant Gand; mais la rigueur de l’hiver le fait renoncer à ce projet. On se résout donc à quitter Courtrai et à passer à Tournai les fêtes de Noël; les troupes d’Auvergne, de Dauphiné, de Savoie et de Bourgogne sont licenciées; seuls, les Bretons et les Normands sont retenus pour servir au besoin contre les Parisiens.
Malgré les prières du comte de Flandre, le roi, en quittant Courtrai, fait brûler la ville[62]; les habitants sont emmenés prisonniers. P. 69, 70, 346.
Le roi arrive à Tournai[63], et se loge à l’abbaye de Saint-Martin, bien accueilli par les habitants. Quelques seigneurs prennent alors congé de lui, tels que le comte de Blois, qui retourne en Hainaut à Valenciennes et à Landrecies (ce n’est que l’été suivant qu’il se rend à Blois). P. 70 à 72, 346, 347.
Départ du comte de la Marche et de son frère, Jacques de Bourbon, pour Leuze en Hainaut; départ de Gui de Laval pour Chièvres, dont il est seigneur conjointement avec Robert de Namur; départ du sire de Couci pour Mortagne.
Le roi veut profiter de son séjour à Tournai pour ramener le pays[64] à l’obédience du pape Clément; mais il n’y réussit guère, sauf à Tournai même[65], où le comte de Saint-Pol inflige aux Urbanistes plus de 7,000 francs d’amendes.
Négociations avec les Gantois, qui veulent bien relever du roi de France, mais refusent de reconnaître comme seigneur le comte de Flandre. Les choses restent en l’état.
Le roi passe à Tournai les fêtes de Noël[66], puis, après avoir nommé le seigneur de Ghistelles rewaert de Flandre et placé des garnisons à Bruges, à Ypres, à Courtrai, à Ardembourg et à Audenarde, il se rend à Arras[67], avec ses oncles et le comte de Flandre[68]. P. 72 à 74, 347, 348.
CHAPITRE XVIII.
1383, 11 janvier. LE ROI RENTRE A PARIS.—12 janvier. DÉSARMEMENT DES PARISIENS.—20 janvier. RÉTABLISSEMENT DES IMPÔTS.—28 février. EXÉCUTION DE JEAN DES MARÈS.—RÉPRESSION EN PROVINCE (§§ 352 à 355).
Le roi est à Arras; malgré sa présence, c’est à grand’peine qu’on peut empêcher la ville d’être pillée par les Bretons, mécontents des profits de la campagne de Flandre. On leur promet des dédommagements à Paris; et le roi, en passant par Péronne, Noyon et Compiègne[69], arrive à Senlis[70]. Les troupes[71] sont cantonnées dans tous les villages des environs, d’une part entre Estrées-Saint-Denis[72] et Senlis, et de l’autre entre Senlis et Meaux; elles prennent aussi position le long de la Marne et entre la Marne et la Seine[73].
Après avoir couché à Senlis et à Louvres, le roi est au Bourget[74] et s’apprête à entrer à Paris, quand il apprend que les Parisiens, au nombre de 20,000[75], armés d’arbalètes et de maillets, attendent son passage entre Saint-Lazare et Paris. Le connétable de France, le seigneur d’Albret, le sire de Couci, Gui de la Tremoïlle et Jean de Vienne, accompagnés de hérauts d’armes, sont envoyés en avant pour parlementer[76]. P. 74 à 76, 348, 349.
Les Parisiens se défendent de vouloir combattre le roi[77]; ils n’ont d’autre intention que de lui montrer quelle puissance armée ils peuvent mettre à son service, s’il en a besoin. Le connétable leur conseille alors de rentrer paisiblement à Paris et de mettre bas leurs armes, s’ils désirent que le roi entre dans leur ville; ils le promettent.
Le roi entre donc à Paris[78], vient coucher au Louvre. Sur l’ordre du sire de Couci et du maréchal de Sancerre, on se hâte d’enlever les battants des portes de la ville, ainsi que les chaînes qui fermaient les rues[79]. Terrorisés[80], les Parisiens n’osent sortir de chez eux, et sont heureux d’en être quittes en payant des amendes[81] dont le total monte à 400,000 francs[82]. Armures et maillets sont déposés au château de Beauté[83].
On rétablit tous les impôts abolis[84], et la campagne est livrée aux pillards[85]. C’est un exemple pour les autres villes de France. P. 76 à 80, 349, 350.
On ne s’en tient pas là: des arrestations sont faites; des noyades ont lieu. Maître Jean des Marès[86], lui-même, estimé jusque-là comme un sage et honnête serviteur des rois Philippe, Jean et Charles V, est condamné à mort avec quatorze autres bourgeois, dont est Nicolas le Flamand[87]. P. 80, 81, 350.
Les mêmes exécutions se font à Rouen[88], à Reims[89], à Châlons, à Troyes, à Sens, à Orléans[90], partout où il y a eu rébellion contre le roi, et les villes sont condamnées à payer de fortes amendes, tout au profit des ducs de Berri et de Bourgogne. Les gens d’armes, cependant, du connétable et des maréchaux reçoivent leurs gages[91]. Les grands barons ont l’autorisation du roi de lever des impôts sur leurs fiefs pour payer leurs gens, mais la taille royale prime tout le reste[92]; que leur restera-t-il? P. 81, 82, 350, 351.
CHAPITRE XIX.
1383, 17 mai. CROISADE CONTRE LES CLÉMENTINS; L’ÉVÊQUE DE NORWICH DÉBARQUE A CALAIS.—PRISE DE BOURBOURG.—5 juin-10 août. SIÈGE D’YPRES.—1er septembre. LE ROI ENTRE EN FLANDRE.—14 septembre. SOUMISSION DE BOURBOURG.—1384, 26 janvier. TRÈVE DE LEULINGHEM.—30 janvier. MORT DU COMTE DE FLANDRE (§§ 356 à 406).
Le départ du roi pour la France n’a pas mis fin aux hostilités des Gantois[93]. Pierre de Wintere, Pierre du Bois et François Ackerman lèvent de nouvelles troupes, qui, sous les ordres de ces deux derniers, viennent au nombre de 3,000 hommes assiéger Ardembourg, défendu par les Bretons et les Bourguignons. Ils prennent la ville, la pillent et la brûlent en grande partie; puis dévastent le pays d’Alost et de Termonde, jusqu’à Audenarde. P. 82, 83, 351.
Le comte de Flandre est informé à Lille de ces nouvelles. Il apprend aussi que les Gantois n’ont pas renoncé à l’alliance des Anglais[94], qui pensionnent Ackerman[95], et, par l’intermédiaire de Jean Salomon, leur agent à Bruges, sèment l’argent dans les Flandres[96]. Le comte veut faire arrêter Jean Salomon et deux autres anglais avec lui, mais ils lui échappent; il ne peut que les exiler. Quelques comparses seuls sont emprisonnés et rançonnés. P. 83 à 85, 351, 352.
Les Anglais, déjà mécontents de la victoire de Roosebeke, saisissent cette occasion de se plaindre du comte de Flandre, qui chasse ainsi de son pays les nationaux anglais; ils menacent d’intervenir. P. 85, 86, 352.
Pendant ce temps, le pape Urbain, établi à Gênes, fait prêcher en Angleterre une croisade contre les nations clémentines, principalement contre la France. C’est d’abord l’absolution des péchés, puis la dîme sur les biens des églises qu’il concède au roi d’Angleterre et à ses barons. La croisade sera commandée par l’évêque de Norwich, Henri le Dépensier[97].
Une partie de la dîme anglaise sera réservée au duc de Lancastre, pour entreprendre une nouvelle campagne en Castille[98], soutenu par le roi de Portugal[99], qui lui aussi aura droit à la dîme ecclésiastique levée dans son pays.
Durant l’hiver et le carême, on prêche cette croisade: le produit des aumônes et des dîmes monte à la somme de 2,500,000 francs. P. 86 à 88, 352, 353.
C’est suffisant pour faire les deux expéditions de France et d’Espagne. Cette dernière, qui comptera 2,000 lances et 4,000 archers, sera commandée par le duc de Lancastre, auquel on adjoint, pour lui conserver son caractère religieux, l’évêque de Londres, Guillaume[100] de Courtney. On semble avoir peu de confiance dans le duc de Lancastre; en tout cas, il ne s’embarquera pas avant le départ de l’évêque de Norwich.
Celui-ci, dont l’armée se compose des meilleurs chevaliers anglais, parmi eux Hugues de Calverley, Thomas Trivet et Guillaume Elmham, est à la tête de 600 lances et de 1,500 autres combattants[101], sans parler d’un grand nombre de prêtres qui l’accompagnent[102]. P. 88 à 90, 353, 354.
On se hâte de tout préparer[103], et après avoir juré au roi de ne pas combattre contre quiconque reconnaîtrait Urbain comme pape, l’évêque de Norwich et ses gens s’embarquent à Douvres et arrivent à Calais le 23 avril[104]. Ils ont pour instructions d’y rester un mois durant, se contentant de harceler les Français sur la frontière, et d’attendre la venue de Guillaume de Beauchamp, qui, arrivant d’Écosse à cette époque, amènera des renforts d’hommes d’armes et d’archers. P. 90, 91, 354.
Bien reçu à Calais par Jean d’Évreux, l’évêque de Norwich y attend jusqu’au 4 mai[105] Guillaume de Beauchamp. Il se décide alors, d’accord avec Thomas Trivet et Guillaume Elmham à faire une chevauchée en Flandre, dont le comte a si mal traité les marchands anglais. P. 91, 92, 354.
Malgré l’avis de Hugues de Calverley, qui conseille d’attendre encore Guillaume de Beauchamp et de chevaucher, non pas en Flandre, dont les habitants sont partisans du pape Urbain, mais en France, dans le pays d’Aire ou de Montreuil-sur-Mer, la décision de l’évêque prévaut. P. 92 à 95, 354, 355.
Le lendemain, la petite armée, forte de 3,000 hommes, quitte Calais et se dirige sur Gravelines. La ville est prise au grand effroi des populations voisines. Le comte de Flandre envoie alors deux chevaliers, Jean Vilain[106] et Jean du Moulin, demander des explications à l’évêque de Norwich; ils devront ensuite, avec un sauf-conduit, se rendre en Angleterre auprès du roi et de ses oncles. P. 95 à 97, 355, 356.
Les communes voisines de Gravelines s’émeuvent, et, sous la direction de Jean Sporkin[107], gouverneur des terres de madame de Bar, et du Hase de Flandre, les villes de Bourbourg, de Bergues, de Cassel, de Furnes et autres réunissent à Dunkerque une armée de plus de 12,000 compagnons pour résister aux Anglais dont les éclaireurs viennent jusqu’à Mardick[108].
Jean Vilain et Jean du Moulin arrivent à Gravelines; l’évêque de Norwich les ajourne au lendemain pour leur rendre réponse au sujet du sauf-conduit. P. 97 à 99, 356, 357.
Le lendemain, l’évêque leur dit qu’ils peuvent librement aller en Angleterre, mais qu’il ne saurait leur accorder un sauf-conduit, car il n’est pas aux gages du roi, mais bien à ceux du pape Urbain; que du reste, établi sur les terres de la duchesse de Bar qui soutient le pape Clément, il lui fait la guerre pour la ramener à Urbain.
En vain, Jean Vilain objecte-t-il que le comte de Flandre est tout acquis au pape Urbain; il n’obtient aucune autre réponse et va gîter le soir à Saint-Omer, accompagné de Jean du Moulin. P. 99 à 101, 357, 358.
L’évêque de Norwich apprend alors les préparatifs des Flamands à Dunkerque. Il saisit le prétexte d’une escarmouche où il a perdu à Mardick près de cent hommes, pour continuer sa chevauchée. Renforcée des troupes de Nicolas Clifton, venant de Calais, et de Jean Drayton[109], capitaine de Guines, l’armée, qui compte plus de 600 lances et 1,500 archers, marche sur Dunkerque. Les Flamands, au nombre de plus de 12,000[110], sortent de la ville pour livrer combat. P. 102, 103, 358, 359.
L’évêque veut immédiatement attaquer. Hugues de Calverley conseille d’attendre quelque peu: ils n’ont pas encore envoyé de défi au comte de Flandre, qui du reste tient pour le pape Urbain; les Flamands ne leur ont fait aucun mal; ne vaut-il pas mieux dépêcher à Dunkerque un héraut, qui s’informera des intentions de tous ces gens armés et s’assurera qu’ils reconnaissent bien le pape Urbain? S’ils l’affirment, on les priera de se joindre à l’armée pour se rendre en Picardie. P. 103 à 105, 359.
Le héraut, un nommé Montfort, qui appartient au duc de Bretagne, est tué par les Flamands.
Furieux et poussés par quelques bourgeois de Gand qui sont avec eux, les Anglais se ruent sur les Flamands qui courent se réfugier dans les murs de Dunkerque; poursuivis par les Anglais, ils perdent 9,000 des leurs[111]. P. 105, 106, 360.
Le comte de Flandre, que ses ambassadeurs, Jean Vilain et Jean du Moulin, ont rejoint à Lille, apprend le désastre de Dunkerque sans se décourager.
Il envoie prévenir son gendre le duc de Bourgogne, qui garnit de troupes les frontières d’Artois. P. 106, 107, 360.
Quant aux Anglais, tout fiers de leur victoire, ils marchent sur Bourbourg[112], qui se rend; ils s’emparent ensuite par la force du château de Dringham[113] et de Cassel qu’ils pillent, puis se dirigent sur Aire. P. 107, 108, 360, 361.
Ils renoncent à faire le siège de cette ville bien défendue par son capitaine, Robert de Béthune, vicomte de Meaux, aidé de son frère, Jean de Béthune[114], de Jean de Roie, du seigneur de Clari[115], de Jean de Montigni, de Perduccat de Pont-Saint-Mard, de Jean de Canni[116], de Florent, son fils, et de cent vingt bonnes lances. Ils se contentent de défiler en bon ordre sous les murs de la ville et viennent mettre le siège, à deux lieues de là, devant Saint-Venant. P. 108, 109, 361, 362.
La ville ne fait guère de résistance; le château, imprenable, est laissé de côté, mais l’église est prise, malgré les efforts de Guillaume de Nesle, qui est fait prisonnier et paie rançon. P. 109, 110, 362.
Poursuivant leur marche à travers les bois de Nieppe[117], près de Bailleul, les Anglais s’emparent des villes de Poperinghe[118] et de Messines, et viennent mettre le siège devant Ypres[119]. Ils envoient de là auprès des Gantois une députation, dont vraisemblablement fait partie François Ackerman, qui, durant toute cette chevauchée, a servi de guide à l’évêque de Norwich. P. 110, 111, 363.
Les Gantois accueillent avec joie les avances des Anglais et leur envoient un secours de 20,000 hommes, qui, le 8 juillet 1383, arrivent sous les murs d’Ypres, défendu par Pierre van der Zipe[120], capitaine de la ville, Jean De Borchgrave, châtelain[121], et autres nombreux combattants. P. 111, 112, 363.
Un premier succès enhardit les Anglais. Une de leurs bandes, forte de deux cents lances, rencontre en effet à Comines une petite compagnie de Bretons[122], commandée par le seigneur de Saint-Léger et Yvonnet de Tinteniac, qui est envoyée par le duc de Bourgogne à Jean de Jeumont pour renforcer la garnison de Courtrai. Les Bretons sont presque tous faits prisonniers ou tués, parmi eux le seigneur de Saint-Léger. P. 112 à 114, 363, 364.
Le comte de Flandre voit se prolonger le siège d’Ypres[123]; il craint qu’à la longue la ville ne tombe entre les mains des Anglais, qui facilement peuvent faire venir des renforts. 1,000 lances en effet et 2,000 archers, sous les ordres de Guillaume de Beauchamp et de Guillaume de Windsor sont tout prêts à prendre la mer pour venir en Flandre plutôt que d’accompagner en Espagne le duc de Lancastre. Le comte s’avise alors d’implorer l’aide, non pas du duc de Bourgogne et du roi de France, trop longs à répondre à son appel, mais de l’évêque de Liège, Arnould de Hornes[124], bon urbaniste, qui se rend sous Ypres au camp de l’évêque de Norwich. P. 114, 115, 364, 365.
Le comte demande aux Anglais d’abandonner le siège d’Ypres et d’aller ailleurs combattre les partisans du pape Clément: il leur fournira à cette condition 500 lances pendant trois mois. Sur le conseil des Gantois[125], qui se défient du comte, cette proposition n’est pas acceptée. Le comte s’adresse alors au duc de Bourgogne, qui est à Compiègne[126]. P. 115, 116, 365.
Un conseil se réunit à Compiègne, où figure le duc de Bretagne, et l’on décide que le roi interviendra en Flandre. Un mandement général est publié par toute la France; le rendez-vous est fixé à Arras, le 15 août[127]. Le comte d’Armagnac, le comte de Savoie, le duc de Bavière, Frédéric, sont prévenus les premiers. P. 116 à 118, 365.
Ypres tient toujours; mais le comte, craignant que l’église de Ménin, nouvellement mise en état de défense, mais non pourvue de garnison, ne soit prise par les Anglais, donne l’ordre à son fils, Jean Sans-Terre, et à Jean du Moulin d’aller désemparer cette église.
Surpris par une compagnie d’Anglais et de Gascons, ils sont faits prisonniers, et Menin tombe au pouvoir des ennemis[128]. P. 118, 119, 366.
Moins heureux sous les murs d’Ypres, les Anglais multiplient les assauts sans réussir à prendre la ville[129]. P. 119, 120, 366, 367.
Ils se décident à faire venir des fagots pour aborder les murs de plain-pied. Mais ils n’ont pas le temps de réaliser leur projet, car le roi quitte Compiègne et arrive à Arras avec une nombreuse armée[130]. C’est d’abord le connétable et ses Bretons, puis le duc de Bretagne et 200 lances, le comte de Savoie et le comte de Genève avec 700 lances, le duc Frédéric de Bavière et de nombreux gens d’armes, le duc de Lorraine, le duc de Bar et Guillaume de Namur avec 200 lances. Le comte Gui de Blois, bien que malade, fait ses préparatifs de départ. P. 121, 122, 367, 368.
Les Anglais apprennent bientôt à Ypres l’arrivée de cette armée de 20,000 hommes d’armes et de 60,000 autres combattants. Devant de telles forces, ils se retirent à Bergues et à Bourbourg[131]; les Gantois rentrent chez eux[132], où ils sont rejoints par Henri de Percy, fils du comte de Northumberland, qui, revenant de Prusse, a hâte de prendre part à la guerre. P. 122 à 124, 368, 369.
Le roi quitte Arras[133], attend pendant quatre jours le duc de Bourbon à l’abbaye du Mont-Saint-Éloi[134]; puis se rend à Aire[135], de là à Saint-Omer[136]. L’armée est cantonnée dans le val de Cassel[137]. P. 124, 125, 369, 370.
On a vu plus haut que le comte de Blois n’avait pas hésité, malgré la maladie dont il avait souffert l’été précédent, à faire l’appel de ses hommes. Porté en litière depuis Beaumont-en-Hainaut, il arrive à Cambrai, puis à Arras avec 200 lances. P. 125, 126, 370.
Pendant que le roi se repose à Saint-Omer, le connétable et les maréchaux prennent d’assaut la ville de Cassel. Les survivants se réfugient à Bergues[138].
Le roi se rend alors à l’abbaye de Ravensberghe[139], pendant que le connétable s’empare du château de Dringham[140]. P. 126, 127, 370.
L’armée anglaise est réduite à se concentrer dans Bergues, que commande Hugues de Calverley[141]. L’évêque de Norwich se retire à Gravelines, très humilié de n’avoir pas réussi et d’avoir refusé, malgré les avis de Hugues de Calverley[142], les renforts que devaient amener Guillaume de Beauchamp[143] et Guillaume de Windsor[144]. P. 127, 128, 371.
La garnison de Bergues est de 4,000 hommes, y compris les archers, bien résolue à se défendre contre les troupes royales qui viennent pour l’assiéger. Mais elle se sent bientôt incapable de résister à une armée aussi nombreuse: Hugues de Calverley abandonne la ville et prend le chemin de Gravelines[145]; Thomas Trivet, Guillaume Elmham et le reste des hommes se réfugient à Bourbourg. P. 128 à 133, 371 à 373.
Les Français entrent facilement dans Bergues, qu’ils pillent et mettent à sang et à feu. Le samedi suivant (12 septembre), ils sont devant Bourbourg[146], souffrant du manque de pain et de fourrage, mais joyeux à l’espoir de trouver grand butin dans Bourbourg. P. 133, 134, 373, 374.
On s’apprête donc à donner l’assaut; on crée plus de 400 nouveaux chevaliers, ce qui porte leur nombre à 9,700. L’armée est forte de 24,500 hommes d’armes[147]. P. 134, 135, 374.
Les Anglais de leur côté ne négligent rien pour mettre les murs en bon état de défense. Les postes de combat sont attribués à chacun; des hommes sont spécialement désignés pour éteindre les incendies, par-dessus tout redoutables dans une ville où toutes les maisons sont recouvertes en chaume. P. 135, 136, 374, 375.
François Ackerman, d’autre part, ne reste pas inactif: apprenant que Gilbert de Leeuwerghem, capitaine d’Audenarde, est venu retrouver le comte de Flandre à l’armée royale et qu’une partie des fossés de l’enceinte est mise à sec pour en recueillir le poisson, il surprend la ville de nuit et y pénètre avec 400 hommes[148]. Florent de Heule, lieutenant du capitaine, est tué. P. 136 à 140, 375 à 377.
Effrayés, les habitants s’enfuient, mais un grand nombre d’entre eux se noie dans l’Escaut, ou est massacré par les vainqueurs. François Ackerman s’établit à Audenarde, dont il est nommé capitaine. P. 140, 141, 377, 378.
Pendant ce temps, en Auvergne, les Anglais continuent à se rendre maîtres de nombreux châteaux, mettant à profit l’absence des barons, qui sont partis au service du roi. Mérigot Marchès, qui tient déjà le château d’Alleuze, prend par ruse le château de Mercœur[149]. P. 141 à 143, 378, 379.
La dauphine d’Auvergne apprend cette nouvelle à Ardes[150], en l’absence de son mari; elle traite avec Mérigot Marchès, qui rend le château contre 5,000 francs[151].
Les pays de Limousin[152], de Rouergue[153], d’Auvergne[154] et de Querci[155] n’en restent pas moins occupés et exploités par les Anglais; ils souffrent surtout des incursions et des déprédations de la garnison de Chalusset, commandée par Pierre le Béarnais et de celle de Ventadour, à la tête de laquelle est le fameux Geoffroi Tête-Noire. P. 143 à 145, 379, 380.
C’est le samedi 12 septembre que le roi arrive devant Bourbourg avec sa brillante armée. Le duc de Bretagne et le comte de Flandre préféreraient traiter avec les Anglais; mais les Bretons, Bourguignons, Normands et Allemands, désireux de pillage, harcèlent les assiégés de continuelles escarmouches. Le feu prend dans la ville; l’assaut est donné, sans réussir cependant ce jour-là[156]. P. 145 à 147, 380 à 382.
Le dimanche matin, ordre est publié de réunir le plus grand nombre de fagots possible pour combler les fossés. D’autre part, le duc de Bretagne s’entremet pour obtenir du roi et de ses oncles qu’ils consentent à traiter; ce serait épargner bien des vies de braves gens[157].
La journée se passe donc sans combattre. On apprend la nouvelle de la prise d’Audenarde par François Ackerman[158]. P. 147, 148, 382.
Le lundi, l’assaut qu’on espérait toujours est définitivement ajourné. Le roi, entouré des ducs de Berri, de Bourgogne, de Bourbon et de Bretagne, du comte de Flandre et du connétable, reçoit dans sa tente les envoyés des Anglais, quatorze chevaliers et écuyers, parmi lesquels se trouvent Guillaume Elmham et Thomas Trivet. Le duc de Bretagne plaide la cause des assiégés, qui finalement obtiennent de pouvoir quitter Bourbourg avec armes et bagages, et s’engagent de plus à évacuer Gravelines[159].
Ce traité est mal accueilli par une certaine partie de l’armée[160]. P. 149, 150, 382, 383.
Le mardi, les Anglais font leurs préparatifs de départ; le mercredi, ils quittent Bourbourg et arrivent à Gravelines, qu’ils livrent aux flammes[161]; le lendemain, ils sont à Calais, attendant un vent favorable pour retourner en Angleterre.
Le jeudi matin, le roi entre dans Bourbourg, que les Bretons se mettent à piller[162]. Le vendredi, l’ordre du départ est donné et le roi fait ses adieux au duc de Bavière[163] et au comte de Savoie[164]. Le duc de Bourgogne se rend à Saint-Omer avec le comte de Flandre[165]. Le seigneur de Torci[166] et quelques chevaliers de Picardie occupent Gravelines, qu’ils fortifient de nouveau; les pays voisins commencent peu à peu à se repeupler[167]. P. 150 à 152, 383, 384.
L’expédition de l’évêque de Norwich a donc échoué[168]. Cet insuccès fait la joie du duc de Lancastre, dont elle avait contrarié les projets en Espagne et en Portugal. Les chevaliers qui reviennent de Flandre sont mal reçus en Angleterre et accusés d’avoir vendu à la France Bourbourg et Gravelines. Hugues de Calverley, dont on eût mieux fait de suivre les conseils, n’est pas inquiété; mais Thomas Trivet et Guillaume Elmham sont jetés en prison jusqu’à l’apaisement général[169].
Les deux royaumes se disposent à conclure une trêve, qui, malgré l’opposition du comte de Flandre, s’étendra aussi aux Gantois. P. 152, 153, 384.
A la prière du duc de Bretagne, en effet, des plénipotentiaires anglais, parmi lesquels figurent le duc de Lancastre, le comte de Buckingham[170], Jean Gilbert, évêque de Hereford, Jean Holand et Thomas de Percy, arrivent à Calais, où ils se rencontrent avec le duc de Berri, le duc de Bourgogne, Pierre de Montaigu, évêque de Laon, et Pierre de Giac, chancelier de France[171]. Les envoyés d’Espagne se font attendre quelque temps[172]. La réunion des plénipotentiaires a lieu près de Wissant, au village de Leulinghem. Après plus de trois semaines de pourparlers[173], on ne peut se mettre d’accord pour conclure la paix, les Français demandant la restitution de toutes les forteresses occupées par les Anglais depuis Calais et Guines jusqu’à l’embouchure de la Gironde.
Vers cette époque[174] meurt Wenceslas de Bohême, duc de Luxembourg et de Brabant. P. 153 à 155, 384, 385.
Un des obstacles à la conclusion de la paix est l’attitude du comte de Flandre, qui, malgré l’expresse volonté des Anglais, ne veut pas que les nouveaux traités soient applicables aux Gantois. Ces derniers, en effet, continuent à tenir en échec les troupes du comte: leur garnison d’Audenarde pille et brûle Maire[175] et les faubourgs de Tournai; à la Noël, ils osent même lever les rentes sur les domaines du seigneur d’Escornai. P. 155, 156, 385, 386.
Finalement, une trêve est conclue entre la France, l’Espagne, la Galice, la Castille et l’Écosse d’une part et l’Angleterre et les Gantois de l’autre, trêve qui prendra fin à la Saint-Michel (29 septembre) 1384[176].
En retournant chez lui, le comte de Flandre tombe malade à Saint-Omer, où il meurt le 28 janvier 1384[177]. On l’ensevelit à Lille dans l’église Saint-Pierre, où l’on transporte aussi le corps de la comtesse, sa femme, morte cinq ans auparavant[178]. P. 156 à 158, 386.
Description détaillée des obsèques[179]. Le duc de Bourgogne pourvoit la Flandre de garnisons[180]. P. 158 à 164, 387 à 390.
CHAPITRE XX.
1384. LA TRÊVE DE LEULINGHEM EST CONFIRMÉE EN ÉCOSSE.—25 mai. PRISE D’AUDENARDE PAR LE SEIGNEUR D’ESCORNAI.—20-21 septembre. MORT DU DUC D’ANJOU.—1385, avril. PRÉPARATIFS DE L’EXPÉDITION D’ÉCOSSE.—21 mai. LOUIS II D’ANJOU REÇOIT DU PAPE L’INVESTITURE DU ROYAUME DE SICILE ET DE JÉRUSALEM.—Juin-août. COMMENCEMENT DE LA CAMPAGNE DU DUC DE BOURBON DANS LE CENTRE (§§ 407 à 439).
Les seigneurs français, présents au traité de Leulinghem, se sont chargés de prévenir les Écossais de la conclusion de la trêve. Mais, pour une raison ou une autre, ils diffèrent de le faire. Aussi les hostilités continuent-elles aux frontières d’Écosse[181]. Peu après Pâques, les comtes de Northumberland et de Nottingham envahissent le territoire écossais avec 2,000 lances et 6,000 archers; ils brûlent tout sur leur passage jusqu’à Édimbourg[182].
Les barons d’Écosse font leurs préparatifs de défense. A ces nouvelles, la cour de France se hâte d’envoyer en Écosse, pour signifier la trêve, Guichard de Marsai[183], Pierre Fresnel[184] et un sergent d’armes du roi, Jean Champenois[185]. P. 164 à 166, 390.
Quelques chevaliers et écuyers français, apprenant cependant que la guerre recommence aux frontières d’Écosse, s’embarquent à l’Écluse pour aller tenter fortune. Citons parmi eux Jean de Blaisi[186], Geoffroi de Charni[187], Jacques de Montfort[188], Jean de Noyelles[189] et Sauvage de Villiers[190].
D’autre part, les messagers que le roi de France envoie en Écosse sont bien accueillis en Angleterre et s’acheminent, accompagnés de deux sergents d’armes, vers le théâtre de la guerre[191]. P. 166 à 168, 390, 391.
Les chevaliers partis de l’Écluse arrivent à Montrose, en Écosse, et se rendent à Dundee, puis à Saint-John-Stone. Là, apprenant que les Anglais ne sont plus sur le territoire écossais, ils envoient deux d’entre eux à Édimbourg, auprès du roi d’Écosse, pour l’assurer de leur concours. Ils sont bien accueillis par les seigneurs, partisans de la guerre. Le roi, au contraire, qui vient de recevoir les ambassadeurs français chargés de dénoncer la trêve, ne veut pas entendre parler de continuer les hostilités. P. 168 à 170, 391, 392.
Secrètement appelé par le comte Guillaume de Douglas et ses amis, le reste des chevaliers français quitte Saint-John-Stone, se dirige sur Édimbourg, puis sur Dalkeith. Tout près de là est le lieu de réunion des chevaliers écossais, plus de 15,000, auxquels ils se joignent, désireux de faire payer cher aux Anglais la chevauchée qui vient d’avoir lieu en Écosse.
Ils entrent donc sur les terres des comtes de Northumberland et de Nottingham, qu’ils pillent et saccagent sans être inquiétés. P. 170, 171, 392.
Furieux, les Anglais veulent rentrer en campagne, bien que le duc de Lancastre et le comte de Cambridge préfèrent voir l’apaisement se faire, pour s’occuper de leur expédition en Espagne. Le roi d’Écosse n’approuve pas ses barons; les ambassadeurs français qui sont auprès de lui, Guichard de Marsai et Pierre Fresnel, pour dégager leur responsabilité, envoient au roi d’Angleterre un de leurs hérauts. P. 171, 172, 392, 393.
Le héraut excuse le roi d’Écosse, qui demande la confirmation de la trêve, dont il n’a eu que trop tard connaissance. P. 172 à 174, 393, 394.
Les Anglais, ne se sentant pas à l’abri de tout reproche, accueillent cette demande: la trêve est confirmée entre l’Écosse et l’Angleterre[192]; les ambassadeurs français peuvent retourner dans leur pays[193]. P. 174, 175, 394.
A cette nouvelle, les chevaliers français, venus en Écosse, font leurs adieux aux seigneurs du pays, leur promettant à la première occasion de venir se joindre à eux pour combattre les Anglais. Le vent les pousse à Briel[194], en Zélande, où les Normands leur enlèvent leurs barques et leurs armes. P. 175 à 178, 394, 395.
Grâce à l’intervention de Jacques d’Ostringh[195], écuyer du comte de Blois, ils peuvent s’embarquer pour Schoonhove, d’où ils gagnent la France par le Brabant et le Hainaut. P. 177, 178, 395, 396.
A leur arrivée, ils racontent leur expédition à l’amiral Jean de Vienne. Il est d’avis que c’est par l’Écosse qu’à la prochaine reprise de la guerre[196] on pourra le mieux entamer les Anglais. Les ducs de Berri et de Bourgogne partagent cette opinion que vient confirmer aussi Guichard de Marsai qui est de retour. P. 178, 179, 396.
La trêve[197] avait laissé en la possession des Gantois la ville d’Audenarde et la terre du seigneur d’Escornai. Ce dernier, résolu à se venger malgré la trêve, profite de la présence de François Ackerman à Gand pour mettre son projet à exécution. P. 179, 180, 396, 397.
Le 17 mai[198], à la tête de 400 combattants, chevaliers, écuyers et autres, il se cache dans le bois d’Edelaere, tout près d’Audenarde. Puis, profitant de l’embarras que causent à la porte dite de Grammont deux charrettes chargées dont il s’est fait précéder dans ce but, il entre dans la ville qu’il reprend. Plus de 300 Gantois sont tués; près de 15,000 francs appartenant à François Ackerman tombent aux mains du vainqueur. P. 180, 181, 397, 398.
Les Gantois se plaignent de la violation de la trêve au duc de Bourgogne, qui ne peut rien obtenir du seigneur d’Escornai[199]. Cette prise d’Audenarde est la cause d’une violente querelle entre François Ackerman et le seigneur d’Herzeele[200], qui meurt peu après, tué, dit-on, sur les ordres d’Ackerman.
C’est à cette date que Gand se donne un nouveau gouverneur, Jean Bourchier[201], que lui envoie le roi d’Angleterre. P. 181 à 183, 398.
En Italie, le duc d’Anjou, arrivé jusqu’à Naples, manque d’argent et d’hommes[202]; son allié, le comte de Savoie, a succombé aux fatigues de la campagne[203]. Le duc s’adresse alors à ses frères, les ducs de Berri et de Bourgogne, qui lui envoient des renforts commandés par le sire de Couci[204] et le comte de Conversano[205]. Arrivés à Avignon, ces deux seigneurs apprennent la mort du duc d’Anjou[206]. Le sire de Couci retourne sur ses pas. Le comte de Conversano se dirige sur la Pouille. P. 183, 184, 398, 399.
La duchesse d’Anjou connaît cette triste nouvelle à Angers[207], où vient la rejoindre son cousin germain le comte de Blois[208]. Emmenant avec elle ses deux fils, Louis et Charles, elle va trouver le roi de France[209] et les ducs de Berri et de Bourgogne, qui lui conseillent de se rendre à Avignon auprès du pape, de prendre possession du duché de Provence et de ceindre la couronne du royaume d’Arles. Elle part donc pour Avignon avec son fils aîné[210]. P. 184, 185, 399.
Tout l’hiver se passe (la trêve ayant été prolongée[211] jusqu’au 1er mai 1385) à faire les préparatifs[212] d’une expédition en Écosse et d’une campagne contre les pillards anglais en Auvergne et en Limousin[213]. P. 185, 186, 399.
La duchesse de Brabant, qui vient de perdre son mari[214], prend alors l’initiative d’une alliance entre les maisons de Bourgogne et de Hainaut, qui mettrait fin au mécontentement provoqué en France par l’appui prêté aux Gantois par le duc Aubert et empêcherait aussi un rapprochement entre le Hainaut et la maison d’Angleterre. P. 186, 187, 399, 400.
Les premiers pourparlers ont lieu à Cambrai, au mois de janvier, entre le duc de Bourgogne, le duc Aubert et leurs représentants[215]. Le duc de Bourgogne désirerait marier sa fille Marguerite à l’héritier de Hainaut. Le duc Aubert n’accepte pas immédiatement ces ouvertures et demande à consulter sa femme. P. 187 à 189, 400, 401.
Nouvelle entrevue à Cambrai[216]. Le duc Aubert ne veut consentir au mariage de son fils avec Marguerite de Bourgogne qu’autant que sa fille Marguerite épousera Jean de Bourgogne. Le duc de Bourgogne hésite, car il espère marier son fils à Catherine de France, sœur du roi, et, d’autre part, on n’est pas bien sûr que l’héritage de Hainaut revienne aux enfants du duc Aubert. Tout s’arrange à la fin, grâce à la duchesse de Bavière. Les deux mariages sont fixés à l’octave de Pâques[217].
De grands préparatifs sont faits à Cambrai pour la célébration de ces mariages, auxquels le roi se propose d’assister. P. 191, 192, 401, 402.
Ces nouvelles parviennent en Angleterre et mécontentent fort le duc de Lancastre, qui s’est toujours flatté de l’idée que sa fille Philippe épousera Guillaume de Hainaut[218]. Encouragé par les Gantois, il essaie de faire revenir le duc Aubert sur sa décision, mais ne peut y réussir[219]. P. 192, 193, 402.
Le jour de Pâques arrive. A Cambrai sont réunis le duc et la duchesse de Bourgogne, le duc de Bourbon, le duc Aubert et la duchesse sa femme, la duchesse de Brabant, Guillaume et Jean de Namur. Le roi entre dans la ville le lundi[220]. Aussitôt, en sa présence, on fixe les apports des futurs époux[221]: Guillaume de Hainaut apporte le comté d’Ostrevant; Marguerite de Bourgogne, sa future, reçoit en douaire la terre et châtellenie d’Ath et apporte 100,000 francs. Jean de Bourgogne apporte le comté de Nevers, qui est attribué en douaire à sa future; Marguerite de Hainaut apporte aussi 100,000 francs[222].
Les deux mariages sont célébrés[223] dans la cathédrale de Cambrai par l’évêque Jean de T’ Serclaes. Grandes réjouissances, joutes[224] pendant plusieurs jours. P. 193 à 195, 402, 403.
Au mois de mai ont lieu à Bourges les fiançailles de Louis de Blois, fils de Gui comte de Blois, avec Marie de Berri, fille du duc de Berri. L’archevêque de Bourges préside à ses fiançailles, mais non au mariage, car les futurs conjoints sont trop jeunes[225]. Après de grandes fêtes, Louis de Blois retourne avec ses parents à Blois, et la jeune fille reste avec sa mère à Mehun-sur-Yèvre[226]. P. 195, 196, 403.
Le duc de Berri se résout à cette époque à aller jusqu’à Avignon, auprès du pape Clément, en passant par l’Auvergne et le Languedoc. Il obtient que le duc de Bourbon et le comte de la Marche, avec 2,000 hommes d’armes, iront en Limousin, en Poitou et en Saintonge délivrer le pays des pillards anglais. Le duc de Bourbon convoque ses hommes le 1er juin à Moulins; le comte de la Marche fixe le rendez-vous à Tours[227]. P. 196, 197, 403, 404.
Pendant ce temps, à l’Écluse, se rassemble l’armée que l’amiral doit emmener en Écosse; la flotte est prête, les provisions sont là. On emporte même des armures destinées aux chevaliers écossais. 1,000 lances, sans compter les arbalétriers et les valets d’armée, telles sont les forces commandées par Jean de Vienne[228]. Citons parmi les chevaliers qui l’accompagnent: le comte Édouard de Grandpré[229], Eustache de Voudenai[230], Jean de Sainte-Croix[231], le seigneur de Montburi, Geoffroi de Charni, Guillaume de Vienne[232], Jacques de Vienne[233], Girard de Bourbon[234], Jean des Haies[235], Florimont de Cuissi, le seigneur de Moreuil[236], Waleran de Raineval[237], Hugues de Montmorenci, seigneur de Beausault[238], Robert de Wavrin[239], le seigneur de Riveri, Charles d’Ivri[240], Guillaume de Courci[241], Perceval d’Esneval, le seigneur de Ferières[242], Jean de Fontaines[243], Guillaume Braquet de Braquemont[244], le seigneur de Grancourt[245], Étienne de Landri[246], Gui La Personne[247], Guillaume de Cauroi[248], Jean de Hangest[249], Charles et Aubert[250] de Hangest, et un chevalier allemand, Guérin de Wenselin[251], cousin du Grand Maître de Prusse.
Le mois de mai est beau; la trêve a pris fin[252]. La petite expédition profite d’un bon vent pour cingler vers l’Écosse, au grand ennui des Anglais[253]. P. 197 à 199, 404, 405.
L’expiration de la trêve a ramené les préparatifs de guerre. Jean Bourchier, capitaine de Gand, aidé de Pierre du Bois, de François Ackerman et de Pierre de Wintere garnit la ville de Gand ainsi que le château de Gavre. Il trouve d’utiles auxiliaires contre le châtelain d’Ath, Baudouin de la Motte[254], dans les Porcelets de la Raspaille, bande de routiers pillards, réfugiés dans le bois qui porte ce nom[255]. P. 199, 200, 405, 406.
Grâce au duc de Bourgogne, les principales villes de Flandre sont en bon état de défense, sous la haute direction du grand bailli de Flandre, Jean de Jeumont, qui en toute occasion se montre implacable contre les Gantois[256]. Il ne réussit pas toujours cependant. Dans une expédition qu’il tente contre les Quatre-Métiers, avec le concours des chevaliers de la garnison d’Ardembourg, Gui de Pontallier, maréchal de Bourgogne, Rifflard de Flandre[257], Henri d’Antoing, Jean de Montigni et autres, il n’a pas l’avantage, et perd plusieurs des siens. Le vicomte de Meaux est envoyé à Ardembourg pour renforcer la garnison. P. 200 à 202, 406, 407.
La guerre est partout, aussi bien entre la France et l’Angleterre qu’entre la Castille et le Portugal[258]. La duchesse d’Anjou, qui prend le titre de reine de Naples et de Jérusalem, est à Avignon, auprès du pape, avec son fils Louis[259]. Conseillée par le sire de Couci et Jean de Bueil, soutenue par les bandes de Bernardon de la Salle, elle attend, pour reconquérir son comté de Provence, l’arrivée du duc de Berri[260] et des troupes royales que lui amène Louis de Sancerre, maréchal de France. Marseille et la plus grande partie de la Provence s’est déclarée pour elle[261]; mais Aix et Tarascon[262] ne veulent pas la reconnaître.
En Italie, ses intérêts sont soutenus par le comte de Conversano et par Jean de Luxembourg[263]. P. 202, 203, 407, 408.
Vers le même temps se place l’arrestation, puis la mise à mort[264] de Barnabo Visconti, par son neveu Jean Galéas, qui s’empare de ses états et devient maître de toute la Lombardie. P. 203 à 207, 408 à 410.
Revenons au duc de Bourbon, qui, accompagné de son neveu, Jean d’Harcourt, a quitté Moulins et se dirige sur Niort, où a lieu le rassemblement de ses hommes d’armes. Guillaume de Neilhac, sénéchal de Saintonge, profite de quelques jours de répit pour assiéger et prendre en Angoumois le château d’Aigre[265]. P. 207, 208, 410.
Le duc arrive à Niort[266], où l’attendent son cousin le comte de la Marche, le vicomte de Thouars, Aimeri de Rochechouart, sénéchal de Limousin, et les barons de Poitou et de Saintonge, ainsi que Guillaume de Neilhac, qui vient de s’emparer d’Aigre.
L’armée se compose de 700 lances, soit, avec les Génois et les valets, 2,000 combattants; elle est commandée par Jacques Poussart[267] et Jean Bonne-Lance. On décide d’assiéger Montlieu[268], sur le chemin de Bordeaux; la ville est prise facilement. Le duc de Bourbon remonte alors vers le nord; prend en passant les petits forts de la Tronchette[269] et d’Archiac[270], puis vient mettre le siège devant Taillebourg[271], défendu par le gascon Durandon de la Parade. P. 208, 209, 410, 411.
Les Français s’emparent d’abord du pont de Taillebourg et sont maîtres ainsi de la rivière. P. 209, 210, 411, 412.
Mais ils ont grand’peine à s’emparer du château, qu’ils assiègent plus de neuf semaines. Durandon, espérant être secouru par l’armée anglaise, que doit mener à Bordeaux, puis en Navarre et en Castille, le duc de Lancastre, résiste jusqu’au bout. Il apprend plus tard que l’expédition est remise à un autre temps, toutes les forces anglaises étant réservées pour s’opposer aux attaques multiples de la France en Bretagne, en Normandie et en Écosse. Les ports sont mis en état de défense, et l’amiral anglais, Richard d’Arundel, tient la mer avec près de 100 bateaux chargés de combattants. P. 210 à 212, 412, 413.
CHAPITRE XXI.
1385, commencement de juin. JEAN DE VIENNE DÉBARQUE EN ÉCOSSE, OÙ IL RESTE PLUS D’UN MOIS DANS L’INACTION.—14 juillet. ACKERMAN S’EMPARE DE DAMME.—17 juillet. MARIAGE DU ROI A AMIENS.—août. SIÈGE ET PRISE DE DAMME PAR CHARLES VI.—Commencement de novembre. AVORTEMENT D’UN PROJET DE MARIAGE ENTRE LOUIS, FRÈRE DU ROI, ET MARIE DE HONGRIE.—Août-novembre. FIN DE LA CAMPAGNE DU DUC DE BOURBON (§§ 440 à 466).
La flotte de Jean de Vienne a quitté la France au mois de mai; elle côtoie la Flandre, la Zélande, la Hollande, la Frise et arrive enfin en Écosse[272]. Le roi est encore dans la Haute-Écosse, où il se plaît de préférence; mais ses fils et les comtes de Douglas et de Moray souhaitent la bienvenue aux chevaliers français, qui sont logés à Édimbourg, à Dunfermlin, à Queensferry, à Castle[273], à Dunbar, à Dalkeith et dans les villages des environs.
La population se montre peu sympathique aux nouveaux arrivés, dont elle n’a que faire et dont elle craint les exigences et même les déprédations. P. 212 à 215, 413, 414.
De leur côté, les chevaliers français souffrent du mauvais vouloir des habitants et du peu de bien-être qu’offre ce pays inhospitalier. Ils demandent à chevaucher en Angleterre. L’amiral Jean de Vienne cherche à les calmer. P. 215, 216, 414, 415.
C’est à grands frais qu’ils se sont procuré des chevaux[274] et des équipements; leurs valets sont chaque jour inquiétés et tués; les seigneurs écossais, sauf les comtes de Douglas et de Moray, leur font mauvais visage et refusent de marcher, si on ne leur donne pas forte solde. Le roi lui-même ne quitte pas la Haute-Écosse avant que Jean de Vienne n’ait pris l’engagement de ne pas sortir du pays sans avoir payé son aide et celle de ses vassaux. P. 216 à 218, 415, 416.
On a vu plus haut que le vicomte de Meaux, Robert de Béthune, était venu secourir la garnison d’Ardembourg; il avait amené avec lui quarante lances. Ces nouvelles forces n’empêchent pas François Ackerman, un soir de la fin de mai, de tenter l’assaut de la ville[275], désireux de se rendre maître de Jean de Jeumont, le capitaine, et de se venger sur lui des cruels traitements qu’il fait subir aux Gantois prisonniers. P. 218, 219, 416, 417.
La ville est sauvée grâce au courage du seigneur Gossel de Saint-Aubin et d’un écuyer, Enguerran Zannequin, aidés de quelques piquiers. P. 220, 221, 417, 418.
En Italie, la cause de la duchesse d’Anjou et du jeune roi Louis semble gagner, par suite de la mort de Charles de la Paix[276], assassiné par ordre de la reine Élisabeth de Hongrie. Cette princesse, devenue veuve, poursuit le projet conçu par son mari[277] de marier sa fille[278] avec le prince Louis, comte de Valois, frère du roi de France. Les envoyés hongrois sont bien accueillis et s’en retournent dans leur pays accompagnés de l’évêque de Maillezais, Pierre de Thury, et de Jean la Personne[279], qui, par procuration, épouse en Hongrie la jeune princesse. Les actes publics sont signés[280]; le comte de Valois peut se considérer comme roi de Hongrie. P. 221 à 223, 418, 419.
Un autre mariage se prépare en même temps, celui du roi de France et d’Isabeau de Bavière, dont les premiers pourparlers ont eu lieu lors des mariages de Cambrai. Les choses restent secrètes jusqu’au jour (environs de la Pentecôte) où la duchesse de Brabant fait venir auprès d’elle la jeune princesse, qu’accompagne son oncle Frédéric, duc de Bavière. P. 223, 224, 419.
Il avait déjà été question de ce mariage entre les oncles du roi et le duc Frédéric lors de la venue de ce dernier au siège de Bourbourg. Puis un temps d’arrêt s’était produit dans les négociations: on avait même songé à marier le roi à la fille du duc de Lorraine ou à la fille du duc de Lancastre[281].
A Cambrai, la duchesse de Brabant reprend l’affaire en mains et décide le duc Frédéric à amener sa nièce en Flandre. P. 224 à 227, 419, 420.
Le duc Frédéric et Isabeau arrivent à Bruxelles, restent quelques jours auprès de la duchesse de Brabant, puis se rendent au Quesnoi, auprès du duc Aubert et de sa femme. P. 227, 228, 420.
Après trois semaines passées à la cour de Hainaut, pendant lesquelles la duchesse Marguerite prépare la jeune princesse Isabeau à son futur état de reine et l’habitue à la parure et aux belles manières, on prend le chemin de Cambrai, puis d’Amiens.
Le roi y est déjà[282], ainsi que le duc et la duchesse de Bourgogne[283], la duchesse de Brabant, Gui de la Trémoïlle, Bureau de la Rivière et le sire de Couci, revenu tout exprès du midi.
Le vendredi (14 juillet), la princesse est présentée au roi, qui s’en déclare fort épris et a hâte de conclure le mariage. P. 228 à 231, 420, 421.
La cérémonie devait avoir lieu à Arras[284]; mais, devant l’insistance du roi, elle est fixée au lundi 17, à Amiens. P. 231, 232, 421, 422.
Après avoir échoué devant Ardembourg, Ackerman s’est retiré dans les Quatre-Métiers. Comptant ne pas être inquiété par l’armée française, qui s’apprête à passer en Écosse, il s’achemine, avec 7,000 hommes[285], vers Bruges[286], qu’il renonce à assiéger, le samedi 15 juillet. P. 232, 233, 422.
Le lendemain, il apprend par ses espions que Roger de Ghistelles, capitaine de Damme, est absent de sa ville. Il en profite pour donner l’assaut; Damme tombe en son pouvoir avec toutes les richesses qui y sont enfermées[287]. P. 233, 234, 422, 423.
Tous les hommes qui ne veulent pas se ranger du côté d’Ackerman sont mis à mort; les femmes sont épargnées. On se hâte de réparer les remparts de la ville, contre laquelle viennent escarmoucher les chevaliers de Bruges. P. 234, 235, 423.
Revenons au mariage du roi de France, qui a lieu le lundi, dans la cathédrale d’Amiens, en présence des trois duchesses de Hainaut, de Brabant et de Bourgogne, du duc Aubert, du duc Frédéric, de Guillaume de Hainaut, du duc de Bourgogne, de Jean de Bourgogne et d’une foule de barons et de chevaliers[288].
Les nouveaux mariés passent la nuit au palais de l’évêque.
On apprend le mardi matin la prise de Damme par Ackerman; cette triste nouvelle est bientôt effacée par une autre qui est plus agréable. Un messager vient annoncer, en effet, qu’en Poitou le duc de Bourbon, après s’être emparé de Taillebourg et de plusieurs autres forteresses anglaises[289], se dispose à mettre le siège devant Verteuil[290]. P. 235 à 237, 423, 424.
Le roi prend dès lors la résolution de reconquérir Damme et donne rendez-vous en Picardie à ses chevaliers et écuyers pour le 1er août. Guillaume de Hainaut, jeune bachelier, est heureux de prendre part à l’expédition qui s’apprête. P. 237, 238, 424.
Après les autres seigneurs, le roi quitte Amiens le 25 juillet avec le duc de Bourgogne, le Connétable, le sire de Couci et le comte de Saint-Pol et vient gîter à Arras[291]. Le lendemain, il couche à Lens, puis passe par Seclin pour se rendre à Lille. Le 1er août, il arrive devant Damme[292], où il est bientôt rejoint par Guillaume de Hainaut[293] et par les contingents de Bruges, d’Ypres et du Franc de Bruges, commandés par le seigneur de Sempi et le seigneur de Ghistelles. Le siège commence; l’armée royale compte 2,500 lances et plus de 100,000 hommes[294]. Mort du seigneur de Clari. P. 238, 239, 425.
Durant le siège, Guillaume de Hainaut est fait chevalier par le roi. Les pertes des Français sont assez nombreuses du fait des archers anglais et des canons de la ville[295].
Gérard de Marquillies, seigneur d’Herbaumés, capitaine de l’Écluse, vient rendre compte au roi d’un complot qu’il a déjoué ayant pour but de livrer la ville aux Gantois et de rompre les digues pour noyer l’armée. Les conspirateurs sont mis à mort[296].
Le duc de Bourgogne demande à son cousin Guillaume de Namur de lui céder la ville de l’Écluse en échange d’une autre terre en France ou en Artois. P. 239 à 241, 425, 426.
Ce projet, mis en avant par Gui de la Trémoïlle, ne sourit guère à Guillaume de Namur; mais, devant l’insistance du duc de Bourgogne, qui voudrait faire de l’Écluse un des plus beaux ports du monde pour être maître de la mer, il consent à échanger cette ville contre la seigneurie de Béthune[297]. Le duc de Bourgogne commence aussitôt à bâtir le château de l’Écluse[298]. P. 241, 242, 426.
Le siège de Damme continue[299], les assauts se multiplient, malgré le mauvais temps[300] et la maladie[301]. La tactique d’Ackerman est de soutenir le siège jusqu’à ce qu’il reçoive les secours du roi d’Angleterre; c’est en vain qu’il attend: l’expédition de Jean de Vienne en Écosse retient en Angleterre tous les chevaliers[302]. P. 243, 244, 427.
Au bout d’un mois, il se lasse d’attendre, et, sous prétexte de surprendre l’armée française, il sort un soir de la ville avec sa compagnie de Gantois et s’achemine au plus vite vers Gand[303]. Les capitaines de Damme s’aperçoivent bientôt de la fuite d’Ackerman et entrent en pourparlers avec les gens du roi. P. 244, 245, 427, 428.
Les Gantois qui veulent rejoindre Ackerman sont poursuivis, tués ou faits prisonniers[304]. Pendant ce temps, l’assaut est donné, et les Bretons et les Bourguignons entrent dans la ville. Dépités de ne pas y trouver le butin qu’ils espèrent, ils mettent le feu partout, malgré les ordres du roi et du duc de Bourgogne[305]. P. 245, 246, 428.
Après la prise de Damme, le roi se rend à Ertvelde[306], tout près de Gand, tandis que les gens d’armes, entrant sur le territoire des Quatre-Métiers, saccagent, pillent et brûlent les villages et les bourgs pour les punir de leur alliance avec les Gantois[307].
Cela fait, on doit se diriger sur Gavre, puis sur Gand. Mais, pendant le séjour du roi à Ertvelde, une ambassade hongroise, conduite par Jean, évêque de Warasdin, vient chercher le nouveau roi de Hongrie, Louis de Valois, frère du roi, qui vient d’épouser par procuration Marie de Hongrie[308]. On se hâte d’interrompre l’expédition pour rentrer à Paris. P. 246, 247, 428, 429.
Le 12 septembre, le roi quitte Ertvelde et licencie l’armée, sans faire le siège de Gand; il passe par Creil[309], où il rencontre la reine; il arrive enfin à Paris[310] et préside au départ de son frère Louis pour la Hongrie[311]. P. 247, 248, 429.
Le mariage fictif de Louis de Valois ne laisse pas de porter ombrage à l’empereur Wenceslas, qui, depuis longtemps[312], a jeté les yeux sur Marie de Hongrie pour en faire la femme de son frère Sigismond[313], marquis de Brandebourg. Soutenu par un parti assez important en Hongrie, il force par les armes la reine Élisabeth à lui donner en mariage sa fille, la reine Marie. P. 248 à 250, 429, 430.
Cette nouvelle parvient à Troyes au comte de Valois, qui, déjà, s’achemine vers son nouveau royaume[314]. Il retourne aussitôt à Paris, tandis que les ambassadeurs hongrois qui l’accompagnent se dirigent vers leur pays, tout surpris par ces événements[315]. On se console facilement de l’échec de ce mariage, en pensant combien lointaine est la Hongrie et combien préférable est une union avec l’héritière du seigneur de Milan, Valentine Visconti[316]. P. 250, 251, 430.
Pendant le siège de Damme, le duc de Bourbon, maître de nombreux forts en Poitou et en Limousin, s’arrête au siège de Verteuil[317], défendu par un Anglais, André Privart, et par un Gascon, Bertrand de Montrivet. Ce dernier est tué; la garnison attend encore quinze jours pour rendre la ville et se retire à Bouteville[318], dont Durandon de la Parade est devenu capitaine. Les Français réparent les fortifications de Verteuil, puis vont se reposer à Charroux[319], où se trouve une grosse abbaye. Le duc de Bourbon reste ensuite huit jours à Limoges, d’où il gagne Paris. P. 251 à 253, 430, 431.